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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 4 juin 2008

1ère séance
Séance de 15 heures
181ème séance de la session
Présidence de M. Bernard Accoyer

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La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié France-Irlande, conduite par M. O’Donoghue, président de la Chambre des représentants de la République d’Irlande (Mesdames et messieurs les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RESTRUCTURATIONS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Mme Patricia Adam – Ma question porte sur la révision générale des politiques publiques. Alors que, depuis des mois, élus locaux et parlementaires reçoivent la visite de militaires et de syndicats, c’est par voie de presse que nous apprenons la fermeture de sites. L’enjeu porte sur 45 000 emplois, 50 à 70 implantations militaires, plusieurs centres de la direction générale pour l’armement. Vous me répondrez que la défense n’est pas chargée d’aménager le territoire ; nous y sommes habitués : après les tribunaux, les hôpitaux, les brigades de gendarmerie, les commissariats, l’État, dans le plus grand mépris des élus et des populations, précipite la fermeture de classes et de commerces, fragilisant l’économie des territoires.

La méthode se caractérise par l’absence de transparence et de concertation, et, j’en ai peur, par la politique du guichet : ainsi, l’école de gendarmerie du Mans, ville socialiste, fermerait, et non celle de Châtellerault, ville Nouveau Centre, malgré un surcoût de 900 000 euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). De même, mon collègue Vidalies, invité par les syndicats du centre d’essais de Biscarosse, s’en est vu refuser l’entrée !

Quant au calendrier, il change souvent. Le Livre blanc devrait être présenté par M. Sarkozy le 17 juin. La RGPP serait reportée après le 14 ou le 21 juillet, voire au mois d’août. En ce qui concerne les moyens, la mission interministérielle de restructuration de la défense disparaît purement et simplement ; comment, dès lors, se fera le lien de la défense avec la recherche et l’économie ?

M. le Président – Veuillez poser votre question.

Mme Patricia Adam – Monsieur le ministre, quand viendrez-vous devant l'Assemblée nationale, et en particulier devant sa commission de la défense, exposer les restructurations auxquelles vous entendez procéder et les sites que vous avez l’intention de fermer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants – La concertation est en cours. Il n’y a jamais eu une concertation aussi importante que pour l’élaboration du Livre blanc et la restructuration (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Vous avez vous-même participé à la commission sur le Livre blanc, Madame la députée, et vous avez considéré qu’elle effectuait un travail sérieux et rigoureux, avant de la quitter pour des raisons politiciennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC) Vous ne pouvez donc pas nous reprocher de ne pas vous apporter de réponses avant que cette concertation arrive à son terme !

M. Morin s’est rendu devant les commissions parlementaires. Les députés ont pu consulter les documents qu’il a mis à leur disposition. Le document définitif sera présenté par le Premier ministre à l'Assemblée nationale avant la fin du mois de juin.

Que proposez-vous ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Faut-il, devant la nouvelle donne mondiale et l’apparition de nouvelles menaces, laisser notre appareil militaire en l’état ? (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Bruno Le Roux – Et la moralisation en Afrique, Monsieur Bockel ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État La restructuration de nos armées se fera à budget constant, ce qui veut dire que nous consacrerons des moyens à la modernisation des équipements, ainsi qu’à l’amélioration de la condition militaire et de la capacité opérationnelle de nos forces. Il y aura une concertation sur tous les sites concernés, avec une réponse territoire par territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

PRIX DU PÉTROLE

M. Yves Cochet – Les prix du pétrole ne cessent d’augmenter tendanciellement depuis dix ans, et cela s’accélère. Ceci n’est pas un simple choc pétrolier, mais un bouleversement de nos modes de production et de consommation. Ce phénomène touchera tous les secteurs d’activité sur tous les continents. Ce qui est en jeu, c’est un changement de civilisation.

Le phénomène est pour l’essentiel d’origine naturelle : 2008 est en effet l’année du pic mondial de production de pétrole. Il n’y a donc aucun espoir à avoir du côté de l’offre dans les années à venir. Tous les hommes politiques du monde n’y pourront rien, pas plus que les économistes. C’est du côté de la demande que l’on peut agir.

Si notre pays ne prend pas la mesure de l’urgence de la situation, si le Gouvernement ne lance pas un plan d’ensemble pour réduire les effets de l’immense crise qui s’annonce, ce sont les valeurs cardinales de notre société – la paix, la démocratie et la solidarité – qui seront menacées.

Vous n’avez pas de plan, nous avons des idées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Comme Roosevelt, après Pearl Harbour, comme Churchill, au sortir de la guerre, il faut favoriser une mobilisation générale de la société, avec, cette fois, un objectif de sobriété. Cessons de tergiverser, voici venue l’ère de la décroissance (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR ; protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Je propose donc trois mesures…

M. le président – Je vous remercie. La parole est à M. Luc Châtel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation (Protestations sur les bancs du groupe GDR).

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – C’est vrai, le prix du pétrole a doublé en un an, il a quadruplé depuis 2004, et le Gouvernement doit prendre des mesures structurelles pour faire face à cette situation. Pour autant, je ne partage pas vos propos pessimistes. Comme le Grenelle de l’environnement l’a démontré, il est possible de concilier la lutte contre le réchauffement climatique et la croissance économique.

Il est urgent d’apaiser l’inquiétude de nos concitoyens, causée par la hausse du cours du pétrole. Le Gouvernement agit en faveur des consommateurs les plus touchés : la prime à la cuve a doublé et atteindra 200 euros l’année prochaine ; un tarif social du gaz sera mis en place pour 800 000 foyers dès le mois de juillet. Les professionnels sont également concernés : Michel Barnier a élaboré un plan pour la pêche et Dominique Bussereau a pris contact ce matin avec les transporteurs routiers et les professionnels du pétrole.

Le Président de la République s’est engagé à ce que l’État ne s’enrichisse pas sur le dos des contribuables. Les recettes supplémentaires de TVA seront redistribuées, via un fonds, aux Français qui en ont le plus besoin. Nous travaillons actuellement à convaincre nos partenaires européens de la nécessité d’agir sur la fiscalité du pétrole. Enfin, il faut que chacun soit mis à contribution, y compris les compagnies pétrolières (Exclamations sur les bancs du groupe GDR). M. de Margerie a indiqué ce matin à la commission des affaires économiques de votre assemblée qu’il était favorable à un geste en ce sens.

Lorsque vous étiez au Gouvernement, Monsieur Cochet, vous avez en effet eu deux idées : augmenter la taxe sur le gasoil et mettre en place la TIPP flottante, qui a coulé (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le président – J’appelle chacun au respect de son temps de parole.

À défaut, les questions ne pourront pas être toutes posées.

SITUATION FINANCIÈRE DES HÔPITAUX

M. Olivier Jardé – J’associe à cette question mon collègue Jean-Luc Préel. Les hôpitaux publics – dans lesquels les Français ont une grande confiance – connaissent des problèmes financiers importants. La T2A aggrave les déficits et les EPRD provoquent des déficits majorés.

Avec 70 % des coûts dédiés au personnel, l’usage de médicaments d’exception, des frais liés aux assurances et un budget consacré à l’énergie qui sont en forte croissance, le déficit prévisible des hôpitaux publics atteint 800 millions d’euros. 20 000 emplois sont à terme menacés : à Amiens, 200 personnes sont actuellement concernées.

Il ne suffit pas de licencier ou de révoquer des directeurs d’hôpitaux. Madame la ministre de la santé, que comptez-vous faire pour sauver l’hôpital public ? Envisagez-vous une résorption de sa dette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre)

M. Maxime Gremetz – Très bien !

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative  Dans un hôpital public, la situation de déficit est anormale et menace la pérennité de l’établissement. Le retour à l’équilibre est possible.

Alors que les dépenses hospitalières françaises sont les plus élevées au monde, nous avons fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale un objectif d’augmentation des dépenses de 3,2 %, soit deux fois plus que la croissance de la richesse nationale. Par ailleurs, il convient de ramener le déficit des hôpitaux publics – évalué à 500 millions à la fin de 2007 – au total des dépenses hospitalières financées par la sécurité sociale – 55 milliards –, soit 1 %.

Le déficit n’est pas une fatalité. Certains hôpitaux sont à l’équilibre, comme celui d’Aubenas, quand d’autres, fonctionnant avec le même budget et les mêmes structures, sont en déficit, comme celui de Senlis. La T2A, qui est une manière juste de rémunérer l’activité de l’hôpital, n’est donc pas en cause (« Si ! »sur les bancs du groupe SRC).

Nous avons pris des mesures transitoires pour accompagner les hôpitaux dans le passage à la T2A. Par ailleurs, j’ai annoncé qu’il serait désormais tenu compte de la situation de précarité des malades et que les cas les plus lourds seraient rémunérés différemment. Des contrats de retour à l’équilibre seront passés avec les hôpitaux publics. Je les aiderai, en collaboration avec vous !

LOI DE MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE – PME

M. Nicolas Forissier – Le projet de loi de modernisation de l’économie, qui a fait l’objet de nombreuses concertations en amont, est un texte important pour les entrepreneurs (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). La moitié des articles portent sur les petites et moyennes entreprises et concernent la création, la transmission – 700 000 d’entre elles changeront de main dans les dix prochaines années – et le financement – important pour amorcer l’activité.

Les mesures que vous proposez, parfois techniques mais toujours pragmatiques, vont permettre de développer la croissance et l’emploi.

Les commissions de l’Assemblée ont beaucoup travaillé sur ce texte et ont proposé des amendements importants. Le Gouvernement compte-t-il les suivre ? Et qu’en est-il des sujets non traités, comme la situation de l’entreprise individuelle, qu’il va falloir aborder dans d’autres textes ? En travaillant pour le développement des entreprises, Monsieur le ministre, nous œuvrons ensemble pour l’emploi et pour notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Je voudrais d’abord féliciter les députés pour le travail qu’ils ont accompli sur le titre premier de cette loi. Le Gouvernement compte bien sûr conserver l’attitude ouverte et de concertation qui s’impose sur de tels sujets. Vous avez cité des problèmes récurrents dans notre pays et que nous voulons sur tous les bancs, depuis des années, tenter de résoudre.

M. Patrick Roy – Ça fait six ans…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Pour ce qui est de la création d’entreprise, il faut savoir que 320 000 entreprises ont été créées en 2007, mais nous allons faire beaucoup mieux en permettant à tous les Français, y compris les salariés ou les retraités, de démarrer une activité pour compléter leur revenu. Je fonde beaucoup d’espoir sur ce statut de l’auto-entrepreneur. En ce qui concerne le financement, nous allons régler une fois pour toutes le problème des délais de paiement, qui pèsent sur la trésorerie des petites et moyennes entreprises, et geler les effets financiers des fameux seuils qui brident leur développement. Enfin, nous allons nous atteler au problème majeur de la transmission des PME. Vous le voyez, notre ambition est grande et elle grandit encore avec la collaboration du Parlement (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

DÉMOCRATIE SOCIALE

M. Alain Vidalies – La déclaration commune signée par la CGT, la CFDT et le MEDEF marquait une avancée importante dans la construction d'une véritable démocratie sociale. Or, le projet de loi soumis aux partenaires sociaux dénature complètement cet accord et aboutit à démanteler des pans entiers du code du travail. Sous couvert de « sortir du carcan des 35 heures » il remet en cause des dispositions qui figurent dans notre contrat social, certaines depuis 1936 ! Comment justifier les atteintes au principe du repos compensateur, indispensable à la protection de la santé des travailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Comment accepter qu’avec l'extension des forfaits jours ou heures les salariés travaillent 13 heures par jour ou 48 heures par semaine, le maximum permis par le droit européen ? Vous lancez une compétition de moins disant social entre les entreprises, dont les salariés feront les frais.

C’est un exploit rare que de transformer un accord en crise sociale majeure. Les syndicats signataires, qui étaient autour de la table des négociations, sont maintenant dans la rue. La concertation que vous prétendez promouvoir est une confrontation. Vous vous apprêtez à être les fossoyeurs de la démocratie sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Croyez-vous que les partenaires sociaux accepteront de négocier, dorénavant, sachant le Gouvernement capable de bafouer les résultats de la négociation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

Monsieur le Premier ministre, comprenez-vous la gravité de la situation ? Comprenez-vous que le respect des partenaires sociaux, que notre contrat social exigent l'abandon de ces dispositions, au risque d'une crise sociale majeure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. le Président – La parole est à M. Xavier Bertrand.

Plusieurs députés du groupe SRC – Le chouchou ! Le chouchou !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité – Vous venez de faire la preuve, encore une fois, Monsieur Vidalies, que dialogue social ne rime pas avec socialisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe SRC) comme cela était apparu de façon flagrante au moment des 35 heures imposées. Mais du reste, Monsieur Vidalies, êtes-vous de ceux, au parti socialiste, qui défendent Mme Aubry, ou qui la critiquent ? Êtes-vous de ceux qui sont pour la généralisation des 35 heures ou pour le statu quo ? Les Français ont besoin de savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) C’est difficile de ne jamais savoir ce que vous pensez, on peut en arriver à croire que vous n’avez pas d’idées du tout !

Ce que nous voulons, pour notre part, c’est garder une durée légale du travail de 35 heures pour mieux payer les heures supplémentaires – dont vous ne vouliez pas et dont 5 millions de Français profitent aujourd’hui. Nous voulons qu’une entreprise puisse conserver les 35 heures si cela lui convient, mais qu’elle puisse travailler davantage si cela la bloque, avec cette garantie fondamentale que ce sont les salariés et les entrepreneurs qui le décideront, par des accords majoritaires. La vérité, c’est que nous faisons confiance à la démocratie sociale et pas vous ! Sur le fond, nous avons toujours été clairs : nous ne voulons plus du statu quo sur ce carcan des 35 heures qui ont fait du mal à l’économie française, bloqué les salaires et détérioré les conditions de travail. Nous voulons de la souplesse, mais une souplesse négociée. En dix ans, vous n’avez pas changé : vous pratiquez toujours l’idéologie. Nous, nous sommes pragmatiques. C’est la différence (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC ; huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

DURÉE DE L’ANNÉE SCOLAIRE

Mme Françoise Guégot – Dans quelques jours, 615 000 élèves de terminale et 483 000 élèves de première vont passer les épreuves du baccalauréat, dont nous fêtons cette année le bicentenaire. Le baccalauréat est un examen important qui marque la fin de l'enseignement secondaire et l’entrée dans l'enseignement supérieur. Ce n’est pas seulement le premier grade universitaire mais aussi un rite de passage dans l'âge adulte, un symbole des progrès de notre système éducatif, un pilier de la cohésion nationale.

Mais que le baccalauréat se déroule dans de bonnes conditions ne justifie pas que les lycéens perdent chaque année un mois de cours. Or, l’organisation compliquée de l’examen aboutit à interrompre les enseignements dans les établissements dès la fin du mois de mai. Une expérimentation sur ce que vous avez appelé, Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la « reconquête du mois de juin » a été lancée dans quinze départements, dont celui de la Seine-maritime. Comment comptez-vous assurer une pleine année scolaire aux élèves ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Qu’il me soit permis tout d’abord de rappeler un chiffre…

M. Patrick Roy – Moins 11 200 postes !

M. Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale – Un mois au lycée – y compris celui de juin –, cela représente une dépense publique d’un milliard d’euros et il n’y a aucune raison pour que ces ressources ne soient pas utilisées pour permettre aux élèves et aux professeurs d’achever le programme. De même, il n’est plus acceptable que les établissements soient systématiquement perturbés par l’organisation des examens. C’est du reste un vieux sujet, puisque l’un de mes lointains prédécesseurs, Lucien Paye, avait pris une circulaire en 1961 pour demander que les examens soient organisés dans des locaux extérieurs et que les épreuves soient surveillées par des personnels non enseignants.

Près de cinquante ans plus tard, le rythme des réformes s’étant un peu accéléré sous la présidence de M. Sarkozy par rapport aux années 1960, nous expérimentons ce système. Dans tous les lycées de France, les épreuves ont été repoussées d’une semaine, de même que les conseils de classe et d’orientation. Ainsi, les élèves restent mobilisés du fait qu’ils ne connaissent pas leur sort pour l’année suivante.

Dans quinze départements, nous expérimentons un dispositif permettant d’utiliser à plein le mois de juin : les épreuves se déroulent hors des lieux d’enseignement et ne sont pas surveillées par des professeurs. Quant aux correcteurs, ils se voient proposer une rémunération bien plus attrayante, puisqu’elle passe d’un peu plus d’un euro par copie à cinq euros. Enfin, je rends hommage aux gestionnaires qui se sont donné beaucoup de mal pour que l’expérience réussisse ; ils recevront une prime augmentée de 100 %.

Avec ces mesures, nous prouvons que l’on peut gagner du temps scolaire et réformer à moyens constants. J’imagine que les gardiens du statu quo protesteront, mais j’estime que nous apportons une solution simple, pratique et qui profite à tout le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

HEURES SUPPLÉMENTAIRES

M. Christian Ménard – Face à la crise financière mondiale, la France se révèle moins touchée que les autres pays européens (Interruptions sur les bancs du groupe GDR). Elle le doit à la loi TEPA, votée il y a déjà un an et qui profite essentiellement aux salariés les plus modestes, contrairement à ce que prétend l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Grâce à elle, les particuliers bénéficient d’une exonération d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d’emprunt pour l'achat de leur premier logement et les étudiants de l'exonération d'impôt sur le revenu lorsqu'ils travaillent pendant les vacances. Surtout, les salariés bénéficient désormais d’une exonération d'impôt et de charges sur les heures supplémentaires et il est patent que cette mesure profite essentiellement aux plus bas salaires.

Ce dispositif, qui a permis à la consommation française de se maintenir à un niveau élevé en février, concrétise la promesse du Président de la République durant la campagne présidentielle : « Travailler plus pour gagner plus ». Il rencontre, comme nous le constatons tous dans nos circonscriptions, un grand succès (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, pouvez-vous nous confirmer qu’il concerne bien des millions de Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – La politique du Gouvernement est claire : elle consiste à encourager le travail et non à le partager. En effet, le travail n’est pas une denrée rare dont il faudrait gérer la pénurie. Ce qu’il faut faire, c’est inciter nos concitoyens à travailler plus en les rémunérant mieux. C’est tout l’enjeu de la défiscalisation des heures supplémentaires, telle que vous l’avez votée dans la loi TEPA, et le succès de ce dispositif est éclatant puisque 5,5 millions de Français en bénéficient, soit un tiers des salariés. Quatre heures de plus par semaine procurent, à la fin de l’année, deux mois de salaire supplémentaires nets d’impôts et de charges. Cela constitue par conséquent une vraie réponse en matière de pouvoir d’achat. 59 % des entreprises de plus de dix salariés y ont désormais recours, et la proportion augmente chaque mois. Ce sont les salariés les plus modestes qui en bénéficient – notamment les jeunes de moins de 25 ans et les ouvriers – dans les secteurs qui ont le plus besoin de main d’œuvre, comme le BTP, la construction et l’industrie.

La défiscalisation des heures supplémentaires illustre notre politique économique : c’est le travail qui crée le travail ; c’est le travail qui crée la croissance et c’est la croissance qui permet de distribuer du pouvoir d’achat (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

AVENIR DU SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL

M. Michel Françaix – À la demande du Président de la République, la commission Copé travaille depuis quelques semaines sur l’avenir de la télévision publique. Les socialistes en ont démissionné aujourd’hui…

M. Richard Mallié – On s’en fout !

M. Michel Françaix – …car les dés étaient pipés. Un peu naïvement sans doute, je croyais que notre réflexion portait prioritairement sur le sous financement chronique de la télévision publique – au bas mot 300 millions –, la création, l’indépendance, le pluralisme, le caractère fédérateur d’un service public fort, les contenus, le « global media » et autres sujets potentiellement consensuels.

M. Jean-François Copé – Mais oui !

M. Michel Françaix – Les propos du Président de la République nous ont fait comprendre que nous étions sommés de tuer France Télévisions plutôt que de trouver des moyens de la guérir ! Le service public sera en effet privé des 900 millions de recettes publicitaires, qu’il n’est pas prévu de compenser par une hausse de la redevance – et il est heureux de constater au passage que le Président de la République semble enfin prendre acte de la baisse du pouvoir d’achat des Français. Le manque à gagner ne sera pas davantage comblé par l’addition de nouvelles taxes, petit rafistolage qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient que la suppression définitive de la publicité dans l’audiovisuel public, au profit des chaînes privées avec une deuxième coupure au sein des programmes, est une fausse bonne idée ?

M. Pierre Lellouche – Vous y étiez pourtant favorable !

M. Michel Françaix – Au-delà de la télévision, la presse écrite elle-même sera affectée par cette décision : le tiroir-caisse pour les uns, le tocsin pour les autres !

Et ce n’est pas la méthode « Coué-Copé », pour habile qu’elle soit, qui nous permettra d’avancer sur l’avenir de la télévision publique et de la création. Le sort des producteurs, des scénaristes et des salariés de France Télévisions vaut mieux que les mouvements d’humeur du Président de la République vis-à-vis du président Copé ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Ne comptez pas sur nous pour affaiblir le service public de l’audiovisuel. Ne comptez pas sur nous pour accélérer la « Berlusconisation » des esprits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication – Depuis le mois de février, la commission Copé a accompli un travail formidable ! (Exclamations) Elle s’est penchée sur les contenus et a formulé des propositions intéressantes : suppression partielle de la publicité, création d’une nouvelle structure à l’image de Radio France, avec des antennes clairement identifiées, pistes de financement. Sur ce dernier point, il apparaît que les 450 millions nécessaires pour compenser la perte des recettes publicitaires peuvent être trouvés et le seront. Notre volonté n’est pas d’affaiblir l’audiovisuel public mais, au contraire, d’affirmer son identité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Les pistes de financement sont désormais connues : un petit prélèvement sur les TELCO et la taxation des chaînes privées qui bénéficient des transferts. Quant à l’augmentation de la redevance, chacun sait que si les professionnels y sont favorables, les Français, eux, sont résolument contre…

M. Jean-François Copé – Elle a raison !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture – C’est de cet état de fait que le Président de la République a pris acte (Interruptions sur les bancs du groupe SRC).

Il convient que les transferts puissent s’effectuer vers les chaînes privées, celles de la TNT, la radio et la presse écrite. D’où la nécessité d’ouvrir de nouvelles fenêtres dans le cadre de la transposition de la directive.

Il nous faut un audiovisuel public fort, à l’identité bien marquée, ainsi qu’un audiovisuel privé qui se porte bien pour pouvoir soutenir notre création et notre production. Je regrette que vous ayez quitté la commission Copé pour de mauvaises raisons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PÊCHE

Mme Arlette Franco – Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, le secteur de la pêche connaît actuellement des difficultés dans l’Europe entière en raison de la hausse du prix du gazole mais aussi du prix de vente du poisson, très élevé pour les consommateurs alors même que le revenu des pêcheurs demeure faible.

J’associe à ma question mes collègues Jacques Domergue, Marie-Hélène des Esgaulx et Gilles d’Etorre, comme moi en permanence aux côtés des pêcheurs. Les mesures d’urgence et le plan pêche que vous avez proposés, Monsieur le ministre, ont été un exemple pour votre homologue espagnol. Et le commissaire européen chargé du dossier tient compte aujourd’hui du travail que vous avez tous deux effectué en complémentarité s’agissant de la reconversion de la flotte et de l’organisation de la pêche en Méditerranée. Votre démarche satisfait à la double exigence de la préservation des espèces et du besoin d’une consommation de qualité, en particulier pour le thon rouge.

Monsieur le ministre, vous qui avez transformé les différends existant parfois entre l’Espagne, l’Italie et la France en une coopération efficace et reconnue, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour permettre, durant la présidence française de l’Union, l’harmonisation et l’application des directives européennes face au pillage des ressources et à la pêche illicite ? Comment enfin pensez-vous inclure dans l’Union pour la Méditerranée ce volet essentiel pour l’environnement, l’alimentation et la santé, et établir des contrats entre les pays de l’Union européenne et l’ensemble des riverains de la Méditerranée pour que soient respectés les quotas, abordés les problèmes de l’élevage mais aussi de la survie de nos zones de pêche, donc de la pérennité de l’activité de pêche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche  Nous croyons à l’avenir de la pêche française en dépit des difficultés qu’elle connaît actuellement. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement a mis en œuvre un plan de soutien de 310 millions d’euros sur deux ans au lieu de trois, ainsi qu’un plan de soutien social en faveur des marins pêcheurs dont le revenu souffre de l’envolée du prix du gazole.

Mais nous croyons aussi, comme vous, à l’avenir d’une pêche européenne. C’est pourquoi nous travaillons dans le cadre d’une politique communautaire de la pêche qu’il faut adapter à la fois à la fragilité de la ressource halieutique et à un contexte économique nouveau. Lors de la présidence française de l’Union, nous allons essayer, avec mes collègues, de convaincre la Commission d’adapter cette politique sur plusieurs points. Tout d’abord, relever le plafond des aides économiques à la flotte, aujourd’hui trop bas. En deuxième lieu, créer un nouveau fonds d’intervention pour tenir compte du prix du gazole. Ensuite, engager un programme de soutien aux bateaux neufs, plus sûrs et plus économes en énergie. Enfin, moderniser la politique de gestion des quotas.

Un député du groupe SRC – Il faut les supprimer !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture – Non, car nous en avons besoin. Mais il faut pouvoir les gérer de façon pluriannuelle, en s’efforçant de rapprocher les points de vue des marins pêcheurs et des scientifiques. Nous entendons aussi nous unir pour lutter avec intransigeance contre toutes les formes de pêche illicite, en Méditerranée comme ailleurs. Les deux rives de la Méditerranée n’ont aucune raison d’être indifférentes l’une à l’autre – d’où d’ailleurs ce grand projet d’Union pour la Méditerranée voulu par le Président de la République. Au contraire, elles doivent œuvrer ensemble car cette mer leur est commune (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONVENTION SUR LES BOMBES À SOUS-MUNITIONS

Mme Françoise Hostalier – Monsieur le ministre des affaires étrangères, j’associe à ma question mon collègue Etienne Pinte qui s'est beaucoup impliqué pour l'éradication des bombes à sous-munitions ainsi que tous les collègues qui ont participé à ce combat.

La guerre, quelle qu'elle soit, est toujours un drame humanitaire. Si les souffrances, des combattants comme des populations civiles, commencent lors du conflit, elles se prolongent trop souvent au-delà, parce qu'il reste sur le terrain des engins aussi monstrueux que les mines anti-personnel et les bombes à sous-munitions qui tuent et mutilent, essentiellement les enfants.

Le 19 mai, s'est ouverte à Dublin la dernière des conférences du processus ouvert à Oslo en février 2007 sur les bombes à sous-munitions. Il aura fallu cinq rencontres internationales auxquelles auront finalement participé plus de 155 pays pour aboutir à un texte au total inespéré. Pour avoir participé à la dernière semaine des travaux de Dublin, dans le cadre de la Cluster Munition Coalition, j'ai pu mesurer la difficulté de tenir compte à la fois des impératifs humanitaires et militaires – qu'il ne faut évidemment pas nier –, ainsi que celle de concilier les approches, parfois totalement contradictoires, de tous les pays engagés. Puis, ô miracle, mercredi dernier dans une magnifique volonté d'aboutir, très marquée pour la France mais aussi la Grande-Bretagne, un texte a finalement été adopté. Je tiens à saluer ici la qualité du travail de la délégation française et celui des ONG, notamment de Handicap international, qui a su sans relâche maintenir le lien entre des intérêts divergents.

Mais l'adoption d'un texte n'est qu'une étape. Un long chemin reste encore à parcourir. Je ne doute pas que la France signera ce traité le 2 décembre prochain à Oslo. Mais que compte faire le Gouvernement pour le ratifier au plus vite et adapter notre législation pour qu’il entre en application ? Alors que la France va prendre en juillet la présidence de l'Union européenne et qu’aucun des 27 États membres ne doit manquer à l'appel de la signature de ce traité, comment pensez-vous y parvenir ? Enfin, les plus grandes puissances militaires, parmi lesquelles les États-Unis, la Chine, la Russie et l’Inde n'ayant pas participé au processus d'Oslo, que comptez-vous faire pour les convaincre de nous rejoindre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes  Vous étiez à Dublin, Madame la députée. Vous savez donc encore mieux que moi les difficultés qu’il a fallu surmonter. La France était depuis plusieurs années à l’avant-garde de ce projet d’interdiction d’utilisation et de fabrication des bombes à sous-munitions. Cent onze pays, dont la totalité des pays de l’Union européenne, ont accepté ce projet de traité. Celui-ci sera soumis à signature en décembre prochain à Oslo. Je serai très fier d’être, au nom de la France, parmi les premiers à le signer. Pour ce qui est des pays qui ont refusé de participer au processus d’Oslo, il nous faut bien sûr essayer de les convaincre. L’une des meilleures façons d’y parvenir est, comme nous l’avons fait à Dublin, le ministre de la défense, l’armée française et l’ensemble du Gouvernement, de décider de retirer par avance de notre propre arsenal militaire les bombes à sous-munitions, dites bombes M 26. Soyez en tout cas assurée que notre détermination à les convaincre est totale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

ACTION DE GROUPE

M. Jérôme Cahuzac – Ma question s’adressait initialement à Mme la ministre de l’économie, qui m’a courtoisement fait savoir qu’elle serait empêchée. C’est donc à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation que je demanderai quelle est la position exacte du Gouvernement sur la possibilité pour les consommateurs d’introduire une action en justice collective s’ils s’estiment victimes d’un processus industriel fautif. Si Mme Lagarde est notoirement hostile à l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, vous avez, aujourd’hui encore, fait connaître votre assentiment, Monsieur Chatel. Qu’en déduire ? Le Gouvernement est-il ou n’est-il pas favorable à l’instauration de l’action de groupe ? Est-il ou n’est-il pas favorable à ce que tout consommateur puisse y avoir recours, et non seulement quelques associations ? Est-il ou n’est-il pas favorable à ce que tous les domaines soient couverts, y compris celui de la santé ? Nous savons que certains membres du Gouvernement y sont résolument opposés ; pour notre part, nous ne voyons pas pourquoi ce secteur serait exclu du dispositif général. Le Gouvernement est-il ou n’est-il pas favorable à ce que les indemnités soient non pas forfaitaires, mais décidées par un juge en fonction du préjudice subi ? Est-il ou n’est-il pas favorable à ce que l’action de groupe soit réservée aux consommateurs, et non aux actionnaires, dont on conviendra que les préoccupations sont bien différentes ?

Dans un amendement au projet de loi de modernisation de l’économie actuellement en discussion, nous présenterons un amendement par lequel nous proposons d’introduire l’action de groupe dans le droit français. Le Gouvernement l’acceptera-t-il ? En recommandera-t-il l’adoption par l’Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR)

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation – Le Gouvernement a beaucoup fait pour la protection des consommateurs – en plafonnant les frais bancaires ; en rendant obligatoire l’envoi par les banques d’un relevé annuel de frais ; en renforçant la protection des clients des opérateurs de téléphonie mobile, d’accès à l’Internet et de vente à distance.

J’en viens à l’action de groupe. La DGCCRF signale l’augmentation des litiges de masse et des plaintes qui s’ensuivent. D’autre part, la multiplication des offres fait que l’on souscrit facilement une multitude d’abonnements, mais que le service après-vente n’est pas toujours à la hauteur des attentes. Enfin, en l’état actuel de notre droit, il n’est pas facile de porter plainte pour un litige avec un opérateur de téléphonie portant sur 15 euros. Dans ce contexte, le Gouvernement est favorable à l’instauration d’un dispositif d’action de groupe, ainsi conçu qu’il concilie protection du consommateur et liberté d’entreprendre. Alors que nous faisons tout pour faire sauter les verrous qui brident notre économie, il ne saurait être question d’adopter un système semblable à celui qui existe aux États-Unis et qui fait peser sur les entreprises des contraintes supplémentaires.

Je sais que plusieurs parlementaires dont M. Charié, votre rapporteur, et M. Lefebvre ont déposé des amendements au projet de loi de modernisation de l’économie qui tendent à introduire l’action de groupe en droit français. Mme Lagarde, Mme Dati (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et moi-même élaborons un dispositif que nous vous proposerons dans un projet de loi spécifique, car il nous reste du chemin à parcourir pour trouver un équilibre satisfaisant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

PLAN CAMPUS

M. Jean Tiberi – Il y a une semaine, vous avez, Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dit quels sont les six premiers sites universitaires retenus dans le cadre de l'opération Campus. Ce programme offrant cinq milliards à dix sites universitaires pour devenir des sites d'excellence, on comprend l'engouement des nombreuses universités candidates et leur attente. Les universités de Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Lyon, Grenoble et Strasbourg ont été sélectionnées après qu'un jury s’est prononcé sur la qualité des dossiers. Si j'ai bien compris, il s'agissait d'une première vague de sélection ; on attend donc les résultats de la seconde. Afin de mieux mesurer les chances des sites qui, comme à Paris et notamment au Quartier Latin, n’ont pas été retenus au cours de la première vague de sélection, pouvez-vous nous éclairer sur les choix déjà faits et nous dire selon quels critères seront sélectionnés les quatre sites restants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – L’opération Campus est une première à la fois par la méthode retenue – un concours, et un jury international indépendant rendant des avis publics motivés – et par son ampleur, jamais vue puisque, comme le Président de la République s’y était engagé, cinq milliards de crédits seront alloués à dix sites universitaires. Les six projets sélectionnés concernent dix-neuf universités, 340 000 étudiants et 15 000 chercheurs. Je comprends la déception des universités qui n’ont pas été retenues mais je tiens à les rassurer : les engagements pris par l’État dans les contrats d’objectifs des universités seront intégralement tenus (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) et toutes les situations préoccupantes seront réglées d’ici à 2012, car l’opération Campus dynamisera l’ensemble de nos universités.

À la surprise générale, le jury n’a retenu aucune université de Paris ni d’Île-de-France. Les universités parisiennes partaient avec plusieurs handicaps : leur situation immobilière est particulièrement embrouillée, on constate une absence de coordination des projets, notamment pour ce qui concerne la vie étudiante ; enfin, l’engagement des collectivités locales est malheureusement insuffisant (Huées sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Il faut y voir clair. C’est pourquoi je lancerai dès cet été un audit de l’immobilier universitaire. Pour autant, les universités parisiennes, qui concentrent 25 % des étudiants et 40 % de la recherche publique conservent des atouts et un potentiel exceptionnels. Aussi, rien n’est joué si les collectivités – mieux vaut tard que jamais – s’impliquent davantage (Vives protestations sur les mêmes bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de Mme Génisson.

PRÉSIDENCE de Mme Catherine GÉNISSON
vice-présidente

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

M. François Brottes – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, de notre Règlement. Lors des questions au Gouvernement, M. Chatel vient de tenir des propos qu’il est essentiel de clarifier pour le bon déroulement de nos travaux. Si j’ai bien compris, à ses yeux, on entraverait la croissance en accordant de nouveaux droits aux consommateurs – ce qui explique son opposition à l’action de groupe – ou en maintenant les seuils actuels de représentation syndicale. Ces propos sont extrêmement inquiétants. Si nous avons mal compris, donnez-nous quelques éclaircissements ; cela évitera des polémiques inutiles !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Alors que nous abordons le titre I, consacré à l’entreprise et aux entrepreneurs, je souhaite vous préciser brièvement la manière dont je conçois notre travail commun. Je suis particulièrement heureux de défendre, au nom du Gouvernement, ce volet du texte, qui prolonge un processus de reconnaissance par la société de l’apport des entrepreneurs à la croissance. Entamé avec la loi dite Madelin dans les années 1990, ce processus s’est poursuivi en 2003, avec la loi Dutreil pour l’initiative économique, puis en 2005, grâce à la loi dite Jacob-Dutreil en faveur des PME. Ces lois, à l’élaboration desquelles j’ai été étroitement associé, avec d’autres, ont permis de rompre avec des conceptions caduques ; tel est également l’objet du présent texte.

Je tiens à saluer le travail fourni depuis de nombreuses années par votre rapporteur…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – Merci !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – …ainsi que par M. Forissier et par Mme Vautrin, rapporteure de la loi pour l’initiative économique.

Mme Catherine Vautrin – Merci !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Quant à M. Ciotti, il a beaucoup amélioré notre projet afin de faire bénéficier les entreprises de la simplification du droit des sociétés. Enfin, je me garderai d’oublier le président Ollier (Sourires), avec qui j’ai longuement réfléchi aux moyens de favoriser le développement des entreprises en levant les obstacles qui l’entravent.

L’entrepreneur, dans notre pays, est trop souvent découragé par les contraintes, alors que la France a besoin de lui. Sans entreprises, pas de croissance, pas d’emplois, pas de cotisations, pas d’impôts…

M. Patrick Roy – Sans salariés non plus !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État …, donc pas de protection sociale. Sans entreprises, pas d’économie de marché, pas d’économie sociale non plus.

Si la place de l’entreprise est insuffisamment reconnue dans notre pays, c’est encore plus vrai pour les PME, dont notre économie dépend pourtant beaucoup : 65 % des salariés sont employés dans des PME ou des TPE. Depuis vingt ans, ces entreprises ont créé plus de deux millions d’emplois. Elles sont également les principaux artisans de l’animation de nos territoires. Elles ont été trop longtemps maltraitées. Le modèle de ces cinquante ou soixante dernières années était celui de la grande entreprise, champion national. La faiblesse de l’économie française est avant tout aujourd’hui liée au déficit d’entreprises moyennes. Si nos entreprises sont un peu plus nombreuses qu’en Allemagne, nous avons toutefois deux fois moins de PME.

Le titre I du projet de loi rompt avec cette approche. Couvrant toutes les étapes de la vie d’une entreprise, il vise à insuffler un esprit entrepreneurial en France, avec des mesures concernant le statut de l’auto-entrepreneur, les simplifications administratives, le gel des seuils sociaux pour ce qui est de leurs conséquences financières – j’insiste, Monsieur Brottes : il ne s’agit que des conséquences financières et non des effets sociaux –, le financement des PME, les délais de paiement, la transmission d’entreprises…

Ce projet jette les bases d’une économie plus dynamique et mieux à même de nous permettre de récolter les fruits de la croissance mondiale. Le titre I est un texte de rupture, qui crée un cadre simple, transparent, accompagnant l’entreprise durant toute sa vie. Il vise à rendre plus libre, non à contraindre ; il est à l’opposé d’une logique d’assistanat. Sur tous les bancs, il a recueilli l’assentiment de nombre d’entre vous.

M. François Brottes – Vous nous avez mal écoutés !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État La concertation avec les partenaires sociaux a été menée. Nous allons poursuivre nos débats dans cet hémicycle en ayant à l’esprit la condition des petits entrepreneurs, des artisans, des commerçants, de ces millions de Français sans qui notre économie n’existerait pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

Mme la Présidente – Nous en arrivons à la discussion des articles.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Daniel Paul – Nous avions souligné, lors de la discussion de la loi Chatel, qu’un gouvernement dispose de deux leviers pour agir sur le pouvoir d’achat : les prix et les salaires. Or, les salaires stagnent ; notre pays est même devenu un pays à bas salaires. La précarité salariale s’accroît aussi, avec le développement du travail précaire et du temps partiel. Le plus souvent, ces emplois sont subis et non choisis, et ne permettent pas toujours d’assurer la satisfaction des besoins élémentaires. Le moindre accident de parcours se traduit pour ces familles par l’enclenchement de la spirale de l’endettement. Il se produit aussi un phénomène de précarisation des classes moyennes, qui doivent faire face à une augmentation des dépenses courantes, comme l’énergie, dont les prix ont connu une croissance exponentielle ces derniers temps. Alors que le Gouvernement nous explique, depuis des mois, qu’un euro fort nous protégerait, la facture de nos importations s’alourdit à son tour, cependant que l’euro fort pénalise nos exportations : c’est perdre sur les deux tableaux.

Face à cette situation, quelles sont vos réponses ? Le Gouvernement a proposé, dans la loi TEPA, le recours aux heures supplémentaires, à condition que les entreprises les proposent, car ce sont toujours les patrons qui décident…

M. Patrick Roy – Eh oui !

M. Daniel Paul – Ce à quoi vous ajoutez à présent la possibilité de compléter son salaire ou sa retraite par une activité indépendante : après le « tous propriétaires », voici le « tous patrons » !

L’amendement 732 demande au Gouvernement d’organiser un Grenelle des salaires entre les syndicats, le patronat et l’État, qui devra se conclure par la négociation d’accords de branche et d’entreprise avant le 1er novembre 2008. Face à l’augmentation des prix, la stagnation des salaires et pensions est perçue comme une insulte à la dignité des salariés et retraités, alors que les profits d’une minorité montrent bien qu’une autre répartition des richesses est possible.

M. Roland Muzeau – Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Comme il me semblait que défendre un amendement devait être plus rapide que cela, j’ai cru que notre collègue avait pris la parole sur l’article premier.

Monsieur le ministre, nous avons acté que tous les amendements qui concernent la loi de finances seraient traités en loi de finances, et que tous ceux portant réforme du code du travail seraient également traités dans un autre cadre. En sachant que nous avons, les uns et les autres, pris des engagements clairs en faveur de la négociation des partenaires sociaux…

M. Jean Gaubert – Il faudrait le dire à M. Bertrand !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – …, le législateur n’est appelé à intervenir que si les partenaires ne parviennent pas à un accord, ou bien dans le cas où un accord serait totalement contraire à la volonté de la majorité.

En ce qui concerne le « Grenelle » demandé par l’amendement, je remercie ses auteurs de rendre hommage à une initiative de la majorité. Cependant, il ne peut y avoir des Grenelle sur tous les sujets. Compte tenu de tout ce que j’ai dit précédemment, la commission a émis un avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Le Gouvernement est d’accord avec vous, Monsieur Paul, sur l’importance du pouvoir d’achat, et il ne reste pas inactif en matière de rémunération. Le 23 octobre, Mme Lagarde a tenu une conférence avec les partenaires sociaux sur l’emploi et le pouvoir d’achat, à l’issue de laquelle il a été décidé d’organiser une consultation sur le conditionnement des allégements de cotisations sociales à la tenue de négociations sur les salaires. Le projet envisagé prévoit une perte de 10 % des allégements pour les entreprises qui refuseraient d’ouvrir des négociations salariales. En outre, dans les branches dont les minima sont inférieurs au SMIC, les allégements seront diminués si aucune amélioration de la grille salariale n’est apportée d’ici à 2010. Les partenaires sociaux seront à nouveau consultés sur la finalisation de ce texte, qui comportera également des mesures relatives à l’intéressement et à la participation.

M. Patrick Roy – Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de dire, une fois de plus, que le Gouvernement était actif sur le problème du pouvoir d’achat. Il est vrai qu’il en parle beaucoup, mais des discours à la réalité, le gouffre est abyssal. Je crois que le Gouvernement n’a pas conscience de ce qu’est la réalité de millions de Français, qui souffrent, comptent chaque jour euro après euro et trouvent votre discours insupportable. Je ne prendrai qu’un seul exemple : les retraités voient leur pouvoir d’achat diminuer en 2008, à cause de vous ! Et comme l’a dit M. Paul, les classes moyennes sont également concernées. Nous sommes favorables à l’organisation d’un Grenelle des salaires : lorsque des idées sont bonnes, pourquoi ne pas y recourir plusieurs fois ?

L'amendement 732, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Si la hausse des prix est responsable en grande partie de la dégradation du pouvoir d’achat, le problème numéro 1 demeure les salaires, et cela, le Gouvernement semble trop souvent l’ignorer.

Au-delà des explications psychologiques douteuses sur le décalage entre les chiffres donnés par l’INSEE et la perception qu’ont les Français de l’inflation, il faut reconnaître que l’indice des prix connaît des limites. Il ne s’agit que d’une moyenne, qui ne rend pas compte de la diversité des situations : un locataire se chauffant au gaz subira plus durement l’inflation qu’un propriétaire ayant équipé son logement de radiateurs électriques. Par ailleurs, certains biens de consommation voient leurs prix diminuer, comme les ordinateurs portables, tandis que le prix des aliments de base – lait, pain, viande – flambe.

La CLCV a montré que les dépenses contraintes – fioul, alimentation, logement, frais de santé non remboursés – ont explosé depuis quatre ans. La hausse de 15 % en un an du litre de super sans plomb pèse fortement sur le budget des familles. Certains doivent parcourir 30 à 40 kilomètres par jour pour se rendre à leur travail : trois pleins, cela fait 200 euros.

Enfin, selon Familles rurales, la consommation de fruits et de légumes par personne et par jour au niveau recommandé par l’OMS représenterait un budget mensuel de 57 euros pour un couple et de 115 euros pour une famille de deux enfants, soit entre 5 % et 12 % du SMIC.

Par l’amendement 733, nous proposons que la commission des affaires économiques réalise un rapport avant le 31 octobre sur l’évolution des coûts des produits de première nécessité depuis 2002.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Il règne, à la commission des affaires économiques, une ambiance telle qu’il me semble possible que vous adressiez directement cette demande au président de la commission. Par ailleurs, cet amendement n’a pas sa place dans ce texte et je vous demande de le retirer.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l'Assemblée nationale, sur une proposition qui concerne au premier chef votre commission.

M. François Brottes – Le groupe SRC soutiendra cet amendement, d’autant qu’il présentera un amendement similaire ultérieurement, demandant la constitution d’une commission d’enquête sur la formation des prix de l’énergie – gaz, électricité, essence.

Chacun a remarqué que le coût du baril de pétrole avait bon dos. L’audition de M. de Margerie à la commission des affaires économiques a montré que l’État pouvait agir pour baisser les prix : la parité euro-dollar n’est pas forcément défavorable, EDF et GDF versent des milliards de dividendes à l’État, la parité entre GDF et Suez est demandée pour la fusion, autant d’éléments sur lesquels le Gouvernement peut agir pour faire baisser les prix.

Le président de la commission des affaires économiques pourrait même nous donner une réponse maintenant : nous gagnerions ainsi du temps.

L'amendement 733 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Gosnat – M. le rapporteur a trouvé que la présentation des amendements était un peu longue. J’estime que ses réponses le sont aussi.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Vous avez raison !

M. Pierre Gosnat – Il est par ailleurs regrettable que MM. le rapporteur et le ministre s’en remettent à chaque fois à la commission – quelle que soit l’ambiance qui y règne. La légitimité parlementaire revient à l’assemblée plénière : il est normal que nous examinions de nouveau certaines questions, évacuées par la commission parce qu’elle travaille dans des conditions d’urgence non satisfaisantes.

Il y a quelques années, les journaux parlaient des working poors, ces salariés américains qui ne parvenaient pas à joindre les deux bouts. Désormais, la France a ses « travailleurs pauvres »…

M. Marc Dolez – Ils sont 7 millions !

M. Pierre Gosnat – Vous portez une part de responsabilité. Le Gouvernement a distribué l’argent public aux plus riches, au travers de la loi TEPA – votée en catimini – selon l’idée que c’est le coût du travail qui est le principal frein à l’embauche. Il est difficile d’imaginer que cette loi aura un jour un effet sur l’emploi car votre politique de lutte contre le chômage basée sur l’offre a déjà montré ses limites. Les fermetures de services publics de proximité – postes, tribunaux, centres d’impôts – sont une autre preuve de votre indifférence à l’égard des plus démunis. Enfin, poussés par l’opinion publique, vous avez fait le choix de financer le RSA, mais sur le dos de la prime pour l’emploi.

Le développement de la pauvreté ne concerne pas que les chômeurs et les érémistes. C’est pourquoi, par l’amendement 734, nous proposons que la commission des affaires sociales réalise avant le 31 octobre un rapport sur les conséquences de la très faible revalorisation du SMIC ces dernières années sur le pouvoir d’achat des salariés à revenu modeste.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Pour faire plaisir à M. Gosnat, je ferai court : avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis.

L'amendement 734, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard – La grande distribution emploie des milliers de salariés, dont une grande partie à temps partiel. Contrairement à ce que l’on entend dire ailleurs, de nombreuses caissières ne travaillent pas à temps partiel par choix, mais parce que l’offre les y contraint. Les horaires d’ouverture des magasins, décalés, ne leur permettent pas de concilier leur travail avec leur vie familiale, et l’extension au dimanche que vous souhaitez dégradera encore leurs conditions de travail.

Trente heures payées sur la base du SMIC horaire, c’est peu, surtout lorsque l’on a une famille à charge. Les pratiques de la grande distribution en matière d’embauche contribuent à augmenter le nombre de salariés pauvres. Le mouvement de grève sans précédent dans la grande distribution en janvier a révélé l’ampleur du malaise.

Quant à l’égalité salariale entre hommes et femmes, cause promue par le Politburo de l’UMP et défendue par l’idéologue que vous êtes, Monsieur Novelli… (Sourires)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Si c’est vous qui le dites !

Un député du groupe UMP – Parole d’expert.

M. Jean-Pierre Brard – Quitte à avoir des adversaires, autant qu’ils soient de qualité ! – …qu’en est-il de votre volonté de lutter contre cette pierre angulaire de l’inégalité qu’est le statut des caissières ? La défense de l’égalité serait-elle à géométrie variable ?

Pour remédier à cette injustice sociale patente, nous proposons, par l’amendement 731 que la commission des affaires sociales réalise avant le 31 décembre un rapport sur l’ampleur et l’opportunité du travail à temps partiel dans le secteur de la grande distribution et sur le pouvoir d’achat des salariés de ce secteur.

Certain que M. Novelli s’en remettra à la sagesse du Parlement, je demande à M. Charié de nous fournir une réponse circonstanciée.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur  Vous abordez là un sujet de fond.

M. Jean-Pierre Brard – Ça sent l’enterrement de première classe !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Vous savez très bien pourquoi : il n’est pas possible de donner une injonction à l’une de nos commissions permanentes. Mais vous profitez de cet amendement qui sera rejeté sur la forme pour aborder un débat dont j’ai l’honnêteté de dire qu’il est d’une grande importance. Il est temps de prendre conscience que certains de ceux qui nous donnent sans cesse des leçons sur le pouvoir d’achat, l’économie de marché et comment sauver la France exploitent tout simplement leurs salariés.

M. François Brottes – Michel-Édouard Leclerc, par exemple ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur On ne peut certes pas m’accuser de défendre ce genre d’enseignes, et en particulier celle-là.

M. François Brottes – Je vous en donne acte.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur  Il me semble que j’ai eu, depuis vingt-cinq ans, le courage de dénoncer un certain nombre d’attitudes inadmissibles et que le Gouvernement, en particulier M. Bertrand, partage ce point de vue. Aujourd’hui, grâce aux salariés qui ont eu le courage de se mobiliser contre des situations inacceptables, les choses sont en train de changer dans certaines enseignes.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Monsieur Brard, il est possible de se donner prétexte à prendre la parole avec des amendements qui se tiennent. Comment pouvez-vous, même si sur le fond vous avez raison, demander par amendement un rapport à une commission de l’Assemblée, sachant que le Sénat devra ensuite valider cette proposition ? Demandez au moins le même rapport à une commission du Sénat ! On ne donne pas d’injonction à une commission, leurs présidents peuvent librement décider de produire un rapport, à la demande des députés.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – J’ai beaucoup apprécié votre hommage, Monsieur Brard, même si je n’en serais pas venu spontanément aux mêmes conclusions… (Sourires). Je ne veux pas éluder la question que vous posez, bien que votre amendement doive être rejeté sur la forme. Le Gouvernement est conscient de l’ampleur et des conséquences du développement du travail à temps partiel dans la grande distribution. Un avis du Conseil économique et social de février sur les femmes face au temps partiel fait état des garanties ouvertes par la convention collective nationale pour améliorer la durée hebdomadaire minimale, qui a été portée de 22 à 30 heures dans de nombreuses entreprises, et encadre les coupures dans le temps de travail. Une autre récente étude, relative au commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, montre que plus d’un employé commercial sur deux travaille à temps partiel, et 60 % des hôtesses de caisse – contre 45 % des hommes pour le même métier ! La branche professionnelle s’est engagée à lutter contre ces pratiques, une des recommandations de l’étude pour cela étant le développement de la polyactivité et de la formation professionnelle. Le constat est donc dressé, et partagé. Je ne pense pas qu’un rapport supplémentaire y ajoute quoi que ce soit. Il appartient à la commission de se saisir du sujet si elle l’estime utile. Je ne suis donc pas favorable à l’adoption de cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard – Je note que M. Charié, franchissant le Rubicon de la mentalité révolutionnaire, a dénoncé les exploiteurs des salariés. C’est une avancée, mais il lui reste des marges de progression ! M. Ollier, lui, a concédé que j’avais raison sur le fond. N’y restons pas ! Quant au ministre, il a expliqué que le constat était dressé. Tout cela est bel et bon, mais il faut maintenant passer aux préconisations – et pas sous la forme qu’emploie Mme Lagarde, qui consiste à prier gentiment les pétroliers de baisser leurs prix ! Or, vous ne préconisez pas grand-chose. C’est bien pour cela que j’ai profité de cet amendement pour ouvrir la discussion. Je suis tout prêt à le retirer, parce que je sais bien que ce n’est pas une disposition législative, si vous consentez à produire ce rapport. Nos débats sont très suivis sur internet, en direct. Il est très important que nos concitoyens sachent ce que chacun pense et qu’ils vous voient passer de la compassion à l’action contre les exploiteurs. Si vous avancez sur ce point, je suis prêt…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur À reculer ?

M. Jean-Pierre Brard – Jamais ! Je suis comme un marié…

Mme la Présidente - Vous en avez le costume, Monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard – Les mariés ne se regardent pas l’un l’autre : ils regardent ensemble dans la même direction !

M. François Brottes – Je regarde dans la même direction que M. Brard, mais nous ne sommes pas obligés de nous marier ! (Rires)

Je voudrais saluer une fois de plus l’intégrité de notre rapporteur, qui est toujours resté constant dans ses exigences d’éthique à l’égard d’un secteur professionnel qui n’en manque que trop. Et le président de la commission a raison : nous n’avons pas à faire injonction à la commission. En revanche, je propose un sous-amendement visant à ce que le rapport ne soit pas établi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mais par le Gouvernement. C’est de bonne pratique législative. Le ministre va me répondre que des rapports existent déjà… sauf que vous avez changé la donne, même si c’est avec le pistolet sur la tempe. Aujourd’hui, les « candidats à l’emploi », ainsi qu’il faut les appeler, doivent accepter de passer l’examen même si c’est loin de chez eux et mal payé, sous peine de se voir supprimer leurs indemnités au bout de deux refus. Or le travail à temps partiel et à horaires coupés fera partie de ces propositions qu’il ne sera pas possible de refuser ! Ce nouveau contexte rend un nouveau rapport tout à fait pertinent.

Mme la Présidente – Le travail à temps partiel dans les grandes surfaces est un sujet très important sur lequel, ce n’est pas sortir de mon devoir de neutralité que le dire, j’ai beaucoup travaillé à titre personnel.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Nous disposons déjà de deux rapports récents sur cette question. Avis défavorable.

M. François Brottes – Le contexte est nouveau !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Assez de rapports, passons à l’action, comme dit M. Brard !

Le sous-amendement oral de M. Brottes, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 731, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Michèle Delaunay – L’amendement 1060 rectifié tend à offrir un statut au particuliers employeurs, qui les assujettit aux dispositions du code du travail et leur permet d’être représentés dans les instances publiques qui comptent des employeurs. Cet amendement éclaire les droits et devoirs des salariés à domicile, en permettant entre autres la visite de l’inspecteur du travail. Les employeurs particuliers sont des acteurs de la vie économique et il faut les reconnaître comme tels.

Mme Catherine Vautrin – Adopté par la commission, l’amendement 139 rectifié vise à définir l’activité de particulier employeur, de façon à reconnaître tous ceux qui participent directement à la croissance en employant un salarié au sein même de leur domicile. En 2006, on comptait 3,3 millions de particuliers employeurs pour 1,6 million de salariés et 8,4 milliards de masse salariale. Le modèle du particulier employeur connaît une croissance supérieure à 10 % par an – 13 % en 2006 – et les projections pour les années à venir sont ascendantes, du fait des attentes croissantes des Français en matière de services à la personne. Il convient aussi de saluer l’effort de professionnalisation des salariés concernés, grâce aux actions de formation et à la validation des acquis.

À la différence de l’amendement du groupe socialiste, le nôtre ne demande pas de permettre à l’inspecteur du travail d’exercer sa mission au domicile de l’employeur, car cela nous semble contraire au principe constitutionnel de l’inviolabilité du domicile privé (Protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Si tous les groupes de notre assemblée sont d’accord pour reconnaître le statut du particulier employeur et en proposer une définition, une divergence de taille subsiste entre les socialistes et l’UMP sur le point de savoir s’il faut l’assujettir au code du travail. À la différence de l’opposition, le groupe UMP est parfaitement conscient de la nécessité de ne pas déséquilibrer le code du travail (Interruptions sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). C’est pourquoi la commission a repoussé l’amendement 1060 rectifié au profit du 139 rectifié, qui valorise le statut du particulier employeur sans créer un surcroît de contraintes.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Mme Vautrin et votre rapporteur ont raison : il serait pour le moins risqué d’inscrire dans la loi que le particulier employeur – dont il est légitime de reconnaître le statut – est assujetti aux dispositions du code du travail, au détriment de tous les accords conventionnels qui existent dans le secteur des services à la personne. J’invite par conséquent Mme Delaunay à retirer son amendement, auquel le Gouvernement préfère l’amendement 139 rectifié de la commission.

M. François Brottes – Privé de la référence au code du travail, votre amendement commun, Madame Vautrin et Monsieur le rapporteur, n’a aucune portée normative. Il ne sert donc à rien, puisqu’il se borne à reconnaître l’importance économique et sociale du particulier employeur. Au reste, je m’étonne que le président Ollier, d’ordinaire très soucieux de ne pas encombrer la loi de considérations inutiles, l’ait laissé passer ! En proposant d’assujettir le particulier employeur aux dispositions du code du travail, la portée de notre amendement est tout autre, dans un secteur qui emploie 1,6 million de personnes. Il n’est pas négligeable – tant qu’existe encore un code du travail dans notre pays ! – de leur garantir des droits nouveaux.

Quant à l’argument de l’inviolabilité du domicile privé pour refuser l’intervention de l’inspection du travail, il est irrecevable ! Nous parlerons dans la suite de nos travaux des auto-entrepreneurs et du patrimoine dédié : imagine-t-on que l’inspection du travail ne puisse pas intervenir chez l’artisan ou le travailleur indépendant au motif que le caractère privé de leurs lieux d’activité habituels les rendrait « inviolables » ?

M. Roland Muzeau – Cela ne tient pas la route !

M. François Brottes – Je le redis, on se moque du monde en proposant à la représentation nationale d’adopter, avec le 139 rectifié, un amendement qui ne sert à rien !

M. Roland Muzeau – Je remercie Mme Vautrin de nous avoir éclairés car je dois dire que la différence de portée entre les deux amendements ne m’avait pas sauté aux yeux. Merci, donc, chère collègue, de nous révéler que votre intention est de sanctuariser le domicile du particulier employeur pour lui éviter tout désagrément. Ceux qui pratiquent l’esclavage moderne dans les beaux quartiers apprécieront ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Vous pouvez protester, mais l’actualité donne régulièrement des exemples de situations d’exploitation scandaleuses, où des salariées étrangères se voient confisquer leur passeport et imposer des conditions de travail indignes !

Mme Laure de la Raudière – Arrêtez ! Ces pratiques font l’objet de sanctions pénales lourdes. Nous ne parlons pas de cela !

M. Roland Muzeau – Mais si, et cela se pratique en particulier dans le VIIIe arrondissement et à Neuilly ! (Même mouvement)

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas lieu de sanctuariser le domicile lorsqu’il est aussi un lieu de travail et c’est pourquoi je voterai l’amendement 1060 rectifié du groupe SRC.

Mme Catherine Vautrin – Soyons sérieux et essayons d’avoir un débat serein. Je ne pense pas qu’il soit dans l’intention de quiconque de laisser entendre que les 3,3 millions de particuliers employeurs sont autant d’esclavagistes. Je l’ai déjà dit : le secteur des services à la personne ne cesse de se professionnaliser, les salariés concernés ont des droits et il est donc opportun de définir un statut du particulier employeur. Tel est le sens de notre amendement.

Mme Laure de la Raudière – Très bien.

M. Charles de Courson – Le législateur que je suis ne peut manquer de s’interroger en lisant un amendement tel que celui de nos collègues socialistes : il s’agit purement et simplement d’un exposé des motifs, dépourvu de toute portée normative. Quand cesserons-nous de surcharger les lois de déclarations d’intention parfaitement inutiles ? Que l’on ne s’étonne pas, après cela, que le Conseil d’État nous enguirlande régulièrement à ce sujet ! Votre amendement, chers collègues socialistes, est inutile et ridicule.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Comme je l’ai déjà dit, nous sommes pour la reconnaissance du statut de particulier employeur : les amendements 1060 rectifié et 139 rectifié contiennent à cet égard la même formulation. N’ayons pas une position différente sur une proposition identique selon qu’elle émane de l’UMP ou du groupe socialiste ! Il est vrai en revanche que nous avons une divergence de taille sur le fait d’intégrer totalement le particulier employeur dans le code du travail.

M. François Brottes – Sans doute sans le vouloir, M. de Courson a démontré que l’amendement de Mme Vautrin était sans portée normative, puisqu’il a lu le deuxième alinéa du nôtre, ce qui revenait à citer in extenso celui que la commission a adopté !

Mme Catherine Vautrin – Disons que je vous ai inspirés ! Mais, attention, je vais demander des droits d’auteur !

M. François Brottes – Excusez-moi mais cela sert tout de même à quelque chose de préciser que le particulier employeur est assujetti aux dispositions du code du travail ! Nous ne nous contentons pas de décrire un statut, nous le faisons évoluer en profondeur.

Mme Michèle Delaunay – Madame Vautrin, vous devez prendre conscience qu’en maintenant des différences d’obligations entre employeurs, on entretient l’idée qu’il y a différentes catégories de salariés qui n’ont pas toutes les mêmes droits. Ne pas assujettir les particuliers employeurs au code du travail, c’est faire perdurer l’image de la « petite bonne », qui a plus de devoirs que de droits.

M. Jean-Pierre Brard – Ah, le bon temps des soubrettes !

Mme Michèle Delaunay – Il serait délétère d’introduire un coin entre deux catégories d’employeurs !

Mme Catherine Vautrin – En actant le statut de particulier employeur, nous tendons précisément à dissiper l’image de la « petite bonne ». C’est une première étape, destinée à reconnaître la professionnalisation du secteur et le fait que les services à la personne ont beaucoup progressé.

M. Lionel Tardy – L’objet de l’article premier est de libérer et faciliter l’initiative. Si avant même que nous l’abordions, on nous fait des propositions visant à contraindre et encadrer, où va-t-on ? Quel est l’intérêt d’assujettir les particuliers employeurs aux dispositions du code du travail ? Chacun sait pertinemment que les inspecteurs du travail n’ont déjà pas le temps nécessaire pour faire leur travail dans les entreprises plus importantes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Comment le pourraient-ils chez les particuliers employeurs ? Finissons-en avec l’idéologie. Montrons-nous pragmatiques et ne compliquons pas inutilement les choses (Mêmes mouvements).

L'amendement 1060 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 139, mis aux voix, est adopté.

M. Louis Giscard d'Estaing – La personne qui crée son activité est souvent confrontée au dilemme de choisir entre le statut de travailleur indépendant et celui de créateur d’entreprise – que celle-ci soit une EURL, une SARL ou une SA. Pour des raisons à la fois psychologiques, fiscales et sociales, les entrepreneurs optent le plus souvent pour le statut de travailleur indépendant, ce qui a de lourdes conséquences. Sur les prélèvements fiscaux et sociaux tout d’abord, opérés au détriment des sommes qui pourraient être réinvesties dans l’entreprise elle-même. Ensuite, la non séparation des patrimoines professionnel et personnel. Enfin, une inéquité de traitement sur le plan fiscal et social. C’est à tous ces inconvénients que l’amendement 1365 propose de remédier.

M. Charles de Courson – L’amendement 1369 est identique. J’ai eu l’occasion d’y insister dans la discussion générale, si on a beaucoup amélioré le statut de l’entrepreneur sous forme sociétaire, fort peu a été fait depuis vingt ans pour celui d’entrepreneur individuel. Ainsi n’a-t-on toujours pas accepté dans notre droit le principe du patrimoine d’affectation. De même, les cotisations sociales continuent-elles d’être calculées sur la totalité des revenus de l’entrepreneur individuel alors que dans le cas d’une société, les bénéfices de celles-ci y échappent. Tout cela explique la multiplication des créations de sociétés, notamment de SAS, ainsi d’ailleurs détournées de leur vocation première.

Comme notre collègue Louis Giscard d’Estaing, je pense qu’il faut élaborer un cadre juridique adapté au statut d’entrepreneur individuel. Ces amendements le permettraient alors que l’article premier ne résout qu’une petite partie des problèmes soulevés. 

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est une vraie question. Comment encourager la création d’entreprises sans traiter le risque que cela représente pour leurs créateurs, du fait notamment de la non-distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel ? On compte aujourd’hui plus de 800 000 travailleurs indépendants en France, lesquels cotisent, ce qui n’est pas un mince problème, non sur leur équivalent salaire mais sur la totalité de la marge d’exploitation de leur entreprise. À revenu égal, ils cotisent donc davantage que les salariés. Ce problème aurait dû être réglé avec la création de l’EURL, mais celle-ci n’a pas abouti à la suppression de cette injustice sociale et fiscale.

Consciente de ces difficultés, la commission a pourtant repoussé ces amendements, dans la mesure où le sujet est traité à l’article 5. Nous en reparlerons alors et je demanderai au Gouvernement de prendre l’engagement ferme de mettre un terme à ces inégalités de traitement. Pour l’heure, j’invite leurs auteurs à retirer ces amendements.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Cette question du patrimoine d’affectation est très importante et il y a longtemps qu’elle mobilise ceux qui cherchent à améliorer le statut de l’entrepreneur individuel. Si ce projet de loi comporte des avancées, c’est que nous sommes convaincus de la nécessité de remédier à l’inégalité de traitement entre l’entrepreneur individuel et celui qui exerce en société. En 2007, 321 000 entreprises ont été créées en France, dont la moitié sous forme d’entreprise individuelle. Il y a donc une forte appétence pour ce statut, qu’il convient de préserver.

Je vous l’indique d’emblée, je suis favorable à la création d’un patrimoine d’affectation.

Mme Catherine Vautrin et M. Charles de Courson – Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Mais pour y parvenir effectivement et en toute sécurité juridique, il nous faut surmonter certaines difficultés, de façon que, comme cela est parfois arrivé après l’adoption de certains amendements, les décrets d’application ne mettent des années à être publiés, tant les difficultés avaient été sous-estimées au départ.

Je ne partage pas les critiques ordinairement formulées concernant le patrimoine d’affectation. Certains craignent ainsi que la création d’un patrimoine d’affectation n’ait un effet dissuasif sur le choix d’exercer en société. Je ne le crois pas. Une partie des entrepreneurs souhaite exercer en nom propre, une autre sous forme de société. L’important est que le droit positif offre des régimes adaptés dans les deux cas. Une autre critique, qui n’est pas recevable de mon point de vue, est que la limitation de la responsabilité patrimoniale de l’entrepreneur individuel risque d’entamer le crédit susceptible de lui être accordé.

Il est en revanche certaines difficultés juridiques sur lesquelles je souhaiterais m’étendre plus longuement. Tout d’abord, la création d’un patrimoine d’affectation porte par nature atteinte au principe d’unicité du patrimoine, énoncé à l’article 2284 du code civil. Ce principe a, cela étant, déjà connu quelques atteintes en matière de régime matrimonial, de droit successoral, de droit maritime et de droit fiscal. Cette première difficulté ne me semble donc pas insurmontable.

En deuxième lieu, la création d’un patrimoine d’affectation exige de revoir la frontière entre créance professionnelle et créance personnelle. En vertu de la nécessité de préserver les droits des tiers et sans dispositif spécifique dérogatoire, les biens personnels pourraient en effet être amenés à garantir le passif d’exploitation dans l’hypothèse où les biens professionnels ne suffiraient pas pour couvrir les créances de l’entreprise. Faudrait-il donc mettre en place un système de publicité comparable à celui qui existe pour les sociétés ?

Ensuite, le nouveau dispositif pourrait donner lieu, si nous n’y prenions garde, à des contentieux dans le cas de biens mixtes, et le problème serait particulièrement aigu en matière matrimoniale.

Enfin, il faut parvenir à définir de manière opposable le périmètre du patrimoine professionnel de l’entrepreneur. Il est nécessaire pour cela de trouver un équilibre entre une déclaration unilatérale sans contrôle de la part de l’entrepreneur et le recours à un professionnel du chiffrage.

Ce sont toutes ces difficultés juridiques qu’il faut résoudre avant de pouvoir mettre en place le patrimoine d’affectation, mais sachez que j’ai la ferme volonté, avec vous, d’aboutir, au nom de l’équité.

Les difficultés étant celles que j’ai dites, je vous propose, pour les résoudre une sorte de feuille de route. L’article 5, vous le savez, élargit la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel, au-delà de l’insaisissabilité de la résidence principale, à tous les biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à un usage professionnel. C’est un progrès, et je vous demanderai d’adopter cet article en attendant que le patrimoine d’affectation ait été créé.

Pour ce faire, j’installerai une mission chargée de décrire les moyens propres à créer un tel dispositif. Elle sera appelée à rendre ses conclusions avant la fin de l’année.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Non ! Avant l’article 5… (Sourires)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Sans attendre les conclusions de la mission, je vous demanderai d’autoriser le Gouvernement à étendre par ordonnance la fiducie aux entrepreneurs individuels ; je défendrai un amendement en ce sens après l’article 5, car il n’y a aucune raison que ce que nous avons décidé pendant la précédente législature pour les entrepreneurs constitués en société ne vaille pas pour les individus.

Enfin, le Gouvernement vous remettra, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009, un rapport concluant sur l’opportunité de créer une réserve spéciale d’autofinancement.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances – Sur proposition de la commission des finances !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État C’est exact, et avec l’aval de votre commission des affaires économiques. Au bénéfice de ces trois engagements, je souhaite que les amendements identiques soient retirés (M. le rapporteur et plusieurs membres du groupe UMP applaudissent).

M. Louis Giscard d'Estaing – Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour cette réponse précise, qui a souligné l’importance du sujet traité, auquel nous avons cherché, avec vous, une solution depuis de longues années. J’ai pris acte de vos engagements, et j’en suivrai l’application avec une stricte vigilance. S’agissant du patrimoine d’affectation, je vous demande dès à présent de vous assurer que le problème sera définitivement réglé avant que s’engage l’examen du projet de loi de finances pour 2009. Je retire l’amendement 1365.

M. François Brottes – Il est repris.

M. Charles de Courson – Je remercie M. Novelli, avec qui nous avons mené des combats communs lorsqu’il était député. J’ai cru comprendre que vous voulez confier une mission à M. de Roux. Je m’en réjouis, car il est indispensable de contourner l’opposition constante manifestée par le ministère de la justice au nom de l’unicité du patrimoine. On peut trouver une solution, j’en suis certain ; pourquoi ce qui existe dans le droit de plusieurs pays européens ne pourrait-il exister en France ? Je remercie également le ministre d’engager une réflexion sur la réserve spéciale. Il est en effet nécessaire de distinguer revenus du travail et revenus du capital pour parvenir à un niveau de taxation homogène de ces derniers quelle que soit la forme juridique de l’entreprise. Ne pas le faire conduit à une rupture d’égalité – et aussi au foisonnement de la création de SAS, qui ont la fiscalité la plus avantageuse.

Ma seule réserve porte sur le projet d’étendre la fiducie aux entrepreneurs individuels. L’intérêt d’une telle mesure me laisse sceptique, car le dispositif est très lourd. Cela dit, pourquoi ne pas examiner la question, en effet ? Je retire l’amendement 1369.

M. Jean-Pierre Brard – M. de Courson a raison.

M. François Brottes – Avant de dire pourquoi j’ai repris l’amendement 1365 que M. Giscard d’Estaing a retiré…

M. Jean Gaubert – Un excellent amendement, pourtant !

M. François Brottes – …je constate que, pour la seconde fois, on assiste à un mouvement de balancier : création d’un groupe de travail, retrait d’un amendement. La chose s’est déjà produite hier pour l’action de groupe, et l’on recommence aujourd’hui. Quel rythme !

Il y a manifestement deux écoles dans cet hémicycle. On connaît celle de M. Novelli qui, alors rapporteur, nous avait expliqué qu’on allait assister à la création d’une pléthore d’entreprises puisqu’il suffirait pour cela d’un euro et d’un jour… On a vu ce qu’il est advenu. De la même manière, on veut aujourd’hui entretenir l’illusion que l’on pourrait, avec la même facilité et la même fulgurante simplicité, devenir entrepreneur sans rien risquer de son patrimoine ! Il n’en est rien bien sûr et, comme M. Giscard d’Estaing, nous considérons qu’il est primordial d’instituer un patrimoine affecté, garantie de sérénité pour ceux qui veulent créer une entreprise.

M. Lionel Tardy – Je suis contre l’amendement. Le statut de l’entrepreneur individuel est parfois subi – et dans ce cas il faut un patrimoine affecté – mais il arrive aussi qu’il soit sciemment choisi. Il faut donc pousser la réflexion.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Au nom de la commission des finances, je tiens à dire ma satisfaction des engagements pris par le Gouvernement. Si j’ai jugé utile de proposer la création d’une réserve spéciale d’autofinancement c’est que les enjeux financiers – plusieurs milliards – ne peuvent être traités dans le cadre de cette loi. Je me félicite que le bon sens prévale, et je défendrai tout à l’heure, au nom de la commission des finances, un amendement précisant le calendrier souhaitable, avec pour horizon la loi de finances pour 2009.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Je précise dès maintenant que les conclusions des deux rapports annoncés – sur les implications civiles et sur les implications fiscales du dispositif – seront rendues avant le 15 septembre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin – Parfait !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Par ailleurs, le rapport relatif à l’extension de la fiducie sera transmis à votre commission des finances. Je pense donc que la représentation nationale a toute satisfaction.

L’amendement 1369 est retiré.

L'amendement 1365, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Gilles Carrez – Je souhaite souligner la cohérence des mesures prises en faveur des PME dans ce texte. Elles s’inscrivent dans le droit fil de notre action, telle qu’elle transparaît au travers des lois Dutreil et Jacob et des lois de finances. Nos objectifs constants sont de favoriser la création d’entreprise, de renforcer les fonds propres des PME et de faciliter la transmission des sociétés. Je rappellerai à cet égard quelques mesures emblématiques. Ce fut ainsi la création du statut de la jeune entreprise innovante par la loi de finances 2004. Ce fut ensuite le programme « Gazelles », intégré à la loi de finances pour 2007 afin d’octroyer des réductions d’impôt aux entreprises en forte croissance ; nous avons amélioré le « dispositif Madelin », qui encourage par des réductions d’impôt l’investissement en fonds propres dans les PME, et avait fait la preuve de son efficacité ; je citerai aussi le dispositif prometteur de réduction d’ISF en cas d’investissement dans les PME – qu’il soit direct ou effectué par l’intermédiaire de FCPI ou FCPR ; enfin, je mentionnerai la suppression – totale jusqu’à 300 000 euros, de manière dégressive jusqu’à 500 000 euros – des plus-values professionnelles qui handicapaient lourdement la transmission d’entreprise, principale mesure fiscale de la loi Dutreil dont M. Novelli, qui présidait la commission spéciale, se souvient bien.

Le présent projet de loi obéit à la même logique : favoriser l’emploi par le développement des PME, sous statut individuel ou sous forme de société. Je me réjouis donc de l’amélioration du régime microfiscal et microsocial prévue à cet article premier, et que la commission des finances souhaitait depuis longtemps. Je suis en outre favorable à l’amendement relatif à l’indexation des seuils ; comme l’a annoncé M. Forissier, je reviendrai sur d’autres amendements plus ambitieux.

En ce qui concerne la transmission d’entreprise, nous reprenons le dispositif d’exonération des droits de mutation que la loi Dutreil appliquait aux donations, car il a fait ses preuves. Il est en effet regrettable que seules 10 % des entreprises familiales soient transmises à un membre de la famille, contre 50 % en Allemagne ou 72 % en Italie. En outre, nous irons plus loin grâce à la réduction d’impôt sur le revenu au titre des emprunts contractés par les repreneurs et à une mesure salutaire que nous n’avions pu voter lors de la loi de finances pour 2008 : l’harmonisation des droits de mutation à titre onéreux pour les cessions de commerces et de parts de SARL, d’une part, et pour les cessions de titres de sociétés, de l’autre. Enfin, en reprenant un excellent amendement de M. Novelli – alors député – à la loi de finances pour 2007, les mesures relatives à la TACA permettront d’équilibrer les contributions respectives des petites et des grandes surfaces.

Au-delà de cette cohérence, je me réjouis que les dépenses fiscales résultant du texte ne dépassent pas, selon le Gouvernement, quelque 300 millions – bien loin des quelques milliards impliqués par la loi TEPA…

M. Patrick Roy – Quinze milliards, pour être précis !

M. Gilles Carrez – Cela montre qu’en adoptant une démarche cohérente et systématique, et en procédant par mesures ciblées, l’on peut préserver nos finances publiques. J’espère que tous les amendements seront conformes à cette exigence, car l’augmentation exponentielle de nos dépenses fiscales depuis plusieurs années sera bientôt impossible à maîtriser. À cet égard, je me réjouis que les dispositions relatives à la réserve spéciale d’autofinancement soient reportées en vue d’un examen plus poussé.

En outre, la simplification des démarches administratives, la réduction des délais de paiement et la modernisation de l’urbanisme commercial permettront, sans engager les finances de l’État, de lever les obstacles au développement des entreprises, de la croissance et de l’emploi.

En somme, ce texte cohérent et efficace contribue au combat que nous menons avec ténacité, depuis plusieurs années, en faveur des PME (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Catherine Vautrin – Très bien !

M. Patrick Roy – L’article premier, qui crée un régime simplifié et libératoire de prélèvement fiscal et social destiné aux auto-entrepreneurs, m’inspire plusieurs réserves que l’éloquence de M. Carrez ne suffit pas à dissiper. Tout d’abord – d’autres l’ont dit en défendant les amendements précédents –, il permettra de contourner le salariat. On sait bien que la droite n’aime guère les salariés (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP), dont elle ne cesse d’amputer le pouvoir d’achat, comme celui des retraités, fortement entamé en 2008. Vos exclamations ne me feront pas taire !

M. Yves Albarello – Vous ne savez pas ce que c’est qu’un salarié !

M. Patrick Roy – Ensuite, au lieu de mettre fin au travail à temps partiel des salariés des grandes surfaces,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy – Hors sujet !

M. Patrick Roy – …vous distribuez de somptueux cadeaux à la grande distribution !

Troisièmement, cette nouvelle construction juridique s’ajoute au « mille-feuille » opaque que constitue le statut des entrepreneurs en France. Je vois que mes arguments troublent le rapporteur ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Que ne faut-il pas entendre !

M. Patrick Roy – De plus, ce nouveau statut ne permet nullement de défendre le commerce de proximité, que d’autres dispositions du texte mettent en péril.

Enfin, je soupçonne le Gouvernement de chercher à inciter les millions de salariés et de retraités modestes à exercer une activité complémentaire, encourageant ainsi une dangereuse dérive à l’américaine. Vous vous offusquez, mais vous n’écoutez pas ces millions de Français qui souffrent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC ; « Lamentable ! » sur quelques bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin – C’est parfaitement faux !

M. Daniel Paul – Ni l'exposé des motifs, ni le volumineux rapport au fond ne mentionnent les conséquences budgétaires de cet article. Seul le rapport pour avis de la commission des finances évalue à 50 millions le coût pour l’État de la prise en charge des exonérations sociales et à 20 millions, à compter de 2010, celui des mesures relatives à l'impôt sur le revenu – malgré la possibilité, prévue par l’article, d’opter pour le prélèvement libératoire.

Or ce dernier dispositif permettra d’expérimenter une rupture du principe d’égalité devant l’impôt : en accordant un régime fiscal particulier à des activités professionnelles productrices d'un revenu accessoire du revenu salarié, on met fin à l'égalité de traitement entre les revenus catégoriels. Nous l’avons dit, cette rupture est dangereuse, car elle justifie le développement, non de la pluri-activité, mais de la sur-activité, qui menace la vie familiale et sociale. En outre, elle entretient l'inégalité entre contribuables en valorisant un revenu accessoire au détriment du revenu principal.

Comme l’ont montré les débats en commission, en allant plus loin encore, on eût encouru les foudres du juge constitutionnel ; mais cette mesure inégalitaire suffit à saper la tradition républicaine. En effet, comment justifiera-t-on qu’un même revenu, selon qu’il est issu d’un chiffre d'affaires de 76 300 euros par an – ou même de 15 ou 20 000 euros – ou d’un travail salarié, soit soumis à un taux de prélèvement libératoire de 1 % ou à des prélèvements sociaux de 20 % et à un impôt sur le revenu dont le barème varie de 5,5 à 30 % ? À moins que vous ne prôniez la généralisation de la débrouille et d’activités non salariées pourtant peu propices à la concurrence libre et non faussée que vous prétendez défendre !

Nous nous opposons naturellement à cette évolution, car les salariés méritent une juste rémunération de leurs efforts. Que n’augmentez-vous leurs salaires, comme nous vous le demandons depuis le début de la discussion ?

M. Roland Muzeau – Très bien !

Ce texte, après d’autres, ne serait rien de moins qu’une « étape majeure de la transformation structurelle de l'économie », indispensable pour gagner les points de croissance qui nous manquent, améliorer durablement l'emploi et « doper » le pouvoir d'achat des ménages. Louables objectifs ! En réalité, les mesures que le Gouvernement y a réunies rivalisent de libéralisme et s’inspirent largement de l’esprit des 316 propositions du rapport Attali, que les députés de la majorité viennent de reprendre dans un rapport : il s’agit de renforcer la concurrence pour libérer l'activité et la croissance – en d’autres termes, d’ouvrir la voie au hard discount pour gagner la guerre des prix.

Si la droite et les milieux patronaux saluent une « clarification libérale » qui fait fi de la répartition des richesses produites et de la revalorisation des salaires, d’autres demeurent sceptiques – qu’il s’agisse des spécialistes des relations entre industrie et commerce, conscients des limites de la guerre des prix, ou des membres de la majorité eux-mêmes, comme le montre le nombre des amendements qu’ils ont déposés.

Quant aux associations de consommateurs,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy – C’est complètement hors sujet !

M. Roland Muzeau – …elles sont profondément déçues par un texte censé, selon le Président de la République, protéger les consommateurs et leur pouvoir d'achat et donner naissance à une action de groupe à la française. L'UFC-Que choisir reproche à ce texte d'avoir pour seul objectif « le renforcement des libertés des plus puissants ».

En ce qui concerne l'article premier, qui crée un statut simplifié pour les petits entrepreneurs, l'UPA craint qu’il n'entraîne des distorsions de concurrence pour les entreprises existantes, et insiste pour que ce statut soit limité aux trois premières années d'activité. Peine perdue : d'aucuns semblent ici vouloir élargir l'utilisation de ce nouveau régime aux entrepreneurs individuels dont le revenu fiscal excède la quatrième tranche du barème de l'impôt sur le revenu. La chambre des métiers et de l'artisanat des Hauts-de-Seine relativise, quant à elle, l'opportunité de cet énième statut, qui complexifie le droit au lieu de le simplifier.

Cet article est avant tout un outil de promotion de la pluriactivité et du travail en miettes afin de compléter des salaires ou des pensions de plus en plus insuffisants. Le modèle de « débrouille » ainsi promu est un piège, dans lequel nous n'entendons pas laisser enfermer les Français.

M. Pierre Gosnat – Le moins que l'on puisse dire est que cette loi commence fort, ou plutôt fort mal, avec cet article premier ! La pluriactivité nous est servie comme une énième variation sur le thème de l’amélioration du pouvoir d'achat ; « faute de grives, on mange des merles », dit la sagesse populaire ! Alors que le haut niveau des loyers fait le bonheur des propriétaires et le malheur des locataires, et que la bonne santé du CAC 40 en 2007 a fait la joie des boursicoteurs au détriment des salaires dans les sociétés cotées, le Gouvernement se répand, depuis plusieurs semaines, sur une mesure qui serait favorable au pouvoir d'achat. Nous en doutons !

De quoi parle-t-on ? De la progression des pensions et des retraites, des prestations familiales et sociales, ou encore des revenus d’activité non salariés mélangés aux revenus du capital et de la propriété ? Est-ce la progression de chacun de ces éléments de revenu qui aboutit à la progression globale du revenu ? Il suffit que les revenus de la propriété et du capital bénéficient d’une défiscalisation – comme les donations dans la loi TEPA – pour que le pouvoir d'achat des ménages progresse globalement !

Vous souhaitez développer massivement la pluriactivité. Demain, on pourra, dans cette logique, être chômeur salarié et exercer une activité indépendante accessoire, être caissière de supermarché soumise au temps partiel imposé et vendeuse de produits de parfumerie au porte à porte, retraité à la pension siphonnée par la décote et enseignant indépendant payé à la prestation. Quel bonheur ! Quelle société idéale ! L'avenir serait, pour vous, de travailler jusqu'à la tombe, s'il le faut, et de faire coexister un statut de salarié précaire avec un statut d'indépendant, tout aussi précaire et au fond peu indépendant. Deux bouts de précarité peuvent-ils faire une vie ? C’est une véritable régression que vous préconisez, un retour en arrière de 70 ans. Aussi nous opposerons-nous à l'adoption de cet article.

M. Charles de Courson – Cet article va dans le sens de la simplification que nous avons tous demandée. J’ajoute à l’attention de nos collègues que la grande masse des bénéficiaires du « mini » ne gagnent pas le SMIC et ne sont pas imposables. Il n’y a donc aucun risque d’atteinte au principe d’égalité.

Monsieur le ministre, il faudra bien articuler les dispositions de cet article avec la réserve spéciale d’autofinancement, qui est également optionnelle. Enfin, nous sommes un certain nombre à nous étonner de la non-réévaluation du plafond ; des amendements du rapporteur viendront corriger cet oubli. Cela fait dix ans que le plafond n’a pas été réévalué.

Mme la Présidente – Nous en venons à la discussion des amendements.

Mme Geneviève Fioraso – Il existe depuis 1999 un statut de la micro-entreprise, qui n’a jamais été évalué. Sans le supprimer, le présent projet lui superpose un nouveau statut, qui entrera en concurrence avec lui, car il y a des artisans qui ne gagnent pas le SMIC et peuvent relever du micro-social, comme cela a été dit tout à l’heure. Pourquoi ajouter une couche au mille-feuille, alors que l’on dit vouloir simplifier ? Cela suscite l’incompréhension de beaucoup de professionnels, comme en témoignent les réactions de l’UPA ou des chambres de métiers et de l’artisanat.

À quoi cela servira-t-il ? Cela aura-t-il un impact sur la croissance ? La croissance est créée par les PME qui grossissent, mais les nôtres restent désespérément petites, car nous n’utilisons pas de manière intelligente les leviers de l’innovation, de l’exportation, de l’accompagnement en fonds propres.

M. Novelli nous a dit, en commission, que ce statut concernerait des retraités et des jeunes. Est-ce cela, le progrès social ?

M. Marc Dolez – Bonne question !

Mme Geneviève Fioraso – Le problème, en France, ce n’est pas le nombre d’heures travaillées par semaine, mais le fait que la durée du travail, globalement, soit courte, notamment parce que les entreprises n’embauchent pas les seniors. J’entends des incantations en faveur de l’emploi de ces derniers mais la réalité, c’est que les entreprises n’investissent pas dans les salariés au-delà de cinquante ans, et que les services de l’emploi ne peuvent de ce fait proposer à ceux-ci que des petits boulots. Quant aux jeunes, il est bien compréhensible qu’ils en aient assez des stages non rémunérés. Sur la chaîne LCP, hier soir, une émission montrait un jeune, tout seul dans son studio, à qui on avait fait croire qu’il pouvait monter son entreprise sur Internet, et que l’on voyait appelant des clients : « Je dois vous vendre quelque chose, mais je ne sais pas le faire » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC). C’est la réalité du terrain ; je vous conseille d’y aller voir !

Mme Marie-Christine Dalloz – Et la formation ? C’est une compétence des régions.

Mme Geneviève Fioraso – Votre nouveau statut dégonflera les chiffres du chômage, mais le pouvoir d’achat de ces jeunes n’augmentera pas. En revanche, qui les accompagnera, sinon les collectivités locales ? Elles le feront par le biais de leurs associations et de leurs réseaux, comme l’ADI ou « France-Entreprendre », mais beaucoup iront dans le mur, car on ne s’improvise pas chef d’entreprise. Un grand nombre de micro-entreprises n’est pas forcément un signe de bonne santé économique ; c’est même le contraire. Nous sommes favorables à l’esprit d’entreprise, mais il faut être entrepreneur par goût, et bénéficier d’une formation pour cela. C’est le contraire que vous proposez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)

Enfin, avec ce nouveau statut, certaines entreprises vont être tentées d’externaliser « en douce » ; elles diront à leur salarié qu’il peut travailler au dehors, et petit à petit, externaliseront ainsi une activité tout entière, ce qui est plus simple que de supprimer un emploi. Ce statut conduira ainsi à la fragmentation du travail. C’est pour toutes ces raisons que nous présentons un amendement 527 de suppression de l’article (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Pierre Gosnat – L’amendement 735 vise également à supprimer cet article, qui n’inquiète pas seulement les députés communistes, mais aussi les groupements professionnels. L’UMP ferait mieux d’être plus calme sur ce sujet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Nous nous interrogeons sur l’utilité de créer un énième statut, qui rendra plus difficile encore ce parcours du combattant qu’est la création d’une entreprise. Les chambres des métiers n’ont-elles pas déclaré qu’il ajoutait de la complexité au droit en vigueur ? Selon elles, il serait préférable de valoriser le statut d’entrepreneur individuel.

D’autre part, cet article permettrait de soumettre ces auto-entrepreneurs à un système simplifié et libératoire pour le paiement des charges fiscales et sociales. Les députés du groupe GDR ne peuvent laisser inscrire dans la loi de tels aménagements qui, associés aux déclarations simplifiées pour l’exercice de certaines activités, limitent l’ampleur des cotisations et organisent les conditions idéales de la fraude fiscale.

En outre, l’Union professionnelle artisanale a fort justement relevé que ce régime simplifié introduit un risque réel de distorsion de la concurrence. Or il faudrait au contraire rechercher une égalité de traitement social et fiscal, quelle que soit la forme juridique des entreprises.

Enfin, cet article est l’occasion de s’interroger sur les innombrables aides à la création d’entreprises, autant de fonds qui ne vont pas à la politique industrielle et de services et à la sécurisation sociale de l’emploi et de la formation, que nous appelons de nos vœux.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Madame Lebranchu, vous avez proféré hier, comme nombre de vos collègues, beaucoup d’erreurs. Vous ne cessez de répéter que ce projet de loi est au service des grandes surfaces. Ne me donnez pas de leçons, moi qui ai toujours combattu leurs pratiques déloyales. Nous sommes pour la libre négociabilité, mais pas pour la loi du plus fort !

Dans ce titre premier, il s’agit de permettre à des salariés du privé et de la fonction publique, à des retraités et à des étudiants de déclarer, s’ils le souhaitent, une activité rémunératrice. M. Novelli, à qui n’a manqué que le soutien de la gauche – laquelle dessert les salariés qui souhaitent travailler –…

Plusieurs députés du groupe SRC – Provocateur !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur …a obtenu que, au prix d’une seule déclaration, les commerçants cotisent à hauteur de 13 % de leur chiffre d’affaires, tandis que ceux qui auront une activité de services cotiseront au niveau de 23 % – et j’espère ne pas avoir à vous expliquer la différence entre chiffre d’affaires et revenu…

M. Dominique Baert – Si, nous sommes bêtes ! (Sourires)

Mme Marylise Lebranchu – Nous aussi, nous avons créé des entreprises !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Vous qui nous accusez de défendre les riches – ce dont, au passage, nous sommes fiers car s’il n’y avait pas de riches, il y aurait davantage de pauvres –,…

M. François Goulard – Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur …savez-vous que le seuil sera de 76 300 euros de chiffre d’affaires annuel pour le commerce et de 27 000 euros pour les activités de services ?

Loin de favoriser la fraude fiscale, cette disposition permettra de lutter contre le travail au noir.

Affirmer n’est pas prouver.

M. Roland Muzeau – Que faites-vous donc ? (Rires)

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Je vous mets au défi de me fournir les documents sur lesquels vous prétendez vous appuyer pour affirmer que les chambres des métiers et l’UPA sont opposées à ce nouveau statut ! Les chambres des métiers ont seulement demandé qu’une inscription soit prévue. Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Monsieur Gosnat, n’ayez pas une vision policière de l’économie ! Nous n’avons pas pour but de faciliter la fraude ! Le Gouvernement a souhaité créer ce statut pour trois raisons.

Il l’a fait d’abord au nom de l’équité, car rien ne justifiait que l’on ait créé la micro-entreprise pour les entrepreneurs s’organisant en société, mais rien pour les entrepreneurs individuels, qui représentent la moitié des créateurs d’entreprise en 2007. En 1998, Mme Lebranchu, à qui je rends ici hommage, a estimé le statut de micro-entrepreneur suffisamment intéressant pour quintupler le montant plafond.

Conformément à la philosophie de Nicolas Sarkozy, le salarié qui souhaite gagner plus pourra développer en dehors de ses horaires de travail une activité, le retraité pourra améliorer sa retraite et l’étudiant exercer des petits boulots en toute légalité.

M. François Goulard – Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Il convient d’aider les entrepreneurs individuels, de leur mettre le pied à l’étrier. En raison des plafonds, il n’y aura pas de risques qu’un statut vampirise l’autre.

La CGPME s’est prononcée en faveur de ce statut, tout comme l’UPA – même si elle veut le limiter dans le temps. Je suis fier que cette liberté permette de créer des activités supplémentaires, et donc des emplois – ce à quoi, je pense, personne ici n’est hostile !

Mme Marylise Lebranchu – Le statut de micro-entreprise a été créé après de très longues négociations avec les entrepreneurs et les syndicats de salariés. Monsieur Charié, qui prétendez me donner des leçons, je vous rappelle qu’après les premiers pas de ces micro-entreprises, l’UPA et d’autres nous ont apporté des exemples de concurrence déloyale.

Je me rappelle ainsi le cas d’un étudiant qui avait ouvert, entre le 15 juillet et le 10 septembre, une sandwicherie, provoquant la colère des boulangers et des commerçants de petite restauration, installés à l’année, qui l’accusaient de concurrence déloyale. À Roanne, des salariés, par ailleurs très mal payés, fabriquaient des costumes pour le compte d’un célèbre magasin.

Votre dispositif risque d’accroître ces phénomènes de concurrence temporaire, de provoquer l’externalisation des activités – comme un certain nombre de rapports le démontrent – et d’installer de manière pérenne ce que l’on appelle le tâcheronnage. Nous ne sommes pas opposés à la création d’entreprise : la preuve en est que nous avons créé la micro-entreprise, ce qui était loin d’être facile. Mais vous devez prendre en compte ces éléments.

En ce qui concerne la transmission d’entreprise, il y a des propositions que nous n’avons pas eu le temps de creuser. Pourquoi ne pas imaginer par exemple que les seniors cadres restent aux côtés de l’entrepreneur pendant trois ou six mois, en tant que gérants salariés ? Il y a plusieurs solutions possibles. Le système que vous proposez fait peur aux entreprises, à juste raison. C’est pourquoi nous avions arrêté un plafond en 1998.

M. Jean Gaubert – Il serait dommage que le débat commence avec des caricatures.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Ce n’est pas moi qui ai commencé…

M. Jean Gaubert – Si le débat s’engage sur ces bases, il va être long.

Plusieurs députés du groupe UMP – Une menace ?

M. Jean Gaubert – Par ailleurs, il serait bon que la majorité soit un peu plus cohérente. Vous parlez en permanence de simplification, mais vous créez un statut supplémentaire ! Vous parlez d’évaluation, mais sans avoir jamais évalué l’entreprise à un euro de M. Raffarin ! Vous dites qu’il y a trop de lois mais vous n’arrêtez pas de légiférer, de prendre des dispositions bancales parce qu’il faut faire plaisir à Pierre, Paul ou Jacques – et qu’il faut dégonfler les chiffres du chômage ! Ce système, comme les autres, tombera à plat parce qu’il ne répond pas à la question. Il créera même des problèmes, comme lorsque l’entrepreneur choisira comme forme d’imposition un pourcentage sur son chiffre d’affaires : pour quelques gagnants, combien de perdants… Cela me fait penser à ces agriculteurs qui se battaient pour être au forfait agricole sans se rendre compte qu’ils n’auraient pas du tout payé d’impôt s’ils avaient été au bénéfice réel ! Voulez-vous vraiment reconstituer ce système archaïque ?

Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous donner ce que vous m’avez demandé. Sachez donc que la chambre de métiers et de l’artisanat de Paris remarquait, le 22 mai, qu’aucun concept ne se cachait derrière le slogan de l’auto-entrepreneur, que ce n’était qu’une formule creuse. Si vous prenez cela comme une approbation… Celle de la Loire, elle, affirmait se réjouir de la reconnaissance d’un travail occasionnel en plus d’une activité salariale ou d’une situation de retraité – vous voyez que je ne cache rien – mais estimait que ce nouveau statut complexifiait le droit en vigueur. L’UPA, elle, un peu plus tôt, se disait plutôt réservée sur la création d’un énième statut fiscal et social du chef d’entreprise.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Elle a changé d’avis !

M. Jean Gaubert – Elle disait comprendre la logique de la mesure pour faciliter le début d’activité, mais expliquait que le dispositif devait être assorti de limitations, portant sur le niveau du chiffre d’affaires et surtout sur la durée. Bref, considérer que les chambres des métiers sont satisfaites de votre texte relève de l’autisme !

M. Patrick Ollier, président de la commission Madame la présidente, il y a déjà eu deux réponses…

M. Daniel Paul – Le système que vous proposez fait penser à celui des districts italiens, que nous sommes allés voir fonctionner il y a quelques années. Il s’agissait en gros d’une cabane au fond du jardin dans laquelle des personnes, pas toujours salariées, fabriquaient du textile qui concurrençait sans difficulté les produits de l’Asie du sud-est ou d’Afrique du nord… mais au prix d’un énorme coulage fiscal ! Vous avez certes fixé un seul de 76 300 euros, ou 27 000, c’est selon… Mais, s’agissant d’un système déclaratif, comment comptez-vous contrôler quoi que ce soit ? Bref, votre système provoque une inquiétude légitime chez les entreprises normalement installées, notamment dans des secteurs comme celui de la brocante ou des objets d’art, qui n’ont pas besoin de cela pour être fragilisés.

Les amendements 527 et 735, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Présidente – Chacun a pu s’exprimer largement sur ce premier article. Pour la suite, je m’en tiendrai donc strictement au Règlement et je ne donnerai la parole qu’au défenseur de l’amendement, puis à un orateur pour et à un orateur contre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Geneviève Fioraso – Nous ne sommes pas favorables à ce statut qui se superpose à ceux qui existent déjà et risque d’entraîner des effets d’aubaine. L’amendement 528 propose donc d’en limiter l’usage à trois ans, afin qu’il s’agisse plus d’une incitation que d’un statut pérenne.

L'amendement 528, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 140 est défendu.

L'amendement 140, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Geneviève Fioraso – L’amendement 529 vise à ce que l’option statutaire de l’alinéa 5 ne soit ouverte qu’au moment de la création de l’entreprise, pour éviter les effets d’aubaine.

L'amendement 529, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Ollier, président de la commission – L’amendement 636 est rédactionnel.

L'amendement 636, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Olivier Carré – L’amendement 1262 est une mesure de pragmatisme.

L'amendement 1262, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 637 est rédactionnel.

L'amendement 637, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Vautrin – L’amendement 288 rectifié est défendu.

L'amendement 288 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Olivier Carré – L’amendement 1263 est de conséquence.

L'amendement 1263, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Geneviève Fioraso – Votre dispositif risque de conduire les entreprises à externaliser certaines tâches, en les confiant à des salariés qui deviendraient des travailleurs extrêmement précaires, mais au statut ronflant d’auto-entrepreneur. D’où l’amendement 530 qui vise à leur interdire d’employer un entrepreneur individuel « en remplacement d’un salarié habituellement employé » aux mêmes tâches. L’auto-entrepreneur qui serait reconnu se trouver dans une telle situation de dépendance économique serait présumé salarié de l’entreprise. Ce n’est pas suspicion de notre part : nous connaissons aussi bien que vous le monde de l’entreprise, nombre d’entre nous y travaillent. Il ne s’agit que d’empêcher des dérives dangereuses.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Même avis.

M. Jean Gaubert – De telles dérives existent déjà. Dans ma région, des salariés ont été incités à devenir transporteurs pour des usines d’aliments par exemple, dans le but de contourner le code du travail. Ils sont totalement dépendants de leur entreprise d’origine, qui est leur seul client, et ils roulent douze ou quatorze heures par jour, malgré la réglementation, parce que c’est le seul moyen d’amortir le camion ! Ce sont de véritables bagnards (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Soyons francs : n’essayez pas de faire croire qu’il y a de votre côté les gens qui savent tout du monde de l’entreprise, et du nôtre ceux qui n’en savent rien. Nous avons quelque expérience dans ce domaine. Certains d’entre nous sont des salariés, d’autres des entrepreneurs. Renoncez, de grâce, à vos discours simplistes ou le climat de nos travaux risque de se dégrader (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Vous ne pouvez ignorer qu’il existe des situations d’abus manifestes : songez à ces routiers qui travaillent la nuit parce qu’il y a moins de circulation ! N’en faisons pas des bagnards ou des sous-prolétaires ! (Même mouvement)

M. Yves Censi – Ce qui est illégal est passible des tribunaux.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Chers collègues de l’opposition, il y a quarante-sept articles et si je ne réponds pas forcément à toutes vos interventions, n’en déduisez pas que je ne note pas vos observations, et moins encore que je suis insensible à vos préoccupations. Au reste, il n’est pas un seul député de la République qui ne se sente pas concerné par les conséquences humaines de certains abus. Il reste que l’on ne peut pas tout régler par la loi, et qu’en cas de dérive avérée, l’URSSAF et d’autres intervenants pourront toujours requalifier la situation.

M. Yves Censi – Bien sûr !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – À trop réglementer, la France continue de perdre des points dans la compétition économique. Il faut permettre à ceux de nos concitoyens qui le souhaitent de travailler plus.

L'amendement 530, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Geneviève Fioraso – Dans le même esprit que le précédent, l’amendement 531 vise à ce que les personnes qui recourent au service d’un auto-entrepreneur ne puissent mettre à sa disposition les instruments de travail nécessaires à l’exercice de son activité. Notre objectif est d’éviter que ce statut soit détourné par certaines entreprises pour externaliser. Nous ne sommes, chers collègues de la majorité, ni suspicieux vis-à-vis des chefs d’entreprise ni désireux d’ajouter encore à la réglementation. Mais permettez-moi de vous faire observer que c’est vous qui le faites, en créant un nouveau statut qui ne nous semble pas totalement sûr. Vous prétendez qu’il ne peut générer que des « micro-dérives », mais n’oublions pas qu’elles concerneront de vrais êtres humains ! L’ajout improvisé de cette strate réglementaire est anti-économique en plus d’être anti-social.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous nous sommes déjà expliqués : la commission est défavorable à cet amendement.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Vous présentez une série d’amendements de repli auxquels le Gouvernement est défavorable. Vous êtes hostile au statut d’auto-entrepreneur et nous avons à ce sujet un désaccord de fond. Permettez-moi de vous dire, Madame Fioraso, qu’il est un peu désagréable de vous entendre dire que nous compliquons les choses alors que votre amendement pose une interdiction absolue !

M. Yves Censi – C’est ubuesque et complètement irréaliste !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Les droits des entrepreneurs qui opteront pour ce système ne seront en rien amoindris, et, de toute façon, quels que soient le statut ou la qualification contractuelle retenue, il ne faut pas oublier que nous sommes dans un État de droit et que le juge du contrat pourra toujours, en cas de dérive, requalifier le lien contractuel en lien de subordination avéré.

M. Jean-Louis Gagnaire – Nous ne cherchons pas, Monsieur le ministre, à retarder le débat. Notre objectif est de faire préciser plusieurs points. Nous sommes en désaccord parce que les présupposés sur lesquels se fonde cet article nous semblent erronés. Vous pensez que la création d’entreprise passe exclusivement par l’allégement des contraintes juridiques et fiscales alors que tous ceux qui ont un peu d’expérience en ces matières savent que bien d’autres facteurs interviennent, notamment l’accompagnement, dont la loi ne dit rien. Lorsque l’ADIE intervient dans la création des micro-entreprises, leur taux de succès à trois ans atteint 85 %. Lorsque des chefs d’entreprise donnent de leur temps aux créateurs, les résultats sont au rendez-vous. Ce n’est pas en lâchant des salariés dans la nature et en leur faisant miroiter un nouveau statut qu’on les aidera à réussir. Nous défendrons chacun de nos amendements pour vous faire prendre conscience que l’on ne peut créer ainsi un statut définitif alors que les personnes concernées n’ont pas vocation à s’y maintenir ad vitam aeternam. Le dispositif que vous proposez n’apportera rien en termes de développement économique.

Mme la Présidente - Sur le vote de l’amendement 531, j’ai été saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

À la majorité de 65 voix contre 20, sur 85 votants et 85 suffrages exprimés, l’amendement 531 n’est pas adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Charles de Courson – Le Gouvernement ne propose pas de réévaluer le plafond en dessous duquel il est possible de bénéficier du régime simplifié. Notre amendement 1367 vise à y remédier, en le portant progressivement de 76 300 euros à 100 000 euros pour ce qui concerne les biens et de 27 000 euros à 33 000 euros pour les services. Cela permettrait de redonner l’équivalent de l’inflation. Nous proposons d’y parvenir par étapes pour des raisons de coût, car un tel amendement représente 60 à 70 millions par an pendant quatre ans – en sus du dispositif prévu à l’article premier.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 811 rectifié vise d’abord à démontrer que nous participons pleinement de la démarche de coproduction législative, mise au service de la modernisation de notre économie.

Il vise ensuite à permettre à certains micro-entrepreneurs de bénéficier d’allégements administratifs et fiscaux. Il faut noter que les seuils fixés pour l’application de ce régime n’avaient pas été rehaussés depuis 1998.

Enfin, dans le contexte budgétaire particulièrement contraint qu’a rappelé M. Carrez, je tiens à remercier M. Novelli pour sa très grande efficacité qui nous a permis d’obtenir un accord. Le petit vieux parlementaire que je suis sait combien il est parfois difficile d’arracher une telle mesure !

M. Olivier Carré – Le jeune parlementaire que je suis se rallie à l’argumentaire qui vient d’être présenté et retire son amendement 1265 (Sourires).

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avisSous réserve de l’avis que le Gouvernement va nous donner, la commission des finances considère que l’amendement 811 rectifié est celui du bon compromis, d’autant qu’un amendement à venir propose l’indexation de ces seuils. En revanche, l’amendement de M. de Courson aurait des conséquences financières qui iraient bien au-delà de ce qui nous est permis.

M. Charles de Courson – Je retire l’amendement 1367 pour me rallier au 811 rectifié, d’autant qu’un amendement à venir de la commission des finances prévoit en effet une indexation annuelle.

L'amendement 1367 est retiré.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Je partage votre souci de revaloriser les seuils de la micro-entreprise. Comment donner toutes ses chances au statut d’auto-entrepreneur sans lui donner un coup d’accélérateur ? Au moment où nous venons de voter ce statut, il est normal de tenir compte de l’inflation depuis 1998, date de la dernière revalorisation intervenue, et ce tout en tenant compte du souci légitime exprimé tout à l’heure par le rapporteur général du budget. Ces dispositions ont en effet un coût budgétaire, les entrepreneurs en micro-entreprise étant exonérés de TVA. Les seuils retenus dans l’amendement 811 rectifié, de 80 000 euros pour les activités commerciales et de 32 000 euros pour les activités de service, paraissent pertinents. Le Gouvernement lève le gage.

M. Jean Gaubert – J’avais cru comprendre que ne serait accepté aucun amendement ayant une incidence fiscale – non plus qu’aucun ayant trait au code du travail –, les mesures concernées étant renvoyées au projet de loi de finances. Or, voilà qu’après une heure de débat, on nous en propose déjà un, auquel le Gouvernement donne un avis favorable ! Nous ne sommes pas opposés, loin de là, à l’indexation des seuils de la micro-entreprise mais c’est une question de principe. Quel sera, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, votre fil directeur sur ce point durant le long marathon qui s’engage ?

L'amendement 811 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson – L’amendement 1368 proposait une indexation des seuils, mais je le retire au profit du 219 de la commission des finances.

L'amendement 1368 est retiré.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 219 tend à actualiser chaque année l’ensemble des seuils des régimes de la micro-entreprise, de la franchise en base de TVA ainsi que du régime simplifié d’imposition, de la même façon que le barème de l’impôt sur le revenu. C’est une mesure de bon sens, adoptée à l’unanimité par la commission.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Avis tout à fait favorable. Je lève le gage.

M. François Brottes – Nous allons voter cet amendement comme nos collègues l’ont fait en commission. Mais j’aimerais que le rapporteur pour avis de la commission des finances nous indique combien toutes ces mesures, ajoutées les unes aux autres, finiront par coûter.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – L’amendement 811 rectifié représente un coût de 100 millions d’euros, le 219 de 25 millions d’euros. Il s’agit là bien sûr d’une évaluation qui ne tient pas compte des recettes fiscales supplémentaires que générera le regain d’activité escompté de l’ensemble des mesures.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Je voudrais rassurer M. Brottes. La commission des finances, toujours très sourcilleuse, a examiné toutes les mesures proposées en tenant compte de la situation de nos finances publiques. Ainsi a-t-elle jugé que la réserve spéciale d’autofinancement, mesure importante mais qui représente un coût budgétaire de plusieurs milliards d’euros, devait être renvoyée à la loi de finances.

L'amendement 219, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson – L’amendement 1370, que je vais retirer, concernait précisément la réserve spéciale d’autofinancement, laquelle s’appliquerait à tous les entrepreneurs individuels, qu’ils soient imposés au régime des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux. J’insiste sur le fait que cette RSA n’aboutit pas à une exonération d’impôt sur le revenu, mais seulement à un différé de paiement. Son objet est simplement de rétablir une égalité de traitement fiscal entre entreprises individuelles et entreprises sociétaires. On distingue en effet dans les secondes entre revenu du travail et revenu du capital, les sommes laissées dans l’entreprise n’étant pas taxées, alors que l’entrepreneur individuel l’est sur l’intégralité de ce qu’il gagne, quoi qu’il laisse dans son entreprise.

L'amendement 1370 est retiré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 141 rectifié, adopté à l’unanimité par la commission, dispose que, « sauf en cas de détournement manifestement volontaire de la loi ou de récidive, les personnes chargées des contrôles et de dresser les procès-verbaux doivent d’abord procéder à des rappels à la réglementation. » Un contrôleur fiscal ou de l’URSSAF ne peut dire d’emblée au dirigeant de la PME qu’il contrôle que « nul n’est censé ignorer la loi » et le sanctionner dès la première fois. Certes, les experts de certaines belles et grandes administrations nous expliquent qu’il n’est pas toujours facile de distinguer entre l’erreur de bonne foi et le comportement de mauvaise foi. Mais tous ceux qui connaissent le monde de l’entreprise, eux, savent parfaitement faire la différence. Comment exiger d’un boulanger, d’un charcutier, d’un maçon qu’ils connaissent toute notre complexe législation, que nous-mêmes avons parfois du mal à maîtriser ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy – Le sous-amendement 1468 demande au Gouvernement de rendre compte des actions concrètes engagées pour répondre à nos demandes et ainsi permettre au législateur d’accomplir sa tâche d’évaluation des politiques publiques.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur Avis favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Il s’agirait donc, lors de tous contrôles administratifs en entreprise, et sauf en cas de mauvaise foi manifeste, de rendre obligatoire un rappel à la loi préalablement à toute sanction. J’appelle votre attention sur le fait que ce dispositif s’appliquerait à de très nombreuses procédures, qui ont toutes leurs spécificités. De plus, en de nombreux cas, l’administration agit déjà de la sorte. Ainsi l’administration fiscale a-t-elle multiplié les actions de sensibilisation au respect des obligations fiscales. Pour l’impôt sur le revenu, une procédure de relance amiable a été instituée en 2005, qui concerne les particuliers et les entrepreneurs. Si, dans le passé, toute discordance entre les informations dont disposait le fisc et les déclarations reçues donnait lieu à contrôle, la reconnaissance de la bonne foi du contribuable est aujourd’hui la règle. De ce fait, lorsque le fisc considère qu’une erreur a été commise de bonne foi, il invite, par courrier simple, le contribuable concerné à une régularisation qui n’est pas assortie de pénalité. Ce progrès, c’est notre majorité qui l’a voulu.

Mais supprimer toute menace de sanction n’est pas de nature à inciter les usagers à respecter leurs obligations, et le contrôle est la contrepartie du système déclaratif. Revenir entièrement sur ce dispositif ne me paraît donc pas souhaitable. Cependant, je prends l’engagement que l’administration de l’économie et des finances, chaque fois que ce sera possible, développera la pratique des rappels à la loi. Cet engagement étant pris, je vous invite à retirer l’amendement.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Je connais ces arguments par cœur. Il est vrai que des rappels à la loi se font déjà, et c’est heureux. Mais l’administration fiscale n’est pas seule, et les petites entreprises doivent faire face à bien d’autres contrôles que les seuls contrôles fiscaux – des contrôles sanitaires par exemple. De plus, ceux qui sont chargés de ces contrôles ne sont pas toujours de fins pédagogues, et leur trop fréquente intransigeance explique pour partie les mauvaises relations entre nos entrepreneurs et la belle administration que le monde entier nous envie. Il nous faut aujourd’hui adresser un message fort aux PME : ce n’est plus à elles d’être au service de l’administration mais à l’administration de se mettre davantage encore au service des entreprises. Je ne retirerai pas l’amendement (M. Tardy applaudit).

M. Serge Poignant – Les contrôles ne concernent pas seulement l’impôt sur le revenu ; les erreurs relatives à la TVA sont très fréquentes…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – On en fait tous les jours !

M. Serge Poignant – …Il est vrai que, si la bonne foi est établie, l’erreur n’emporte pas de pénalité supplémentaire, mais il n’empêche que la pénalité de base est due immédiatement.

Mme Marylise Lebranchu – Non.

M. Serge Poignant – Si. Il serait donc bon de prévoir un rappel à la loi dans un premier temps suivi d’une sanction s’il y a réitération. Je serais favorable au développement de ce conseil aux entreprises.

M. François Brottes – Il arrive effectivement qu’une sanction soit appliquée sans que la raison en soit suffisamment expliquée, ce qui froisse le contribuable, mais cela se produit de moins en moins souvent car les agents de l’administration sont aujourd’hui plus enclins à retenir la bonne foi, je puis en témoigner. Une fois n’est pas coutume, je suis donc plutôt sur la ligne du ministre.

Nous n’avons pas voté contre l’amendement en commission car sa rédaction laisse entendre que le contrôleur peut dans tous les cas continuer de dresser un procès-verbal d’infraction, et qu’il ne s’agira pas pour lui de se limiter à alerter sur une erreur présumée commise de bonne foi. Cela étant, le ministre ayant pris un engagement clair, ne serait-il pas préférable de retirer l’amendement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État L’opposition semblant s’être rangée à mes arguments – mais elle ne devrait pas le dire trop fort (Sourires) –, je vais tenter de convaincre la majorité que l’amendement a une portée trop vaste. Tel qu’il est rédigé, il englobe les contrôles de tous ordres, qu’il s’agisse de fiscalité, de sécurité sanitaire, de sécurité des installations, de droit du travail… Je vous le rappelle, j’ai pris, au nom de la ministre, l’engagement que l’administration de l’économie et des finances appliquerait, à chaque fois que ce sera possible, le principe du rappel à la loi avant sanction. Je vous invite à réfléchir aux conséquences qu’aurait l’amendement dans le domaine de la sécurité et en droit de travail et au fait que son adoption risquerait d’occulter l’intégralité de nos travaux.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Vous êtes dans votre rôle, Monsieur le ministre, et je suis dans le mien. Je suis parfaitement conscient de la portée de l’amendement et, comme je n’ai cessé de le faire depuis vingt-sept ans que je suis député, je salue la qualité de notre administration, mais je suis convaincu que les relations entre elle et les entrepreneurs seraient pacifiées si notre proposition était adoptée.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Je m’interroge. Je comprends la démarche du rapporteur et je l’approuve mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement est de portée très générale, au point qu’il donne à penser que toute personne « chargée des contrôles et de dresser les procès verbaux » est concernée. Les policiers, les gendarmes le seraient-ils aussi ? Je le pense (M. de Courson opine). À tout le moins, la portée de l’amendement doit être précisée. Peut-être le rapporteur devrait-il indiquer que l’amendement s’applique uniquement au droit du travail et à la fiscalité. Je me devais en tout cas de vous faire part de ma perplexité.

M. Serge Poignant – S’il convient peut-être de réduire explicitement la portée de l’amendement, je n’en partage pas moins, quant au fond, la préoccupation du rapporteur, notamment en matière de fiscalité, domaine que je connais bien. Peut-être pourriez-vous, Monsieur le ministre, adresser des instructions aux services fiscaux (Approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP) afin qu’ils mettent en garde les entrepreneurs avant de les sanctionner.

M. Gilles Carrez – Puisque nous souhaitons tous soumettre les dispositions législatives les plus importantes à des études d’impact, soyons cohérents, et demandons une évaluation des conséquences en matière fiscale, mais aussi dans d’autres domaines – la sécurité, le domaine sanitaire – de cet amendement de portée très générale.

Mme la Présidente – Maintenez-vous votre amendement, Monsieur le rapporteur ?

M. Patrick Ollier, président de la commission – Seule la commission peut retirer l’un de ses amendements. Je prends donc mes responsabilités : au nom de la commission, je retire l’amendement 141 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson – C’est dommage, Monsieur le président !

L'amendement 141 rectifié est retiré.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avisOn l’a dit, le statut de l’entrepreneur individuel pose deux problèmes : le patrimoine affecté et l’investissement, que doit permettre la réserve spéciale d’autofinancement ainsi dénommée par M. de Courson. Sur ce dernier point, Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, sur proposition de la commission des finances, à remettre au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009, un rapport détaillant les mesures concrètes que la commission des affaires économiques et la commission des finances appellent de leurs vœux depuis plusieurs années. D’où l’amendement 220.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Le Gouvernement s’est engagé tout à l’heure à satisfaire cette demande.

M. Charles de Courson – Si nous approuvons cette mesure, son coût pose problème. Évalué par le Gouvernement à 9, puis à 5 milliards et par les deux rapporteurs et nous-mêmes à 1 ou 1,5 milliard, il s’élèverait, selon nos dernières estimations, à 1,8 ou 2 milliards, ce qui est plus raisonnable. Mais comment dégager cette somme ? Je suggère de partir d’un montant de 5 000 euros – et non de 38 000 – et de redéployer l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises, pour s’assurer d’une assiette suffisante.

L'amendement 220, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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