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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mardi 24 juin 2008

3ème séance
Séance de 21 heures 30
204ème séance de la session
Présidence de M. Marc Laffineur, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi adopté par le Sénat, relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Yves Cochet – Nous souhaitons, s’agissant de la notion d’« exploitant responsable » contenue dans la directive, préciser le texte du projet de loi, en introduisant dans cette notion les principaux actionnaires. En effet, les actionnaires peuvent cautionner des opérations commerciales sans avoir bien conscience, parce qu’ils ne sont pas dans la gestion de terrain, qu’elles sont polluantes. Il convient donc de les responsabiliser, en disposant qu’ils peuvent être reconnus « exploitants responsables ». Tel est l’objet de l’amendement 72.

M. André Chassaigne – L’amendement 109 est identique.

M. Alain Gest, rapporteur de la commission des affaires économiques – Si la directive mentionne en effet les personnes ayant reçu la délégation d’un pouvoir économique, elle précise cependant que ces personnes sont prises en considération « lorsque la législation nationale le prévoit ». Notre droit interne étant muet à cet égard, la proposition ne peut être retenue. La commission émet donc un avis défavorable.

M. Yves Cochet – Argument fallacieux.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire – Même avis. Depuis tout à l’heure, nous tournons autour du pot sur le sujet de la personne morale. Les amendements visent à contourner cette notion dans la mise en cause de la responsabilité. C’est un problème dont nous ne pourrons certes faire l’économie, mais la disparition de la notion de personnalité morale irait à l’encontre de l’autonomie des artisans ou commerçants, et poserait en outre de nombreux problèmes en matière de droit des faillites. Le principe d’une responsabilité « supra-personnelle » n’est pas la bonne réponse.

Les amendements 72 et 109, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne – Je défendrai ensemble les amendements 110, 111 et 112. L’article 46, alinéa 11, du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement dispose que « la France proposera l’introduction au niveau communautaire du principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement, et soutiendra cette orientation au niveau international ». Si nous avions posé ce principe dès le présent projet, nous nous serions dotés des leviers nécessaires pour aborder la question au cours de la présidence française de l’Union européenne, alors que le projet de loi « Grenelle » ne sera pas discuté avant les mois d’octobre ou de novembre. Nous perdons ainsi l’opportunité que nous offrait la présidence d’avancer sur cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR).

M. Alain Gest, rapporteur – La commission a émis un avis défavorable aux amendements 110 et 111. Je précise, en ce qui concerne ce dernier, que sa rédaction irait à l’encontre de l’objectif poursuivi, puisque la recherche qu’il obligerait à mener ralentirait la démarche visant à éviter un dommage ou à remettre le milieu en état. Alors que nous sommes confiants quant à la détermination du Président de la République à tenir son engagement de traiter le problème au niveau européen, nos collègues semblent avoir davantage de doutes sur sa capacité à le faire…

L’amendement 112 n’a pas été examiné en commission, mais à titre personnel, j’émets un avis défavorable, dans la mesure où il prévoit une exonération de permis pour les seuls exploitants publics.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis.

Mme Geneviève Gaillard – J’appelle votre attention sur les difficultés qui surgiront si ces amendements ne sont pas adoptés. Comme Mme Lebranchu l’a expliqué tout à l’heure, et contrairement à ce qu’affirme le Livre blanc de la Commission européenne, les sociétés qui sont bel et bien à l’origine du dommage trouvent de nombreuses astuces pour échapper aux sanctions. Ce texte risque de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau, car les sociétés auront toujours la possibilité de s’exonérer de leurs responsabilités ; cela se passe ainsi aujourd’hui dans de nombreuses affaires, et je crains que cela se poursuive.

Les amendements 110, 111 et 112, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Chassaigne – L’amendement 113 vise à inscrire dans la loi le principe, consacré par la jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 31 octobre 1995, de continuité entre exploitants.

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable. Le projet de loi a un champ d’application bien plus vaste que les seules installations classées. L’adoption de cet amendement entraverait toute reprise d’activité, en matière agricole surtout. Toutefois, votre intention est légitime. L’exploitant pourra toujours faire valoir qu’il a été victime d’un vice caché lors de la vente d’une exploitation ayant connu des pollutions antérieures.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Je demanderai à M. Chassaigne de bien vouloir retirer son amendement. En effet, la notion de reprise d’activité est instantanée. Nous avons tous été témoins de revitalisations de sites, qu’il s’agisse de Charbonnages de France ou d’autres terrains, souvent avec le concours des pouvoirs publics. Votre amendement ne ferait qu’aggraver les choses.

L'amendement 113, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – Il arrive que la cessation de l’activité provoque des désordres écologiques. L’amendement 114 vise à en rendre responsable l’exploitant de l’époque, conformément à une décision prise en 1993 par le tribunal administratif d’Amiens, qui avait appliqué cette disposition alors même que le nouvel exploitant avait pris toutes les mesures de remise en état du site.

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable. Il va de soi que je suis très attentif aux décisions du tribunal administratif d’Amiens mais, en l’espèce, votre amendement est contraire à l’article 17 de la directive selon lequel ce régime ne s’applique pas aux activités ayant cessé avant le 30 avril 2007.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis.

L'amendement 114, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Gest, rapporteur – L’amendement 2 vise à mettre le texte en cohérence avec la directive en précisant que les dommages directs et indirects sont tous pris en compte.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Line Reynaud – L’amendement 62 vise à préciser que les dommages causés aux sols sont considérés au regard de la santé humaine, mais aussi de l’équilibre des écosystèmes locaux. En effet, de nombreux micro-organismes peuplent nos sols et nos eaux, et toute rupture de la chaîne alimentaire peut bouleverser l’équilibre du milieu local – surtout s’il est endémique – par l’irruption d’espèces invasives, par exemple. À terme, la santé humaine elle-même peut être menacée.

M. Yves Cochet – Le rapport du Millénaire, publié par l’ONU en mars 2005, révèle que 60 % des écosystèmes sont aujourd’hui menacés et que, faute d’agir vite, l’effondrement total des milieux naturels pourrait avoir lieu vers 2050. Des vingt-quatre ressources écologiques principales identifiées dans ce rapport telles que l’eau, l’air ou encore la ressource halieutique, quinze sont gravement endommagées, au point que la santé humaine pourrait en être affectée par de nouvelles maladies, l’expansion de zones mortes sur les littoraux, l’extinction d’espèces de poissons ou des bouleversements climatiques.

La canicule de 2003 nous a enseigné qu’il faut être attentif à toute dégradation environnementale. C’est pourquoi l’amendement 73, identique au précédent, vise à citer les écosystèmes dès le début du texte.

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable, par fidélité à la directive qui, en son article 2, définit les dommages aux sols selon leur impact sur la santé humaine.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Même avis.

Mme Geneviève Gaillard – La santé humaine se mesurera peut-être dans quelques années à notre capacité à définir et à comprendre ces écosystèmes locaux. Plus les insectes, les parasites, les bactéries, les virus et autres mycoplasmes disparaissent de nos sols, et plus ceux-ci se dégradent. Or, nous ne savons pas aujourd’hui l’impact que ces dégradations auront à l’avenir sur la santé humaine. Ces amendements nous permettraient d’anticiper !

Les amendements 62 et 73, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Line Reynaud – L’amendement 63 tend à étendre le principe de responsabilité environnementale à l’ensemble des sites remarquables ayant vocation à préserver l’environnement. Selon une étude menée par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, le réseau français d’aires protégées est à étendre. Chacun sait que les plus beaux paysages sont aussi les plus convoités. Or, certains ne sont pas bien protégés. La responsabilité environnementale doit donc s’appliquer dans l’ensemble des espaces naturels identifiés comme tels : parcs nationaux, parcs naturels régionaux, espaces protégés par des arrêtés de biotope, forêts de protection, réserves naturelles, zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, secteurs de grand intérêt biologique, grands ensembles naturels riches et peu modifiés ou encore sites visés par la Convention RAMSAR.

M. André Chassaigne – L’amendement 115 a le même objet. Rappelons que ce texte est loin de concerner l’ensemble du territoire ! Que ceux qui craignent que des agriculteurs en soient affectés se rassurent : en l’état, seuls sont concernés les espaces visés par la directive « Oiseaux » et le réseau Natura 2000. Celui-ci, en dépit de son importance environnementale, ne couvre qu’une superficie réduite et ses sites sont rares – la Picardie n’en compte que quarante-sept, d’autres régions à peine trente. Il convient donc d’étendre le principe de responsabilité environnementale à tous les espaces protégés, ou dont l’intérêt écologique est reconnu.

M. Yves Cochet – Mes amendements 74 à 78 et 80 détaillent l’ensemble des espaces visés par les deux amendements précédents. L’amendement 74 concerne les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux, qui ont pour objectif de contribuer à la protection et à la connaissance de notre patrimoine naturel, culturel et paysager. Il va de soi qu’ils ont toute leur place dans ce dispositif. À l’amendement 75, nous proposons d’y intégrer les réserves naturelles : il en existe 326 en France, qui couvrent 2 848 000 hectares. N’ayons pas une vision trop fragmentée de l’environnement, qui s’attacherait tantôt aux sols, tantôt aux eaux. L’écosystème est un milieu vivant cohérent ! Il y a plusieurs niveaux d’interaction entre les éléments. Vous ne pouvez donc pas n’en protéger qu’un seul. Ce n’est pas une vision écologique des choses – même si cela ne m’étonne pas de vous ! Lorsqu’on a une vision scientifique de la nature, la protection globale s’impose.

L’amendement 76 étend quant à lui le champ d’application de la loi aux ZNIEFF – zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et touristique – qui sont au nombre de 15 000 en métropole et constituent un élément majeur de la politique de protection de la nature. L’amendement 77 propose d’étendre le champ d’application aux surfaces concernées par un arrêté de biotope. Je rappelle que l’arrêté préfectoral de conservation des biotopes a pour objectif de protéger le milieu de vie des espèces protégées afin de prévenir leur disparition. On peut ainsi prévoir des mesures d’interdiction pour prévenir les actions ou activités susceptibles de modifier ou détruire le biotope ou de déranger des espèces.

À ce propos, vous savez que Renault a sorti – en pleine crise pétrolière ! – un nouveau 4x4, le Koleos. Les publicités qui s’étalent sur les murs de nos villes nous montrent ce 4x4 sur fond de milieu naturel de montagne. Ce genre de publicité est pourtant interdit par votre ministère, et c’est pour tourner l’interdiction qu’il n’y a pas de conducteur dans le Koleos !

Mme Laure de La Raudière – On s’éloigne du sujet… (Rires sur plusieurs bancs)

M. Yves Cochet – L’amendement 78 étend le champ d’application du principe aux forêts de protection – qui couvrent environ 80 000 hectares en France. La forêt joue en effet un grand rôle dans la régulation hydrologique de notre pays. Enfin, l’amendement 80 concerne les sites Ramsar. Je rappelle que la France a adhéré à la convention relative aux zones humides – il y en a 17 dans notre pays, dont trois en outre-mer.

M. Alain Gest, rapporteur – Nous avons choisi de nous conformer au vote du Sénat, qui a visé la directive Oiseaux et la directive Habitat pour assurer la cohérence européenne de ce texte qui transpose des directives communautaires. D’autre part, vous n’ignorez pas que les parcs nationaux et les ZNIEFF sont souvent inclus dans une zone Natura 2000. À ce titre, une bonne partie d’entre eux sont déjà couverts par le texte. La commission est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis. En ce qui concerne les 4x4, Monsieur Cochet, la France a mis en place le bonus-malus écologique et transféré 45 % du marché. Il est dommage que vous ayez refusé de soutenir cette mesure par aveuglement idéologique.

Mme Laure de La Raudière – Le seul élu qui roule en 4x4 chez moi, c’est un vert !

Mme Geneviève Gaillard – Le rapporteur invoque la nécessité d’une cohérence sur le territoire européen pour ne retenir que les zones Natura 2000. Mais la France se veut exemplaire en matière de protection de l’environnement : nous avons inscrit la Charte de l’environnement dans notre Constitution, M. Borloo a lancé le Grenelle de l’environnement et mis en place un bonus-malus écologique. Le texte me semble donc un peu en retrait par rapport à ce que l’on pouvait attendre.

Permettez-moi de prendre l’exemple du Marais poitevin. Cette zone n’est pas inscrite en ZNIEFF et n’a pas fait l’objet d’un arrêté de biotope ; elle ne figure ni parmi les zones Natura 2000, ni parmi les zones Ramsar. Si elle reste exclue du champ d’application de la loi, la pérennité des écosystèmes, les activités des hommes et la santé humaine risquent d’être mises en cause. Et lorsque nous n’aurons plus de zones humides en France, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR)

M. Philippe Tourtelier – Le rapporteur se défausse un peu facilement sur la nécessité d’une cohérence européenne – toujours a minima. Nous allons prendre la présidence de l’Union européenne – d’où ce « rattrapage » en urgence dans la transposition des directives. C’est bien, mais il faudra aussi entraîner les autres !

J’en viens aux amendements. Notre pays est directement concerné par la biodiversité, notamment grâce à l’outre-mer. Vous avez répondu au Sénat, Monsieur le ministre, que la directive distinguait bien l’habitat et les espèces. Mais en biodiversité, compte tenu du changement climatique, il y a un lien immédiat entre l’habitat et les espèces. C’est même la raison qui vous a fait proposer la trame verte. Je ne comprends donc pas que vous repoussiez cet amendement qui anticipe sur le Grenelle de l’environnement et qui facilite la mise en place de cette trame verte.

Mme Geneviève Gaillard – Très bien !

M. Serge Poignant – Notre collègue Chassaigne demande à étendre le champ d’application de la loi au motif que les zones Natura 2000 ne représentent pas des surfaces très importantes. Je me permets de lui rappeler que ce champ d’application ne se limite pas aux zones Natura 2000. Il couvre également – notamment – les cas de détériorations mesurables de l’environnement qui créent un risque d’atteinte grave à la santé humaine du fait de la contamination des sols ou affectent gravement l’état écologique, chimique ou quantitatif des eaux.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Très bien.

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 115, 74, 75, 76, 77, 78 et 80.

M. Yves Cochet – L’amendement 79 est défendu.

L'amendement 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 116 est défendu.

L'amendement 116, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – Vous avez répondu au sénateur Jean Bizet, Monsieur le ministre, que les critères de l’annexe I – qui définissent la gravité du dommage – seraient transposés par décret. Il s’agit de critères précis et sans aucun doute délicats à appliquer. Nous craignons donc que le décret soit en retrait par rapport à la directive.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Jamais !

M. André Chassaigne – D’autre part, la gravité d’un dommage s’évalue aussi à long terme. C’est pourquoi l’amendement 117 propose que la gravité des dommages soit appréciée par l’autorité compétente et par le juge en fonction des critères de la directive. Cela permettrait d’être plus réactif et de mieux tenir compte des réalités du terrain, et c’est beaucoup plus simple que de prendre un décret.

M. Alain Gest, rapporteur  Défavorable. La directive s’appliquera, et le contenu du décret ne peut que lui être conforme. Votre inquiétude n’est donc pas justifiée.

L'amendement 117, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Gest, rapporteur – L’amendement 3 est rédactionnel.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Gest, rapporteur – L’amendement 4 vise à supprimer le terme « hostilités », qui découle de la transposition littérale de la directive mais qui ne correspond à rien en droit français.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Avis favorable.

M. François Brottes – Que le Gouvernement supprime les hostilités est bon signe pour la suite de nos travaux… (Sourires)

Puisque le rapporteur nous invite à écrire la loi en bon français, je voudrais revenir sur la question que j’ai posée à la fin de la séance précédente concernant l’emploi du présent dans l’article L. 160-1, qui pourrait exclure la responsabilité des exploitants antérieurs. J’ai bien compris que la question était ardue et je n’ai ni autorité ni compétence pour y répondre. J’aimerais donc obtenir une réponse du rapporteur.

M. Alain Gest, rapporteur – C’est beaucoup d’honneur ! J’ai dit tout à l’heure que nous étions dans le cadre d’une prescription trentenaire. Rien n’interdit donc à l’exploitant, voire au préfet, de poursuivre l’exploitant précédent. Cette recherche en responsabilité s’effectue dans le cadre du droit commun. Il est clair que vous avez soulevé un vrai problème pour tous les terrains pollués antérieurement à l’entrée en application de la présente loi, le 30 avril 2007. Je n’ai pas d’autre réponse que celle que je viens de vous donner. Mais convenez que si elle allait dans le sens inverse, nous aurions de plus grandes difficultés encore qu’aujourd’hui à encourager les transmissions d’entreprises, parce que les repreneurs deviendraient extrêmement méfiants.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet – Un certain nombre de cas sont exclus de l’application du titre premier, comme les dommages à l’environnement causés par une guerre ou une insurrection par exemple. Les militaires sont également exonérés de toute responsabilité, alors que les exercices qu’ils effectuent peuvent avoir un impact très lourd – ils n’y vont pas de main morte ! Mais je n’ai pas voulu déposer d’amendement sur ce sujet. En revanche, je vous propose par l’amendement 81 de supprimer les alinéas 26 à 32, qui établissent des exonérations non justifiées, et qui ne sont d’ailleurs pas prévues par la directive. Il s’agit essentiellement du nucléaire. Après la seconde guerre mondiale, chacun a voulu sortir du cauchemar de Hiroshima et Nagasaki. Le président Eisenhower a fait un grand discours à l’ONU visant à instaurer une industrie nucléaire civile. S’en est suivi aux États-Unis le Price-Anderson Act

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Quel rapport avec l’amendement ?

M. Yves Cochet – Vous vous référez à des conventions internationales, celles de Paris et Bruxelles et de Vienne, qui limitent la responsabilité de l’exploitant en montant et en durée. En gros, le nucléaire, dont on sait quels dommages il peut causer à l’environnement comme à la santé humaine, a des obligations assurantielles beaucoup plus restreintes que les autres activités industrielles : dix ans au lieu de trente, avec un plafond d’indemnisation… Il n’y a pas de raison que le nucléaire bénéficie d’un régime exorbitant du droit commun. La présente loi doit s’appliquer aux dommages qu’il pourrait causer.

M. André Chassaigne – L’amendement 118 est identique. J’ajoute qu’outre le nucléaire, les hydrocarbures sont également exonérés de ce régime de responsabilité. Ils dépendent de deux conventions internationales qui peuvent, sur certains points, se montrer plus protectrices que le présent projet de loi – mais dans ce cas, la suppression de ces alinéas n’aura aucune conséquence puisque les traités s’imposent de toute façon à la loi. Mais certaines dispositions de ces conventions sont aussi très en retrait, comme pour ce qui concerne les dispositifs de transport d’hydrocarbures. On sait aussi que les indemnisations accordées par le FIPOL pour la catastrophe du Prestige ont été dérisoires. Enfin, le délai de prescription est en général moindre que celui prévu dans le présent projet. Vous voyez, j’en arrive à dire du bien de votre texte ! C’est pourquoi nous voulons réintégrer ces domaines dans le projet de loi.

Mme Marylise Lebranchu – C’est un vrai sujet.

M. Alain Gest, rapporteur – Je comprends bien votre souci, mais vous oubliez que les conventions sont expressément visées par les annexes 4 et 5 de la directive. Elles s’appliquent donc de fait. Je ne peux donner un avis favorable à ces amendements.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis.

Les amendements 81 et 118, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Line Reynaud – L’amendement 64 vise à supprimer l’alinéa qui exonère de responsabilité les dommages dus aux pollutions par les hydrocarbures au motif qu'il existe déjà des conventions internationales qui en réglementent la responsabilité civile. Les indemnisations par le FIPOL de la catastrophe du Prestige ont montré les limites de ces dispositions internationales. La jurisprudence Erika a certes ouvert des perspectives intéressantes pour la reconnaissance du dommage à l’environnement, mais le législateur doit la consacrer dans la loi. L’amendement 65 vise à réintégrer aussi les dommages nucléaires dans le champ de la responsabilité prévue par le texte.

M. Alain Gest, rapporteur – L’article 55 de la Constitution précise que les traités internationaux s’imposent à la loi. Or, ces traités sont expressément mentionnés dans les annexes 4 et 5 de la directive. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis.

Mme Geneviève Gaillard – La rédaction de certains alinéas, en particulier celle du 33, est beaucoup moins claire que ne l’est la directive, qui s’applique uniquement aux dommages environnementaux causés par une pollution à caractère diffus lorsqu’il est possible d‘établir un lien de causalité avec l’activité de certains exploitants. La rédaction du projet de loi pourrait conduire à conclure que les dommages causés par une pollution à caractère diffus ne sont jamais pris en compte. Pourtant, on est souvent capable d’identifier le produit polluant, comme c’est le cas pour le tributylétain ou les chlorofluorocarbones.

M. André Chassaigne – Le ministre et le rapporteur utilisent comme argument que les traités s’imposent dans notre droit : certes, mais rien n’empêche que le projet de loi aille au-delà des traités – sans quoi nous serions tous à travailler 65 heures par semaine !

M. Yves Cochet – Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu – Dans certains cas, la France va au-delà des traités en vigueur. On ne peut pas faire moins, mais on peut faire plus. Pourquoi le refuser dans le cas d’espèce ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – La directive européenne fait explicitement référence aux conventions internationales. Il s’agit tout simplement de respecter la hiérarchie des normes. Avis défavorable.

Les amendements 64 et 65, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Gest, rapporteur – L’amendement 5 est de coordination.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 119 tend à préciser que ce texte ne fait pas obstacle à l’action en réparation, en prévention ou en cessation du dommage.

M. Alain Gest, rapporteur – Le projet de loi est très clair sur ce point : le présent titre n’a pas vocation à régir tous les types de préjudice. Avis défavorable.

L'amendement 119, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – En prévoyant un délai de prescription de trente ans à compter du fait générateur, ce projet de loi donne une interprétation bien minimaliste de la directive…

Pourquoi ne pas nous inspirer du système retenu, en 1993, par la convention de Lugano ? Mieux vaudrait que le délai coure à partir du moment où le fait générateur cesse lorsqu’il s’agit d’un fait continu, ou bien, lorsqu’il s’agit d’une succession de faits de même origine, à partir du dernier de ces faits. De la sorte, dans le cas de la pollution du Rhône, il resterait dix ans pour agir puisque les PCB sont interdits depuis vingt ans. Il serait plus responsabilisant pour les industriels que l’on prenne en compte la fin du fait générateur, au lieu de son commencement. Tel est l’objet de notre amendement 83, qui tend à supprimer l’alinéa 36.

M. André Chassaigne – Tout comme notre amendement 120. C’est une question de bon sens : on peut attendre des décennies avant qu’une pollution apparaisse au grand jour. Nous connaissons tous des territoires ruraux pollués par des activités qui ont cessé depuis fort longtemps. Ce délai de trente ans est invraisemblable !

On nous objecte la difficulté d’établir un lien, mais c’est absolument fallacieux. On trouve facilement les héritiers quand il y a de l’argent à distribuer, pourquoi est-ce toujours plus difficile quand il s’agit de trouver les responsables d’une pollution ?

Mon bon sens rural ne parvient pas à comprendre pourquoi vous nous proposez un texte aussi réducteur. On dirait que vous souhaitez exonérer les entreprises de leurs responsabilités. J’espère que le rapporteur, avec son bon sens picard, saura nous éclairer sur ce point.

M. Alain Gest, rapporteur – Il y a le bon sens picard, mais il y a aussi le droit communautaire (Sourires). La prescription trentenaire figure expressément dans la directive, et elle est de droit commun en matière civile dans notre pays. Par conséquent, avis défavorable.

Les amendements 83 et 120, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet – L’amendement 84 tend à remplacer l’alinéa 36 par une rédaction inspirée de la convention de Lugano à laquelle je faisais référence tout à l’heure : il serait préférable de prendre en considération, non le début, mais la fin du fait générateur. Il y a en effet des pollutions chroniques. Si nous en restions à la rédaction actuelle, on ne pourrait plus rien faire contre les PCB, car ils existent depuis plus de trente ans. Ce serait un scandale !

Comme le précise le considérant 29 de la directive, les États membres peuvent adopter des dispositions plus strictes en matière de prévention et de réparation des dommages. C’est ce que nous demandons.

M. Alain Gest, rapporteur – Mêmes raisons, même avis.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même position.

M. Patrick Roy – Le rythme de vie de la pollution n’est pas celui de l’être humain. Il y a le droit communautaire, mais rien ne nous empêche d’aller plus loin. J’aimerais avoir des explications plus sérieuses qu’un simple avis défavorable sur ce sujet de fond.

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 121 est défendu.

L'amendement 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 85 a pour objet de supprimer les alinéas 37 à 39 de cet article. En effet, pourquoi exclure les dommages causés avant le 30 avril 2007 ? Ce serait la fin des actions en responsabilité pour les dommages causés par les PCB et par l’amiante.

Le 30 avril 2007 était certes l’échéance de transposition de la directive communautaire, mais tous les pays ne sont pas aussi en retard que nous. Ne multiplions les obstacles à la réparation !

M. André Chassaigne – L’amendement 122 est identique. Toutes les poursuites contre des pollutions commises avant le 30 avril 2007 cesseraient. Vous nous proposez donc une amnistie complète. Je le demande à nouveau : pourquoi mettre autant de garde-fous dans ce texte ? Le mur que vous construisez est infranchissable. Ce n’est pas sérieux !

M. Alain Gest, rapporteur Il s’agit tout simplement d’appliquer la date prévue par la directive (Exclamations sur les bancs du groupe SRC). Avis défavorable.

M. Patrick Roy – Le Gouvernement choisit l’amnistie des pollueurs !

Mme Geneviève Gaillard – On oublie certains éléments de la directive, on ne considère pas la totalité du territoire français et on exonère totalement de leurs responsabilités ceux qui auraient causé des dommages avant le 30 avril 2007 ; dans ces conditions, à quoi ce texte va-t-il servir ?

M. Daniel Paul – Devant la commission d’enquête parlementaire sur l’amiante, les autorités scientifiques avaient indiqué qu’entre l’exposition à l’amiante et la déclaration de la maladie, il se passait en moyenne 37 ans. Par ailleurs, les entreprises qui, à la suite de fusions ou absorptions, ont intégré dans leurs équipes des salariés en provenance d’autres entreprises se trouvent responsabilisées à leur égard et sont ainsi conduites, plus de trente ans après, à leur payer des indemnités.

Envisagerait-on par hasard d’étendre les restrictions du présent projet à la responsabilité des entreprises en matière de santé des salariés ? Dans ce cas, il serait diablement dangereux…

M. Alain Gest, rapporteur  Vous parlez de faits graves qui ont donné lieu à des procédures judiciaires, alors que nous débattons de la mise en place d’une nouvelle police administrative – à laquelle vous voudriez soumettre des exploitants qui, à l’époque, ne pouvaient connaître le dispositif que nous instituons. Vous demandez que la loi soit rétroactive – ce qu’elle devra d’ailleurs déjà être pour remonter au 30 avril 2007 ; or il ne s’agit pas ici d’infliger des sanctions, mais de disposer d’une police administrative pour prévenir les dommages ou réparer – au sens de remettre en état – un site ayant fait l’objet d’un dommage. Le reste du droit commun n’est pas remis en cause. Avis défavorable, donc.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques – Très bien !

Les amendements 85 et 122, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet – Notre amendement 86 tend à définir dans la loi – et non par un décret – les activités concernées par le régime de responsabilité, en renvoyant à la liste figurant à l’annexe III de la directive. On peut préciser, pour faciliter les évolutions ultérieures, que si de nouveaux risques apparaissent, on pourra les ajouter par décret.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Non : ce qui est décidé par la loi ne peut se défaire que par la loi.

M. Patrick Ollier, président de la commission C’est la Constitution !

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable : l’annexe III de la directive s’applique, le décret ne fera que préciser la liste, et le cas échéant, ces précisions feront l’objet de modifications. J’observe du reste que, lorsque les décrets sont prêts à l’avance, vous en faites le reproche au Gouvernement, et que s’ils ne le sont pas, vous le lui reprochez aussi…

L'amendement 86, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne – Notre amendement 123 tend à ne pas renvoyer au décret la désignation de l’autorité compétente pour établir le lien de causalité entre l’activité et le dommage, en précisant qu’il s’agit du préfet. Il ne faudrait pas désigner le maire, qui a déjà énormément de responsabilités.

M. Alain Gest, rapporteur – J’ai déjà indiqué que le préfet serait l’autorité compétente, mais cela figurera dans le décret.

M. André Chassaigne – Si le ministre en prend l’engagement, je retirerai l’amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Je le prends !

L'amendement 123 est retiré.

M. André Chassaigne – L’amendement 168 est défendu.

L'amendement 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 87 est défendu.

L'amendement 87, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – Nous proposons par l’amendement 89 de compléter l’alinéa 50 par les mots « sans préjudice du droit des associations reconnu par l’article L. 142-1 du présent code ».

En effet, tel qu’il est rédigé, l’article L. 162-4 risque d’empêcher les associations d’agir en justice, alors que l’article L. 142-1 leur en reconnaît le droit. Prenons un exemple : le naufrage de l’Erika. La Ligue de protection des oiseaux, Eau et rivières de Bretagne, Bretagne vivante, trois associations bien connues qui font partie de France Nature Environnement, ont pu agir. Dix mille cormorans sont morts ; c’est un vrai dommage à l’environnement. Dans le cadre de ce projet, est-ce que ces associations auraient eu le droit d’agir, d’attaquer l’Erika lui-même, le capitaine peut-être, Total, afin qu’ils participent à la réparation de ce dommage ?

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable…

M. Patrick Roy – La Commission n’aime pas les cormorans !

M. Alain Gest, rapporteur – …car les associations peuvent utiliser l’ensemble des actions prévues par le droit commun : une association a pu faire valoir, lors de l’affaire de l’Erika, un préjudice environnemental et écologique. Ce texte, il faut le comprendre, est une police administrative.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Avis défavorable. C’est un problème général : un texte de loi n’est pas un objet de communication politique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Le droit commun, c’est le droit des associations. Le décret ne se substitue pas à la loi : laissons le législateur faire le travail du législateur !

M. François Brottes – Au droit commun, M. le ministre d’État, il manque une chose qui nous est chère à tous : l’action de groupe. Confirmez-vous qu’avec le texte « Responsabilité pénale », nous allons débattre de l’action de groupe ? C’est un engagement pris ici même par M. Chatel, il y a quelques jours à peine.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – En matière environnementale, c’est l’action collective, l’action d’intérêt général, qui compte ; or l’action de groupe, c’est la somme organisée d’intérêts individuels, organisée afin que le coût pour chacun soit moindre. Il peut y avoir des exceptions, mais nous sommes ici dans le cadre de l’intérêt général, d’intérêts collectifs (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

L’amendement 89, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 88 est défendu.

L’amendement 88, repoussé par la Commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

Mme Marie-Line Reynaud – L’amendement 143 oblige l’exploitant à informer l’autorité compétente en cas de menace imminente, sans attendre que la menace persiste. En effet, à quel niveau une menace devient-elle imminente ? Je souhaiterais des éclaircissements sur ce point, notamment au regard du décret en Conseil d’État. D’autre part, la rédaction des articles L. 162-8 et L. 162-9 du code de l’environnement donne à penser qu’il faut attendre qu’une menace persiste ou qu’un dommage à l’environnement soit effectivement causé pour que l’autorité administrative compétente en soit informée sans délai : ce n’est pas responsable, d’autant qu’est laissée à l’exploitant l’initiative des mesures à prendre. Cela relève du laisser-faire, incompatible avec le principe de responsabilité environnementale et avec un régime de police administrative.

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable. Nous risquerions de multiplier les fausses alertes, de donner trop de travail à l’autorité compétente – le préfet, puisque M. le ministre d’État l’a confirmé. Il faut bien comprendre la démarche : responsabiliser l’exploitant, et ensuite provoquer un dialogue entre l’exploitant et le préfet dans l’hypothèse où la menace persiste, alors même que l’exploitant a pris des mesures pour essayer de l’éviter.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Même avis.

M. Philippe Tourtelier – Mais une menace, ce n’est pas une fausse alerte ! Qui juge de la nécessité de prendre ces mesures ? L’exploitant est ici juge et partie. L’amendement permet de rendre le processus transparent.

L’amendement 143, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 124 est défendu.

L’amendement 124, repoussé par la Commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Daniel Paul – Il existe dans les entreprises un droit d’alerte, qui permet aux délégués du personnel d’appeler l’attention, et même plus, lorsqu’il y a atteinte aux droits des personnes, lorsqu’il y a atteinte aux libertés publiques, ou lorsque la santé physique ou mentale des salariés est mise en péril. Dans les entreprises, les salariés sont souvent les premiers au contact des pépins, des accidents industriels : ils sont dès lors les mieux à même de lancer l’alerte lorsque la sécurité, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, est mise en cause. L’amendement 125 vise à anticiper ce qui semble au demeurant se profiler avec le Grenelle de l’environnement, en faisant figurer ici la possibilité d’étendre la procédure d’alerte professionnelle aux risques d’atteinte à l’environnement et à la santé publique.

Vous allez sans doute répondre que ce sera fait dans les textes dont nous discuterons dans quelques mois : mais alors, pourquoi ne pas anticiper ? Cela aurait du poids ; les salariés, la population y seraient sensibles.

M. Alain Gest, rapporteur – Cette proposition est tout à fait dans l’esprit du Grenelle de l’environnement ; elle trouvera donc sa place dans ce texte-là, que nous discuterons au mois d’octobre prochain. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Je confirme ce que dit le rapporteur ; en outre, il ne vous a pas échappé qu’en matière de droit du travail, nous avons quelques commissions et quelques partenaires sociaux à saisir, dans le cadre d’un parfait dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC), conformément à la loi…

Mme Marylise Lebranchu – Ah bon ! Ce ne sera fait que si les syndicats le veulent ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État …et cette idée a même fait l’objet d’une saisine du Conseil économique et social, qui a émis un avis favorable, y compris sur un dispositif de ce genre. Il aura sa place dans le texte qui sera discuté à l’automne. Avis défavorable.

L’amendement 125, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 90 est un équivalent du précédent, sauf qu’il s’agit ici des associations : en cas de menace, les associations pourraient déclencher des mesures de prévention, car elles sont vigilantes et compétentes. Si l’exploitant prévient d’une menace imminente le préfet, qui prévient le sous-préfet, qui prévient un magistrat, qui prévient un sous-magistrat, eh bien ! Mme Lebranchu nous confirmera que cela pourrait durer quelques heures. Or, s’il s’agit d’une question de quarts d’heure, les associations, qui sont les plus proches de la réalité, doivent pouvoir agir directement. Pourquoi laisser de côté ces lanceurs d’alerte potentiels ?

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable. Les dispositions évoquées sont parfaitement prévues dans la directive ; et vous avouerez que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception relève plutôt du domaine réglementaire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État Même avis.

L’amendement 90, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 161 est défendu.

L’amendement 161, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 162 est défendu.

L’amendement 162, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne – L’amendement 163 est défendu.

L’amendement 163, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.

Mme Marie-Line Reynaud – L’amendement 66 est défendu. Quant à l’amendement 67, il vise à rendre plus transparentes les évaluations pour la mise en œuvre des mesures de réparation.

L’autorité administrative pouvant demander à l’exploitant d’effectuer sa propre évaluation, on peut craindre qu’elle fasse reposer sa décision sur cette seule évaluation. Compte tenu du fait que c’est également à l’exploitant qu’il incombe de définir des mesures de réparation, celui-ci deviendrait juge et partie dans les procédures qui seraient menées à son encontre. Dans un contexte budgétaire tendu, le risque est également grand, si l’administration dispose de cette facilité, de voir se multiplier les procédures mort-nées.

L’amendement 67 dispose, quant à lui, que, si l’autorité administrative demande à l’exploitant un dossier d’expertise, ce n’est qu’en complément de la production d’un dossier d’évaluation publique.

M. Alain Gest, rapporteur – Je comprends la crainte que peut faire naître une évaluation menée par le propre exploitant, c’est-à-dire une auto-évaluation. Cependant, la logique même du texte consiste à responsabiliser les acteurs. En outre, l’exploitant peut être dans certains cas mieux placé que le préfet pour réaliser une évaluation. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable à l’amendement 66.

M. Jérôme Lambert – Il faut évaluer l’évaluation !

M. Alain Gest, rapporteur – En ce qui concerne l’amendement 67, l’évaluation est communicable, comme toute autre information administrative. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Même avis.

Mme Geneviève Gaillard – Si l’évaluation se pratique dans notre pays, elle se fait selon certaines règles. Or, ce texte ne prévoit rien, pas même un décret, pour indiquer la procédure que devra suivre l’exploitant pour réaliser une évaluation qui soit fiable et précise. Le risque est donc que le préfet s’appuie sur des auto-évaluations conduites sans aucune rigueur méthodologique, faute d’être encadrée par le droit. Cela peut être très dangereux.

M. Philippe Tourtelier – De nouveau, l’exploitant est juge et partie. Tel exploitant peut très bien réaliser une évaluation et prendre des mesures, qui conduiront à la catastrophe, faute d’une contre-expertise. Pour lever toute ambiguïté, nous pourrions donc dire que l’autorité administrative peut « aussi » demander une évaluation à l’exploitant. Il y aurait ainsi deux expertises.

M. Alain Gest, rapporteur – L’article L. 162-8 dispose que l’autorité administrative « procède à l’évaluation de la nature et des conséquences du dommage. Elle peut demander à l’exploitant d’effectuer sa propre évaluation. » Le préfet choisit donc de demander ou non une évaluation à l’exploitant. J’ajoute qu’une fois l’évaluation faite, il faut prendre les mesures destinées à éviter le dommage ou à remettre en état. Le préfet a intérêt à ce que l’évaluation soit bien faite, car il engage, derrière, sa responsabilité.

M. François Brottes – Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un choix entre l’évaluation de l’autorité administrative et celle de l’exploitant. Le texte dit, en effet, que le préfet réalise une évaluation et qu’ensuite, une fois celle-ci réalisée, il peut demander à l’exploitant sa propre évaluation. C’est donc une possibilité complémentaire, et non un choix. Si, cependant, le rapporteur avait raison, cela poserait en effet le problème de l’exploitant juge et partie.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État – Le rapporteur a eu raison d’affirmer que l’autorité administrative a le choix de recourir ou non à cet alinéa, c’est-à-dire, Monsieur Brottes, de demander ou non à l’exploitant, après l’évaluation publique, une évaluation aux frais de ce dernier.

Mme Marylise Lebranchu – Très bien !

Les amendements 66 et 67 sont retirés.

M. Yves Cochet – Les exploitants sont dans certains cas obligés de faire une évaluation. Par exemple, pour les usines Seveso, ils doivent réaliser une étude de danger, sur laquelle est amenée à se prononcer la direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement.

L’amendement 91 vise à supprimer une limitation à la protection de la santé. Je prendrai un exemple, qui, même si la loi n’est pas rétroactive, ne devra pas se reproduire : une école a été construite sur un site orphelin, avant que l’on s’aperçoive de la présence de cyanures dans le bac à sable des enfants ! L’école a dû fermer. Un sol peut être pollué depuis un certain temps ; il ne faut donc pas limiter l’application des mesures de réparation à la constatation des documents d’urbanisme en vigueur à la date du dommage. Il faut retirer ces limitations à la prévention du risque.

M. Alain Gest, rapporteur – Avis défavorable. Cette rédaction, issue de la directive, permet de déterminer l’usage du site pour pouvoir prendre les mesures de réparation les plus appropriées. Je ne souhaite pas que nous retirions ces précisions.

L'amendement 91, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 25 juin, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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