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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 3 juillet 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ACCOYER

1. Ouverture de la session extraordinaire de 2006-2007

2. Déclaration de politique générale du Gouvernement

M. François Fillon, Premier ministre.

MM. Jean-François Copé,

François Hollande,

Jean-Claude Sandrier,

François Sauvadet.

M. le Premier ministre.

Clôture du débat.

Explications de vote

M. Nicolas Perruchot,

Mme Martine Billard,

MM. Jean-Marc Ayrault,

Jean Leonetti,

François Bayrou,

Nicolas Dupont-Aignan.

Suspension et reprise de la séance

Approbation de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

3. Ordre du jour de la prochaine séance


PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ACCOYER

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ouverture de la session extraordinaire
de 2006-2007

M. le président. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire de 2006-2007.

2

Déclaration de politique générale
du gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Mmes et MM. les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et continuent d’applaudir.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la France sort de six mois de campagne électorale. Elle en sort avec un Président de la République qui dispose d’un mandat clair pour faire entrer notre pays dans le xxie siècle.

Avec Nicolas Sarkozy, les Français ont pris leur destin en main. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En se passionnant pour la campagne, en s’engageant clairement dans leur vote, en exprimant leur confiance en eux-mêmes, ils ont jeté les fondements d’une France nouvelle, d’une France qui, au-delà des partis, a voulu affirmer sa volonté de changement et sa modernité. De ce message nous sommes tous comptables. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Non, pas tous !

M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, je me fais une haute idée du Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Et du Gouvernement ?

M. le Premier ministre. J’ai siégé sur ces bancs durant plus de vingt ans. J’ai été à votre place suffisamment longtemps pour voir en vous le parlementaire que je fus. Et j’ai suffisamment connu le jeu des alternances pour respecter l’opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

En démocratie, le succès des uns ne signifie pas le déni des autres. Chaque Français doit être respecté dans ses convictions et dans ses votes. Je crois à l’écoute, à la synergie des différences et des intelligences. C’est pourquoi l’opposition n’est pas un adversaire, mais un contradicteur nécessaire et, je le souhaite, constructif.

M. Jean-Pierre Brard. Vive la dialectique !

M. le Premier ministre. Quant à la majorité, elle est tout à la fois le partenaire et l’aiguillon du Gouvernement. Elle a le droit – et même le devoir – d’assumer sa victoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.) Elle doit le faire sans arrogance, mais aussi sans complexe.

M. Christian Paul. C’est un spécialiste qui parle !

M. le Premier ministre. La loyauté de la majorité ne saurait étouffer sa créativité.

Comme chacun d’entre vous, j’aime passionnément la France. Comme vous, j’ai observé, au cours de mes mandats successifs, ses faiblesses et ses atouts.

Ses faiblesses sont à l’image d’une vieille et grande puissance qui, depuis trente ans, hésite à repenser ses structures et ses habitudes. Droite et gauche confondues, nous nous sommes efforcés d’ajuster le modèle français, au lieu de le repenser de fond en comble.

J’ai moi-même longtemps privilégié cette approche empirique, avant de constater qu’elle avait atteint ses limites. Aucun gouvernement ne fut aveugle, ni inactif, devant ce diagnostic, mais aucun n’aura réussi à enrayer cette lente spirale qui nous a fait chuter au seizième rang des pays de l’OCDE, en termes de richesse par habitant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Après cinq ans de gouvernement de la droite !

M. le Premier ministre. Je vous dois la vérité car elle est au cœur de la rupture.

Nous n’avons pas réussi, faute d’avoir osé rompre avec le cercle vicieux qui consiste à travailler de moins en moins et à s’endetter de plus en plus, (« C’est votre bilan ! » sur plusieurs sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) afin de combler l’écart croissant entre nos capacités de production et nos ambitions redistributives qui n’ont cessé de s’élargir.

M. Maxime Gremetz. Cinq millions de chômeurs !

M. le Premier ministre. Nous n’avons pas réussi, faute d’être allés au bout des réformes. Par appréhension politique, par hésitation intellectuelle. Ces atermoiements ont provoqué un divorce entre les pouvoirs et les citoyens, qui a été sanctionné par une instabilité électorale et gouvernementale unique en Europe, laquelle a été préjudiciable à toute continuité politique.

Cette continuité, la France en a été privée car nous n’avons pas su trouver le courage et les mots pour expliquer à nos concitoyens qu’une césure historique était à l’œuvre : je veux parler de la mondialisation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Pendant des siècles, la France, avec quelques rares autres nations, a dominé politiquement et économiquement le monde. Cette puissance sans égale nous a permis de bâtir une civilisation riche et prospère. Désormais, le monde se réveille et prend sa revanche sur l’histoire. Des continents entiers sont en quête de progrès. Leur population est jeune, douée et motivée. Quand nous luttons pour préserver notre héritage, eux se battent pour constituer le leur. Cette nouvelle donne historique, à la fois angoissante et passionnante, exige plus que jamais de la France un sursaut qui n’a que trop tardé.

L’embellie économique et sociale que nous connaissons depuis deux ans – et qui doit beaucoup aux gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, placés sous l’autorité du Président de la République – (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) est encourageante. Mais elle ne nous dispense pas d’un examen lucide sur les ressorts usés du modèle français.

Malgré cela, l’énergie de notre pays est demeurée vivace, preuve s’il en est du génie de notre peuple. Tout comme vous, j’ai vu durant cette campagne ces Français qui ne baissent pas les bras, qui se battent,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous allez vous en apercevoir !

M. le Premier ministre. ...ces Français qui innovent et qui lancent des projets.

Nos atouts sont forts : une créativité exceptionnelle, un patrimoine sublime, des travailleurs qualifiés et productifs, des entrepreneurs et des artisans passionnés, des infrastructures publiques de qualité, des pôles d’excellence et une démographie solide. Qui n’a vu, en chaque citoyen, l’envie de se dépasser, de construire, d’aller au bout de ses rêves ? La plus grande force de la France, ce sont les Français eux-mêmes ! Les Français qui, bien souvent, furent plus entreprenants et modernes que ceux qui parlaient en leur nom (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) : ...

M. Henri Emmanuelli. Et ça continue !

M. le Premier ministre. ...les Français avec leurs ambitions, leur courage, leur fierté d’appartenir à un grand peuple.

Tout le sens de l’élection de Nicolas Sarkozy est là : dans cette volonté farouche de notre peuple de se libérer, en rompant avec les pesanteurs, avec le défaitisme et les hésitations du passé. Une telle vitalité doit pouvoir s’exprimer pleinement.

Et pour cela, il faut renouveler notre démocratie politique, moderniser notre démocratie sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), porter notre excellence intellectuelle et scientifique. En définitive, il faut réécrire notre contrat politique, social et culturel.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons dit qu’il fallait changer la politique.

Ce gouvernement d’ouverture, au sein duquel émergent de nouveaux visages qui incarnent la diversité française, qui associe des personnalités aux sensibilités différentes, est l’amorce d’une mutation politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Cette ouverture, ne vous y trompez pas, est beaucoup plus qu’une affaire gouvernementale : c’est un nouvel état d’esprit ! C’est une autre façon de penser la démocratie, une nouvelle manière d’associer les intelligences et de respecter les différences, une opportunité de se détacher des postures idéologiques et des réflexes claniques (Mêmes mouvements), de rassembler la France en enjambant les clivages. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

« Prétendre faire la France avec une fraction, c’est une erreur grave, et prétendre représenter la France au nom d’une fraction, cela, c’est une erreur nationale impardonnable », écrivait le général de Gaulle. (Mêmes mouvements.) Il n’y a pas un peuple de droite contre un peuple de gauche, il n’y a qu’un seul peuple : le peuple Français capable d’unir ses forces lorsque les enjeux sont à la fois clairs et justes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La politique française a besoin de convictions fortes et d’idées nouvelles et, pour cela, elle doit pouvoir considérer le choc des convictions comme le tremplin d’une citoyenneté éclairée et tolérante.

L’ouverture est à l’image de cette France en mouvement.

M. Patrick Roy. Ce n’est pas une ouverture, c’est un débauchage !

M. le Premier ministre. Mais elle n’est qu’une étape.

Sous l’autorité du Président de la République, je vous propose de poser les bases d’une démocratie mieux équilibrée et plus transparente : une démocratie au sein de laquelle le pouvoir exécutif agit avec clarté, dans l’unité du couple formé par le chef de l’État et le Premier ministre.

Un député du groupe socialiste, radical et citoyen. Liés par un pacs ?

M. le Premier ministre. Induite par le quinquennat, cette modernisation de nos institutions – que j’appelle de mes vœux depuis longtemps – est un facteur de modernité et d’efficacité.

M. Jean-Pierre Brard. Faites un putsch !

M. le Premier ministre. Devant cet exécutif plus resserré et plus efficace, les pouvoirs du Parlement doivent être renforcés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Henri Emmanuelli. Chiche !

M. le Premier ministre. Le Président de la République a choisi d’engager résolument la modernisation de nos institutions. Dans les prochains jours, il invitera les assemblées et leurs groupes à émettre leurs propositions.

M. Maxime Gremetz. La proportionnelle !

M. le Premier ministre. Parallèlement, il entend réunir une commission constituée de personnalités incontestables pour leurs compétences et représentatives de notre diversité politique, qui sera chargée d’éclairer ses choix.

M. Jean-Pierre Brard. Et le Premier ministre, qu’en pense-t-il ?

M. le Premier ministre. La procédure législative doit incontestablement être dépoussiérée, le partage entre le travail en commission et celui en séance publique revu. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe pour un mouvement populaire.) La fixation de l’ordre du jour doit être plus partagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) À entendre certains à ma gauche, on peut certes douter de l’efficacité de donner un plus grand pouvoir de contrôle à l’opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça commence !

M. le Premier ministre. Des millions de Français regardent cette séance. Ne croyez-vous pas qu’ils auraient davantage de considération pour l’ensemble des institutions politiques s’ils pouvaient écouter le discours du Premier ministre, et ensuite entendre la réponse que vous lui ferez ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Glavany. Quelle arrogance !

M. le Premier ministre. Le nombre et le rôle des commissions ne peuvent rester ce qu'ils étaient en 1958. N'est-il pas légitime de souhaiter, par exemple, la création d'une commission du développement durable ou de s'interroger sur la lourdeur d'une commission regroupant les affaires sociales, la culture et l'éducation ?

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. le Premier ministre. Dans cette perspective, la décision consistant à laisser la présidence de la commission des finances à un membre de l'opposition constitue une avancée considérable. C'est la première fois sous la Ve République que l'opposition se voit ainsi reconnue une telle place.

M. Jean-François Copé. Eh oui !

M. le Premier ministre. La procédure budgétaire doit être revue avec pour objectif l'approfondissement du contrôle des dépenses publiques. Pour y parvenir, le Parlement devra pouvoir disposer de moyens d'audit et de contrôle renforcés. Ce contrôle parlementaire sera étendu aux nominations à certains postes publics. Les dirigeants des entreprises publiques et les responsables des autorités administratives indépendantes seraient concernés au premier chef.

M. Henri Emmanuelli. Et TF1 ?

M. le Premier ministre. Les commissions compétentes auront le pouvoir de donner leur avis sur les personnes que le Gouvernement entend nommer et des auditions publiques pourront être organisées. Au soupçon d'allégeance se substituera désormais la certitude de la compétence. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Le Gouvernement est également favorable, dans le respect de l'autonomie des assemblées, à ce que des missions de contrôle associant des présidents ou des rapporteurs de l’opposition se développent systématiquement.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

M. le Premier ministre. Nous rechercherons ensemble comment mieux assurer la représentation de la diversité politique de la société française sans mettre en péril le principal atout de la Ve République : des majorités nettes et stables pour agir.

M. Maxime Gremetz. Et la proportionnelle ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le Premier ministre. Faut-il faire élire quelques députés au scrutin proportionnel ? (« Jamais ! » sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Vanneste. Non !

M. le Premier ministre. Faut-il renforcer le rôle du Sénat en lui ajoutant cette mission de représentation de la diversité ? (Exclamations sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés. Non !

M. le Premier ministre. Aucun sujet ne doit être tabou si nous souhaitons sincèrement aboutir à un consensus sur la modernisation de notre démocratie.

Enfin nous devrons engager, comme le demande le Conseil constitutionnel, une révision de la carte des circonscriptions électorales (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Ce travail sera effectué dans la transparence et nous y associerons l’opposition. Nous étudierons également la faisabilité d'un dispositif permettant à une partie du corps électoral d'imposer un débat sur un texte de loi et nous réformerons le Conseil supérieur de la magistrature afin de consacrer l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Voilà quelques-unes des modifications constitutionnelles envisagées, auxquelles il convient d’ajouter la modification de l'article 18 de la Constitution visant à permettre au Président de la République de venir s'exprimer devant la représentation nationale comme l'exige la clarté politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Article 18 ou 18 Brumaire ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Qu’il reste à l’Élysée !

M. le Premier ministre. Cette rénovation institutionnelle doit être secondée par une modernisation de notre démocratie sociale, dont les fondements ont été créés dans la foulée de l'après-guerre.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voulez dire de la Libération, grâce à la Résistance !

M. le Premier ministre. Certains pourraient se satisfaire du statu quo, d’une situation d'impuissance qui conduit les partenaires sociaux à être sur la défensive et à préférer la contestation à l’anticipation et à la participation. Pas nous, qui constatons la propension des Français à agir collectivement, notamment au sein des associations. Et pas moi, qui suis à l'origine de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je crois à ce dialogue parce qu’on ne bâtit pas une économie efficace sur les décombres de la cohésion sociale. J'y crois parce que tout ne peut pas être piloté par l'État. J'y crois parce que l'heure est venue de dégager des compromis sociaux sur le terrain, dans les entreprises, là où entrepreneurs et salariés doivent joindre leurs intérêts.

Dès son entrée en fonction, le Président de la République a reçu les partenaires sociaux.

M. Jean-Pierre Brard. À quoi servent les ministres ?

M. le Premier ministre. Ce ne fut pas une rencontre d'usage, mais bien la volonté de changer les usages ! Nous leur avons précisé nos objectifs et notre calendrier, en toute transparence et nous les avons invités à formuler des propositions précises, notamment sur l'évolution du marché du travail. À la fin de l'année, elles devront être mises sur la table. Si tel n'était pas le cas, le Gouvernement prendrait ses responsabilités sans faillir car nul ne doit s'y tromper : la nécessité de la concertation et de la négociation ne peut pas se substituer à l'obligation d'agir.

Les circonstances sont historiques. Les partenaires sociaux ont en main la possibilité de reconfigurer, avec nous, les règles et l'organisation de notre marché du travail. La confiance que nous leur accordons préfigure, à mes yeux, une modernisation d'ampleur de la démocratie sociale.

La représentativité des organisations syndicales devrait reposer sans équivoque sur le critère de leur audience parmi les salariés, et cela à tous les niveaux de négociation. C'est dans cette perspective que s'inscrirait l'élection à un seul tour, ouverte à chaque syndicat légalement constitué dans l'entreprise.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. le Premier ministre. Cette nouvelle organisation du dialogue social favorisera la prise de responsabilité et une réelle décentralisation des négociations sociales qui doit permettre à la culture du contrat de s'imposer.

M. Michel Liebgott. En légiférant au mois de juillet !

M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, l'énergie nationale ne trouverait qu'imparfaitement son accomplissement si elle était privée de son principal ressort : je veux parler de l'intelligence française. L'immense cohorte de nos savants, biologistes, mathématiciens, philosophes, juristes ou historiens qui firent notre rayonnement…

M. Patrick Lemasle. Vous avez oublié les ecclésiastiques !

M. le Premier ministre. …ne doit pas s'arrêter au seuil d'un siècle où, précisément, le pouvoir de la matière grise dessinera notre avenir. Toute notre tradition spirituelle, philosophique et scientifique et toute l'ambition républicaine convergent vers la nécessaire réforme de nos universités. Depuis vingt-cinq ans, c'est le statu quo institutionnel. Résultat : depuis vingt-cinq ans nos universités perdent des places dans les classements internationaux.

M. Patrick Lemasle. Vous avez été ministre !

M. le Premier ministre. Depuis vingt-cinq ans nous subissons la démocratisation de l'enseignement supérieur sans nous donner les moyens de l’accompagner. Résultat : depuis vingt-cinq ans, faute de courage, nous acceptons la sélection par l'échec plutôt que par l'orientation et le mérite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Lemasle. Qu’avez-vous fait durant ces vingt-cinq ans ?

M. le Premier ministre. Depuis vingt-cinq ans, la recherche scientifique s'éloigne de l'université pour tenter d'échapper à sa perte d'influence et à son manque de réactivité.

Nous allons rebâtir l'Université française. Pour cela, nous nous sommes fixé un double objectif : conduire 50 % de notre jeunesse vers un diplôme de l'enseignement supérieur et faire de nos universités de véritables pôles d'excellence.

M. Jacques Desallangre. En supprimant dix mille postes !

M. le Premier ministre. Leur gouvernance sera clarifiée et renforcée, leur autonomie sera réelle, leurs responsabilités financières et pédagogiques seront accrues et elles disposeront librement de leur patrimoine.

Cette réforme décisive s'accompagnera d'une concertation de fond, dès à présent engagée, sur les conditions de vie et de travail des étudiants.

M. Maxime Gremetz. Pour ça, il faut donner des sous !

M. le Premier ministre. Il s'agit de lutter contre l'échec en première année de licence, de promouvoir l'excellence des mastères, d'assurer l'insertion professionnelle des étudiants, de mettre à niveau les infrastructures existantes, de créer des campus avec des logements, des installations sportives et des bibliothèques modernes ouvertes le soir et le dimanche comme il en existe dans tous les pays développés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Maxime Gremetz. Il faut des sous !

M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, la rénovation de l'Université française est une priorité absolue de mon gouvernement : je vous proposerai d'y consacrer 5 milliards d'euros supplémentaires d'ici 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Henri Emmanuelli. 2012 !

M. le Premier ministre. L'accroissement de notre effort de recherche est indissociable de la réforme de l'université. Je ne serai pas de ceux qui sacrifieront la recherche fondamentale au prétexte qu'elle serait improductive à court terme, mais j'engagerai l'évolution nécessaire de nos grands organismes publics par une stricte évaluation des programmes.

Je crois tout aussi nécessaire l'accroissement de notre effort dans les entreprises. Une simplification radicale du crédit impôt recherche sera engagée. Globalement la part du produit intérieur brut consacré à la recherche doit tendre vers les 3 % reconnus comme indispensables par tous les Européens.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le Premier ministre. Cette ambition universitaire et scientifique ne peut trouver toute sa mesure que si elle s'adosse à un système éducatif puissant et animé par un personnel respecté et motivé.

M. Patrick Roy et M. Yves Durand. En supprimant 10 000 postes !

M. le Premier ministre. Les conditions du métier d'enseignant seront débattues sans tabou.

M. Patrick Roy. Et les 10 000 postes ?

M. le Premier ministre. Ce dont l'école a besoin, ce n’est pas d'une réforme législative de plus, c’est d'aller au bout de la réforme structurelle engagée en 2005.

Quatre principes la guident : la liberté pédagogique dont la conséquence logique est l'évaluation a posteriori et l'assouplissement de la carte scolaire ;…

M. Patrick Lemasle. Ça, c’est nul !

M. le Premier ministre. …l'acquisition du socle commun des connaissances fondamentales par tous nos enfants ; la reconnaissance pleine et entière des filières professionnelles et la généralisation du soutien scolaire individualisé.

M. Michel Liebgott. Avec quels moyens ?

M. Patrick Roy. Avec 10 000 postes en moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le Premier ministre. À cet égard, l'engagement du Président de la République sera mis en œuvre sans délai. Quatre fois par semaine, écoliers, collégiens et lycéens pourront bénéficier d'un encadrement éducatif d'au moins deux heures par jour. Les études dirigées de fin de journée seront notamment assurées par des professeurs volontaires et par des assistants d'éducation. Elles seront effectives pour tous les collégiens à la rentrée 2008 et dans la totalité de l'enseignement scolaire à la rentrée 2011.

Pour le Gouvernement, l'école de la République est celle des valeurs : l'effort, le civisme, la discipline et la fraternité.

M. Claude Gatignol. Très bien !

M. le Premier ministre. À ce titre, l'affirmation d'un droit opposable à la scolarisation de tout élève handicapé devra se traduire dans les faits. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Pour cela, le nombre d'unités pédagogiques d'intégration sera doublé au cours des trois prochaines années. C'est une solidarité que nous devons à nos concitoyens qui souffrent d'un handicap.

Parce que notre système éducatif présente la caractéristique d'offrir le plus grand nombre d'options et les horaires de cours les plus chargés d'Europe, un effort de rationalisation sera engagé. Il doit aboutir à un meilleur équilibre éducatif, laissant plus de place aux pratiques périscolaires, sportives et culturelles.

Mesdames et messieurs les députés, la culture est précisément l'un des relais de notre créativité. Elle nourrit les espoirs et les rêves de notre civilisation tout en étant le rempart aux maux qui la guettent : l'uniformité, l'utilitarisme, le désenchantement, la sauvagerie. Or si l'accès à la culture passe par l'éducation, il passe également par le service public de l'audiovisuel, qui doit assumer pleinement sa vocation, par la régionalisation des initiatives et des créations, par l'engagement soutenu des partenaires privés à travers les fondations et le mécénat et par la dématérialisation des supports et la diffusion en numérique.

L’accès à la culture passe encore par notre patrimoine : toutes les régions de France ont de justes raisons d’en être fières mais toutes ne manquent pas non plus de souligner le poids de cette charge. C’est pourquoi le financement des chantiers pour le patrimoine ne devra plus subir les fluctuations aberrantes du passé : la continuité de l'effort en ce domaine doit être respectée.

M. Christian Kert, M. Olivier Dassault et M. Yves Nicolin. Très bien !

M. le Premier ministre. Je veux aussi que l'accès à notre patrimoine artistique soit réellement démocratisé. La gratuité des musées que pratiquent plusieurs pays européens provoque de vifs débats au sein du monde de la culture. Je veux qu'une expérimentation soit conduite sur un échantillon d'établissements à Paris et en Province pour en mesurer toutes les conséquences. Je veux enfin que les jeunes puissent accéder facilement à toutes les ressources culturelles, grâce à un « passeport culture » valable sur l'ensemble du territoire national.

Mesdames et messieurs les députés, en nous fixant pour priorité la rénovation de notre contrat politique, social et intellectuel, je ne fais, en définitive, que vous parler de l'identité de la France.

Oui, la France a une identité,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le Premier ministre. …une identité qui s'est construite dans une France rurale qui fait encore sa beauté et dont le dynamisme sera soutenu comme un atout de notre avenir. Elle a une identité dont les racines plongent vers le bassin méditerranéen et l'espace européen, une identité qui s’étoile vers ses départements et territoires d'outre-mer, dont l'essor culturel, économique et social doit se conjuguer avec celui de la métropole. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.) Elle a une identité forte et pourtant en mouvement, car fondée sur le droit du sol, la laïcité et la citoyenneté.

Cette identité doit être défendue avec fierté et enrichie avec audace. Il y a une exception française, comme il y a une exception italienne, une exception chinoise ou une exception britannique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mais il est indéniable qu’il y a une vocation française : c’est d’être à jour de tous les grands défis du monde. Supprimez l’identité, et vous supprimerez l’universalité. Réaffirmez cette identité et vous confirmerez l’universalité française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

La France, en effet, est grande lorsqu’elle est grande pour le monde. Elle est grande lorsqu’elle prend ses responsabilités pour le Darfour. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) La France est grande lorsqu’elle défend, à travers la libération d’Ingrid Bétancourt et des infirmières bulgares injustement condamnées, les droits inaliénables de tout être humain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous réussissez l’exploit de crier au moment où je parle de Mme Bétancourt et des infirmières bulgares. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

La France est grande lorsqu’elle s’engage dans le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France est grande lorsqu’elle milite pour l’élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies et pour une réforme des instances internationales, notamment le FMI et la Banque mondiale. La France est grande lorsqu’elle multiplie les projets de codéveloppement avec le continent africain en mobilisant les crédits de coopération sur les actions ayant un impact direct sur les flux migratoires et en négociant des partenariats avec les pays d’origine. Elle est grande lorsqu’elle défend, sans complexe, l’idée d’une mondialisation économique équitable. Si le monde de demain n’a pour seule ambition que d’être un vaste casino où se joue l’avenir des hommes sur un coup de dé,…

M. Maxime Gremetz. C’est là votre Europe !

M. le Premier ministre. …si les succès commerciaux dérogent à tous les droits sociaux, humains ou environnementaux, alors nous irons à la catastrophe. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Le Gouvernement ne laissera pas les négociations au sein de l’OMC se déployer contre notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Pour nos entreprises industrielles et de services, nous exigeons la réciprocité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pour l’accès aux marchés publics, nous demanderons à l’Union européenne de négocier une dérogation en faveur de nos PME comme l’ont obtenu les États-Unis, le Japon et le Canada. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

La France est grande lorsqu’elle montre l’exemple car les actes parlent toujours plus que le verbe.

M. Maxime Gremetz. En effet !

M. le Premier ministre. Elle continuera donc d’agir pour la paix, dans le cadre défini par les Nations unies, au Liban, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire. La France ne se dérobera pas aux devoirs de l’amitié et de la solidarité pour l’Afrique. La France ne se résignera pas à voir le Liban glisser vers la guerre civile. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) La France ne se résignera pas à assister impuissante à l’assassinat de tous les dirigeants libanais qui osent défendre l’indépendance de leur pays. (Mêmes mouvements.) La France ne se résigne pas à voir la bande de Gaza en état de siège permanent et la Palestine condamnée à une partition de fait avant même d’avoir pu exercer réellement sa souveraineté sur son territoire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

La France va donc prendre des initiatives pour aider les communautés libanaises à se parler à nouveau. La France va prendre des initiatives pour ranimer la petite flamme de l’espoir d’une Palestine libre et démocratique coexistant pacifiquement avec un État d’Israël reconnu et respecté par tous ses voisins.

M. Claude Goasguen. C’est très bien !

M. le Premier ministre. La France est grande lorsqu’elle s’engage résolument dans la lutte contre le réchauffement climatique. Dans la perspective de la réunion de Bali, en décembre prochain, la France se fait un devoir de convaincre ses alliés américains…

M. Maxime Gremetz. Et l’Irak ?

M. le Premier ministre. …et les grands pays émergents de se rallier à une approche concrète et ambitieuse pour préparer l’après-Kyoto.

M. André Chassaigne. Il va y avoir du travail !

M. le Premier ministre. Dans cette affaire mondiale, la France s’engagera pleinement.

Nos technologies et nos capacités d’innovation, nos compétences en matière d’énergie, notamment avec la préparation des réacteurs nucléaires de quatrième génération (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre),…

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ah !

M. le Premier ministre. …notre potentiel agricole, la richesse et le dynamisme de la France maritime, le civisme de nos concitoyens, leur attachement à la beauté de nos paysages, à la biodiversité, à la qualité de vie : tous ces atouts seront concentrés autour d’une stratégie volontariste.

Ce volontarisme se traduira aussi sur le plan fiscal. Il n’est plus possible de rester neutre face aux enjeux environnementaux. La fiscalité écologique doit émerger dans notre droit. Déjà l’Europe nous invite à mettre en place une eurovignette pour que les poids lourds circulant sur nos routes ne le fassent plus en totale franchise fiscale alors même qu’ils engendrent des nuisances, des risques et des coûts en infrastructures. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. Maxime Gremetz et M. Noël Mamère. Très bien !

M. le Premier ministre. Nous mettrons en œuvre cette eurovignette qui pourra être expérimentée sans tarder en Alsace. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Maxime Gremetz. Seulement en Alsace ? Et en Picardie alors ?

M. le Premier ministre. Mais nous devons aller plus loin et poser la question d’une taxation sur le contenu en carbone des produits offerts sur le marché. L’instauration d’un grand ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables…

M. Jean-Pierre Brard. Avec à sa tête le Harry Potter du Valenciennois !

M. le Premier ministre. …est à l’image de la politique structurante et globale que nous allons conduire. Le « Grenelle de l’environnement » qui se tiendra à l’automne en donnera le départ.

Mesdames et messieurs les députés, notre monde a besoin de raison. Il a aussi besoin d’équilibre.

Notre outil militaire doit être musclé autour de nos objectifs de projection de forces et de dissuasion. Sous l’autorité du Président de la République,…

M. Jean-Pierre Brard. Encore !

M. le Premier ministre. …le Gouvernement vous proposera une loi de programmation militaire. Elle sera précédée par un nouveau Livre blanc qui sera rédigé à l’automne.

Les choix que nous devrons assumer ne seront pas faciles. Ils ne se limiteront pas au point de savoir si et quand il faudrait un deuxième porte-avions.

M. Patrick Roy. Pourquoi pas un troisième ?

M. le Premier ministre. Il nous faudra quitter la logique traditionnelle de l’accumulation des exigences propres à chaque arme,…

M. Claude Gatignol. Très bien !

M. le Premier ministre. …pour mieux apprécier où sont les vrais besoins stratégiques, où sont les menaces de demain et où sont les enjeux industriels décisifs.

Notre responsabilité dans ces choix décisifs sera lourde, parce que je ne crois pas que le monde de demain soit plus pacifique que le monde d’hier.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le Premier ministre. Même si l’Europe paraît en quelque sorte sanctuarisée par sa solidarité au sein de l’Union,…

M. Maxime Gremetz. Mais non ! Et le bouclier américain ?

M. le Premier ministre. …nous voyons bien que l’arc des crises se développe, et par là même les menaces potentielles sur nos intérêts vitaux. Il n'est donc pas question de baisser la garde. Nous devons armer notre vigilance avec lucidité. Nous le ferons d’autant plus efficacement que nous pourrons agir dans le cadre de coopérations européennes et de notre alliance traditionnelle avec les États-Unis, sans rien sacrifier de l’indépendance nationale, ni de notre dialogue constructif et confiant avec la Russie.

Nous sommes confrontés à trois défis majeurs : désamorcer le scénario du choc des civilisations que nourrissent les terroristes ;…

M. Daniel Paul. Et Bush ?

M. le Premier ministre. …dissuader les États qui s’affranchissent des règles qui régissent l’accès et l’usage du nucléaire ; organiser un accès équitable et sécurisé aux matières premières et aux énergies.

Mesdames et messieurs les députés, le monde a besoin de la France. La France a besoin de l’Europe pour protéger ses intérêts et rayonner, et l’Europe avait besoin de la France pour se relancer. Voilà qui est chose faite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) En défendant avec énergie et avec méthode l’idée d’un traité simplifié, le chef de l’État n’a pas seulement replacé notre pays au cœur des enjeux européens, il a aussi renforcé le couple franco-allemand tout en nous rapprochant des Européens de l’Est. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Ce projet de traité modifie la philosophie économique de l’Union. En précisant que la concurrence est un moyen et non une fin en soi, il confirme le rôle des services publics.

M. Daniel Paul et M. Maxime Gremetz. C’est faux !

M. le Premier ministre. Le « non » de notre peuple au traité constitutionnel a été respecté. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Daniel Paul et M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. André Gerin. C’est un mensonge !

M. le Premier ministre. Le « oui » à l’Europe politique a été restauré. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Maxime Gremetz. C’est faux ! C’est faux !

M. le président. Monsieur Gremetz, je constate que vous n’avez pas changé ; nous sommes rassurés.

M. le Premier ministre. La ratification de ce nouveau traité sera soumise au Parlement au début de l’année 2008. S’engagera alors la présidence française de l’Union européenne.

M. André Gerin. On se moque du peuple !

M. le Premier ministre. Elle sera dominée par des défis autour desquels tout mon gouvernement sera mobilisé.

Il faut que l’Europe joue un rôle moteur dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Il faut davantage de recherche européenne. Il faut aider l’agriculture française et européenne, plus indispensable que jamais, à être performante et respectueuse de l’environnement. Il faut une politique énergétique commune pour assurer nos approvisionnements. Il faut une politique commerciale mieux affirmée et moins naïve. Il faut une politique industrielle permettant à l’Europe d’être plus présente dans les secteurs stratégiques. Il faut une Europe sociale forte, manifestation de nos valeurs communes de solidarité et de justice. Il faut enfin débattre de l’identité de l’Europe et fixer ses frontières. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Il faut développer les relations entre l’Europe et ses voisins et poser les bases d’une Union méditerranéenne comme nous y invite le Président de la République.

Mesdames et messieurs les députés, l’identité de la France se forge au jour le jour, dans notre capacité à vivre ensemble, en transcendant les origines, les préjugés, les discriminations, en combattant les peurs qui nous divisent. Dans les quartiers, il existe une jeune génération de Français qui cherche sa place, des repères et du respect. Cette jeunesse a souvent été trompée. Trompée par des discours complaisants. Trompée par la faiblesse d’un État qui a cédé devant les lois de la rue, qui est resté trop souvent passif face à la pression exercée sur des jeunes filles dont le seul tort était de vouloir vivre librement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Maxime Gremetz. C’est vous qui étiez au pouvoir !

M. le Premier ministre. Trompée par ceux qui, par discrimination, mettent au panier le CV d’un jeune des cités dont les mérites sont pourtant éclatants.

M. Jean Glavany. Une « racaille », c’est cela ?

M. le Premier ministre. Cette jeunesse a de l’énergie et du talent.

Cette jeunesse ne demande qu’une chose : que la République se montre fidèle à ses idéaux. Et la République ne demande, en retour, qu’une chose : que les droits qui lui sont réclamés soient honorés par le respect des devoirs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Maxime Gremetz. Honorés au Kärcher ?

M. le Premier ministre. Un plan « Respect et égalité des chances » sera lancé. Visant les quartiers difficiles, il s’attachera d’abord à les désenclaver. L’incident du RER la semaine passée a bien montré à quel type de difficultés se heurtent au quotidien nos concitoyens et comment, dans bien des cas les services publics répondent mal à leur attente.

Ce plan mettra en avant l’égalité des chances par l’éducation avec la réduction du nombre d’élèves dans les établissements où se concentrent les difficultés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Vous allez supprimer 10 000 postes !

M. le Premier ministre. Nous soutiendrons les internats de réussite éducative. Enfin, une dynamique nouvelle sera enclenchée sur la formation et l’accompagnement à l’emploi.

L’effort massif engagé en faveur de la rénovation des quartiers se poursuivra. En l’espace de cinq ans, notre retard en matière de construction, pris à la fin des années quatre-vingt-dix,…

M. Patrick Roy. Non !

M. le Premier ministre. …devra être comblé. Pour cela, nous devrons nous tenir à un objectif de 500 000 nouveaux logements construits par an, dont 120 000 logements sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. C’est faux !

M. le Premier ministre. Un système de caution publique afin de fluidifier et de sécuriser le marché de la location sera mis en place. L’accession à la propriété, qui sera facilitée par la déduction des intérêts d’emprunt, doit s’accompagner d’un élargissement du marché de la vente. Nous permettrons aux locataires de logement HLM d’en devenir propriétaire avec un objectif de 40 000 accessions à la propriété par an. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mesdames et messieurs les députés, toute politique d'intégration suppose, en parallèle, une politique d'immigration choisie et non subie. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

La France est une terre d'asile, une terre d'accueil. La France a du cœur, mais elle n'est pas assez riche pour être la terre promise de tous les peuples en détresse, cette terre que des réseaux mafieux vendent comme un pays de cocagne aux déshérités.

M. Jean-Pierre Brard. Qui les laisse faire ?

M. le Premier ministre. Je n'accepterai jamais de régularisation globale qui n'aurait pas d'autre effet que de relancer des hommes et des femmes sur les chemins de l'exil. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre.) Le Gouvernement combattra avec la plus grande détermination les filières d'immigration illégales et le travail dissimulé,...

M. Patrick Lemasle. Encore heureux !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne l’avez jamais fait !

M. le Premier ministre. ...parce que j'y vois une forme moderne de traite des êtres humains.

Nous sommes une nation, une nation d'intégration. Et l'intégration signifie que celui qui vient légalement en France adopte la France, et que, dès lors, la France l'adopte comme l'un des siens.

Ceux qui veulent venir en France devront avoir les moyens de s'y intégrer. Ils devront avoir un travail, et, à cet égard, des objectifs quantitatifs pluriannuels seront établis après consultation des acteurs économiques et sociaux. Ils devront respecter nos valeurs républicaines. Ils devront apprendre notre langue.

Parce que partager un destin commun, mesdames et messieurs les députés, c'est vivre dans la confiance et l'estime réciproques. Ce n'est pas verrouiller sa porte dès la nuit tombée. Ce n'est pas baisser le regard en traversant son quartier. La peur et la défiance sont les adversaires de l'unité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Le Gouvernement ne craint pas d'employer le mot « fermeté ». Il n'hésitera pas non plus à utiliser celui d' « autorité ». Face à la culture de la violence, je n'ai qu'un mot d'ordre : ne rien céder ! « Bravo ! et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.) J'utilise le mot de « culture » à dessein, car c'est bien toute notre société qui est interpellée dans ses valeurs et sa morale.

Mme Jacqueline Fraysse. Et le chômage ?

M. le Premier ministre. Nous avions promis d'agir contre les multirécidivistes : le projet de loi qui vous sera présenté respecte notre engagement. Les délinquants auteurs d'actes graves, lorsqu'ils sont en situation de récidive, feront l'objet de peines planchers. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Bernard Debré. Gremetz !

M. le Premier ministre. Nous vous avions également promis de traiter la délinquance des mineurs. Dorénavant, la minorité ne sera plus un alibi d'office pour les jeunes délinquants.

Mme Huguette Bello. Et la convention sur les droits de l’enfant ?

M. le Premier ministre. À force d'être excusés, impunis, certains jeunes délinquants en ont conclu que la société n'avait ni le courage de les recadrer, ni la générosité de les replacer dans le droit chemin. Eh bien, c'est cela qui doit cesser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre.)

Mesdames et messieurs les députés, la justice est l'un des fondements de l'État.

M. Jean-Pierre Brard. La justice de classe !

M. le Premier ministre. Elle doit s'adapter aux évolutions de la société.

Nous devons revoir la carte judiciaire. La carte actuelle, héritée d'un autre âge, ne correspond plus aux exigences de l'efficacité. Bien sûr, rien ne saurait se faire sans concertation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais on ne peut plus disperser les moyens. On ne peut plus laisser vivre de telles disparités entre les tribunaux au point que la manière d'y rendre de la justice finit par s'en ressentir, au mépris de l'égalité devant la justice.

Le Gouvernement s'attachera aussi, dans le cadre d'une loi qu'il vous soumettra, à faire progresser notre système pénitentiaire.

M. Henri Emmanuelli. C’est bien nécessaire !

M. le Premier ministre. Nous devons consentir l'effort nécessaire pour garantir des conditions décentes de détention aux prisonniers en même temps que de bonnes conditions de travail aux surveillants.

D’ailleurs, dès cette session extraordinaire, le Gouvernement vous proposera de créer un contrôleur général des prisons et des autres lieux privatifs de liberté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Gerin. Lamentable !

M. le Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, concernant la sécurité, le Gouvernement ne négligera rien et ne lâchera rien.

Pour une meilleure performance de nos forces de sécurité intérieures, les moyens techniques et scientifiques de la police et de la gendarmerie seront étoffés dans le cadre d'une nouvelle loi d'orientation et de programmation.

M. Jean-Pierre Brard. Et la police de proximité ?

M. le Premier ministre. La fusion de la DST et des renseignements généraux sera rapidement menée à bien.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sera le KGB ! (Sourires.)

M. le Premier ministre. Les événements récents survenus dans le sud de la France, en Espagne et surtout en Grande-Bretagne, montrent que les menaces terroristes demeurent très présentes. La France n'est pas à l'abri.

Les services de renseignements sont en alerte. La coopération internationale est intense. Rien ne sera laissé au hasard.

M. Jean-Pierre Brard. Clearstream !

M. le Premier ministre. En particulier, nous évaluerons ensemble les bénéfices qu'a retirés la Grande- Bretagne de l'installation d'un réseau de télésurveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Henri Emmanuelli. Ils sont en Irak, eux !

M. le Premier ministre. De la même façon, nous ne relâcherons pas notre action contre les violences quotidiennes.

L'excellence de nos résultats par le passé, qui doit beaucoup à l’action de l'ancien ministre de l'intérieur (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre), ne devra pas s'infléchir. Je compte sur l'action des policiers et des gendarmes auxquels je dis toute ma confiance et tout mon soutien.

Mesdames et messieurs les députés, au cœur de la crise nationale, il y a un cancer : le chômage de masse.

M. Maxime Gremetz. Enfin vous en parlez !

M. le Premier ministre. Ce cancer qui, depuis un quart de siècle, ronge nos capacités de production, lamine le corps social, bloque l'intégration, alimente l'extrémisme. L'objectif de mon gouvernement est donc simple et clair : c'est le plein-emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le Premier ministre. Le caractère endémique du chômage dans notre pays a fait du plein-emploi une chimère, une promesse à laquelle les Français, si souvent déçus, ne croient plus. Pourtant, il n'y a là rien d'impossible, y compris en Europe, puisqu'une bonne moitié des membres de l'Union européenne connaissent le plein-emploi (Mêmes mouvements), parfois depuis une décennie. Il n'existe donc pas plus de fatalité du chômage de masse aujourd'hui qu'il n'en existait pour l'inflation hier.

Mon gouvernement se fixe ainsi pour objectif un taux de chômage de 5 % à la fin du quinquennat.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas le plein-emploi, ça !

M. le Premier ministre. L'heure, mesdames et messieurs les députés, est venue de tourner la page du malthusianisme économique et du conservatisme social.

Que la politique monétaire de l'Union ne soit pas aussi réactive que nous le souhaiterions, que la faiblesse du dollar et du yuan ne facilite pas la tâche de nos exportateurs, c'est incontestable !

Mais le problème n'est pas que là. Le cœur du problème est d'abord chez nous ! Il faut sortir la France de l'impasse dans laquelle elle s'est enfermée :...

M. Frédéric Cuvillier. Votre bilan !

M. le Premier ministre. ...celle de la « vieille croissance ».

M. Jean-Pierre Brard. Et de la progression des profits !

M. le Premier ministre. La « vieille croissance », c'est cette croissance molle marquée par une sous-activité, par une stagnation des revenus et par le décrochage de nos moyennes entreprises dans la compétition internationale.

M. Daniel Paul. Et par les golden parachutes !

M. le Premier ministre. Cette « vieille croissance », c'est la croissance à crédit. Ce sont les dépenses publiques qui ignorent les nouveaux modes de gestion et la responsabilisation des acteurs. C'est le choix des déficits et de la dette qui ont privé l'État de toute marge de manœuvre.

La « vieille croissance », c'est le dérapage incontrôlé des dépenses sociales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui n'aura pas empêché nombre de nos concitoyens de basculer dans la précarité.

La « vieille croissance », ce sont les prélèvements obligatoires pour soutenir à bout de bras un système asphyxié.

M. Daniel Paul. Et les parachutes dorés ?

M. le Premier ministre. C'est la consommation qui ignore les consommateurs avec leurs exigences et avec leurs droits. C'est le partage du travail et l'idée fausse suivant laquelle les préretraites ouvrent le chemin de l'emploi aux jeunes. C'est l'opposition stérile entre la flexibilité du marché de l'emploi et la sécurisation des salariés.

Pour tout dire, la « vieille croissance », c'est, depuis quinze ans,...

M. Henri Emmanuelli. Cinq ans !

M. le Premier ministre. ...un point de croissance en moins que la moyenne européenne et deux points de chômage en plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mesdames et messieurs les députés, je vous propose d’imaginer ensemble une « nouvelle croissance » ! Une croissance forte. Une croissance saine, une croissance qui ne soit pas une croissance « à crédit » dopée artificiellement par les dépenses publiques. Une croissance solidaire destinée à consolider la cohésion nationale.

M. Maxime Gremetz. Augmentez les salaires !

M. le Premier ministre. Gagner le point de croissance qui nous manque, tel est l'objectif que nous fixe le Chef de l'État. Nous le ferons par la revalorisation du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), parce que nous croyons que c'est le travail des uns qui entraîne le travail des autres, c'est l'effort des uns qui stimule celui des autres, et c'est la récompense des uns qui motive les autres. (Mêmes mouvements.)

Cette logique nous a conduits à vous proposer des mesures qui visent tous les âges de la vie : ne plus soumettre le travail des étudiants à l'impôt ; faire sauter les verrous aux heures supplémentaires pour compenser l'effet étouffant des 35 heures (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; conforter la réussite des dirigeants qui se distinguent par leurs performances, mais interdire le scandale qui consiste à récompenser ceux qui échouent (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) ; adapter, enfin, nos prélèvements fiscaux pour que ceux qui ont créé de la richesse grâce à leurs efforts puissent transmettre ce capital à leurs proches. (Mêmes mouvements.)

Le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat cristallise notre stratégie économique. Mais il n'est que la première étape d'une réforme profonde du marché du travail et de l'environnement réglementaire de nos entreprises. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nos entreprises, et spécifiquement nos PME, ont d'abord besoin d'un cadre réglementaire qui les aide et non qui les contraigne. (« Bravo ! » sur les mêmes bancs.)

Je veux réduire l'impôt papier, c'est-à-dire tout ce qui fait que l'administratif entrave le productif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Une commission, à l'image de la commission Rueff-Armand de 1959, sera constituée à cette fin sous la présidence du premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin.

M. Jean Glavany. Une commission ? Quelle modernité !

M. le Premier ministre. Je proposerai aussi qu'à l'instar du « Small Business Act » américain, les PME françaises puissent se voir réserver une part des marchés publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Nous expérimenterons la suspension de certains effets de seuil. La « flexisécurité », qui a fait ses preuves en Europe du Nord, ne doit pas rester un sujet de voyages d'études : le contrat unique de travail, la réforme du mode d'indemnisation du chômage, la fusion de l'ANPE et de l’UNEDIC, le revenu de solidarité active doivent réconcilier l'efficacité économique et la solidarité sociale. (Mêmes mouvements.)

Quant à la restructuration de notre système de formation professionnelle, elle est absolument nécessaire : 24 milliards d'euros sont consacrés à la formation ; 60 % des salariés n'y accèdent jamais. Je le dis clairement aux partenaires sociaux : nous ne pouvons plus attendre.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le Premier ministre. J'entends qu'ils s'engagent dans une véritable refondation de la formation professionnelle. C'est un chantier pour 2008, et le Gouvernement, en concertation avec les régions, y sera particulièrement attentif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Nos entreprises ont également besoin de prélèvements fiscaux et sociaux « intelligents ». (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Si nous voulons encourager le travail et le pouvoir d'achat, nous devons cesser de taxer plus ceux qui travaillent plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Si nous voulons en finir avec les délocalisations et la fuite des capitaux, nous devons encourager ceux qui continuent à investir et à produire dans notre pays. (Mêmes mouvements.)

Si nous voulons lutter contre ceux qui polluent, nous devons aider davantage ceux qui respectent l’environnement. (Mêmes mouvements.)

Pour toutes ces raisons, le Président de la République a souhaité une réforme globale de notre système fiscal. Cette réforme n'est pas seulement un objectif, c'est un impératif.

Nos réflexions sur la TVA sociale (Exclamations sur les bancs sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) s'inscriront dans le cadre de cet exercice.

Personne ne peut refuser ce débat. Pourquoi ? Parce que le coût de notre protection sociale est croissant et qu'il le restera si nous voulons en maintenir les principes et la qualité. Dès lors que ce coût est financé par des cotisations qui pèsent exclusivement sur le travail, nous aurons un choix clair : soit nous taxons toujours plus l'emploi,...

M. Daniel Paul. Taxez les profits !

M. le Premier ministre. ...et nous laisserons partir à l'étranger les industries, immédiatement suivies par les services, soit nous trouvons un complément différent au financement de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Donc, mesdames et messieurs les députés, le débat sur la TVA sociale aura lieu. Et nous déciderons ensemble de ce qui est bon pour la France. Ce sera notre premier défi.

Deuxième défi : celui du vieillissement. Nous ne pourrons le relever qu'à travers l'instauration de la cinquième branche de la sécurité sociale consacrée à la dépendance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous devrons aussi poursuivre la mise en œuvre de la réforme des retraites. L'allongement de la durée de cotisation prévu en 2003 n'est pas une option. Il aura lieu au terme de la procédure prévue par la loi.

Dans le même temps, au nom de la justice, au nom de l'équité, nous réformerons les régimes spéciaux de retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Maxime Gremetz. Arrogance !

M. le Premier ministre. Le troisième défi sera celui de l'assurance maladie. C'est celui qui s'impose comme le plus urgent, compte tenu de la dérive des dépenses.

Les mécanismes prévus par la réforme votée en 2004 joueront. Ils nous amèneront à ratifier sans délai le plan de retour à l'équilibre proposé par les gestionnaires de la sécurité sociale. Au-delà des mesures d'urgence, nous n'éviterons pas des décisions structurelles.

Que cela soit clair : si, comme je le pense, nous devons refuser le rationnement des soins, si nous rejetons la seule maîtrise comptable, si nous voulons améliorer nos hôpitaux, y développer les soins contre le cancer et les soins palliatifs, si nous voulons convenablement prendre en charge la maladie d'Alzheimer, alors oui, il faudra faire des choix courageux, et la mise en place de franchises peut être une solution.

Les contraintes techniques plaident en faveur d'une franchise fractionnée avec un plafond annuel par personne. C'est une solution possible pour 2008. Mais l'équité commandera de réfléchir plus avant. L'idée du « bouclier sanitaire » permettrait de plafonner ce que paie chacun pour sa santé en fonction de son revenu.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. le Premier ministre. Je souhaite que s'ouvre sur ce sujet un débat sans a priori. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Mesdames, messieurs les députés, nous maintiendrons le cap du désendettement et du retour à l'équilibre budgétaire. Nous ramènerons notre dette publique en deçà de 60 % du PIB et nous rétablirons une situation budgétaire à l'équilibre en 2012. Au printemps prochain, nous inscrirons cet effort dans un cadre pluriannuel et, dès 2008, les dépenses de l'État seront strictement reconduites en volume.

Ce défi, nous le relèverons avec tous nos partenaires, au premier rang desquels les collectivités territoriales. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Mme Marylise Lebranchu. À l’euro près !

M. le Premier ministre. Les dotations de l'État qui leur sont allouées ne pourront pas globalement croître au-delà de l'inflation en 2008 et nous devrons rebâtir avec elles une relation contractuelle responsable. La contrepartie de cet effort partagé pourrait résider dans la simplification et la stabilité des normes qui leur sont imposées par l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. Henri Emmanuelli. On ne vous croit plus !

M. Jean Glavany. Rendez-nous la taxe professionnelle !

M. le Premier ministre. Dans cette perspective, je rencontrerai les associations d'élus dans les prochains jours. L'objectif de réduction des déficits et de désendettement de notre pays doit être partagé par tous.

M. Henri Emmanuelli. C’est celui de l’État, pas des collectivités territoriales !

M. le Premier ministre. Ce qui me semble au moins aussi important que les chiffres, ce sont les fondements de cet assainissement. Nous ne serons pas dans le factice ou le virtuel. Nous voulons conduire une remise à niveau de nos finances publiques qui repose sur des réorganisations pérennes. C'est pour cela que nous avons engagé la révision générale des politiques publiques et que nous avons d'ores et déjà annoncé le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C'est la même approche qui nous permettra de réformer profondément et de rationaliser les structures et les politiques publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Chaque ministre travaillera en portant l'ambition d'un véritable recentrage du service public sur ses missions, dans la clarté et pour plus d'efficacité. Ici comme ailleurs, ma conviction est faite : tout doit être discuté, concerté et accompagné. Les fonctionnaires sont les premières victimes de l'immobilisme de l'État. Leurs conditions de travail, leurs rémunérations, leur place dans la société française s'en ressentent. Aussi, 50 % des économies retirées du non-remplacement de tous les départs à la retraite seront-elles affectées à l'amélioration des carrières dans la fonction publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons faire partager par tous les fonctionnaires une même ambition : celle d'un État efficace et reconnu comme tel par la nation.

M. Jean-Pierre Brard. Avec moins d’enseignants et d’infirmières ?

M. le Premier ministre. En quelques semaines, nous avons ouvert les chantiers du droit pénal de la récidive, de la fiscalité, du travail, de la protection sociale, de l'université, du service minimum dans les transports,…

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le Premier ministre. …de l'immigration. Nous continuerons d’aller de l'avant, comme le veut le Président de la République.

Je mesure l'ambition et les difficultés de notre tâche. Mais je vois aussi les atouts de notre réussite.

D'abord, les Français eux-mêmes. Je me souviens de ce chef d'entreprise, au bord de la faillite, m'expliquant qu'aucun de ses salariés n'avait manqué à son appel lorsqu'il avait fallu se retrousser les manches.

Un député du groupe socialiste, radical et citoyen. C’est le frère de Sarkozy !

M. le Premier ministre. Je me rappelle de ce professeur de collège, disant à une jeune fille qui portait le voile : « Ici, on ne cache pas son visage, car dans l'école de la République chacun doit pouvoir se regarder sans se défier ni se juger ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Et je revois ce sous-officier français m’expliquer, qu’il y a quelques années, la première tâche de sa compagnie avait consisté à reconstruire la maternité détruite dans un village de Somalie constamment bombardé. Voilà les Français, avec leurs élans, leur engagement et leur cœur !

M. Jean-Pierre Brard. Et avec Kouchner !

M. le Premier ministre. Et puis, il y a la République. Elle fait de chacun d'entre nous le compagnon de l'autre. La République, en France, vient de loin. Elle est née de siècles de combat pour faire triompher l'intérêt général, la liberté de conscience et l'égalité face à la dure résistance des privilèges et des corporatismes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La République, c’est une action continue, permanente. C’est une volonté politique, une révolte face aux facilités, aux injustices, aux échecs. La République n'est que mouvement : si elle tombe, elle se relève, tel Gavroche sur sa barricade. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Elle se relève toujours et c'est la faute à Voltaire, la faute à Rousseau ; c'est aussi pour nous la faute à Victor Hugo, à Clemenceau, à Gambetta, à de Gaulle, aux héros de vingt ans de la Résistance et de la France libre ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Glavany. Vous avez oublié Jaurès ?

M. le Premier ministre. « Vivre, ce n'est pas se résigner ! », écrivait Camus. Sans cesse dans son histoire, la France a cru au mouvement. Elle n'a jamais fait bon ménage avec le statu quo et les arrangements à la petite semaine, ce que le général de Gaulle qualifiait en son temps de « petite soupe sur son petit feu, dans sa petite marmite ». À ce nihilisme, nous avons opposé un sens aigu du progrès. Cette idée du progrès rassemble les Français. Les belles heures de notre histoire témoignent de cette soudaine unité dans l'action.

Bien entendu, le progrès réclame des choix, des sacrifices parfois. Il commande d'établir des priorités. Il compromet les rentes. Parce que le progrès accélère l'histoire, déjoue les scénarios écrits à l'avance, dénoue les situations que l'on disait compromises.

M. Henri Emmanuelli. Vous avez choisi la rente !

M. le Premier ministre. La France est fière et audacieuse. Nous lui avons proposé une rupture constructive : elle s'y est reconnue. Nous avons sollicité d'elle un mandat pour agir : elle nous l'a donné. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a dans le pays un souffle de confiance. Le Président de la République en est l'initiateur. J'en suis, devant vous, le dépositaire. (« Le serviteur ! » sur quelques bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Cette confiance, au titre de l'article 49, alinéa 1 de la Constitution, le Gouvernement vous la demande. (Mmes et MM. les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. Avant de donner la parole à M. Jean-François Copé, je demande aux orateurs de respecter scrupuleusement leur temps de parole afin que chacun d’entre eux puisse bénéficier de conditions égales quant à la retransmission de son intervention.

La parole est à M. Jean-François Copé, premier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Brard. C’est l’hagiographe officiel !

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,…

M. Jean-Pierre Brard. L’Aiglon de Meaux !

M. Jean-François Copé. …la déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale est toujours un moment très fort de notre démocratie. Et de ce point de vue, votre message, monsieur le Premier ministre, est parfaitement clair :…

M. Jean-Pierre Brard. Pour les courtisans !

M. Jean-François Copé. …vous nous invitez à sortir du temps de l'élection pour entrer dans celui de l'action. Cela tombe bien, car nous sommes impatients d'y entrer à vos côtés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Merci, monsieur le Premier ministre, pour votre détermination : détermination à tenir, avec le courage et la ténacité que je vous connais, les engagements pris devant les Français, mais aussi à s’imposer une obligation de résultat, un devoir d'efficacité, autant de mots qui ont jalonné l’échange que nous avons eu avec les Français. C'est d’abord pour cela que les Français ont choisi Nicolas Sarkozy comme Président de la République. Et c'est aussi pour cela que nous, députés de la majorité, avons été élus.

M. Jean-Pierre Brard. Pourtant, vous avez eu du retard à l’allumage !

M. Jean-François Copé. Les dernières élections ont suscité un immense espoir parce que cette campagne a ouvert de nouveaux horizons. Je veux y revenir quelques brefs instants, car une campagne électorale, c'est un temps clé, un temps fondateur. C'est le moment où, nous, responsables politiques, nous nous retrouvons directement face aux Français, sans intermédiaire d'aucune sorte et d'aucune nature, pour sentir, pour partager, pour comprendre les attentes, les interrogations, les espérances. C'est le moment où nos compatriotes nous parlent sans tabou et sans retenue de tout et de tous. C'est enfin ce moment de vérité, où chaque candidat se livre totalement, dévoilant ainsi sa nature profonde, livrant sa part de conviction, proposant à tout un peuple un chemin d'avenir.

M. Jean-Pierre Brard. C’est Bossuet en petit !

M. Jean-François Copé. Il y a eu de nombreux temps forts dans cette campagne, aussi bien à droite qu’à gauche.

M. Maurice Leroy. Au centre aussi !

M. Jean-François Copé. Je voudrais en évoquer un. Lorsque le 14 janvier dernier, Nicolas Sarkozy a prononcé son discours d’investiture,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est là que vous êtes devenu sarkoziste !

M. Jean-François Copé. …évoquant la mémoire des grands hommes qui ont fait l'histoire de notre pays – Clemenceau, Jaurès, Blum, de Gaulle –, il a dit : « Ils m'ont appris, à moi, petit Français de sang mêlé, l'amour de la France et la fierté d'être Français ». Par cette phrase, que beaucoup d'entre nous, sur tous les bancs de cette assemblée, auraient pu prononcer, il a convaincu les Français que les temps avaient changé, que la France avait changé, que rien ne serait plus comme avant.

M. Jean-Pierre Brard. À New York, il a aussi dit : « Je me sens étranger dans mon propre pays » ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-François Copé. Aujourd'hui, le temps de l'élection est terminé, mais il demeure précis dans nos mémoires. Les Français ont confié au Président de la République et à chaque député de la majorité la responsabilité de mettre en œuvre le programme pour lequel ils ont voté. Et c'est sur notre capacité à tenir qu'ils nous jugeront : tenir nos engagements, mais aussi tenir dans les moments difficiles.

Votre discours, monsieur le Premier ministre, en est l'illustration parfaite, tout comme le programme ambitieux de cette session extraordinaire. Je veux vous dire que, sur tous les sujets que vous avez évoqués, le groupe UMP répondra présent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous tiendrons les engagements pris, dans l’esprit comme dans la lettre.

Dans l'esprit d'abord. Vous l'avez rappelé, il n'est pas question de reculer, il n'est pas question d'échouer.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean-François Copé. Les Français ne le comprendraient pas et ne nous le pardonneraient pas.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. Jean-François Copé. Mais cette détermination commande aussi de travailler la main tendue. L'esprit qui nous anime, c'est celui de l'ouverture pour une démocratie apaisée.

M. Patrick Roy. C’est du débauchage !

M. Jean-François Copé. Le Président de la République a montré la voie dans la manière dont il a composé avec vous le Gouvernement.

M. Patrick Roy. Du débauchage, vous dis-je !

M. Jean-François Copé. Les Français ont élu un Président de rupture et ils attendent que leurs députés incarnent aussi cette rupture. C'est dans cet esprit que nous voulons pratiquer cette ouverture, à travers la modernisation du travail parlementaire, à l'image de ce qui s’est fait dans toutes les grandes démocraties modernes depuis quinze ans. Le Président de la République s'y est clairement engagé devant les Français. Le Président de notre assemblée, Bernard Accoyer, l'a également évoqué à plusieurs reprises.

Nous avons, sur tous ces sujets, beaucoup de travail à faire. Redonner une place centrale au mandat de député, nous engage tous. Mais cela comprend des volets de nature différente.

Prenons par exemple l'idée de créer un statut de l'opposition. Un premier pas a été franchi avec la présidence de la commission des finances donnée à l'opposition.

M. Patrick Roy. Et les vice-présidents de l’Assemblée ?

M. Jean-François Copé. C'est un geste de bonne volonté, qui ne doit pas être oublié à peine a-t-il été fait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Un message adressé à l'opposition pour l'inviter à une démarche constructive, de telle manière que l’on puisse définitivement tourner la page de l'obstruction systématique, qui – il faut bien le dire – a mobilisé toutes les oppositions et a parfois donné un spectacle assez désolant de l’Assemblée nationale…

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un orfèvre !

M. Jean-François Copé. …avec ces dizaines de milliers d'amendements destinés simplement à bloquer le travail parlementaire.

M. Jean-Claude Lenoir. C’est effectivement scandaleux !

M. Jean-François Copé. Il faut aussi rompre avec la vision réductrice que certains peuvent avoir du rôle du député. Nous sommes coincés par en haut avec les normes européennes, ce qui fait que, lorsqu’on fait une proposition, on nous dit : « Non ! Bruxelles ne voudra pas ! », ou par la décentralisation, qui a largement transféré les compétences.

M. Jérôme Lambert. Pas les financements !

M. Jean-Pierre Brard. Surtout la servilité !

M. Jean-François Copé. Alors, on peut imaginer que l’on puisse mettre en place demain pour les parlementaires un élément complémentaire dans leur mission : lui permettre de contrôler l’efficacité publique, comme cela se fait dans de très nombreuses démocraties ; il s’agirait par exemple de faire une étude d’impact avant de lancer un projet de loi, de contrôler l’application d’une loi, de vérifier que les décrets d’application ont été pris, que les crédits ont été dépensés et enfin d’évaluer l’efficacité des textes une fois qu’ils ont été mis en œuvre.

M. Patrick Roy. Commençons dès mardi prochain !

M. Jean-François Copé. Réfléchissons enfin peut-être, puisqu’on travaille au statut de l’opposition, à ce que pourrait être un statut de la majorité, en formalisant un code de bonne conduite entre le Gouvernement et la majorité parlementaire.

De ce point de vue, je peux vous assurer, monsieur le Premier ministre, que vous aurez le soutien sans faille du groupe UMP pour la mise en œuvre des réformes voulues par nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard. Godillots !

M. Jean-François Copé. Les 320 députés du groupe veulent mettre à votre service leur personnalité et leur compétence.

Ils auront aussi à cœur d'être le trait d'union entre votre gouvernement et les Français pour relayer vos réformes sur le terrain et de faire remonter les attentes et les réactions des Français. N'hésitez pas à faire appel à leur expérience, à leur talent, à leur force de proposition, par tous les moyens que vous jugerez utiles.

De mon côté, en tant que président du groupe, je veux veiller à ce que chacun puisse faire ce qu'il aime et aimer ce qu'il fait.

M. Jean-Pierre Brard. Servile en chef !

M. Jean-François Copé. Après l'esprit, la lettre. La feuille de route est claire : mettre en œuvre ligne par ligne les engagements pris devant les Français.

Monsieur le Premier ministre, je veux vous redire notre enthousiasme et notre détermination après votre déclaration de politique générale, alors que s'ouvre cette session extraordinaire.

Oui, il est urgent de donner plus d'autonomie à nos universités. Vous avez parlé juste, il nous faut maintenant nous mettre au travail.

Oui, il est urgent d'apporter une réponse juste mais très ferme à la question des délinquants multirécidivistes. Plus personne ne peut accepter de voir toujours les mêmes individus être interpellés, passer devant le juge et dès le lendemain ou le surlendemain commettre une nouvelle infraction. De même, la minorité ne doit plus constituer une échappatoire systématique à la sanction.

J'ai bien entendu, durant la campagne, les cris d'orfraie que poussaient certaines bonnes consciences. Mais, attention ! Ayons la mémoire longue. Des millions de Français ont délaissé le Front national, …

M. Jean-Pierre Brard. Pour aller vers « Sarko » !

M. Jean-François Copé. …qui leur permettait d'exprimer une désespérance, et ont placé leurs espoirs en nous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ne les décevons pas ! Nous n’aurons pas le droit à une seconde chance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il faut remettre de la même manière le travail au cœur de notre société. Nous attendons bien sûr avec impatience le texte qui va permettre à chaque Français de travailler plus pour gagner plus, s’il le souhaite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Comme nous attendons beaucoup du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, qui va permettre à de très nombreux Français de devenir propriétaires !

M. Jean-Pierre Brard. Ben voyons !

M. Jean-François Copé. Une société qui permet à chacun d’être propriétaire de son logement, c'est aussi une société qui permet à chacun d'espérer un avenir protégé, un avenir apaisé.

M. Jean-Pierre Brard. Avant la saisie ?

M. Jean-François Copé. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est du bon sens.

Enfin, oui, il est urgent de mettre en place un service minimum dans les transports publics, qui soit respectueux du droit de grève, mais aussi du droit de milliers de Français de se rendre à leur travail dans de bonnes conditions.

Sur tous ces sujets, qui sont au cœur des préoccupations de nos compatriotes, vous pouvez compter, monsieur le Premier ministre, sur notre totale mobilisation, d’autant que, vous l’avez dit, vous respecterez le « carré magique » en baissant en même temps les dépenses, les impôts, les déficits et la dette. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Jérôme Lambert. C’est effectivement magique !

M. Jean-François Copé. C’est évidemment dans cet esprit que nous sommes à vos côtés. D’autant que je me réjouis de voir que, sur la sécurité sociale, les retraites et les finances locales vous affichez le même volontarisme, et donc la même sagesse.

Je voudrais enfin évoquer deux thèmes majeurs qui sont au cœur de notre projet de mandature.

Le premier, c'est la question de l'identité. C'est un sujet majeur qui dépasse, chacun l'a bien compris, les clivages politiques et philosophiques traditionnels.

Qu'est-ce qu’être Français aujourd'hui ? Que faisons-nous ensemble ? Où voulons-nous aller ? Quand on voit sur un même palier des habitants qui ne se parlent pas, ne s'écoutent pas, ne se respectent pas, c'est qu'ils ont peur les uns des autres. Et c'est alors la Nation qui se fissure en silence. C'est en cela que la question de l'identité est essentielle.

Mais, pour bien en parler, il faut un préalable. C'est d'être au clair concernant deux sujets bien distincts sur lesquels les Français attendent de nous un langage de vérité : l'insécurité et l'immigration.

Sur l’insécurité, un travail considérable a été accompli. Il est hors de question de baisser la garde.

Sur la question de l’immigration, il y a des situations très délicates, pour lesquelles il convient d'agir avec beaucoup d'humanité, mais aussi avec un véritable esprit de responsabilité.

Ce sont les deux pendants d'une même action : d'un côté, la lutte déterminée contre l'immigration irrégulière et, de l'autre, la mise en marche d'un vrai parcours d'intégration pour ceux des immigrés qui souhaitent rejoindre légalement notre pays.

Ce parcours, c'est quoi ? C'est d'adhérer aux valeurs de la République, au premier rang desquelles la laïcité ; c'est de parler et de comprendre le français. C'est de vivre des revenus de son travail, et non de l'assistance, quand on veut faire venir sa famille. Nous attendons avec beaucoup d’impatience le texte que prépare Brice Hortefeux sur ce sujet. Pour autant, cela ne suffira pas à tout régler.

Le respect doit avoir une place centrale : respect de soi, respect des autres et respect de son pays, la France.

Le respect doit fonctionner dans les deux sens. Et c'est pour cela qu'il faut impérativement redonner à notre jeunesse l'envie de croire en son avenir et en sa réussite. Parce que la réalité aujourd'hui, c'est qu'une partie de notre jeunesse craint pour son avenir et redoute de vivre moins bien que ses parents.

Prenons deux exemples très concrets. Deux jeunes sont tous les deux âgés de dix-huit ans et sont tous les deux Français.

Le premier habite dans un quartier difficile de banlieue.

M. Jean-Pierre Brard. À Neuilly ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé. Il a un nom d’origine étrangère. Il est – comme on dit maintenant – d'immigration récente.

M. Jean-Pierre Brard. Sarkozy ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé. Parce qu’il n’a pas la même couleur de peau, qu’il n’a pas le même prénom, ni la même religion, il a le sentiment, dans sa tête comme dans le regard des autres, que, pour lui, ce sera plus difficile que pour d’autres en France.

Prenons un deuxième jeune. Il a également dix-huit ans, il est aussi Français. Mais sa situation n’est pas la même. Il habite, comme on dit, dans un quartier chic. (« Neuilly ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il est dans un milieu plus favorisé.

M. Jean-Pierre Brard. Fils à papa !

M. Jean-François Copé. Celui-là a évidemment en tête, de partir aux États-Unis, en Asie, après ses études, il est persuadé qu’en France on ne reconnaîtra pas son talent.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un malheureux !

M. Jean-François Copé. Mes chers collègues, ces deux jeunes qui sont tous deux Français, qui ne se sont jamais rencontrés, en sont arrivés à se dire que leur avenir n’était pas ici.

Notre sentiment, aux uns comme aux autres, c’est que le défi que nous avons à relever demain est de faire en sorte que l’un et l’autre pensent que, désormais, c’est en France qu’ils vont réussir leur vie. C’est leur talent qui sera notre fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

On pourrait aussi évoquer le cas d’un troisième jeune qui, parce qu’il habite en région, ni dans un quartier difficile, ni dans un quartier chic, …

M. Jean-Pierre Brard. À Meaux, par exemple !

M. Jean-François Copé. …n’a droit à rien. Il veut simplement qu’on lui apporte une réponse concrète, parce qu’il n’a pas trouvé la filière spécifique à Sciences Po et qu’il n’a pas tous les moyens nécessaires.

Prenons enfin ce quatrième, qui, lui, en a juste assez qu’on lui demande sans cesse de culpabiliser sur l'histoire de France et de choisir entre ses ancêtres les Gaulois et ses ancêtres les méchants...

Voilà la réalité à laquelle nous sommes tous confrontés. C’est cette question même de l’identité qu’il nous faut reconstruire avec générosité, avec passion, avec amour !

Le deuxième thème que vous avez abordé, monsieur le Premier ministre, c'est l’argent. L’argent, voilà un sujet que l’on a bien du mal à aborder entre hommes politiques !

Mme Jacqueline Fraysse. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. Parlons-en !

M. Jean-François Copé. Dieu sait si Jean-Pierre Brard, particulièrement détendu aujourd’hui, a du mal à divorcer de l’idéologie.

M. Jean-Pierre Brard. Je l’assume ! Je n’ai pas honte !

M. Jean-François Copé. Il est vrai que, sur ces sujets, nous allons, cet été, faire deux avancées considérables.

D’abord, grâce aux heures supplémentaires, nous allons enfin en finir avec les ravages des 35 heures (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), avec cette situation de folie qui fait qu’aujourd’hui celui qui est au RMI perd de l’argent s’il reprend un travail au SMIC. L’organisation de notre société est ainsi faite que, lorsqu’on est au RMI, on ne vit pas, on survit, mais qu’on bénéficie de la CMU gratuite, de la CMU complémentaire gratuite, de l’APL, du non-paiement des impôts locaux, qu’on a la garde d’enfants gratuite, les transports scolaires gratuits. Si jamais on reprend un travail rémunéré au SMIC, on perd tous ces avantages. Ce n’est pas celui qui est au RMI qui est en tort, c’est la France qui est à l’envers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Là aussi, nous devons avoir le courage de dire les choses.

Monsieur le Premier ministre, les Français ont largement adhéré au projet du Président de la République.

M. Jean-Pierre Brard. Les génuflexions !

M. Jean-François Copé. Ils nous ont accordé leur confiance pour agir. Nous devons maintenant avoir des résultats : sur la sécurité, sur le pouvoir d'achat, sur l'emploi, sur l'immigration, sur l'éducation, sur la baisse des impôts et sur bien d'autres sujets encore.

M. Patrick Roy. Le bouclier fiscal !

M. Jean-François Copé. Cette session extraordinaire est une première étape dans la traduction de nos engagements. Mais c'est tout au long de la législature que nous devrons agir avec le même enthousiasme et la même détermination.

De ce point de vue, monsieur le Premier ministre, vous pouvez compter sur le soutien et la confiance du groupe UMP. Nous tiendrons. Oui ! nous tiendrons. Nous serons à vos côtés.

M. Jean-Pierre Brard. Nous vous bousculerons !

M. Jean-François Copé. C'est notre responsabilité. C'est pour cela que les Français nous ont élus.

Et, en contrepartie, monsieur le Premier ministre, je vous demande d'avoir toujours à l'esprit que vous avez à vos côtés 320 députés, 320 hommes et femmes, qui ont pour eux l'expérience, l'enthousiasme, le talent, et qui veulent tout donner pour votre réussite, celle du Président de la République et pour que vive la France. (Mmes et MM. les députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français ont voté.

M. Patrick Roy. La majorité s’enfuit !

M. François Hollande. Et leur choix nous engage tous.

Vous, au nom de la majorité, à tenir vos promesses. Nous, au nom de l'opposition, à offrir une alternative. C'est la règle en démocratie.

Nous sommes, les uns et les autres, conscients des enjeux. Ils ont été rappelés. Ils sont communs à notre nation : la mondialisation avec ses atouts et ses menaces ; l'Europe, qu’il faut faire avancer ; les changements climatiques, qui sont là et qui pèsent d’ores et déjà sur notre vie quotidienne ; les rapports Nord-Sud, qui dégradent les conditions de la paix dans le monde ; et encore la menace terroriste.

Oui, les enjeux en France sont toujours, après cinq ans d’une action conduite par la majorité sortante – il semble qu’on l’oublie parfois –, les questions de l'emploi, de la solidarité et de la démocratie.

Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, vous venez de présenter la politique de votre gouvernement. J'aurais dû dire celle du Président de la République – c'eût été plus exact.

M. Guy Geoffroy. C’est la même !

M. François Hollande. Certes, il en a la plus incontestable des légitimités puisqu’il l’a tirée du suffrage universel.

M. Alain Gest. C’est bien de le reconnaître !

M. François Hollande. Il a un mandat. Rien de plus normal, qu’il vous demande de mettre en œuvre son projet. Sauf que la pratique de l’exécutif, depuis l’entrée en fonction du Président de la République, marque une inflexion…

M. Jean Marsaudon. Une rupture !

M. François Hollande. …sans doute une rupture, une mutation vers ce que j’appelle « l’omni-présidence ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Omniprésent, omnipotent, omniscient, le chef de l’État décide de tout, évoque tout, intervient sur tout.

M. Jean-Luc Reitzer. C’était le meilleur !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont décidé et l’ont choisi !

M. François Hollande. Et lorsqu’il ne s’exprime pas – cela peut lui arriver – ce n’est pas vous qui intervenez, monsieur le Premier ministre, c’est le secrétaire général de l’Élysée qui annonce le calendrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ce sont des conseillers présidentiels qui donnent le contenu des réformes. (Mêmes mouvements.) Au point que, sans vous faire offense, la question se pose de savoir quelle est exactement la tâche qui vous revient. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quel est le rôle qui vous est fixé ? Quelle est la responsabilité qui est la vôtre ? Et cette question ne concerne pas le seul exécutif.

M. Albert Facon. Cinq ans après, ce sont les mêmes qui sont là !

M. François Hollande. Dès lors que le Premier ministre est responsable devant l'Assemblée nationale, c'est aussi la place du Parlement qui se trouve altérée, modifiée, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen )

M. Bernard Deflesselles. Et la place du PS ?

M. François Hollande. …sans que nos institutions aient été modifiées.

En fait, reconnaissons-le, les uns les autres, nous vivons une dérive présidentialiste et nous sommes dans le faux-semblant.

M. Jean-Claude Lenoir. Qui est responsable du quinquennat ?

M. François Hollande. Peut-on, en effet, prétendre aujourd'hui que le Président de la République « veille au respect de la Constitution » et « assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » ?

M. Arnaud Montebourg. Certainement pas !

M. François Hollande. Que signifie encore l'article 20 de notre Constitution qui dispose, contre toute évidence, que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Mitterrand ne faisait rien d’autre !

M. François Hollande. Et l'article 21 selon lequel « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement » ?

M. Bernard Roman. Quel mépris pour le Premier ministre ! C’est scandaleux !

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. François Hollande. Ayons l’honnêteté de constater une pratique qui s’est éloignée des principes et traduisons dans nos textes, non pas « l'omni-présidence », mais le nécessaire équilibre entre les pouvoirs.

M. Albert Facon. Absolument !

M. François Hollande. L’exécutif, et nous le reconnaissons, doit décider et agir. Mais il revient au moins au Parlement de délibérer et de contrôler, sans quoi la démocratie politique en vient à claudiquer, puis à fléchir et enfin à tomber. Vous nous proposez un exercice de réflexion institutionnelle. Nous l'acceptons à condition qu'il soit mené jusqu'au bout et sans fard. S'il ne s'agit que de corriger ici, de toiletter là et de n'offrir – et je l’ai bien compris – au Président de la République qu'une tribune de plus – celle de l’Assemblée nationale – cette réforme, je vous le dis, ne sera qu'un artifice supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Si, en revanche, le processus de révision de notre Constitution a pour finalité de clarifier les responsabilités, de répartir les pouvoirs et de rapprocher la décision du citoyen, alors, allons-y franchement !

Pourtant, monsieur le Premier ministre, pour aller vers la République moderne, vous ne prenez pas le chemin le plus court ! J’ai noté chez vous de la timidité, de la retenue ! Si l’on veut vraiment changer nos institutions, il faut lever les procédures qui contraignent jusqu'à l'effacement le législatif, c’est-à-dire le Parlement. Il faut lui donner, à l’Assemblée nationale en particulier, les moyens d'investigation et de contrôle de l’action du Gouvernement. Vous avez fait des annonces, mais nous ne voyons rien venir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont tranché !

M. François Hollande. Il faut aussi limiter le cumul des mandats, introduire une part de proportionnelle à l'Assemblée nationale et réformer le Sénat, sans, ce qui serait un comble, le renforcer, en respectant l’équilibre des deux assemblées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Les sujets, on le voit, ne manquent pas, et il est urgent d’agir. Je souhaite qu’ils soient traités au Parlement et non dans une commission dont les membres seraient désignés par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) C’est ici que la réforme doit être décidée si nous voulons renforcer les pouvoirs du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

La démocratie, ce n’est pas simplement la démocratie institutionnelle, c’est aussi la démocratie sociale. Sur ce point, je vous rejoins, monsieur le Premier ministre. (« Ah » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Oui, essayons de faire prévaloir le contrat. Engageons la négociation collective. Ayons des syndicats davantage représentatifs, une représentativité fondée notamment sur l’élection. Mais là encore, allons jusqu’au bout : fixons le principe des accords majoritaires et de la hiérarchie des normes. Faisons en sorte que les syndicats majoritaires puissent engager les salariés et non pas tel ou tel syndicat minoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Enfin, la démocratie, monsieur le Premier ministre, et vous l’avez oublié dans votre intervention, c'est aussi le pluralisme. Celui de la presse est aujourd’hui menacé par le conflit d'intérêts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Tout à fait !

M. François Hollande. Lorsqu’un grand groupe industriel veut racheter la presse économique en fixant ses conditions, oui, le pluralisme est altéré !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. En effet !

M. Thierry Mariani. Vous êtes grotesque !

M. François Hollande. Quand un groupe audiovisuel privé veut être partie prenante dans la gestion du nucléaire civil, oui, c’est un problème non pour l’industrie, mais pour la presse. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’attendais des propositions de votre part, en vain.

La démocratie, mes chers collègues, n’est pas une contrainte, ni un frein, mais une condition de la réussite, notamment sur le plan économique.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. La démocratie c’est le résultat des élections.

M. François Hollande. Vous héritez, j’en conviens, d'une situation économique bien dégradée.

M. Guy Geoffroy. Celle que vous avez laissée !

M. François Hollande. La « vieille croissance » dont vous avez parlé,…

M. Guy Geoffroy. La vôtre !

M. François Hollande. …nous la connaissons depuis cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Une croissance qui a été de manière continue plus faible que celle de nos voisins allemands notamment.

M. Guy Geoffroy. Et votre bilan ?

M. François Hollande. L'endettement public dont vous avez parlé atteint – niveau record – 65 % de la richesse nationale. Cet endettement public, c’est le vôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez perdu les élections, monsieur Hollande !

M. Bernard Deflesselles. C’est fini la campagne électorale !

M. François Hollande. Les comptes sociaux, ce sont les vôtres, monsieur Fillon ! Vous étiez ministre des affaires sociales. Le déséquilibre des régimes de retraite – près de cinq milliards d’euros – et de l’assurance maladie – 6 milliards d’euros, ce sont les vôtres. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Peut-être n’était-ce pas vous, mais M. Douste-Blazy. Où est-il d’ailleurs, M. Douste-Blazy ? À l’Élysée, nous dit-on ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Et, que dire du taux de chômage, l'un des plus forts d’Europe ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous avez perdu les élections !

M. Yves Nicolin. Vous avez perdu !

M. François Hollande. Vous auriez mauvaise grâce, j’en conviens, à accabler l'héritage de vos prédécesseurs puisque, si je puis dire, vous êtes l’un d’eux ! Ce bilan est donc le vôtre. Parler de rupture aujourd'hui signifie que ce bilan n'était pas fameux.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont décidé !

M. Yves Nicolin. La campagne est terminée !

M. François Hollande. Vous nous proposez un contrat avec de grandes réformes structurelles. Sur leur intitulé, nous n’avons pas d’objection. Et si nous pouvons nous retrouver pour donner des moyens supplémentaires à l’université, à condition que ce soit pour toutes les universités, et pas seulement pour quelques-unes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen),…

M. Bernard Deflesselles. Il faudra voter le projet de loi alors !

M. François Hollande. …à condition aussi qu’il puisse y avoir un plan social étudiant et un lien avec la recherche, nous y sommes prêts car nous sommes là devant l’un des grands enjeux de l’avenir.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Chiche !

M. François Hollande. Oui, chiche, faisons-le et allons jusqu’au bout !

Mais lorsque vous parlez de réforme de l’emploi et du marché du travail pour justifier l’introduction du contrat de travail unique, je vous préviens d’ores et déjà : vous entrez dans un processus qui n’est pas éloigné du contrat première embauche (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire )…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Les Français ont tranché !

M. François Hollande. …et qui consiste à faciliter le licenciement au prétexte de favoriser l’embauche. Ce n’est pas là la voie de la concertation.

Que proposez-vous aux salariés avec ce contrat unique de travail ? Des garanties supplémentaires ? Mais où sont-elles ? Des droits ? Mais où sont-ils ?

M. Yves Nicolin. Attendez !

M. François Hollande. L’accompagnement individuel ? Mais où est-il ? La fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC ? Mais que pourra bien faire au salarié licencié la fusion de ces deux organismes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Marc Roubaud. Nul !

M. Jean-Pierre Soisson. Démagogie !

M. François Hollande. C’est sur la politique de croissance que nous nous confronterons vraiment. Je considère que votre paquet fiscal, votre choc fiscal, est économiquement inapproprié (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire ) socialement injuste et budgétairement aventureux !

M. Jean-Marc Roubaud. Vous ne le connaissez pas !

M. François Hollande. Il est économiquement inapproprié, car votre politique n’est ni une politique de la demande, ni une politique de l’offre.

M. Georges Tron. Mais les deux !

M. François Hollande. Elle n’est ni conjoncturelle, ni structurelle. Votre politique se résume à des cadeaux faits à des Français qui n’en ont même pas besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Vous prétendez encourager l’entreprise, mais le paquet fiscal n’avantage que ses dirigeants. Il signifie la fin de l’impôt sur la fortune, des avantages en termes de stock-options. Mais rien n’est prévu pour l’entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Vous avez perdu !

M. François Hollande. Pour notre part, nous avions proposé la baisse de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis. Nous avions proposé la réforme de la taxe professionnelle pour avantager l’industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Bernard Deflesselles. Vous avez perdu les élections !

M. François Hollande. Nous avions proposé la modulation des cotisations sociales. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Vous, votre seule réponse consiste à donner des avantages fiscaux à ceux qui ne les consommeront même pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Vous prétendez favoriser le travail, mais vous privilégiez la rente.

M. Yves Nicolin. Calmez-vous !

M. Bernard Deflesselles. La campagne électorale est terminée !

M. François Hollande. Vous voulez relancer la consommation, mais vous stimulez l’épargne. Vous espérez la croissance, mais ce sont les inégalités qui augmenteront. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Votre politique est socialement injuste. Le « bouclier fiscal » coûtera 1,5 milliard d'euros au profit de moins de 150 000 contribuables. Il s'ajoutera à la baisse de l'impôt sur le revenu et à la réforme de l'impôt sur la fortune. Par ailleurs, qu’en est-il de l’état des patrimoines en France ? En fait, les 1 % de Français les plus favorisés ont vu leurs revenus augmenter de près de 20 % entre 1998 et 2005 (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) alors que durant la même période, le revenu moyen par foyer n'a enregistré qu'une hausse de 5 %. Quatre fois plus pour les plus favorisés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Bernard Deflesselles. Calmez-vous !

M. François Hollande. Et dans le même temps, vous refusez de revaloriser le SMIC. Tel est le sens de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Marc Roubaud. Démago !

M. François Hollande. Enfin, vos choix sont aussi aventureux sur le plan budgétaire car votre paquet fiscal coûtera rien moins que 12 milliards d’euros. Permettez que l’on vous pose cette question simple : comment ces mesures vont-elles être financées ?

M. Roland Muzeau. Par les pauvres !

M. François Hollande. Vous prétendez que ce sera par la croissance. Mais quelle croissance ? La ministre de l’économie et des finances a annoncé qu’elle atteindrait 2,5 % l’année prochaine, au mieux à peine 0,3 ou 0,4 point de plus que cette année, pas de quoi couvrir vos largesses fiscales.

Alors vous nous présentez aujourd'hui, sans vraiment le dire, un budget de rigueur. En effet, lorsque l’on dit que les dépenses de l'État seront gelées en volume, c’est bien faire un budget de rigueur.

M. Jean-François Copé. En effet, ce n’est pas un budget socialiste !

M. François Hollande. Ajouter que les dotations de l’État aux collectivités locales – le cumul des mandats dans cette assemblée me fera mieux comprendre de beaucoup – seront également gelées, alors oui, la rigueur affectera non seulement l’État, mais aussi les collectivités locales.

M. Jean-Paul Charié. Merci d’avoir compris !

M. François Hollande. Vous affirmez baisser les impôts des contribuables d’État. C’est une mystification, car dans le même temps, vous faites augmenter les impôts des contribuables locaux. Voilà la logique de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Ollier. Mensonge !

M. Guy Teissier. Démagogie !

M. François Hollande. Budget de rigueur en effet puisque vous annoncez 30 000 à 40 000 fonctionnaires en moins.

S’agissant de l’éducation, je vous ai entendu parler de moyens supplémentaires pour les quartiers en difficulté, de la mise en place d’études surveillées et d’un droit opposable pour les parents d’enfants handicapés, alors même que nous avons appris qu’il y aurait 10 000 suppressions d’emplois dans l’éducation nationale. Qui peut donc vous croire, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Jean Marsaudon. Démagogie !

M. François Hollande. Ce budget de rigueur ne suffira pas pour autant à financer vos cadeaux fiscaux.

On comprend mieux désormais les raisons pour lesquelles vous avez engagé une réflexion sur l’introduction de la TVA improprement appelée « sociale », qui n’est en réalité qu’anti-sociale.

M. Christian Vanneste. Imposteur !

M. François Hollande. Vous aviez vous-même parlé, monsieur le Premier ministre, – et je veux ici rendre justice à M. Borloo – d’une augmentation de cinq points de la TVA. Grâce à votre discours, nous savons désormais qu’il y aura bien en 2008 ou en 2009 une augmentation de la TVA « anti-sociale ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Marsaudon. C’est faux !

M. François Hollande. Cela ne servira pas à couvrir les dépenses de protection sociale ou à faire baisser le coût du travail ; cela servira à financer les cadeaux fiscaux que vous venez d’accorder aux plus favorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. Bernard Deflesselles. Minable !

M. le président. Il va falloir bientôt conclure, monsieur Hollande.

M. François Hollande. Je termine, monsieur le président.

Quand on nous dit que les comptes sociaux sont dégradés, c’est vrai ! Quand on nous dit que l’assurance maladie a dérapé de plus de 2 milliards d’euros, c’est vrai ! Quand on nous dit que les régimes généraux de retraite ne sont pas financés, c’est vrai !

M. Georges Tron. Et que faites-vous face à tout cela ?

M. François Hollande. Mais quand on affirme que ce sont les franchises – là encore, un mot qui n’est pas sincère – qui vont permettre de combler le trou de l’assurance maladie, alors je me dis ou bien que c’est vrai, ce qui serait grave car cela supposerait un niveau de prélèvement insupportable sur la santé des Français, ou bien que vous continuerez à laisser filer la dette sociale et le déficit des comptes sociaux.

Compte tenu de la politique que vous préconisez, monsieur le Premier ministre, vous avez le choix soit de laisser les inégalités se creuser, soit de laisser les déficits publics se creuser. Eh bien, en fait, je pense que vous allez faire les deux à la fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Au nom des socialistes, je voudrais souhaiter que la France puisse se redresser dans les cinq ans qui viennent. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean-Pierre Soisson. Comme c’est bien !

M. François Hollande. Je voudrais croire même à la possibilité d’une réussite de votre politique.

M. Bernard Deflesselles. Hypocrite !

M. Christian Vanneste. Tartuffe !

M. François Hollande. Mais tout ce que vous avez dit aujourd’hui et tout ce que vous avez fait pendant cinq ans me conduit à penser que des risques sérieux sont devant nous.

M. Georges Tron. Vous avez été battus, faut-il le rappeler ?

M. François Hollande. Il n’est pas facile, en début de législature, de prévoir le pire. C’est pourquoi je vous propose, monsieur le Premier ministre, afin d’avoir un débat de qualité, respectueux et de la majorité et de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), que nous disposions tous les six mois d’une évaluation de votre politique.

M. Guy Teissier. Ce sont les Français qui jugeront !

M. François Hollande. Cela nous permettrait de débattre des résultats, et non pas simplement des choix et des annonces – ce qui serait trop commode –, avec vous mais aussi peut-être demain avec le Président de la République, puisque telles sont ses intentions.

Nous sommes prêts pour cette confrontation démocratique. Nous sommes prêts tous les six mois à vous demander de rendre des comptes. Nous sommes prêts à être utiles. Et la meilleure façon pour nous d’être utiles aujourd’hui, c’est de ne pas vous donner notre confiance, monsieur le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical et citoyen se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’issue de ce cycle électoral, le débat démocratique dans les institutions, les entreprises et dans tous les domaines de la vie citoyenne ne s’interrompt pas.

Le suffrage universel s’est exprimé : il a rendu un verdict que nous respectons. Mais nous saurons jouer notre rôle de groupe parlementaire qui entend faire vivre, avec ses différentes sensibilités, la parole des plus humbles, de celles et ceux qui sont victimes des inégalités, de celles et ceux qui refusent des choix destructeurs pour l’avenir, de celles et ceux qui souhaitent le rassemblement plutôt que la division, de celles et ceux qui, parmi les couches moyennes, subissent un recul social continu.

Il est une chose que l’on ne peut passer sous silence, c’est le changement de régime auquel nous assistons, conséquence certaine de la mise en place du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral. Ce qui risque d’être avalisé, c’est l’affaiblissement du Parlement, malgré vos annonces, monsieur le Premier ministre, dont chacun aura noté la timidité. Les députés comme les sénateurs ont pour mission de contrôler l’action du Gouvernement, mais comment faire si la politique de la nation n’est plus ni déterminée ni conduite par celui-ci ?

Cette modification structurelle appelle de la part des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – qui rassemble les élus communistes et apparentés, les élus Verts et des élus d’outre-mer – la réaffirmation d’une république nouvelle, démocratique, sociale et participative, s’appuyant sur la reconnaissance de la diversité des sensibilités politiques dans notre pays et sur leur nécessaire représentation à la plus haute instance du pouvoir législatif, c’est-à-dire sur une modification du mode de scrutin, avec l’introduction d’un scrutin totalement ou partiellement proportionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C’est l’un des combats que nous mènerons au cours de la législature qui s’ouvre, en lien avec le nécessaire renforcement du pouvoir de l’Assemblée nationale, alors même que celle-ci devient soumise à l’exécutif et plus spécialement à un homme, du fait qu’elle a été élue immédiatement après l’élection présidentielle.

Durant cette législature, nous n’aurons de cesse de faire respecter notre devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » dans le concret de la vie de nos concitoyens. On nous oppose la mondialisation et ses prétendues contraintes pour justifier le glissement vers un triptyque  « libéralisme économique, équité, communautarisme ». M. le Président de la République nous explique ainsi que « l’égalitarisme, c’est l’assurance de l’immobilisme ». Sans doute. Mais je pense qu’il serait plus utile de dire que « l’égalité, c’est l’assurance du progrès de l’humanité ».

Tout ce qui a été engagé au plan international, du sommet européen au G 8, s’inscrit dans ce glissement vers le modèle anglo-saxon. Notre Président dit rejeter la pensée unique ; en fait, il nous propose une terne copie d’un capitalisme écrasant toutes les valeurs qui ne sont pas celles du CAC 40.

Le mini-traité européen, dont nous parlerons plus largement demain, ne met nullement en cause l’indépendance de la Banque centrale européenne. Il bloque les possibilités d’harmonisation fiscale et sociale européennes en instaurant un droit de veto sur ces questions. Il ne régénère pas la préférence communautaire, pas plus qu’il ne jette les bases d’un vrai développement durable. Quand présenterez-vous un bilan des décisions de l’Union européenne ?

Les rencontres internationales des pays les plus riches ne s’attaquent nullement aux causes d’un développement mondial déséquilibré, qui met en péril à la fois la vie de milliards d’êtres humains et la sécurité de la planète. Ce capitalisme financier place les salariés en concurrence, détruit la planète sur laquelle ils vivent, pendant que les décideurs festoient ensemble à la bonne santé de Wall Street et du CAC 40.

Sur le plan international, le groupe des députés de la Gauche démocrate et républicaine souhaite que notre pays puisse relancer, sous l’égide de l’Europe, une initiative de paix dans le conflit israélo-palestinien sur la base du respect des résolutions de l’ONU. C’est la seule manière de sortir le peuple palestinien du marasme dans lequel il est plongé et d’assurer la sécurité de toute la région, y compris d’Israël.

Nous préconisons également une grande initiative sous l’égide de l’ONU pour que les peuples du Sud ne soient pas condamnés à la misère et à la pauvreté. L’accès à l’éducation, aux soins, à l’eau potable devrait être prioritaire. C’est une des conditions de la sécurité collective. Croit-on vraiment que l’on peut régler sérieusement les problèmes d’immigration sans s’attaquer à ces questions fondamentales ? Le prétendre, c’est leurrer toute une partie de la planète et maintenir dans la soumission et l’exploitation toute une autre partie.

Vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, la « culture de la violence ». Mais la combattre, c’est avant tout développer la culture de l’égalité et de la solidarité, la culture de la non-discrimination et de la sécurité pour l’emploi et un revenu digne. En ces temps où la menace terroriste est revenue sur le devant de la scène, allons-nous enfin nous attaquer à la racine du mal ?

Enfin, la révolution écologique indispensable à la survie de notre planète ne saurait se faire sans modifier profondément les conditions de production. Il ne s’agit pas de répéter à l’envi qu’il faut de la croissance. Il s’agit de savoir quelle croissance, avec quel contenu social et quelles conséquences environnementales. Ces trente dernières années, les États-Unis ont eu une croissance soutenue, mais elle a engendré des inégalités grandissantes se traduisant par davantage de pauvreté et une dégradation profonde de l’environnement.

Mme Valérie Rosso-Debord. Et en Chine ?

M. Jean-Claude Sandrier. C’est bien d’une nouvelle organisation de la production, d’une nouvelle répartition des richesses, d’un nouveau pacte mondial dont nous avons besoin. Et face à ces attentes, beaucoup d’inquiétudes se font jour.

Les choix avancés par l’Élysée, ou par son secrétaire général, promu, semble-t-il, au rang de Premier ministre bis, ne font que dévoyer les aspirations de nos concitoyens. La méthode est connue. Il s’agit d’attiser les divisions, de jeter les salariés du privé contre ceux du public, d’opposer les chômeurs aux salariés, les RMIstes aux chômeurs, de faire croire à ceux qui ont moins que ceux qui ont plus doivent s’aligner vers le bas, tout ceci dans un vaste mouvement de casse des garanties collectives et de remise en cause insidieuse du droit démocratique fondamental qu’est le droit de grève.

Mme Françoise Hostalier. Et le droit de travailler !

M. Patrick Braouezec. Et le droit d’écouter ?

M. Jean-Claude Sandrier. Les premières mesures sont éclairantes. Vous osez parler de réformes, alors que l’on s’oriente vers un recul social sans précédent de notre pays. Vous n’êtes pas dans la réforme, vous êtes dans la régression. Vous n’êtes pas dans la modernité, vous êtes dans l’anachronisme. La modernité, je n’en connais qu’une seule forme, c’est celle qui en toute occasion fait passer l’être humain avant l’indice du CAC 40. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Nous assistons au retour d’une véritable société de rentiers : en vingt ans, les dividendes ont été multipliés par neuf alors que le SMIC n’a été multiplié que par deux. Dans vos discours, jamais il n’est question du cancer financier qui ronge notre économie. Le paquet fiscal, que notre assemblée va examiner dès la semaine prochaine, repose sur cette vénération pour les hauts revenus alors même que toutes les inégalités ont explosé durant ces cinq dernières années.

Dans une étude de juin 2007, réalisée dans le cadre de l’École d’économie de Paris, Camille Landais explique : « Notre travail révèle un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans, du fait d’une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyens et médians croissent très modestement sur la même période. […] Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches ». Voilà la situation que vous allez perpétuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cela montre, si besoin était, que la politique fiscale mise en œuvre depuis 2002 a été profitable aux plus riches et non aux classes moyennes.

Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne pas profiter de cette législature pour aborder la question de la définition d’une échelle de revenus acceptable en France ? L’économiste Thomas Piketty a réalisé une enquête qui laissait apparaître que les Français jugeaient acceptable un rapport de 1 à 3,5 entre le salaire d’un ouvrier et celui d’un cadre supérieur. Mais le rapport dans la vie réelle est de 1 à 12 aujourd’hui ! Et encore ne parle-t-on pas des revenus boursiers, totalement extravagants.

Dans ces conditions, le refus, applaudi par le MEDEF, de donner un coup de pouce au SMIC et aux bas salaires est inacceptable : les millions de salariés à temps plein au SMIC ne verront pas leur pouvoir d’achat progresser. De surcroît, comment les travailleurs pauvres, ayant des temps partiels subis et donc un SMIC partiel, pourront-ils continuer à vivre ? Je pense à ces caissières de la grande distribution, à ces employés dans les services à la personne ou dans la restauration qui ont des contrats de travail de 20, 25, 30 heures par semaine et parfois moins. Comment allez-vous payer à tous ces salariés des heures supplémentaires au-delà des 35 heures alors qu’ils ne les font pas ?

De même, votre obsession des exonérations de cotisations sociales est une ineptie. La Cour des comptes elle-même en a apporté la preuve en juillet dernier en démontrant que, sur 20 milliards d'euros compensés par l'État, 17 ne servent pas à l’emploi.

Les pays d'Europe les plus performants sont ceux où le travail est réellement valorisé, par un accroissement du salaire, qu'il soit net ou différé, par une réelle reconnaissance des diplômes et de la formation, par un effort considérable en direction de la recherche.

Enfin, deux de vos mesures phares, la fixation du bouclier fiscal à 50 % et l'élargissement de l'exonération des droits de successions et donations, visent uniquement les plus fortunés.

Tous les articles de presse l'ont souligné, 90 % des successions sont d’ores et déjà exonérées. Avec votre proposition, ce sont les plus grosses successions qui y gagneront, reproduisant par là même les inégalités avec plus de force.

Quant au bouclier fiscal, qui coûtera au budget de la France l'équivalent de 400 maisons de retraite, ou trois fois ce que vous dites vouloir accorder aux universités, il serait une arme pour éviter la fuite de nos fortunes. Pourtant, a contrario, un rapport de 2005 de la Banque mondiale relevait qu’un diplômé britannique sur six quittait la Grande-Bretagne pour aller travailler à l'étranger. Le paradis fiscal et le paradis de l'emploi que l'on nous présente ici ne sont pas vécus comme tels de l'intérieur.

Comme l'écrit Jean Gadrey dans son ouvrage En finir avec les inégalités, « ce n'est pas seulement le climat britannique qui est en cause, mais bien plutôt le climat social : la cherté de la vie, la forte criminalité, l'engorgement des transports, le manque de postes en médecine. Autrement dit, bon nombre de Britanniques se délocalisent parce que les biens publics sont de mauvaise qualité et que la santé sociale se dégrade. Les inégalités sociales finissent, elles aussi, par rendre la vie difficile dans un pays et par nuire en définitive à la bonne marche de l'économie ».

Dans ce contexte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposeront à la casse du code du travail et de sa clé de voûte qu’est le contrat de travail à durée indéterminée.

Le fameux contrat de travail unique ne vise ni plus ni moins qu'à briser les garanties collectives du CDI, à amoindrir la sécurité du salarié, à développer la précarité. Certes, des inégalités se sont développées en matière de sécurité de l'emploi. Leur solution n'est pas dans une réforme des contrats de travail mais dans la conquête de nouveaux droits : droit des personnes à une stabilité des ressources en cas de mobilité professionnelle, droit à la formation continue et à l'accès des dispositifs efficaces d'accompagnement, droits accrus des salariés dans la proposition de plans alternatifs en cas de licenciement, droits accrus d'intervention dans la gestion.

La recherche de rendements à 15 % et plus, pour servir les dividendes des actionnaires, est complètement destructrice pour l'emploi. Elle impose des conditions de travail qui se dégradent, une précarité accrue, tout ce qui fait que la cohésion sociale se délite.

Face aux rapports alarmants des médecins du travail, nous proposerons la création d’une commission d’enquête sur les conditions de travail en France, ainsi qu’une étude sur le même sujet dans l’Union européenne et les pays de l’ONU.

Cette cohésion sociale est l’apanage des politiques publiques. La solidarité entre nos concitoyens est d’abord assurée par des services publics accessibles, égalitaires et continus.

C’est pourquoi, il n’est pas acceptable de toucher à l’éducation en supprimant 10 000 postes. Cela contredit tous vos discours sur la priorité accordée à la formation.

J’ajoute que la réforme annoncée des universités ne manque pas d’inquiéter les acteurs de la communauté universitaire alors qu’il faudrait mettre plus de moyens par étudiant.

De même, pour la santé et la protection sociale, les dotations insuffisantes des hôpitaux revalorisées en deçà du taux d’inflation, doublées d’une tarification à l’activité qui s’avère injuste, font courir des risques sur le devenir de notre système de protection sociale. Il faudra bien que des ressources nouvelles prises sur les revenus financiers viennent abonder nos comptes sociaux. Ce serait un choix beaucoup plus juste que la poursuite des déremboursements et la mise en œuvre de franchises médicales profondément inégalitaires.

Monsieur le Premier ministre, vous nous promettez le plein emploi dans cinq ans. Si tel est le cas, pourquoi instaurer des franchises puisque ce plein emploi permettra de faire rentrer 15 milliards d’euros de cotisations dans les caisses de la sécurité sociale ?

Comment également ne pas s'étonner des premières mesures envisagées pour la justice, qui font appel aux ressorts les plus simplistes sur l'automaticité des peines, qui conduirait à l'engorgement et à l'inefficacité de notre système carcéral, et qui, dans le même temps, organiserait un véritable repli territorial. La justice, pilier de notre démocratie, doit recevoir des moyens supplémentaires.

La diminution des moyens des grands services publics et l'augmentation que vous venez de confirmer de la TVA affecteront l’ensemble de la population, tandis que la vente du patrimoine national – 3 milliards d'euros d'actions de France Télécom après les 16 milliards d'euros de 2006 – paieront en fait les cadeaux faits aux plus riches.

Notre groupe ne peut que s’inquiéter de l’action réelle que mènera le fameux ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durable. Ce n’est pas de mots que nous avons besoin, mais de mesures simples, concrètes, efficaces. Il y en a pourtant dont vous ne parlez jamais et qui sont essentielles, notamment pour limiter l'émission des gaz à effet de serre, comme le développement du fret ferroviaire, qui nécessite la modernisation des infrastructures, le renouvellement des matériels, l'embauche de cheminots, ou encore le fret fluvial et le soutien aux transports publics, avec la mise en œuvre de crédits conséquents.

Enfin, que dire de l'abandon à peine masqué du principe de précaution concernant les OGM !

Monsieur le Premier Ministre, vous êtes aujourd'hui à la tête d'un gouvernement dont les premières annonces – travailler plus pour gagner plus, TVA dite sociale, diminution de l'effort en faveur de l'éducation, cadeaux aux plus riches – forment le corpus d'une véritable allégeance au modèle néolibéral anglo-saxon.

Ce n'est pas le chemin que nous préconisons, et à l'aube de cette législature, la gauche dans son ensemble, et la gauche de transformation sociale que nous incarnons, devra porter haut les valeurs de justice, de solidarité, de fraternité.

Cela passe par des choix novateurs : non travailler plus pour gagner plus, mais rémunérer plus le travail que les dividendes (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; permettre à nos concitoyens de vivre dignement par l’accès à des besoins fondamentaux, comme le logement, l’emploi, le soin, la formation ; mettre en œuvre une fiscalité plus juste, avec l'accroissement des prélèvements progressifs et la diminution des impôts indirects ; développer la maîtrise publique sur l'eau ; créer un véritable pôle financier public pour soutenir les PME ; défendre et promouvoir les services publics de l'éducation, de la santé, des transports et de l'énergie ; créer une grande entreprise nationale de l’énergie en unissant EDF et GDF et en stoppant une ouverture du marché désastreuse pour le consommateur ; œuvrer pour une conférence internationale contre la pauvreté et pour la paix.

Monsieur le Premier ministre, vous avez repris les grands choix du Président de la République. Je voudrais dire, au nom des députés communistes et républicains, verts et ultra-marins de notre groupe, qu'il ne suffit pas d'évoquer des valeurs, qu’il ne suffit pas d’aligner des mots dans un discours pour exprimer ces valeurs, encore faut-il faire les choix politiques, économiques et sociaux qui soient conformes à ces valeurs et à ces mots. Or ce n'est pas ce que vous faites, ce n'est pas ce que vous allez faire. Pour cette raison, nous refuserons d’accorder la confiance à votre Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. le .président. La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, on vient d’entendre, une fois encore, beaucoup de choses sur le rôle du Président de la République dans nos institutions. À l’instant, M. Hollande a parlé d’un président omniprésent qui vous ferait un peu d’ombre. Je crois profondément que cette agitation autour du rôle du Président de la République est d’un autre temps. Il y a peu encore, ceux-là même qui critiquent cette activité s’interrogeaient sur le rôle du Président dans la période précédente, indiquant qu’il était trop souvent absent, parlaient de son retrait, de son isolement et parfois même de son silence sur les enjeux nationaux.

En tout cas, les Français ne s’y sont pas trompés, eux qui se sont déplacés à plus de 85 % pour élire celui qui, indiquera, pendant les cinq prochaines années, la direction que va suivre notre pays et qui devra respecter ses engagements. Il a la légitimité pour le faire et c’est très bien ainsi.

D’ailleurs, nous sommes dans la logique même du quinquennat, qui a complètement transformé le rôle du Président de la République, monsieur Hollande ; c’est la conséquence logique de la remise en ordre du calendrier que nous avions souhaité et que vous aviez voulu avec M. Jospin – élection présidentielle puis élections législatives – afin de pouvoir former une majorité qui permette de conduire l’action qu’entend porter le Président de la République relayée ici même par le Premier ministre.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, tout commence pour vous et il vous appartiendra de mettre en œuvre les engagements pris par le Président de la République devant les Français et dont vous avez rappelé d’ailleurs à la fois le calendrier et les étapes qui devront nous y conduire.

Bien évidemment, comme vous l’avez dit, cette étape importante ne peut pas être conduite sans une volonté de rassembler toutes les compétences et sans une modernisation de notre vie politique. Vous avez parlé du travail que vous souhaitez engager pour rénover le mode de fonctionnement du Parlement. Le Nouveau Centre sera très engagé dans cette réflexion parce qu’elle est nécessaire à la vitalité de la démocratie. Du reste, vous le savez, mes chers collègues, en cas de difficultés, si le débat ne se déroulait pas ici de manière constructive, il risquerait d’avoir lieu dans la rue.

Un premier pas vers la modernisation de notre Parlement a été franchi avec l’élection de Didier Migaud, député de l'opposition, à la présidence de la commission des finances. Voilà un acte concret.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. Mais, nous le savons, nous devons aller beaucoup plus loin. Nous sommes attachés, au Nouveau Centre, à un Parlement qui ait les moyens de ses missions, qui redevienne le lieu du débat public. Pour cela, il est nécessaire qu’il ait l’initiative et la maîtrise de son ordre du jour, ce qui n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui, que son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement soit renforcé, qu’il s’assure de la bonne application des lois et qu’il en évalue l’impact. Ce travail d’évaluation est devant nous et il devra être partagé par l’ensemble de ceux qui siègent dans cet hémicycle.

Enfin, nous attendons que le Parlement soit aussi le garant de l’impartialité de l’État, notamment dans les nominations.

Nous sommes attachés également, monsieur le Premier ministre, à l’introduction d’une dose de proportionnelle qui permette à l’ensemble des courants de pensée en France de siéger dans cet hémicycle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

L’enjeu est d’être au rendez-vous des Français. Ils attendent de nous une nouvelle manière d’agir tournée vers plus de pragmatisme. C’est ce qu’ils ont voulu à travers leur vote. Ils souhaitent qu’on leur donne des perspectives, un but clair, que les efforts demandés soient justes et utiles pour l’avenir.

Monsieur le Premier ministre, rien ne serait plus périlleux que l’immobilisme face à cette attente. Rien ne serait plus décevant que de céder au conformisme et à la frilosité. Au Nouveau Centre, nous avons fait le choix politique de nous engager au sein de la majorité présidentielle avec la volonté d’être utiles à la France. Notre ligne de conduite sera simple : veiller à ce que les réformes pour lesquelles nous avons été élus soient engagées et pleinement appliquées. Nous le ferons sans rien renier de nos convictions, animés par les valeurs sociales, libérales et européennes qui sont les nôtres.

Oui, monsieur le Premier ministre, nous serons engagés pour assurer la réussite du contrat, pour revaloriser le travail que vous avez défini comme une exigence première, pour augmenter le pouvoir d’achat et pour accélérer la croissance, qui est un enjeu majeur. Bien sûr, il faudra réformer le marché du travail, le rendre plus souple pour les entreprises, plus sûr et plus rémunérateur pour les salariés. Et nous partageons votre volonté de libérer l’emploi et de réduire les charges qui pèsent sur le travail, les salariés et les entreprises.

Il faudra aussi mieux récompenser le mérite, mieux rémunérer les heures supplémentaires, pour relancer l’activité et créer du pouvoir d’achat. Ce sera d’ailleurs l’objet de l’un des tout premiers textes que nous examinerons.

Nous avons pris le parti de vouloir encourager le retour à l’activité pour tous ceux qui sont en dehors de cette activité, pour les bénéficiaires des minima sociaux, parce que nous pensons que la vraie dignité se retrouve dans le travail et dans l’utilité sociale.

Le contrat que vous proposez, c’est un choc de confiance. Il est essentiel pour assurer l’avenir et redonner du dynamisme à notre économie, seul capable de restaurer le lien social.

Et pour que cette nouvelle croissance soit au rendez-vous, il faut investir, monsieur le Premier ministre, et vous l’avez dit. Une France créative doit miser sur l’innovation. Notre collègue Christian Blanc a beaucoup travaillé sur les pôles de compétitivité qui permettent d’engager le rassemblement de toutes les compétences autour de l’activité industrielle et économique.

Une France créative, c’est une France qui arrivera à motiver sa jeunesse en lui donnant l’espérance qu’elle a un avenir devant elle pour peu qu’on y croie avec elle. C’est aussi le moyen d’utiliser davantage les compétences de nos aînés qui ont été écartés de l’emploi et qui aspirent eux aussi à participer de cet effort collectif. Profiter de leur expérience, c’est aussi l’une de nos exigences pour relancer la croissance. Investir dans le savoir, la connaissance, la recherche, voilà aussi l’un des débats que nous devrons avoir avec nos partenaires européens pour peser dans la globalisation.

Telles sont les armes nécessaires pour répondre aux défis de la mondialisation.

Cette réalité de la mondialisation que vous avez évoquée, aucun pays, aussi puissant soit-il, ne peut s’y opposer. Ne soyons donc pas frileux et, même si des risques existent, regardons-la comme une chance pour notre peuple.

J’ai aimé vous entendre parler de la France « pro-entreprises », celle des très petites entreprises et des PME. Nous nous sommes battus afin que leur soit réservée une part de nos marchés publics, car elles en sont trop souvent écartées. Nous avons ainsi porté l’idée d’un « Small Business Act » à la française. Le Président de la République a souhaité aborder cette question au plan européen, et vous-même comptez-vous engager dans cette voie. Nous serons à vos côtés pour faire en sorte que ce projet se concrétise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.) Ce serait un signe très fort à l’adresse des très petites entreprises et des PME, qui forment le socle de l’emploi dans nos territoires.

M. Bernard Roman. Qui a modifié le code des marchés publics pour les exclure ?

M. François Sauvadet. Il faudra oser lancer de nouveaux débats, et tourner le dos au conformisme, monsieur Hollande. Ainsi, le débat sur la TVA sociale devra être ouvert. D’autres pays se sont engagés dans cette voie. Si cela permet de lutter contre les délocalisations, faisons-le ! D’autres l’ont bien tenté !

M. François Brottes. C’est une mesure injuste !

M. François Sauvadet. Ne sacrifions pas à des intérêts politiciens de court terme des idées qui pourraient être utiles à la France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut explorer tout ce qui peut offrir des perspectives nouvelles à notre économie. Ne refusons pas le progrès !

La politique de développement durable – vous avez notamment évoqué la fiscalité écologique – est une exigence majeure pour les générations futures. Un signe très fort a d’ailleurs été donné lors de la constitution du Gouvernement, puisqu’un ministre d’État est en charge de ces dossiers. Cette politique ne sera pas un frein à la croissance, nous en sommes convaincus. Bien au contraire, elle sera génératrice d’une nouvelle croissance. Là aussi, il faudra du concret. Cela passe par une politique de grands travaux. Je pense notamment au canal Rhin-Rhône, abandonné par la gauche pour des motifs incertains. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Alain Gest. Ou au canal Seine-Nord-Europe !

M. François Sauvadet. Enfin, monsieur le Premier ministre, on ne gagnera pas la bataille de l’avenir sans l’école, sans la réforme de l’université, sans la rénovation de notre système éducatif. C’est en effet à l’école que tout commence. C’est là que nous donnons à nos enfants les clés de leur avenir. C’est dire toute l’importance qu’elle mérite même si elle ne peut, à elle seule, corriger toutes les faiblesses, toutes les dérives, toutes les détresses de la société. Donnons-lui les moyens de permettre à chacun de construire son avenir. Réduire l’échec scolaire, faire de l’école un lieu d’excellence pour tous doivent être des priorités nationales. Nous aurons des débats sur ces sujets. Au sujet de la carte scolaire, vous avez entendu, monsieur le Premier ministre, les inquiétudes qui s’expriment en milieu rural sur les conséquences que pourrait avoir son abandon. Il faut expérimenter, évaluer, tout en veillant à garantir la mixité sociale et l’égalité des chances.

S’agissant de l’université, j’ai été surpris d’entendre certains commentateurs évoquer un « premier recul » de la part du Gouvernement. Est-ce un recul que de vouloir écouter ceux qui seront en charge d’appliquer la réforme ? Au contraire, le dialogue engagé a déjà un résultat, puisque la nécessité de l’autonomie n’est plus contestée sur aucun de ces bancs. Faire évoluer les opinions afin de parvenir à une réforme dans un climat apaisé, telle sera aussi l’une de nos exigences premières si nous voulons réussir. En effet, il n’y aura pas de résultat sans dialogue, ni de dialogue abouti sans détermination.

Vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que j’évoque aussi au nom de mon groupe la question de la justice. Le drame d’Outreau, au-delà du douloureux symbole qu’il représente, a révélé les mille et une failles d’un système judiciaire à bout de souffle. Rendre la justice plus accessible, plus compréhensible pour nos concitoyens, renforcer l’instruction et les droits de la défense, rénover les prisons et développer les peines alternatives à la prison, telles sont les réformes utiles à mettre en œuvre pour parvenir à une justice plus moderne et plus démocratique. Quant à la réorganisation de la carte judiciaire, elle doit mettre l’institution au service de l’objectif poursuivi, et pas seulement permettre de réaliser quelques économies.

S’il est un sujet sur lequel le Nouveau Centre s’engagera fortement, c’est celui de la réforme de l’État, trop longtemps repoussée et ajournée. Il est temps de s’y attaquer, car elle est une étape incontournable pour l’assainissement de nos finances publiques et la réduction de la dette. La réforme de l’État conditionnera le financement des futures réformes : il faudra bien, en effet, retrouver des marges de manœuvres budgétaires. Cela veut dire se défaire des dépenses inutiles et se concentrer sur les dépenses utiles. Les collectivités territoriales devront participer à cet effort collectif.

Les députés du Nouveau centre, Charles de Courson en particulier, veilleront à ce que l’engagement du Président de la République de parvenir à l’équilibre budgétaire en cinq ans soit respecté. Il serait inacceptable de laisser filer la dépense publique tant la dette handicape l’ensemble de notre économie et crée un climat d’incertitude face à l’avenir. Elle est, pour nos enfants, une charge insupportable, immorale. Rendons l’action publique moins coûteuse et plus efficace. Prouvons que, dans un monde qui bouge, la sphère publique n’est pas la seule à rester immobile.

Nous attendrons aussi beaucoup du Gouvernement sur la question des retraites et de la protection sociale, qui réclame de l’audace et du courage. Il convient, certes, de préserver les bénéficiaires des régimes spéciaux parvenus au terme de leur carrière, car un engagement a été pris envers eux. Mais nous devons le dire aux nouveaux entrants : la justice, l’équité imposent que les efforts soient partagés par tous si nous voulons garantir une retraite minimale pour tous. Cette exigence est la garante de la solidité d’une société. Il est de notre responsabilité, en effet, de rendre cet hommage à tous ceux qui ont travaillé.

Enfin, je ne saurais terminer sans parler de l’Europe. Nous sommes en effet convaincus que la France a besoin de l’Europe…

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. François Sauvadet. …pour défendre son modèle de société et sa prospérité, et peser sur l’ordre du monde. Au nom de mon groupe, je tiens d’ailleurs à saluer l’action déterminée du Président de la République, qui a su, aux côtés de Mme Angela Merkel, trouver une issue à la crise institutionnelle lors du dernier sommet européen. Le couple franco-allemand a réussi son pari. Je me réjouis qu’un débat soit organisé demain sur ce sujet, car notre groupe l’attendait.

Cette étape marque le retour de la France en Europe et nous permettra d’aborder, j’en suis sûr, dans de meilleures conditions, les grands enjeux européens à venir. Je pense en particulier à notre agriculture, et aux nouvelles politiques que nous devrons imaginer et conduire ensemble.

Comme tout changement, les réformes que vous nous avez présentées, monsieur le Premier ministre, demanderont ténacité et persévérance. Il y aura, bien sûr, des réactions, des résistances et du conformisme – qui s’est déjà manifesté au sujet de la nécessaire ouverture et du rassemblement de toutes les compétences. Mais, après ces élections, une chose est sûre aujourd’hui : la réforme n’est pas impossible en France. Elle est même attendue, elle est voulue par les Français. Elle devra être menée sans précipitation, mais avec détermination.

Le Nouveau Centre s’engagera pleinement dans le processus de modernisation de notre pays. Nous souhaitons participer à part entière à ce projet afin de dynamiser le pays, de garantir l’égalité des chances et de récompenser la réussite et les talents.

Nous serons des partenaires actifs de la majorité présidentielle, et nous ferons entendre notre voix. Notre seule exigence vis-à-vis de vous, monsieur le Premier ministre, sera celle de vérité. Cette liberté de ton qui a toujours été la nôtre, cette autonomie à laquelle nous sommes attachés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), nous entendons les mettre au service de la France, pour assurer la réussite du quinquennat qui s’ouvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j’ai écouté avec attention les porte-parole de chacun des groupes. C’est la voix de la démocratie, dans ses différentes sensibilités, qui s’est aujourd’hui exprimée. Je souhaite, en réponse, vous faire partager trois convictions.

En premier lieu, le Parlement doit être le lieu privilégié des débats qui traversent la société française. Plus votre assemblée sera responsabilisée, plus les Français se sentiront respectés.

M. Pierre Méhaignerie et M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le Premier ministre. Ensuite, j’insiste sur le caractère périmé de certains clivages politiques, de certaines postures antagonistes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Je ne prétends pas que la droite soit équivalente à la gauche ; cela serait non seulement erroné, mais marquerait le signe d’un appauvrissement intellectuel. Cependant, tant de choses ont changé depuis une vingtaine d’années ! Les idéologies et les modèles alternatifs sont tombés en même temps que le mur de Berlin, événement qui a confirmé la pertinence de l’économie de marché. Les entrepreneurs et les salariés ne se regardent plus comme des ennemis irréductibles.

M. Jacques Desallangre. Ils n’ont cependant pas les mêmes intérêts !

M. le Premier ministre. Quant aux électeurs, ils sont de moins en moins prisonniers de leurs attaches partisanes. En conséquence, nous avons collectivement le devoir de débattre différemment, et de trouver des compromis sur les grands enjeux du futur.

Permettez-moi d’évoquer un souvenir : lors de la préparation de la réforme des retraites, j’ai fait, en compagnie des responsables de toutes les organisations syndicales françaises, un tour d’Europe au cours duquel tous les acteurs politiques et syndicaux que nous avons rencontrés ont souligné la méthode consensuelle qui avait présidé à la réforme dans leurs pays respectifs. J’ai été marqué par cette capacité à unir toutes les forces pour mieux dégager des compromis. La France a attendu quinze ans avant de réformer ses retraites : quinze ans de rapports, tous convergents ; mais aussi, pourtant, quinze ans d’affrontements politiques ! En sera-t-il de même pour le système universitaire ? Sommes-nous condamnés à nous diviser sur tous les sujets ? Sommes-nous condamnés à ne pas travailler ensemble sur le financement de notre pacte social ? Sur l’évolution de notre système de santé ? Sur la question du vieillissement de la population ? Il ne s’agit pour personne de se déjuger ou de nier ses sensibilités politiques, ni de prétendre que nous serions d’accord sur tout, mais de se mettre au service de l’intérêt général.

Ma troisième conviction s’inscrit dans le droit fil de cette dernière réflexion. Si nous avons réalisé l’ouverture, si nous préconisons une modernisation de nos institutions et une refonte de notre démocratie sociale, c’est pour avoir fait le pari que la France est mûre pour réfléchir et agir d’une autre façon que par le passé. Serons-nous, les uns et les autres, à la hauteur de cette belle ambition ? Cela dépendra de chacun d’entre nous, de notre capacité à débattre sans nous combattre, à nous écouter sans nous invectiver à tout propos.

J’ai écouté avec attention les responsables de l’UMP et du Nouveau Centre. Ils représentent ma famille politique, avec laquelle je partage tant d’engagements, et leur soutien affirmé est pour moi un atout. La majorité présidentielle est unie, et pourtant différentes sensibilités la composent. Je les connais et les respecte. Elles coexistent d’ailleurs au sein même de mon gouvernement, car je les considère comme un atout, comme une richesse. Si l’opposition a des droits, que nous entendons respecter, la majorité a des devoirs, et notamment celui d’être fidèle aux engagements pris devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.) C’est pourquoi Jean-François Copé et François Sauvadet ont souligné avec conviction l’urgence des réformes structurelles qu’il nous appartient d’engager ensemble dans les domaines économique, social ou fiscal.

L’opposition, de son côté, a concentré ses interventions sur la rénovation de nos institutions. J’attends ses propositions. Mais le « tout ou rien » est souvent prétexte à ne rien faire.

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. le Premier ministre. Pour tout dire, monsieur Hollande, je m’attendais un peu à ce discours sur la dérive présidentialiste. Un tel refrain n’a en effet rien de neuf, et nous l’entendons, avec quelques variations, depuis 1958. Mais dois-je rappeler que François Mitterrand, après avoir dénoncé, dans l’opposition, les pouvoirs attribués au Président, s’en est fort bien accommodé pendant ses deux mandats successifs, jugeant les institutions assez bien faites pour lui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Je note que vous êtes prêt pour une réforme dans ce domaine, mais je ne partage pas les critiques sur la méthode que nous avons choisie ; il est au contraire de bonne politique que le Gouvernement procède à une consultation en amont, en y associant tous les responsables politiques. Naturellement, il appartient au Parlement de débattre…

M. François Hollande. De voter, surtout !

M. le Premier ministre. …puis de décider. Je vous invite à participer à cette réflexion, de même que vous participerez à la décision finale.

Vous avez critiqué la faiblesse des décisions déjà prises. Je regrette que vous n’ayez pas souligné, contrairement à M. Sauvadet – et je l’en remercie –, la nouveauté considérable que représente l’élection d’un membre de l’opposition à la présidence de la commission des finances. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quant à mes relations avec le Président de la République, elles sont en effet excellentes.

L’opposition – et c’est son droit – conteste notre stratégie économique. Elle en critique la philosophie et les objectifs. Puis-je cependant la prier d’attendre un peu avant d’en mesurer les effets ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cinq ans !

M. le Premier ministre. Il y a si longtemps que l’on fait la même chose – pour à peu près les mêmes résultats ! Nous pensons qu’une autre voie est possible. Elle mérite que nous nous y engagions. Ne négligeons pas ce qui se fait chez la plupart de nos voisins européens, y compris là où les socialistes sont au pouvoir. Ils tentent d’agir sur les mêmes leviers : la compétitivité, l’assouplissement du marché du travail – y compris dans les pays nordiques, de tradition social-démocrate –, la baisse des impôts, la maîtrise de la dépense publique… Bref, toute l’Europe travaille sur des pistes comparables, et ce pour une raison simple,…

M. Jacques Desallangre. Toute l’Europe est libérale !

M. le Premier ministre. …c’est qu’elle est confrontée à une exigence commune, celle de tenir le choc face à la mondialisation, de rester compétitif et productif, de façon à assurer le maintien des mécanismes de redistribution sociale.

À cet égard, je ne dirai jamais assez à l’opposition que notre objectif est de mettre la force de l’économie au service de l’homme et de la solidarité, car la France n’a jamais été et ne sera jamais le pays de l’individualisme à tous crins. Ce n’est ni dans notre tradition, ni dans notre intérêt. Pour autant, et c’est une des différences qui nous oppose encore à la gauche, nous disons que, pour partager les richesses, il convient d’abord de les produire (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen)

M. Jérôme Lambert. Caricature !

M. le Premier ministre. …et donc de motiver, d’attirer, de récompenser. La solidarité avec des caisses vides, des impôts, des capitaux qui s’exilent et les 35 heures obligatoires, ça ne dure jamais très longtemps ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Roy. Le bouclier fiscal est un scandale !

M. le Premier ministre. Dans le raisonnement de l’opposition, une chose m’échappe. Nous partageons globalement le même diagnostic : celui d’une France qui n’arrive pas à trancher les nœuds du chômage de masse, celui d’une France qui a du mal à finir les fins de mois, celui d’une France trop endettée et parfois même, disait Mme Royal, mal administrée. Ce diagnostic, vous le faites et nous le faisons ! Mais, étrangement, vous proposez des mesures et vous nous opposez des arguments qui, pour l’essentiel, ont été déjà largement utilisés par le passé. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut dresser un diagnostic plutôt sévère et lucide sur la situation de notre pays et avancer, dans le même élan, des propositions qui, fondamentalement, ne changeraient rien, faute de s’attaquer aux structures du mal français. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous contestez notre stratégie, mais elle a du moins le mérite de rompre avec les recettes du passé. C’est pourquoi les Français ont choisi de voter pour Nicolas Sarkozy et la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jacques Desallangre. Ce n’est pas vrai !

M. le Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le temps de l’action a commencé, ainsi que celui des débats parlementaires. Ce premier échange entre nous en annonce beaucoup d’autres. Nos concitoyens nous écoutent et nous font confiance. Il nous appartiendra d’être ensemble à la hauteur de la République que nous servons et que nous aimons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Le débat est clos.

Nous en venons maintenant aux explications de vote.

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, il souffle dans notre pays une profonde envie de changement, inédite dans la période récente. Cette aspiration est propice à une véritable modernisation de la France ; elle ne doit pas être déçue. Les Français attendent avant tout une politique cohérente, une action volontariste et une plus grande efficacité.

Votre projet, monsieur le Premier ministre, est en mesure de répondre à ces attentes. Vous venez de fixer avec détermination le cap de l’action parlementaire. Vous avez écouté les Français et vous leur ouvrez aujourd'hui de nouveaux horizons.

Le soutien du groupe Nouveau Centre se veut efficace et éclairé : c’est pourquoi nous serons vigilants, attentifs et exigeants. Vigilants, parce nous devons veiller à ce que les réformes pour lesquelles nous avons été élus soient engagées et surtout appliquées ; attentifs, parce que nous devons veiller à ce qu'aucun Français ne soit oublié – protéger les plus faibles, aider les plus démunis et les encourager dans la réalisation de leurs projets – ; exigeants, enfin, parce que les Français attendent ces réformes. Ils l'ont clairement exprimé lors de l’élection présidentielle. Ils ne doivent donc pas être déçus.

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez présenté aujourd'hui une feuille de route pour « sortir la France de la dépression », une déclinaison précise et argumentée des engagements sur lesquels le Président de la République a été élu. Pouvoir d'achat, réforme du marché du travail, revalorisation du travail, encouragement au retour à l'emploi, mérite et productivité sont les points fondamentaux de votre politique en faveur de la croissance. Ce sont là les bases pour retrouver l'optimisme. C’est aussi le préalable nécessaire pour relancer notre économie et redynamiser notre pays.

Vous avez raison, il faut redonner aux Français le goût d'entreprendre et aider nos PME. Premier employeur dans notre pays, plusieurs milliers de PME sont créées chaque année. Je rappelle que deux tiers des Français travaillent dans une PME ! Et pourtant, il y a une ombre au tableau. Nos petites et moyennes entreprises sont victimes du syndrome de Peter Pan, car elles ne grandissent pas. C'est pourquoi le « Small Business Act » à la française que nous avons ardemment défendu doit voir le jour. Nous nous réjouissons des engagements déjà pris sur ce sujet. Nous espérons que votre détermination permettra à l’OMC d’accorder à la France la même possibilité que celle qui existe aux États-Unis depuis maintenant cinquante-quatre ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

Écoles, universités, environnement, réduction de la dette : les Français attendent beaucoup de ces réformes fondamentales pour les générations futures. C'est de l'avenir de nos enfants, c'est de l'avenir de notre pays qu’il s'agit. C'est pourquoi il faudra être inventif et audacieux ; je pense notamment à l'environnement et au développement durable. Nicolas Hulot a eu le mérite de placer ces grands défis au cœur de la campagne présidentielle. Dépassons le stade des simples déclarations d'intention ; passons des paroles aux actes et fixons des objectifs clairs et concrets à même de promouvoir une économie raisonnable et une société responsable.

Il faudra aussi être courageux – je pense notamment à l'ampleur indécente de notre dette qui, si nous ne faisons rien, sera une charge insupportable et immorale pour nos enfants. Nous avons le devoir de ne pas leur laisser ce fardeau.

Il faudra, enfin, être garant des valeurs républicaines qui ont toujours protégé notre système éducatif. Rendons plus efficace l'égalité des chances à l'école ; favorisons la mixité sociale et scolaire et, enfin et surtout, relançons l'ascenseur social !

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé les méthodes qui seront les vôtres pour la bonne conduite de ces réformes ambitieuses. Vous avez rappelé votre attachement à la négociation et au dialogue social. Rien ne se fera sans dialogue, rien ne bougera dans notre pays sans négociation.

Nous comptons sur votre courage et sur votre énergie pour proposer aux Français une nouvelle vision de la réforme et pour ouvrir de nouvelles perspectives à notre pays.

Monsieur le Premier ministre, vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe Nouveau Centre pour le programme d'action gouvernementale que vous venez de tracer.

M. Patrick Braouezec. Nous n’en avons jamais douté !

M. Nicolas Perruchot. Nous nous associons à ce projet, dont nous pensons qu'il tirera notre pays vers le haut, qu'il l'encouragera sur la voie de la croissance et de la réussite.

Comme l'a rappelé notre président de groupe tout à l'heure, nous serons des partenaires actifs et loyaux de la majorité présidentielle. Nous entendons être utiles ; nous nous investirons dans les débats et apporterons des éléments constructifs à chaque fois que nous le jugerons nécessaire et pertinent.

Vous l'avez dit vous-même, « les Français peuvent supporter la vérité ». En effet, ils peuvent la supporter, mais, avant tout, ils la souhaitent, ils la veulent. C'est pourquoi, au nom du groupe Nouveau Centre, nous nous engageons à tenir ce langage de vérité qui a toujours été le nôtre et à le mettre au service de la France et des Français.

Au terme de votre déclaration de politique générale, prenant acte de votre volonté de mettre en œuvre les mesures et les réformes tant attendues par les Françaises et les Français pour redynamiser notre pays et conscients des enjeux qui sont face à nous, les députés du Nouveau Centre voteront la confiance au gouvernement que vous dirigez.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. Le projet que vous nous avez présenté, monsieur le Premier ministre, est en mesure de répondre à ces attentes. Vous venez de fixer avec détermination le cap de l’action parlementaire. Vous avez écouté les Français et vous leur ouvrez aujourd’hui de nouveaux horizons. Le soutien de notre groupe se veut efficace. C’est pourquoi nous vous apportons, bien entendu, toute la confiance nécessaire dans l’action que nous devons mener ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Martine Billard. Monsieur le Premier ministre, au début de votre intervention, vous avez évoqué le changement de notre contrat politique, social et culturel. J’ai surtout eu l’impression, en écoutant la suite de votre discours, que vous ne feriez que poursuivre la politique menée par le gouvernement de l’Union pour un mouvement populaire depuis cinq ans !

M. Patrick Roy. On aurait dit Raffarin !

Mme Martine Billard. Vous avez beaucoup détaillé ce que les Français allaient subir. Ainsi, il n’y aura notamment pas de hausse de salaire pour les salariés qui travailleront toujours plus avec les heures supplémentaires pour seule perspective ! Vous oubliez évidemment toujours de souligner que ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures supplémentaires, mais le chef d’entreprise qui décide s’il a ou non besoin de ces heures supplémentaires ! En introduisant ces différences, vous allez créer de nouvelles inégalités sociales. Il y aura les salariés auxquels l’entreprise proposera des heures supplémentaires et qui augmenteront ainsi leurs revenus, mais en travaillant quand même plus. Votre texte prévoit aussi de renoncer aux jours de repos, ce qui est aussi une remise en cause assez fondamentale des cinq semaines de congé. En revanche, rien n’est prévu pour les salariés des entreprises qui n’offrent tout simplement pas la possibilité de travailler plus. Ils continueront, eux, à souffrir de fins de mois difficiles ! (« Les 35 heures ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous avez aussi parlé des franchises de soins après nous avoir expliqué que vous étiez justement opposé à leur rationnement. Les franchises de soins, dont je rappelle qu’il en existe déjà quatre, ne seraient-elles pas autre chose qu’un rationnement pour ceux qui ont de petits moyens ? Ceux qui disposent de revenus élevés pourront toujours payer de leur poche, au contraire de ceux qui gagnent le SMIC et qui ne pourront évidemment pas avoir accès aux soins.

J’ai, en revanche, remarqué que vous aviez été particulièrement discret sur tous les cadeaux fiscaux. Nous n’avons, en effet, entendu aucun développement quant à tous les cadeaux que vous allez consentir d’ailleurs principalement aux rentiers, comme cela a été souligné ! Finalement, vous qui dénoncez constamment l’assistanat, vous êtes exactement en train d’en faire, mais en faveur des plus riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Vous nous dites que votre objectif est le désendettement. Mais ce sont les gouvernements UMP, dont vous avez fait partie, qui ont augmenté la dette ces cinq dernières années ! La dette n’a pas augmenté du fait de la hausse des dépenses publiques, puisqu’elles ont stagné, mais parce que vous avez baissé les impôts, et donc les recettes. Or vous nous proposez de conduire exactement la même politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

S’agissant de l’environnement, un grand ministère a certes été créé. Je rappelle que le ministère de l’écologie était une proposition de la mission d’information sur l’effet de serre.

M. Alain Gest. Proposition que vous n’avez pas votée !

Mme Martine Billard. On ne peut donc que se réjouir de la création de ce ministère. Mais, dans votre discours de politique générale, à part les mots « fiscalité écologique » qui revient constamment en boucle, rien de concret n’a finalement été proposé. Notre collègue Jean-Claude Sandrier l’a dit au nom de notre groupe : rien sur le fret ferroviaire, sur le fret fluvial, sur les transports publics !

Il n’y a rien eu non plus sur la conditionnalité des aides. Vous annoncez la construction de logements, c’est très bien. Mais nous savons ce qui s’est passé pendant les cinq dernières années. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela a été également dénoncé par les associations. Vous avez construit davantage de logements, mais en faveur de ceux qui ont des moyens ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Lors du débat sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, j’ai proposé, au nom des Verts, de conditionner les aides publiques à la lutte contre l’effet de serre. Cela a été refusé au nom de la liberté. Aujourd’hui, vous ne proposez toujours rien. Sur les aides fiscales aux entreprises, vous ne proposez ni de condition sociale, ni de condition environnementale. Sur les aides au logement, vous ne proposez rien quant à la lutte contre le réchauffement climatique. Or toutes les constructions de bâtiments sont prévues pour au moins cent ans. Il est bien de créer un grand ministère, mais si les conditions pour lutter contre le réchauffement climatique ne sont pas introduites dans les premiers projets de loi, vous vous en tiendrez encore une fois aux discours. Tel est bien ce que nous craignons !

Votre déclaration ne nous a pas convaincus et vous comprendrez donc que les députés communistes et républicains, Verts et des DOM-TOM appartenant au groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votent pas la confiance, ni à vous, monsieur le Premier ministre, ni à votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, au cours des campagnes présidentielle et législatives, nous avons exprimé deux conceptions très différentes de ce nouveau cycle politique qui s’ouvre pour la France.

Au jour où vous confirmez l’ensemble de vos choix devant la représentation nationale, il me paraît important de rappeler, comme l’a fait il y a quelques instants François Hollande, les grands clivages qui nous séparent et qui motivent le refus du groupe socialiste radical, citoyen et divers gauche de vous accorder sa confiance.

Nous vous refusons la confiance d’abord parce que, Mme Billard vient de le rappeler, vous êtes l’héritier d’une majorité qui, depuis cinq ans, a précipité le pays dans un déclin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) dont vous prétendez aujourd’hui sortir.

Le tableau des difficultés que vous avez dressé est une forme d’auto-réquisitoire contre la politique que vous et vos amis avez menée. Vous dites en avoir tiré les leçons et promettez une forme de révolution tranquille qui va changer la face du pays.

Il est vrai que le style impétueux, la communication permanente, la composition habile de votre gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Michel Bouvard. Vous avez des regrets ?

M. Jean-Marc Ayrault. …donnent à ce nouveau quinquennat l’allure d’une Présidence galopante, qui tranche avec l’inertie de la Présidence précédente.

Il est vrai aussi que l’affirmation décomplexée de vos idées sort des faux-semblants de vos prédécesseurs et favorise la qualité du débat républicain.

Mais, au-delà du style, force est de constater qu’il y a plus de continuité que de rupture dans le programme que vous avez exposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

J’ai relu attentivement la déclaration que M. Raffarin avait faite il y a cinq ans ici même. La revalorisation du travail, la libération des heures supplémentaires, la politique de l’offre, la refondation sociale, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, la remise à niveau des universités, le recul des violences et de l’insécurité figuraient déjà dans la déclaration de politique générale de votre prédécesseur.

Alors, pourquoi ce qui a provoqué l’échec de votre prédécesseur ferait-il votre réussite ? Comment les mêmes idées, les mêmes députés, quasiment les mêmes ministres feraient-ils mieux d’une législature à l’autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Et c’est là le deuxième motif pour vous refuser notre confiance.

Votre discours de vérité continue de se heurter à la contradiction entre les valeurs et les objectifs que vous proclamez et la réalité des actes que vous engagez.

Où est la valorisation du travail quand votre paquet fiscal consiste prioritairement à réduire l’imposition des rentiers et des héritiers ? Que veut dire la récompense de l’effort quand la seule manière d’augmenter son salaire est de faire des heures supplémentaires qui dépendent d’abord du bon vouloir du seul chef d’entreprise ? (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Que signifie la sécurisation professionnelle quand le contrat unique semble se limiter à l’assouplissement des conditions de séparation entre le salarié et l’employeur ?

Je vous le dis avec une certaine gravité, monsieur le Premier ministre, prenez garde que le choc fiscal n’engendre pas un traumatisme social. (« Oh ! la la ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Votre nouvelle hiérarchie des valeurs comporte trop de manques et de confusions. Assimiler la solidarité à de l’assistanat, comme on l’a entendu si souvent ces dernières semaines, érige non seulement nos compatriotes les plus fragiles en boucs émissaires d’une crise dont ils sont les premières victimes, mais conduit aussi à individualiser la protection sociale. La franchise médicale, qui tend à remplacer la carte Vitale par la carte Bleue…

M. Michel Bouvard. Oh !

M. Jean-Marc Ayrault. …en est l’un des symboles.

De la même manière, votre révisionnisme historique, qui consiste à imputer tous les maux de notre école au relativisme et à l’égalitarisme de mai 1968, conduit à votre projet de disparition de la carte scolaire et des ZEP, à la mise en concurrence des établissements et risque d’aggraver la sélection sociale.

C’est là finalement la cohérence de votre politique et la contradiction entre la proclamation et les actes.

Mes chers collègues, nous sommes là vraiment au cœur des grands débats de société, et, vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, je le reconnais, entre la gauche et la droite. Opposer comme vous le faites le changement et l’immobilisme est aussi fallacieux que simpliste. C’est parce que nous défendons une protection sociale égalitaire et universelle que nous opposons une réforme en profondeur de notre système de santé à votre logique comptable.

C’est parce que nous voulons promouvoir une société de la connaissance tout au long de la vie que nous jugeons réducteur votre projet de loi d’autonomie des universités.

Ce que nous contestons, ce n’est pas votre volonté de tenir vos engagements électoraux. C’est tout à fait votre droit,…

M. Michel Bouvard. C’est notre devoir !

M. Jean-Marc Ayrault. …et nous ne contestons pas votre légitimité à le faire. Nos compatriotes ont choisi en toute clarté. Ce que nous contestons, c’est la philosophie et la finalité de votre projet (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), c’est son caractère profondément inégalitaire et individualiste, c’est son penchant centralisateur et autoritaire. En d’autres termes, le Président décide et les Français exécutent. Telles sont la cohérence et la démarche de votre projet.

Comment, monsieur le Premier ministre, octroyer la confiance à un gouvernement dessaisi de ses pouvoirs ? Le cabinet fantôme, ce ne sont pas les socialistes qui l’ont institué,…

M. Charles de la Verpillière. Si, si !

M. Jean-Marc Ayrault. …c’est le Président de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) C’est lui qui fait tout, qui négocie tout, qui régente tout. Je ne crois pas que cette concentration des pouvoirs soit temporaire, le temps que s’enclenchent les réformes : c’est la pierre angulaire de la conception institutionnelle de M. Sarkozy.

C’est son droit, allez-vous me dire, mais, quand on change l’article 20 de la Constitution, qui stipule, et François Hollande l’a rappelé en le citant, que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, on ne fait pas selon son bon plaisir, on demande le vote du peuple français ou du Congrès du Parlement. Voilà la démocratie telle que nous la voyons.

Dans ce cadre, monsieur le Premier ministre, les aménagements parlementaires souhaitables mais insuffisants que vous proposez ne sont pas de nature à donner son équilibre à ce régime présidentiel qui ne dit pas son nom. Il faut sortir du corset dans lequel l’exécutif enserre le Parlement.

L’équilibre des pouvoirs, c’est aussi une démocratie sociale responsabilisée, une démocratie territoriale clarifiée, avec des compétences et des ressources garanties, sans renvoyer la charge aux contribuables locaux.

Parce que les Français l’ont également voulu ainsi, il vous faudra tenir compte de la voix et des propositions de l’opposition. Le Président de la République a bien sûr une légitimité et la confiance du peuple français puisqu’il a été élu au suffrage universel, mais nous représentons aussi ici une part de la souveraineté nationale, et nous entendons bien faire entendre notre voix et celle de nos concitoyens qui nous ont fait confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

J’en viens au dernier chapitre de mon propos, monsieur le Premier ministre : la rénovation du pays ne peut pas être l’œuvre d’un homme seul. Les Français ne lui ont pas donné les pleins pouvoirs. Elle s’ancrera tout autant ici, à l’intérieur de cette Assemblée nationale, dans la confrontation des projets et des propositions. C’est à cette hauteur-là que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se situera, car nous récusons toute idée d’opposition systématique. Nous voulons une opposition intelligible, mais intransigeante sur ses valeurs et ses convictions, et proposant à chaque fois des alternatives et des contre-propositions. D’ailleurs, dans la législature précédente, nous l’avons fait sur de grands sujets. Contre la guerre en Irak, pour la loi sur les signes religieux à l’école, en fonction de nos principes laïques, nous avons su tendre la main chaque fois que nous pouvions consolider le pacte républicain, mais nous aurons une égale détermination pour combattre tout ce qui pourra y porter atteinte.

M. le président. Monsieur Ayrault, je vous prie de conclure.

M. Jean-Marc Ayrault. Je conclus, monsieur le président.

Le programme que propose le Gouvernement ne nous donne pas cette assurance. C’est pourquoi les députés socialistes, radicaux, citoyens et divers gauche ne vous voteront pas la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Leonetti. Sans surprise : certains annonçaient un débat sans surprise. Effectivement, monsieur le Premier ministre, les élus de la majorité n’ont pas été surpris, ni sur le fond, ni sur la forme, par votre déclaration de politique générale – ni surpris, ni déçus.

Nous y avons retrouvé, dans la forme, la clarté, la sincérité et la conviction qui ont toujours été les vôtres. Nous avons retrouvé, sur le fond, la cohérence d’un discours qui dit la même chose avant et après les élections (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et qui reste fidèle au projet présidentiel et législatif sur la base duquel les Français nous ont dit oui quatre fois (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et que nous allons mettre en œuvre ensemble.

La mondialisation, les changements profonds survenus dans notre société, les enjeux qui sont devant nous imposent de profonds changements que les Françaises et les Français ont appelés de leurs vœux. La seule surprise sera pour certains observateurs peu avertis, constatant que, prônant la rupture avant, vous la mettez en œuvre après.

Le profond changement que les Français nous ont chargés de mettre en place, vous le concrétisez dans une action claire, programmée et courageuse à laquelle nous adhérons, car nous avons tous le mandat impératif de réussir, pour la France et pour les Français.

Pour nous, le temps de la clarté, de l’engagement et de l’action est venu. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pourtant, si nous n’avons pas eu grande surprise en écoutant le projet que vous avez exposé brillamment devant nous, vous avez proposé dans ce contrat politique, social et culturel un projet novateur, l’idée nouvelle d’une démocratie rénovée, d’une ambition française retrouvée, d’une identité française réaffirmée.

Vous avez à juste titre posé à nouveau le diagnostic simple qu’il n’y aura pas de croissance supplémentaire sans travail supplémentaire, et que libérer le travail, récompenser le travail, améliorer les conditions de travail, c’est un projet culturel, éducatif, social et économique.

À juste titre, vous avez prôné la fermeté face à la violence et restauré l’idée de l’autorité.

À juste titre, vous avez rappelé votre volonté de rénover le dialogue social, de moderniser nos universités en les rendant plus autonomes et plus compétitives.

Vous avez fixé sur le plan financier et budgétaire des objectifs exigeants, mais réalistes et nécessaires en donnant la priorité aux plus fragiles, les personnes dépendantes, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, les mourants, avec le problème des soins palliatifs, et les enfants handicapés, avec celui de leur scolarisation.

Vous avez enfin réaffirmé que l’identité française n’était pas dans le repli mais dans le partage compatible avec l’universalité de nos valeurs, et même indissociable de ces valeurs, compatible avec la construction européenne que le Président de la République a relancée avec talent. Cette approche est indispensable.

Vous avez rappelé qu’en France la République n’était pas un système de gestion, mais une valeur exigeante, toujours renouvelée.

Nous n’avons pas été surpris non plus par le discours de l’opposition. L’opposition s’oppose, mais ses représentants ne devraient-ils pas tirer les enseignements de leur troisième échec à une élection présidentielle ? (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils ne peuvent continuer à s’opposer de manière systématique, archaïque et frontale, et confondre opposition et obstruction. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils ne peuvent pas s’opposer uniquement pour s’unir et retrouver un peu de cohésion. Ils ne peuvent pas s’opposer uniquement pour exister, parce qu’ils n’ont pas de projet.

M. Michel Sapin. Parlez de vous au lieu de parler de nous !

M. Jean Leonetti. Ils ne peuvent pas s’opposer pour s’opposer, parce qu’ils doivent comprendre que nous sommes désormais entrés dans l’ère nouvelle d’une démocratie moderne, vivante et apaisée, où l’action de la majorité doit s’appuyer sur des propositions et des projets alternatifs.

L’ouverture, qui irrite tant M. Ayrault, n’a été possible que parce que notre action se fonde sur des valeurs et sur un projet clair, et que, loin de nous conduire à renier nos convictions, elle les renforce.

Enfin, vous-même, monsieur le Premier ministre, vous ne serez pas surpris que la majorité, votre majorité, vous apporte un soutien loyal, exigeant et créatif.

Loyal, parce que votre projet est le nôtre. Dans l’avenir, nous le savons, il y aura des conflits, des embûches et des obstacles sur le chemin du changement. Vous aurez aujourd’hui et demain le soutien loyal de votre majorité.

Exigeant, parce que trahir la confiance des Français, décevoir les espoirs et les attentes de nos concitoyens serait mortel pour cette majorité, mais surtout pour la crédibilité de l’action publique.

Créatif, enfin, parce que la majorité a des devoirs et des droits, et elle doit apporter par ses initiatives l’équilibre nécessaire à la réussite du changement du débat démocratique.

Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une majorité se succède à elle-même. Elle sait qu’être fidèle à ses valeurs, c’est mettre en place avec fermeté une politique de rupture avec l’ancien système, qui a trop souvent eu pour conséquence de détourner nos électeurs du vote ou des partis républicains.

Elle sait que la fidélité, c'est aussi la franchise envers le Gouvernement, la liberté de parole et d’action et la force de proposition dans le débat.

C'est donc sans surprise que le groupe UMP vous apporte, monsieur le Premier ministre, sa confiance la plus totale dans la politique que vous allez mener pour la France et pour les Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais maintenant donner la parole à deux députés non-inscrits, chacun pour cinq minutes.

La parole est à M. François Bayrou.

M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, pour avoir déjà entendu un certain nombre de discours de politique générale dans cette assemblée, nous savons, vous comme nous, qu’ils comportent au moins deux figures imposées, dont vous vous êtes acquitté comme vos prédécesseurs : vous avez rendu au Président de la République un hommage légitime, puisqu’il a gagné l’élection présidentielle, et vous avez adressé à la France et aux Français une déclaration d’amour aussi éloquente que celles de vos prédécesseurs, que nous gardons en mémoire.

Un troisième chapitre mêle figures imposées et figures libres : c’est le catalogue des promesses.

Un député du groupe socialiste. Et des menaces !

M. François Bayrou. J’approuve certains des engagements que vous avez pris, qui n’étaient, il est vrai, que le rappel des principales promesses de la campagne présidentielle. Il en est ainsi du Small Business Act à la française,…

M. Jacques Myard. Parlez français !

M. François Bayrou. …c’est-à-dire d’une loi de protection des entreprises petites et moyennes – utile rappel à la francophonie ! J’approuve notamment votre engagement de défendre ce projet devant l’OMC et d’y imposer que la France, voire l’Europe, se voient reconnaître les mêmes droits que leurs concurrents, nord-américains notamment, qui disposent d’une telle législation depuis plus d’un demi-siècle.

J’ai trouvé bon, juste et profond ce que vous avez dit à propos des engagements internationaux de la France, notamment en ce qui concerne le Darfour et le Liban, et je me félicite qu’il y ait sur ces bancs une majorité, voire l’unanimité, pour les soutenir. J’ai apprécié également votre esquisse – car ce n’est qu’une esquisse – d’un meilleur équilibre démocratique, avec la reconnaissance au Parlement de droits nouveaux. Se dessine en pointillé l’idée que nous pourrions enfin voter une loi électorale plus juste. Je rappelle qu’avec une représentation proportionnelle, les voix que nous avons obtenues aux législatives nous auraient valu soixante et un députés, et non pas quatre, exilés à l’extrême droite de cet hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je suis persuadé qu’un tel déséquilibre nous indique le chemin à suivre : nous devons voter une loi électorale qui rende au Parlement son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif.

Mais deux lourdes hypothèques grèvent votre discours et vos promesses, qui sont deux contradictions absolues. Vous avez fait un certain nombre des promesses : renforcer les effectifs de la police et de la gendarmerie,…

M. Jean Glavany. Et réduire la dette !

M. François Bayrou. …mettre en place un plan visant à désenclaver les quartiers difficiles,…

M. Jean Glavany. Et réduire la dette !

M. François Bayrou. …diminuer le nombre d’élèves par classe dans ces quartiers ; créer des internats ou développer ceux qui existent ; bâtir 120 000 logements sociaux par an ; améliorer la situation des prisons ; créer des établissements de sécurité renforcée pour les mineurs…

M. Jean Glavany. Et réduire la dette !

M. François Bayrou. Sans parler de l’augmentation du budget des universités. Permettez-moi à ce propos une petite note en bas de page : vous avez annoncé 5 milliards sur cinq ans pour le budget des universités, soit au mieux 1 milliard par an, si je compte bien. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Des spécialistes d’arithmétique budgétaire jugeraient cependant ce calcul hardi, car cela représente en réalité moins de 1 milliard par an. Mais laissons ce point aux bons soins de la commission des finances.

M. le président. Monsieur Bayrou, il va vous falloir conclure.

M. François Bayrou. Monsieur le président, je vais conclure.

Cela signifie, monsieur le Premier ministre, qu’on est très loin de l’engagement de Nicolas Sarkozy d’augmenter de 50 % le budget de l’université et de la recherche, dont je rappelle qu’il est de vingt milliards d’euros : un milliard supplémentaire pour un budget de vingt milliards, cela ne fait pas une augmentation de 50 % : on est même très loin du compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je veux dire simplement que l’addition de ces dépenses est à l’évidence absolument incompatible avec la maîtrise du déficit budgétaire et le retour à l’équilibre de nos comptes publics. Dans le même discours, vous formulez donc deux promesses incompatibles.

De la même manière…

M. le président. Merci, monsieur Bayrou…

M. François Bayrou. …est incompatible avec la modernisation (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. le président. Votre temps est dépassé. Concluez, je vous prie.

M. François Bayrou. Je conclus en deux phrases.

De même est incompatible avec l’impératif de modernisation la concentration des pouvoirs au sommet de l’État à laquelle nous sommes en train d’assister. La société française a besoin de responsabilité et de légitimité, et non de concentration des pouvoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Bayrou…

M. François Bayrou. Pour cette raison (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), parce que je pense, avec les Français, que le Gouvernement doit avoir sa chance… (« Arrêtez-le, monsieur le président ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…et parce que je considère que ces deux hypothèques insurmontables pèsent sur votre action, nous nous abstiendrons de voter en faveur de votre déclaration de politique générale. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, et j’aurais aimé pouvoir voter aujourd’hui la confiance à votre gouvernement.

Je partage en effet votre diagnostic sur la mondialisation. Je souscris à votre volonté de rénover en profondeur, après des années d’atermoiements, notre contrat politique et social. Je partage, vous le savez, votre conception de l’identité nationale. Je crois à votre volonté sincère de défendre l’exception française. Enfin, je voterai bon nombre de vos réformes intérieures, car je les crois indispensables à notre pays, et je me suis engagé devant mes électeurs à les défendre. Vous avez raison : sur le logement, sur la récidive, sur les universités, l’immigration ou le travail, la France n’a plus le droit au retard et à l’erreur, et je vous souhaite sincèrement de réussir.

Mais je m’abstiendrai aujourd’hui, pour la raison grave que je crois impossible de réussir d’un côté le redressement de la France quand, de l’autre, on accepte à Bruxelles un traité simplifié reprenant l’entière substance de la Constitution européenne, qui avait été rejetée par le peuple français au motif qu’elle privait notre pays de sa liberté.

Je ne peux pas en conscience approuver ce projet de traité qui, en instaurant le vote à la majorité qualifiée dans quarante domaines, va placer très souvent la France en minorité dans l’Europe à vingt-sept telle qu’elle est.

Pendant la campagne électorale, le Président de la République a indiqué très clairement que la Constitution européenne était morte. Voilà qu’aujourd’hui elle ressuscite : si le mot a disparu, le fond reste entièrement le même. C’est notre souveraineté, et donc notre démocratie qui est en cause, car, comme le disait le général de Gaulle, la démocratie se confond exactement avec la souveraineté populaire.

Et, ne vous en déplaise, il n’y a pas de réconciliation entre le oui et le non : s’il y en avait une, le Président de la République et vous-même n’auriez pas hésité un instant à consulter les Français par référendum sur ce sujet clé qui détermine tout le reste. Comment, par exemple, menacer d’opposer son veto aux accords de l’OMC, ce qui est une bonne chose, si au même moment on prive notre pays de la possibilité d’exercer son veto dans le domaine des négociations commerciales internationales ? Comment relancer l’emploi si le nouveau traité ne change en rien le statut de la Banque centrale européenne, qui, comme vous le dénoncez à raison, asphyxie nos entreprises ? Comment, mes chers collègues, garantir la sécurité de nos concitoyens si on laisse nos frontières ouvertes et si on transfère définitivement et complètement à l’Union européenne toute notre politique d’immigration et de sécurité ? Comment investir massivement dans la recherche si le principe de la concurrence, bien que rayé de la liste des objectifs de l’Union, ce qui est une bonne chose, subsiste dans le Traité de Rome et continue à régir la politique de la Commission ?

Loin de répondre à ces questions clés, le mini-traité, dont vous avez parlé dans votre déclaration de politique générale, va restreindre la marge de manœuvre de la France, et donc votre capacité et la nôtre à sortir de la pensée unique. En dépossédant un peu plus les Français de leur souveraineté, je crains que nous ne poursuivions le grand écart entre les discours, volontaristes et positifs pour le pays à Paris, et les actes à Bruxelles.

Vous avez évoqué – et je conclus par cela – la France éternelle, l’œuvre de Gambetta, Victor Hugo, Clemenceau, de Gaulle. Mais encore faut-il que la France reste maîtresse de son destin.

« Vivre, ce n’est pas se résigner », avez-vous affirmé, citant Albert Camus. Comprenez que je vous soutienne lorsque vous ne vous résignez pas à Paris, mais que je m’interroge quand vous vous résignez à Bruxelles ou à Berlin. C’est donc à regret, mais en conscience, que je m’abstiendrai.

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à dix-neuf heures.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement :

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

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ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Mercredi 4 juillet 2007, à quinze heures, séance publique :

Déclaration du Gouvernement sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juillet 2007 concernant la réforme des traités et débat sur cette déclaration.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)