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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 25 juin 2008

2ème séance
Séance de 21 heures 30
206ème séance de la session
Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse, Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CONTRATS DE PARTENARIAT

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux contrats de partenariat.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services – Je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi relatif aux contrats de partenariat, forme innovante de la commande publique à laquelle j’ai beaucoup travaillé au cours de la précédente législature, avec Mme des Esgaulx et M. Goasguen, et à laquelle Mme Lagarde et moi-même sommes très attachés.

Comme l’a rappelé Mme Lagarde lors de la discussion du texte au Sénat, en améliorant un outil essentiel de la procédure d’achat par l’administration, ce texte, qui fait suite à la loi de modernisation de l’économie et s’inscrit dans la démarche de modernisation de la commande publique entreprise par le Gouvernement depuis plusieurs années, contribuera à moderniser notre économie.

En effet, nous devons rompre avec l’idée que la seule façon de régler un problème est d’accroître la dépense publique. Les contrats de partenariat permettront d’intégrer à la démarche publique la notion de résultat et la coopération avec le secteur privé, et contribueront à la refonte des modes de gestion et des domaines d’intervention qu’exige la réforme de l’État. Leur développement montre du reste que l’on peut atteindre des objectifs publics en mettant à profit les atouts de la gestion privée.

De fait, dans de nombreux domaines, l'État peut et doit confier certaines missions au secteur privé, à condition de les définir par contrat avec clarté, exigence et précision. En effet, incapable de tout gérer directement, il doit parfois devenir donneur d'ordre, ce qui lui permet de faire jouer la concurrence et d’obtenir les meilleurs résultats au moindre coût. Les contrats de partenariats relèvent de cette démarche, qui permettra en outre de développer de nouvelles méthodes de gestion publique au sein même des administrations.

Ce texte s’inscrit tout d’abord dans une démarche globale de modernisation de la commande publique. Elle inclut la réduction du délai de paiement des marchés de l'État – qui vient d'être ramené à 30 jours –, puis des marchés des collectivités territoriales, dont je m’entretiendrai demain avec les représentants des communes, des départements et des régions. En outre, certaines des mesures proposées dans le rapport « Mieux acheter pour un meilleur service public » qu’Éric Besson vient de remettre au Premier ministre rejoignent plusieurs dispositions du présent projet.

Enfin, nous avons entrepris de moderniser notre droit de la commande publique et de le conformer, le cas échéant, au droit communautaire – ainsi, grâce à un décret qui sera publié avant la fin de l’année, des marchés passés par des personnes non soumises au code des marchés publics, mais tenues de respecter des procédures de mise en concurrence, aux termes de l’ordonnance du 6 juin 2005. En outre, le présent projet vise à habiliter le Gouvernement à adapter à la directive communautaire du 11 décembre 2007, par voie d’ordonnance, nos procédures de recours contentieux relatives aux marchés publics.

Quatre ans après sa création, et par-delà les réticences initiales, le contrat de partenariat s’est imposé comme l’outil qui manquait aux acheteurs publics pour satisfaire les besoins de la collectivité. En effet, entre les marchés publics – qui permettent l'achat de prestations – et les délégations de service public – qui permettent de confier au secteur privé la gestion des services publics –, un contrat global et durable devait permettre d’intégrer à une même procédure, pour réaliser un même projet, des contrats jusqu'alors distincts, relatifs à la conception, à la réalisation, à l'exploitation ou à la gestion.

Tel est l’objet du contrat de partenariat, créé par l'ordonnance du 17 juin 2004 : permettre aux acheteurs publics de satisfaire le besoin public de manière globale et exigeante, tout en rémunérant le partenaire privé en fonction non seulement de l'exploitation de l'ouvrage, mais aussi du respect d’objectifs de performance ; accroître l'investissement dont bénéficie la collectivité, tout en associant aux risques les prestataires privés.

La procédure est simple : à l'initiative de la personne publique, qu’il incite donc à élaborer des projets de long terme, le contrat de partenariat permet à une entreprise, sélectionnée grâce à une mise en concurrence, de proposer, à ses frais, une prestation globale dont elle maîtrise la conception et la maintenance, donc les coûts. Sa souplesse est mise en évidence par la variété des projets qu’il a permis d’entamer ou de mener à bien : ils concernent à 30 % des bâtiments publics, à 25 % des équipements urbains et à 15 % des équipements culturels et sportifs.

Néanmoins, le dispositif souffre de quelques lacunes. Ainsi, si les études relatives à plus de 130 projets sont bien entamées, un peu moins de 30 contrats seulement ont été signés – aux trois quarts par des collectivités territoriales – et l'investissement cumulé ne dépasse pas 500 millions, alors qu’en Grande-Bretagne, par exemple, le private finance initiative représente environ 15 % de l'investissement public. En outre, comme bien des dispositifs nouveaux, le contrat de partenariat a connu des débuts quelque peu difficiles, d’autant qu’il ne devait être utilisé que de manière exceptionnelle et que son régime fiscal était peu attractif.

Voilà pourquoi le présent projet de loi vise à en faciliter l’utilisation, dans le respect des impératifs de transparence comme des règles budgétaires et comptables. Une première série de dispositions en clarifie le régime juridique, afin de sécuriser les pratiques en vigueur. Ainsi, les articles 9 et 23 autorisent expressément le titulaire du contrat à tirer des ressources complémentaires de l'exploitation du domaine privé que la personne publique lui confie, les recettes qu’il perçoit ainsi permettant, par exemple grâce à des baux commerciaux consentis sur le domaine privé, de réduire le montant des loyers dus par la puissance publique. Comme l’a précisé à juste titre le Sénat, les opérations de valorisation du domaine par le titulaire du contrat ne pourront porter préjudice à la réalisation des missions de service public qui incombent à la personne publique.

Les articles 1er et 15 précisent quant à eux les conditions auxquelles le titulaire du contrat de partenariat peut se voir transférer tout contrat susceptible de concourir à l'exécution de sa mission. Ainsi, si la personne publique souhaite d’abord choisir le maître d'œuvre, elle pourra stipuler d’emblée que sa mission sera exécutée dans le cadre du futur contrat de partenariat. Cette mesure concerne surtout les architectes.

En outre, les articles 2 et 16 prévoient deux nouvelles voies d'accès à ces contrats, dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel. La première est celle de l'efficience, qui permet à l'acheteur public, au terme d’une évaluation, de recourir au partenariat public-privé plutôt qu’aux autres outils de la commande publique lorsque l’intérêt économique et financier l’exige, c’est-à-dire lorsque l’évaluation aura montré que cette forme de contrat était la plus avantageuse. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le recours au contrat de partenariat devra répondre à des motifs d'intérêt général et la procédure de passation du contrat demeure strictement encadrée. Par ailleurs, le projet de loi fixe une liste limitative de secteurs dans lesquels l'urgence sera présumée, notamment l’enseignement supérieur et la recherche, le développement des nouvelles technologies dans la police et la gendarmerie nationale, ou encore les infrastructures de transports.

Le recours aux partenariats sera en outre limité dans sa portée, car l'évaluation préalable ne devra pas être défavorable, et dans la durée : l’autorisation vaut seulement jusqu'au 31 décembre 2012.

Le projet de loi rend également plus incitatif le recours au contrat de partenariat en simplifiant et en rendant plus favorables certaines règles juridiques et fiscales. Les articles 4 et 18 du projet de loi prévoient ainsi une procédure négociée simplifiée, mais précédée d’une évaluation préalable, pour les projets de petite taille.

Le texte instaure en outre une véritable équité fiscale entre les contrats de partenariat et les marchés publics. Jusqu’à présent, la personne publique n'a pas la qualité de maître d'ouvrage lorsqu'elle recourt à ce type de contrat et le cocontractant ne peut bénéficier du régime fiscal favorable de la personne publique, ce qui augmente le coût du contrat. Les articles 26 et 27 instaurent une exonération au titre de la taxe pour dépassement du plafond local de densité et de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France, qui peuvent représenter jusqu'à 10 % du coût de construction. De la même façon, l'article 28 du projet de loi harmonise le régime d'imposition applicable à l'État et aux collectivités territoriales en matière de publicité foncière des actes portant autorisation d'occupation temporaire du domaine public.

Les articles 9 et 23 réaménagent le régime des cessions de créances afin d’inclure dans leur assiette les frais financiers intercalaires. Le cessionnaire bénéficiera en outre d'une sécurité juridique analogue à celle de l'acceptation en « cession Dailly ».

L'article 31 du projet de loi prévoyait que les titulaires de contrat de partenariat ne seraient plus tenus de souscrire une assurance « dommages ». Ils auraient en effet bénéficié de la dispense accordée aux collectivités publiques assurant elles-mêmes la maîtrise d'ouvrage, ce qui représente une économie d'au moins 1,5 % du coût du projet.

M. Roland Muzeau – Mais avec quel risque ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Cette disposition n'a pas été maintenue par le Sénat en première lecture, bien qu’elle présente de réelles justifications. Nous aurons l’occasion d’y revenir à l'initiative de la commission des finances.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis de la commission des finances – Bien sûr !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Les débats au Sénat ont toutefois permis de renforcer la transparence des contrats de partenariat. Les organismes participant aux évaluations préalables devront ainsi élaborer une méthodologie et le titulaire du contrat sera tenu de remettre chaque année un rapport à la personne publique, ce qui facilitera le suivi de l'exécution du contrat.

Pour conclure sur une note plus personnelle, j’ai été très sensible au travail réalisé par le rapporteur et par la rapporteure pour avis, que j’ai eu le plaisir de côtoyer au sein du groupe d'études sur les partenariats public-privé, dont j’ai eu l’honneur d’être le fondateur et le président (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois – Enfin ! Ce projet de loi facilitera enfin le recours aux contrats de partenariat public – privé en améliorant le régime juridique issu de l'ordonnance du 17 juin 2004. Grâce à l’élargissement des conditions de recours, le contrat de partenariat deviendra en effet un mode de commande publique de droit commun.

S’agit-il d’une novation juridique ? Pas du tout. Les expériences britanniques, espagnoles, italiennes, portugaises, allemandes, ou encore canadiennes ont démontré tous les avantages de ce type de partenariat par rapport aux marchés publics classiques.

M. Roland Muzeau – Et la Corée du Nord ? (Sourires)

M. Claude Goasguen, rapporteur – Vous êtes plus qualifié que moi pour en parler… (Même mouvement)

Le premier avantage, c’est la simplicité. La personne publique n’a plus qu’un seul interlocuteur. Le deuxième, c’est le prix : en passant un marché global, on réalise des économies d'échelle.

M. Roland Muzeau – Pas toujours !

M. Claude Goasguen, rapporteur – D’après toutes les études, un partenariat public-privé coûte en moyenne de 10 à 15 % moins cher qu'un marché classique.

Grâce à l’intervention d’une personne privée, ce type de partenariat permet également d'étaler les dépenses dans le temps et de réaliser des investissements impossibles sous forme de marchés publics, car le paiement différé est interdit dans cette hypothèse.

Le dernier avantage, c’est la performance : étant également la personne chargée d’exploiter l'équipement public, le constructeur est incité à concevoir un équipement adapté au service, à utiliser des matériaux durables et à soigner la qualité de la construction. De plus, la rémunération versée par la personne publique peut être liée à des objectifs de performance.

Compte tenu de tous ces avantages, comment expliquer que les partenariats public-privé n’aient pas vu le jour plus tôt ? Des expériences malheureuses, comme les marchés d’entreprise de travaux publics, les METP, ont jeté un jour négatif sur ce type de contrats.

M. Roland Muzeau – À l’époque du RPR…

M. Claude Goasguen, rapporteur – À cette image négative s’ajoutent les réticences traditionnelles de l’administration. Mais si l’on devait s’arrêter aux modes opératoires usuels de l’administration, la régie publique serait toujours le modèle de référence…

Cela étant, le régime juridique instauré en 2004 reste perfectible. Jusqu’à présent, les possibilités de recours aux partenariats public-privé sont tout d’abord limitées à deux cas : l’urgence ou la complexité des projets. Ce texte rendra également possibles ces contrats quand le bilan des coûts et des avantages est plus avantageux qu’en cas de recours à un marché public, et quand l’opération porte sur certains secteurs présentant un retard d’investissement – les hôpitaux, les universités, les commissariats et les gendarmeries, les prisons, les casernes, les infrastructures de transport, ou l’efficacité énergétique des bâtiments publics.

Les procédures de passation de contrat pèchent également par leur longueur et par leur complexité. La plupart des partenariats sont en effet passés au moyen d'un dialogue compétitif, ce qui nécessite en moyenne 18 mois, délai prohibitif pour les petits projets. Le texte autorise donc le recours à une procédure négociée lorsque le montant du contrat est inférieur à un seuil fixé par décret, comme c’est déjà le cas pour les marchés publics.

Le développement des partenariats pâtit, d’autre part, d’une absence de neutralité financière et fiscale, qui joue en leur défaveur. Le projet de loi prévoit donc une série d'avantages financiers et fiscaux comparables à ceux dont bénéficient déjà les marchés publics, notamment une exonération du versement pour dépassement du plafond légal de densité, de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, de la contribution sur les revenus locatifs et de la redevance d'archéologie préventive, mais aussi une éligibilité aux subventions publiques. Le texte contribuera à renforcer le recours aux contrats de partenariat tout en les sécurisant juridiquement.

À l'issue d'un débat très riche au Sénat, seuls quelques points méritent d'être améliorés par l'Assemblée nationale. Tout d’abord, bien que le cautionnement destiné à garantir le paiement des prestataires tende à protéger ces derniers, son caractère obligatoire le rend coûteux et parfois inutile. La commission a donc adopté un amendement conditionnant ce cautionnement à une demande du prestataire.

S’agissant des recettes annexes qui peuvent être tirées de baux conclus sur le domaine privé, au titre des articles 11 et 25, la commission a souhaité préciser que la personne publique devra donner son accord pour chaque bail, et qu'un domaine non adjacent à l'ouvrage principal pourra être concerné.

En matière d’éligibilité au fonds de compensation pour la TVA des baux emphytéotiques administratifs, visés à l’article 28 bis, la commission propose de modifier le texte issu d’un amendement adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement. Nous souhaitons limiter son champ aux seules dépenses d'investissement des baux emphytéotiques administratifs inférieurs à un seul fixé par décret.

Quant à la cession des créances, objet de débats longs et techniques à l’article 29, il nous paraît souhaitable d’élargir le plus possible l'acceptation de la cession par la personne publique, afin de favoriser un financement plus aisé et moins coûteux des contrats de partenariat. La Commission a adopté un amendement portant la part de la créance cédée à 100 % de la rémunération versée pour les coûts d'investissement et pour les coûts financiers.

Certains craignent que la personne publique ne dispose plus de moyens d'action sur le partenaire privé, une fois qu’une cession de créance d'un montant élevé aura été acceptée. Afin de sécuriser la cession de créance, il convient donc d’instaurer trois garanties. D’une part, la personne publique n’acceptera la cession de créance qu’après avoir constaté que l’investissement est conforme aux prescriptions du contrat. Ensuite, le titulaire du contrat sera tenu de se libérer des dettes dont il est redevable à l’égard de la personne publique. Enfin, la personne publique pourra toujours faire pression sur le cocontractant en lui imputant les éventuelles pénalités en cas d’exécution insatisfaisante, puisque les coûts de fonctionnement, soit un tiers environ du total de la rémunération, ne pourront pas faire l’objet d’une cession de créance. Il serait souhaitable que le Gouvernement, qui n’est pas soumis à l’article 40, reprenne cet amendement ou, à défaut, élève la fraction de rémunération pouvant faire l’objet d’une cession de créance afin d’optimiser les conditions de financement des entreprises et, partant, le coût global des partenariats.

Il est aujourd’hui possible de proposer un projet d’investissement innovant à une personne publique, quoique cela comporte le risque qu’à l’issue de la mise en concurrence, un autre candidat soit préféré à l’auteur du projet, lequel aura alors divulgué une innovation sans contrepartie. C’est ce qui explique la rareté de telles propositions spontanées. Pour y remédier, la commission a adopté un amendement prévoyant l’indemnisation des frais d’études de l’auteur, tombé sous le coup de l’article 40. Là encore, il serait bon que le Gouvernement le reprenne.

Enfin, le Sénat a supprimé la disposition de l’article 31 qui prévoyait de rendre facultative l’assurance dommages ouvrage facultative, ou ADO, estimant que supprimer son caractère obligatoire – et, par là même, l’obligation d’assurer – réduirait l’accès à une garantie efficace pour les PME. La commission des finances vous propose de rétablir cet article. La commission des lois souhaite sous-amender l’amendement de Mme des Esgaulx de sorte que l’obligation d’ADO soit maintenue pour les contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales, qui doivent être davantage protégées contre les effets imprévisibles et coûteux d’un contrat dont l’exécution pose problème.

En somme, ce projet de loi relancera l’instrument juridique que sont les contrats de partenariat et, ce faisant, stimulera l’investissement public. Il n’a aucun caractère idéologique.

M. Roland Muzeau – Allons donc !

M. Claude Goasguen, rapporteur – À preuve, M. Balligand a apporté une remarquable contribution à ces travaux. Je sais bien qu’il existe de nombreuses tendances divergentes au sein du Parti socialiste, mais nos collègues de l’opposition ont tous l’occasion de conclure des partenariats de ce type dans leurs collectivités, et ils savent donc bien de quoi il s’agit. Évitons la caricature ! Ce contrat ne s’imposera à personne, et ceux qui voudront choisir une autre voie, qu’il s’agisse d’un marché public ou d’une régie, en seront libres ! Certains nous reprochent d’imiter le droit anglo-américain. Au contraire : ce projet est parfaitement conforme à notre tradition juridique et, de surcroît, s’attache à renforcer la transparence des procédures.

M. Roland Muzeau – C’est un projet moralisateur, en somme !

M. Claude Goasguen, rapporteur – Non, mais presque, puisqu’il offre un type de contrat efficace et transparent à l’État et aux collectivités publiques sans se substituer à aucune autre procédure. Ne nous faites donc pas de procès d’intention. Dois-je rappeler que M. Delanoë, qui a judicieusement embrassé le libéralisme, est un partisan du contrat de partenariat, à la piscine Molitor ou ailleurs ? Il va donc de soi que ce n’est pas un contrat de nature idéologique, mais pratique. Ayons un débat qui le soit autant, afin de développer cet outil apolitique pour développer notre économie qui, elle non plus, n’est ni de droite ni de gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis – Les contrats de partenariat sont un levier de croissance apte à nous aider à rattraper notre retard en matière d’investissements. Ils nous offrent une chance formidable de moderniser notre commande publique en privilégiant l’efficacité économique et le développement durable. En cohérence avec la révision générale des politiques publiques, ils se fondent sur une obligation de résultat. Les personnes publiques renoncent à l’idée de prendre en charge l’ensemble d’un projet en déléguant lorsque c’est souhaitable. En bref, les partenariats public privé ouvrent la voie d’une économie compétitive et innovante. A contrario, certaines procédures traditionnelles telles que la maîtrise d’ouvrage publique entraînaient souvent un surcoût et des difficultés liées à la maintenance ou aux délais de livraison.

L'Assemblée nationale peut encore améliorer ce texte que le Sénat lui a transmis équilibré. En l’état, il prévoit déjà d’élargir les conditions de recours aux PPP, aux termes d’un compromis qui, comme il se doit, n’est pas dépourvu d’imperfections, mais qu’il convient d’essayer et, le cas échéant, d’aménager à la lumière de l’expérience. En outre, le projet de loi comporte des progrès en matière de neutralité fiscale, un régime de cession équilibré, des précisions sur les recettes dites annexes et un renforcement de la transparence via la remise d’un rapport annuel du titulaire à la personne publique.

L’objet de mes amendements est avant tout de consolider davantage encore cette transparence, afin de prévenir toute dérive et d’éviter que les contrats de partenariat, auxquels on fait de nombreux procès d’intention, ne connaissent le sort des marchés d’entreprise de travaux publics qui, malgré leur succès économique et technique…

Mme Marylise Lebranchu – Pas du tout !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis – …furent condamnés par la multiplication des irrégularités. Je propose donc de définir les règles communes d’évaluation des contrats, qui s’appliqueront à l’État comme aux collectivités. D’autre part, il convient de recenser tous les contrats tout en respectant leur confidentialité. Les collectivités devront faire figurer les engagements pris au titre d’un PPP dans leur dette. Tout mécanisme permettant un report de l’essentiel du remboursement en fin de contrat doit être prohibé. Le rapport annuel susmentionné doit faire l’objet d’un débat au sein de l’organe délibérant de la collectivité. Il va de soi que tout encadrement du PPP sera vain si d’autres formules plus souples prospèrent.

Je propose également d’autoriser les entreprises non soumises au code des marchés publics, telles que RFF, à recourir au marché négocié pour la conclusion de contrats de partenariat, et d’intégrer aux critères de jugement des offres le fait qu’un PPP comporte, outre des investissements, une part de maintenance et de services.

Afin que les PPP ne soient pas le monopole de l’État et des grandes collectivités, il convient de créer un fonds d’aide aux collectivités de moins de 50 000 habitants qui leur permettrait de faire face aux dépenses d’études et d’évaluations préalables. Ces aides pourraient prendre la forme d’avances remboursables à la signature, et la diffusion des PPP serait facilitée par leur standardisation, comme c’est le cas au Royaume-Uni. Quelles sont vos intentions sur ce point, Monsieur le ministre ?

J’en viens à de plus ambitieux chantiers. La neutralité fiscale, tout d’abord : nous en sommes encore loin. En dépit des progrès contenus dans le texte, il reste à approfondir les questions liées à la TVA. En premier lieu, les administrations de l’État ne récupèrent pas la TVA. Or, si le bilan global pour l’État est neutre, il ne l’est pas pour chacune des administrations. Ainsi, lorsque la délégation générale à l’armement contracte un PPP, elle paie 19,6 % de plus que si elle engageait une maîtrise d’ouvrage publique. Une telle discrimination entrave le développement des PPP, également limité par le traitement fiscal des subventions. Dès lors que celles-ci sont assujetties à la TVA, leur montant diminue considérablement. Quant à leur traitement comptable, il est négatif pour les collectivités. La solution est simple : pour éviter que les subventions d’investissement soient requalifiées en loyers payés d’avance, et donc soumises à la TVA, il faut qualifier ces subventions publiques de subventions d’investissement et les exclure du champ de la TVA. Je souhaite, Monsieur le ministre, que le Gouvernement engage une réflexion sur ces bases.

J’évoquerai en conclusion l'impact des PPP sur le droit de la commande publique. Ces contrats, qui nous offrent une voie prometteuse à bien des égards, ne peuvent manquer de conduire à s’interroger à nouveau sur la nécessité d'un code unique de la commande publique pour simplifier un droit qui multiplie les formules concurrentes. Plus généralement, nombre de mes interlocuteurs ont déploré le formalisme écrasant qui obère l’efficacité de la commande publique. Arrêtons de considérer que l'oubli d'un numéro de téléphone, ou une case non cochée, sans que cela ait d’ailleurs la moindre importance pratique, constituent des erreurs justifiant l'annulation d'un marché public !

M. Roland Muzeau – Allons ! Ce n’est plus comme ça !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis – Une annulation ne devrait pouvoir être prononcée que si une atteinte réelle et sérieuse aux principes de la commande publique était portée. Revenons à l'économique, abandonnons le juridisme qui a peu à peu vidé la commande publique de son sens initial – l'achat de la meilleure prestation possible au meilleur coût pour le contribuable.

Je suis convaincue, Monsieur le ministre, que les PPP ouvrent aussi la voie sur un autre plan. Ce sujet fait en effet l'objet d'une loi, contrairement au code des marchés publics, en raison d'une jurisprudence pour le moins étrange que l'on qualifiera pudiquement de téléologique. Un chantier commence d’être bien engagé : celui de la formation. Mais rien ne se fera si les mentalités n'évoluent pas.

Le projet constitue un progrès potentiel considérable, qui doit se réaliser. Je le voterai avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Jacques Urvoas – Ce texte s’inscrit dans une longue histoire. Le Gouvernement, qui se proclame si souvent « en rupture » avec le passé, agit ici dans la droite ligne des gouvernements Raffarin et Villepin et manifeste la même inflexible volonté de nous imposer la généralisation des contrats de partenariat. Je rappellerai donc que tout a commencé en 2002 lorsqu’il a été décidé dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice d’autoriser de manière expérimentale la construction ou la rénovation d’établissements pénitentiaires et de gendarmeries sous la forme particulière de partenariat public-privé qu'est le bail emphytéotique administratif. La possibilité ainsi donnée a été tout de suite utilisée et l’expérimentation immédiatement étendue – dans la précipitation, puisque, le 23 août 2007, le ministre de la défense, répondant à la question d’un sénateur, admettait que les baux emphytéotiques administratifs de longue durée avaient rapidement entraîné « des difficultés rédhibitoires » qui ont conduit le ministère de la défense à s'interroger sur sa pertinence. Il est en effet apparu que ces opérations se caractérisaient par un coût élevé, « le loyer réclamé par l'opérateur correspondant à un loyer financier. »

Ignorant cela, le Gouvernement généralisa ce nouveau type de contrat par la loi du 2 juillet 2003 de simplification du droit. Saisi par les socialistes, le Conseil constitutionnel valida ces contrats, mais en limita strictement le champ d'application, soulignant qu’ils devaient répondre à des motifs d'intérêt général tels que « l'urgence qui s'attache (…) à rattraper un retard préjudiciable » ou « la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».

Le Conseil constitutionnel se trouvait dans la même disposition que le Conseil d'État qui, après avoir bataillé cinq mois avec le ministère de l’économie, avait transmis au Gouvernement ses remarques sur le risque de « briser l’égalité de la commande publique », ce dont le ministre de l’époque, M. Mer, n'a pas tenu compte.

Logiquement, l'ordonnance du 17 juin 2004 intégra ces réserves et n'autorisa les contrats que pour des projets dont l'urgence ou la complexité aurait été préalablement prouvée.

Le contrat de partenariat intégrait alors le large éventail de dispositifs permettant à des partenaires publics et privés de nouer des liens contractuels : marchés publics, délégations de service public, sociétés d'économie mixte, baux emphytéotiques. Cette batterie d'outils efficaces permet à la France d'enregistrer un niveau d'investissement public supérieur à celui relevé chez la plupart de ses grands voisins européens.

Ce contrat trouvait lentement sa place, puisque vingt-neuf furent signés, dont vingt-deux par des collectivités territoriales, pour un investissement cumulé de l'ordre de 0,5 milliard.

Tous les besoins étaient satisfaits ; nous aurions dû en rester là, mais le Président de la République ne l’a pas souhaité…

M. Claude Goasguen, rapporteur – Il a eu raison.

M. Roland Muzeau – C’est pour M. Bouygues…

M. Jean-Jacques Urvoas – …et il a demandé au Premier ministre de mettre en œuvre « un volet législatif qui desserrerait les contraintes et placerait cette procédure parmi les modalités de droit commun de la commande publique ». Une telle démarche surprend, car elle contourne la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003. C'est ce qui justifie cette motion de procédure. Vous ne faites d'ailleurs pas mystère de votre ambition. Ainsi de Mme Lagarde déclarant le 13 février qu'il s'agissait avec ce projet de « faire du contrat de partenariat un instrument qui trouve pleinement sa place dans la commande publique, et non plus un simple outil d'exception ». Ainsi du rapporteur qui, lors de notre réunion mercredi dernier, s'est employé à nous expliquer que les notions d'urgence et de complexité avaient été mentionnées par le Conseil constitutionnel comme des exemples et non comme les seuls critères possibles pour recourir à un contrat de partenariat. M. Goasguen est pourtant trop fin juriste pour ne pas voir que la rédaction du dix-huitième considérant de la décision ne laisse aucun doute sur l'intention du Conseil...

M. Claude Goasguen, rapporteur – C’est pourquoi nous rédigeons une loi !

M. Jean-Jacques Urvoas – Vous voulez assouplir le recours à ces contrats, mais vous ne pouvez le faire qu'en vidant de sa substance la décision du Conseil constitutionnel. Nous pensons à l'inverse que rien ne justifie de banaliser ce contrat « dérogatoire au droit commun de la commande publique », comme l'écrivait le Conseil.

Pour atteindre votre objectif, vous proposez deux nouvelles voies juridiques de recours au contrat de partenariat. En premier lieu, son usage serait autorisé dès lors qu'il présenterait « un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique ». C’est audacieux. Comment déterminer sérieusement si cette forme de contractualisation, qui engage les parties pour une, deux ou trois décennies, se révélera finalement plus avantageuse qu'une autre pour l'État et les collectivités ? (Mme Lebranchu applaudit) Qui peut le dire, alors que nous ignorons tout de l'évolution, durant ce temps, du coût de l'énergie et de la construction, de la fiscalité ou de la législation ?

La deuxième voie d'accès à cette procédure concernerait des secteurs de l'action publique considérés comme prioritaires, qui pourraient y recourir jusqu'au 31 décembre 2012, la seule réserve étant la production d'un rapport d'évaluation qui ne soit pas « défavorable ». Au regard des domaines énumérés, il eût été plus simple de mentionner ceux qui ne le sont pas, tant ils constituent l'exception ! D'ici fin 2012, tout, ou presque, aura un caractère d'urgence ! Une généralisation et de l'urgence pour tout et partout : d’évidence, ce projet vise à faire la règle d'une dérogation au droit commun. Il est donc en contradiction flagrante avec la décision du Conseil constitutionnel, et nous ne saurions approuver cette manœuvre.

Nous l'approuvons d'autant moins que nous sommes sceptiques sur l'intérêt de cet outil tant les expériences ont été décevantes et parfois même alarmantes. Ainsi, au Royaume-Uni, le dispositif unanimement loué par la majorité a conduit à certains dysfonctionnements dont nous aurions tort de sous-estimer la gravité. J'ai d'ailleurs noté le quasi-mutisme du rapport sur ces éléments pourtant instructifs, puisque les Britanniques pratiquent ces contrats depuis 1992. Chacun a bien sûr en mémoire la retentissante faillite du réseau ferroviaire Railtrack, en 2001, exemple typique du manque d'expérience du secteur privé dans la gestion des actifs publics, mais les exemples sont nombreux. Dans chacun des secteurs par lesquels vous justifiez l'urgence, nous pourrions trouver des expériences britanniques, portugaises ou canadiennes qui se sont soldées par de graves échecs financiers. Pourquoi rien ou presque n'en est-il dit dans les rapports du Sénat et de l'Assemblée ?

Je le ferai donc à leur place : je vous parlerai ainsi du ministère de la justice britannique, qui avait confié à un prestataire l'élaboration du projet d'informatisation des tribunaux. La conception et l’application de ce système informatique se révélèrent beaucoup plus difficiles que prévu, et l’entreprise accusa vite un retard insurmontable dans sa mise en œuvre, ce qui menaça bientôt sa solvabilité. L'État se trouva donc contraint de soutenir son prestataire au risque, sinon, qu’il se trouve en liquidation judiciaire ; il se trouva aussi, de ce fait, devoir assumer tous les risques. S'il s'était abstenu d’agir ainsi, il aurait perdu l'ensemble des investissements réalisés à son profit

De nombreux dysfonctionnements ont été relevés outre-Manche dans le cadre de l'exploitation, liés à la rigidité des contrats, à des divergences d'appréciation sur les conditions de terminaison des contrats, aux stratégies financières de l'opérateur, voire à l'éventuelle défaillance de ce dernier. L'équilibre économique de ces PPP peut notamment être remis en cause par un choc macroéconomique fragilisant le prestataire. Ainsi, les attentats du 11 septembre 2001 entraînèrent une forte chute du trafic aérien transatlantique, ce qui rendit problématique l'exécution du contrat relatif au contrôle aérien signé quelques semaines plus tôt. Cette fois, le Royaume-Uni n'eut d'autre choix que d'intégrer dans le montage de nouveaux partenaires privés, à la suite de longues et difficiles négociations.

C'est aussi en raison d'hypothèses de trafic trop optimistes qu'il fallut procéder à une renégociation du partenariat élaboré en vue de construire la ligne à grande vitesse Douvres – Londres. Le consortium chargé de l'opération se révéla en effet vite incapable de faire face au service de sa dette et, pour éviter la faillite du prestataire, il fallut constituer une société commune et y injecter de nouveaux capitaux publics.

Je pourrais multiplier les exemples...

M. Claude Goasguen, rapporteur – Parlez-nous donc du stade de Lille !

M. Jean-Jacques Urvoas – …car on ne compte plus, ces dernières années, au Royaume-Uni, les cas de contrats de partenariat ayant donné lieu à des difficultés d'exécution et, dans les autres pays qui ont recours aux PPP, les réserves sont croissantes, comme l’illustre une étude indépendante réalisée l'an dernier pour le compte de la Fédération canadienne des municipalités. On y apprend la déconvenue du conseil municipal d'Ottawa qui, nouvellement élu, convint qu'il valait mieux abandonner un projet de train léger ou du moins le reprendre à son début. Mais le partenaire privé, une grande multinationale, réclama 175 millions de dollars pour rupture de contrat si la ville persistait dans son désir de revenir sur ce qu’avait planifié l'ancienne administration ou, au minimum, 70 millions de dédommagement de pénalités. On découvre aussi dans ce document le PPP liant la municipalité de Montréal à la Chambre de commerce, par lequel la première confie à la seconde, pour trente ans, la gestion des parcmètres. Si la ville avait conservé cette prérogative, elle aurait récupéré 225 millions de dollars en 1994 alors qu’en déléguant l’opération à la chambre de commerce, elle n’en a recouvré que 196. Cette étude démontre donc que plusieurs projets conduits en PPP se sont au final révélés beaucoup plus onéreux que des projets équivalents, directement financés par la collectivité publique. Elle montre également que de tels partenariats sont plutôt mis en œuvre pour de nouveaux projets, plus attrayants pour les opérateurs privés, que pour le financement de la réfection et de l’entretien des infrastructures existantes.

Ce qui ressort de l’analyse de ces exemples étrangers est que les principes énoncés en 2003 par le Conseil constitutionnel pour justifier la stricte limitation du champ d’application des contrats de partenariat, à savoir la protection des propriétés publiques, le bon usage des deniers publics et l’égalité devant la commande publique, sont tout à fait fondés.

Or, ce projet de loi remet en question l’égalité devant la commande publique. Seuls trois des vingt-neuf PPP en cours ont été conclus par des groupements de PME. De fait, seule une poignée des majors du BTP, lesquelles n’ont d’ailleurs pas démérité pour la promotion de ce texte, sont en mesure de conclure de tels contrats de partenariat. Les PME se trouvent ainsi marginalisées dans l’accès à la commande publique, ce qui fausse le jeu de la libre concurrence – en quoi ce texte n’est pas libéral ! Elles seront au mieux sollicitées pour la sous-traitance, et encore n’est-ce pas certain puisque que le contractant n’est nullement tenu de mettre en concurrence les prestataires. Avec le contrat de partenariat, c’en est fini de la contrainte du code des marchés publics.

Ce projet de loi porte également atteinte à la protection des propriétés publiques. À l'évidence, la rémunération des fonds investis par le secteur privé implique l'utilisation du domaine public à des fins lucratives, par le biais de baux commerciaux. Cette forme de partenariat fait craindre une privatisation larvée. L'article premier du texte ne prévoit-il pas la possibilité de délivrer au co-contractant un mandat afin d'encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière ? La généralisation du recours aux contrats de partenariat poserait inévitablement le problème du devenir du service public et de ses personnels.

Enfin, ce projet de loi se révèle contraire au bon usage des deniers publics. Ce n’est pas moi qui le dis mais la Cour des comptes, dont il m’avait échappé que le président était Che Guevara… (Sourires) Dans son rapport 2008, la Cour souligne que les PPP n'offrent d'avantages qu'à court terme et s'avèrent finalement onéreux à moyen et long termes. Il n’y a là rien d'étonnant au demeurant. Les opérateurs privés supportent en effet des coûts propres découlant du temps et des expertises nécessaires à la présentation de leur dossier de candidature, empruntent à des taux plus élevés que les personnes publiques. Ils supportent de surcroît des frais de structure importants et doivent évidemment distribuer des dividendes à leurs actionnaires.

Si ces contrats de partenariat se révèlent en fin de compte plus dispendieux qu'on voudrait nous le faire croire, ils présentent en revanche un avantage certain, quoique pernicieux, pour l'État et les collectivités territoriales, celui d'être apparemment indolores. Avec un PPP, une personne publique peut s'endetter sans y paraître, puisque seuls les loyers sont enregistrés en dépenses de fonctionnement et ceux qui restent dus sont ignorés par la comptabilité publique. C'est une technique de bonneteau budgétaire, une dissimulation de la dette et une incitation au dérapage.

M. Roland Muzeau – De la cavalerie !

M. Jean-Jacques Urvoas – À ce risque d'endettement non maîtrisé, s'ajoute une facilité comptable tout aussi périlleuse.

Eu égard à la position prise par Eurostat le 11 février 2004, il est en effet fort probable que les équipements mis à la disposition de l'État et des collectivités dans le cadre des contrats de partenariat ne seront pas, dans la plupart des cas, considérés comme des actifs publics. On ne connaît que trop la propension du Gouvernement, lorsqu'il n'a pas les moyens de financer ses investissements, à les reporter sur les dépenses de fonctionnement. Mais ici, la ficelle est tout de même un peu grosse, puisqu'elle permettra à l'État de s'endetter sans limite, sans que cet endettement n'apparaisse dans ses comptes. C’est une manière habile mais dangereuse de renvoyer le coût réel de vos décisions sur les générations futures.

La généralisation des contrats de partenariat constituerait donc une erreur considérable. Ne peuvent la légitimer que de mauvaises raisons aux effets désastreux. Tenons-nous-en donc au dispositif actuel. Cet outil a le mérite d'exister, il peut rendre des services mais son usage doit être strictement encadré afin d'éviter toute dérive potentiellement incontrôlable. Ce faisant, nous resterons dans l'épure de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n'a retenu que l'urgence et la complexité des projets comme motifs possibles de recours à cette forme de contractualisation.

C'est parce que ce projet de loi contrevient à ce principe de droit et de simple bon sens que je vous invite à adopter cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Michel Diefenbacher – J’ai écouté avec attention la démonstration juridique de notre collègue mais celui-ci aurait dû se reporter au texte exact de la décision du Conseil constitutionnel de 2003 sur laquelle il s’est appuyé. Le juge constitutionnel y précise que le contrat de partenariat est une procédure dérogatoire au droit commun, la règle générale demeurant la maîtrise d’ouvrage publique. Il indique que « la généralisation de telles dérogations au droit de la commande publique, au-delà de la domanialité publique, seraient susceptibles de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics. Dans ces conditions, les ordonnances prises sur le fondement de l’article 6 de la loi déférée devront réserver de semblables dérogations à des situations répondant à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s’attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques fonctionnelles, techniques, économiques d’un équipement ou d’un service déterminé. »

Cela signifie tout d’abord que le contrat de partenariat n’est pas inconstitutionnel, sans quoi le texte aurait été annulé par le Conseil constitutionnel. Or, celui-ci s’est contenté de dire que, la procédure étant dérogatoire, la collectivité devait motiver le fait d’y recourir.

M. Jean-Jacques Urvoas – Jusque là, nous sommes d’accord.

M. Michel Diefenbacher – Ensuite, l’urgence et la complexité ne constituent pas deux critères exclusifs. La rédaction retenue à savoir « tels que l’urgence et la complexité » montre clairement que l’énumération n’est pas exhaustive.

Enfin, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur un projet de loi d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. En l’absence de texte législatif, le Conseil a voulu borner le champ d’intervention du Gouvernement. Il a en quelque sorte invité le Parlement à légiférer sur le sujet. C’est ce que nous faisons ce soir, en quoi ce projet de loi n’est pas en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel mais au contraire dans la droite ligne de sa jurisprudence.

Une autre raison de repousser cette exception d’irrecevabilité est que le texte est très contraignant. La collectivité qui recourt à un PPP doit prouver l’intérêt économique et financier de la démarche. Et si le texte ouvre une seconde voie pour conclure des PPP, c’est dans des conditions strictement encadrées.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que repousser cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Clément – Notre collègue fait une lecture très particulière de la décision du Conseil constitutionnel. Ce projet de loi veut faire de l’exception la règle de droit commun, contournant le considérant du Conseil constitutionnel qui avait précisément fixé les limites du dispositif. Nous lui déférerons naturellement ce texte, ce qui paraît d’autant plus nécessaire que la rapporteure pour avis nous a dit qu’il ne s’agissait là que d’une étape. Ce dispositif tout à fait singulier des PPP sera ouvert pour toutes les situations, sans limitation de seuil, à l’État et aux collectivités. Si l’État, lui, aura encore les moyens de se protéger, qu’en sera-t-il des collectivités ? C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil constitutionnel avait pris la précaution de préciser que seules l’urgence et la complexité des projets pouvaient justifier d’y recourir.

Pour toutes ces raisons, nous voterons bien sûr cette exception d’irrecevabilité.

M. Charles de Courson – Je tiens pour une fois à féliciter un collègue qui, dans la défense d’une exception d’irrecevabilité, a vraiment traité de la constitutionnalité du projet de loi, alors que cette motion sert souvent à parler de tout autre chose.

Mais vous commettez, Monsieur Urvoas, deux erreurs. D’une part, la décision du Conseil constitutionnel ne porte que sur l’ordonnance ayant habilité le Gouvernement à légiférer sur ce point et, comme d’habitude pour ce type de texte très restreint, le Conseil a encadré l’action du Gouvernement. D’autre part, le Conseil constitutionnel parle de motifs d’intérêt général « tels que l’urgence ou la complexité », ce qui signifie qu’il peut y en avoir d’autres.

M. Jean-Jacques Urvoas – Il n’y a pas de points de suspension.

M. Charles de Courson – « Tel que… » ne signifie pas « à l’exclusion » de tout autre critère. Personnellement, je ne suis pas un grand zélateur des PPP, qui auront toujours un rôle restreint. Pour autant, ne faites pas dire au Conseil constitutionnel ce qu’il ne dit pas.

Pour ce qui est de l’urgence, c’est un état exceptionnel. Quand tel président de Conseil général a recouru à un PPP pour bâtir un collège, le Conseil constitutionnel l’a sanctionné, au motif qu’on n’était pas à deux ou trois ans près pour réaliser cette opération. Quant à la complexité, on n’a pas encore inventé d’indice pour la mesurer.

Le Gouvernement a tenu compte des objections du Conseil constitutionnel. Mais si l’on veut que la formule soit efficace, il faut l’élargir. Vous n’êtes pas contre les dispositions existantes. Étendons-les, en les encadrant – après tout le PPP reste dérogatoire. Il n’y a pas grand danger à le faire, même si j’ai quelques réserves sur lesquelles je reviendrai dans la discussion générale. Le groupe du Nouveau centre votera bien sûr contre cette motion.

M. Roland Muzeau – Notre collègue de l’UMP a bien fait de rappeler l’avis du Conseil constitutionnel de 2003. C’était une mise en garde pour les décisions futures, à la lumière de laquelle la démonstration de M. Urvoas est tout à fait pertinente. L’expérience étrangère le confirme, avec les dérives constatées y compris en ce qui concerne l’efficacité pour la puissance publique. Nous avons aussi l’expérience des METP, les marchés d’entreprises de travaux publics, dont chacun connaît les défauts.

Mais, le hasard faisant bien les choses, je m’appuierai surtout sur un article paru dans le n° 3 de la newsletter du club des PPP que chacun de nous vient de recevoir.

Mme Marylise Lebranchu – C’est savoureux en effet.

M. Roland Muzeau – Il est signé de Claude Martinand, président de l’institut de gestion déléguée, lequel soulève trois questions sur les PPP, et s’il peut vous fournir des arguments, m’en fournit tout autant.

M. Martinand parle d’abord d’un « préjugé » selon lequel le recours au PPP servirait à desserrer la contrainte budgétaire de manière indolore. Effectivement, si à propos des retraites ou de la sécurité sociale, vous refusez absolument de faire porter la charge sur les générations futures, pour les PPP il n’en va pas de même : elles paieront l’addition.

M. Martinand se demande ensuite si le recours aux PPP va multiplier les mauvais projets. Il conclut que non, bien entendu, car ce serait au commanditaire public de savoir ce qu’il veut. Mais la question n’a guère de sens et ce qu’on nous a présenté comme un garde-fou, à savoir l’étude préalable, n’en est pas un. Si l’étude est faite par l’autorité publique, elle conclura objectivement que celle-ci a intérêt à réaliser elle-même les opérations. Si elle l’est par des bureaux d’études dont les trois quarts dépendent de grands groupes monopolistiques, le résultat est connu d’avance.

Le PPP coûte-t-il plus cher, demande enfin M. Martinand, pour répondre que…cela dépend car « il est indispensable de raisonner en coût global et d’avoir une certaine maîtrise de ses coûts et de ses délais » (Rires sur les bancs du groupe SRC). Cela coûte peut-être plus cher a priori, mais pas forcément a posteriori, nous apprend-il encore (Même mouvement). C’est une réponse de Normand. Mais nous aurons l’occasion au cours du débat d’argumenter pour le oui ou pour le non. Pour l’instant, le groupe GRD votera très volontiers l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

L'exception d’irrecevabilité, mis aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président – Nous passons à la discussion générale.

M. Gérard Bapt – Il ne s‘agit pas ici d’idéologie, nous dit M. Goasguen. Dont acte. Il y a pourtant lieu de s’inquiéter, et l’enthousiasme zélé de Mme la rapporteure pour avis paraît bien excessif. Après tout, le ministre de la défense lui-même s’était interrogé sur la pertinence du recours au PPP.

Il ne serait pas question d’idéologie, effectivement, si la puissance publique y recourait, de façon assez naturelle, lorsqu’elle se trouve face à l’urgence ou à la complexité. À Toulouse, lors de l’explosion de l’usine AZF, le stade avait été ébranlé et une partie des tribunes interdites pour raisons de sécurité. Le stade aurait pu être totalement détruit : à l’évidence, on se serait alors trouvé dans une situation d’urgence, justifiant le recours à un PPP. Nous sommes attachés à ce caractère dérogatoire.

Tirons aussi les leçons de l’expérience du Royaume-Uni : les budgets et les délais des PPP ont été en général respectés. Mais le pays est en train de revenir de ce type d’investissement, surtout dans le secteur hospitalier où les redevances de loyer sont très lourdes. La commission des finances de la Chambre des communes indique que, en dessous de 20 millions de livres, la formule n’est pas intéressante pour les finances publiques.

Ce projet traduit une sorte de fuite en avant. Il illustre aussi la façon dont vous traitez les PME et les PMI. Et vous renforcez les inégalités entre collectivités riches, qui peuvent emprunter pour financer l’investissement, et petites collectivités contraintes de passer par un partenariat et de s’endetter sur des dizaines d’années pour construire une école, un stade ou une crèche. Je rencontre bien des difficultés pour construire une crèche respectant le label de haute qualité environnementale dans la commune dont je suis maire, et j’aurais sans doute moins de souci si je la confiais à une major du bâtiment. Mais le préfinancement par l’entreprise est plus coûteux pour la collectivité que de négocier un emprunt à taux préférentiel.

Et cette formule favorise les grands groupes au détriment des PME. Mais nous avons l’habitude de vous voir négliger la petite entreprise… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Moi ?

M. Gérard Bapt – …pour réserver vos gentillesses aux plus forts. Cette fois, chapeau bas. On a vu comment, dans la loi LME, vous traitez les fournisseurs, face aux centrales d’achat de la grande distribution. Aujourd’hui, c’est le tour des trois majors du bâtiment. Vous n’hésitez pas à contourner l’article 96 du code des marchés publics, qui interdit le paiement différé. Ce projet de loi pousse au crime parce qu’il favorise l’entente et prête à la corruption, au risque de ressusciter certaines pratiques qui n’avaient plus cours.

Enfin, on peut admirer le timing du Gouvernement : à peine le Livre blanc sur la défense publié, ce texte vient à point pour permettre le financement des équipements de défense voulus par le Président de la République. Il est d’ailleurs précisé que « le caractère d’urgence s’appliquera à la réorganisation des implantations du ministère de la défense. »

De la privatisation des autoroutes jusqu’à EADS, à chaque fois que les intérêts publics et privés ont été mélangés, les profits ont été privatisés et les pertes nationalisées.

Ce texte permet aux entreprises privées de prendre en charge l’intérêt général. Mais si elles sont tentées, par quelque élan de générosité, d’assumer ce rôle, la Bourse est là qui leur rappelle la réalité du marché.

Jusqu’ici les contrats de partenariat, encadrés par l’ordonnance, restaient exceptionnels. Ils vont désormais se généraliser et les collectivités locales pourront s’endetter sans que cela apparaisse dans leurs comptes. Belle aubaine, à l’heure où les caisses sont vides et où elles doivent endosser la responsabilité des déficits publics. Avec ce texte, elles pourront raser gratis en laissant à leurs successeurs la charge du loyer de la dette ! Elles pourront user de cette sorte de crédit revolving, si dangereux pour les particuliers.

Dans son rapport de 2008, la Cour des comptes appelle les pouvoirs publics à davantage de vigilance, citant des exemples précis où les deniers publics ont été quelque peu malmenés. En ce sens, je ne doute pas que M. de Courson nous aidera à établir des garde-fous. Ceux-ci se justifient par la page parue dans un quotidien du soir, titrée « PPP : main basse sur la ville, le retour » et financée – excusez du peu – par l’Association des ingénieurs territoriaux de France, la Capeb, la Fédération nationale des SCOP, le Syndicat national du second œuvre ou encore le Syndicat de l’architecture.

Ce projet va favoriser au détriment des PME une poignée de majors du BTP, seules à même d’apporter le financement. L’instauration d’un plancher au-dessous duquel on ne pourrait ouvrir un PPP – certes réclamée par la Capeb – priverait les PME de la possibilité de concourir.

Il suffit de remonter à 1993, époque des fameux marchés d’entreprises de travaux publics en Île-de-France, pour percevoir le risque de corruption. À cet égard, deux éléments du projet de loi semblent particulièrement dangereux : le partenaire privé peut consentir sur le domaine privé des baux emphytéotiques avec l’accord de la personne publique ; il peut également être autorisé par cette dernière à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat. Comment ne pas voir là des sources de corruption ?

Je veux conclure en citant le cas passablement baroque du premier PPP conclu par le ministère de la défense le 31 janvier 2008 : il portait sur la fourniture annuelle de 22 000 heures de vol d’hélicoptères pour la formation des pilotes de l’école de Dax, sur une durée de vingt-deux ans et pour un coût annuel de 22 millions. Le Conseil constitutionnel devra dire si la mission régalienne de l’État n’est pas remise en cause par les dispositions de ce texte spécifiques à la défense.

M. Jérôme Lambert – Nous finirons par payer des personnels privés !

M. Gérard Bapt – Nous tenterons de limiter, sans idéologie, les dangers que comporte le projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Roland Muzeau – En octobre, le Président de la République a appelé de ses vœux un plan de stimulation de l’investissement privé dans le secteur public. Le présent projet concrétise cette volonté en contournant la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003.

Celui-ci, saisi de la loi d'habilitation du 2 juillet 2003 portant simplification du droit, avait estimé que les contrats de partenariat devaient garder un caractère dérogatoire, leur généralisation étant « susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection de la propriété publiques et au bon usage des deniers publics. »

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avisRéserves prises en compte par l’ordonnance de 2004.

M. Roland Muzeau – Il estimait par ailleurs que les PPP devaient être réservés « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé. »

De ce souci d'encadrement et du respect de ces principes, le Gouvernement n'a cure, son objectif étant de lever ces réserves et de contourner l’obstacle, sans plus de considération pour les principes de valeur constitutionnelle que pour nos objections à ce modèle économique.

Vous êtes intimement persuadés que les PPP représentent l'avenir de la commande publique et ont vocation à se substituer aux autres outils existants, marchés publics, concessions ou délégations de service public.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avisNous n’avons jamais parlé de substitution.

M. Roland Muzeau – Cela prouve que nous ne sommes pas d’accord.

Nous nous souvenons de la gabegie des marchés de travaux publics d’Île-de-France, dont le bilan financier dressé par la région démontre la dérive financière exorbitante.

Nous comprenons que l'idée selon laquelle les partenariats publics-privés seraient le moyen pour l'État et les collectivités locales de rénover à moindre coût leurs équipements et leurs infrastructures est séduisante. Mais sur le long terme, les redevances à payer aux opérateurs privés ne risquent-elles d’entamer sérieusement les marges de manoeuvre des acteurs publics, au détriment des contribuables ?

La Fédération européenne des services publics et le dernier rapport de la Cour des comptes ont relevé la lourdeur administrative et financière des PPP. La juridiction française a même émis de sérieuses réserves sur cette technique contractuelle, la conclusion de certains PPP – concernant le centre des archives du ministère des affaires étrangères ou encore le pôle de renseignement du ministère de l'intérieur – s’étant révélée plus coûteuse pour la collectivité que ne l'aurait été le recours à des solutions plus classiques, que vous jugez trop rigides.

Concernant le secteur des transports terrestres, les sénateurs de la mission sur les infrastructures de transports estimaient en février que les PPP ne sauraient constituer une solution miracle, citant les difficultés rencontrées par le tramway de Mulhouse. Ils s’appuyaient aussi sur l’exemple du Royaume-Uni où « l'utilisation très fréquente de ce type de contrat ne contribue finalement que pour une part très faible aux infrastructures de transports avec 8 % des projets, très loin derrière le secteur de la santé, des prisons et de la défense. » Le cas du métro de Londres nous invite à la prudence. Lorsque l'opérateur est défaillant, le risque est grand de voir la structure privée mise en faillite par ses actionnaires et les contribuables mis à contribution. Nous savons ce que signifie la fameuse notion libérale de « partage de risques » : privatisation des profits et socialisation des pertes !

Votre texte obéit sans doute à des motifs d'opportunité moins économique que politique. Pour commencer, vous souhaitez garantir une stricte neutralité fiscale entre les différentes formes de la commande publique. En fait, il s'agit de doter les contrats de partenariat des mêmes avantages fiscaux que les marchés publics, notamment l'octroi de subventions.

Nous sommes plus que réservés sur ce prétendu parallélisme des formes. Une dissymétrie au moins demeure : la possibilité de recours à une procédure négociée, réclamée depuis longtemps par les collectivités locales pour les marchés publics, sera réservée aux seuls PPP.

Contrairement aux marchés publics aussi, les PPP bénéficient d'une grande souplesse juridique qui se double d'un allégement de la législation pénale, en dépit des risques patents de dérives susceptibles de qualification pénale, comme les ententes illicites ou le favoritisme.

M. Claude Goasguen, rapporteur  C’est faux.

M. Roland Muzeau – Non, c’est la réalité. Et dans votre passé d’élu, vous y avez déjà été confronté.

M. Claude Goasguen, rapporteur  Je suis aussi avocat (Sourires).

M. Roland Muzeau – Mais le principal grief que nous pouvons faire à votre texte est qu'il entend systématiser le recours aux contrats de partenariat comme contrats de droit commun de la commande publique.

Jusqu'en 2012, plus aucun critère ne sera exigé pour recourir à ce type de contrat dans de très nombreux secteurs clefs comme les transports, la défense ou les équipements de santé. Dans les autres secteurs, il suffira que le bilan démontre la supériorité du contrat de partenariat sur les autres formes de la commande publique, ce qui sera d’autant plus facile que vous le dotez d’un régime fiscal pour le moins avantageux – je pense en particulier aux exonérations fiscales que le sénateur Charles Guéné a introduites dans le texte par voie d’amendement, grâce à l'avis favorable d'un gouvernement prétendument attaché à une gestion scrupuleuse des deniers publics. Si c’est au nom de la neutralité fiscale que l’on exonère de la contribution annuelle sur les revenus locatifs les revenus provenant d'immeubles édifiés dans le cadre d'un contrat de partenariat, pourquoi y ajouter l’exonération de la taxe de publicité foncière et de la redevance d'archéologie préventive ?

Ainsi, en mettant fin à la distinction entre maîtrise d'ouvrage public et construction, vous faites fi de la spécificité de l'architecture et des enjeux de l'urbanisme. En outre, votre projet pénalisera lourdement les PME, en en faisant les simples sous-traitantes des groupes monopolistiques privés. En effet, comment d’autres acteurs que les géants du BTP pourraient-ils répondre à des appels d’offre débouchant sur des contrats globaux, portant sur l'architecture, sur tous les corps de métiers, toutes les formes de construction, toutes les entreprises de bâtiments, sur le choix du banquier, du gestionnaire et de l'entreprise chargée de la maintenance et de l'entretien ?

Comme le soulignait le groupe communiste lors de la discussion du texte au Sénat, ce texte inverse le rapport de force : désormais, c'est l'offre qui fait la demande ; de fait, selon l'article 10 de l'ordonnance, les co-contractants peuvent eux-mêmes solliciter auprès des collectivités la conclusion de contrats de partenariat clé en main. En outre, vous étendez le champ de la cession de créance afin de garantir au titulaire du contrat des conditions de financement plus favorables.

Votre objectif est clair : libéraliser le financement des services publics et des politiques d'aménagement en les soumettant aux seules lois du marché et en refusant, une fois encore, d'en reconnaître la spécificité. Mais qu’en sera-t-il des projets d'intérêt général qui n'intéresseront pas les investisseurs privés, des infrastructures insuffisamment rentables aux yeux des actionnaires ? De ce point de vue, le métro londonien pourrait de nouveau servir de contre-exemple...

Enfin, l'appel aux capitaux privés suppose la rémunération des fonds investis, qui passera notamment par l'utilisation du domaine public à des fins commerciales, grâce à des baux commerciaux qui pourront durer 99 ans et donner lieu à des autorisations de construction, sans que soit évaluée la pertinence de l'occupation du domaine public.

En somme, conformément à la sacro-sainte règle de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes – qui vous sert aujourd'hui de principal repère idéologique –, les infrastructures les moins rentables seront confiées au secteur public, les plus rentables au secteur privé. L’amélioration de la qualité de la gestion et du service que vous attendez de cette réforme est pure illusion : l'État et les collectivités devront acquitter un loyer pendant vingt, trente ou quarante ans, ce qui fera peser sur eux un important surcoût. En dépit de vos affirmations, vous ne pouvez prouver la supériorité économique à long terme des contrats de partenariat sur la délégation de service public ou sur l'appel d'offres classique. Affirmer que le secteur privé jouit d’une meilleure productivité est purement idéologique. Du reste, vous ne pouvez ignorer, Monsieur le ministre, les failles de ce modèle économique : notre croissance reposant essentiellement sur la demande, la politique de l’offre que vous menez depuis plusieurs années n’a pas tenu ses promesses. En réalité, vos objectifs sont purement politiques.

Voilà pourquoi vous usez de subterfuges, en stimulant l'investissement public, notamment dans les grands équipements, mais dans le respect des critères de Maastricht, ce qui suppose le recours à l'investissement privé. Comme vous avez incité les Français à puiser dans leur bas de laine pour soutenir la croissance, mais sans toucher aux salaires, vous entendez aujourd'hui stimuler l'investissement public, mais sans mettre fin au désengagement de l’État. Ainsi, vous incitez les collectivités locales à recourir au secteur privé pour accomplir les missions qui leur incombent, alors même que l'État ne cesse de privatiser les services et les équipements publics pour financer le remboursement de sa dette, se privant dans le même temps des moyens de financer les investissements indispensables.

Pour dénoncer ce texte, aux PME se joint l'ordre des architectes, qui demande que les partenariats public-privé conservent leur caractère exceptionnel et regrette de voir les collectivités locales perdre leur fonction de maître d'ouvrage. Vous pouvez bien prôner la modernité ; il n’y a là que déclin et fuite en avant. Vous prétendez protéger les générations futures, mais vous n’hésitez pas à priver nos concitoyens de leurs droits élémentaires à la retraite ou à la santé et vous passez sous silence les conséquences économiques et fiscales de ce texte sur des générations qui découvriront trop tard la dette que vous leur transmettez. Dès lors, nous ne pouvons que désapprouver votre démarche.

M. Charles de Courson – Créé par l'ordonnance du 17 juin 2004, le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel les personnes publiques confient à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale. Cette mission concerne le financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public ; la construction, la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion des ouvrages ou équipements ; enfin, le cas échéant, d'autres prestations de services concourant à l’accomplissement par la personne publique de sa mission de service public.

Le présent projet modifie cette ordonnance en sorte que le recours à ce montage contractuel ne se réduise plus à une exception ou à une dérogation. Le précédent gouvernement avait prudemment réservé à des projets complexes et globaux, sous la tutelle du ministère de l'économie et des finances, un contrat directement inspiré du Private finance initiative britannique. Il se conformait ainsi aux deux critères – pourtant non limitatifs – retenus par le Conseil constitutionnel, selon lequel seule une situation d’urgence ou les caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service justifiaient de déroger au droit commun de la commande publique. Pourquoi étendre aujourd’hui les possibilités de recours à ces contrats ?

Certes, l'action publique a changé de visage : elle a besoin de modernité, d'évaluation, de performance et – comme toujours – du savoir-faire du secteur privé. Mais pourquoi déposséder les personnes publiques de la responsabilité qui leur incombe en matière de maîtrise d'ouvrage ? Est-ce au nom d’objectifs de performance, pour redéfinir le périmètre de l'État ou simplement pour financer, à crédit, les besoins d'investissement du secteur public ?

Votre projet poursuit deux objectifs : l’un, général, consiste à élargir les possibilités de recours à ces contrats au nom de l’intérêt économique et financier de la personne publique ; l’autre, particulier, à systématiser le recours à ce montage, jusqu’au 31 décembre 2012, s’agissant de projets sectoriels réputés présenter un caractère d'urgence. Or le Nouveau Centre, conscient de la nécessité de fournir aux personnes publiques de nouveaux outils permettant de moderniser leur action et d'adapter les services publics aux nouveaux besoins, s'interroge néanmoins sur cette généralisation et, plus encore, sur cette systématisation, fût-elle expérimentale.

En la matière, la prudence reste de mise, pour plusieurs raisons.

Les premières sont d’ordre financier. En effet, dans une décision du 11 février 2004 relative au traitement comptable, dans les comptes nationaux, des contrats de partenariat passés par les unités publiques avec des unités privées et à leurs effets sur le déficit et la dette publics, Eurostat recommande de considérer comme non publics les actifs liés à ce partenariat si le partenaire privé supporte les risques de construction ainsi que le risque de disponibilité et le risque lié à la demande, ou l’un des deux derniers.

Au Royaume-Uni, 87 % des partenariats public-privé, qui représentent 54 % des investissements, sont déconsolidés, le taux de consolidation des contrats variant selon les ministères. Mais n’oublions pas, sauf à ne retenir d’un modèle que ce qui nous arrange, que la golden rule contraint les gestionnaires publics à équilibrer la section de fonctionnement sur le cycle et limite le ratio entre dette nette et PIB à 40 % sur la même période. La déconsolidation risque donc d’entraîner une amélioration purement faciale de la dette publique.

En outre, Monsieur le ministre, ne serait-il pas dangereux de conclure un partenariat public-privé en matière de défense, par exemple pour construire des chars ou un porte-avions – ce que votre projet ne prévoit certes pas ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC)

M. Roland Muzeau – Pour le ministre, c’est à voir…

M. Charles de Courson – Dans un contexte de tension budgétaire accrue, ne mésestimons pas les risques de points de fuite budgétaire et d'optimisation comptable. Si, comme le souhaite le Gouvernement, 15 % des investissements publics passaient par des contrats de partenariat, leur exclusion partielle ou totale de la dette maastrichtienne soustrairait à la dette publique 5 à 10 milliards par an – selon que le taux de consolidation atteindrait 50 ou 100 % –, soit 0,3 à 0,6 % du PIB, sur un total atteignant 64,2 % du PIB en 2006 ! Ainsi le Gouvernement semblerait-il tenir sa promesse de ramener l’endettement public à 60 % du PIB en 2012.

Les collectivités territoriales sont certes moins menacées par cette déconsolidation abusive, parce que leur structure financière est attentivement examinée par les banques chargées d’étudier leurs dossiers de financement, et parce qu’elles sont tenues d'équilibrer leur section de fonctionnement. Mais le recours à ces contrats n’en est pas moins un moyen de limiter leur ratio d'endettement. Or tout se paie ; prenons garde à la « myopie budgétaire » sur laquelle la Cour des comptes appelait notre attention dans son rapport de 2008. En effet, les projets qui feraient automatiquement l’objet d’un contrat de partenariat émanent de l’État, ce qui compromettrait l’assainissement des finances publiques, au détriment des générations futures.

Voilà pourquoi nous avons déposé un amendement visant à exclure le critère du paiement différé du bilan justifiant le recours aux contrats de partenariat. Je sais du reste que vous y êtes favorable, Monsieur le ministre. Ainsi éviterait-on que la seule « myopie budgétaire » ne décide du recours aux contrats de partenariat, seul marché public permettant aux personnes publiques de différer leur paiement. Il serait trop facile de réaliser des investissements par ce procédé ! Tout irait bien en apparence, mais en apparence seulement... Il est regrettable que le texte permette de telles dérives dans sa rédaction actuelle.

Si nous devons faire preuve de prudence, c’est aussi pour des raisons économiques : la déconsolidation de la dette risque en effet de devenir un objectif en soi, au détriment de la recherche de l’optimum économique. Dans leur principe même, les contrats de partenariat reposent sur un transfert des risques aux opérateurs privés. Toutefois, ce n'est pas l'usager qui assure le financement du contrat, mais le contribuable. D’autre part, il ne serait pas financièrement pertinent de transférer à un partenaire privé des risques que celui-ci n'accepterait d'assumer que dans des conditions plus onéreuses que celles qu’accepterait une collectivité publique.

Dans mon département, nous avons envisagé de passer des PPP pour les collèges. Or, cette solution s’est heurtée à un problème juridique : la condition d’urgence.

M. Claude Goasguen, rapporteur – Ce n’est malheureusement qu’une des difficultés…

M. Charles de Courson – Il a donc fallu renoncer à mener ce type d’opérations.

Sur le fond, le recours à un PPP me semble plus adapté quand il existe des recettes propres permettant de financer au moins une partie des coûts de fonctionnement. Le viaduc de Millau en est un bon exemple. Il ne faut pas oublier en effet que la prise en compte du partage des risques peut modifier la décision des gestionnaires publics. Un transfert excessif des risques peut avoir pour conséquence d’augmenter le coût final et de réduire la mise en concurrence réelle. La recherche de purs effets comptables, à savoir l’amélioration faciale de la dette, ne conduit pas à l’optimum économique.

Du fait de la globalité des contrats et de la nécessité pour le cocontractant d'apporter un financement global, ces opérations risquent en outre d’être inaccessibles aux petites et moyennes entreprises, qui seront alors reléguées à un rôle de sous-traitance.

M. Roland Muzeau – Eh oui ! Moi aussi, je l’ai dit !

M. Charles de Courson – Nous nous exposons aux mêmes risques que dans le cas de l’entreprise unique qui sous-traite. Il faut en être conscient.

Pour sa part, le Nouveau Centre appelle de ses vœux un Small Business Act permettant aux PME d'accéder de façon privilégiée à la commande publique et d'évoluer dans un environnement juridique, fiscal et financier favorable à leur croissance.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Très bien !

M. Charles de Courson – Afin de protéger les PME, j’ai déposé un amendement tendant à favoriser leur accès aux projets en dessous d’un seuil de 50 millions d’euros. Cela permettrait de rétablir une véritable concurrence. C’est une idée qui n’est pas neuve, car nos voisins britanniques, dans leur empirisme et leur pragmatisme traditionnels, ont fixé un seuil similaire, de 30 millions de livres. Je regrette que le ministre, pourtant grand défenseur des PME, soit défavorable à cette disposition.

Pour toutes ces raisons, le Nouveau Centre demeure réservé sur la banalisation des contrats de partenariat et leur systématisation dans certains secteurs. J’aimerais notamment savoir si un bilan des avantages et des inconvénients a bien été réalisé. Pouvez-vous nous apporter la preuve, Monsieur le ministre, que de tels projets présenteront un avantage économique pour l'administration lorsqu'ils arriveront à échéance dans 30 ans ? Le projet de loi supprimant la tutelle systématique du MINEFI au profit d'autres autorités administratives, je me demande si nous aurons les moyens d’effectuer un bilan en toute indépendance.

Je le répète : nous craignons que le recours systématique aux PPP n'affecte davantage encore l'équilibre des comptes publics. Il serait en effet possible de financer à crédit de nouveaux investissements. C’est pourquoi nous souhaitons, outre l’adoption des amendements que je viens de présenter, une série d’engagements de la part du Gouvernement.

Tout d’abord, il convient de faire de l'évaluation préalable la pierre angulaire du droit de la commande publique de l'État. Pour cela, nous avons besoin d’indicateurs de performance de l'investissement public, mais aussi du soutien d’équipes de maîtrise d'ouvrage plus étoffées dans les différents ministères concernés. Il y a aujourd’hui un problème d’expertise dans ce pays : seules deux structures sont pour le moment capables de réaliser de telles études, dont le contribuable et l’usager ont pourtant besoin.

Nous souhaitons également que le Gouvernement fasse de la consolidation des engagements financiers résultant des PPP un principe, et de la déconsolidation une exception. Pour la lisibilité des comptes publics, il serait bon que le Gouvernement s’engage sur la transparence de la comptabilisation de tels emprunts indirects. Je rappelle que ce type de raisonnement inspire déjà le droit comptable anglo-saxon.

Nous demandons enfin un renforcement de la place réservée aux PME dans les contrats de partenariat. Il faut s’assurer que les PME en profiteront au lieu d’en être les victimes.

Voilà à quelles conditions nous soutiendrons ce projet de loi, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe NC).

M. Roland Muzeau – Ce n’est pas mal du tout !

M. Michel Diefenbacher – Il y quarante ans, l’État disposait encore d’un quasi-monopole sur la conception des grands ouvrages publics, chasse gardée du corps des Ponts-et-Chaussées. Le sentiment dominant était que la maintenance devait suivre la domanialité, c’est-à-dire que les biens publics devaient nécessairement être gérés et entretenus par des agents publics. La plupart des administrations s’étaient ainsi dotées de leurs propres ateliers, et parfois de leurs propres corps techniques. Nul ne se demandait si cette solution était la plus efficace…

Or, la situation a bien changé. L’État n’a plus le monopole des savoir-faire, les entreprises ayant acquis une remarquable compétence dans le domaine de l’ingénierie technique, mais aussi financière. Elles peuvent désormais faire des offres particulièrement compétitives, comme l’ont montré la construction de l’autoroute Langres-Pau, celle de la ligne à grande vitesse entre Perpignan et Figueras, ou encore certains projets immobiliers de l’administration pénitentiaire.

En matière de financement, les collectivités, les entreprises et les organismes publics sont désormais beaucoup plus regardants sur la qualité de la gestion et prêtent davantage d’attention à la pertinence de leurs choix d’investissement. En parallèle, le régime domanial des équipements revêt une importance moindre pour les collectivités : ce qui compte désormais pour elles, c’est moins d’être propriétaires d’un bien que de le faire construire rapidement et de le gérer dans les meilleures conditions.

Quant à la maintenance, la gestion publique a trop souvent montré ses limites. Songeons à l’état général de nos hôpitaux, de nos universités ou de nos prisons. Je ne jette la pierre à personne, car le cœur de métier des universités est de former des étudiants, celui des hôpitaux de soigner des patients, et celui de l’administration pénitentiaire de surveiller et de réintégrer des détenus ; ce n’est pas d’entretenir des bâtiments.

L’instauration des partenariats public-privé tendait ainsi à rendre à chacun son rôle : à la collectivité publique le soin de fixer le cadre général des opérations à réaliser ; à l’entreprise celui de construire l’équipement, de le gérer, de le financer, et d’en répercuter la charge. Dans cette perspective, l’ordonnance du 17 juin 2004 a réalisé une petite révolution en introduisant les PPP dans notre droit public, traditionnellement régalien. Toutefois, ce n’était qu’un premier pas.

Au terme de quatre années d’application, chacun voit bien les avantages et les insuffisances de ce type de partenariat. Le premier avantage, c’est la simplicité : la collectivité passe avec une entreprise un contrat clefs en main portant sur le financement, la réalisation et la gestion de l’équipement. En matière financière, la réalisation d’études préalables a également permis de mettre un terme aux investissements bon marché dont les coûts de fonctionnement se révélaient prohibitifs à l’usage. Le dernier avantage est celui de la rapidité : l’entreprise n’est pas soumise au formalisme du code des marchés publics et elle est directement intéressée à ce que l’opération avance vite, puisque sa rémunération n’est assurée qu’à la mise en service de l’équipement.

Cela étant, le nombre de partenariat passés depuis 2004 reste singulièrement faible : on compte seulement 29 contrats de ce type, dont 22 passés par les collectivités territoriales, essentiellement pour des opérations d’éclairage public. Parmi les sept contrats signés par l’État, on peut tout de même citer la rénovation de l’INSEP.

Comment expliquer ce nombre limité ? Tout d’abord, les conditions de recours demeurent trop restrictives. En l’absence de dispositions législatives précises, le Conseil constitutionnel a en effet indiqué que les partenariats devaient être justifiés par l’urgence de l’opération à réaliser ou bien par sa complexité. Faute de définition précise de ces conditions, la crainte des contentieux a eu un effet dissuasif.

À cela s’ajoute le régime fiscal moins favorable dont jouissent les PPP par rapport à la maîtrise d’ouvrage publique. À ce titre, il faut rappeler que l’absence d’égalité devant la commande publique ne joue pas en faveur de l’entreprise privée, bien au contraire.

Ce sont ces deux lacunes principales que le texte tend à corriger sans se départir d’un esprit de prudence et d’équilibre. On pourrait d’ailleurs souhaiter aller plus loin, notamment en matière fiscale. Nous pourrons en débattre.

Pour le reste, j’entends l’objection d’ordre économique selon laquelle les partenariats profiteraient surtout aux grandes entreprises, les PME étant réduites au rôle de sous-traitants, mais je n’y crois pas. Tout d’abord, la souplesse de l’accès aux contrats de partenariat ne saurait inciter l’ensemble des collectivités à y avoir recours ; même au Royaume-Uni, ils demeurent exceptionnels. Ensuite, le projet de loi ouvre la possibilité attendue par les PME d’une procédure négociée. J’ajoute que les PME pourront présenter une offre groupée. Enfin, la maintenance des bâtiments publics ouvre au secteur privé un marché considérable dont profiteront en priorité les PME de proximité. Elles n’ont donc pas de raison de s’inquiéter.

Autre objection, d’ordre juridique celle-ci : le contrat de partenariat deviendrait un mode de droit commun de réalisation des équipements publics. C’est faux : toute collectivité souhaitant y recourir devra démontrer que cette procédure est conforme à l’intérêt général – ce qu’elle n’a pas à faire pour une maîtrise d’ouvrage publique. Dès lors, la loi doit fixer les conditions auxquelles le contrat de partenariat concourt à l’intérêt général.

Toutes ces raisons justifient l’adoption dans les meilleurs délais de cette loi nécessaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Clément – Le présent projet de loi a pour objet explicite de faire des contrats de partenariat, création récente dont les effets demeurent incertains, un outil de droit commun de la commande publique. Les possibilités d’y recourir, actuellement limitées à des situations que l’urgence ou la complexité rend exceptionnelles, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, vont être étendues. L’exception devient donc la règle.

Ainsi, le recours à un tel contrat sera autorisé s’il présente un bilan plus favorable que d’autres entre avantages et inconvénients. Cette notion très large de « bilan favorable » contribue à banaliser la procédure, contrairement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle il s’agit d’une procédure subsidiaire, puisqu’elle devient non pas un critère d’éligibilité, mais la condition minimale pour la passation d’un contrat de partenariat.

D’autre part, ces contrats seront généralisés jusqu’au 31 décembre 2012 dans de nombreux domaines jugés prioritaires, où les besoins en investissement sont réputés urgents, tels que l’enseignement supérieur, la justice, la police et la gendarmerie ou encore la santé. À une étude au cas par cas de chaque projet se substituera donc la validation de principe de projets pour lesquels l’urgence légale a été déclarée. Les résultats de l’évaluation, pourtant clef de voûte du contrat de partenariat, ne seront pris en compte que s’ils sont manifestement défavorables. En outre, la définition a priori du critère d’urgence est un biais supplémentaire d’extension du recours aux contrats de partenariat.

Autrement dit, ce projet de loi encourt l’inconstitutionnalité.

De l’avis même du rapporteur du Sénat, les effets de l’ordonnance du 17 juin 2004, qui portait création des PPP, sont mitigés quant à la réduction des délais et des coûts. La raison appelait donc la mesure du temps.

L’appellation même de « partenariat » est étrange. Le PFI – Private Finance Initiative – britannique a le mérite de la franchise : c’est bien le financement de projets publics qui pose problème. Le PPP, quant à lui, n’est qu’une technique d’habillage budgétaire destinée à masquer la dette publique. En effet, il permet de transformer un investissement en dépenses de fonctionnement. Joyeuse manigance pour se débarrasser des critères européens limitant les déficits budgétaires ! La contrainte budgétaire étant ce qu’elle est, et Bruxelles veillant au grain, le PPP, solution miracle, permettra de cacher cette dette que l’on ne saurait plus voir !

Qu’en sera-t-il de l’indépendance des choix de la puissance publique dès lors que la possibilité de recours massif au PPP existe ? Le dialogue compétitif, en effet, n’a pas pour seul objet la réalisation d’un produit, mais aussi la définition d’une véritable stratégie publique. Or, le bien public risque d’être largement déterminé par l’opérateur privé, qui négligera les attentes de citoyens. À terme, la puissance publique ne sera plus qu’un simple gestionnaire parmi d’autres.

Compte tenu du désengagement de l’État et des transferts de compétences mal compensés, le PPP est susceptible de fragiliser davantage les collectivités territoriales, qui risquent de s’endetter à plus long terme en abandonnant la facture aux générations futures. L’État comme les collectivités pourront donner l’illusion de rester maîtres du jeu mais la puissance publique sombrera dans la vie à crédit.

Le recours au préfinancement des investissements publics par le secteur privé n’est pas conforme aux intérêts financiers de la collectivité, comme le rappellent régulièrement la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. En outre, le contrat de partenariat n’ouvre droit à aucune réversibilité, parce que la collectivité s’engagera sur une durée trop longue. Je doute que son coût soit moins élevé que d’autres procédures telles que la délégation de service public ou la régie.

Plus grave encore : le texte pose un problème de sécurité juridique et économique. Nombre de PPP seront plus ou moins léonins : comment déterminer aujourd’hui les opérations de maintenance et d’adaptation qui seront nécessaires dans une vingtaine d’années ? Comment anticiper les décisions des tribunaux appelés à trancher la rupture d’un PPP peu rentable au goût des entreprises ? Songez qu’au Royaume-Uni, la moitié des PFI font aujourd’hui l’objet de contentieux défavorables à l’État ! Et que dire du risque pour l’État de voir les collectivités lui intenter une action en responsabilité lorsqu’il supprimera, par exemple, un tribunal construit au moyen d’une PPP ?

Comment les collectivités pourront-elles accomplir leurs missions de service public à long terme si l’imprécision du texte, la complexité de la procédure et les circonstances changeantes doivent provoquer des contentieux ? Le partenaire privé, quant à lui, n’a pas ce souci : il compensera les éventuelles pertes liées à la construction de l’équipement lors de son exploitation.

Pourquoi ne pas avoir davantage analysé les expériences étrangères, les incidences budgétaires pour les collectivités confrontées au glissement des dépenses d’investissement sur le budget de fonctionnement, ainsi que les cas de rupture anticipée à cause de l’obsolescence des ouvrages ?

Quid de l’évaluation des coûts ? Certes, une évaluation préalable doit préciser l’avantage financier d’un PPP par rapport à d’autres procédures, mais cet avantage est indémontrable tant les variables, imprévisibles à moyen terme, sont nombreuses. Le Premier président de la Cour des comptes lui-même craint que le coût d’un PPP ne soit plus élevé que prévu pour les collectivités.

De même, la concurrence ne sera pas renforcée, bien au contraire. L’accès à la commande publique se réduira pour les PME de second œuvre, les artisans du bâtiment et les architectes. La grande entreprise sélectionnée choisira elle-même ses sous-traitants.

Qui, aujourd’hui, peut raisonnablement signer un PPP ? Au mieux, une PME « tous corps d’état » disposant d’un bureau d’études, de juristes, d’un service financier et d’un effectif de deux cents salariés lui permettant de réaliser des projets d’environ vingt millions d’euros. Que restera-t-il aux autres ? Nous n'avons pas pris le temps de mesurer les conséquences de ce texte sur l'emploi dans ces PME.

Par ailleurs, pour les opérations d'une certaine taille, un concours d'architecture doit être organisé avant que soit engagée la procédure d'attribution d'un contrat de partenariat, pour préserver la liberté de choix du maître d'ouvrage public sur les projets architecturaux et urbains.

D’autre part, va se poser le problème des compétences des services techniques des collectivités locales confrontés à l'élaboration de ce type de contrat, et l’on peut craindre que la MAPP ne soit rapidement débordée.

M. Jean-Jacques Urvoas – Bien sûr !

M. Jean-Michel Clément – Le contrôle démocratique de la décision de recourir à un PPP, et de la détermination de la part de créance cédée que la collectivité est prête à accepter et à payer dans tous les cas à l'organisme financier, doit aussi être débattu. Manque enfin la définition claire des notions de « coûts d'investissements », de « frais financiers intercalaires » et de « coûts de financement » – tous pris en compte dans la fixation de la rémunération du cocontractant.

L'urgence justifierait le recours aux contrats de partenariat. Mais, en élargissant à ce point leur champ d’application, le projet enfreint les principes de la commande publique, inquiète les PME et fait courir des risques aux collectivités locales. Il ne devait pas être examiné dans ces conditions, et sans évaluation préalable. Nous déposerons des amendements car trop d'imprécisions demeurent. Sur le fond, le champ défini dans l'ordonnance de 2004 suffisait très largement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-François Mancel – Autre orateur, pensée contraire. Pour ma part, j’aurais souhaité que l’on aille beaucoup plus loin. Certes, le texte marque un progrès par rapport à l’ordonnance de 2004, mais il me semble que la « tuyauterie » proposée, trop complexe, fera hésiter les maîtres d’ouvrage. Il aurait fallu oser dire que le PPP est le mode de dévolution de droit commun des marchés publics, car c’est un bon système, qui permet d’avancer vite et bien et, sinon toujours à moindre coût, au moins à coût égal avec les autres modes de dévolution.

J’ai conclu des PPP, et ils ont parfaitement fonctionné. Au début, j’ai essuyé des critiques qui venaient de toutes parts : des architectes, des PME, de la chambre régionale des comptes… Ensuite sont venus les remerciements, car il est apparu que les projets ainsi menés à bien étaient très utiles, qu’ils avaient permis aux entreprises de travailler et aux enfants d’être accueillis dans de belles écoles. Il faut dominer les réticences qui se manifestent et admettre que le système n’est pas aussi affreux que certains se plaisent à le décrire. J’ajoute que confier à la même entreprise les contrats de construction et de maintenance, c’est avoir la certitude qu’elle construira bien…

M. Claude Goasguen, rapporteur – Bien sûr !

M. Jean-François Mancel – C’est une très bonne procédure et, je le redis, c’est un tort de ne pas être allé plus loin. Certes, il faut une forte maîtrise d’ouvrage, car la collectivité publique ne doit pas se faire imposer des conditions. Comme il s’agit de marchés relativement importants, les entreprises de taille moyenne ne seront pas gênées pour autant, contrairement à ce que redoute M. de Courson, puisqu’elles pourront se regrouper pour répondre aux appels d’offres. En revanche, les petites entreprises seront exclues de ce mode particulier de dévolution des marchés publics, mais elles continueront d’avoir accès aux autres.

Pourquoi toujours refuser la liberté, refuser de faire confiance ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR) Je suis surpris d’entendre dire qu’il faudrait encadrer les collectivités locales dans ce cas, mais pas quand elles augmentent trop la fiscalité. On ne peut accepter cette politique du « deux poids, deux mesures » ! (Protestations sur les mêmes bancs) Il faut faire confiance au maître d’ouvrage, et si son choix est mauvais, il subira la sanction démocratique ! (Mêmes mouvements)

Aller plus loin, cela doit aussi consister à réformer globalement le code des marchés publics (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jean-Jacques Urvoas – Ah ! Nous y voilà !

M. Jean-François Mancel – M. Mer avait pris une initiative forte en ce domaine, mais il a été empêché de la mener à son terme par le règne de la pensée unique, selon laquelle il faudrait ne jamais rien changer, et conserver les règles de la commande publique telles qu’elles étaient au XIXe siècle (Protestations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR). Ce n’est pas ainsi que l’on réformera notre pays ! Je voterai le texte, Monsieur le ministre, mais je compte sur vous pour plus de libéralisme ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

La discussion générale est close.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Je remercie tous les députés qui ont pris part à ce débat, technique certes, mais pas seulement technique. La question de l’accès des PME à la commande publique par le mode innovant que sont les contrats de partenariat a été évoquée par plusieurs orateurs. M. Bapt et M. Muzeau, en particulier, se sont interrogés…

M. Gérard Bapt – Inquiétés, Monsieur le ministre.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Chargé des petites et moyennes entreprises au sein du Gouvernement, je ne suis pas inquiet, car elles ont des assurances. M. Goasguen, auquel je rends hommage, le souligne dans son excellent rapport : elles peuvent être concernées directement ou indirectement, puisque la part d’exécution du contrat confiée à des PME fait partie des critères obligatoires pour le choix d’un cocontractant et que, par ailleurs, elles peuvent constituer des groupements pour se porter candidates. Je remercie M. Diefenbacher de sa contribution éclairée à ce sujet.

J’observe que nous disposons de preuves par l’exemple, puisque des PME ont déjà conclu des contrats de partenariat – mais en nombre insuffisant, ce pourquoi nous avons décidé d’aller plus loin. Le projet dispose à cette fin que les contrats de partenariat pourront être conclus pour répondre à des besoins plus modestes ; c’est l’assurance que des PME pourront y prétendre. Mme des Esgaulx, dont je salue le travail de réflexion, a proposé de supprimer la condition de seuil pour le recours à la procédure négociée des entités adjudicatrices non soumises au code des marchés publics. Je suis favorable à cette disposition pragmatique

J’ai cru comprendre, Monsieur Muzeau, que vous étiez modérément favorable aux contrats de partenariat. Vous en avez décrit la nocivité supposée en appuyant votre argumentation sur des exemples britanniques. Pour ma part, je me référerai à deux rapports, l‘un émanant du National Audit Office, l’autre du Trésor de Sa Majesté. Il en ressort que plus de 600 projets dits PFI ont été conclus pour un montant cumulé de 50 milliards de livres sterling, et que le bilan en est globalement satisfaisant même si certains contre-exemples sont cités. On constate en particulier que l’enveloppe de coût initiale a été respectée dans les trois quarts des cas, alors que la proportion est d’un quart seulement quand il s’agit de marchés publics « classiques ».

Le Canada et le Québec, qui ne sont pas connus pour être irresponsables, ont désormais rendu obligatoire le recours aux PPP pour tout projet d’investissement. Ils ont simplement été convaincus par le caractère innovant et particulièrement commode de cette solution. En Allemagne, les PPP, jusqu’à présent cantonnés surtout aux Länders, se développent au niveau fédéral avec la mise en place d’une structure centrale d’appui. Enfin, la quasi-totalité des 27 pays de l’Union européenne se sont dotés d’une législation encourageant les PPP, politique consacrée par la création d’un centre européen d’expertise des PPP.

Monsieur Muzeau, c’est vous qui êtes de tous le plus radicalement opposé aux PPP. Vous pensez que la stratégie du Gouvernement consiste à déconsidérer les marchés publics pour justifier le recours aux PPP. Tel n’est absolument pas le cas. Le contrat de partenariat n’est qu’un outil complémentaire des procédures existantes : marchés publics, baux emphytéotiques, autorisations d’occupation temporaire… Il faudra d’ailleurs, je le dis à Mme des Esgaulx, simplifier toute cette panoplie dans une étape ultérieure. C’est là un intéressant chantier pour le groupe d’études sur les PPP que vous présidez.

Monsieur Muzeau, je vous le redis, il n’y a dans ce texte nulle intention perverse du Gouvernement. Nous avons seulement le souci de faire vite et bien pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Pourquoi se priver de l’apport des entreprises privées ?

Monsieur de Courson, vous avez sollicité trois engagements qu’il ne paraît pas impossible de vous donner. Oui, l’évaluation préalable est indispensable. S’agissant de la déconsolidation, il faut en effet regarder le problème de près. Mais cela ne poserait de réel problème, notamment au regard des critères de Maastricht, que si les PPP devenaient la norme en matière de commande publique. Mais tel n’est ni le cas ni l’objectif. L’engagement pris par Mme Lagarde et l’ensemble du Gouvernement de rétablir l’équilibre budgétaire d’ici à 2012 devrait d’ailleurs vous rassurer à ce sujet. Pour ce qui est des PME, ce Gouvernement n’est pas schizophrène : il n’adopterait pas des mesures les désavantageant dans l’accès à la commande publique quand dans le même temps, il vient de présenter un projet de loi de modernisation de l’économie dont la moitié des mesures visent à les aider.

Monsieur Clément, vous vous êtes livré à une analyse excessivement critique du projet de loi, mais vous n’étiez déjà pas favorable aux PPP avant même que nous ne proposions d’en faciliter l’usage. Vous êtes attaché à une conception un peu ancienne de la commande publique. Or, si nous nous interdisions de recourir à des solutions innovantes comme les PPP – avec les garde-fous que nous avons prévus –, il y a peu de chances que nous puissions, nous au niveau de l’État et vous dans vos collectivités, satisfaire les besoins de nos concitoyens. Je relève d’ailleurs que le recours aux PPP n’est pas l’apanage des collectivités de droite. Celles de gauche n’y répugnent pas…

M. Jean-Jacques Urvoas – Dans le cadre légal actuel !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – La maire de Lille elle-même a eu recours à un PPP pour la construction du grand stade.

M. Jean-Jacques Urvoas – Non, la présidente de la communauté urbaine. Demandez son avis sur le PPP à la maire de Lille !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Monsieur Mancel, vous souhaiteriez, vous, que le Gouvernement aille plus loin encore et insuffle encore davantage de liberté dans notre économie. Permettez qu’à chaque jour suffise sa peine ! Qui eût dit que si tôt après l’ordonnance de juin 2004 nous pourrions déjà faire adopter un texte élargissant le recours à cette forme innovante de la commande publique ?

En conclusion, je me félicite de la qualité de ce débat comme des travaux des rapporteurs, qui font honneur au Parlement.

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

AVANT L'ART. PREMIER

M. Roland Muzeau – L’amendement 84 tend à abroger l’ordonnance qui a institué les PPP. Pour vous, Monsieur le ministre, ces contrats constituent une réponse d'avenir aux exigences de développement local et national. Il conviendrait donc d’y recourir plus souvent et plus largement, dans le droit fil de l'ordonnance du 17 juin 2004 prise par le précédent gouvernement, pour des motifs qui tenaient déjà aux impasses de votre politique économique.

En effet, l'engouement pour les PPP s’explique avant tout par la situation de nos comptes publics, en 2004 comme aujourd’hui. Certes, la France a besoin de consentir un effort très important d'investissement en infrastructures et en équipements publics, sans parler même du maintien en état et de la rénovation de ceux qui existent. Je pense notamment à la situation désastreuse des réseaux ferrés en Île-de-France et, d’une manière générale, à celle des réseaux de transport en commun dans lesquels le STIF a besoin d’investir lourdement après le désengagement de l’État.

Comme la France dépasse, et de loin, les niveaux de déficit public et de dette publique autorisés par ses engagements européens, l'État, que vous privez en outre de ressources essentielles, n'est sans doute pas – ou plus – en situation de contribuer davantage au financement des infrastructures et des équipements collectifs.

Comme vos prédécesseurs, vous avez donc décidé de recourir aux contrats de partenariat, en fait de privatiser la réalisation des équipements publics, alors même que, on ne tardera pas à s’en rendre compte, les dépenses seront plus importantes que prévu. Le seul avantage de cette solution est en effet de ne pas alourdir la dette publique et de ne figurer que dans les dépenses de fonctionnement de l'État – l’analyse de M. de Courson sur ce point a été très pertinente.

La Cour des comptes a beau expliquer, preuves à l'appui, notamment pour ce qui concerne le service des archives diplomatiques et la direction centrale du renseignement intérieur, que les contrats de partenariat génèrent des dépenses futures plus importantes que les prétendues économies réalisées au départ, vous passez outre ! On le comprend, puisqu'il y va de la crédibilité de votre politique économique et de l'amélioration conjoncturelle de vos résultats.

Dénonçant cette stratégie de fuite en avant, nous proposons d’abroger l'ordonnance à l'origine de ce tour de passe-passe dont les conséquences à long terme pourraient s'avérer désastreuses pour les finances de l’État, des collectivités et donc pour le portefeuille des contribuables et des générations futures.

M. Claude Goasguen, rapporteur – Avis défavorable. Je tiens toutefois à souligner la cohérence du groupe communiste qui avait refusé, par principe idéologique, l’ordonnance instituant les PPP : il demeure fidèle à ses convictions de l’époque, contrairement aux socialistes qui, après avoir voté contre le projet de loi d’habilitation, ont semble découvrir certaines vertus aux PPP…

Il reste que nous divergeons sur les principes. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Vous voulez supprimer un contrat, nous voulons l’étendre.

L'amendement 89, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Jacques Urvoas – Nous prenons acte de l’existence de ces contrats de partenariat qui peuvent, encadrés par la décision du Conseil constitutionnel, répondre à certains besoins. Puisque vous citez le PPP de l’agglomération lilloise, je vous invite à consulter la maire de Lille. Je suis sûr qu’ensuite vous cesserez de l’invoquer à l’appui de votre thèse. Par l’amendement 96, nous souhaitons rappeler la décision du Conseil constitutionnel sur le caractère dérogatoire de ces contrats. Vous essayez de la contourner en étendant cette formule à six nouveaux secteurs.

D’autre part, si l’on vous croit, les PME n’ont pas lieu de s’inquiéter. Leurs organisations ne manquent pourtant pas de dire à quel point elles seront vigilantes sur ce texte.

Enfin, vous évoquez le rapport du National Audit Office de 2003. Vous connaissez certainement le rapport du ministère du Trésor de mars 2006 qui fait le point sur les 200 PFI prévus jusqu’en 2010 pour un montant de 26 milliards de livres. En raison des difficultés croissantes à respecter le calendrier de remboursement, ce modèle est mis en cause, y lit-on. De plus le rapport qualité-prix est difficile à évaluer, étant donné l’incroyable complexité des appels d’offres et des contrats. Enfin, ces projets souvent surdimensionnés, sur le modèle des contrats hospitaliers, représentent un coût croissant pour l’État.

M. Claude Goasguen, rapporteur – Vous vous référez désormais à une ordonnance que vous n’avez pas votée. C’est bien. Mais rappeler dans la loi la position du Conseil constitutionnel ne lui donne pas plus de force normative. Enfin, je répète que le contrat de partenariat n’est pas de droit commun et que les dispositions du Conseil constitutionnel relatives à l’ordonnance de 2004 ne sont pas de nature exclusive.

Mais au moins, vous acceptez maintenant l’ordonnance de 2004. Je suis sûr que dans quelques semaines vous accepterez cette loi qui va relancer le contrat de partenariat.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – J’ai déjà rappelé l’attachement du Gouvernement au respect des principes constitutionnels de la commande publique. Cette déclaration aurait pu trouver sa place dans l’exposé des motifs, mais non ici. Avis défavorable.

L'amendement 96, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. PREMIER

M. Charles de Courson – Pour éviter que les PME soient exclues des PPP, on peut imaginer qu’elles se groupent. Mais une telle opération est complexe et je n’y crois guère. On peut aussi mettre dans les PPP des clauses de sous-traitance minimale. Cependant, ce n’est possible que pour des PME innovantes, sinon on se heurte au droit communautaire. Par l’amendement 91, je propose donc de fixer un seuil de 50 millions d’euros, soit l’équivalent de 30 millions de livres, pour recourir à un PPP.

M. Claude Goasguen, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le seuil de 50 millions est très élevé. L’investissement pour un collège est de 20 millions. Beaucoup de partenariats portent sur des montants moindres, deux millions par exemple pour le contrat d’éclairage d’Auvers-sur-Oise. De toute façon je ne crois pas qu’un gros groupe ira concurrencer des PME sur ce type de contrats. Laissons la concurrence jouer. Les PME craignent surtout une sorte de cartel entre les autorités locales et de grandes entreprises. C’est la transparence qui dissuadera d’abuser de ces contrats plutôt que la fixation d’un seuil, méthode à laquelle je ne crois en aucun domaine.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Avis défavorable également. Ce type de partenariat peut être très utile à des collectivités pour des montants bien inférieurs à celui que vous fixez. Le montant est ainsi de moins de 20 millions pour l’équipement réalisé par Saint-Raphaël, qui combine parking souterrain, gare routière et complexe cinématographique ; de 5 et 7 millions pour les pôles énergie des hôpitaux de Roanne et d’Alès ; de 6 millions pour la piscine de Loches. Mieux vaudrait retirer votre amendement.

M. Gérard Bapt – Cet amendement répond au vœu de la Capeb. Nous avions été tentés de déposer un amendement dans le même sens. Mais nous constatons qu’un certain nombre de PPP ont été conclus pour des montants inférieurs, y compris, dans trois cas, par des groupements de PME. C’est bien peu, et les petites entreprises ne pourront guère s’endetter pour courir le risque, mais si elles y parviennent, ce sera forcément pour des montants inférieurs à 50 millions.

M. Goasguen semble accuser les socialistes d’adorer ce qu’ils ont brûlé. Si nous avons voté contre le texte de 2004, c’est que l’on annonçait que ces PPP concerneraient l’État pour la réalisation d’équipements complexes, alors que l’expérience de la Grande-Bretagne prouve que, pour les hôpitaux par exemple, l’intérêt à moyen et à long terme pour les finances publiques n’est pas évident.

Nous ne voterons pas l’amendement. L’important est de limiter la généralisation de ces PPP, qui, souvent, conduiront à reporter la dette sur les générations futures.

M. Philippe Folliot – Cet amendement est très bon pour les PME. Si le problème est le niveau du seuil, je propose par sous-amendement de retenir un seuil de 10 millions.

M. Charles de Courson – Le ministre n’a pas répondu à ma question, mais à une autre : il a cité des PPP de faible montant. Mais il n’a pas dit si c’étaient des PME qui avaient emporté ces contrats.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – M. Bapt a donné la réponse.

M. Charles de Courson – Je reste sur ma position.

Le sous-amendement oral de M. Folliot, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Clément – Je tiens à préciser à M. Goasguen que le parti socialiste est resté constant, depuis qu’il a saisi le Conseil constitutionnel.

L’amendement 97 vise à préciser que, dès lors qu’il s’agit de la construction d’un bâtiment public, la procédure doit être précédée d’un concours d’architecture, ce qui permettra de préserver la liberté de choix de la collectivité.

Le maintien du dialogue entre le décideur public et le concepteur permet de se protéger des différents acteurs de la production. Il en va aussi de notre environnement bâti et paysager. Les architectes, outre qu’il peuvent être de précieux conseillers, sont garants d’une architecture et d’un cadre de vie de qualité.

M. Claude Goasguen, rapporteurDéfavorable. Si la collectivité publique fait le choix d’un PPP, contrat global, pourquoi le décomposer en négociations préalables avec les architectes ? Et pourquoi pas avec les informaticiens ou les urbanistes ? La collectivité est libre de choisir une autre formule, qui permette de faire exister chaque profession.

En réalité, les architectes qui sont opposés à ce projet ont peur d’être laissés pour compte. C’est un problème que les architectes doivent régler entre eux et qui, en tout cas, n’a pas à interférer dans cette discussion.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Dans la procédure prévue par le texte, le partenaire privé se voit confier tout ou partie du projet. Celui-ci pourra reprendre les contrats passés par la personne publique, qui conserve le choix de lancer ou non un concours.

Par ailleurs, la personne publique ne perd pas la maîtrise du geste architectural, cet aspect du contrat faisant l’objet de discussions entre elle et l’architecte de chacun des candidats, tout au long du dialogue compétitif, comme l’a montré le PPP concernant la rénovation de l’Insep.

M. Jean Jacques Urvoas – M. le rapporteur nous avait déjà expliqué en commission que les architectes s’apparentent aux autres corps de métiers. Nous ne sommes pas les seuls à être en désaccord sur ce projet avec M. Goasguen. Le Président de la République a en effet déclaré, lors de l’inauguration de la Cité de l’architecture et du patrimoine : « L’architecture est au cœur de nos choix politiques ; c’est une orientation politique que je vais assumer tout au long de ce quinquennat, car l’architecture a un rôle majeur dans le destin individuel et collectif des hommes. L’architecture et l’urbanisme sont les leviers profonds d’une politique de civilisation. »

Nous voulons que la France continue d’assumer une production architecturale publique de qualité. Le concours permet à la maîtrise d’ouvrage de conserver le choix de son projet et de garantir le meilleur service public à nos concitoyens.

L'amendement 97, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Jacques Urvoas – L’amendement 98 vise à supprimer l’alinéa 8, dont la rédaction entretient l’ambiguïté sur le partage des tâches entre la personne publique et la personne privée. En effet, comment s’effectue le partage lorsque l’entreprise partenaire réalise des gains non anticipés ? Quel est l’impact sur les indemnités de rupture anticipée ? La collectivité publique devra-t-elle assumer les risques sans pouvoir bénéficier des excédents éventuels ?

En Grande-Bretagne, dans la réalisation d’un établissement pénitentiaire, le prestataire privé a bénéficié d’un supplément de 61 % de rentabilité par rapport aux prévisions initiales, la personne publique se contentant d’un vingtième des profits réalisés.

M. Claude Goasguen, rapporteur Avis défavorable. Notre collègue a une lecture trop anglaise de cette disposition, qui permet de confier au partenaire privé un mandat d’encaissement des paiements. Cette pratique n’étant pas explicitement autorisée par la loi, elle pourrait être qualifiée de gestion de fait. Il est indiqué, sans ambiguïté que les recettes sont perçues pour le compte de la personne publique.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Défavorable.

M. Gérard Bapt – M. de Courson a repris l’exemple du ministère de la défense, qui a conclu un PPP pour des heures de vol d’hélicoptères. Peut-on dès lors imaginer que la perception de l’impôt puisse être confiée à une société privée ?

L'amendement 98, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Michel Clément – Par l’amendement 99, nous invitons le Gouvernement à faire œuvre de clarté. La gestion d’un service public ne saurait être confiée au co-contractant de la personne publique ; or la formule concernant les prestations de services est ambiguë. Elle ne permet pas de bien appréhender la nature juridique des contrats cédés ni même les prérogatives transférées au partenaire privé. Ces critiques sont d’ailleurs reprises par l’AMF.

La gestion d’un service public peut-elle être, selon vous, entièrement déléguée à un partenaire privé dans le cadre d’un PPP ? Que reste-t-il comme levier d’action à la puissance publique en cas de défaillance ?

M. Claude Goasguen, rapporteurDéfavorable. La rédaction n’est pas ambiguë. L’expression « prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public » ne signifie pas que la gestion du service public est déléguée. Il s’agit seulement de contribuer, par un service annexe, à la mission de service public.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Cet amendement est inutile. Le contrat de partenariat est bien défini à l’article premier de l’ordonnance de 2004 : il ne s’agit pas d’une délégation de service public. Défavorable.

L'amendement 99, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Goasguen, rapporteurPar souci de transparence, l’amendement 7 dispose que, lorsque plusieurs personnes publiques passent une convention pour conclure un PPP, le chef de file est chargé de réaliser l’évaluation préalable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Favorable. Cet amendement permet d’alléger la procédure.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Goasguen, rapporteurL’amendement 8 est rédactionnel.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE PREMIER

M. Jean Jacques Urvoas – Craignant que le contractant ne pratique, en liaison avec ses sous-traitants, des politiques coercitives, nous proposons par les amendements 100 et 101 d’assujettir l’attributaire du contrat au code des marchés publics. Cela favorisera la transparence et permettra de prévenir toute dérive.

Ce faisant, nous ne faisons qu’instaurer une symétrie avec la loi sur la maîtrise d’ouvrages publics de 1985 qui assujettit le maître de l’ouvrage mandataire au régime applicable à la personne publique.

M. Claude Goasguen, rapporteurDéfavorable aux deux amendements. L’entreprise privée se retrouverait de fait soumise à des règles de comptabilité publique.

Il s’agit presque d’une nationalisation de fait ! Votre conception du partenariat est bien extensible…

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Ne soumettons pas la conclusion des contrats à des contraintes excessives.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l’amendement 101.

ART. 2

M. Roland Muzeau – Afin de simplifier le projet de loi (Sourires), l’amendement 85 tend à supprimer l’article, qui fonde sur la seule analyse comparative des performances le recours au contrat de partenariat, ainsi érigé en procédure de droit commun. Or, dans sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel soulignait que le recours à ce contrat doit demeurer exceptionnel, sauf à « priver de garantie légale les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ».

De fait, Monsieur le ministre, la majorité des projets soumis à la MAPPP, qu’ils émanent de l’État ou des collectivités territoriales, font finalement l’objet d’une procédure dite complexe, même lorsque l’urgence semble avérée. La création d’une troisième voie d’accès à ces contrats, en sus des cas de complexité ou d’urgence, a toutes chances d’être annulée par le Conseil constitutionnel pour les mêmes motifs.

Les grands groupes du secteur se frottent les mains : ils attendaient avec impatience que leur soit ouverte la possibilité d’un recours effréné à ces contrats, qui cesseraient d’être dérogatoires aux cadres juridiques classiques – marchés publics et délégations de service public. Vous donnez donc satisfaction à l’oligopole des grands groupes du bâtiment et des services – seules structures capables de répondre aux appels d’offres –, sans craindre de priver les PME de marchés publics… ni de transformer les parlementaires, pour quelques années, en simples comptables, témoins de la hausse continue des redevances que l’État acquitte aux opérateurs privés.

Une véritable politique d’investissement public supposerait au contraire de mettre à profit les fonds publics et la compétence des agents et techniciens du service public, pour assurer, au niveau national, donc de manière égalitaire, le développement économique et social du territoire.

M. Claude Goasguen, rapporteur – Avis défavorable. À vous entendre, mon cher collègue, on croirait que les grands groupes sont sevrés de commandes des collectivités ou de l’État, et que c’est pour cela que nous inventons une nouvelle procédure !

M. Roland Muzeau – Leur appétit est sans limites !

M. Claude Goasguen, rapporteur – C’est un peu simpliste ! Les grands groupes ne se plaignent guère des contrats de commande publique permis par la loi. Les changements que nous proposons risquent même de susciter des réticences, car ils bouleversent des habitudes parfois peu reluisantes.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Même avis.

L'amendement 85, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Goasguen, rapporteur – L’amendement 9 est rédactionnel.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteure pour avis – L’amendement 51 tend à compléter la deuxième phrase de l’alinéa 2 afin de préciser les conditions de l’évaluation préalable. En effet, pour apprécier l’intérêt du partenariat, il faut une évaluation sérieuse, obéissant à des méthodes rigoureuses et propre à assurer une gestion optimale des fonds publics.

Le Sénat a modifié l’article afin de préciser que « chaque organisme expert élabore, dans son domaine de compétence, une méthodologie déterminant les critères d’élaboration de cette évaluation ». Mais la dispersion des méthodes d’évaluation nous paraît nuire à l’efficience ; au contraire, un référentiel d’évaluation commun à toutes les autorités adjudicatrices pourrait être élaboré par la MAPPP du ministère de l’économie afin de définir une forme et un cadre juridique identiques, quels que soient l’identité de la personne publique et le montant du contrat.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État Avis favorable à cet amendement, qui améliore sensiblement le texte sénatorial : en permettant à la MAPPP de définir une méthode d’évaluation commune quel que soit l’organisme expert compétent, il évitera des écarts injustifiés, garantira l’économie de moyens et conduira les acteurs à s’interroger sur les critères d’évaluation pertinents. Nous y gagnerons en simplicité et en efficacité.

M. Claude Goasguen, rapporteur – Même avis. Je n’ai pas coutume de chanter les louanges du ministère des finances, mais je tiens à saluer le travail de la MAPPP, qui a permis de progresser sensiblement sur ces questions, et que nous chargeons en toute confiance de déterminer le barème de l’évaluation.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Clément – Aux termes de cet article, l’analyse comparative permettant l’évaluation prend en considération le coût global hors taxe. Par l’amendement 117, nous proposons de l’étendre au coût global actualisé et à la qualité du service rendu, notamment afin de tenir compte des enjeux de développement durable. Comment le partenaire privé se soumettrait-il à des exigences de qualité que l’évaluation préalable ne lui impose pas ?

M. Claude Goasguen, rapporteur – Avis défavorable. Le seul terme de « performance » suffit à satisfaire cet amendement ; le reste relève d’une appréciation méthodologique qui ne ressortit pas à la loi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Votre préoccupation est satisfaite par un amendement plus complet de la commission des finances qui précise, après l’alinéa 4 de l’article 7, que l’appréciation du coût global se fonde non seulement sur la qualité du service rendu, mais également sur les coûts de conception, de construction, de financement, d’exploitation et de maintenance.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’en demanderai le rejet.

L'amendement 117, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Jacques Urvoas – Le texte autorise une évaluation succincte lorsqu’il s’agit de « faire face à une situation imprévisible ». Or cette situation ne saurait autoriser la puissance publique à se montrer moins exigeante et moins vigilante. Sans revenir sur la distinction entre « imprévu » et « imprévisible », qui a fait l’objet de discussions avec le rapporteur en commission, comment une collectivité locale pourrait-elle se fonder sur une évaluation succincte pour s’engager sur vingt, trente ou quarante ans ? À moins que l’imprévisibilité n’autorise tous les raccourcis, voire toutes les entorses…

M. Claude Goasguen, rapporteur – Sans revenir sur le débat sémantique qui nous a opposés en commission, le terme retenu est suffisamment clair et la loi fournit toutes les garanties nécessaires. Cette situation d’urgence autorise une évaluation succincte.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État – Même avis. Une évaluation succincte, justifiée par l’urgence, ne manque pas nécessairement de rigueur !

L'amendement 102, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Goasguen, rapporteur – L’amendement 10 est rédactionnel.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 26 juin, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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