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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 5 juin 2008

1ère séance
Séance de 9 heures 30
183ème séance de la session
Présidence de Mme Catherine Génisson, Vice-Présidente

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

MODERNISATION DE L’ÉCONOMIE – suite

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation de l’économie.

ART. 5

M. Daniel Paul – Mon intervention sur l’article vaudra défense de l’amendement 737 de suppression.

Cet article étend l’insaisissabilité du patrimoine de l’entrepreneur individuel, jusqu’à présent limitée à sa résidence principale, à tous ses biens fonciers, bâtis ou non, résidence secondaire comprise. Cela pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, comme l’a souligné la CGPME, les banques, qui font de moins en moins volontiers crédit, hésiteront à accorder aux PME un prêt dont l’assiette de garantie serait ainsi réduite, et le principe de renonciation partielle à l’insaisissabilité des biens ne saurait suffire à les rassurer.

Ensuite, il n’est pas normal que les biens acquis lorsque l’entreprise prospère deviennent insaisissables lorsqu’elle est moins florissante : ce faisant, on privatise les profits, mais l’on fait supporter les pertes par la collectivité. Dès lors, pourquoi ne pas limiter l’insaisissabilité aux biens acquis avant le lancement de l’entreprise ?

Enfin, la mesure ne devrait pas s’appliquer à tous les entrepreneurs, quelle que soit la valeur de leurs biens mobiliers et immobiliers. En plafonnant le montant des biens insaisissables, on éviterait à la collectivité de payer pour la faillite d’un entrepreneur possédant plusieurs résidences secondaires ou assujetti à l’ISF !

Notre amendement de suppression est donc un amendement d’alerte : ce sujet appelle des propositions plus circonstanciées.

M. Jean Gaubert – L’amendement 543 propose également de supprimer l’article. Je suis d’accord avec M. Paul : l’intention qui préside à cet article est louable, et nous connaissons tous des chefs d’entreprise de bonne foi dont un retournement de conjoncture ou un accident de production a réduit les efforts à néant.

Pour autant, en dispensant l’entrepreneur d’engager tout ou partie de son patrimoine, on fait peser le risque sur les seuls créanciers. Il n’est pas normal qu’un important patrimoine amassé grâce à l’activité de l’entreprise lorsque celle-ci prospère ne soit pas réinvesti lorsque les affaires vont mal. Pour avoir dirigé pendant quarante ans une entreprise dont l’activité était fluctuante, je sais combien il est nécessaire d’épargner afin de réinvestir dans l’entreprise lorsque sa situation se détériore ; j’ai toujours procédé ainsi, et mon successeur fait de même.

En outre, les banques ne se laisseront pas duper : elles ne prêteront pas sans garantie, ce qui obligera les entrepreneurs à engager leur patrimoine personnel, même s’ils ont pris soin de le séparer de celui de l’entreprise.

M. Lionel Tardy – Bien sûr !

M. Jean Gaubert – Mieux vaudrait ressusciter les fonds de garantie collective – qui existaient autrefois dans l’agriculture, mais ont été déclarés euro-incompatibles. En l’état, cette mesure n’est guère propice au développement des entreprises.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques – Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Même avis. L’extension à tous les biens immobiliers du dispositif protégeant le patrimoine des entrepreneurs individuels est une avancée que nous n’entendons pas remettre en cause. Sur cette question, notre discussion a permis hier de résoudre les problèmes liés au patrimoine d’affectation et à la réserve spéciale d’autofinancement.

M. Lionel Tardy – Je suis moi aussi chef d’entreprise, et M. Gaubert a raison de rappeler qu’un jeune entrepreneur doit souvent commencer par hypothéquer ses biens. Mais la mutualisation de la caution permet généralement de résoudre le problème que pose la garantie des prêts bancaires. En outre, le texte protège l’entrepreneur en lui permettant de renoncer en partie à l’insaisissabilité de ses biens immobiliers au profit d’un ou plusieurs créanciers professionnels, donc de gager des sommes plutôt que des biens. De ce point de vue, le texte est satisfaisant.

Les amendements 543 et 737, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Gaubert – Je défends l’amendement 542. Si l’insaisissabilité de la résidence principale va de soi, son extension aux autres biens de l’entrepreneur pose un problème moral. Permettez-moi de citer un cas survenu dans ma circonscription et qui concerne également l’un de vos anciens collègues, lequel a dû rembourser les dettes résultant de la faillite d’une affaire à laquelle il n’était qu’associé mais dont le gérant – qui a fait quatre mois de prison – disait ne posséder aucun bien. On découvrit par la suite qu’il était propriétaire d’une somptueuse résidence à l’étranger. Jugez-vous normal que le premier ait dû payer pour celui qui avait mis de l’argent « à gauche » ?

M. Daniel Paul – À droite, plutôt ! (Rires)

M. Jean Gaubert – À droite, en effet, et, en l’occurrence, au sud… (Même mouvement) Dans les affaires, la morale exige que l’on assume ses responsabilités lorsque l’on en a les moyens. C’est à cette exigence que vous vous apprêtez à renoncer !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis.

L'amendement 542, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Geneviève Fioraso – L’amendement 954 vise à empêcher les entrepreneurs indélicats d’utiliser l’argent de leur entreprise pour se constituer un patrimoine insaisissable. N’ouvrons pas la voie à des dérives !

L'amendement 954, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Geneviève Fioraso – L’amendement 955 vise à limiter la durée de la protection accordée. S’il est nécessaire de protéger le chef d’entreprise durant la période de lancement de celle-ci, ce n’est plus le cas lorsqu’elle a pris son envol. Être chef d’entreprise, c’est aussi savoir prendre des risques !

L'amendement 955, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois – L’amendement 71 aménage les conditions de l’insaisissabilité en cas de biens non affectés exclusivement à un usage professionnel. Il faut en effet prévoir l’hypothèse d’un usage mixte non seulement pour la résidence principale, mais aussi pour tous les biens fonciers qui pourraient être visés par la déclaration d’insaisissabilité. Nous proposons donc que la partie d’un bien foncier à usage mixte non affectée à un usage professionnel ne puisse faire l’objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état descriptif de division.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Le sous-amendement 1498 répond à la même préoccupation que l’amendement, dont il précise la rédaction.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Avis favorable au sous-amendement comme à l’amendement.

Le sous-amendement 1498, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 71 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 157 2e rectification,116 rectifié, 1133, 1357, 1380 et 1424 tombent.

M. Daniel Paul – Mme Bello, qui se trouve aujourd’hui à la Réunion, m’a chargé de défendre l’amendement 1249, qui vise à protéger les propriétaires d’un logement social décidant de créer une petite entreprise. Il s’agit souvent de personnes en difficulté qui ignorent qu’on peut protéger son logement et qui se retrouvent en détresse en cas de liquidation judiciaire : la saisie et la vente de leur logement les plongent dans le dénuement.

Pour éviter ce genre de situations, nous proposons de prévoir l’insaisissabilité de plein droit de la résidence de l’entrepreneur individuel et du conjoint sans déclaration lorsque cette résidence consiste en un logement social.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Il y a là un vrai sujet, qui mériterait un engagement du Gouvernement. Mais en l’état actuel, nous ne pouvons inclure une telle disposition dans la loi. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Un logement social est à usage locatif.

M. Daniel Paul – Non !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – La déclaration d’insaisissabilité n’a donc pas d’objet, puisqu’elle porte uniquement, je le rappelle, sur l’immeuble à usage d’habitation principale dont l’entrepreneur a la propriété. Avis défavorable.

M. Jean Gaubert – C’est un peu plus compliqué que cela, Monsieur le ministre. Cet amendement vise les logements qui font l’objet de conventionnement avec l’État, dont les propriétaires privés – qui ont accepté de louer moins cher – seraient saisissables alors que ceux qui possèdent une résidence secondaire ou un autre logement loué ne le seraient pas !

M. Daniel Paul – Il y a là une forme d’amoralité, Monsieur le ministre. Je peux comprendre que vous n’ayez pas de réponse à nous donner ce matin…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Si, j’en ai une.

M. Daniel Paul – …mais acceptez du moins de la donner plus tard à nos collègues du Sénat ! Il y a du logement social en propriété ; vous devez donc nous expliquer votre position.

Hervé Novelli, secrétaire d’État – Si vous êtes locataire de votre logement, il est, par définition, insaisissable. Si vous en êtes propriétaire, vous pouvez déclarer votre bien comme insaisissable – et cela s’applique aussi aux propriétaires de logements sociaux !

L'amendement 1249, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis L’amendement 72 vise à étendre la protection en matière d’insaisissabilité au conjoint survivant : la révocation de la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble d’habitation de l’entrepreneur individuel est reportée au décès de ce conjoint survivant.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très bon amendement ! Avis favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Favorable.

M. Jean Gaubert – C’est en effet un excellent amendement.

J’aimerais obtenir une précision : la déclaration d’insaisissabilité ne concernera-t-elle que les entreprises qui vont se créer, ou sera-t-elle aussi ouverte à celles qui existent déjà ? La nuance est de taille !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Dès lors que la loi change, elle est aussi applicable dans le deuxième cas.

M. Jean Gaubert – Quid alors des garanties qui ont été données sur des prêts ?

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – On ne peut bien sûr emprunter de l’argent sans garantie ; il y a donc un juste équilibre à trouver. Mais nous voulons protéger ceux qui ont le courage de créer leur entreprise, en faisant en sorte que leur bien principal ne puisse être saisi en cas d’échec.

M. Jean Gaubert – Si je comprends bien, tout chef d’entreprise endetté pourra faire une déclaration d’insaisissabilité et rendre tous ses biens insaisissables. Comment fera son banquier ? Ce que l’un ne paye pas, ce sont les autres qui le paieront. Permettre aux emprunteurs de sortir toutes leurs garanties de la contrepartie bancaire du jour au lendemain me semble donc très dangereux.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – La résidence principale peut déjà être rendue insaisissable depuis la loi Dutreil. Nous étendons aujourd’hui cette insaisissabilité à l’ensemble du patrimoine immobilier. Elle ne sera opposable que pour les créances postérieures à la déclaration, comme c’est déjà le cas pour la résidence principale.

Mme Catherine Vautrin – Très bien

L'amendement 72, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À l’unanimité.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Les amendements 665 et 666 sont rédactionnels.

Les amendements 665 et 666, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Catherine Vautrin – L’amendement 156 tend à trancher le débat une fois pour toutes en retenant la notion de patrimoine d’affectation, c’est-à-dire en distinguant clairement le patrimoine personnel du chef d’entreprise du patrimoine dédié à l’entreprise. Vous nous avez dit hier, Monsieur le ministre, que cette idée retenait votre attention, tout en soulevant un certain nombre de difficultés juridiques. Vous vous êtes engagé à nous présenter un rapport sur le sujet le 15 septembre. Compte tenu de cet engagement, nous retirons notre amendement.

M. Jean Dionis du Séjour – L’amendement 1377 est identique. Je suis dans le même état d’esprit que Mme Vautrin. Il y aura une libre décision de l’entrepreneur sur ce qui ressortit du patrimoine insaisissable et des garanties de l’entreprise, lesquelles déterminent directement sa capacité d’emprunt. C’est un point très important, Monsieur le ministre.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – La question du statut fiscal et social des travailleurs indépendants mérite une explication détaillée. Au cours de la discussion générale, tous les députés ont déploré l’inégalité de traitement qui consiste à faire cotiser les travailleurs indépendants non pas sur leur équivalent salaire mais sur la marge d’exploitation de l’entreprise. Et l’affectation du patrimoine pose également problème.

Le Gouvernement, par les voix de Mme Lagarde et de M. Novelli, s’est clairement engagé à ce qu’avant la discussion du PLF pour 2009, un rapport et des solutions techniques nous soient présentés, de manière à supprimer définitivement cette inégalité. Bien entendu, je serai très attentif à l’évolution de ce dossier, mais, compte tenu des engagements très clairs qui ont été pris, je souhaite que nous retirions nos amendements.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Je vais réitérer les engagements du Gouvernement tels que je les ai exposés hier.

Pour ce qui concerne le patrimoine d’affectation et sa constitution, j’ai demandé, en accord avec Christine Lagarde, à Xavier de Roux, dont la compétence en ces domaines est connue de tous, de nous faire rapport avant le 15 septembre. En outre, un rapport sur la réserve spéciale d’autofinancement sera remis à la même date. Enfin, un amendement au présent texte traitera de la fiducie, laquelle constitue une solution partielle pour certains travailleurs indépendants. Nous apportons par conséquent des réponses très concrètes à un problème récurrent qui n’avait jamais été réglé.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, et Mme Catherine Vautrin – Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing – J’ai bien entendu les engagements très clairs que vient de confirmer M. Novelli. Nous aborderons toutes ces questions dans la loi de finances pour 2009, à la faveur de l’éclairage que donnera le rapport de notre ancien collègue Xavier de Roux. Le Gouvernement peut compter sur notre mémoire, mais, compte tenu de la parole donnée, je retire mon amendement 1359.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances – Je me réjouis que le Gouvernement reprenne cette idée, émise au départ par la commission des finances…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – En effet.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Cela permettra notamment de régler le problème de la réserve spéciale d’autofinancement, à laquelle je suis – comme nombre de nos collègues – particulièrement attaché. L’enjeu économique et financier est important et il est primordial que les entrepreneurs individuels puissent bénéficier d’un traitement fiscal et social plus équitable.

Mme Catherine Vautrin – Très bien ! Nous avançons !

Les amendements 156, 1377 et 1359 sont retirés.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Dans le même esprit, je retire l’amendement 155 2e rectification.

M. Jean Dionis du Séjour – Je vais également retirer l’amendement 1379 rectifié. Le calendrier que propose le Gouvernement nous convient, même si, comme Louis Giscard d’Estaing, nous essaierons d’avoir de la mémoire ! (Sourires) L’enjeu pour les finances publiques n’est pas négligeable : il semble que le ministère s’était fondé sur une évaluation d’environ 7 milliards ; Charles de Courson, pour une fois minimaliste, tablait plutôt sur 1,5 milliard. Il nous semble important de stabiliser le coût prévisionnel de la mesure. Une fois cette évaluation menée en toute impartialité, le bon cadre pour en débattre sera effectivement la loi de finances pour 2009.

Les amendements 155 – 2e rectification et 1379 rectifié sont retirés.

Mme Geneviève Fioraso – Nous avons déjà largement évoqué les questions relatives à l’insolvabilité du patrimoine personnel. Nous sommes particulièrement attentifs à ce que les entrepreneurs individuels ne se voient pas dépouiller alors qu’ils n’ont commis aucune faute et que l’insuccès de leur entreprise n’est pas forcément de leur fait.

Par l’amendement 556, nous appelons l’attention sur le fait qu’il peut y avoir un effet pervers à protéger intégralement un entrepreneur pour ce qui concerne son patrimoine privé, élargi à la résidence secondaire. Ne peut-on y voir une incitation à jouer le patrimoine contre le réinvestissement, compte tenu de surcroît de la frilosité des banques ? On sait que cela est conforme à la culture de notre pays où il est courant de privilégier le patrimonial plutôt que la prise de risque. La réponse proposée ne nous semble pas la bonne du point de vue du développement économique. D’accord pour protéger les entrepreneurs mais nous aurions préféré, au nom du dynamisme économique, que l’on puisse jouer sur les fonds de garantie. Las, notre amendement en ce sens n’a pas été retenu. On lui a préféré une mesure très conservatrice qui risque d’aller à l’encontre de la dynamique économique.

L'amendement 556, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – L’amendement 1481 vise à étendre le statut de conjoint collaborateur aux personnes liées par un pacte civil de solidarité à un chef d’entreprise. La loi du 2 août 2005 a donné aux conjoints collaborateurs un statut réellement protecteur et cela constitue un progrès majeur. Cependant, le dispositif ne s’appliquait qu’aux seuls couples mariés. Le Pacs s’étant imposé comme une nouvelle forme de conjugalité, il a semblé naturel au Gouvernement d’étendre le statut de conjoint collaborateur aux personnes pacsées. Son amendement est cohérent avec le 672 de M. Forissier qui demandait un rapport sur l’extension de ce statut aux pacsés et aux concubins. S’agissant des pacsés, le Gouvernement souhaite inscrire cette évolution directement dans le présent texte, pour répondre au vœu de la commission des finances.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis favorable.

Mme Frédérique Massat – Le groupe socialiste se félicite que le Gouvernement propose cette évolution très attendue. Nous voterons cet amendement. Nous avions du reste déposé le même mais il a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Mme Catherine Vautrin – Le Gouvernement a fait le boulot ! (Sourires)

Mme Frédérique Massat – Et nous l’en remercions ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour – C’est très élégant !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Je tiens à saluer à mon tour cette mesure d’équité et de bon sens et je précise que si j’avais proposé un rapport, ce n’est pas par amour pour les rapports – en réalité, c’est plutôt l’inverse ! – mais parce qu’en tant que parlementaire, je ne pouvais pas déposer un amendement tendant à alourdir les charges publiques…

M. Jean Gaubert – Il fallait voter l’amendement Migaud la semaine dernière !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – C’est un autre sujet !

L'amendement 1481, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – À l’unanimité.

M. Jean Dionis du Séjour – Par notre amendement 1381, nous tentons d’apporter une correction marginale à une disposition peu satisfaisante. Le code général des impôts incite à adhérer à un centre de gestion, par un abattement de 20 % sur les bénéfices réels et par une surévaluation de 25 % de l’assiette de l’impôt de ceux qui n’adhèrent pas. Le groupe NC souhaite rééquilibrer le dispositif en limitant la surévaluation de l’assiette à 20 %. L’équilibre entre incitation et sanction serait ainsi mieux garanti.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Permettez-moi de présenter en une fois l’avis du Gouvernement sur tous les amendements et sous-amendements qui ont trait à cette question.

Le remplacement de l’abattement de 20 % accordé aux adhérents des organismes de gestion agréés – OGA – par la majoration de 25 % du barème des non-adhérents avait suscité un certain émoi, si bien que l’amendement 158 vise à supprimer cette majoration lorsque le contribuable fait appel à un expert-comptable extérieur et agréé. L’idée est judicieuse : l’octroi du visa fiscal sera plus concurrentiel et la compétence des experts-comptables en la matière reconnue.

Néanmoins, pour être efficace, cette proposition doit être complétée. C’est pourquoi l’amendement 1459 rectifié de M. Mallié est préférable : il permet aux OGA de devenir, dans un délai de trois ans, des associations de gestion agréées – des AGA. Les experts-comptables pourront ainsi coexister avec ces structures dans de saines conditions de concurrence. L’adoption de l’amendement 1459 rectifié rendrait sans objet le 1381.

Quant aux sous-amendements 1504 et 1497 de Mme Vautrin, ils visent à exclure les AGA du champ de la mesure proposée par M. Mallié. Il est vrai que les titulaires de revenus non commerciaux ne sont pas soumis aux mêmes obligations comptables que les commerçants, les artisans ou les agriculteurs. L’amendement de M. Mallié est équilibré, mais je comprends que, s’agissant des AGA, vous souhaitiez temporiser. Sur ces sous-amendements, le Gouvernement s’en remettra donc à la sagesse de l’Assemblée.

J’en viens enfin aux sous-amendements 1492 et 1491 de M. Poignant. L’habilitation des associations agréées à exercer une expertise comptable a ôté aux centres de gestion agréés et habilités – les CGAH – la capacité de tenir la comptabilité de leurs membres au-delà du 31 décembre de cette année. En outre, les dossiers d’associations de gestion et comptabilité – AGC – devaient être transmis à la commission nationale d’inscription avant le 12 mai dernier. Tous ces délais sont très brefs. M. Poignant nous propose de les prolonger de trois années, et le Gouvernement y est favorable.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Ni la commission ni le groupe UMP n’ont jamais exprimé la moindre critique envers les organismes de gestion agréés, dont les statistiques particulièrement fiables sont très utiles. Pour autant, le remplacement de l’abattement pour les adhérents par la majoration du barème des non-adhérents a provoqué un déséquilibre puisque les OGA sont, à l’heure actuelle, les seuls à pouvoir effectuer la certification des comptes. Il n’est pas anormal que les experts-comptables y soient également habilités.

À la limite de la bonne foi, certains craignent que cette mesure d’équilibre entraîne la disparition du jour au lendemain des 600 OGA, qui emploient 15 000 salariés. Les députés que nous sommes ont assez de bon sens pour ne pas se faire manipuler de la sorte ! N’allons pas créer le trouble – psychologique autant qu’économique – dans deux professions du chiffre pour… une querelle de chiffres, précisément ! La sagesse économique exige que le Gouvernement prenne le temps de régler le problème et que, dans l’immédiat, nous retirions ces amendements.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est en quelque sorte un Grenelle des OGA que vous nous annoncez ! Dans ces conditions, je retire mon amendement.

L'amendement 1381 est retiré.

M. Richard Mallié – C’est la loi de finances pour 1977 qui a créé les OGA, les AGA et les CGA. Il y a deux ans, l’abattement de 20 % accordé à ceux dont les revenus étaient déclarés par des tiers a été remplacé par une majoration du barème des non-adhérents.

Ce problème déjà ancien n’a qu’une seule solution : différencier l’impôt des adhérents, soumis à certaines contraintes telles que la perception par chèque ou, pour les professions de santé, la déclaration par un tiers, de celui des non-adhérents.

Mon amendement 1459 rectifié et les sous-amendements dont il fait l’objet ne sont que la conséquence de l’amendement 158 de la commission. Si le rapporteur retire celui-ci, il va de soi que le mien le sera aussi.

Mme Catherine Vautrin – Je reconnais que l’amendement 158 va un peu loin, et ce d’autant plus volontiers qu’un rapport de la direction générale des finances publiques du 28 avril met en avant l’excellente qualité du travail des AGA et CGA, en soulignant le rôle de prévention fiscale de ces organismes, qui contribuent à améliorer le recouvrement de l’impôt. À un moment où nos finances publiques ont particulièrement besoin de recettes, il y aurait donc une certaine schizophrénie de notre part à vouloir stopper cette activité.

La proposition de M. Mallié me paraît plus pertinente à cet égard. J’ai présenté deux sous-amendements 1504 et 1497, car les adhérents de ces associations étant soumis à des régimes divers – bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, code du commerce, code général des impôts…, – il ne faut pas tout amalgamer, sachant, par ailleurs, que les AGA ne sont pas astreintes à une comptabilité tenue par un expert-comptable. Le sens de mes sous-amendements est de maintenir le statu quo pour les AGA.

M. Serge Poignant – Les sous-amendements 1491 et 1492 visent à proroger jusqu’au 31 décembre 2011 le délai accordé aux CGAH, pour tenir la comptabilité de leurs adhérents, par souci de cohérence avec le délai prévu pour leur transformation en AGC. Si l’amendement de M. Mallié est retiré, ils n’ont évidemment plus lieu d’être.

M. Jean Gaubert – Le rapporteur a dit que le problème était complexe, et je pense comme lui que nous ne le réglerons pas dans l’hémicycle. Je suis donc favorable au retrait des amendements.

J’en profite pour saluer la qualité du travail de ces organismes. Ce sont d’excellents auxiliaires fiscaux, par la qualité de la tenue des documents, leurs conseils aux adhérents, mais aussi leur contribution à la prévention du risque fiscal. Outre le conseil individuel, ils possèdent également une dimension d’animation du territoire. Ils sont les seuls à faire de l’animation de filière pour les entreprises, grâce aux réseaux qu’ils savent tisser avec leurs adhérents. C’est irremplaçable, et il ne faudrait pas déséquilibrer une situation qui, après des dizaines d’années de débats, a à peu près trouvé son rythme de croisière.

M. Richard Mallié – Mme Vautrin souhaitant retirer son amendement, la conséquence en est que je retirerai le mien. Cela me paraît préférable, s’agissant, au fond, d’un débat de loi de finances. Il en est discuté de manière récurrente en commission des finances, et nous pourrions donc nous mettre d’accord pour trouver une solution dans le prochain projet de loi de finances initiale.

M. Louis Giscard d'Estaing – Absolument !

M. François Brottes – Il serait bon, si ces amendements sont retirés, que le rapporteur nous dise quels seront les prochains rendez-vous. De même, il me paraît important, lorsque nous parlons d’organismes de gestion agréée, de souligner qu’il ne s’agit pas de corporatisme…

Mme Catherine Vautrin – Tout à fait !

M. François Brottes – …, mais de structures qui remplissent des missions d’intérêt général, dont nous avons tous intérêt à préserver la qualité.

M. Richard Mallié – Y compris Bercy !

L'amendement 1459 rectifié est retiré.

Mme la Présidente – Les sous-amendements 1504, 1497, 1492 et 1491 tombent.

L'amendement 158 est retiré.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Inspirée du trust, la fiducie consiste à isoler une partie d’un patrimoine en confiant sa gestion pour une durée déterminée à une fiduciaire. Elle a été introduite par la loi du 19 février 2007, dont j’étais le rapporteur au nom de la commission des finances, M. de Roux en étant le rapporteur au nom de la commission des lois. Ce fut une avancée majeure pour la compétitivité de nos outils juridiques. Mais ce régime, réservé aux seules personnes assujetties à l’impôt sur les sociétés, est aujourd’hui perçu comme trop restrictif. L’amendement 458 vise donc à réparer cette injustice, en demandant au Parlement d’habiliter le Gouvernement à étendre par ordonnance le régime de la fiducie aux personnes physiques.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – La fiducie est actuellement réservée aux seules personnes morales, c’est-à-dire aux entreprises en société. L’amendement rétablit donc, ici encore, l’équilibre entre les artisans en société et ceux qui accomplissent le même travail en indépendants. Pour ces raisons, et en vous adressant ses félicitations, Monsieur le ministre, la commission émet un avis très favorable.

Plusieurs députés du groupe UMP – Très bien !

L'amendement 458, mis aux voix, est adopté.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 1481 adopté à l’unanimité tout à l’heure a étendu le statut de conjoint collaborateur aux personnes pacsées. En raison de l’irrecevabilité financière, j’avais demandé au Gouvernement de formuler des propositions pour l’extension de ce statut aux conjoints pacsés et aux concubins. Avec l’amendement 1481, j’ai été à demi satisfait, et l’amendement 672 vise à demander à présent des propositions au Gouvernement pour l’extension de ce statut aux concubins.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – L’amendement de M. Forissier a été satisfait en partie par l’adoption de l’amendement 1481, étendant le statut de conjoint collaborateur aux personnes liées par un Pacs. Nous proposons donc un sous-amendement 1469 à l’amendement 672, limitant le rapport à la question de l’extension du statut aux concubins.

Mme Frédérique Massat – L’extension du statut de conjoint collaborateur aux pacsés est une avancée importante, mais qui n’a été obtenu qu’après plusieurs années, malgré les nombreuses questions écrites des députés. La demande d’une extension du statut aux concubins est forte – elle émane même de femmes chefs d’entreprise – ; je ne voudrais pas qu’elle connaisse le même sort et que, de rapport en rapport, nous ayons à l’attendre plusieurs années.

Le sous-amendement 1469 mis aux voix, est adopté.

L'amendement 672, ainsi sous amendé, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 6

M. Lionel Tardy – Il était nécessaire de créer un choc psychologique sur la question des délais de paiement. Cette réforme est l’une des mesures les plus prometteuses de ce texte : en rendant productives les sommes considérables consacrées au crédit interentreprises, elle favorisera la croissance.

Cette réforme doit s’appliquer à toutes les entreprises : si quelques dérogations sont accordées à certaines filières, elles doivent impérativement être limitées dans le temps. S’agissant du mode de calcul, le point de départ doit être la date d’émission de la facture, dont seul le fournisseur décide. Prendre la date de livraison comme référence, c’est s’exposer aux manœuvres dilatoires des clients.

Il est également important que le secteur public montre l’exemple. Le décret du 28 avril 2008, qui ramène les délais de paiement à 30 jours, est une avancée. Mais elle est encore insuffisante car les collectivités locales et les hôpitaux ne sont pas concernés. De plus, il s’agit du délai légal : il faut poursuivre l’effort pour que le délai réel s’en rapproche le plus possible.

Le problème du financement demeure. La réduction des délais de paiement va augmenter les besoins en fonds de roulement des entreprises, qui ne pourront pas compter sur les banques – les grandes absentes de ce projet de loi – pour les financer.

M. André Chassaigne – Les délais de paiement sont une question cruciale pour la survie du réseau français de petites entreprises. Les créances clients représentent 25 % du bilan des PME, contre 8 % en Allemagne. Les entreprises françaises consentent 600 milliards de crédits, soit quatre fois plus que les banques ! Une telle réforme devrait donc dégager des milliards de trésorerie, essentiels à l’investissement.

Il faut savoir que 21,6 % des défaillances des PME sont dues aux retards de paiement. Les petits producteurs se démènent tandis que leurs clients, dans la grande distribution, placent les sommes qu’ils leur doivent et les font fructifier. Cette situation se détériore, comme en témoignent les conclusions édifiantes du rapport annuel de l’observatoire des délais de paiement. En 2007, seules les grandes entreprises ont vu les délais de paiement se réduire. Pour les TPE ou les PME, les délais s’allongent et elles peuvent de moins en moins négocier face aux distributeurs.

Le délai moyen de paiement est aujourd’hui de 66 jours. Le limiter à 60 jours est un objectif trop modeste. D’autres pays européens ont fait baisser les délais de paiement de manière volontariste : ils sont de 35 jours au Danemark, de 52 jours au Royaume-Uni et de 47 jours en Allemagne. Je présenterai des amendements allant dans ce sens.

Mme Laure de La Raudière – Je veux féliciter le Gouvernement de cette initiative qui devrait améliorer considérablement la trésorerie des PME.

Vous savez comme moi que beaucoup d’entreprises françaises déposent le bilan, malgré un chiffre d’affaires sain et de bonnes perspectives de croissance, parce qu’elles n’ont pas su gérer leurs besoins en fonds de roulement et pris un peu trop de risques en matière d’investissements.

Aussi serait-il intéressant de créer un fonds pour intervenir en prêt de trésorerie en cas de défaillance du système bancaire. Il existe un certain nombre de financements alternatifs, comme les fonds d’investissement de proximité et les fonds communs de placement dans l’innovation, mais ils n’ont pas pour finalité de couvrir des besoins de trésorerie.

Oséo pourrait gérer ce fonds en partenariat avec les banques et les organismes de capital-investissement et accompagner ainsi les PME dans les phases les plus décisives de leur cycle de vie.

M. André Chassaigne – Excellent !

Mme Laure de La Raudière – Nous souhaiterions qu’Oséo puisse bénéficier de transferts de la part de la Caisse des dépôts, destinés à assurer le financement de son activité « financement bancaire ». Oséo pourrait ainsi prendre le leadership dans la gestion des risques des PME.

M. André Chassaigne – Très bien !

M. Christian Jacob – Je veux insister sur le cas d’un secteur, celui des travaux publics. 60 % des marchés sont conclus avec des donneurs d’ordre publics, qu’il s’agisse des collectivités locales, de l’État ou d’entreprises publiques. Pour réduire les délais de paiement de ces entreprises auprès de leurs fournisseurs, il faudrait que leurs clients en fassent autant.

Les décrets pris en avril l’ont prévu pour les marchés passés par l’État. En revanche, ce n’est pas le cas des marchés passés avec les collectivités locales – 50 % de l’activité des entreprises de travaux publics – et avec les entreprises publiques.

Leur régime sera-t-il aligné sur celui des marchés publics d’État, ou envisagez-vous une procédure dérogatoire ? Ces entreprises sont à la fois très créatrices d’emplois et très dépendantes des donneurs d’ordres publics.

M. François Brottes – La réduction des délais de paiement est l’un des points intéressants du texte. Il faut cependant veiller à la façon dont la loi sera appliquée. En cas de retard, pourra-t-on facturer automatiquement des sanctions au client, ou faudra-t-il en passer par un tribunal qui mettra des mois à statuer – en admettant que le fournisseur n’aie pas peur de perdre son client en engageant la procédure ? Vous devez nous dire comment vous comptez donner un aspect coercitif à ces dispositions.

Ensuite, les banques ne vont-elles pas profiter de la réduction des délais de paiement pour augmenter les agios de découvert dès que le délai sera dépassé ? Elles n’ont déjà que trop tendance à ne pas soutenir les entreprises. À ce propos, je trouve la proposition de Mme de La Raudière très intéressante, mais il ne faudrait pas qu’elle contribue à leur désengagement.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Très juste !

M. François Brottes – Enfin, nous allons traiter tout à l’heure de la négociabilité sans contrepartie.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Mais avec obligation !

M. François Brottes – Les délais de paiement continueront-ils à faire partie de la négociabilité, ou cet article va-t-il vraiment l’interdire ?

M. Jean Dionis du Séjour – La réponse est dans la loi !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est vrai, Monsieur Brottes, cette question des délais de paiement aurait très bien pu être traitée à l’article 21 sur la négociabilité. La volonté du Gouvernement est très claire : les délais de paiement ne doivent plus faire partie du champ de la négociabilité. En effet, il faut absolument réduire ce crédit inter-entreprises qui a beaucoup affaibli l’économie nationale. En réduisant les délais, l’enjeu est certes de redonner de la trésorerie aux fournisseurs, mais aussi d’éviter que des entreprises performantes se trouvent défaillantes uniquement à cause d’un problème de trésorerie.

Nous sommes parfaitement conscients que cette disposition remet en cause un certain modèle économique qui a permis en France à des entreprises de se développer sur le dos des autres, parce qu’elles pouvaient revendre dans la semaine ce qu’elles achetaient, mais en payant à trois mois. Nous sommes en position de faiblesse par rapport à l’Allemagne, par exemple, où cette situation n’existe pas. Pensez qu’une très grande entreprise est venue me dire qu’elle était favorable à la réduction des délais de paiement : la preuve, depuis six ans elle les réduisait chaque année d’une demi-journée !

Le Gouvernement propose de ramener les délais de paiement à 45 jours, avec possibilité de négocier pour aller plus loin. Nous voudrions aller plus vite, mais sans déstabiliser l’économie. Nous proposons donc de fixer l’objectif à 30 jours d’ici 2012. Par ailleurs, il faut renforcer les pénalités, parce la loi ne sert à rien sans sanction, et nous proposerons aussi que les commissaires aux comptes révèlent les retards abusifs. J’insiste aussi, Monsieur le ministre, pour qu’il n’y ait pas de dérogation – c’est un message pour le monde du bricolage : une enseigne, Bricorama pour ne pas la citer, a envoyé une circulaire scandaleuse à tous ses fournisseurs expliquant que s’il n’était pas possible de faire plier le Gouvernement, ils seraient obligés de racheter les stocks ! Voilà le genre d’attitude qui a pourri notre économie et déstabilisé notre potentiel de croissance. Il faudra donc être très ferme.

Reste un problème à régler : celui du point de départ des délais de paiement. Le point d’arrivée, c’est simple : c’est lorsque l’argent est sur le compte de l’entreprise. Pour le point de départ, c’est plus compliqué, car la facture n’est pas, dans certains secteurs, le critère le plus fiable. De nombreux amendements ont été déposés, mais les situations sont si diverses que la loi ne peut fournir une réponse unique. Il faut laisser le soin à la négociation interprofessionnelle de régler la question.

Cet article va donc nous permettre d’aboutir enfin à ce que pratique l’Allemagne, sans même avoir besoin de loi : un crédit inter-entreprises qui ne défavorise personne et permet à toutes les entreprises de se développer.

M. Jean Dionis du Séjour – Retirer les délais de paiement du champ de la négociabilité, les fixer par la loi, est une excellente chose, car cela va assainir une situation particulièrement trouble. Pour autant, nous ne nous leurrons pas : ces dispositions vont bouleverser les équilibres économiques et les distributeurs chercheront à le faire payer, soit à leurs fournisseurs, soit à leurs clients. Mais il est très important d’affirmer que ce ne doit plus être un objet de négociation.

Quant au point de départ, la loi doit être parfaitement claire : c’est le transfert de propriété, et donc la facture. Il ne doit pas y avoir la moindre ambiguïté.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Une mission d’information de la commission des finances travaille en ce moment sur le renforcement des fonds propres des entreprises. De ce point de vue, la question des délais de paiement est centrale, et je salue le volontarisme du Gouvernement dans ce domaine, car c’est la première cause de faillite en France.

Grâce à ces dispositions, 4 à 5 milliards vont revenir dans la trésorerie des entreprises, renforçant à moyen terme leurs fonds propres. Et si leur situation devient plus saine, les banques seront plus ouvertes à financer les PME !

Mme Laure de La Raudière – Très juste !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – J’entends, bien sûr, les cris d’orfraie de certaines branches professionnelles ou de certaines catégories d’entreprises, mais j’insiste sur le fait que la loi permet beaucoup de souplesse dans la mise en œuvre du dispositif, en prévoyant des négociations de branche et inter-enterprises, et en n’imposant pas un calendrier trop rapide.

En revanche, Madame de La Raudière, il me semble inutile de nous lancer parallèlement dans un fonds de trésorerie géré par Oséo, dont ce n’est pas le métier.

M. André Chassaigne – Ça peut l’être !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Peut-être un jour, mais ce serait prématuré aujourd’hui. En créant un nouveau fonds, on ne ferait que compliquer davantage la situation. Tenons-nous en pour l’heure aux mesures de développement qu’Oséo applique aujourd’hui.

Enfin – comme l’a dit M. Charié –, s’il est indispensable, Monsieur Brottes, d’arrêter un échéancier, encore faut-il le respecter, ce qui requiert, Monsieur le ministre, ce qu’on appelle aux États-Unis une sunshine policy, c’est-à-dire une politique de transparence. Ainsi, le seul fait de confier à l’expert-comptable ou au commissaire aux comptes le soin de veiller au respect des délais de paiement évitera qu’un tiers, notamment l’administration, ne s’immisce dans les relations inter-entreprises.

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – J’ai déposé un amendement légèrement différent de celui de la commission des affaires économiques, car cette question me semble relever du domaine réglementaire ; il appartiendra au ministre de trancher, la demande de rapport adressée au Gouvernement ayant une valeur surtout symbolique. Quoi qu’il en soit, la transparence est essentielle si l’on ne veut pas que l’amélioration du fonctionnement des PME demeure un vœu pieux.

M. Patrick Ollier, président de la commission – D’excellents arguments ayant déjà été développés, je limiterai mon propos aux questions de méthode. Dans ce débat extrêmement constructif, le Gouvernement s’est montré très déterminé ; je vous en remercie, Monsieur Novelli. Mais tous les membres de la commission, au-delà même de la majorité, appellent de leurs vœux des objectifs et un échéancier précis. 

Ainsi, nous devons harmoniser les délais de paiement à l’échelle européenne : pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que l’Allemagne, où, dans un contexte économique identique, ils ne dépassent pas 47 jours ? S’il est légitime de le faire de manière progressive, afin de ne pas perturber le fonctionnement des entreprises en leur imposant brutalement des règles nouvelles, il est inacceptable et injuste que certaines entreprises servent de banquiers aux autres !

M. André Chassaigne – Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Pour remédier à cette situation, la commission a adopté un important amendement, qui doit beaucoup à Mme Vautrin et à Mme de La Raudière, ainsi qu’à MM. Jacob, Loos, Poignant, Saddier, Albarello, Tardy, Carrez…

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Sans oublier M. Charié ! (Sourires)

M. Patrick Ollier, président de la commission – Sans oublier M. le rapporteur ni, en toute modestie, le président de la commission ! (Même mouvement) Monsieur le ministre, cet amendement exprime la volonté du groupe UMP. Il est essentiel que nous nous accordions sur les principes : l’harmonisation des délais, mais aussi le refus de toute dérogation…

Mme Catherine Vautrin – Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission – …dans les plus brefs délais…

Mme Catherine Vautrin – Tout à fait !

M. Patrick Ollier, président de la commission – À cet égard, un délai de trois ans me semble excessif : deux ans y suffiraient.

M. Frédéric Lefebvre – C’est un aspect essentiel de la réforme.

M. Patrick Ollier, président de la commission – J’espère que les amendements déposés par la majorité, mais aussi par l’opposition – car, en la matière, nous sommes d’accord sur de nombreux points – vous permettront de nous indiquer clairement si vous partagez ces objectifs et de vous engager sur un échéancier précis permettant de les atteindre.

Mme Catherine Vautrin – Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission – Dès lors, nous pourrons, le cas échéant, travailler à nouveau sur cet amendement. Mais la majorité est très déterminée et j’espère que vous apaiserez nos inquiétudes en nous assurant de votre soutien (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Je me réjouis de la qualité de cette discussion, et je suis sensible aux arguments de M. Chassaigne comme d’autres orateurs : vous avez raison de vouloir faire de la France un pays exemplaire en la matière, à l’instar de l’Allemagne.

Monsieur Chassaigne, dès mon entrée en fonctions, à l’été 2007, j’ai entrepris de résoudre ce problème en réunissant l’Observatoire national des délais de paiement, présidé par M. Jean-Paul Betbèze…

Mme Catherine Vautrin – Saluons l’efficacité de notre ministre !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – …à qui j’ai demandé de me remettre un rapport sur le sujet avant la fin de l’année. Vous le savez, les délais de paiement s’élèvent en moyenne à 67 jours – mais cette moyenne masque naturellement d’importantes disparités –, contre 47 en Allemagne. Nous devons améliorer cette situation qui, comme l’a rappelé M. Forissier, absorbe une partie de la trésorerie des entreprises, en particulier les PME, privées des moyens de faire respecter les délais de paiement même lorsque la facture les précise. Il n’est pas normal que le plus faible paie ainsi pour le plus fort.

Fin 2007, le Président de la République lui-même a souhaité que le Parlement légifère en la matière, à partir d’un projet de loi. Il s’est montré extrêmement précis : un dispositif législatif devrait permettre de réduire les délais de paiement à 45 jours fin de mois ou 60 jours ; en outre, et afin de compléter la loi par le contrat, essentiel en matière économique, la perspective d’une réduction plus importante des délais ferait l’objet de négociations. En outre, si celles-ci n’aboutissaient pas avant la fin 2008, un second ensemble de dispositions législatives vous serait soumis. Le Gouvernement s’est attelé à la tâche avec détermination.

Voici où nous en sommes : M. Yvon Jacob, à qui j’ai confié le soin de mener les négociations par branche, doit me remettre ses conclusions dans quelques semaines. Si chaque branche n’est pas parvenue à déterminer un calendrier satisfaisant jusqu’en 2011, nous discuterons le cas échéant, ensemble – et j’ai bien noté la détermination des parlementaires –, d’un second train de mesures avant la fin 2008.

Monsieur le président Ollier, vous avez tout à fait raison d’évoquer le contexte européen. Lorsque la France présidera l’Union, à partir du 1er juillet prochain, elle demandera la révision de la directive européenne relative aux délais de paiement afin de la rendre plus contraignante, en particulier quant à l’imposition des entreprises qui ne respectent pas les délais. Je l’ai proposé à l’Union au titre du Small Business Act à l’européenne que la Commission doit rendre public le 2 juillet prochain et qui vise à consacrer le rôle stratégique des PME.

M. Jacob a soulevé des questions importantes, comme toujours ou presque – personne n’est parfait ! (Sourires). Le cas des entreprises publiques sera bien couvert par la loi. Nous ne pouvons non plus laisser de côté les collectivités locales, qui sont devenues des donneurs d’ordres importants en matière de commande publique. Mais le principe de libre administration nous interdit de leur imposer un dispositif trop contraignant. Je recevrai donc leurs représentants pour voir comment elles pourraient améliorer rapidement ces délais de paiement, en calquant leur dispositif sur celui que nous prévoyons ici.

M. Brottes a posé un certain nombre de questions au sujet des pressions et de la négociabilité. Si le Gouvernement a choisi de faire figurer dans le titre I le dispositif sur les délais de paiement, c’est parce qu’ils ne concernent pas seulement le commerce. Le dispositif a donc une vocation générale : c’est l’économie française dans son ensemble que nous voulons rendre plus vertueuse.

Il est vrai que les pressions sur les fournisseurs existent, Monsieur Brottes – et Jean-Paul Charié l’a démontré à travers un exemple particulièrement choquant. Le texte offre justement un moyen de les limiter, voire de les faire disparaître : la DGCCRF pourra se substituer à un fournisseur pour poursuivre un donneur d’ordres devant un tribunal civil pour délais de paiement abusifs.

Je remercie la représentation nationale de son implication dans ce débat. Je voudrais aussi rendre hommage à Martial Saddier, qui a été le premier dans cette Assemblée à attirer l’attention sur ce sujet – ce qui avait abouti à une disposition législative dans le secteur des transports.

Nous allons donc légiférer sur 45 jours fin de mois, et nous donner jusqu’au 31 décembre 2011 pour parvenir à un dispositif plus ambitieux. Des négociations interprofessionnelles ont été ouvertes sous l’impulsion d’Yvon Jacob. Nous déciderons ensemble, au vu de son rapport, si elles ont permis d’aboutir à une réduction des délais de paiement encore plus importante que celle que nous vous proposons ou s’il convient de légiférer à nouveau.

Le dispositif est donc équilibré. Il introduit immédiatement une forte incitation, mais sans renoncer à la négociation – car la liberté du commerce, c’est aussi celle de contracter. Bref, pour reprendre l’expression de Nicolas Forissier, il met beaucoup de sunshine dans les relations entre donneurs d’ordre et fournisseurs (Sourires). Je vous remercie donc de votre soutien.

Mme la Présidente - Nous avons eu une discussion de grande qualité sur l’article. Je vous propose donc d’examiner avec le plus de concision possible, dans le respect du Règlement, les amendements à cet article (Marques d’approbation sur les bancs du groupe UMP).

Je salue également, en votre nom à tous, nos jeunes concitoyens qui suivent avec intérêt nos débats depuis les tribunes (« Bravo ! » sur plusieurs bancs).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – je laisse à Mme de La Raudière le soin de présenter l’amendement 159 de la commission.

Mme Laure de La Raudière – L’amendement 159 est le fruit du travail du groupe UMP sur les délais de paiement. Nous voulions être plus ambitieux que le projet de loi. Nous proposions donc d’arriver à un délai de paiement maximum de 45 jours à compter de la date d’émission de la facture au 1er janvier 2011 et de 30 jours à compter de la date d’émission de la facture au 1er janvier 2012. Compte tenu de l’engagement du Gouvernement de nous transmettre le rapport d’Yvon Jacob et de légiférer le cas échéant – disons début 2009 –, nous allons retirer cet amendement.

Mme Catherine Vautrin – Très bien !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Martial Saddier a beaucoup travaillé sur ce sujet. S’il est absent aujourd’hui, c’est parce qu’il assiste aux côtés du Gouvernement aux obsèques des jeunes victimes de l’accident d’Allinges. Je tiens à saluer au nom de tous la qualité de son travail.

Je souhaite avoir une précision, Monsieur le ministre. Nous parlons d’accords interprofessionnels. Certains n’ont jamais été respectés. Il doit donc être clair que le résultat de ces négociations s’imposera à tout le monde et sera opposable. Si vous nous le confirmez, nous retirerons en effet l’amendement.

M. Thierry Mariani – Mes sous-amendements à cet amendement vont donc tomber. Ils concernaient les contrats qui peuvent faire l’objet de paiements intermédiaires – je pense en particulier à la production audiovisuelle. J’aimerais que vous vous penchiez sur le sujet, Monsieur le ministre.

M. François Brottes – Nous devons en effet nous intéresser au cas des commandes qui donnent lieu au paiement d’acomptes – et cela ne concerne pas que l’audiovisuel, Monsieur Mariani. Jean Dionis du Séjour a dit tout à l’heure que la facturation était liée au transfert de propriété. Cela revient à exclure les acomptes du champ de l’article 6. Vous devez nous dire clairement que ce ne sera pas le cas, Monsieur le ministre : c’est important pour la suite de nos débats et pour les contentieux qui pourraient se faire jour.

Nous tenons également – et je souhaite là aussi que M. le ministre s’exprime – à ce que ces délais s’appliquent quel que soit le mode de paiement.

M. André Chassaigne – Nous en sommes tous d’accord, il faudra en arriver au délai de 30 jours…

Mme Catherine Vautrin – Tout à fait !

M. André Chassaigne – …mais la voie choisie n’est pas la bonne. Rappelons que l’article 26 de la loi Perben du 5 janvier 2006 a intégré ce délai dans les conditions générales de vente de la filière transports. Selon le rapport de l’Observatoire des délais de paiement, cela a eu des effets positifs et rapides : le niveau de solde commercial est passé de 32 jours en 2005 à 27 en 2006. Reporter la décision à 2012, c’est au contraire donner un coup de frein au processus.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Monsieur Brottes, la disposition s’appliquera à toutes les factures, y compris fractionnées comme les factures d’acomptes. Le texte est sans ambiguïté à cet égard. Quant aux accords – interprofessionnels ou de branche – qui seront conclus dans les mois qui viennent conformément au mandat donné à Yvon Jacob, le Gouvernement les reprendra par décrets car ils participent de la haute ambition que nous en avons en commun. Je souhaite du reste rendre hommage au président Ollier et à tous les membres de votre commission des affaires économiques pour les travaux réalisés dans ce domaine particulier. Votre ambition élevée constitue une aide précieuse pour le Gouvernement. Nous ne sommes pas dans une logique d’affrontement mais de partenariat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

M. François Brottes – Quid des modalités de paiement ?

L’amendement 159 est retiré.

L’amendement 191 de la commission des finances est retiré.

Mme Laure de La Raudière – Je vais retirer l’amendement 1320 puisqu’il a été décidé de se référer à la date d’émission de la facture et non à celle de la réalisation de la vente ou de la prestation de service. Il y a sur ce point une jurisprudence compliquée, ce qui explique nos nombreux amendements. Il est donc bienvenu de s’en tenir à la référence du code du commerce qui est la date d’émission de la facture.

L’amendement 1320 est retiré.

Mme Geneviève Fioraso – L’amendement 545, qui avait trait à la précision demandée par François Brottes, sera retiré si notre rapporteur veut bien apporter encore quelques précisions.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Volontiers. Il est clair que le point d’arrivée correspond au moment où l’argent est crédité sur le compte du fournisseur. Tant que le compte du fournisseur n’est pas crédité, il faut considérer, quel que soit le mode de paiement, que l’argent n’est pas arrivé. On ne peut être plus clair.

Mme Catherine Vautrin – En effet, et c’est très rassurant !

L'amendement 545 est retiré.

M. André Chassaigne – Le présent projet de loi renforce les pénalités de retard, ce qui apparaît comme une bonne mesure. Ainsi, en prévoyant leur fixation à un niveau supérieur de sept points au taux de refinancement de la Banque centrale européenne, le texte va dans le bon sens, puisque ce taux se rapproche, aux conditions de marché actuelles, d'un taux jugé comme dissuasif de 10 %. Cependant, dans son rapport de décembre 2007, l'Observatoire des délais de paiements a noté que les pénalités ne sont appliquées que dans 11 % des cas. Cela est dû à un rapport de force extrêmement défavorable aux fournisseurs dans leur face-à-face avec la grande distribution. Soumis à une concurrence débridée, les petits producteurs apparaissent comme pieds et poings liés face aux centrales d'achat. Aussi, lorsque le délai de paiement est dépassé, les fournisseurs n'osent pas exiger le versement de pénalités, de peur que le marché leur échappe. La libre négociabilité commerciale que l’article 21 du présent texte tend à renforcer va encore accentuer ce phénomène.

Dans ce cadre, rien ne sert de mettre en place un délai légal de paiement sans l’assortir d'un dispositif de contrôle. Compte tenu du degré de dépendance des petits producteurs, l'on ne doit pas s'attendre à ce que des sous-traitants saisissent spontanément la DGCCRF, encore moins la justice pour faire respecter leurs droits. Il convient donc que les autorités de contrôle appliquent la réglementation elles mêmes, de façon automatique, en épargnant aux PME sous-traitantes d'engager une action contre leurs donneurs d'ordre. Toutefois, une telle mesure ne pourra trouver à s'appliquer que si les moyens de la DGCCRF sont considérablement accrus. En effet, cet organisme dispose d'un personnel très réduit malgré l’extension continue de ses missions.

C'est pourquoi les députés communistes et républicains proposent de confier à la DGCCRF le contrôle du versement des pénalités de retard, afin de garantir un contrôle efficace et généralisé du respect de ces dispositions. À défaut, les mesures les plus ambitieuses resteront sans conséquence et le plus terrible serait de donner espoir aux petites entreprises de sortir de l'ornière pour mieux les décevoir en ne permettant pas aux nouvelles mesures de s’appliquer.

Tel est l’objet de notre amendement 739, qui s’inspire des conclusions du rapport de notre collègue Saddier relatif aux entreprises sous-traitantes de la métallurgie.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Défavorable, car la DGCCRF est déjà chargée d’exercer cette mission de contrôle. L’amendement est donc inutile (M. André Chassaigne proteste).

Je me tourne vers M. le ministre pour lui prier de transmettre notre hommage unanime à la qualité du travail de la DGCCRF. Le directeur de la Direction générale, ici présent, a animé des groupes de travail qui ont permis d’améliorer le texte et nous tenions à l’en remercier.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis défavorable sur l’amendement 739. La DGCCRF contrôle déjà, Monsieur Chassaigne, le respect des délais de paiement. Bien entendu, je m’associe à l’hommage rendu à la Direction générale et je salue la présence de son éminent directeur au banc des commissaires du Gouvernement.

M. André Chassaigne – Reste qu’il n’y a de pénalités que dans 11 % des cas !

M. Jean Gaubert – Si c’est le moment de dire du bien de la DGCCRF, nous nous y associons bien volontiers ! (Sourires) Mais cela ne suffira pas à régler les problèmes qui ne vont pas manquer de se poser. Loi après loi, la majorité fait entrer un nombre toujours croissant de secteurs dans le champ de la concurrence. Le rôle de la DGCCRF s’en trouve sans cesse élargi alors que ses moyens ne progressent pas, je l’ai bien constaté en tant que rapporteur pour avis de son budget pour 2008 : il nous a été indiqué qu’il fallait se satisfaire que le nombre d’emplois ne diminue pas de façon trop drastique ! Pour m’être rendu aux ports du Havre et de Marseille, j’ai pu constater que les moyens demeuraient dérisoires au regard des enjeux.

L’amendement de notre collègue Chassaigne soulève un point important car j’estime comme lui que la DGCCRF ne pourra pas tout contrôler ! Aussi me demandé-je – mais je concède que l’idée reste à formaliser – s’il ne faudrait pas confier cette mission au commissaire aux comptes, chargé de signaler tout acte délictueux. Ayant accès à la comptabilité du payeur comme à celle du destinataire, ne peut-il vérifier que la loi est respectée ? Compte tenu de l’indépendance du commissaire aux comptes, cette évolution libèrerait le fournisseur du risque qui s’attache au fait de dénoncer son créancier si celui-ci ne le paie pas à l’heure dite. On ne peut ignorer les pressions qui s’exerceront pour tenter de faire « oublier » les intérêts moratoires. Il faut en effet tenir compte de la réalité des relations commerciales, dans lesquelles le fournisseur est souvent très mal placé pour faire appliquer la loi par ses principaux clients.

M. Jean Dionis du Séjour – Notre collègue Chassaigne soulève un vrai problème et le taux de 11 % de cas seulement donnant lieu à pénalités, qu’il a cité, mérite que l’on s’y attarde. Le délai de 66 jours n’est pas le fruit du hasard : il traduit un rapport de forces spécifiquement français entre la grande distribution et ses fournisseurs. En Allemagne, la situation est tout autre, et cela explique que les délais de paiement soient nettement inférieurs. Le dispositif proposé va dans le bon sens et nous le soutenons sans réserve, mais ne soyons pas naïfs ! Il reste à savoir comment va réagir la grande distribution à la diminution significative de son crédit fournisseurs. Songez que certains acteurs majeurs ont 12 milliards d’euros de crédit fournisseurs ! Les distributeurs n’auront que trois solutions : soit ils répercuteront sur les prix la baisse de leur crédit…

Mme Fabienne Labrette-Ménager – Ils peuvent aussi réduire leurs stocks !

M. Jean Dionis du Séjour – Soit ils baisseront le prix payé aux fournisseurs, soit ils ne respecteront pas les délais de paiement que nous allons voter.

Dès lors, nous considérons, Monsieur le ministre, qu’il faut favoriser l’auto-saisine de la DGCCRF et autoriser toutes les démarches collectives – notamment des fédérations nationales – qui permettront à des fournisseurs en situation de faiblesse par rapport à la grande distribution de se faire respecter.

Même s’il est satisfait en droit, l’amendement Chassaigne va dans le bon sens car il faut tenir compte de la réalité.

M. Lionel Tardy – Le projet de loi précise déjà la notion de délai abusif. La DGCCRF a compétence pour se substituer au créancier et faire appliquer les sanctions. C’est un mécanisme efficace et sans impact pour les créanciers. L’amendement est donc inutile.

M. Patrick Ollier, président de la commission – Très bien !

M. André Chassaigne – N’allez surtout pas laisser croire que mon amendement met en cause le travail de la DGCCRF ! J’attends un rapport sur l’évolution de l’emploi et des remplacements de départs à la retraire dans cette structure, mais j’attends surtout des moyens : les compliments ne suffisent pas ! Le rapport de M. Saddier, dont vous louez à juste titre la qualité, souligne bien qu’une réduction des délais de paiement ne vaudra rien sans la création d’un dispositif de contrôle, car les sous-traitants ne porteront pas spontanément plainte tant ils craignent les répercussions sur leur activité.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – C’est évident !

M. André Chassaigne – Toujours selon M. Saddier, seul un dispositif automatique évitant aux sous-traitants d’engager une procédure contre leurs donneurs d’ordres permettra un contrôle efficace. L’amendement 739 ne fait que reprendre ces propositions, à l’application desquelles vous vous êtes d’ailleurs engagés à consacrer les moyens nécessaires avant la fin de notre débat !

L'amendement 739, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 160 rectifié et 161 de la commission des affaires économiques sont retirés.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis – L’amendement 74 permet à ceux qui le souhaiteront de calculer les délais de paiement à partir de la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation, plutôt que celle de la facturation.

L'amendement 74, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 740 concerne un sujet que nous avons souvent débattu ici-même. Il tend à ramener le délai de paiement pour les produits frais et périssables à sept jours à compter de la date de réception. Les centrales d’achat n’hésitent pas à renvoyer les marchandises aux producteurs sous prétexte de leur endommagement – et une salade abîmée suffit bien souvent à renvoyer une palette entière ! Dans la plupart des cas, ce ne sont même que des invendus que la grande distribution, cette bande de racketteurs, ne veut pas prendre à sa charge ! Pis encore : les centrales d’achat achètent plus que de besoin pour faire pression sur les prix, avant de renvoyer la marchandises ! Et chacun sait que la pratique des factures antidatées est généralisée.

Dans ces conditions, le passage à un délai de sept jours possède de nombreuses vertus. Dans un secteur où les cycles sont courts et les producteurs souvent petits, la longue attente d’un paiement crée des problèmes de trésorerie. Et pendant ce temps, les centrales d’achat font fructifier cet argent qui ne leur appartient pas en le plaçant en bourse ! Un délai de sept jours, auquel la grande distribution a largement les moyens administratifs de se conformer, permettrait d’éviter le renvoi d’éventuels invendus. Pour éviter tout abus, nous proposons aussi que tout produit défectueux soit identifié à la livraison, le réceptionnaire devant adresser la preuve de la non-conformité par courriel au producteur – un document qui servira de base juridique pour le contrôle de la DGCCRF.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Comme vous, je dénonce avec vigueur ces pratiques déloyales dont nous reparlerons à l’article 21. Pour autant, un délai de sept jours est trop court : avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Même avis.

M. Jean Gaubert – M. Chassaigne a prouvé que l’opposition connaît au moins aussi bien le monde de l’entreprise que la majorité. Chacun sait que les délais de paiement sont utilisés, voire détournés pour faire du profit. Les retours de marchandises sont si nombreux que les centrales d’achat ressemblent davantage à des dépôts-ventes qu’à des commerces, et les marchandises renvoyées aux producteurs sont parfois en si mauvais état qu’elles sont inutilisables !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Tout cela sera interdit !

M. Jean Gaubert – Je n’ai qu’un seul point de désaccord avec M. Chassaigne : les sommes dues aux producteurs que les centrales d’achat placent en bourse ne semblent pas fructifier, mais plutôt disparaître dans le marasme actuel !

L'amendement 740, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Les débiteurs exigent parfois des fournisseurs que ceux-ci retardent l’émission de la facture, afin d’allonger les délais de paiement. L’amendement 162 tend à faire considérer cette pratique comme abusive.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 119 a le même objet.

M. André Chassaigne – L’amendement 741 également.

L'amendement 162, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

En conséquence, les amendements 119 et 741 tombent.

M. André Chassaigne – Les amendements 742 et 460 sont défendus.

Les amendements 742 et 460, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Laure de La Raudière – L’amendement 496 tend à ramener les délais de paiement à trente jours. Compte tenu des engagements pris par le Gouvernement de poursuivre la réduction de ces délais par la voie de la négociation, je le retire.

L'amendement 496 est retiré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 163 est défendu.

M. Lionel Tardy – L’amendement 500 est identique.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Sagesse.

L'amendement 163, mis aux voix, est adopté, ainsi que l’amendement 500.

L’amendement 75 rectifié de la commission des lois est retiré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 667 est rédactionnel.

L'amendement 667, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 1503 de la commission des affaires économiques est retiré.

Mme Geneviève Fioraso – L’amendement 547 apporte une précision rédactionnelle. Non seulement la création de l’Autorité de la concurrence est entourée du plus grand flou, mais la loi lui donne deux noms, puisqu’il est ici question du Conseil de la concurrence, supprimé à l’article 23 et remplacé par l’Autorité de la concurrence. On n’y comprend donc plus rien.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – La commission a repoussé l’amendement, quoiqu’on puisse en comprendre la logique…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Avis défavorable. La loi entrera en vigueur avant la création de l’Autorité de la concurrence, l’article 23 prévoyant le recours à une ordonnance pour la création de cette dernière.

L'amendement 547, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionel Tardy – Le texte initial prévoit d’appliquer la réduction des délais de paiement aux contrats conclus après le 1er janvier 2009. On risque de voir de nombreux contrats signés juste avant la fin de l’année 2008, avec des délais de paiement supérieurs à soixante jours, et dans de mauvaises conditions pour les fournisseurs, qui subiraient ainsi une pression importante pour signer avant le 31 décembre. L’amendement 1181 vise à appliquer la réforme aux contrats qui seraient signés après la date de promulgation de la loi ainsi qu’à ceux qui seraient renouvelés par tacite reconduction, et dont on ne sait pas trop s’ils sont visés par la mention des « contrats conclus ».

L'amendement 1181, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Rappel au Règlement, sur le fondement de l’article 58-1. Pour préparer la suite de nos travaux, nous souhaiterions, compte tenu de ce que vient de répondre M. le secrétaire d’État à Mme Fioraso, connaître la date à laquelle le Gouvernement entend créer l’Autorité de la concurrence. Si cette création était reportée aux calendes grecques, certaines de nos discussions deviendraient sans objet…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État La création de l’Autorité de la concurrence prendra trois mois, une fois la loi promulguée.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis L’amendement 76 est rédactionnel.

L'amendement 76, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 164 apporte une précision importante en ce qui concerne les commandes dites ouvertes, c’est-à-dire pour des livraisons tous les deux ou trois jours mais avec des factures une fois par mois.

L'amendement 164, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Nous remercions notre collègue Letchimy d’avoir appelé notre attention sur la situation à l’outre-mer, où la facture peut être reçue nettement avant la livraison, surtout dans le cas de livraisons par bateau. D’où l’intérêt de l’amendement 165, qui a reçu un avis très favorable de la commission.

Mme Annick Girardin – La même difficulté existant pour Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai déposé un sous-amendement afin d’inclure cette collectivité dans le dispositif. Toutefois, cela non plus n’était pas suffisant, puisque Wallis-et-Futuna, par exemple, connaît la même situation. Nous sommes donc parvenus à la rédaction du sous-amendement 1501 qui mentionne, outre les DOM de l’amendement 165, « les collectivités d’outre-mer ». De cette manière, nous n’oublions personne, et de futurs changements d’appellation ou de statut, comme, éventuellement, à Mayotte, ne poseront pas problème non plus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis favorable. Je prie au passage Mme Labrette-Ménager de m’excuser d’avoir oublié de mentionner sa contribution à l’amendement 165… (Sourires)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Le Gouvernement est favorable à l’amendement et au sous-amendement, qui prennent en considération une réalité d’évidence.

Mme Fabienne Labrette-Ménager – Cet amendement est en effet important eu égard aux difficultés particulières de l’outre-mer, où les délais de transport sont beaucoup plus longs.

Le sous-amendement 1501, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 165 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 6, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Dans le cadre de la coproduction législative entre le groupe de l’UMP et le Gouvernement, nous souhaitons ramener à quinze jours le remboursement de TVA aux petites entreprises innovantes. Nous avons conscience que ce crédit TVA est parfois une occasion de détournement des règles fiscales. Il suffit que le Gouvernement confirme que la grande majorité des remboursements se fait bien dans les quinze jours et que des instructions seront données pour que la situation s’améliore encore, pour que nous retirions l’amendement 657.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Je prends l’engagement que vous souhaitez. Il s’agit d’une demande légitime des entreprises, pour laquelle l’administration fiscale a du reste fait des progrès, puisque, de 2002 à 2007, le délai moyen de paiement est passé de 52 à 16 jours.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Encore un petit effort !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Ce sont 90 % des demandes qui sont aujourd’hui remboursées dans un délai de trente jours, mais il faut encore faire mieux. Le futur contrat d’objectifs de la direction générale des finances publiques comportera des indicateurs améliorés pour que l’objectif que vous avez indiqué puisse être atteint. J’en prends l’engagement au nom du Gouvernement.

L'amendement 657 est retiré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 1474 donne mission aux commissaires aux comptes de révéler les non-respects de délais de paiement.

L'amendement 1474, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 167 de la commission des affaires économiques est retiré.

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – L’amendement 14 concerne la sunshine policy, c’est-à-dire la nécessité de faire figurer dans les comptes des entreprises toutes les informations relatives aux délais de paiement. Il s’agissait d’un amendement d’appel, qui est, je pense, satisfait par celui du rapporteur qui vient d’être adopté. Je le retire donc.

L'amendement 14 est retiré.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 656 est défendu.

M. Lionel Tardy – Le sous-amendement 1464 demande au Gouvernement de rendre compte au Parlement en juin 2009 de son action pour mettre concrètement en œuvre le principe fixé par l’amendement 656. Cela permettra de mieux contrôler l’effectivité des mesures votées par le pouvoir législatif.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – On sait l’importance de la dématérialisation des factures, qui est l’un des moyens les plus efficaces pour accélérer les délais de paiement public et réaliser des gains de productivité. Le sous-amendement 1464 donne toute sa force à l’amendement du rapporteur. Avis favorable.

Le sous-amendement 1464, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 656, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Lionel Tardy – Un décret a réduit les délais de paiement de l’État à 30 jours, mais cela reste insuffisant. L’amendement 1182 propose d’instaurer une règle, applicable à toutes les entités publiques, selon laquelle le comptable public mandate d’office à l’expiration du délai de paiement, sauf opposition motivée de l’ordonnateur.

Il est primordial que l’État montre qu’il applique à lui-même les règles qu’il impose au secteur privé. Le fournisseur sera rassuré quant aux délais de paiement et saura ce qui lui est reproché en cas de problème, l’ordonnateur devant justifier par écrit son refus de payer.

Je précise, la comptabilité publique relevant du domaine règlementaire, qu’il s’agit, Monsieur le ministre, d’un amendement d’appel.

M. Jean-Paul Charié, rapporteurAvis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – La disposition proposée par l’amendement 1182 serait une source d’insécurité juridique, dans la mesure où le comptable public ne disposerait pas des éléments nécessaires pour vérifier la réalité de la dépense. Par ailleurs, elle ne pourrait pas s’appliquer à certaines situations, comme l’indisponibilité momentanée des crédits.

Pour réduire les délais de paiement, nous explorons donc d’autres voies. Nous réfléchissons ainsi à la meilleure manière de donner un effet dissuasif au régime des intérêts moratoires. Un dispositif prévoyant l’ordonnancement global du principal et des intérêts par l’ordonnateur, qui mettrait fin à une mise en paiement en deux temps, est actuellement à l’étude. Des centres de traitement unique des factures – les services facturiers – sont d’ores et déjà déployés avec succès dans neuf ministères ; les délais y ont été réduits de moitié.

Au bénéfice de ces explications, je vous demande de retirer cet amendement.

L’amendement 1182 est retiré.

ARTICLE 7

Mme Geneviève Fioraso – Cet article important, qui concerne les PME et PMI, comporte des leviers qui peuvent agir sur la croissance. Nous regrettons cependant son manque d’ambition : vous semblez avoir peu confiance dans le potentiel de ces entreprises, dans leur capacité à se développer à l’export et à gagner des marchés innovants.

À l’alinéa premier, nous regrettons que le champ de l’innovation soit aussi restreint. L’innovation n’est pas seulement technologique, elle peut porter sur les services, l’usage, les applications sociétales, l’organisation.

Par ailleurs, vous réservez l’accès aux marchés publics de haute technologie aux PME et aux PMI innovantes, alors que les entreprises traditionnelles peuvent aussi faire de l’innovation. Si l’on veut conserver des PME et des PMI de production, il nous paraît essentiel qu’elles soient elles aussi irriguées par l’innovation, comme cela s’est fait aux États-Unis, au travers du Small Business Act.

Mais peut-être êtes-vous déjà résigné à ce que les emplois de production soient délocalisés et que seuls les emplois de haute technologie et de services soient préservés ? Ce serait une erreur, car lorsque l’on renonce comme au Royaume-Uni, aux emplois industriels, ce sont les emplois de recherche et développement et les emplois de services que l’on condamne à terme.

Par ailleurs, renforcer le rôle d’Ubifrance ne suffira pas à améliorer nos performances désastreuses à l’export. Là encore, vous pourriez témoigner de davantage d’ambition pour nos entreprises.

Mme la Présidente – Je considère que vous avez défendu les amendements 558, 557 et 548.

M. Jean-Paul Charié, rapporteurJe ne peux que constater la divergence de nos points de vue. Avis défavorable.

Mme Geneviève Fioraso – Voilà qui n’est pas très argumenté !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – En proposant de réserver aux PME innovantes 15 % des marchés publics, de recherche et développement et d’études technologiques, le Gouvernement veut stimuler la croissance des PME.

Madame Fioraso, j’aurais souhaité pouvoir vous présenter un dispositif plus ambitieux, inspiré des dispositifs américain ou japonais, mais notre Constitution et le droit communautaire ne le permettent pas. Nous devons respecter le principe de neutralité de la commande publique et celui de l’égalité de traitement des candidats. Des motifs d’intérêt général peuvent justifier des mesures de discrimination positive, mais seulement pour une part réduite des marchés. Avis défavorable, donc, aux trois amendements.

M. François Brottes – Je constate qu’il existe une divergence de points de vue entre le Président de la République et la majorité. À Vienne, dans l’Isère, j’ai entendu M. Sarkozy dire clairement que l’ensemble des PME seraient concernées par cette ouverture à la commande publique. En commission, Monsieur le ministre, vous avez pris sur vous de corriger les propos du Président, et vous nous dites aujourd’hui que vous avez de bonnes raisons de ne pas aller aussi loin que lui. Certes, ce n’est pas la première fois qu’une promesse d’un Président de la République n’est pas tenue… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

J’observerai, pour ma part, que la commande publique n’intéresse jamais la totalité des filières industrielles, et que le périmètre est donc forcément restreint. Nous trouvons l’idée bonne, nous la soutenons, mais il faut aller au moins jusqu’à la limite tracée par le Président de la République. En édulcorant son ambition, vous portez une si lourde responsabilité que je ne suis pas sûr que les débats puissent se terminer avec vous, Monsieur le ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Je doute que vous puissiez me prendre en défaut,… car j’ai précisément été mandaté par le Président de la République pour porter le Small business Act au niveau européen. Vous omettez en effet de dire que, grâce à l’insistance de Nicolas Sarkozy auprès de M. Barroso, la Commission européenne va présenter le 2 juillet des propositions qui seront traduites par la présidence française dans le droit européen. Sur ce sujet, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettes entre le Président de la République et moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Geneviève Fioraso – Je comprends, Monsieur le ministre, que vous ayez scrupule à être en avance sur le Président de la République, qui n’agira pas avant le 2 juillet, mais il me semble que le Parlement pourrait montrer l’exemple : les entreprises et les collectivités locales le font déjà ! La ville de Grenoble, le département de l’Isère, la région Rhône-Alpes ont fixé, pour subventionner un pôle de compétitivité, un pourcentage d’intégration des PME-PMI de 40 %. Elles sont peut-être en contradiction avec les préconisations de l’Union, tout comme le groupe Schneider Electric qui a signé – avec Oséo-Anvar, ne nous dites donc pas que l’État n’est pas au courant ! – un pacte qui l’engage à travailler avec les PME-PMI et à les emmener à l’export. Cela marche très bien. Mais il n’y a rien de tout cela dans le projet de loi… C’est vous qui avez créé les pôles de compétitivité, ce qui était une bonne idée. Las, au moment où les collectivités et les grands groupes s’y engagent, entraînant les PMI PME – pas seulement innovantes, car il y a toujours des sous-traitants qui exercent des activités traditionnelles – le Parlement renonce à les suivre pour des raisons protocolaires, pour laisser l’initiative au Président de la République !

Plusieurs députés du groupe UMP – Mais non !

Mme Geneviève Fioraso –Le sujet n’est pas seulement important d’un point de vue économique, mais aussi social, car il s’agit de création d’emplois. Le Parlement ne se montre pas à la hauteur de sa mission.

Mme Catherine Vautrin – Nous ne sommes pas là pour caricaturer le travail du Parlement ! L’article 7 concerne encore un de ces sujets évoqués par la loi de 2005 sans être mené à terme. Il donne un signe clair à ces entreprises qui, dans les trois dernières années, ont consacré une part importante de leur chiffre d’affaires à l’innovation et la recherche, ce qui est le fondement même de la modernisation de notre économie et de la création des emplois de l’avenir. L’adoption de cet article à quelques jours du début d’une présidence française qui va défendre le Small Business Act à l’européenne est une avancée majeure, un signe de modernisation qu’il convient de souligner. Que, parallèlement, les collectivités locales pratiquent l’incitation est excellent : ce sont nos efforts conjugués qui feront avancer notre économie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 558, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 557.

M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis – Je félicite le Gouvernement de ce qu’il fait en faveur des PME innovantes : le Small Business Act porté par la France est notamment une initiative majeure.

La rédaction actuelle de l’article 7 est quelque peu restrictive, car le seuil de 15 % s’applique au montant annuel moyen des marchés. L’amendement 77 propose de se référer au montant annuel total, c’est-à-dire d’effectuer le calcul à l’intérieur des seuils nationaux. Il clarifie ainsi la rédaction et élargit le montant total des marchés réservés aux PME innovantes.

L'amendement 77, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 670 est rédactionnel.

L'amendement 670, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 548, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

L'amendement 168 de la commission des affaires économiques est retiré.

ART. 8

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – L’amendement 671 est rédactionnel.

L'amendement 671, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Geneviève Fioraso – En matière de commerce extérieur et d’exportation, l’heure est grave. Nos résultats sont catastrophiques par rapport aux pays comparables de l’Union européenne. Face aux entreprises allemandes, italiennes, espagnoles ou scandinaves, actives et soutenues, les françaises font bien pâle figure. À l’inverse, le bon niveau des investissements étrangers en France prouve que notre système de taxation, notre productivité et notre système social ne sont pas si mauvais que cela.

L’une des raisons, même si ce n’est pas du ressort de ce projet de loi, réside dans notre système éducatif : on apprend très peu et très mal les langues étrangères en France, ce qui handicape les entreprises, mais aussi les institutions – les échanges entre collectivités sont freinés parce que les élus parlent très peu d’autres langues. Le manque d’ouverture de notre système éducatif vis-à-vis des cultures étrangères crée une certaine inaptitude à l’exportation, et on voit bien que nos écoles d’ingénieurs ou nos universités négligent les langues étrangères, qui sont les premières supprimées lorsque l’on manque de moyens.

On constate ensuite un manque d’ambition évident dans les mesures préconisées : une énième agence, un peu étrange puisque le CFCE est supprimé et Ubifrance renforcée, mais rien de nouveau, rien de dynamique, de volontariste. Il faut rapprocher les grands groupes des PME-PMI, signer des pactes, prendre des initiatives même si elles ne sont pas totalement conformes au droit européen – ce ne sera pas la première bagarre juridique avec l’Union, et il nous arrive de gagner ! Bref, il faut se montrer plus volontaires et plus confiants en notre potentiel : ce n’est certes pas avec ce projet de loi qu’on améliorera les chiffres de notre commerce extérieur. L’amendement 956 vise à impulser une politique plus incitative.

L'amendement 956, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis – Il n’est pas exact que le CFCE soit supprimé : il fusionne avec l’ancienne Ubifrance pour créer une agence plus solide et mieux organisée. Une réforme a été menée, les salariés d’Ubifrance ont beaucoup évolué, l’agence s’est modernisée et a innové. Aujourd’hui, elle est un réseau unique de soutien à l’exportation, capable à la fois d’informer et de sensibiliser les entreprises sur notre territoire et d’organiser une offre française solide sur les marchés étrangers. Notre dispositif public d’appui à l’exportation est l’un des meilleurs du monde, je vous le dis après avoir travaillé quinze ans sur le sujet. Il y a beaucoup de talents et de compétences à l’intérieur d’Ubifrance.

Pour le reste, je suis d’accord avec vous : il faut mettre plus de moyens sur les foires et salons ou la promotion des petites entreprise par exemple. Le Gouvernement, qui a pris de nombreuses initiatives en ce sens depuis un an, poursuivra dans cette voie.

Les amendements 707 rectifié et 706 rectifié tendent à développer le rôle d’Ubifrance, en étendant la possibilité de recours au volontariat international en entreprise, et en permettant à davantage de jeunes de s’expatrier.

M. Patrick Ollier, président de la commissionExcellents amendements !

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis très favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Chargé jusqu’à un passé récent du commerce extérieur sous la responsabilité de Mme Lagarde, j’ai préparé la réforme évoquée par M. Forissier, et qui renforcera le soutien public à l’exportation. Loin de nous désengager, nous réaffirmons nos ambitions en la matière ; ces amendements y contribueront.

Mme la Présidente – Levez-vous le gage, Monsieur le ministre ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Oui.

Les amendements 707 rectifié et 706 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Mme Geneviève Fioraso – Le retour sur investissement des entreprises qui développent des biotechnologies ou produisent des médicaments est particulièrement tardif, notamment du fait de la durée de la certification préalable à la mise sur le marché des produits. Or, sans même parler des banques, qui se refusent purement et simplement à y investir, les sociétés de capital-risque ne s’y engagent pas plus de cinq ou six ans.

Aux termes de notre amendement 957, afin de favoriser l’essor international de ces PME, France Investissement les soutient aussi longtemps que l’exigent le développement et la mise sur le marché de leurs produits.

En évoquant nos résultats catastrophiques en matière de commerce extérieur, je n’entendais nullement mettre en cause le personnel du service public d’aide à l’exportation – dont j’ai apprécié les compétences à l’époque délicate où les pays de l’Est quittaient le système soviétique –, mais bien une méthode désastreuse qui consiste à disperser l’offre au lieu de réunir grands groupes, PMI et PME, ce qui revient à gaspiller des moyens déjà insuffisants. De ce point de vue, les missions de ces personnels mériteraient d’être clarifiées.

M. Jean-Paul Charié, rapporteur – Avis défavorable. Mme Fioraso l’a reconnu elle-même, ce soutien fait déjà partie des missions de France Investissement !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Cet amendement n’est pas du domaine de la loi : la disposition relève du conseil d’orientation de France Investissement.

L'amendement 957, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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