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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 30 juin 2008

1ère séance
Séance de 17 heures 30
209ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président – En application de l’article L.O. 185 du code électoral, le Conseil constitutionnel a annulé l’élection législative des 27 janvier et 3 février derniers dans la première circonscription d’Eure-et-Loir, à la suite de laquelle Mme Françoise Vallet avait été proclamée élue.

MISSION TEMPORAIRE D’UN DÉPUTÉ

M. le Président – M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant qu’il chargeait M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes et président de la commission des lois, d’une mission auprès de lui.

RÈGLEMENT DES COMPTES DE 2007

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2007.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique – Le changement d’appellation de la loi de règlement, devenue loi de règlement des comptes et rapport de gestion, illustre l’importance nouvelle accordée grâce à la LOLF à ce moment du débat parlementaire. Le Gouvernement ne rend plus seulement compte de ses résultats budgétaires ; il s’en justifie. Ainsi, la loi de règlement cesse d’être le parent pauvre de la loi de finances. Or l'Assemblée nationale tient toute sa place dans le cercle vertueux où s’enchaînent le débat d’orientation, la loi de règlement des comptes mais aussi la loi de finances, qui deviendra pluriannuelle si la révision constitutionnelle est adoptée.

M. Jean-Pierre Brard – La prudence est de mise, en effet !

M. Éric Woerth, ministre du budget On ne préjuge jamais du vote d’une loi, quelle qu’elle soit.

Les résultats de l’exercice 2007 sont en ligne avec les prévisions : le déficit, évalué à 38,3 milliards en loi de finances rectificative, est arrêté à 34,7 milliards – sachant que le produit de cession de titres EDF, soit 3,7 milliards, a été provisoirement affecté au compte d’affectation spéciale destiné à financer le plan Campus. Hors cet événement particulier, il s’élève à 38,4 milliards. Le compte y est, en dépit des incertitudes conjoncturelles. En effet, nous sommes parvenus à maîtriser les dépenses et la recette, quant à elle, s’est bien tenue.

Le plafond de dépenses voté par le Parlement a été strictement respecté, et même mieux : 47 millions de crédits autorisés n’ont pas été utilisés. Jouant le jeu de la LOLF, nous n’avons jamais rebattu les cartes en cours d’exécution. Certes, une dette importante auprès de la sécurité sociale a été contractée, mais cet arbre ne doit pas cacher la forêt : les relations financières avec la sécurité sociale, précisément, se sont normalisées grâce à la reprise par l’État de la dette du BAPSA, soit 620 millions, et le respect de mon engagement à rembourser la dette constituée auprès du régime général à la fin 2006, soit 5,1 milliards. L’État a donc apuré 5,8 des 7 milliards de dette enregistrée fin 2006 : c’est un incontestable progrès. Il nous faudra trouver comment rembourser dès cette année la dette en partie reconstituée en 2007, et surtout améliorer la budgétisation initiale des crédits. À ce titre, le projet de loi de finances pour 2008 comporte de réelles avancées s’agissant de l’aide médicale de l’État, de l’allocation aux adultes handicapés ou encore de l’allocation de parent isolé, que le prochain budget pluriannuel ne manquera pas d’amplifier.

L’exécution budgétaire permet de tirer les premiers enseignements de l’application de la LOLF. La mise en réserve d’une partie identifiée des crédits en début d’année donne davantage de visibilité aux gestionnaires, tout en libérant des marges suffisantes pour affronter les aléas de gestion. Les ministères ont prouvé qu’ils savaient tirer parti de cette souplesse de gestion en redéployant des crédits pour financer leurs besoins nés en cours d’exécution. Certes, la fongibilité asymétrique a été restreinte à 300 millions au lieu de 400 millions en 2006 mais, à l’avenir, elle prendra toute son ampleur pour récompenser les efforts de gestion.

J’en viens aux recettes, supérieures de 150 millions aux prévisions du collectif budgétaire, parmi lesquelles plusieurs tendances contraires se dessinent. D’une part, l’heureux écart de 1,2 milliard entre la prévision et le résultat de la recette non fiscale peut surprendre ; il est surtout dû au versement par la SNCF d’une soulte de 640 millions en contrepartie de la reprise de la dette du SAAD. Cette utile clarification des relations entre l’État et la SNCF met la réalité en conformité avec le droit.

D’autre part, le prélèvement sur recettes est supérieur de 600 millions aux prévisions du collectif et les moins-value sur les recettes fiscales sont limitées à 500 millions. Voilà qui montre combien les recettes ont bien résisté à la dégradation de la conjoncture. En effet, la plus-value de l’impôt sur les sociétés par rapport à la loi de finances initiale atteint cinq milliards, soit 270 millions de moins que les prévisions du collectif. Le produit du dernier acompte, en ligne avec les prévisions, est un signe encourageant de la bonne santé de nos entreprises en dépit du contexte difficile. La recette nette de la TVA dépasse même de 400 millions la prévision du collectif.

En revanche, l’impôt sur le revenu accuse une baisse de 1,5 milliard par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Le mitage de cet impôt dynamique soulève la question récurrente du coût croissant des crédits d’impôt, qui en amputent l’assiette. De même, nous ne pouvons plus éluder le problème de l’inflation de la dépense fiscale, sœur jumelle de la dépense budgétaire.

Je salue le travail des administrations qui ont élaboré le volet comptable de ce projet de loi. Il présente des résultats qui sont le fruit d’un an d’efforts considérables, qui ont permis de consolider nos acquis après le big bang de la LOLF, et d’améliorer la qualité de l’information financière. La Cour des comptes y a contribué, puisque 90 % de ses recommandations ont été adoptées par les ministères qui, de ce fait, ont beaucoup enrichi leurs opérations enregistrées au bilan et les informations portées en annexe. Ainsi, les immobilisations sont mieux recensées et valorisées. L’actif de l’État a été réévalué à 555 milliards, contre 534 en 2006, et la valeur des participations de l’État a été revue à 159 milliards, compte tenu de leur bonne santé financière. Par ailleurs, d’importants travaux ont été lancés pour mieux identifier les provisions et les dettes non financières de l’État, dont le passif est ainsi revu à la hausse à 1 211 milliards.

La Cour a reconnu les progrès réalisés et a levé trois des treize réserves qu’elle avait émises l'an dernier. Elle en a toutefois introduit de nouvelles, mais qu'elle qualifie de non substantielles. Cette certification des comptes, avec une réserve en moins par rapport à l'année dernière, doit nous encourager à poursuivre nos efforts. Le chantier comptable est d’ailleurs loin d'être achevé et nous nous sommes engagés auprès de la Cour à le poursuivre, avec l’ensemble des ministères gestionnaires et avec son appui, pour parvenir à la levée des réserves.

La dégradation du résultat comptable, soit moins 41,4 milliards contre moins 31,6 en 2006, mérite des explications. D’aucuns s’en prévalent en effet pour contester la réalité de l'amélioration du déficit budgétaire. Mais la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes fin 2005 et début 2006 brouille les comparaisons : le produit des cessions représente les trois quarts de l'écart de résultat. Le reste n’est pas significatif et les tentatives de rapprochement avec le déficit budgétaire sont difficiles, les notions de provision et d’amortissement étant totalement absentes de la comptabilité budgétaire.

Au-delà des comptes, le véritable enjeu du projet de loi de règlement porte sur la mesure de la performance de l’action publique. Avec la LOLF, le Parlement a voulu faire de la loi de règlement un moment de vérité budgétaire où le Gouvernement rend compte de sa gestion ministre par ministre. Nous avions quelque peu manqué le premier rendez-vous l’an dernier, qui était vraiment trop proche des échéances électorales, mais votre Assemblée a organisé cette année l’audition de dix ministres en commission élargie. Trois viendront s’expliquer en séance publique. Il vous appartient de distribuer les bons et mauvais points. Pour ma part, je voudrais vous livrer quelques considérations que m'inspirent les rapports annuels de performances.

D’abord, il semble que les difficultés de démarrage soient assez largement derrière nous. L'exercice 2006 avait été marqué par l’adaptation à la LOLF. Nous sommes désormais sortis de cette période de rodage. Ensuite, la démarche de performance est mieux intégrée. C’est un changement culturel important pour l’administration : il ne s’agit plus de vanter un taux de consommation de crédits de 99 %, mais de conforter une stratégie. Enfin, l’analyse des indicateurs de performance est satisfaisante. Tous les objectifs n'ont évidemment pas été atteints mais le bilan global est positif. Sur l’ensemble des indicateurs de performance qui peuvent être exploités, 60 % ont été réalisés, 20 % traduisent des progrès significatifs sans être à la hauteur des objectifs fixées et 20 % ne traduisent pas de réelle amélioration. Cette répartition était la même l’an dernier, mais seulement 50 % des indicateurs avaient été analysés, contre 80 % cette année.

La démarche de performance qui est au cœur de la LOLF vise à donner une traduction concrète des politiques publiques. C'est une avancée majeure qui intéresse le citoyen, le contribuable, l'usager. Pour ne prendre qu’un exemple, dans la mission Justice, les objectifs de baisse des crimes et délits et d'élucidation des affaires ont été dépassés et l’amélioration des poursuites du parquet correspond aux prévisions. Cette recherche de résultats va de pair avec la maîtrise de la dépense publique. Il est possible de faire mieux au bénéfice des Français à moindre coût pour le contribuable. Certains bilans stratégiques font d'ores et déjà ressortir le souci d'une meilleure efficacité de la dépense. La réduction des effectifs n'est pas inconciliable avec l'amélioration des résultats. L'exercice se solde par une suppression de 15 500 ETPT, au lieu de 9 500 en 2006. Nous pouvons encore faire mieux en matière de qualité, d’organisation et de productivité du service public. La révision générale des politiques publiques nous y aidera, je le vois chaque jour dans les négociations préparatoires au budget pour 2009. En attendant son examen à l’automne, je vous donne rendez-vous dans les prochains jours pour débattre des orientations de nos finances publiques de 2009 à 2011 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – C’est donc la deuxième fois que nous examinons en mode LOLF l’exécution du budget de l’année écoulée. L’an dernier, dans les jours suivant les élections législatives, nous n’avions pas pu tirer parti de l’extraordinaire richesse d’informations que nous donne la LOLF. Cette année, nous avons fait un très gros effort, et j’en remercie tous les rapporteurs, en organisant neuf commissions élargies où les ministres ont fait part de leurs résultats de gestion. Tout à l’heure, nous examinerons en séance les rapports annuels de performance de trois missions : transport aérien, santé et administration générale et territoriale. Cette évaluation de l’action du Gouvernement fait totalement partie de nos missions. On n’insistera jamais assez : c’est bien de voter le budget, mais encore mieux de contrôler si l’exécution a été conforme et les objectifs atteints.

La première des grandes caractéristiques de la gestion 2007 est que les dépenses ont diminué en volume : elles ont augmenté moins vite que l’inflation. C’est du jamais vu. Ensuite, l’évolution des recettes, en particulier fiscales, a été plutôt favorable malgré les allégements d'impôts. Il est vrai que le taux de croissance, à 2,2 %, n’a pas été si mauvais que cela. Enfin, le déficit est inférieur de 3,5 milliards à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Mais il faut rester lucides : le déficit de l’État est malheureusement reparti à la hausse en exécution, de 2,7 milliards à périmètre constant. Par ailleurs, l’excédent primaire, qu’on obtient lorsqu’on fait table rase du passé et qu’on met de côté les intérêts de la dette, ne dégage qu’un très léger excédent de 900 millions, contre 2,7 milliards en 2006. Enfin, la dette publique – État, sécurité sociale et collectivités locales – est passée de 63,6 % à 63,9 % du PIB. Nos finances publiques restent donc très fragiles.

Sur le plan des effectifs, les plafonds d’emplois n’ont bien sûr pas été atteints, puisqu’ils avaient été surdimensionnés, et la diminution de 25 000 emplois équivalent temps plein ne signifie rien. Les effectifs réels montrent une diminution de 15 000 ETPT par rapport à 2006, conforme aux prévisions. Pour 2008, l’objectif est de 18 000. En revanche, l’usage de la fongibilité asymétrique, c’est-à-dire de la possibilité pour les gestionnaires de programme d’utiliser des crédits de personnel pour d’autres types de dépenses, informatiques par exemple, a régressé. C’est pourtant une notion très intéressante. Lorsque les masses salariales auront été exactement calibrées, ce qui devrait prendre deux ou trois ans, Bercy devra instaurer une relation de confiance avec les gestionnaires de programmes pour que cette fongibilité joue pleinement.

En ce qui concerne les dépenses, la norme est parfaitement respectée. Les dépenses ont diminué en volume de 0,7 point, et ont donc augmenté moins vite que l’inflation. J’en rends hommage au Gouvernement. Pour réaliser cette excellente performance, la gestion infra-annuelle de toute l’année 2007 a été marquée par l’absorption des crédits de report, déjà très réduits par rapport aux années précédentes, et surtout par une régulation budgétaire très raisonnable.

On dit souvent que la régulation budgétaire remet en cause le vote des crédits. Il n’en est rien, puisque les trois quarts des crédits gelés ont été « rendus » aux gestionnaires concernés en cours d’année. Par ailleurs, les annulations de crédits ont uniquement servi à des redéploiements au bénéfice de missions insuffisamment dotées.

J’en viens aux recettes et, à ce sujet, je me dois de vous dire ma grande préoccupation. D’un exercice à l’autre, les recettes ont, par progression spontanée et à structure fiscale constante, augmenté de plus de 20 milliards. À quoi avons-nous consacré ces 16 milliards de recettes fiscales supplémentaires et ces 4 milliards de recettes sociales supplémentaires ? Pour 12 milliards à la baisse des impôts ; pour 1,7 milliard à celle des cotisations sociales ; pour 5,5 milliards à la hausse des dépenses du budget ou de celles qui ont été transférées aux opérateurs ; et pour un milliard seulement à la réduction du déficit. Un milliard seulement ! Voilà ce qui me préoccupe tant. Si, comme je vous l’ai indiqué, les choses rentrent progressivement dans l’ordre s’agissant de la dépense, il nous reste à protéger impérativement nos recettes.

Que devons-nous privilégier, de la baisse de l’impôt ou de la réduction du déficit ? Depuis des années, j’appelle à ce que l’on fasse notre priorité de la seconde. C’est le choix qu’ont fait nos homologues allemands. M. Migaud et moi-même les avons rencontrés au Bundestag. Confrontés, comme nous le sommes, à des dépenses fiscales qui augmentaient trois à quatre fois plus vite que les crédits normaux, ils sont parvenus, nous ont-ils expliqué, à les canaliser progressivement. Réduire le déficit, c’est retrouver la confiance ; les choses étant désormais assainies pour ce qui concerne les dépenses, nous devons absolument améliorer la gestion des recettes. Vous nous l’avez dit, Monsieur le ministre, le produit de l’impôt sur le revenu, inférieur de 1,5 milliard aux prévisions, est « mité » – mité par l’explosion des crédits d’impôts pour le développement durable, qui s’égrènent au long de toutes sortes de textes étrangers à la loi de finances et sans qu’ils aient fait l’objet d’évaluation, ni a priori ni a posteriori.

Nous souhaitons donc qu’un objectif de dépense fiscale soit fixé dans l’article premier de chaque loi de finances (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). L’exécution du budget 2007 est satisfaisante, mais nos finances demeurent très vulnérables. C’est pourquoi nous devons poser plus fermement le principe que toute réduction d’impôt doit être subordonnée à la baisse du déficit. Lors de l’examen du projet de loi de modernisation des institutions de la Ve République, le Sénat a d’ailleurs adopté l’idée que, pour entrer en vigueur, une dépense, fiscale ou sociale, devrait être validée par la plus prochaine loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale.

Des mesures vigoureuses de ce type ne seraient-elles pas en effet nécessaires ? Je présenterai, au nom de la commission des finances, un amendement qui recoupe celui de MM. Méhaignerie et Bur. Il tend à nous obliger à joindre au projet de loi de finances pour 2009 le récapitulatif de toutes les mesures ayant conduit à des dépenses fiscales votées depuis le 1er janvier 2008 de manière que, en ayant dressé le bilan, nous décidions de leur maintien ou de leur abolition. Un dispositif similaire est proposé pour les dépenses sociales.

En résumé, ce projet montre un petit effort de réduction du déficit et une maîtrise des dépenses. Mais, pour parer à un éventuel retournement de conjoncture, la vigilance la plus grande s’impose pour préserver nos recettes et rétablir ainsi l’équilibre de nos finances publiques en 2012 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Je pensais, en écoutant le Rapporteur général, que s’il appartenait à la majorité (Sourires) bien des choses changeraient dans la gouvernance des finances publiques… M. Carrez est de bon conseil, et je souhaite qu’il soit entendu. D’évidence, le débat budgétaire doit être organisé différemment : il faut cesser de construire chaque année un projet de loi de finances, tournant ainsi la page de l'année précédente sans l'avoir vraiment lue, c'est-à-dire sans avoir analysé en profondeur l'exécution du budget de l'année écoulée, comparé les résultats avec les objectifs affichés ni évalué les politiques publiques.

Cette année, pour la première fois, nous avons examiné l'exécution budgétaire de plusieurs missions, sous la forme de commissions élargies. Le calendrier de la séance publique a rendu la chose malaisée et, si l’on veut vraiment que la loi de règlement soit un moment essentiel du débat budgétaire, il faudra à l’avenir « sanctuariser » des journées réservées aux commissions élargies. Ces réunions ont donné lieu, dans la plupart des cas, à des échanges très satisfaisants, approfondis et directs entre ministres et députés, notamment les Rapporteurs, spéciaux et pour avis, sur la base des rapports annuels de performance, dont nous suivons l'évolution de près. La formule doit donc être conservée et amplifiée.

Notre discussion porte donc sur le passé – l'exercice 2007 – mais dans une perspective d'avenir puisqu'elle sera suivie prochainement du débat d'orientation budgétaire qui devra tirer les enseignements de ce qui a été fait, pas fait ou mal fait, et de ce que l'on connaît de l'exercice en cours pour fixer les orientations du prochain budget. Sur l’exécution du budget 2007, la commission a entendu le premier président de la Cour des comptes, le ministre du budget et des comptes publics et elle a lu le rapport du Rapporteur général. Le moins que l’on en puisse dire est que les points de vue sont contrastés…

Nous éprouvons encore des difficultés à choisir entre les comparaisons possibles : solde en exécution avec les prévisions de la loi de finances initiale, ou avec le solde de l'année précédente – les calculs n'étant, dans ce cas, pas les mêmes selon que l’on tient compte de régularisations de dépenses, de recettes exceptionnelles ou de reports de charges. Nous avons bien un référentiel comptable, mais il nous manque le référentiel budgétaire qui permettrait de comparer de manière certaine un exercice et le suivant.

Mais là n'est pas le plus important : quels que soient les termes de comparaison retenus, les soldes n’évoluent pas favorablement. En 2007, le déficit représentait 2,7 % du PIB contre 2,4 % en 2006, la dette publique s'élevait à 63,9 % du PIB fin 2007 contre 63,6 % fin 2006, et la charge de la dette était plus élevée de 855 millions. Il est vrai que la situation internationale s'est dégradée en 2007, mais les performances des autres États de la zone euro sont meilleures que les nôtres. La situation de la France n'est intrinsèquement pas bonne et sa position, dans la zone euro, ne l'est pas non plus : elle a rétrogradé de la onzième à la quatorzième place – sur quinze – en termes de déficit public mais elle a progressé, si l'on ose dire, de la huitième à la cinquième place pour ce qui est de l’ampleur de sa dette publique. Son taux de croissance qui, à 2,2 %, est conforme à vos prévisions, a toutefois été inférieur à la moyenne de la zone euro, qui s’établit à 2,6 %. Si l'on s'intéresse aux composantes de cette croissance, on constate qu'en Allemagne, elle est essentiellement due à l'investissement des entreprises et aux exportations, alors que le facteur déterminant de la croissance française est la consommation des ménages, ce qui ne laisse pas d'inquiéter au vu de l'inflation et de la stagnation du pouvoir d'achat.

En résumé, malgré une croissance de 2,2 %, dans la moyenne des dix dernières années, la France ne parvient pas à sortir du rouge. Pourquoi ? Comme le relève la Cour des comptes, l'augmentation de son déficit trouve son origine dans l'insuffisante maîtrise de la dépense publique couplée à la diminution des prélèvements obligatoires.

En 2007, la hausse spontanée des recettes de l'État a été de 20 milliards, qui s’expliquent pour 16,4 milliards par les recettes fiscales nettes, 3 milliards par les recettes non fiscales et par un prélèvement sur recettes destiné au budget européen en baisse de 500 millions. À quoi les marges de manoeuvre ainsi dégagées ont-elles été utilisées ? Dans un contexte difficile, l'échéance de 2010 pour un retour à l'équilibre des finances publiques ayant été abandonnée alors que la France allait assumer dans quelques mois la présidence du Conseil de l'Union européenne, 12 milliards ont été affectés à des baisses d'impôts, dont 4,4 milliards dus à la modification du barème de l'impôt sur le revenu décidé en loi de finances pour 2006 et 1 milliard pour les mesures adoptées dans la loi TEPA. Était-ce opportun ? Le rapport Pebereau ne recommandait-il pas de ne pas diminuer les prélèvements obligatoires tant que la situation de nos finances publiques ne serait pas assainie ?

Ma deuxième observation concerne les relations entre l’État et la Sécurité sociale. Vous avez proposé, Monsieur le ministre, l'apurement de la dette constatée fin 2006, et un versement de 5 milliards a été fait au régime général. Cette démarche de clarification et de sincérité budgétaire a été saluée par la commission des finances, mais la dette se reconstitue : nous en sommes, selon les estimations, à 1,7 milliard ou 2,5 milliards, auxquels il faut ajouter 1,5 milliard dû aux autres organismes de sécurité sociale. Quand allons-nous être en mesure de régler définitivement ce problème ?

Dernière observation : le poids sans cesse accru des dépenses fiscales. En s'en tenant au seul impôt sur le revenu, elles auront augmenté entre 2006 et 2008 cinq fois plus que les crédits de paiement des missions auxquelles elles se rattachent – 7,4 % contre 1,4 %.

Vous savez, Monsieur le ministre, l'attention que la commission des finances, tous groupes confondus, porte à ce sujet. Il n'est pas possible, tant sur le plan de l'équité fiscale que pour la santé de nos finances publiques, de continuer à amputer ainsi nos recettes. Je retire de notre déplacement en Allemagne le même enseignement que le rapporteur général : nos partenaires ont la ferme volonté de limiter les dépenses fiscales et préfèrent agir par le biais de subventions. Mais pour suivre cet exemple dans notre pays, sans doute faudrait-il réformer le circuit de décision et d’affectation de ces subventions.

Le Sénat a voté un amendement au projet de révision constitutionnelle, tendant à ce que toute mesure d'exonération fiscale ou sociale soit, pour entrer en vigueur, validée par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale.

M. Charles de Courson – Excellent amendement !

M. Didier Migaud, président de la commission – J’y suis tout à fait favorable ; en attendant, Gilles Carrez et moi-même avons fait adopter par la commission des finances un amendement au projet de loi de règlement tendant à ce que des annexes aux projets de loi de finances ou de financement récapitulent les dispositions fiscales ou relatives aux cotisations sociales adoptées depuis les précédentes lois de finances ou de financement, avec l'indication de leur effet sur les recettes de l'État, collectivités territoriales ou autres bénéficiaires. Pierre Méhaignerie et Yves Bur ont cosigné un amendement identique. L’objectif est de donner au législateur l'information dont il a besoin pour se prononcer sur la validation de ces mesures ; cela va dans le sens des préconisations des missions d'information qui viennent de rendre leurs conclusions.

Enfin, à la suite de la Cour des comptes, je fais le constat que la France, à la différence de plusieurs de ses voisins, n’a pas profité de la croissance européenne des années 2006-2007 pour redresser sa situation financière. Comment parviendra-t-on à l'équilibre des comptes en 2012 – engagement pris dans le cadre du programme de stabilité ? Je ne suis pas très optimiste là-dessus, mais nous en reparlerons à l’occasion du débat d’orientation budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC).

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Jean-Pierre Brard – S’il y avait un ministère de la lutte contre la morosité, vous auriez vos chances, Monsieur le ministre ! Avec vous, tout va bien… La réalité est un peu différente pour les Français qui tirent le diable par la queue dès le 10 ou le 15 de chaque mois.

Des sous, il y en a, pourtant : le rapporteur général l’a dit, il y a eu 20 % de recettes « spontanées », tombées du ciel en quelque sorte !

M. le Rapporteur général – Non, 20 milliards !

M. Jean-Pierre Brard – Ces recettes supplémentaires, vous en avez fait un fort mauvais usage. Nos concitoyens veulent savoir ce qu’il y a derrière le rideau de fumée de notre jargon : plutôt que d’entendre parler de fongibilité asymétrique ou de zéro volume, ils aimeraient que votre politique leur permette d’acheter dans les magasins…

Cette première loi de règlement de la législature est l'occasion de mesurer l'ampleur des dégâts de la politique économique et financière décidée par le Président de la République – qui, en violation de la Constitution, décide de tout –, marquée par l’aggravation de l'injustice fiscale, l’accroissement des cadeaux aux plus riches, la dégradation des moyens des services publics et la paupérisation de l'Etat.

La loi TEPA, premier texte emblématique, dicté par vos dogmes les plus chers, va plomber durablement les finances de l'Etat. En 2007, elle a affecté les finances publiques à hauteur de 1,6 milliard selon la Cour des comptes, mais elle se traduira en année pleine par une ponction de 15 milliards. L'État ne compensant que très partiellement les exonérations et allégements de charges sociales, les régimes sociaux vont voir leurs déficits se creuser ; cela vous sert déjà de prétexte pour prendre des mesures de rigueur comme les franchises médicales.

Les allégements et exonérations, tant fiscales que de cotisations sociales patronales, consentis aux entreprises dépassent 65 milliards. La Cour des comptes a relevé que les allégements de cotisations sociales avaient très peu d'effets sur l'emploi et posaient le problème de l'équité du financement de la protection sociale. Ces aides sont concentrées sur certains secteurs en forte croissance comme la grande distribution, dont l'examen de la loi de modernisation de l'économie a permis de mettre en relief quelques turpitudes et pratiques anti- concurrentielles. La Cour a souligné que ces allégements avaient pu avoir un effet d'aubaine pour certains secteurs, alors que les industries manufacturières, plus exposées à la concurrence internationale et aux délocalisations, en ont peu bénéficié. Outre qu’elles sont coûteuses, ces mesures sont donc largement inefficaces.

Ce constat est confirmé par l'examen des niches fiscales et sociales auquel notre Assemblée a procédé, qui fait apparaître un coût annuel de 68 milliards pour les premières et de 50 milliards pour les secondes. Les niches fiscales sont particulièrement profitables aux plus hauts revenus. Plusieurs milliers de foyers fiscaux privilégiés sont ainsi exonérés ou quasi-exonérés de l'impôt sur le revenu, ou parfois même bénéficient d'une restitution de la part du Trésor public – je ne vais pas reparler de la riche héritière des Galeries Lafayette. Il y a, comme le souligne le rapport de la mission d’information, une véritable « régressivité » de l'impôt par le jeu des réductions et crédits d'impôt – alors que la progressivité est la marque d’une fiscalité juste.

Du côté des niches sociales, de nombreux avantages sont exclus de l'assiette des prélèvements – par exemple les parachutes dorés et les actions gratuites. Là encore, la tendance est à l'extension des niches, malgré les promesses gouvernementales.

L’année 2007 a donc été marquée par l’amplification de la redistribution inversée, engagée dès 2002 et consistant à taxer toujours plus le plus grand nombre afin de financer les cadeaux aux plus riches. Cette logique a de beaux jours puisqu’il est question d’assujettir les chèques-restaurant aux cotisations sociales.

Il y aura eu au moins un compatriote qui, en 2007, n’aura pas ressenti les effets de cette rigueur, c’est le Chef de l’État : outre l’augmentation de son traitement, les dépenses d’installation et de réparations ont progressé de 53 %, après la réalisation d’un audit architectural fort opportun, cependant que les effectifs étaient en hausse. Pour ce qui est des économies, on a réduit de 20 % l’enveloppe destinée aux cadeaux pour les enfants du personnel et décidé que les pots de départ ne seraient plus financés par le Palais. Emmanuelle Mignon aura sans doute remplacé le jus d’orange par de l’eau bénite…

M. Jérôme Chartier – N’importe quoi !

M. Jean-Pierre Brard – Vous ne la connaissez pas.

M. Jérôme Chartier – Oh si, très bien !

M. Jean-Pierre Brard – La politique de cadeaux fiscaux est aussi financée par des cessions d’actifs immobiliers et financiers de l’État. Les variations des immobilisations financières de l’État en 2007 ont baissé de 268 millions, ce qui s’explique par la cession de titres EDF pour 475 millions, que vous avez tenté de justifier en annonçant son affectation aux universités. Le produit des participations de l’État dans les sociétés et établissements publics industriels et commerciaux est en baisse de près de 9 milliards, le taux de rendement moyen est passé de 6,46 % à 5,55 %.

Monsieur le ministre, cela n’est même pas une gestion de bon père de famille !

M. Charles de Courson – À la veille de la présidence française de l’Union, l’examen du règlement définitif du budget 2007 nous montre les erreurs à ne plus commettre pour respecter les engagements pris par le Président de la République devant l’Eurogroupe.

La situation de la France est inquiétante : la dépense brute de l’État augmente trop rapidement ; les prélèvements obligatoires continuent d’augmenter ; le déficit ne se réduit que très faiblement ; la dette publique continue de croître.

Le groupe Nouveau Centre se sent d’autant plus libre qu’il avait voté – à raison – contre la loi de finances initiale pour 2007. On nous avait dit que la gestion serait rigoureuse, mais le précédent gouvernement a recouru à des mécanismes de dissimulation de la dépense, permettant d’avancer une augmentation de 0,8 %, alors qu’elle était en réalité de 2,9% à périmètre constant.

Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales passent de 48,2 milliards à 49,6 milliards. On ne peut poursuivre à ce rythme, tandis que les prélèvements pour l’Union, qui avaient baissé entre 2006 et 2007, repartent pour une augmentation continue jusqu’en 2009.

Les remboursements et les dégrèvements sur les impôts locaux connaissent une extraordinaire augmentation, pour atteindre 13,5 milliards en 2007 et cette évolution s’aggravera en 2008. Quant aux remboursements et aux dégrèvements sur impôts d’État, on est passé de 62,4 milliards en LFI 2007 à 67,5 en exécution. C’est un bond, dû en partie à la PPE. La Cour des comptes l’a dit, l’imputation en prélèvement sur recettes de la PPE est une monstruosité, dans la mesure où 80 % des bénéficiaires ne sont pas imposables : il faut donc la rebudgétiser comme dépense. Par ailleurs, il y a une augmentation très supérieure aux prévisions d’un certain nombre d’impôts, notamment la TVA, qu’il faudra examiner de plus près.

Il convient aussi de prendre en compte les débudgétisations de dépenses financées par des affectations de recettes de l’État à des organismes tiers. Le Crédit foncier a ainsi financé à la place de l’État les primes dues aux banques lors de la clôture des plans d’épargne logement, soit 600 millions environ.

La Cour critique aussi le montage financier utiliser pour régler une partie des dettes de l’État envers la sécurité sociale. M. le ministre, contrairement à ses prédécesseurs, a fait l’effort de payer ses dettes. Les 5,1 milliards en question ne sont pas afférents à l’exercice 2007, mais aux exercices précédents jusqu’en 2002 ; seules les dettes dues au titre de l’exercice 2007 – 2,5 milliards – devraient être ajoutées à la dépense de l’État.

Des recettes sont aussi directement affectées à des opérateurs, à charge pour eux de financer des dépenses jusqu’alors supportées par le budget général. Si l’on ne consolide pas les comptes – dans le cas de l’AFITF par exemple – on ne peut pas comprendre de combien évolue la dépense de l’État et de ses satellites.

M. Michel Bouvard – Tout à fait.

M. Charles de Courson – Par ailleurs, il faut intégrer dans la norme d’évolution de la dépense les crédits inscrits au titre des budgets annexes, des fonds de concours et des comptes spéciaux du trésor. Monsieur le ministre, que pensez-vous de l’AFITF qui s’endettait et rétrocédait sous forme de fonds de concours au budget de l’État pour financer les crédits routiers ?

Enfin, il faut prendre en compte les dépenses fiscales. Je m’étonne que le rapporteur n’ait pas insisté davantage sur ce sujet très grave. Entre 2002 et 2007, nous sommes passés de 50 à 73 milliards de dépenses fiscales. L’écart entre l’estimation et le montant effectif des mesures nouvelles est considérable : 6,8 milliards dans la loi de finances initiale ; 10,7 milliards dans la loi de règlement.

Ces écarts sont principalement dus au crédit d’impôt développement durable – 0,9 milliard de dérapage – au crédit d’impôt garde d’enfants à domicile – 0,5 milliard – au crédit d’impôt recherche, à la PPE – 1 milliard. La loi TEPA a un coût encore limité, de 1,1 milliard.

Enfin, il convient de prendre en compte les sous-budgétisations chroniques, comme les opérations militaires extérieures – qui représentent 685 millions en exécution alors que 375 millions seulement avaient été budgétisés – le fonds national de garantie des calamités agricoles ou encore l’aide médicale d’État. À chaque fois, il est difficile de redéployer pour financer ces dépenses.

Les recettes fiscales et non fiscales ont, quant à elles, fortement augmenté. Selon la Cour des comptes, à périmètre constant, les recettes fiscales nettes sont passées de 267,9 milliards en 2006 à 284,3 milliards en 2007, soit une hausse supérieure à 6 %. Les recettes non fiscales ont également progressé de 3,5 milliards. Quant aux recettes exceptionnelles, qui se sont élevées à 6,6 milliards en 2007, elles ne pourront être indéfiniment dégagées : les munitions s’épuisent ! Sans reprendre le détail, je souligne aussi la hausse des acomptes – ceux de l’impôt sur les sociétés ont ainsi rapporté des sommes bien plus importantes que prévu, comme nous l’avions d’ailleurs annoncé à votre prédécesseur. Mais c’est un fusil à un seul coup !

Le déficit de l’État, enfin, croît de façon importante : la loi de finances initiale prévoyait pour 2007 un déficit de 42 milliards d’euros – nous finissons à 38,4 milliards, mais hors produit de cession des titres EDF. En réalité, le déficit est supérieur aux prévisions. C’est dire les efforts que doit fournir le ministre actuel pour revenir à l’équilibre budgétaire !

Le résultat patrimonial, négatif de 31,6 milliards en 2006 et de 41,4 milliards en 2007, se dégrade fortement : en effet, certaines opérations, considérées comme des recettes, n’en sont pas en terme de patrimoine. Le groupe Nouveau Centre souhaite un meilleur respect du principe de sincérité budgétaire ; il ne faut pas faire croire que la situation est bonne quand elle ne l’est pas. À la fin de l’année 2007, les actifs de l’État s’élevaient à 555 milliards, en progression de 21 milliards ; mais le passif a augmenté de 84 milliards, passant de 1127 milliards à 1211 milliards. Monsieur le Ministre, vous êtes le ministre des comptes d’un État dont la situation nette est négative, et cela de 656 milliards, soit 63 milliards d’augmentation ! C’est énorme.

M. le Président – Vous avez dépassé votre temps. Veuillez conclure.

M. Charles de Courson – La loi de règlement montre une nouvelle fois que le précédent Gouvernement n’avait pas réussi à maîtriser la dépense. Pour atteindre l’objectif de rééquilibrage des comptes en 2012, il faudra un effort considérable ; en 2007, la dépense a continué à déraper, et nous n’avons pas redressé les finances publiques. Le changement s’amorce seulement dans le budget 2008. Le groupe Nouveau Centre avait voté contre le projet de loi de finances 2007 ; parce qu’il partage largement les réserves dont la Cour des comptes a assorti sa certification, mais aussi pour les raisons déjà évoquées – dérapage des dépenses, hausse des prélèvements obligatoires, trop faible réduction du déficit, augmentation de la dette –, et enfin en raison des déclarations du Président de la République devant l’eurogroupe, il s’abstiendra lors du vote de cette loi de règlement. Ce que nous souhaitons, c’est une politique budgétaire de rupture, telle que le Président de la République l’a préconisée (exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR).

M. Jérôme Chartier – Après avoir entendu les orateurs précédents, j’avoue mon souhait d’un retour, comme l’avait préconisé un ancien entraîneur de football, aux fondamentaux. Qu’est-ce en effet qu’une loi de règlement ? Ce n’est pas seulement la photographie du passé, l’énonciation de chiffres issus d’une comptabilité rigoureuse. C’est le reflet de choix politiques – en l’occurrence, ceux d’une majorité politique décidée, avec le Président de la République, le Premier ministre, et le Ministre des comptes publics Éric Woerth, à mettre le travail au centre de toutes les priorités. Au cours de l’année 2007 ont été engagées plusieurs dizaines de réformes, non pas pour tenter de redresser la conjoncture – annoncée comme délicate, mais qui se révèle meilleure que prévu, mais pour entreprendre des réformes de fond. Nous avons placé le travail au centre des enjeux politiques et économiques : « travailler plus pour gagner plus » est ainsi devenu une réalité pour tous les Français, et en particulier un excellent réservoir de pouvoir d’achat pour les ouvriers les plus modestes qui effectuent des heures supplémentaires. Un seul chiffre : plus de six millions de salariés ont désormais recours aux heures supplémentaires, soit une augmentation de 20 % si l’on prend en compte l’année de référence 2005. Ce sont plusieurs milliards d’euros qui sont ainsi distribués aux plus modestes.

Le Parti socialiste n’a cessé de fustiger et de caricaturer la loi Travail, emploi, pouvoir d’achat, en la surnommant « paquet fiscal » et en prétendant qu’elle offrait aux riches un cadeau de 15 milliards – Monsieur le Ministre, vous avez d’ailleurs à plusieurs reprises expliqué combien c’était faux. Sans revenir sur les arguments qui ont permis de détruire ce raccourci fallacieux, je souligne seulement que le « bouclier fiscal » a bénéficié, à 84 %, à des Français dont le revenu est inférieur à 45 000 euros par an. Comment prétendre encore qu’il s’agit d’un cadeau pour les riches, lesquels, au demeurant, en bénéficient, mais pourquoi n’en bénéficieraient-ils pas ?

M. Jean-Pierre Brard – Vous avouez !

M. Jérôme Chartier – Le message tronqué du prétendu cadeau fiscal fait aux riches perd incontestablement de sa vigueur, et la réalité des chiffres apparaît : le « bouclier fiscal » est bien une mesure de justice sociale.

M. Jérôme Cahuzac – Vous êtes un bon petit soldat !

M. Yves Censi – Il est lucide !

M. Jérôme Chartier – Cette loi de règlement concrétise deux années de mise en application de la LOLF – voilà un exemple où le Parti socialiste a su se montrer constructif, en votant avec nous une réforme au service des Français : une réforme pour trouver les marges de manœuvre budgétaires, pour clarifier le débat et améliorer la transparence et l’information financière.

Grâce à la LOLF, nous avons d’une part changé les règles, dans une démocratie soupçonnée d’immobilisme : nous avons modifié l’une des lois essentielles de la Ve République, l’ordonnance du 2 janvier 1959, et ainsi fait évoluer l’esprit des institutions qui privaient le Parlement de toute latitude d’action sur les finances publiques, en réaction au parlementarisme non rationalisé de la IVe République. Nous avons d’autre part répondu à l’attente des Français, qui veulent savoir ce que nous faisons de l’argent public – que l’on devrait appeler l’argent du public. Car s’il n’a pas d’odeur, celui-ci a bien une origine : c’est la poche des Français et des entreprises de France, qui veulent légitimement savoir ce qui est fait de leur impôt. Pour la deuxième année consécutive, les rapports annuels de performance marquent les premiers pas du long chemin d’une meilleure information : car si la gestion publique a toujours été transparente, le public en était mal informé. Désormais le grand public, s’il souhaite s’y intéresser, peut être informé.

Les Français attendent des résultats concrets. La majorité y travaille, parfois avec l’opposition. Une loi de règlement ne règle pas tout, il faudra encore beaucoup de lois pour atteindre notre objectif : résorber le déficit budgétaire en 2012. Comme le disait M. Gilles Carrez, les initiatives parlementaires ne seront pas de trop. Le groupe UMP salue le travail accompli par le ministre et par la commission des finances ; il votera en faveur du projet de loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC).

M. Jérôme Cahuzac – La loi de règlement n’est pas l’occasion de refaire les lois de finances, initiales ou rectificatives, mais l’occasion pour le Parlement de demander des comptes au pouvoir exécutif, de vérifier que les choix de celui-ci et les votes de celui-là ont été respectés. Mes remarques diffèreront donc de celles des orateurs précédents. Le chiffre officiel du déficit budgétaire pour 2007 est donc de 34,7 milliards ; mais ce n’est pas ce chiffre qu’il faut commenter, puisqu’il convient de lui ajouter le produit de la cession des actions EDF, ce qui donne un déficit budgétaire de 38,4 milliards d’euros. Je salue, Monsieur le ministre, votre décision de commenter ce second chiffre ; j’y vois un effort de transparence et de lucidité. Le solde primaire est donc d’1,2 milliard d’euros : cela permet d’affirmer que les charges courantes n’ont pas été financées par l’emprunt, pas plus que la charge de la dette.

Je crois toutefois qu’il faut y regarder de plus près. Il y a d’abord les impayés, ce qui est vrai chaque année : se crée ainsi un report d’une année sur l’autre, souvent comparable. On peut toutefois s’étonner de trouver ici – outre les 2,6 milliards d’euros au titre de la défense nationale, déjà soulignés – 500 millions d’euros d’impayés pour la politique de la ville ; près de 540 millions pour le ministère de l’agriculture ; et 720 millions au titre de l’outre-mer – notons que, lors de la commission élargie, M. Yves Jégo a élaboré un concept nouveau en finances publiques : celui de dettes virtuelles, opposées aux dettes réelles ; en tant que rapporteur spécial pour l’outre-mer, je m’efforcerai d’éclairer ce concept, dont j’ignore, Monsieur le ministre, s’il a été élaboré par vos services. Au total, ce sont 7,3 milliards d’euros qui devront être imputés au budget 2008.

Il y a ensuite les recettes exceptionnelles, dont chacun sait qu’elles ne dureront pas toujours. Vous l’avez d’ailleurs reconnu devant la commission des finances, Monsieur le ministre : votre stock de fusils à un coup tend à s’épuiser…

Si la Coface apporte une contribution de 400 millions d’euros en 2007, ce n’est pas tant pour respecter ses propres règles prudentielles que parce que l’État en a besoin. Quant au versement de 900 millions effectué par Autoroutes de France sous forme d’acompte sur dividendes pour l’année 2008, je constate avec regret que le décalage temporel se poursuit.

À cela s’ajoutent 3,7 milliards d’euros produits par la cession de 2,5 % du capital d’EDF. Sur ce point, je rappelle que l’État aurait pu obtenir 160 millions d’euros de plus si le Président de la République n’avait pas annoncé l’opération avant qu’elle soit réalisée. La chute du cours des actions nous a coûté l’équivalent du prix de l’avion d’occasion qui devrait permettre au Président de voyager plus confortablement,… ce qui apaisera peut-être la frénésie de communication qui a privé nos universités de sommes qui leur auraient pourtant été fort utiles.

Le plus ennuyeux toutefois, ce n’est pas tant le montant des impayés ou des recettes exceptionnelles que l’absence de certains comptes dans ce budget. S’agissant des 5,1 milliards d’euros de remboursement de dette à l’égard de la Sécurité sociale, je pense qu’il aurait fallu budgéter cette somme sur plusieurs années. Comme l’a déjà indiqué notre collègue Michel Bouvard, certaines des dettes concernées sont très anciennes. Je serais donc enclin à partager votre analyse plutôt que celle de la Cour des comptes. Mais, en vertu précisément du même raisonnement, il aurait fallu prendre en compte les 2,5 milliards de dette de l’État à l’égard du régime général de la sécurité sociale. Si on ajoute à cela les 145 millions d’euros dus au titre des autres régimes ainsi que l’autorisation de déficit de 3,3 milliards accordée au Crédit foncier de France pour financer les primes dues à l’occasion de la liquidation des plans d’épargne logement, on aboutit à un déficit budgétaire de 41, voire 42 milliards d’euros.

Dans ces conditions, où est l’amélioration par rapport à 2006 ? Il n’y a plus de solde primaire ni de « déficit stabilisant ». Nous avons payé les charges courantes et le remboursement de la dette en nous endettant davantage.

Il était par ailleurs prévu que la caisse de la dette publique rachèterait pour 8 milliards d’euros d’emprunts en 2007. Or il n’en a rien été. Les 5,1 milliards d’euros dont je viens de faire mention ne peuvent être comptabilisés à ce titre. Vous avez dû en prendre acte sur la demande insistante de la Cour des comptes. En ne rachetant pas de dette en 2007, alors que les taux d’intérêt étaient plus bas qu’aujourd’hui, et sans doute que demain, vous avez fait preuve de mauvaise gestion. Vous alourdissez la charge budgétaire et financière du pays.

La situation ne s’améliore pas, je le répète, ce qui d’autant plus inquiétant que la croissance a été conforme à vos prévisions. Avec d’autres, je dois faire amende honorable sur ce point : nous ne croyions pas qu’elle atteindrait 2,2 %. Mais avec une telle croissance, il est inquiétant que les comptes publics se dégradent : le déficit budgétaire passe à 2,7 % du PIB et le stock de la dette augmente bien que la croissance ne s’écarte pas de la moyenne des dix dernières années.

Au cours des derniers mois, nous avons beaucoup débattu des prélèvements obligatoires et de la réduction du temps de travail, objet des foudres de la majorité et du Président de la République. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » a été politiquement payant – la composition de cette Assemblée en témoigne -, mais il y a un gouffre entre les messages politiques et les réalités économiques. Toutes les majorités en ont fait l’expérience.

Considérons les chiffres : la durée moyenne du travail en France est de plus de 39 heures, contre à peine plus de 36 aux États-Unis. Compte tenu du temps partiel, on arrive à 29 heures aux Pays-Bas et à 32 en Grande-Bretagne, comme chez nous.

M. Yves Censi – Mais on peut aller au-delà !

M. Jérôme Cahuzac – C’est précisément l’effet des deux lois que vous avez fait voter, avec le résultat que l’on connaît : le pouvoir d’achat devrait augmenter de seulement 0,9 % en 2008, contre 3,3 % auparavant.

En matière de temps de travail, vous avez sept lois à votre actif en six ans, c’est-à-dire cinq ou six lois de trop. Et je suis bien certain que celle qui se prépare ne sera pas la dernière… Vous chercherez toujours de nouveaux boucs émissaires pour expliquer vos échecs.

Votre deuxième dogme, c’est la réduction des prélèvements obligatoires, que vous avez en effet pratiquée, mais la croissance en a-t-elle profité ? Le pouvoir d’achat a-t-il été amélioré ? On peut en douter, car les baisses de prélèvements concernent essentiellement l’impôt sur le revenu, acquitté par un ménage sur deux seulement. Une moitié des Français n’y a donc rien gagné. On peut en revanche être certain des conséquences de ces mesures sur le déficit et le stock de dettes.

Selon la Cour des comptes, vous avez consenti près de 14 milliards d’euros d’exonérations d’impôts et de charges sociales en 2007, ce qui est probablement beaucoup trop. Je ne peux qu’appuyer Gilles Carrez lorsqu’il demande que l’on ne diminue plus les recettes fiscales tant que le déficit s’aggrave. Hormis l’Italie, nous sommes le seul pays à connaître pareille situation, ce qui affaiblira naturellement la présidence française de l’Union européenne.

Puisque la loi de règlement est une occasion de rendre des comptes au Parlement et plus généralement à nos concitoyens, il faut reconnaître que l’année 2007 ne se termine pas bien : le déficit s’aggrave, alors même que les recettes fiscales augmentent. C’est sans doute que les dépenses sont excessives. Et 2008 commence mal… Si les politiques publiques restent inchangées, les mêmes causes produiront les mêmes effets !

Je suggère donc à nos collègues du groupe UMP de renoncer à leur volonté de réduire les prélèvements obligatoires par principe. Chacun sait que ce n’est pas la panacée. Par ailleurs, nous ferions bien de mener une réflexion plus approfondie et moins dogmatique en matière de temps de travail.

Si ces deux conditions sont remplies, nous aurons peut-être une chance de nous pencher sur des chiffres moins désagréables à l’occasion de la prochaine loi de règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)

M. Didier Migaud, président de la commission des finances – Très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing – Comme en 2006, l’exécution du budget 2007 a fait l'objet d'une certification par la Cour des Comptes. Nos débats présentent un intérêt d’autant plus grand que 2007 fut une année d’élection présidentielle et a vu le début d’une nouvelle législature.

Sur les treize réserves substantielles émises par la Cour des comptes pour l’année 2006, seules trois ont été levées – elles concernent les contrats d'échange de taux pour la gestion de la dette, le réseau routier national et les comptes des pouvoirs publics. Il reste donc dix réserves, relatives aux systèmes d'information financière et comptable de l'État, au dispositif de contrôle et d'audit internes, aux actifs du ministère de la défense, aux comptes de trésorerie, aux produits régaliens, aux immobilisations spécifiques, au compte des procédures publiques gérées par la Coface, à la section des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts et consignations, aux passifs d'intervention, au parc immobilier et enfin à la qualité des comptes des opérateurs.

J’insisterai sur ce dernier point. La Cour a rappelé que le ministère du budget s'était engagé à améliorer de manière systématique cette qualité en lançant plusieurs chantiers de grande ampleur : fiabilisation du parc immobilier, recensement des créances et des dettes vis-à-vis de l'État, généralisation du recours à un info-centre pour accélérer la centralisation des comptes, développement du contrôle interne et signature de protocoles de modernisation comptable et financière. Ces chantiers ont fait l’objet de nouveaux travaux, mais la Cour indique que les lacunes structurelles constatées en 2006 n’ont pas été comblées.

Étant donné donc que dix réserves substantielles ont été reconduites, vous me permettrez sans doute de m’interroger sur la crédibilité de la procédure. Les règles de l'audit vous sont pourtant familières, Monsieur le ministre. Vous savez qu'une entreprise privée ne pourrait durablement poursuivre son activité si son commissaire aux comptes réitérait des réserves sur son bilan.

Quelle est l'efficacité des recommandations émises par la Cour des comptes si elles ne sont pas suivies d'effets ? Peut-on demander à la Cour de se livrer à un exercice purement incantatoire ? Il faut aller plus loin que la simple déclaration annuelle de certification, éventuellement assortie de réserves – et vous aurez compris que, ce disant, ce n’est pas la qualité du travail de la Cour que je mets en cause.

Dans le cadre du projet de réforme des institutions qui nous est actuellement soumis, il me semblerait opportun de doter le Parlement d'un véritable outil de droit de suite. Tel est l’objet d’une proposition de loi que j'ai déposée le 27 mars dernier, et celui d’un amendement au projet de loi constitutionnelle. Afin de donner au Parlement la capacité de se prononcer efficacement sur la conduite des politiques publiques, au-delà du débat de ce soir et des travaux réalisés par les rapporteurs spéciaux, je demande la création d'un office parlementaire d'évaluation et de contrôle.

En effet, quelle institution est mieux placée que le Parlement, aidé par un organisme de contrôle, pour s'assurer que l'État se conforme aux recommandations de la Cour des comptes ? Nous devons renforcer la complémentarité de ces deux institutions. La Cour ne parvient pas à obtenir, à elle seule, les résultats qu'elle demande ; de son côté, le Parlement doit disposer de plus de moyens pour conjuguer les efforts en vue de réduire les déficits et la dette.

La Cour des comptes continuerait à effectuer son travail annuel de certification, tandis que le nouvel office parlementaire, doté de moyens humains plus importants et d’un véritable pouvoir politique incitatif, pourrait agir de façon plus précise et plus réactive. Il pourrait en effet intervenir en tant que de besoin, et non une seule fois par an, dans le cadre du débat de ce soir.

Songez qu’un rapport sur le patrimoine immobilier du ministère de la défense, commandé à la Cour des comptes par M. Méhaignerie, alors président de la commission des finances, n’est arrivé à son successeur qu’un an plus tard ! M. Séguin lui-même souligne combien la coopération entre le Parlement et la Cour des comptes gagnerait à la création d’un comité d’audit parlementaire qui, à l’image de celui qui existe au Royaume-Uni, approfondirait certaines enquêtes et, le cas échéant, proposerait au Parlement d’en tirer les conséquences dans la loi.

La majorité est, autant que le Gouvernement, préoccupée par les réserves substantielles formulées à propos du budget de l’année dernière. Afin de vous aider à les lever en résorbant les déficits et la dette, le Parlement doit disposer de tous les moyens nécessaires. Je ne doute pas que la réforme en cours lui en donne l’occasion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Censi – Le budget de l’enseignement scolaire, dont je suis le rapporteur spécial, correspond à un cinquième du budget de l’État. L’éducation nationale emploie plus d’un million de fonctionnaires et fournit chaque jour un service public essentiel à plusieurs dizaines de millions de jeunes Français. Or M. Darcos a su engager les réformes qui s’imposaient en restant dans le périmètre d’un budget qu’il n’avait pourtant pas lui-même préparé. Il a prouvé aussi qu’il était prêt à communiquer à la représentation nationale tous les éléments permettant d’apprécier précisément le budget de l’éducation.

Dépasser le taux actuel de 62 % d’élèves qui obtiennent le baccalauréat : tel est l’immense défi qu’il nous faut relever. Face à la mondialisation et à la pénurie de matières premières, en effet, notre avenir passe par de très hautes performances dans tous les domaines. Les jeunes Français doivent donc être meilleurs que les autres. Dès lors, les dépenses consacrées à l’éducation s’apparentent à une charge d’investissement. Évitons donc de juger le budget de cette mission à l’aune de la seule arithmétique.

Pour autant, les indicateurs de performance doivent être mieux pris en compte. À cet égard, la mise en œuvre de la LOLF est trop lente, notamment en ce qui concerne ce moment essentiel du contrôle parlementaire qu’est la discussion de la loi de règlement. Il est indispensable d’en élargir le calendrier afin qu’un véritable travail d’évaluation des performances et de comparaison entre les prévisions et les résultats soit effectué à cette occasion. Les Français ont le droit de savoir si les objectifs annoncés ont été atteints. Pour ce faire, il faudrait adapter l’organisation de la discussion de la loi de finances, mais aussi consacrer davantage de temps au débat budgétaire, condition sine qua non de la transparence en la matière. Je propose par exemple que tous les RAP qui figurent en annexe du projet de loi de règlement soient examinés un par un, et ce dès l’année prochaine. Le Gouvernement et le Parlement pourront ainsi estimer ex ante, sur une base commune, l’impact des prochaines lois de finances et de leurs amendements.

D’autre part, l’inflation constitue un élément déterminant de l’évaluation budgétaire. Or ces derniers mois, elle s’est brutalement accélérée dans la zone euro. Comment ce risque sera-t-il pris en compte dans le cadre de la LOLF ? Le Gouvernement a-t-il effectué les simulations qui s’imposent ? Loin d’être alarmistes, ces questions ne sont que réalistes. La loi de règlement, en effet, nous permet de tirer les enseignements nécessaires pour l’avenir. Je tiens à m’assurer que le Gouvernement est prêt faire face à tout risque nouveau (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Bouvard – L’Assemblée examine pour la première fois une loi de règlement conformément à la LOLF de sorte qu’elle peut, avant même le débat d’orientation budgétaire, apprécier le respect de l’autorisation parlementaire et l’efficacité de la dépense publique. Les récentes commissions élargies ont ainsi permis aux députés d’interroger les ministres sur l’exécution de leurs programmes, en s’appuyant sur l’analyse de la Cour des comptes.

À première vue, le succès de cette nouvelle méthode est timide, si l’on considère tant le nombre de programmes examinés que celui des députés présents aujourd’hui. Pourtant, nous faisons un premier pas sur la voie d’une culture du contrôle et de la performance. Si la révision constitutionnelle offre au Parlement une meilleure maîtrise de son ordre de jour, comme il faut le souhaiter, j’espère que la présidence de notre Assemblée confirmera l’importance éminente de la fonction de contrôle parlementaire en évitant la concomitance des commissions élargies avec la séance publique.

S’agissant de l’exécution pour 2007, je partage le diagnostic global de M. Carrez et me réjouis du recours limité aux décrets d’avance, même si l’on aurait pu en réduire encore davantage le nombre en dotant mieux certaines lignes telles que les OPEX, l’hébergement d’urgence ou les provisions destinées à faire face aux crises agricoles – le fonds national de garantie des calamités agricoles, par exemple, n’était pas encore doté au début de cette année. Sur tous ces sujets, qui préoccupent la commission des finances, le rythme des progrès peut encore s’accélérer.

J’en viens à la croissance de la dépense fiscale. Le montant de la recette, en retrait de 1,2 milliard par rapport à 2006, diminue pour la deuxième année consécutive et stagne sur quatre ans. En effet, les recettes brutes sont passées de 340 à 347 milliards, mais les remboursements et dégrèvements ont augmenté de 8,8 milliards – hausse qui ne peut encore être imputée aux mesures de la loi TEPA. La vigilance s’impose : il faut refuser toute dépense de ce type en dehors des lois de finances et, le cas échéant, les encadrer strictement en loi de finances initiale. En outre, en dépit de quelques progrès, l’information relative à la dépense fiscale demeure insuffisante. Les ministres eux-mêmes souhaitent une meilleure évaluation. Songez qu’en matière de dépense fiscale relative au patrimoine, seuls sept items sur douze sont évalués ! Certains commentaires prêteraient presque à sourire : une mention zéro sur plusieurs années est devenue « un ordre de grandeur », voire est déclarée « bonne »… Il faut donc améliorer nos systèmes d’information et permettre un véritable pilotage des politiques publiques, ainsi qu’un arbitrage entre dépense fiscale et dépense budgétaire, l’une et l’autre devant être justifiées au premier euro.

Mon second motif de préoccupation, récurrent, concerne l’action des opérateurs. M. le ministre s’est efforcé de mieux la faire connaître au Parlement via différents documents, mais certains, dont le rôle est pourtant essentiel, échappent encore à la présentation budgétaire – je pense par exemple à l’Agence française de développement. Or leur poids dans la mise en œuvre de certaines politiques aux orientations générales desquelles ils échappent nuit à la lisibilité de l’action publique. Plus grave encore : ils permettent de contourner la norme de dépenses. Des 30 780 emplois publics dans le domaine de la culture, par exemple, seuls 7 751 relèvent directement du ministère, les autres dépendant des opérateurs. La Cour des comptes constate que les effectifs de l’ensemble des opérateurs ont augmenté d’environ 14 000 postes ces trois dernières années – soit un tiers de la réduction des effectifs de l’État.

D’autres questions demeurent en suspens, qu’il s’agisse de la fongibilité asymétrique ou de la réserve de précaution. Le rapport de la MILOLF que MM. de Courson, Carcenac, Brard et moi-même présenterons à la commission des finances le 16 juillet prochain nous permettront d’y revenir. En attendant, je tiens à assurer M. le ministre de mon soutien à ses efforts d’assainissement budgétaire et compte qu’il saura prêter attention aux attentes de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Éric Woerth, ministre du budget Les comparaisons d’un exercice à l’autre sont toujours difficiles. Il va de soi qu’une meilleure transparence ne peut que profiter à l’efficacité de notre gestion mais, au fond, l’essentiel reste d’assainir nos finances publiques en réduisant le déficit : c’est sur ce seul résultat que nous sommes jugés. Or en 2007, ce déficit s’est aggravé, atteignant 2,7 %, au lieu des 2,4 % prévus.

Cette augmentation s’explique très simplement, pour 0,1 point par une opération de la COFACE et pour le reste par un besoin de financement supplémentaire des collectivités locales – ce n’est pas les critiquer que de le mentionner. Je suis parfaitement d’accord avec tous ceux qui insistent sur le déficit de l’État et sur l’évolution des recettes. Celle-ci a été marquée par les allègements de l’impôt sur le revenu décidés par le précédent gouvernement et par d’autres mesures, dont quelques-unes liées déjà à la loi TEPA ou à la modification de la taxe professionnelle. Nous aurons dès cette année un débat approfondi sur les dépenses fiscales, notamment pour mieux encadrer les niches fiscales. Par ailleurs, il faut relativiser, comme l’a fait Gilles Carrez, la diminution en volume des dépenses de l’État, qui s’est faite au prix de l’augmentation de la dette. Nul ne peut s’en satisfaire. La solution est de faire des progrès en termes d’évaluation budgétaire – et peut-être aussi de courage. Nous avons commencé cette année, nous poursuivrons dans le budget pour 2009. Enfin, le Sénat est allé dans le bon sens en instaurant un objectif de dépense fiscale, qui sera fixé dès 2009, et une validation de toutes les mesures figurant dans un texte non financier.

Jean-Pierre Brard préfère les lunettes roses aux noires. Je préfère regarder les choses comme elles sont. Nous croyons à la valeur travail. Notre politique est l’expression de notre volonté, qui n’est pas la même que la vôtre.

M. Jean-Pierre Brard – Vous me rassurez.

M. Éric Woerth, ministre du budget – Nous serons jugés sur les résultats. La réforme, la relance de l’économie, l’assainissement des finances publiques, voilà le chemin que nous avons choisi.

Je connais bien les inquiétudes de Charles de Courson. Il a raison de poser la question de la progression des dépenses de l’État. Nous avons intégré dans les normes de dépense les prélèvements sur recettes et affectations de recettes. C’est un acquis, que nous allons consolider – même si c’est loin de nous rendre service ! Quant à la prise en compte des remboursements et des dégrèvements, encore une fois, c’est la dépense fiscale qui compte au final. Je sais que nous partageons les mêmes opinions sur le sujet. Enfin, je ne crois pas qu’il faille exagérer la dégradation de la situation nette de l’État, qui n’est après tout que la traduction du déficit – il n’y a pas de mystère, celui-ci se retrouve partout !

Jérôme Chartier a souligné que cette loi de règlement traduisait des résultats, mêmes modestes, avec une amélioration du déficit par rapport à la loi de finances initiale, et a rappelé les effets bénéfiques de la loi TEPA. Quant à Jérôme Cahuzac, nous avons pu une nouvelle fois admirer ses propos extrêmement brillants mais ce n’est pas parce qu’il peut parler un quart d’heure sans notes que tout ce qu’il dit est juste. Par exemple, il est évident qu’il y a toujours eu des impayés : c’est une notion de base. Si nous ne pouvons pas faire de comparaison, c’est que nous commençons seulement à les mesurer, mais il y avait des impayés à la fin de l’année dernière, qui ont été réglés sur l’exercice suivant. Quant à EDF, nous l’avons correctement vendue, au cours de 81 euros.

M. Jean-Pierre Brard – C’est bien ça le problème, de vendre le patrimoine !

M. Éric Woerth, ministre du budget – Ce n’est pas un problème, c’est une bonne gestion. Les plus-values ont été importantes. Il faut aussi admettre que la situation de nos comptes s’améliore en 2007, modestement, mais indéniablement. Quant aux recettes exceptionnelles, il y en a aussi toujours eu et elles ont été très importantes lorsque le parti socialiste était au pouvoir, avec les licences UMTS notamment – qui, si mes souvenirs sont bons, étaient en outre intégrées au déficit maastrichtien.

Louis Giscard d’Estaing a évoqué la question des opérateurs. Il y en a 800, et je veillerai à leur imposer dès 2009 les mêmes efforts que l’État s’impose à lui-même, en matière d’immobilier ou de non-remplacement d’employés par exemple. Quant à la certification des comptes, 92 % des recommandations faites l’année dernière ont été suivies ! Le débat entre la Cour et le Gouvernement est donc fructueux, mais la certification vient de commencer et il est naturel que nous mettions un peu de temps à nous ajuster.

Yves Censi a très bien su traduire l’implication du Parlement dans l’évaluation et le contrôle des politiques publiques. Il faudra aller encore plus loin : les rapports de performance sont faits pour cela. Il faut d’ailleurs développer les auditions en mettant à profit les commissions élargies, qui offrent plus de temps et de meilleures conditions de travail. Enfin, je partage totalement l’opinion de Michel Bouvard sur la dépense fiscale et les opérateurs. En définitive, ce qui est vraiment important, c’est le niveau des déficits publics – dans leur ensemble, pas seulement celui de l’État. Nous en reparlerons dans les jours qui viennent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Président – La conférence des présidents a décidé que certaines missions feraient l’objet de débats spécifiques. Nous en venons à la première d’entre elles.

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances – Dans un contexte de rigueur budgétaire, il faut se féliciter que le ministère de l’intérieur ait respecté les règles strictes fixées par la loi de finances, malgré l’exception des élections présidentielle et législatives, dont le coût a été de 30 % supérieur aux prévisions. Le nombre d'électeurs a en effet crû plus que prévu – de 4,2 % –, de même que le vote par procuration, qui a connu un véritable succès, tandis que, faute de concurrence postale réelle, le coût de l’acheminement de la propagande électorale doublait. Un décret d'avance quelque peu tardif de 51,8 millions a comblé le déficit. Je regrette simplement que les collaborateurs des opérations électorales, qui ont souvent des revenus modestes, aient eu à attendre leur indemnisation.

Pour autant, le coût par électeur des scrutins est resté très raisonnable : 4,6 euros pour l'élection présidentielle, soit 90 centimes de moins que prévu et surtout moins qu’en 2002, et 3,37 euros pour le scrutin législatif. Il est cependant possible de faire des progrès en ce qui concerne la propagande électorale, dont la mise sous pli est extrêmement coûteuse : 76 millions pour les deux scrutins, à ajouter aux 75 millions de frais d'affranchissement. Si cette mission est nécessaire, elle peut être remplie sous une forme moins désuète. À défaut de supprimer totalement la propagande sur papier, qui est coûteuse autant d’un point de vue financier qu’environnemental, les électeurs qui le souhaiteraient pourraient utiliser un système de transmission électronique. C’est l’objet d’une proposition de loi que j’ai déposée le 8 octobre 2007. Il me semble souhaitable qu’elle soit mise en œuvre dès les élections européennes, qui s’y prêtent bien.

L’administration territoriale constitue l'un des éléments importants de cette mission. La réflexion bat son plein sur ce sujet, et l’expérience « Organisation des services de l'État » se poursuit. Les lois de décentralisation nous incitent à une réforme importante, de même que la nécessaire réorganisation de l’État. Quelques principes se dégagent, qui sont maintenant clairs pour chacun. D’abord, une certaine subordination du préfet de département au préfet de région, à la condition que le premier reste un interlocuteur solide – c’est finalement celui des députés ! Ensuite, la réduction du nombre des services extérieurs de l'État, avec des rapprochements comme celui des DDE et des DDA – mais ce nouveau service doit être placé sous l'autorité effective des préfets et ne doit pas devenir un service technique trop autonome. Enfin, la nécessité d’adapter l’organisation des départements en fonction de leur taille : il n’est pas nécessaire de dupliquer le même schéma partout, et des différences sensibles peuvent être parfaitement appropriées.

La mission gère également le contentieux lié au recours à la force publique. En ce domaine, la prévision est bien sûr difficile mais je note avec satisfaction la stabilisation des dépenses concernant les refus de concours de la force publique, le poste le plus important en termes d'indemnisations. Je salue donc sur ce point les efforts de Mme la ministre et des préfets.

J’en viens à un contentieux d’autant plus délicat que le mouvement s’amplifie : l'indemnisation demandée par des communes à la suite du transfert de certaines tâches liées au traitement des demandes de titres d'identité. À ce jour, 310 communes ont déposé des demandes gracieuses ou contentieuses, et le montant cumulé des condamnations est pour l’instant de 16 millions. Le législateur ne doit-il pas se saisir de la question ? Le débat porte sur la relation entre les maires et l'administration. Les maires sont-ils encore des agents de l'Etat tenus d’exécuter les missions qui leur sont assignées ou sont-ils devenus des prestataires de services ? Prenons garde : si l’on prenait ce dernier parti et qu’on menait cette logique à son terme, les maires pourraient demander une indemnisation pour exercer leur rôle d'officier d'état-civil… Je rappelle par ailleurs que, lorsqu'elle fut créée, la DGF compensait les contraintes que l'État imposait aux mairies.

Une nouvelle procédure de délivrance des titres sera mise en œuvre l'année prochaine, on le sait, et 2 000 mairies, parmi celles qui se seront portées volontaires, seront chargées de recueillir les demandes de titres d'identité et de les transmettre aux préfectures. Dans le département des Côtes-d’Armor en tout cas, cette disposition intéresse les communes, qui voient là un moyen d’offrir un nouveau service à leurs administrés, et vingt sur vingt-cinq ont dit leur accord.

La délivrance des titres d'identité constitue l'une des tâches principales de la mission AGTE. Les préfectures commenceront à délivrer cet automne, à titre expérimental, des passeports biométriques ; nos engagements internationaux nous obligent à généraliser ces documents avant le 28 juin 2009, date de rigueur. La CNIL a rendu à ce sujet un avis assorti de réserves relatives au recueil des empreintes digitales de huit doigts et à la conservation de ces données dans une base centrale. Le Conseil d'État a donné un avis beaucoup plus favorable au projet du Gouvernement, notant que la création d'une base centralisée de données biométriques ne constituait pas une atteinte aux droits et libertés protégés par la Constitution et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. J’observe qu’en l'absence d’une base de données centralisée, le recueil des empreintes digitales perdrait tout intérêt.

Comme la CNIL, le Conseil d'État a jugé opportun le recours au législateur, ce qui me semble une bonne chose. Un projet de loi relatif à la protection de l'identité devrait donc nous être soumis. Madame la ministre, le calendrier serré qui est le nôtre en raison des engagements pris sera-t-il tenu ?

J’aborderai enfin l'immatriculation des véhicules. En 2007, les préfectures ont délivré 12,8 millions de cartes grises. On le sait, le ministère de l'intérieur a élaboré un nouveau système d'immatriculation national qui entrera en vigueur le 1er janvier 2009. Une partie de nos concitoyens, et aussi de nos collègues…

M. Louis Giscard d'Estaing – En effet !

M. Marc Le Fur – … sont attachés à l’identification géographique du département d'immatriculation des véhicules. Ils auront satisfaction, puisque les propriétaires de véhicule qui le souhaitent pourront faire figurer sur la plaque d’immatriculation la mention de leur département et de leur région, sans que la réforme perde rien de son utilité.

Pour en revenir en conclusion à l'aspect comptable de l'exercice 2007, je constate que la gestion des programmes de la mission AGTE a été menée avec rigueur. Exception faite de l'action « organisation des élections », ce qui est bien normal, la plupart des actions n'ont pas épuisé les enveloppes qui leur avaient été allouées en loi de finances. Cette performance mérite d'être saluée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales Je remercie et félicite votre rapporteur spécial pour la qualité de son intervention. La loi de règlement permet d'évaluer la gestion passée mais elle donne aussi l'occasion de mettre en perspective les politiques voulues.

À l'heure de la mondialisation et de la décentralisation, ma conviction est que l'État doit assumer toutes ses responsabilités en démontrant sa capacité de combiner modernité, qualité et visibilité et en garantissant proximité et efficacité ; c’est l’objectif de la réforme de l’État local. L'État moderne et efficace, garant de la cohésion sociale et nationale, doit être présent sur tous les territoires de la République, en métropole et outre-mer, et notamment sur les territoires les plus fragiles. C’est ce qu’attendent nos concitoyens. La mission « Administration générale et territoriale de l'État » met en œuvre les moyens de cette présence. Le préfet est donc au cœur de la nouvelle organisation de l'État. Si la décentralisation a renforcé le rôle des présidents des départements et des régions, ceux-ci ont besoin d’un interlocuteur qui parle au nom de l'État. Voilà pourquoi la réforme tend à constituer un nombre limité de directions territoriales autour de quelques pôles principaux. Le troisième conseil de modernisation des politiques publiques qui s’est tenu le 11 juin 2008 s'est inspiré de l’expérience d’organisation des services de l'État lancée en 2007. Le schéma retenu est en effet à la fois lisible et logique. Dans chaque département, trois pôles sont constitués, respectivement consacrés aux territoires, à la protection des populations et à la cohésion sociale et, pour plus de lisibilité, la réforme subordonne les préfets de département aux préfets de région.

Dans le même temps, la présence de l'État doit être garantie partout, ce pourquoi les sous-préfectures ont un rôle particulier à jouer. Je sais que, par souci d'économies, certains voudraient les supprimer, au moins les plus petites. Ce n'est pas ma conception, ce n’est pas ce que je veux. Si l'on veut faire des économies, mieux vaut s'intéresser aux structures plus importantes, notamment quand elles sont peu éloignées des préfectures, comme c’est le cas en région parisienne. Dans cette perspective, j'ai demandé aux préfets de région de me transmettre leurs propositions. Des inquiétudes s'expriment à ce propos et je précise donc qu’à ce jour, aucune décision n'est prise et que, comme je l'ai toujours fait, j'associerai les élus locaux à cette réforme – c’est la moindre des choses.

La réforme de l'État local permettra que l'État rattrape son retard face aux collectivités territoriales, bien plus modernisées qu’il ne l’est. Mais comme elle bouleversera des habitudes, nous devrons l’accompagner en expliquant que l’État modernisé offrira à nos concitoyens des services et des méthodes rénovés.

Cet objectif vaut en premier lieu pour la délivrance des titres d'identité. Le dispositif actuel est long, complexe, mal commode et insuffisamment protecteur. Il a fait son temps. Nous avons fait le choix de titres sécurisés de haute technologie, conformes à nos engagements internationaux en matière de biométrie. La nouvelle fabrication sera centralisée à Charleville-Mézières et la demande de titres sera facilitée par l’ouverture de 2 000 points d'accueil dans les communes. Le choix de ces communes est en cours, dans le cadre d'un dialogue entre les préfets et les maires intéressés. J'ai demandé aux préfets d'être à l'écoute des maires, car il en va de l’efficacité du nouveau système. Vous l’avez souligné, Monsieur le Fur, notre calendrier est contraint mais pour le moment il est respecté.

Vous avez évoqué le contentieux de l'indemnisation des communes en raison du traitement des demandes de titres d'identité. Je précise qu’il ne porte que sur la forme, un gouvernement précédent ayant commis l’erreur de fonder sur le décret, et non sur la loi, sa décision de confier aux maires la mission de recueillir et délivrer les demandes de titre. Un projet de loi sur la protection de l'identité sera donc soumis à votre vote à l'automne, qui donnera à cette mission la base législative nécessaire. Nous aurons alors l'occasion de reparler de l'indemnisation de l'activité des maires pour l'exercice de cette mission, mais sachez que j’ai déjà consulté l'Association des maires de France pour trouver une solution convenable à tous égards.

Je partage entièrement votre analyse sur les bénéfices du nouveau système d’immatriculation des véhicules, pour les usagers mais aussi pour l’administration : la mutualisation et l’industrialisation de tâches à faible valeur ajoutée permettra d’économiser 600 emplois sur cinq ans et de donner aux personnels la possibilité d’accéder par la formation permanente à des emplois plus intéressants. Les automobilistes pourront continuer à faire figurer sur leur plaque un numéro de département.

La propagande électorale a un coût financier important, auquel s’ajoute, avec la disparition d’hectares boisés, un coût écologique. La suppression de la propagande papier est possible et souhaitable en ce qui concerne les scrutins nationaux ; c’est moins sûr pour les élections locales, et la suppression ne peut pas être facultative : il serait trop complexe et coûteux de maintenir deux systèmes parallèles. Soyez sûrs en tout cas que je suis prête à réfléchir avec vous à une réponse globale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson – Au nom du Nouveau centre, je voudrais, Madame la ministre, vous interroger sur quatre thèmes.

Une expérience de BOP régionalisés a été lancée en 2007 dans les régions Limousin et Pays de Loire ; nous souhaitons que cette régionalisation des BOP, qui va dans le sens des recommandations de la Cour des comptes, soit généralisée dès 2009. Il semblerait que vous soyez d’accord pour le faire dans toutes les régions sauf l’Île-de-France ; pourquoi cette exception ?

L’exécution 2007 a été marquée par la majoration des crédits ouverts, ce que nous déplorons au nom de la sincérité budgétaire et du respect de l’autorisation parlementaire. Cette majoration est liée pour l’essentiel au report opéré sur le programme « administration territoriale » – pour 20,5 millions – et aux ouvertures de crédits supplémentaires effectués par décrets d’avance – à hauteur de 64,8 millions – pour assurer notamment le financement des opérations électorales. Pourquoi ces dépenses n’ont-elles pas été budgétées dans la loi de finances initiale alors qu’elles étaient parfaitement prévisibles ?

Dans un souci de maîtrise des dépenses publiques, nous souhaitons une plus grande rationalisation des effectifs de la mission. La baisse des effectifs de l’administration préfectorale ne saurait s’accomplir sans une réflexion sur les missions des services territoriaux de l’État ; nous souhaitons que la question de l’abandon de certaines tâches soit posée sans tabou. La réforme engagée en 2004, qui sert une conception stratégique et managériale de l’action territoriale de l’État, ne doit pas occulter certaines questions essentielles : quel échelon pour quelle compétence ? Comment s’exerce, par exemple, la continuité territoriale ? Les citoyens sont-ils pris en compte dans cette réorganisation administrative ?

Enfin, nous nous interrogeons sur l’architecture de l’administration territoriale. La sous-préfecture est-elle toujours, partout en France, le lieu de la proximité administrative ? Est-elle un simple échelon d’exécution, ou est-elle aussi un échelon de décision ? Faut-il un modèle unique pour toutes les sous-préfectures ? Faut-il redessiner la carte de celles-ci ? Faut-il rapatrier tout ou partie de leurs activités au chef-lieu de département ?

L’exemple de mon département est à cet égard intéressant : dans la petite sous-préfecture de Sainte-Menehould, il n’y a plus de sous-préfet ; la fonction est exercée par le secrétaire général de la préfecture, qui vient régulièrement dans l’arrondissement. Ne faudrait-il pas évoluer, selon les départements, vers une équipe préfectorale dont certains membres seraient chargés d’un territoire particulier ? Je vous ai trouvé trop prudente sur ce sujet, Madame le ministre ; pourriez-vous nous en dire un peu plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur Pour la généralisation des BOP régionalisés, nous allons procéder en deux temps, en commençant par le plus facile et en terminant par l’Île-de-France, qui est un cas un peu plus complexe.

Les dépassements de crédits pour le financement des dépenses électorales tiennent essentiellement au coût plus élevé que prévu des frais postaux, pour des raisons de poids, et au très grand nombre de procurations. Je conviens bien volontiers qu’il faudrait mieux prévoir les dépenses – et par ailleurs, comme je le disais tout à l’heure, faire des économies en réduisant la propagande papier.

S’agissant de la mission que doit remplir l’État sur le terrain, nous avons commencé à y regarder de près ; certaines choses peuvent être supprimées. Cependant l’État doit conserver, et même développer son rôle de conseil juridique ou technique auprès de maires qui sont désarçonnés, et parfois très inquiets, face aux responsabilités qu’ils ont à assumer. Les missions des sous-préfectures me paraissent devoir être recentrées sur cette fonction.

En ce qui concerne l’architecture de l’administration territoriale, il faut regarder les choses de manière pragmatique. Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes à Boulogne-Billancourt et dans une petite sous-préfecture de province. Il faut d’abord examiner les missions à remplir, et ensuite déterminer le moyen de les remplir ; dans certains territoires, la sous-préfecture demeure la seule affirmation visible de la présence de l’État.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures.

La séance est levée à 20 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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