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SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ACCOYER
1. Remplacement d’un député décédé
2. Travail, emploi et pouvoir d'achat. – Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 4, 62)
Rappel au règlement
MM. François Brottes, le président.
Ouverture de la discussion
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.
Rappel au règlement
MM. Jean-Pierre Brard, le président.
Reprise de la discussion
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Didier Migaud, président de la commission des finances.
M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-MARIE LE GUEN
exception d’irrecevabilité
Exception d’irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Louis Idiart, Jérôme Chartier, Mme Martine Billard, MM. Gérard Bapt, Charles de Courson. – Rejet.
Rappels au règlement
M. Arnaud Montebourg, Mme la ministre, M. Jean-Louis Idiart.
Suspension et reprise de la séance
question préalable
Question préalable de M. Jean-Claude Sandrier : M. Jean-Pierre Brard.
Rappel au règlement
MM. Philippe Vuilque, le président.
Reprise de la discussion
MM. Michel Diefenbacher, Roland Muzeau, Jean Launay, Charles de Courson. – Rejet de la question préalable.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Le texte de loi dont nous abordons l’examen traite, dès son article 1er, de la relation entre employeurs et salariés. Comment, dès lors, mes chers collègues, ne pas entendre le Gouvernement nous dire quel sort il compte réserver à près de 900 000 salariés qui se trouvent dans une situation d’insécurité que votre majorité, beaucoup plus forte qu’aujourd’hui, a créée hier (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en organisant par ordonnance la mise en place du CNE – le contrat nouvelles embauches. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
À l’époque, autour de Jean Le Garrec, de Gaëtan Gorce, d’Alain Vidalies et de beaucoup d’autres, les socialistes vous avaient prévenus que vous étiez en train de commettre un méfait en instaurant un contrat contraire à la convention de l’Organisation internationale du travail, un contrat que pendant deux ans l’employeur peut décider d’interrompre à tout moment sans avoir à justifier sa décision : c’est un facteur d’insécurité juridique pour les entreprises, d’insécurité professionnelle pour les salariés…
La cour d’appel de Paris confirme, dans un arrêt du 6 juillet dernier, que le contrat nouvelles embauches doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée de droit commun.
Il serait ici paradoxal, madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, que la colère des organisations syndicales, l’angoisse des salariés en CNE, l’inquiétude des chefs d’entreprise continuent à être traitées avec mépris, et que cette session extraordinaire du Parlement ne soit pas l’occasion, pour le Gouvernement, de dire quelles suites il entend donner à la décision de la cour d’appel de Paris.
Vous aurez compris, monsieur le président, qu’on ne peut pas, sans cette clarification, commencer à débattre de dispositions nouvelles sur les heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le rythme de la politique s’est brusquement accéléré : il y a maintenant deux mois, la France a choisi la rupture et le changement.
Aujourd’hui, à l’heure de vous présenter une des premières lois du nouveau gouvernement, une loi consacrée à la confiance, à la croissance et à l’emploi, je peux vous dire que nous n’avons pas chômé.
Le Président de la République a fait du retour de la valeur travail un de ses thèmes majeurs, pendant la campagne comme depuis son entrée en fonction. Ce projet de loi que je défendrai devant vous doit ainsi mettre en œuvre une véritable politique du travail. C’est une première étape, qui s’inscrit dans une perspective plus longue de grandes réformes économiques engagées par Nicolas Sarkozy et par François Fillon. Il y en aura au moins quatre autres : d’abord, réviser les politiques publiques dans un souci de performance et d’efficacité ; ensuite, lever les blocages à la croissance ; moderniser notre marché du travail ; et pour finir, procéder à une réforme générale de la fiscalité.
Aussi avons-nous souhaité donner à ce projet de loi une extension maximum : il couvre évidemment le domaine fiscal, mais aussi les domaines économique et social. Cette loi est faite pour que le travail n’exclue personne, pour que le travail paye, pour que le travail ne laisse jamais un goût amer et l’impression d’avoir été fait en vain.
Durant ces derniers mois, que nous ont dit les Français ? Qu’ils voulaient non pas des loisirs en plus, mais du travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ; non pas des rentes aléatoires, mais un salaire mérité ;...
Ces Français, Nicolas Sarkozy les a entendus, et il a gagné leur confiance. François Fillon s’est fait, dans son discours de la semaine dernière, l’écho de leurs préoccupations. À nous, membres du Gouvernement et parlementaires, de leur rester fidèles ;…
D’ailleurs, ce projet de loi est lui-même un travail d’équipe : il a été voulu par Nicolas Sarkozy, préparé par Jean-Louis Borloo – que je voudrais ici remercier et auquel je rends hommage – et, une fois adopté, il m’appartiendra de le mettre en œuvre. Martin Hirsch a pris en charge, comme il est naturel, tout ce qui concerne les solidarités actives. Nous comptons bien entendu sur l’œil expert, vigilant et mesuré de Didier Migaud, ainsi que sur le grand talent de Gilles Carrez (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), pour améliorer ce qui doit l’être.
Je souhaite évoquer devant vous la valeur travail, avant d’aborder, article par article, l’ensemble des dispositions de notre texte.
La valeur travail, je veux vous indiquer à quel point elle me paraît démocratique, républicaine, économique et sociale.
Reconsidérer le travail, c’est rompre en effet avec une tradition de mépris qui trouve sa source dans l’Ancien régime, quand les nobles avaient défense de s’adonner au commerce.
J'aimerais citer ici, une fois n'est pas coutume, un brillant analyste politique du XlXe siècle : Alexis de Tocqueville. Voici ce qu’il disait dans son livre indémodable, De la démocratie en Amérique : …
Peut-on exprimer plus clairement, mesdames et messieurs les députés, le choix que doit faire notre pays aujourd’hui ? Oui, dans une démocratie, c’est le travail qui doit être le fondement de toutes les réussites, de toutes les fortunes.
Le travail est non seulement un impératif démocratique ; il est aussi au cœur de notre doctrine républicaine. Permettez-moi de résumer celle-ci en trois mots : l’égalité des chances, qui nous offre à tous les mêmes outils pour réussir ; le travail, qui nous départage ; le mérite, qui nous récompense. Formule simpliste peut-être, formule idéaliste certainement, formule efficace en tout cas. Entre l’égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l’arrivée, le travail fait de l’individu le seul responsable de son propre parcours. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur ceux du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Enfin, avant d’être une valeur sociale, le travail est une valeur économique. La mondialisation que nous vivons aujourd’hui nous impose de travailler plus et mieux qu’auparavant. Nous entrons dans une société de service, une société d’innovation et de création, une société où le développement de la haute technologie s’accompagne d’un besoin grandissant de main-d’œuvre mais de main-d’œuvre expérimentée.
Si nous n’entrons pas de plain-pied dans la course de la mondialisation, personne ne viendra nous prendre par la main. J’aimerais à ce sujet citer Erik Orsenna,…
De fait, le temps de travail moyen des Américains, des Espagnols ou des Japonais est d’environ 15 % supérieur au temps de travail des salariés français. Pouvons-nous continuer à refuser, seuls contre tous, une évidence universelle ?
Le travail est enfin une valeur sociale. J’entends dire parfois, à propos du travail et de la concurrence qu’il engendre : c’est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le plus faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les Anglo-Saxons nous ont emprunté la belle expression de « partenaire » pour désigner ces concurrents qui sont aussi des confrères, ces rivaux qui sont aussi des alliés. Le travail, ce n’est pas la guerre de tous contre tous, c’est bien plutôt l’association de tous avec tous. Le contrat social, aujourd’hui, se décline d’abord en contrat de travail.
Que de détours pour dire finalement une chose toute simple : le travail paye. Mais c’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’est guère d’idéologie dont nous n’ayons fait la théorie, et nous possédons probablement dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé, assez tergiversé ; retroussons tout simplement nos manches !
Cette loi couvre toutes les grandes étapes de la vie, toutes les grandes étapes du travail. L’égalité, c’est l’égalité des chances assurée par les études. L’idée du travail, c’est la possibilité d’y trouver un accomplissement personnel, comme nous l’évoquerons. Le gain, c’est la récompense que l’on en tire – nous en parlerons aussi. Ce gain n’a de sens que si l’on peut en profiter : il doit nous permettre de dépenser plus et de dépenser mieux. Enfin, nous devons pouvoir le transmettre à nos enfants. Telles sont les cinq grandes étapes que je vais parcourir avec vous en détaillant, article par article, la manière de les faciliter et de les accompagner concrètement.
Le rôle de l’État n’est pas de forcer les gens à travailler : notre tâche sera à la fois beaucoup plus modeste et beaucoup plus ambitieuse : elle consistera, à travers cette loi, à encourager et à valoriser tout au long de leur vie, depuis leurs études jusqu’à l’organisation de leur succession, les femmes et les hommes de France les plus courageux, les plus entreprenants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
La première étape, c’est l’égalité des chances. Cela concerne évidemment les étudiants. Mes collègues de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur s’emploient déjà à faire du système éducatif un véritable secteur de l’égalité des chances. Mon ministère a aussi sa contribution à y apporter en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études.
Nous devons, je crois, tout mettre en œuvre pour améliorer la condition matérielle des étudiants : ils sont déjà soumis à leurs traditionnelles épreuves de fin d’année ; essayons d’alléger pour eux l’épreuve de la fin du mois. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Ces jeunes sont en effet, comme on dit aujourd’hui, notre « capital » humain ; ils représentent la matière grise grâce à laquelle nous entrerons dans cette économie de l’intelligence qui régira la société de demain. Ce que nous investissons chez eux aujourd’hui, nous savons qu’ils nous le rendront au centuple.
Quant aux salariés, ils bénéficieront également d'une réduction de cotisations sociales ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires s’appliquera aux salariés des petites entreprises, dans lesquelles il sera porté à 25 % – contre 10 % aujourd’hui – à compter de la même date.
Ce dispositif concernera l'ensemble des entreprises et s'appliquera aussi bien au travail à temps plein qu'au travail à temps partiel. Pour éviter les abus, la réduction de cotisations patronales ne s'appliquera pas aux heures complémentaires.
Selon la formule désormais célèbre, travailler plus permettra à chacun de gagner plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Le coût de cette mesure est estimé à 6 milliards d’euros.
À titre d’exemple, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise…
Troisième étape : le travail procure un gain proportionnel au mérite. Sa revalorisation passe naturellement par une meilleure reconnaissance financière. Il n'y a rien de honteux, pour quelqu’un qui travaille, à vouloir gagner davantage d'argent.
Cette barre des 50 % est évidemment lourde de symboles. Elle instaure un véritable partenariat, juste et équitable, entre l’individu et l’État. Cinquante-cinquante, c’est la formule de notre contrat fiscal.
Le bouclier fiscal n’est pas seulement destiné aux riches, puisqu’il prend aussi en compte les impôts locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Poursuivez, madame la ministre.
Faut-il qu’en contrepartie la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C’est une possibilité, déjà mise en œuvre aux États-Unis par exemple. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Elle mérite certainement d’être étudiée.
Le coût du bouclier fiscal est estimé à 600 millions d’euros.
Par exemple, un entrepreneur dont le revenu est déficitaire, qu’il soit chef d’entreprise, commerçant ou créateur de start up,…
Il faut d’abord pouvoir dépenser plus. C’est pourquoi, au travers d’une mesure concernant les déductions des intérêts d’emprunt, nous allons aider ceux qui se sont acheté à crédit une résidence principale et voient soudain leur train de vie réduit par le paiement de ces intérêts.
L’article 3 du projet de loi institue donc un crédit d’impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d’emprunt supportés pour l’acquisition ou la construction de l’habitation principale. Cette mesure concerne bien sûr les emprunts à venir, mais également les emprunts en cours. Elle est destinée aussi bien à ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois qu’à ceux qui changent de résidence principale lorsque, par exemple, la famille s’agrandit.
Pour éviter des abus, ce crédit d’impôt ne sera valable que pour les cinq premières années du remboursement, période la plus difficile pour les emprunteurs, où se concentrent en moyenne 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte seront plafonnés à 7 500 euros par an pour un couple, majorés de 500 euros par personne à charge.
Dans la mesure où nous allégeons l’effort financier des Français qui acquièrent leur résidence principale, plusieurs d’entre vous m’ont rappelé que l’augmentation des prix de l’immobilier avait conduit à faire entrer artificiellement certains contribuables, propriétaires de leur résidence principale, dans le champ de l’ISF. Cette question mérite que nous y réfléchissions.
Voici deux exemples de son application. Un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur vingt ans, à un taux de 4 %, réalisera sur les cinq premières années un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de plus de 8 % du coût total de son crédit. De la même manière, un célibataire qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur quinze ans au même taux de 4 %, gagnera 3 500 euros, soit une réduction de plus de 10 % du coût total de son crédit.
Dépenser plus, alléger le fardeau de la dette, tel est le but de cette mesure. Pour dépenser mieux, nous incitons par l’article 6 du projet de loi les redevables de l’ISF…
Le coût de cette mesure est estimé à 410 millions d’euros.
Par exemple, le contribuable qui effectuera une souscription de 40 000 euros au capital d’une PME bénéficiera d’un avantage fiscal de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation de cette PME en lui permettant d’effectuer les investissements dont elle a besoin.
Dans la même situation, mais avec un immeuble valant près du double, le conjoint sera toujours exonéré et les droits de succession pour les enfants seront réduits de 20 000 euros.
Pour diminuer les dépenses, nous maîtriserons la progression de la dépense publique, qui sera ramenée à 1 % en volume en 2008, soit deux fois moins que par le passé. Les ministres du gouvernement de François Fillon le savent ; ils ont reçu des instructions en ce sens. Nous augmenterons également les recettes : grâce aux réformes structurelles entreprises par le Gouvernement – dont cette loi représente la première étape – et grâce au choc de confiance que nous enregistrons déjà chez les ménages français, la croissance devrait progresser de près d’un demi-point en 2008.
Le Président s’est ainsi engagé à diminuer le déficit public en proportion du PIB dès cette année (« Comment ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) ainsi qu’à affecter d’éventuels surplus de recettes à la réduction de la dette ou du déficit. (« Avec la TVA ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Il a également précisé que si la croissance s’avérait supérieure aux prévisions, la France ferait tous ses efforts pour être au rendez-vous de 2010 ; elle sera en tout état de cause au rendez-vous de 2012. Je sais, pour l’avoir vu, que notre voix a porté à Bruxelles, et j’étais fière de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, s’exprimant au nom de tous nos partenaires européens, s’est réjoui de la « bonne nouvelle » que constitue le retour de la France en Europe. C’est cette bonne nouvelle que je voulais partager avec vous avant d’achever ce discours.
Aujourd’hui plus que jamais, le travail est pour notre pays la clé de son devenir, dans le grand jeu de la mondialisation. Nos concurrents, qui se satisfaisaient de voir la France un peu endormie, en arrière de la main, s’effraient de la voir aujourd’hui se réveiller. Cette course de fond que j’ai annoncée tout à l’heure, nous allons la mener en tête. Travaillez plus, vous multiplierez l’emploi ; dépensez plus, vous participerez à la croissance ; gagnez plus, vous augmenterez le pouvoir d’achat ! (Acclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, dont les députés se lèvent et applaudissent longuement en cadence. – Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
On a beaucoup glosé sur le modèle social français ces derniers temps. Comment parler de modèle, quand notre taux de chômage reste aussi fort, quand la proportion de travailleurs pauvres est plus élevée que la moyenne européenne,…
Avant de vous présenter les dispositions qui vous sont soumises à travers les articles 8 à 11 de ce projet de loi, permettez-moi de revenir sur la genèse du revenu de solidarité active. Il est le fruit des travaux d'une commission qui réunissait des représentants des associations de lutte contre l’exclusion, des associations familiales et des partenaires sociaux, en particulier de l’ensemble des syndicats, ainsi que des élus – notamment deux députés, Paulette Guinchard et Laurent Wauquiez – des économistes et des sociologues. Cette commission, qui avait pour objectif de proposer des pistes pour réduire le nombre d'enfants pauvres, a d'emblée considéré, il y a deux ans, que le travail devait être au centre d'une politique efficace de lutte contre la pauvreté.
Au cours des trente dernières années, la pauvreté, nous disent les instituts statistiques, a diminué de manière très sensible. Mais cette évolution favorable cache deux tendances contradictoires : d'un côté, une diminution de la pauvreté chez les personnes âgées de plus de soixante ans, grâce à la montée en charge des systèmes de retraites…
Que nous ont dit les personnes en difficulté ? Que quand on a quelques euros par jour de reste à vivre, on a beau vouloir travailler, on ne peut se permettre de sacrifier une petite partie de ses faibles ressources.
Que nous ont dit les travailleurs sociaux ? Qu'ils subissaient une injonction paradoxale : ne pas avoir les outils adaptés pour répondre à des demandes pressantes.
Que nous ont dit les chefs d'entreprise ? Que les dispositifs étaient si complexes qu'ils ne pouvaient pas toujours s'y repérer et que des besoins de main-d'œuvre demeuraient insatisfaits pour mille et une raisons : la formation déclenchée trop tard – deux ans après ; l'accompagnement interrompu au moment de la reprise d'activité ; ou encore la personne qui, au moment de l'embauche, renonce, après avoir fait le calcul de ses revenus.
Que disent les économistes ? Qu'il existe des effets de trappe redoutables et que, pour des personnes dont la qualification est faible et la productivité inférieure à un certain coût du travail, des mécanismes d'impôt négatifs permettent d'augmenter les revenus sans peser sur les coûts de production.
Que nous disent les élus, de droite comme de gauche ? Qu'ils ont vu augmenter le nombre d'allocataires du RMI, sans toujours disposer des leviers pour mener une politique plus active, et qu'ils constataient ce climat délétère dans lequel ceux qui travaillent n'ont pas le sentiment de gagner plus que ceux qui ne travaillent pas, pendant que ceux qui ne travaillent pas ont la crainte de perdre, si un emploi leur était proposé, une part de leurs ressources, situation à l'origine de rancœurs et d'aigreurs partagées et ô combien compréhensibles.
Nous savons que ce sera difficile, et c’est pourquoi nous proposons une méthode différente. La méthode classique aurait consisté à préparer, dans le huis clos des bureaux ministériels, un texte complet, une réponse administrative à un problème de société. C’eût été faire abstraction de la réalité des difficultés : celles des personnes en situation de pauvreté, celles des employeurs, celles des différentes institutions chargées de ces questions. C’est là tout l’intérêt d’une méthode d’expérimentation.
Deux articles de la Constitution ont été modifiés en 2003 : l’article 37-1, qui permet à la loi et aux règlements de comporter des dispositions expérimentales, et l’article 72, alinéa 4, qui ouvre aux collectivités territoriales la faculté d’expérimenter en dérogeant à des lois générales. C’est par l'utilisation combinée de ces deux articles que nous vous proposons d’ouvrir un champ d’expérimentation, afin de pouvoir suivre et évaluer les effets des modifications introduites, d’abord à petite échelle.
Ainsi le projet prévoit-il les dispositions nouvelles suivantes : dans les départements volontaires, sur tout ou partie de leur territoire, les allocataires du RMI pourront se voir attribuer un revenu de solidarité active leur garantissant que toute heure travaillée leur apportera des ressources supplémentaires.
L’État, de son côté, pourra mettre en œuvre un dispositif analogue pour les bénéficiaires de l’allocation de parent isolé, jusqu’à présent très peu concernés par les politiques d’insertion et qui, malheureusement, renoncent à cette allocation pour revenir au RMI.
Si les expérimentations concernant l’API sont intégralement à la charge de l’État, …
Les départements qui se sont déjà engagés dans une démarche d’expérimentation sous l’empire de la législation précédente – ils sont une quinzaine – pourront compléter leur dossier pour bénéficier de dérogations et de financements nouveaux, et d’autres départements – dans la limite de dix – pourront les rejoindre.
Dès à présent, l’État, et c’est une nouveauté, contribuera aux expérimentations.
L’enveloppe prévue comprend également l’intégralité du coût de l’expérimentation concernant l’API, une contribution à l’animation et à l’accompagnement des programmes ainsi qu’à leur évaluation, qui en constitue un volet essentiel.
Seront également mobilisés les acteurs du service public, comme les caisses d’allocations familiales ou l’Agence nationale pour l’emploi, qui ont marqué leur volonté de favoriser ces programmes.
Conformément à la loi, ces programmes seront évalués par un comité national composé de représentants des départements, de représentants des administrations de l’État ainsi que de personnalités qualifiées. Il sera présidé par François Bourguignon, actuellement économiste en chef de la Banque mondiale, qui a bien voulu nous faire bénéficier de sa grande compétence, et il comprendra plusieurs scientifiques réputés, ce qui est un gage du sérieux des programmes et de l’indépendance de leur évaluation.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour réussir.
Outre l’importance de l’évaluation, il convient d’impliquer directement les personnes concernées. Les bénéficiaires du RMI et de l’API doivent être associés au processus : au niveau local, par des groupes de travail ; au niveau national, en participant notamment au comité d’évaluation. Il faut également travailler avec les différents acteurs des administrations, qui connaissent les frustrations liées au cloisonnement des dispositifs, la complexité des mécanismes, l’hiatus entre les problèmes posés et les réponses apportées.
Par cette démarche, par cette réforme, nous vous demandons de partager notre conviction, …
Nous vous rendrons compte régulièrement de l’avancée de ces programmes. Nous sommes déterminés à éviter que le vingtième anniversaire du RMI ne se célèbre par un triste record. Nous avons au contraire l’ambition de voir s’ouvrir de nouvelles perspectives. L’année prochaine, au deuxième semestre 2008, la France présidera l’Union européenne. À cette occasion, nous ne souhaitons pas, avec d’autres pays, nous remémorer l’ancien âge d’or du modèle social, mais montrer comment ces démarches, que les Européens nomment l’inclusion sociale, et que nous, nous appelons la solidarité active, permettront de renouer avec un modèle social européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Quiconque a vu la détresse de celles et ceux qui n’arrivent pas à améliorer leur situation ou à trouver une place digne dans la société sait que nous avons une obligation de résultat. Nous avons réuni et interrogé à nouveau ceux qui ont conçu le principe du revenu de solidarité active. Deux ans après, ils ont la même conviction, la même volonté, le même désir d’y aller, quel que soit le contexte, parce que c’est toujours aussi nécessaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J’imagine, madame la ministre, que vous avez puisé tous ces extraits dans le Reader’s digest ! Vous avez ainsi fait référence à Paul Lafargue, mais celui-ci vous reste inaccessible, ce qui est normal s’agissant d’un esprit aussi brillant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Madame la ministre, vous avez été très éloquente, très persuasive en nous montrant à quel point notre pays a besoin de réhabiliter la valeur travail. Vous avez raison : le fil directeur, la colonne vertébrale de ce texte, c’est la revalorisation du travail, en faveur des Français qui en ont déjà un – c’est la mesure concernant les heures supplémentaires – mais aussi au bénéfice de ceux qui, malheureusement, en sont exclus.
Chers collègues, la revalorisation du travail dans notre pays, ce n’est pas seulement une nécessité économique pour stimuler la croissance et le pouvoir d’achat ; c’est aussi – et Mme la ministre a eu raison d’insister sur ce point en invoquant de nombreux auteurs ou philosophes d’autres siècles, voire d’autres millénaires – un impératif social, moral, afin de rendre à chaque travailleur un espoir de promotion sociale et de lui restituer sa dignité.
Que constate-t-on aujourd’hui dans notre pays ? Je m’exprimerai ici de façon non polémique : la politique de réduction autoritaire du temps de travail n’a absolument pas tenu les promesses qu’en attendait la majorité de l’époque. La France est l’une des grandes économies dont la durée du travail est la plus faible. Cette caractéristique – toutes les études, quelle que soit leur origine, le montrent – explique le manque de dynamisme de notre économie. En effet, notre produit intérieur brut par habitant est aujourd’hui inférieur de plus d’un quart, à parité de pouvoir d’achat, à celui des États-Unis, alors que, pendant trente ans – jusqu’à la fin des années soixante-dix – notre pays rattrapait son retard : nous avons travaillé davantage pendant les Trente glorieuses.
La politique tendant à réduire autoritairement le temps de travail a également conduit à une véritable déstabilisation de nos finances publiques. En effet, pour limiter les effets en termes de coût du travail, l’État a dû compenser. Aujourd’hui, plus de 11 milliards d’euros sont consacrés exclusivement à la compensation du surcoût du temps de travail.
La défiscalisation des heures supplémentaires – mesure prévue à l’article 1er de ce texte – permettra de mieux récompenser l’effort et de rompre avec l’illusion du partage du travail. Ceux qui seront prêts à travailler plus pourront donc gagner plus grâce à un système dérogatoire particulièrement intéressant. Ce nouveau régime d’heures supplémentaires ne remettra pas en cause la durée légale du travail, ce qui est une bonne chose. Il permettra à chacun de choisir librement son équilibre entre activité professionnelle et temps libre. Mais il aura un effet très important sur le pouvoir d’achat. Vous avez cité, madame la ministre, quelques exemples. Permettez-moi d’en donner un autre. Aujourd’hui, l’heure supplémentaire accomplie par un salarié d’une entreprise de moins de vingt salariés lui rapporte 10 % de plus ; demain, grâce à l’augmentation du taux de majoration de 10 à 25 % et aux exonérations de cotisations sociales et de CSG, elle lui rapportera 60 % de plus.
S’agissant de la deuxième mesure – l’expérimentation du revenu de solidarité active –, je veux rendre hommage à l’efficacité et à la sincérité de l’engagement de Martin Hirsch en faveur des exclus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Je vous le dis gentiment, chers collègues de l’opposition, je n’ai pas compris vos attaques. Vous avez manqué de tolérance. Nous partageons, en effet, depuis bien des années – et j’espère qu’il en va toujours ainsi – un objectif commun : celui de ne pas pénaliser ceux qui reprennent un travail après avoir bénéficié des revenus de l’assistance. Nous vous avons suivis en 2000 lorsque vous avez créé la prime pour l’emploi. Nous vous avons suivis quand vous avez entrepris de faciliter le cumul temporaire des revenus du travail et de la solidarité. C’est un combat commun. J’ai donc trouvé vos remarques particulièrement déplacées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous avons tous intérêt à ce que, grâce à l’expérimentation, le revenu de solidarité active permette à chacun de nos concitoyens bénéficiaires de minima sociaux, qu’il s’agisse de l’allocation de parent isolé ou du RMI, d’accepter un emploi sans que ces allocations soient pour autant confisquées. Le travail sera ainsi véritablement valorisé. C’est un défi ! M. Emmanuelli redoute que les départements ne doivent prendre en charge des dépenses excessives et commence à tenir des comptes d’apothicaire. Chers collègues, nous n’en sommes pas là ! Il est évident que l’État se tiendra aux côtés des départements (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) qui expérimenteront le RSA et partagera les charges supplémentaires. La commission des finances y veillera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je lierai également à la revalorisation du travail les mesures en matière de succession ou de donation. Quelle en est la philosophie ? Chaque Français doit pouvoir transmettre en franchise de droits le fruit d’une vie de travail. Tel n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
J’ajouterai quelques réflexions sur l’accession à la propriété et donc sur le crédit d’impôt en matière d’intérêts d’emprunt. Je rappellerai, tout d’abord, que, depuis 2000, les prix de l’immobilier ont pratiquement doublé.
J’ai toujours expliqué à cette tribune qu’il fallait essayer de rendre l’ISF intelligent, sans pour autant supprimer cet impôt chargé de symboles. Nous allons enfin y parvenir.
Il y a quatre ans, Hervé Novelli s’en souvient, nous avions proposé une mesure de réduction de l’ISF en cas d’investissement en fonds propres dans des PME. Elle n’avait pas pu être acceptée à l’époque. Je me réjouis qu’elle le soit aujourd’hui et qu’elle figure dans le projet du Gouvernement, parce qu’elle sera très puissante. Nos PME – principale source d’emploi dans notre pays, ne l’oublions pas – ont absolument besoin de fonds propres pour se développer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cette mesure permettra également de soutenir l’effort en matière de recherche – établissements publics ou privés de recherche, établissements d’enseignement supérieur – et en faveur des entreprises d’insertion.
Enfin, et je serai bref sur ce point, madame la ministre, vous nous proposez d’améliorer la loi pour la confiance et la modernisation de l’économie, votée il y a deux ans, en renforçant l’encadrement des rémunérations différées. C’est une excellente mesure que de lier ces rémunérations différées aux performances du bénéficiaire et de l’entreprise. C’est une très bonne chose aussi que le conseil d’administration, au moment de verser ces indemnités, puisse apprécier la réalité de ces performances. Cela ne figurait pas dans le texte adopté voici deux ans.
Je terminerai en évoquant l’aspect « finances publiques » que vous avez développé à la fin de votre propos. Je suis persuadé que les efforts en matière de baisse d’impôts, de compensation à la sécurité sociale, d’exonération des heures supplémentaires – qui représentent un coût, il ne faut pas le nier – seront largement financés par les recettes supplémentaires qui résulteront d’un gain de croissance…
Nous aurons dans quelques jours un autre motif d’optimisme, madame la ministre : ce sont les excellents résultats de l’année 2006 et ceux, qui s’annoncent également très bons, de l’exécution du budget de 2007. Soyons fiers de nos performances, mes chers collègues. Il y a eu, pour la première fois, une telle baisse du déficit en 2006 que nous sommes arrivés à un excédent primaire : sans les intérêts de la dette, il y aurait un équilibre. De plus, ce déficit se situe à un niveau suffisamment bas pour que la dette n’augmente plus. Nous avons cassé l’effet boule-de-neige de la dette qui gangrenait nos finances publiques depuis vingt-cinq ans ! Je suis sûr qu’il en ira de même de 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je rappelle à nouveau, pour conclure, que l’honneur de la politique est de tenir ses engagements. Nous tiendrons rigoureusement les nôtres grâce à ce texte. C’est à ce prix, j’en suis sûr, que nous gagnerons à nouveau le respect et la confiance de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Comme en 1993, comme en 2002, le Gouvernement commence par des baisses d’impôts d’un montant élevé et ciblées sur un petit nombre de contribuables.
Continuité plutôt que rupture, c’est ainsi qu’un certain nombre de mesures présentées comme innovantes sont en fait de vieilles recettes déjà éculées, je pense notamment à la prise en charge par l’État d’une partie des intérêts d’emprunt pour l’accession à la propriété. Un tel dispositif existait jusqu’en 1997…
Ce projet comporte en outre plusieurs oppositions quelque peu choquantes. Je ne mets pas en doute votre sincérité, monsieur le haut-commissaire.
C’est un projet coûteux, madame la ministre. Vous avez parlé d’environ 1,5 milliard d’euros sur 2007, de 10 à 11 milliards d’euros sur 2008, de 13 milliards par la suite. Je vous ai même entendue annoncer 13,6 milliards tout à l’heure.
Votre projet suscite un grand nombre de réserves et d’interrogations ainsi que du scepticisme sur les conséquences qu’il peut avoir pour le pouvoir d’achat, l’emploi et la consommation. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, cela aura pour conséquence une nouvelle dégradation de la situation de nos comptes publics, avec encore une fois une aggravation de nos déficits, à la fois budgétaires et sociaux, et une augmentation de notre endettement.
Je n’ai pas vu d’amélioration, monsieur le rapporteur général, dans la situation de nos comptes publics au regard de notre endettement telle qu’elle a été présentée tout à l’heure en commission des finances par le ministre des comptes publics. Contrairement à ce qu’avait annoncé M. Breton, nous avons pulvérisé encore le record, avec un ratio d’endettement de 65 %, ce qui aura pour conséquence, si les résultats ne sont pas au rendez-vous, une remise en cause d’un certain nombre de politiques publiques. Nous en avons déjà eu un aperçu tout à l’heure en commission : non-remplacement dès l’année prochaine de 35 000 postes dans la fonction publique et, vraisemblablement, augmentation des prélèvements obligatoires pesant sur la plus grande majorité de nos concitoyens, au risque d’aggraver les inégalités.
Je terminerai, madame la ministre, par quelques questions.
Au-delà de la volonté de respecter les engagements pris par le Président de la République, qu’est-ce qui justifie les mesures que vous proposez ?
Qu’est-ce qui fait, madame la ministre, que l’arbitrage ne soit plus le même aujourd’hui ? Quels arguments pouvez-vous donner à la représentation nationale pour expliquer que ce qui n’était pas considéré comme pertinent en 2004 le devient tout simplement en 2007 ?
Des études d’impact préalables ont-elles été réalisées ? Vous nous avez dit tout à l’heure qu’un certain nombre de salariés verraient leur pouvoir d’achat augmenter mais, s’ils ne peuvent plus bénéficier d’un dégrèvement ou d’une exonération de taxe d’habitation, ils risquent d’être perdants dans l’opération. Combien de ménages peuvent être concernés par ces mesures ?
Trouvez-vous normal que l’on puisse s’exonérer totalement d’un impôt progressif comme l’impôt sur le revenu, voire, compte tenu d’un abaissement de 60 à 39 %, de l’impôt de solidarité sur la fortune ou d’impôts locaux ? Que pensez-vous de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,…
La méthode Coué et l’économie n’ont jamais fait bon ménage.
Il s’agit, d’une part, de l’article 1er, qui permet d’améliorer la rémunération des heures supplémentaires, et, d’autre part, des articles 8 à 11, qui prévoient des mesures très importantes pour expérimenter le revenu de solidarité active, le RSA. L’objectif est de garantir que le retour à l’activité ou l’accroissement de leur activité conduisent à une amélioration effective de la situation des bénéficiaires de minima sociaux.
La présentation des mesures fiscales par Christine Lagarde devant la commission des finances et l’intervention de Martin Hirsch devant la commission des affaires culturelles nous ont, je crois, suffisamment éclairés. Je ne reviendrai donc pas sur le détail des dispositifs ; j’évoquerai plutôt l’esprit dans lequel la commission des affaires sociales a souhaité les étudier.
S’agissant tout d’abord des dispositions relatives aux heures supplémentaires, il paraît essentiel d’insister sur deux éléments clés : le produit de chaque heure travaillée se traduira par une augmentation significative du revenu net à la disposition des salariés ; les entreprises bénéficieront de même d’une diminution substantielle du coût du travail.
La relance de l’économie, objectif affiché par le texte, passe par une augmentation de la durée moyenne du travail. À l’évidence, la France n’a pas encore su rattraper son retard en la matière, comme l’illustrent bien les comparaisons internationales : la durée travaillée par semaine en France est plus faible que dans la plupart des autres pays.
Aujourd’hui, 37 % des salariés à temps complet effectuent des heures supplémentaires. Le volume annuel moyen d’heures supplémentaires par salarié est de l’ordre de 55 heures.
Au cours de sa réunion du mercredi 4 juillet, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a adopté plusieurs amendements déterminants pour assurer une application effective du dispositif.
Nous avons d’abord eu à cœur de proposer des amendements garantissant l’applicabilité du projet de loi à tous les salariés, dans toutes les situations de temps de travail « excédentaire ». En effet, même si le projet de loi se veut exhaustif dans son champ d’application, certaines situations doivent encore être prises en considération, et c’est l’objet des amendements que nous vous proposerons au cours de l’examen du texte.
Dans le même esprit, poursuivant le travail de la commission des finances en matière de réduction des cotisations salariales, la commission a adopté un amendement important précisant que ce sont non seulement les « heures supplémentaires » entendues au sens strict de l’article L. 212-5 du code du travail, mais aussi toute heure excédentaire non travaillée, à commencer par les heures choisies, pouvant être effectuées au-delà du contingent d’heures supplémentaires, qui bénéficient de la nouvelle déduction de cotisations patronales.
La commission propose par ailleurs une nouvelle rédaction de la clause destinée à prévenir les abus en matière de travail à temps partiel, visant à éviter que des heures systématiquement accomplies en sus de l’horaire prévu au contrat puissent bénéficier du nouveau régime d’exonération.
Concernant l’expérimentation du revenu de solidarité active, le RSA, il faut dire d’abord qu’il s’agit d’une mesure de valorisation du travail, garantissant que toute heure travaillée en plus apporte un plus financier.
Vous avez rappelé, monsieur le haut-commissaire, que 3,5 millions de nos concitoyens perçoivent aujourd’hui l’un des neuf minima sociaux, dont 1,2 million le revenu minimum d’insertion. On ne peut pas ne pas soulever la question, comme l’a fait la commission des affaires sociales, de la nécessité de demander à ces personnes une contrepartie sous forme d’un travail d’intérêt général.
Le dispositif a certes été renforcé en 2004, avec la désignation d’un travailleur social référent pour chaque bénéficiaire du RMI. Ont été par ailleurs développé des mécanismes d’intéressement permettant de cumuler revenus d’activité et minima sociaux, afin de rendre attractif le retour au travail. Cependant, comme vous l’avez précisé, ces mécanismes sont complexes et ne s’appliquent que temporairement et seulement en cas de reprise d’emploi, et non pas dans en cas de continuation d’une activité peu rémunératrice. On a également créé des contrats aidés spécialement adaptés aux bénéficiaires des minima sociaux.
Mais ces politiques rencontrent encore beaucoup de difficultés. Le nombre des bénéficiaires du RMI ne cesse d’augmenter, et même si l’on doit se féliciter du recul constaté pendant les premiers mois de l’année, force est de constater que plus d’un million de nos concitoyens sont encore au RMI.
La départementalisation du RMI a conduit les conseils généraux, de droite comme de gauche, à reprendre en main cette situation, par exemple en convoquant les personnes, en vérifiant le bien-fondé élémentaire des allocations versées, en incitant à la signature de contrats. Je vous indiquerai rapidement deux exemples de cette reprise en main : le conseil général des Bouches-du-Rhône a radié plus de 14 000 personnes des listes des bénéficiaires ; celui du Rhône a suspendu le versement du RMI à environ 900 personnes.
Quant au contrat d’insertion- revenu minimum d’activité, le CI-RMA, et au contrat d’avenir, s’ils ont joué un rôle important, force est de constater qu’ils n’ont pas tenu toutes leurs promesses, comme cela a été vérifié par les réflexions qui ont été conduites par Mme Valérie Létard, Henri de Raincourt et Michel Mercier, ainsi naturellement que par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté », que vous avez vous-même présidée, monsieur Hirsch.
L’objectif du RSA est bien celui-là : dépasser l’opposition entre assistance et revenus du travail. Le RSA aurait vocation à se substituer à l’ensemble des minima sociaux, à la prime pour l’emploi, voire aux aides au logement, et ce pour tous ceux dont les revenus propres sont insuffisants, gommant ainsi les différences de statut entre travailleurs pauvres.
Ce projet de loi, le premier à nous être présenté par le Gouvernement au début de cette législature, montre bien le rôle essentiel assigné par le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble des membres du gouvernement à la relance du pouvoir d’achat et à la lutte contre la pauvreté par la revalorisation du travail. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales en a débattu avec passion, en particulier à l’occasion de votre audition, monsieur le haut-commissaire, qui a duré plus d’une heure trente.
Ce choc est un choc fiscal : exonération d’impôts et de charges pour les heures supplémentaires, défiscalisation du revenu des étudiants, exonération de droits de mutation pour 95 % des successions, bouclier fiscal, réductions d’impôt de solidarité sur la fortune, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier.
Mais il s’agit aussi, voire surtout, d’un choc économique, qui engage une révolution des mentalités : pour obtenir le point de croissance qui manque à la France, il faut remettre la « valeur travail » au cœur de toutes les politiques, lever les tabous et les préjugés qui entravent les entreprises, placer les administrations à leur service.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a souhaité se saisir de ce projet de loi dans sa totalité – mesures fiscales, mesure de moralisation de la vie économique à travers l’encadrement des «parachutes dorés» – à l’exception du revenu de solidarité active, dont la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s’est saisie pour avis.
Ce choc économique a bien sûr un coût, qui devrait s’élever à 11 milliards d’euros en 2008 : c’est le coût de la relance de la machine économique, celui de la levée des blocages qui brident les initiatives et les énergies. Ce n’est pas une dépense mais un investissement.
À cet égard, je soutiens bien sûr l’intention des amendements qui visent à encadrer les mesures prévues par le texte de manière à prévenir les abus et les détournements du dispositif. Mais il convient de garder à l’esprit que le choc fiscal ne se produira que si l’investissement est massif et le signal à l’intention des entrepreneurs et des contribuables suffisamment puissant et sans équivoque.
Comme le Président de la République l’appelait de ses vœux, il est en effet plus que temps « d’enclencher le cercle vertueux de l’optimisme, de la productivité et de la croissance, à la place du cercle vicieux du pessimisme, de la frustration et de la stagnation, qui nous tire vers le bas. »
En effet, la France est aujourd’hui revenue du «travailler moins pour travailler tous ». Si on a pu arguer longtemps que la productivité élevée des salariés français compensait une durée annuelle du travail inférieure à celle des autres pays,…
C’est pourquoi nous voulons favoriser le travail à toutes les époques de la vie, en soutenant nos jeunes, en exonérant d’impôt sur le revenu le salaire de leurs « jobs » d’étudiants, et en prévoyant une franchise d’impôt pour la transmission des patrimoines des parents et des grands-parents aux jeunes générations.
Ce projet de loi met en application la maxime « Travailler plus pour gagner plus »…
Ce choc en faveur du travail, des millions de Français l’attendent, car on ne peut espérer bâtir une croissance durable sur la démoralisation des travailleurs et la dévalorisation du travail.
Ce choc, ce sont des centaines de milliers d’entreprises qui l’attendent, car elles veulent pouvoir répondre aux accélérations de l’activité en libérant des énergies aujourd’hui contenues, en donnant du travail à leurs salariés, et ainsi se développer, innover et créer des emplois durables.
II importe donc d’être très vigilant face aux risques d’effets de seuil décourageants. C’est un problème d’ampleur, qui concerne aussi bien les étudiants boursiers que les PME, auxquelles l’embauche d’un salarié peut faire perdre brusquement le bénéfice d’une aide. J’attire donc l’attention du Gouvernement sur cette question, à laquelle il faudra réfléchir globalement, et répondre dès les premiers décrets d’application de cette loi. Je pense par exemple au montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale. Les chiffres indiqués semblent critiques : pour un niveau de rémunération horaire inférieur à 1,27 SMIC, il y aurait une baisse du coût du travail mais une hausse de ce coût pour des rémunérations supérieures, au risque de constituer des trappes à bas salaires.
La commission des affaires économiques souhaite apporter une contribution pragmatique en favorisant le développement des groupements d’employeurs : dans le cadre de ces structures, et en fonction de la demande des entreprises, les salariés travaillent, pour des durées variables, au sein des entreprises dites utilisatrices. Lorsque le besoin de l’entreprise est satisfait, le salarié est mis à la disposition d’une autre entreprise et bénéficie ainsi d’une stabilité d’emploi.
En favorisant le développement de tels groupements créateurs de CDI, nous souhaitons promouvoir une véritable logique « gagnant-gagnant », puisqu’elle permet de répondre aux besoins de flexibilité des entreprises tout en offrant aux salariés une véritable sécurité de l’emploi.
C’est pourquoi le premier amendement que vous proposera la commission encourage le développement des groupements d’employeurs « mixtes » créés par la loi de développement des territoires ruraux, qui regroupent des entreprises privées et des collectivités territoriales. Ce dispositif mettait fin à l’anomalie que constituait l’impossibilité pour les collectivités territoriales de participer aux groupements d’employeurs dans les zones rurales, là où elles ont précisément besoin d’employer des personnes à des travaux ponctuels tels que le déneigement, le débroussaillage ou, l’été, le nettoyage des espaces verts et publics. La commission vous proposera de permettre aux groupements de mieux répondre aux besoins des collectivités en mettant à leur disposition des salariés dans le cadre d’activités touristiques et culturelles. Les collectivités, notamment rurales, participeraient ainsi pleinement à la « déprécarisation » des salariés saisonniers tout en assurant l’animation et le développement de leur territoire.
Le second amendement que la commission vous proposera d’adopter afin de faciliter le développement des groupements d’employeurs a pour objet de supprimer les obstacles à l’adhésion des entreprises de 300 salariés et plus. Le régime actuel incite ces entreprises à recourir à l’intérim, quand le groupement a précisément pour objet d’agréger des besoins temporaires et disparates afin de créer des emplois stables. La possibilité pour des établissements locaux de grands groupes nationaux d’adhérer à des groupements permettrait d’irriguer tout un bassin d’emploi et d’exercer un effet de levier important garantissant la sécurité de l’emploi à des dizaines de salariés dans chaque bassin d’emploi.
J’avais par ailleurs proposé à la commission d’adopter un amendement créant une carte « active ». L’idée consiste à simplifier la gestion par l’employeur des heures travaillées par le salarié. Cette carte permettrait non seulement de mettre fin aux contraintes de gestion pesant sur les employeurs, mais aussi de favoriser l’embauche de demandeurs d’emploi, même pour un très petit nombre d’heures de travail – une heure ou deux, par exemple.
Monsieur le haut-commissaire, ce système permettrait d’ailleurs, grâce à l’informatique, de faciliter la mise en place et la gestion du revenu de solidarité active en permettant de rendre progressive la perte des aides lors de la reprise d’un travail.
Compte tenu des règles de recevabilité financière prévues par l’article 40 de la Constitution et par notre règlement, j’ai retiré cet amendement. Je souhaiterais néanmoins, madame la ministre, que cette piste soit étudiée par le Gouvernement, en étroite collaboration avec le ministre du travail. Un groupe de travail pourrait ainsi être mis en place afin d’étudier la faisabilité et les modalités de mise en œuvre du dispositif, car je suis persuadé qu’un tel outil permettrait de faciliter l’embauche simultanée de salariés par plusieurs employeurs,…
Par ailleurs, pour éviter que le résultat d’une vie de travail ne disparaisse, préempté par l’État, 95 % des successions en ligne directe seront exonérées de droits de mutation. Le conjoint survivant, qu’il soit marié ou lié par un PACS, sera entièrement exonéré.
À cet égard, notre commission souhaiterait que vous fournissiez une simulation des conséquences du passage à 150 000 euros par enfant de la part successorale transmissible sans droits de succession.
Ce projet de loi poursuit un deuxième objectif : donner des signaux positifs aux entreprises tout en moralisant la vie économique.
Il va ainsi permettre d’orienter l’épargne vers le financement des PME et les organismes d’intérêt général, afin, là encore, d’assurer leur essor et, ce faisant, de développer l’emploi.
La commission des affaires économiques vous proposera, à l’instar de la commission des finances et de la commission des lois, saisie pour avis de l’article 7, d’aller plus loin dans cette démarche en liant plus étroitement le versement de ces rémunérations aux performances de la société.
Enfin, le projet de loi met fin à des prélèvements antiéconomiques qui constituent des entraves à l’accession à la propriété et nuisent à l’attractivité fiscale de la France, en créant un crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunts immobiliers et en renforçant le bouclier fiscal, pour autant que les mesures d’application prévues par le décret permettent que ce dernier dispositif soit plus largement sollicité qu’il ne l’est actuellement.
Pour conclure, ce projet de loi traduit des engagements forts, transparents et courageux – une révolution des mentalités…
Il y a quatre ans, la commission des lois avait considéré qu’il fallait laisser aux entreprises la possibilité de réguler elles-mêmes les rémunérations de leurs dirigeants, par l’élaboration de codes de bonne conduite interprofessionnels. Il faut bien reconnaître aujourd’hui, à la lumière d’exemples récents, que le renforcement de la transparence des émoluments des responsables de sociétés cotées n’a pas permis de mettre un terme à des abus isolés.
Il n’est d’ailleurs pas anodin que le Gouvernement présente, dès le début de cette xiiie législature, des mesures encadrant davantage l’une des composantes emblématiques de la rémunération des dirigeants d’entreprise, à savoir les indemnités de départ, plus connues sous l’appellation de « parachutes dorés », dans un projet de loi qui traite par ailleurs de la revalorisation du travail et du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes.
Les parachutes dorés sont apparus aux États-Unis, où ils ont connu un essor important au début des années 80. Dans un contexte de crise économique consécutif au second choc pétrolier de 1979, les sociétés multinationales éprouvant de fortes difficultés de gestion ont cherché à attirer des dirigeants capables de redresser leur situation en leur octroyant, en cas de renvoi, des garanties financières équivalant à une ou plusieurs années de salaire. Le montant de ces indemnités a considérablement augmenté sous le double effet de la concurrence entre entreprises pour attirer les meilleurs gestionnaires et des mouvements de fusion-acquisition, le parachute devenant un argument très efficace des sociétés prédatrices à l’égard du management des sociétés cibles. Les formes des avantages accordés ont également évolué, l’indemnité se diversifiant pour mêler au strict aspect financier des avantages matériels ou boursiers.
Peu à peu, les sociétés européennes ont, elles aussi, eu recours à ce procédé. Les indemnités de départ se sont ainsi généralisées, y compris en période de reprise économique.
Devenues aujourd’hui une composante à part entière de la part variable de la rémunération des dirigeants de société, ces indemnités ont atteint une proportion plus que significative des salaires de base : selon une étude conduite par le cabinet Hay Group, en 2006, elles avoisineraient, dans les multinationales réalisant plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, deux ans et demi de rémunération pour les mandataires sociaux allemands, deux ans pour leurs homologues français, un an pour les Britanniques et oscilleraient entre un et trois ans de rémunération pour les dirigeants américains. De fait, les pratiques en matière de fixation du montant des indemnités de départ versées aux dirigeants sociaux sont relativement similaires au sein des pays développés, ce qui n’est pas très étonnant dans un contexte d’économies fortement internationalisées.
L’importance des sommes allouées est incontestable, mais le problème principal réside plus particulièrement dans leur adéquation avec le bilan du dirigeant révoqué.
Il serait d’ailleurs inexact d’affirmer que l’attribution de tels parachutes dorés à des dirigeants d’entreprise s’est jusqu’à présent faite, en France, sans limites légales ni contrôle du juge.
D’une part, en effet, ces indemnités doivent être autorisées par le conseil d’administration ou de surveillance de la société, conformément au régime des conventions réglementées dont elles relèvent, en application des articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce. Le non-respect de ces procédures entache de nullité l’avantage consenti.
D’autre part, les dirigeants étant, pour les principaux d’entre eux, révocables ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, sans préavis, ni motivation, la jurisprudence a été amenée à sanctionner toute indemnité présentant un caractère financièrement dissuasif et liant les décideurs dont relève la révocation. Dans certains cas, lorsque l’intérêt social s’est trouvé en cause, le juge a même pu exercer un regard attentif sur le montant des sommes allouées.
Néanmoins, comme l’a déploré le Président de la République, il n’existe pas de lien systématique entre le versement, lors du départ d’un dirigeant de société, d’une rémunération différée d’un montant substantiel et les performances que ce dirigeant a pu réaliser. Cette situation est d’autant plus regrettable que, fondamentalement, les dirigeants d’entreprise sont des gestionnaires, recrutés pour développer la société et la valoriser.
En premier lieu, il sera mis un terme au caractère systématique du gain réalisé par les bénéficiaires de parachutes dorés ou de rémunérations équivalentes quels que soient les résultats de leur gestion. En effet, le projet de loi conditionne le versement des indemnités au respect de critères de performance fixés a priori par le conseil d’administration ou de surveillance.
La commission des lois a jugé que l’article 7 du projet en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat assure un équilibre entre la moralisation des pratiques et le maintien de l’attractivité juridique de notre pays – à laquelle, vous le savez, je suis très attaché, dans le souci de voir créer de nombreux emplois. Sous réserve de quelques ajustements techniques et de précisions rédactionnelles que je lui ai soumis, la commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous partageons l’avis de Gilles Carrez, qui vient de décrire ce texte comme ambitieux. Il s’agit cependant, madame la ministre, comme vous en êtes certainement consciente, d’un débat difficile, car il porte sur le dilemme de toute société : comment, dans un monde ouvert, être à la fois plus efficace et plus juste ? Toutes les sociétés démocratiques ont été confrontées, au cours des dernières années, à ce problème.
Vous avez cité Tocqueville. J’invoquerai, quant à moi, John Rawls, qui distingue, dans sa Théorie de la justice, des inégalités efficaces et des inégalités inefficaces. C’est un bon débat,…
Du temps du Président Clinton, le secrétaire d’État américain avait déclaré que le meilleur moyen de réduire la pauvreté aux États-Unis était de créer des richesses. Le débat auquel nous sommes confrontés est un peu du même ordre. Quelle est la politique économique et sociale adaptée à un monde ouvert ? Un ministre de l’économie qui vient d’être cité, avait déclaré, de retour de Grande-Bretagne, que nous devions changer notre « logiciel rouillé » en matière économique et sociale. C’est là, selon moi, le cœur du débat.
Sur cette base, madame la ministre, la commission des affaires sociales vous soutiendra. Deux types de questions méritent toutefois d’être posées.
Pour ce qui est, tout d’abord, des heures supplémentaires, vous avez cité, madame la ministre, le chiffre de 2 500 euros de rémunération en plus, ce qui est très bien. Il y a cependant des exemples de situations qui peuvent créer des frustrations. Ainsi, comment les salariés travaillant aux deux-huit et aux trois-huit peuvent-ils organiser leur temps de travail pour bénéficier des heures supplémentaires ?
Je pense aux salariés du transport qui ont des heures d’équivalence jusqu’à 39 heures et qui ne peuvent bénéficier des heures supplémentaires qu’au-delà de ces 39 heures. Comment vont-ils réagir ?
J’aimerais que vous nous apportiez des réponses sur ces différents points car beaucoup d’entre nous, dans cette assemblée, considèrent que tous les problèmes ne seront pas réglés par les heures supplémentaires.
La deuxième question que je souhaitais poser concerne l’exigence d’équité dans le débat. Dans un monde ouvert, où doit se situer le curseur entre efficacité et justice ? Vous avez répondu, madame la ministre : retrouver le plein emploi est le meilleur moyen de combattre la pauvreté, réduire la dette, et je suis très satisfait de ces propos.
Je vous remercie pour les réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(M. Jean-Marie Le Guen remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Il n'est en effet question ici, je vais le démontrer, ni d'emploi, ni de pouvoir d'achat…
En réalité, comme en 1993, déjà avec M. Sarkozy alors ministre du budget, et comme en 2002, avec une baisse précipitée de l'impôt sur le revenu qui avait immédiatement conduit le déficit public au-delà de 3 % du PIB, vous vous empressez de distribuer aux plus aisés des cadeaux fiscaux, au mépris de la situation précaire des finances publiques.
Malheureusement, votre « paquet fiscal » n'aura aucun effet positif sur le pouvoir d'achat et la croissance économique. Il dégradera au contraire inévitablement le déficit et la dette et conduira, comme cela a été le cas en 1993 et 2002, à l'alourdissement des prélèvements sur l'ensemble des ménages.
Loin de provoquer un choc de confiance, le projet de loi, qui veut provoquer un « choc fiscal » conduira à une vague de défiance et de désillusion des Français et à un « court-circuit » fiscal.
La situation est pour le moins surréaliste : le Président de la République se prend pour un ministre des finances et il va expliquer à nos partenaires européens qu'il ne tiendra pas les promesses faites dans le cadre de nos engagements européens pluriannuels, mais que, promis, il essaiera vraiment !
Pour cela, il s'engage à affecter tous les surplus de recettes fiscales tirés de la croissance à la baisse des déficits. C'est exactement la promesse faite pour 2007, que nous allons remettre en cause aujourd'hui. L’article 52 de la loi de finances pour 2007 dispose : « Pour 2007, les éventuels surplus mentionnés au 10° du I de l'article 34 de la loi organique […] relative aux lois de finances sont utilisés dans leur totalité pour réduire le déficit budgétaire».
Au total, aucun des engagements n'est tenu. Faut-il rappeler que le ratio de dette publique à 60 % du PIB n'est pas un objectif à atteindre pour 2010 ou 2012, mais une limite maximale dans le cadre communautaire, limite que nous avions constamment respectée entre 1997 et 2002, et que vous avez franchie, pour ne plus jamais en tenir compte depuis 2003, et atteindre 65 % de dette à l'heure actuelle.
Les promesses ne seront tenues qu'au prix d'un ajustement qui frappera de plein fouet les ménages modestes, et d’une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires, qui n'ont cessé d'augmenter depuis 2003.
Cette semaine, nous parlons des cadeaux fiscaux. La semaine prochaine, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, nous parlerons rigueur, prétendue maîtrise des comptes publics, réduction d’emplois publics, avec la TVA antisociale en toile de fond pour dans un an ou deux.
C'est la continuelle contradiction de votre politique : cadeaux fiscaux ciblés pour les uns, hausse massive et globale des prélèvements pour les autres. Il est vrai qu'une baisse de l'ISF coûte toujours moins que ce que peut rapporter une hausse de la TVA compte tenu du nombre de personnes concernées.
L'exception d'irrecevabilité que je défends au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, sera surtout l'occasion de démontrer que votre texte propose des entorses telles au principe d'égalité que nous le jugeons en grande partie inconstitutionnel.
Je débuterai mon propos par les critiques portant directement sur les ruptures du principe d'égalité et le non-respect des dispositions constitutionnelles. J'en viendrai ensuite à la question plus large des objectifs injustes et de l'inefficacité des moyens qui caractérisent le projet de loi.
Je commencerai par l'article 1er, qui ne respecte pas la Constitution à un double titre.
D'une part, il instaure des rémunérations et des traitements fiscaux et sociaux différents entre des salariés effectuant un même horaire de travail au sein d'une entreprise, d'autre part, le mécanisme de « réfaction » visant à exonérer de CSG et de CRDS les heures supplémentaires ne respecte pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la prise en compte des capacités contributives et l'article 13 de la Constitution.
Concernant tout d'abord la question du traitement social et fiscal des salariés au sein de l'entreprise, un salarié pourra, pour une même heure de travail effectuée, se voir appliquer des cotisations sociales puis une imposition sur le revenu différentes, sans compter que son salaire sera directement impacté par un mécanisme de réfaction aux effets aussi variables qu'imprévisibles.
De même, nous n'avons toujours pas reçu de réponse satisfaisante à la question posée quant à l'articulation du dispositif avec le mécanisme de la prime pour l'emploi. Dans quelle mesure l'effet sera-t-il défavorable en termes de rémunération ? Combien de salariés pourront-ils être privés de la prime pour l'emploi en dépassant, du fait des heures supplémentaires effectuées, les plafonds de ressources pour accéder à cette prime ?
La question est autant, sinon plus, prégnante en ce qui concerne le revenu fiscal de référence. En l'état actuel du texte, des salariés très modestes à qui l'on fait miroiter une progression du pouvoir d'achat et une exonération totale au titre des heures supplémentaires pourraient se trouver dans une situation où ils perdraient le bénéfice de certaines exonérations telles que la taxe d'habitation, et certains droits ou avantages sociaux compte tenu de ces heures supplémentaires et de la hausse de leur revenu fiscal.
Votre dispositif crée des effets de seuil, mais qui ne frapperont que les salariés les plus modestes quand les salariés mieux traités bénéficieront, eux, effectivement pleinement de l'exonération sociale et fiscale de leurs éventuels revenus supplémentaires.
Ces effets sont réels, le rapporteur général en reconnaît l'existence dans son rapport. Il est inadmissible que nous n'en connaissions pas l'ampleur, et qu'aucun correctif ne soit apporté à ces injustices.
Il serait particulièrement choquant que, dans le même temps, une entreprise voie l'effet du dispositif proposé neutralisé en ce qui concerne les allégements de cotisations sociales dont elle bénéficie, et son salarié pénalisé au titre de la prime pour l'emploi par le refus explicite d'un tel mécanisme de neutralisation.
Concernant ensuite la pseudo-exonération de CSG, je souhaite rappeler que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avions souhaité introduire une exonération de CSG au bénéfice de l'ensemble des salariés en activité, afin d'inciter au retour à l'emploi.
Sur le plan des principes, notre proposition était très éloignée de celle qui nous est faite aujourd'hui, puisque nous visions bien l'incitation des salariés et le retour à l'emploi, et non l'intensification des horaires de travail pour ceux qui ont déjà un emploi.
Mais surtout, dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a clairement affirmé que l'exonération prévue dans le cadre de l'article 3 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en ne prenant pas en compte les facultés contributives de chaque foyer, introduisait une rupture caractérisée de l'égalité devant l'impôt.
Il a été censuré, ce qui nous avait amenés à mettre en place la prime pour l’emploi qui est, elle, familialisée et s’impute sur l’impôt sur le revenu.
Quelle conséquence en tirer aujourd’hui ? Nous contestons la constitutionnalité du mécanisme complexe de pseudo-exonération de la CSG et de la CRDS que vous proposez dans le cadre de l’article 1er.
Pseudo-exonération car, contrairement une nouvelle fois à ce que vous aviez déclaré dans la presse, il s’agit non pas réellement et directement d’une exonération de CSG, comme l’a justement rappelé notre rapporteur général en commission, mais d’une réfaction.
Mais cela ne change rien au fond. Si nous vous prenons au mot, le mécanisme sera calé pour assurer l’équivalent d’une exonération de CSG-CRDS sur les heures supplémentaires aux salariés concernés. Et dans ce cadre, elle ne sera en aucun cas familialisée et ne tiendra évidemment pas compte des capacités contributives des contribuables, qui doivent s’apprécier au regard des impositions de toute nature que constituent la CSG et la CRDS, caractérisées par leur proportionnalité, leur universalité et leur simplicité.
Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel à l’encontre de l’exonération de CSG que nous avions proposée, la disposition est inconstitutionnelle, car elle ne tient compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci.
Pour reprendre la conclusion du Conseil, le choix ainsi effectué par le législateur de ne pas retenir l’ensemble des facultés contributives crée, entre les contribuables concernés, une disparité manifeste contraire à l’article 13 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel les contributions obligatoires pesant sur les personnes physiques doivent être réparties à raison des capacités contributives.
Encore une fois, le fait que vous créiez un équivalent d’exonération par un mécanisme de réfaction n’y change rien : quand la prime pour l’emploi avait été créée, pour être elle-aussi un équivalent de l’exonération de CSG, nous avions assuré la prise en compte de la composition et des revenus du foyer fiscal des contribuables concernés.
Je quitte un instant le terrain constitutionnel pour une remarque portant sur la question du niveau de l’exonération de CSG-CRDS.
La réfaction sera fixée en fonction du niveau actuel de la CSG et de la CRDS. Mais qu’adviendra-t-il dans quelques mois, quand vous serez forcés, pour tenter de juguler une dette sociale que vous creusez sans cesse, de majorer les taux de ces impositions ?
Car je rappelle qu’aux termes de l’article 20 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale que votre majorité, sous son incarnation précédente, a fait voter, a été institué dans l’ordonnance du 24 janvier 1996 un article 4 bis en vertu duquel « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale est accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale ».
Cette disposition a été reconnue de niveau organique par une décision du Conseil constitutionnel. Si donc vous songez à ajouter, à court terme, plusieurs dizaines de milliards d’euros de dette sociale supplémentaire aux plus de 50 milliards d’euros que vous avez déjà transférés en 2004 dans le cadre de la loi de réforme de l’assurance maladie, il vous faudra trouver un autre expédient que celui que vous aviez alors utilisé : allonger la durée de vie de la CRDS. Si le résultat sera le même – faire payer à tous les Français vos erreurs et cadeaux fiscaux –, la forme sera plus difficile à assumer. Et, en tout état de cause, l’exonération annoncée aujourd’hui sera immédiatement rendue partielle par cette décision.
Au total, votre mesure sur les heures supplémentaires est donc injuste, dangereuse, inconstitutionnelle pour une part, et j’ajouterai inefficace. En effet, comment pouvez-vous continuer à prétendre à l’existence d’un lien entre la durée de travail des salariés et le taux de chômage ?
J’ai repris les tableaux proposés par notre rapporteur général. Le pays où le nombre moyen d’heures travaillées est le plus bas est la Norvège : son taux de chômage est, selon l’OCDE, de 3,5 % de la population active en 2006. Viennent ensuite les Pays-Bas : leur taux de chômage est de 3,9 %. A l’inverse, les pays où le nombre d’heures travaillées est le plus élevé sont la Pologne, la République Tchèque et la Grèce : leurs taux de chômage sont respectivement de 13,8 %, 7,2 % et 8,9 %. Beaucoup de prétendues exceptions qui viennent infirmer votre soi-disant règle ! Ainsi, affirmer comme le font le Gouvernement et le rapporteur général que « les comparaisons internationales sont claires » et que « c’est plutôt dans les pays où la durée de travail par actif occupé est élevée que le taux de chômage est faible » relève au mieux de la propagande. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
II faut d’abord rappeler que la mesure proposée est en recul par rapport aux engagements pris par Nicolas Sarkozy durant sa campagne. Ce ne sont ni la totalité des intérêts d’emprunt ni l’ensemble des prêts immobiliers, mais seulement ceux courant depuis moins de cinq ans, qui sont concernés.
Comme l’ont fait remarquer en commission des finances des députés UMP qui ont fait l’erreur de faire campagne en reprenant les mots exacts du Président de la République, beaucoup de Français vont se sentir trahis. En effet, seuls 20 % des intérêts sous plafond, et pour les seuls prêts courant depuis moins de cinq ans, seront visés.
Pourquoi ces restrictions ? La réponse est évidente : limiter le coût astronomique d’un dispositif qui ne répond pas aux besoins réels en termes de logement.
Alors que le taux d’effort des ménages modestes pour accéder au logement ne cesse de se dégrader et d’augmenter, alors que la question centrale posée est celle de l’offre de logement et de la spéculation foncière, alors que la question du respect par les communes de leurs obligations légales en matière de logements sociaux n’est toujours pas réglée, vous proposez un dispositif qui n’est qu’un cadeau fiscal de plus de 3 milliards d’euros, qui créera un pur effet d’aubaine et alimentera l’inflation immobilière.
Ce dispositif, même encadré, sera coûteux pour un effet très faible pour un ménage emprunteur. En réalité, ce crédit d’impôt n’a rien d’une incitation spécifique à l’accession à la propriété. Il ne sera pas déterminant dans la décision ou la possibilité d’acheter. Il s’adressera aux futurs propriétaires, et surtout à ceux qui le sont déjà, lesquels bénéficieront d’un pur effet d’aubaine.
Je veux surtout souligner qu’en admettant que l’article 3 soit fondé sur un objectif d’incitation à l’emprunt pour faciliter l’accès à la propriété, les modalités choisies pour en limiter la portée constituent des atteintes au principe d’égalité entre les contribuables.
Pourquoi ouvrir la mesure à certains prêts en cours et non à d’autres ?
Au regard de l’objectif d’incitation à l’acquisition, nous jugeons qu’il convient de limiter la mesure aux seuls nouveaux prêts. En aucun cas la limite posée par le texte des prêts en cours depuis moins de cinq ans n’est justifiée.
De même, pourquoi ouvrir la mesure aux contribuables qui changent de résidence principale si l’objectif est l’accession à la propriété des ménages qui ne possèdent pas leur logement ? Nous proposons, pour notre part, une limitation du dispositif aux seuls primo-accédants.
Plus largement, cette démonstration m’amène à souligner la très forte déconnexion entre les objectifs affichés et les moyens mis en œuvre dans votre projet de loi.
J’évoquerai en quelques mots la question des parachutes dorés.
Tout d’abord, pour souligner qu’il s’agit d’une promesse non tenue du Président de la République, qui avait parlé d’interdiction.
Des critères de « performance » larges et peu coercitifs pourront être imposés par les conseils d’administration. Par ailleurs, aucune disposition ne vise à assurer une plus grande équité des rémunérations au sein des entreprises. Enfin, la question devrait être notamment de discerner la performance relative d’un manager par rapport au marché ou à des entreprises équivalentes, qui signe sa performance propre.
L’enjeu est de taille puisqu’une étude récente vient démontrer que si la rémunération des patrons de grands groupes français se situe dans la moyenne européenne, ceux-ci disposent des « parachutes dorés » les plus importants…
Depuis 2002, de nombreuses affaires médiatisées ont contraint les gouvernements à reprendre le dossier de la gouvernance des entreprises. Ils ont toujours cherché à minimiser la portée des dispositifs légaux au risque, comme on l’a constaté par la suite, de ne pas résoudre durablement les problèmes. Comme le déclare déjà l’institut Montaigne, peu soupçonnable de dérive progressiste, le dispositif proposé ne résout pas durablement les problèmes soulevés.
Nous vous proposerons des améliorations du dispositif, mais il faut noter que ces dispositions ne seront applicables immédiatement que pour les conventions conclues à compter de la publication de la loi, les conventions en cours disposant d’un délai de dix-huit mois pour être mises en conformité.
Nous souhaiterions avoir des précisions sur la possibilité, qui pourrait être ainsi ouverte à des cas golden parachutes prévus actuellement, de jouer durant les dix-huit mois à venir et sur l’inégalité des situations qui pourrait en résulter.
Je voudrais vous interroger sur le lien entre l’objectif affiché de progrès du pouvoir d’achat et les mesures relatives au bouclier fiscal et au démantèlement des droits de succession.
Les données sont connues, mais jamais assez répétées : 2 % seulement des ménages sont redevables de l’ISF, ceux dont le patrimoine est supérieur, après divers abattements et exonérations, à 760 000 euros. Alors que les 10 % des ménages les plus pauvres ont, eux, un patrimoine inférieur à 900 euros, la moitié des Français a un patrimoine inférieur à 98 000 euros et les 10 % de Français les plus aisés ont un patrimoine supérieur à 382 000 euros. Les 1 % de Français les plus aisés détiennent des patrimoines supérieurs à 1,270 millions d’euros et concentrent 13 % du patrimoine total.
Devant de telles inégalités, que proposez-vous ? Tout simplement d’en assurer la pérennité et l’augmentation.
Le Gouvernement joue sur un mythe. En réalité, le taux moyen de l’impôt sur le revenu, qui est de 8 % globalement, ne devient supérieur à celui des cotisations sociales que pour les 10 % de Français les plus riches. Il dépasse 10 % pour les 6 % les plus riches, et 20 % pour 1 % des Français les plus riches. Même en ajoutant la taxe d’habitation, dont le taux moyen est faible – inférieur à 2 % en fonction du revenu –, on est loin de 60 % ou même de 50 %.
En réalité, le bouclier fiscal ne bénéficie que par accident aux personnes aux revenus modestes et moyens qui subissent une perte de revenu brutale. Celles-ci voyaient déjà leur situation prise en compte par les services fiscaux, et, en tout état de cause, la mise en place d’un prélèvement à la source réglerait la question.
Nous l’avions dénoncé et les premiers chiffres disponibles le confirment : pour un coût global de 450 millions d’euros et 93 000 bénéficiaires potentiels, ce dispositif permet aujourd’hui à 16 000 personnes de se partager d’ores et déjà plus de 350 millions d’euros. Les premiers remboursements issus de l’actuel bouclier fiscal ont eu lieu début 2007 et atteignent, pour les plus aisés, plusieurs millions d’euros : 7 millions dans un cas, entre 1 et 1,5 million pour plusieurs contribuables.
Le nouveau bouclier fiscal viendra encore amplifier les effets de celui qui existe actuellement. Pour tous les Français qui ne paient pas l’ISF, soit pour 98 % de nos concitoyens, le bouclier actuel ne sert à rien et le bouclier nouvelle formule ne leur servira pas davantage. Sa seule raison d’être est la disparition pure et simple de l’ISF.
Notre commission des finances l’a en partie reconnu. Un amendement de M. de Courson est d’ailleurs venu le souligner, en proposant de sortir la CSG et la CRDS du paquet fiscal, malgré la colère du surveillant général Copé. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Selon lui, il s’agirait de refuser la disparition de l’ISF. Mais je signale à l’ensemble de notre assemblée que, si telle est bien votre intention, le plus simple serait, comme le proposent les députés socialistes, de sortir du bouclier fiscal non la CSG, mais l’ISF !
Ne nous y trompons pas : le bouclier fiscal n’a pas non plus pour but de constituer une arme de compétitivité fiscale. L’exposé des motifs du projet de loi ne se caractérise plus par la prudence que déployait encore M. Copé en 2006, quand il tentait de noyer le poisson en prétendant que le bouclier fiscal concernerait avant tout des Français modestes. Il est vrai que, depuis, les amis de M. Sarkozy, notamment certains chanteurs exilés fiscaux, ont illustré la réalité de vos préoccupations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) Et encore, eux, ils chantent, alors que les députés de la majorité se contentent de brailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’en viens maintenant à l’une des mesures les plus symboliques et les plus injustes de ce projet de loi. Les droits de succession sont aujourd’hui payés par un nombre très restreint de contribuables. La réalité est que, aujourd’hui, 80 % des successions en ligne directe sont déjà exonérées de droits de succession. Si les héritiers ne sont pas les enfants mais l’époux survivant, le chiffre se monte à 90 %. Et, pour l’ensemble des successions en ligne directe mais aussi indirecte, il est de 75 %.
La cause est simple : le patrimoine moyen transmis en 2000 était de 99 700 euros par succession. Or, une succession sur deux est d’un montant inférieur à 62 000 euros. Les économistes sont unanimes : l’allégement profitera massivement aux patrimoines les plus élevés, les autres étant déjà exonérés, et le fait de ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale. En outre, l’idée qu’une remise en cause des droits de succession serait positive pour l’économie a fait l’objet de vives critiques jusqu’aux États-Unis.
Votre projet de RSA reste flou dans ses modalités comme dans son coût. Quel sera le niveau de revenu garanti à une personne qui parviendra à entamer une démarche d’insertion ? Est-on certain que le RMI sera préservé à côté du RSA, et qu’un discours simpliste sur l’assistanat ne viendra pas remettre en cause l’impérieux respect du principe de solidarité ? Quel sera le coût du dispositif à terme ?
En revanche, une certitude s’affirme de plus en plus. Sur la lancée de ce qu’ont fait vos prédécesseurs depuis 2002, l’État va continuer à se délester de ses missions, notamment en termes de solidarité, sur les collectivités locales, et cela sans leur fournir les moyens correspondants. À terme, les contribuables locaux paieront inévitablement la facture sous une forme ou une autre.
Cette politique court-termiste n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous proposerons, afin de garantir l’autonomie financière des collectivités locales, que l’État compense à l’euro près le coût de mise en œuvre du RSA aux conseils généraux.
En définitive, l’exception d’irrecevabilité que nous vous proposons d’adopter est motivée par le non-respect du principe d’égalité en général et plus particulièrement devant l’impôt, par la remise en cause du principe, issu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, d’une contribution commune aux charges publiques, et par la contradiction de ce texte avec les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.
Je terminerai mon propos en souhaitant que vous acceptiez, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, de répondre au fond aux critiques que nous formulerons tout au long de ces débats, et que le Gouvernement ne se contente pas d’asséner au Parlement des slogans de communication en face. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour assurer la qualité de notre travail, il n’est plus acceptable d’examiner des projets de loi sans étude d’impact préalable,…
À ce titre, nous pourrions réfléchir ensemble, au sein de l’Assemblée, à la fixation d’un délai incompressible entre la date de parution du rapport de la commission saisie au fond et le début de l’examen d’un texte. De tels délais existent pour le dépôt des amendements ; je pense qu’il serait légitime de les prévoir également pour s’assurer que chacun peut s’inspirer, pour examiner le texte, des rapports, souvent d’une grande qualité technique, rédigés par nos rapporteurs et les services de l’Assemblée. La rénovation de notre pouvoir de contrôle et la revalorisation de notre rôle passent aussi par ce type de mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mais je tiens à lui faire remarquer que le travail, en l’occurrence, a été de très grande qualité. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Pas moins de quatre commissions ont été saisies. Elles ont eu le temps non seulement d’examiner tous les amendements mais de se prononcer au fond sur ce projet de loi fort court, qui comprend seulement onze articles. Bref, les conditions sont réunies pour que nous débattions de ce projet de loi fondateur dans de bonnes conditions, ce qui n’est pas toujours le cas en début de législature.
Je ne reviendrai pas, monsieur Idiart, sur les exagérations propres à toute motion de procédure. Vous avez entonné un air bien connu : « la droite fait des cadeaux, vide les caisses, donne tout aux riches et nous léguera l’héritage. » (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) J’ai l’impression de me retrouver en 2002, au début de la législature précédente : lorsque nous avons proposé de réduire de 5 % l’impôt sur le revenu, nous avons entendu des propos de la même teneur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais répondre sur quatre points qui m’ont frappé.
Le premier est particulièrement intéressant. Vous avez cité, monsieur Idiart, l’exemple de la Norvège, en établissant un parallèle entre la durée du travail dans ce pays et le fait que le taux d’emploi y soit supérieur au nôtre. Vous avez lu – et je vous en félicite – le tableau qui figure à la page 51 du rapport du rapporteur général. Mais vous avez oublié un élément : en 1985, l’écart entre le nombre d’heures travaillées en France et en Norvège était de 259, alors qu’il est seulement de 175 en 2006. Par conséquent, de deux choses l’une : soit on a moins travaillé en France, soit on a travaillé davantage en Norvège. Je vous donne la réponse : c’est la seconde solution, et le temps moyen de travail en Norvège augmente encore. La tendance se confirme donc.
Deuxièmement, vous avez indiqué qu’il vous semblait juste de limiter la déduction des intérêts des emprunts, dans le cadre du plafonnement prévu, à ceux qui avaient été contractés à partir de la mise en application de la loi. Mais, à mon sens, il importe d’étendre ces mesures aux prêts contractés au cours des cinq dernières années. Voici pourquoi. Vous l’avez observé : depuis plusieurs années, tous les Français subissent une augmentation très importante des prix de l’immobilier.
Troisièmement, vous avez rappelé que le Président de la République avait affirmé qu’il fallait interdire les parachutes dorés. C’est exact, mais il réfléchissait dans le cadre des conditions actuelles. Or, à l’avenir, les parachutes dorés seront soumis aux performances de l’entreprise. Cela signifie que le conseil d’administration, qui est composé des représentants des actionnaires, sera habilité à évaluer les performances des dirigeants,...
Enfin, en ce qui concerne le bouclier fiscal, vous avez dit, monsieur Idiart, que cette mesure ne concernait que les riches. Je vous rappelle que beaucoup de personnes en France, même en Haute-Garonne et même à Saint-Gaudens, ont plus de propriétés que de revenus. À ce titre, elles sont éligibles à l’ISF, et soumises à la taxe foncière et à la taxe d’habitation, dont les montants sont quelquefois beaucoup plus élevés que les revenus qu’elles perçoivent chaque année.
Par conséquent, le principe d’un bouclier fiscal fixé à 50 % bénéficiera, certes, aux personnes éligibles à l’ISF, mais également à tous ceux pour qui, finalement, la pression fiscale est beaucoup trop forte, compte tenu des revenus qu’ils perçoivent chaque année.
Madame la ministre, parmi vos citations vous avez oublié l’apostrophe de Guizot : « Enrichissez-vous ! » Quatorze milliards d’euros d’allégement vont en effet profiter à quelques milliers de personnes alors même que le déficit budgétaire et celui de la sécurité sociale continuent de se creuser. Mais visiblement ces questions ne sont pas à l’ordre du jour. Vous avez fait des promesses, on verra ce qu’elles deviennent dans la durée. En tout cas, aujourd’hui, elles ne sont pas respectées car vous continuez à vider les caisses de l’État…
Il aurait fallu compléter le titre de votre projet de loi en ajoutant la mention « assistanat aux grandes fortunes ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.) Vous nous proposez en effet des milliards pour les plus riches et quelques centaines de millions pour le dispositif de revenu de solidarité active.
Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu’il fallait changer notre regard sur les riches, qu’il fallait les protéger et les assister.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous dites, tous les Français n’ont pas eu le choix de leur profession. Si on demandait aux caissières de supermarché si elles ont vraiment choisi leur métier par conviction,…
La rupture, aujourd’hui, c’est une droite décomplexée qui ose dire : « Toujours plus pour les plus riches. » Quant aux autres, je vous cite madame la ministre : « Les individus sont seuls responsables de leur propre parcours. » Mais entre celui qui héritera d’un patrimoine de plus en plus important, puisqu’il paiera de moins en moins de droits de mutation, et celui qui n’héritera que de ses mains pour travailler, il y a tout de même une sacrée différence en termes d’égalité des chances.
Vous nous avez également dit qu’il fallait dépenser plus et consommer plus. Non, madame la ministre : le gaspillage ne sert à rien. Il faut consommer mieux, développer notre pays, développer l’innovation et tenir compte de l'enjeu climatique. L’objectif n’est donc pas de consommer plus.
Vous avez dénoncé l’oisiveté, mais c’était l’oisiveté de ceux qui n’ont pas les moyens de trouver un emploi. Pourquoi avez-vous oublié ceux qui touchent des bénéfices sans rien faire…
Il y a bien dans ce texte une inégalité au regard de la Constitution.
C’est aussi le cas en ce qui concerne les heures supplémentaires. Dans le rapport, on lit que les salariés qui seraient heureux de travailler 35 heures et ne voudraient pas travailler plus pourraient ne pas le faire. Or vous savez que c’est illégal : un salarié ne peut pas refuser d’accomplir les heures supplémentaires qui sont dans le contingent légal. S’il refuse, c’est un motif de licenciement. Mettez donc vos actes en accord avec ce que vous dites : si un salarié a le droit de refuser des heures supplémentaires, inscrivez dans la loi que ce n’est plus un motif de licenciement. Si vous ne le faites pas, ce que vous dites est totalement faux et il y aura alors inégalité entre les salariés qui auront accès aux heures supplémentaires et ceux qui n’y auront pas accès.
Vous voulez aussi faire croire qu’effectuer des heures supplémentaires permettra de bénéficier d’une déduction fiscale. Peut-être est-ce le cas pour un célibataire payé au SMIC qui travaille à plein-temps, mais un travailleur à temps partiel, payé au SMIC, ne bénéficiera d’aucune déduction fiscale pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas imposable.
Plus de la moitié de la population n’est pas imposable sur les revenus qu’elle tire de son travail. Alors, nous expliquer que cette population profitera d’une déduction fiscale, c’est pour la galerie !
En ce qui concerne le logement, vous voulez favoriser l’accès à la propriété. Je ne reviendrai pas sur la question de l’application immédiate de la déduction sur les emprunts, dont un certain nombre ici vont profiter, mais cette mesure était-elle vraiment nécessaire ?
Je terminerai en abordant le problème des cotisations sociales. Quand vous aurez creusé un peu plus le trou de la sécurité sociale, vous viendrez dire aux Français qu’ils doivent payer plus pour leurs médicaments, pour aller voir le médecin ou pour subir une opération chirurgicale. Vous augmenterez ensuite la TVA au motif que les caisses sont vides et vous créerez alors une inégalité supplémentaire devant la loi.
Votre texte n’est pas conforme à la Constitution. C’est pourquoi les députés communistes, républicains, verts et d’outre-mer voteront l’exception d’irrecevabilité déposée par nos collègues socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Les questions politiques posées par chacun des articles, nous aurons l’occasion de les traiter point par point au cours de la discussion du texte. Mais M. Idiart a déjà exposé l’essentiel de nos arguments, qui se résument à la dénonciation de la présentation fallacieuse selon laquelle tous les contribuables seraient concernés par votre texte à cinquante-cinquante. Cette formule fait penser à la publicité mensongère qui présente le pâté de cheval et d’alouette cinquante-cinquante : un cheval pour une alouette.
J’en viens au problème de constitutionnalité. Un risque d’inconstitutionnalité a été soulevé concernant le dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires de l’article 1er. Le président de la commission des finances, le rapporteur général et le président de la commission des affaires sociales, que j’ai entendu tout à l’heure, s’en sont tous les trois inquiétés. Et il faut bien reconnaître que M. Méhaignerie, ancien président de la commission des finances et actuel président de la commission des affaires sociales, a toujours été soucieux du financement de notre protection sociale.
Le rapporteur général note dans son rapport que la mesure s’apparente à une réduction de cotisations sociales mais, d’un point de vue économique, son taux conduit à l’analyser comme une exonération totale de charges salariales. Or la question des mécanismes de compensation a été abordée en commission de finances. Ceux-ci sont de deux natures : d’une part, du budget de l’État vers les caisses de sécurité sociale pour les cotisations, et d’autre part, au sein du budget de l’État, pour compenser les moindres recettes de CSG. Or la jurisprudence administrative ou constitutionnelle montre que l’utilisation de dépenses publiques à des fins d’allègement d’un impôt est inconstitutionnelle : elle a été le plus souvent retoquée par ces juridictions.
La loi organique relative aux lois de finances éclaire précisément cet aspect. Elle s’appuie sur le principe d’universalité du droit budgétaire qui respecte deux règles : celle de la non-contraction entre les recettes et les dépenses, qui doivent être présentées distinctement les unes des autres, et celle de la non-affectation d’une recette à une dépense afin de ne pas découper en séries d’affectations le budget de l’État.
Voilà pourquoi l’opposition votera cette exception d’irrecevabilité présentée par M. Idiart et dont la majorité ferait bien de s’inspirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous en avons déjà longuement parlé en commission des finances, les autres points ne relèvent pas d’une exception d’irrecevabilité.
Le premier problème, c’est celui de l’exonération de CSG et de CRDS sur les heures supplémentaires. La solution consisterait à voter l’amendement du Nouveau centre qui propose que les heures supplémentaires ne soient pas exonérées de CSG et de CRDS mais soient compensées par une dotation de l’État aux entreprises : 8 % de plus pour qu’elles puissent verser des heures supplémentaires égales à la valeur brute de l’heure supplémentaire. Ce dispositif technique – nous en avons discuté avec le rapporteur général – permet de résoudre le premier problème soulevé.
En tout état de cause, il faut repousser cette motion de procédure, sans quoi la discussion ne pourra avoir lieu.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre votera contre cette motion de procédure.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
Je tiens à dire, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, que nous ne comprenons pas le silence observé par le Gouvernement.
Notre rappel au règlement a pour objet de demander à Mme la ministre de bien vouloir apporter des réponses à la représentation nationale, toutes tendances et sensibilités confondues, sur les nombreuses objections qui ont été formulées à l’égard du projet de réforme du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Court – il comporte seulement onze articles – mais dense, ce texte soulève des questions importantes qui, toutes, méritent que l’on en débatte de façon approfondie. Je vous propose d’attendre que chacune de ces questions ait été posée avant d’y répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine - Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Madame la ministre, vous évoquez le caractère technique de certaines questions. Mais je vous rappelle que vous siégez sur les bancs du Gouvernement, et non sur ceux de ses conseillers. Vous faites de la politique, et s’il en était besoin, votre projet en est la preuve : le rapport entre ce que vous donnez, d’un côté aux plus riches, de l’autre aux plus pauvres, est de 1 à 600. Votre propos ne se situe donc pas dans un registre technique, mais bien dans un registre politique, éthique et moral. À moins, madame la ministre, de ne voir qu’une différence d’ordre technique entre ceux qui se bâfrent au Fouquet’s et ceux qui se rendent aux Restaurants du Cœur. La différence est, à mon sens, tout autre – encore que, je l’avoue, mon appréciation ne soit fondée que sur la fréquentation des seconds. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De qui est cette forte citation ? Du président de la République, Nicolas Sarkozy, s’adressant aux parlementaires de la majorité. Mais cette citation est majoritairement contredite par le présent texte qui est une remarquable collection de niches fiscales : heures supplémentaires exonérées de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, avantage fiscal pour les intérêts d'emprunt pour l'acquisition de la résidence principale, allégement de l'ISF pour les investissements dans les PME ou organismes divers, bouclier fiscal renforcé et élargi, etc.
Voilà donc la promesse de s'attaquer aux niches fiscales promptement enterrée ! Mais quel est donc l'objectif poursuivi ? J’espère, madame la ministre, que vous allez répondre à cette question. Vous êtes en effet devant les élus de la nation, et non pas dans un conseil d’administration, et vous nous devez une réponse.
S'agit-il, comme on nous le dit souvent, de stimuler la croissance ? Nombreux sont les économistes qui pensent que l'effet du paquet fiscal sera très marginal en termes de croissance. Patrick Artus, qui s’exprime pourtant souvent en votre faveur, prévoit que le projet coûtera de 0,6 à 0,8 % du produit intérieur brut et que cela pourrait porter le déficit à 2,9 ou 3 % du PIB.
Rapprochant les mesures du projet de la politique menée dans les années 80 par le président Reagan – l’une de vos idoles –,…
Madame la ministre, une PME a besoin non pas de béquilles mais de clients, et à cet égard seule l’augmentation du pouvoir d’achat peut avoir une incidence.
M. Jacques Le Cacheux, professeur à l'université de Pau, souligne, lui, le caractère « très néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers. Le bouclier fiscal profite d'abord aux personnes ayant des patrimoines très importants et des revenus relativement modestes par rapport à leur patrimoine. C'est l'écart entre les deux qui fait jouer le dispositif. La version Sarkozy du bouclier n'aura d'effets massifs ni sur l'offre ni sur la demande, et ne sera pas suffisante pour engendrer un point de croissance supplémentaire ».
Ce ne sont donc ni la justice fiscale ni la recherche d'incitations efficaces à la croissance qui orientent vos choix fiscaux. Par contre, on y voit clairement l'obsession de la réduction des prélèvements progressifs. Vous vous situez ainsi dans la continuité des gouvernements Raffarin et Villepin en amplifiant massivement l'entreprise de démolition des impôts progressifs. Or cette politique a déjà produit des effets : 300 000 RMIstes de plus.
Vous savez pourtant très bien que la progressivité de l'impôt a un objectif conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à savoir assurer la redistribution entre les foyers les plus riches et les plus modestes.
En 2005, par le mécanisme de l'impôt sur le revenu et des prestations sociales, l’écart de revenu entre les 20 % de ménages ayant le meilleur niveau de vie et les 20 % de ménages ayant le plus bas niveau de vie a été ramené à 3,5, contre 6,5 avant redistribution.
Votre projet de loi s'attaque aujourd'hui simultanément aux trois principaux impôts progressifs français. Le relèvement des abattements sur les droits de donation et de succession viendra minorer les recettes des droits de mutation à titre gratuit. Le bouclier fiscal et la possibilité d'investir son ISF dans le capital d'une PME auront pour effet de réduire les recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune. Enfin, la défiscalisation des heures supplémentaires et le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt vont faire baisser la collecte d'impôt sur le revenu et vont accroître les déficits sociaux. Vous qui venez des États-Unis, madame Lagarde, vous savez bien quel est l’objectif poursuivi. Il s’agit de creuser le gouffre, pour pousser les Français à faire appel aux assurances privées. Merci pour Axa, dirait Xavier Bertrand !
Au total, l'essentiel des 15 milliards d'euros – hormis le coût des allégements de cotisations pour les employeurs, à hauteur de 2,6 milliards d'euros – sera donc pris sur ces impôts.
L'allégement des prélèvements progressifs est une tendance lourde qui a débuté en 2000, en particulier s'agissant de l'impôt sur le revenu, dont le taux moyen d'imposition est de 8 %. Les trois réductions des taux du barème depuis 2002, puis la réforme fiscale appliquée cette année – réduction du nombre de tranches, baisse des taux du barème et suppression du plafond pour les revenus salariaux – l'ont encore affaibli.
Alors que le produit de la collecte de l’impôt sur le revenu a crû de 29 % entre 1995 et 2006, celle de la TVA a progressé de 63 %. Cette taxe que vous voulez encore augmenter en la qualifiant de « sociale ». Côté droits de mutation, la réduction du délai, qui est passé de dix à six ans entre deux donations exonérées, ou la création d'un abattement général sur les successions en 2004 ont aussi allégé cette taxation,
Comme l'écrivait le 12 juin dernier Véronique Le Billon dans Les Échos, journal qui n’est pas réputé être gauchiste : « Le pari est simple : en affaiblissant les impôts à barème progressif, les salariés vont être incités à travailler davantage et les détenteurs de capital à consommer ou investir, générant de nouvelles recettes fiscales. La justification politique de ces baisses d'impôt est en outre facile à trouver : les baisses d'impôt sont populaires, même si plus d'un ménage sur deux n'acquitte pas l'impôt sur le revenu, et si près des trois quarts des successions sont exonérées de droits ».
Ce qui est très dommageable pour notre pays, c'est que cette politique, qui n'a pas fonctionné par le passé, ne fonctionnera pas davantage dans l'avenir ! Mais vous êtes dans l’aveuglement, dans l’idéologie, le dogmatisme de classe.
Son coût est évalué à environ 11 milliards d'euros en année pleine par le Gouvernement, mais son poids devrait en fait être d'au moins 15 milliards par an. D’ailleurs, entre votre présentation au conseil des ministres et devant la commission des finances, vous avez déjà gagné deux milliards de dépenses supplémentaires. Lors de votre audition par la commission des finances de notre assemblée, madame la ministre, vous avez reconnu l'absence de moyens pour financer les mesures contenues dans ce projet de loi. Vous vous êtes bornée à spéculer sur une augmentation du PIB à hauteur de 8 milliards d'euros, confondant le niveau de PIB et les recettes fiscales qu'il peut générer.
C'est la traduction législative des principaux slogans de campagne du candidat Sarkozy : « Travailler plus pour gagner plus », « Une France de propriétaires », « Abaissement du bouclier fiscal à 50 % des revenus ».
Le Gouvernement annonce : « Les heures supplémentaires et complémentaires bénéficieront d'une exonération d'impôt sur le revenu et de charges salariales et patronales. L'objectif du Gouvernement est que cette mesure soit applicable dès le 1er octobre 2007 à l'ensemble des entreprises et des salariés du secteur privé. Elle s'appliquera également, selon des modalités adaptées, au secteur public. » Je note cependant que vous n’avez plus fait allusion au secteur public.
Le dispositif en résultant va être extrêmement complexe – il occupe plus de quatre pages du projet de loi – et cette mesure comporte le risque de constituer pour certains un effet d'aubaine. À cette funeste réalité s'ajoute la réduction délibérée des ressources des régimes sociaux qui vous permettra d'atteindre l'objectif de la remise en cause de leur existence.
Si vous avez introduit dans le projet des dispositions pour pallier l'effet d'aubaine et l'invitation à l'optimisation fiscale par la transformation de primes diverses en heures supplémentaires pour bénéficier des exonérations, le troisième danger subsiste, c'est-à-dire la limitation des embauches : les patrons seront incités à se séparer de certains salariés ou à ne pas remplacer des départs en retraite et à les compenser par des heures supplémentaires effectuées par les autres salariés de l'entreprise. Notons au passage que cela se fera en opposant les salariés les uns aux autres. C’est votre philosophie. Vous n’avez pas utilisé le mot mais il y a une vraie puissance philosophique derrière votre raisonnement, même si vos citations ne sont pas toujours très heureuses.
Ce texte comporte également un allégement des droits de succession ainsi présenté : « En outre, afin que le fruit d'une ligne de vie – on croirait entendre une cartomancienne lisant les lignes de la main – de travail puisse être transmis en franchise d'impôt, 95 % des successions en ligne directe seront exonérés de droits de mutation. Le conjoint survivant, qu'il soit marié ou lié par un PACS, sera entièrement exonéré ». Voilà de quoi souhaiter la disparition prématurée de son conjoint ! (Sourires.)
Mais aujourd'hui 90 % des successions sont déjà exonérés entre conjoints et 80 % entre parents et enfants. Si le taux maximal affiché paraît élevé, il ne s'applique en pratique qu'à une poignée de contribuables. Ainsi, entre époux ou en ligne directe, le taux de 40 % ne s'applique que sur la partie du patrimoine supérieure à 1,7 million d'euros, ce qui ne concerne que le 1 % des plus fortunés. Rien à voir avec le fruit du dur labeur d'un ouvrier (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) ou même des classes moyennes aisées ! Je crains d’ailleurs, madame la ministre, que vous n’ayez de ce dur labeur de l’ouvrier qu’une connaissance très intellectuelle. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Un smicard qui arriverait à épargner 300 euros par mois – ce qui peut paraître peu pour nombre d’entre vous mais qui est en fait un effort gigantesque puisque cela représente un tiers de son revenu – devrait travailler 472 ans pour arriver à mettre de côté une telle somme et bénéficier des privilèges que vous vous apprêtez à accorder. Heureusement que l’espérance de vie s’accroît !
Quant au ménage disposant de revenus médians, il devrait vivre deux siècles ! Ce sont donc des successions parmi les plus grosses qui vont bénéficier de la nouvelle mesure.
Est aussi prévue, dans ce projet, une aide à l'accession à la propriété. Je vous cite : « Les emprunts déjà souscrits ou à souscrire pour l'acquisition de la résidence principale donneront droit, les cinq premières années, à un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts versés, dans la limite d'un avantage fiscal annuel de 1 500 euros pour un couple. Pour que chacun puisse en bénéficier, ce crédit d'impôt sera remboursé aux ménages non imposables. »
Le plafond de la mesure étant de 1 900 euros par an, pour un couple avec deux enfants, l'intérêt du dispositif sera maximal pour les contribuables ayant une importante capacité d'emprunt. Dans cet exemple, le mécanisme joue à plein pour un emprunt de 200 000 euros.
Des spécialistes du marché immobilier, Geoffroy Bragadir, président d'Empruntis, et Cyril Blesson, directeur des services financiers au Bureau d'informations et de prévisions économiques, considèrent que cette mesure aura un effet pervers : « Les vendeurs utiliseront ce bonus fiscal comme argument pour résister à la pression à la baisse des prix », indiquent les spécialistes. Ainsi, alors qu'ils prévoyaient une baisse de 2 % des prix de l'immobilier en mars cette année, ils estiment désormais que la mesure entraînera... une hausse de 3 %. « La baisse des prix pourrait ne se concrétiser qu'en 2009 », ajoutent-ils.
Le Gouvernement, dans ce projet, accorde de nouvelles faveurs fiscales aux assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, en tentant de les faire passer, comme l'indiquait le communiqué du conseil des ministres, pour des mesures destinées à « améliorer l'attractivité fiscale de la France ». Il est prévu que « le bouclier fiscal sera renforcé par la baisse de 60 % à 50 % de la part des revenus susceptibles d'être prélevés et par la prise en compte de la CSG et de la CRDS ». Et le Gouvernement ajoute : « Cette mesure contribuera au maintien ou au retour en France des personnes qui peuvent investir dans l'économie productive. »
Nous avons bien entendu, madame Lagarde, que vous songez à aggraver les difficultés de l’Eurostar en réduisant le nombre de passagers qui l’empruntent tous les lundis matins, tôt – il est vrai que le Président de la République a dit qu’il fallait penser à ceux qui travaillent dur et se lèvent tôt, mais je ne suis pas sûr que les gens dont vous parlez appartiennent à cette catégorie, qui vous est chère. Les personnes qui sont visées sont les émigrés fiscaux, les Coblençards d'aujourd'hui, vos amis Alain Prost, Johnny Halliday, et consorts. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le bouclier à 60 % était déjà un cadeau magnifique fait aux plus grosses fortunes du pays.
Le Figaro, ce journal qu’on vous sert avec le petit-déjeuner, a d’ailleurs vendu la mèche il y a quelques semaines : « À l'automne 2005, lors de la présentation du bouclier fiscal, Bercy estimait que chaque bénéficiaire toucherait en moyenne un peu plus de 4 000 euros. »
Madame Lagarde, votre gouvernement nous avait vendu 93 000 bénéficiaires, mais on n’en a trouvé que 1 100 ; les derniers chiffres publiés dans La Tribune d’hier annoncent 1 750 demandes de restitution. Toujours selon Le Figaro, cela ne représente plus 4 000 euros mais 61 000 euros en moyenne par foyer, dont n’ont bénéficié que 1 100 personnes. C'est bien la preuve que les foyers les plus modestes – ceux qui ont du patrimoine mais peu de revenus – n'ont pas encore fait jouer le bouclier fiscal – ils ont pour cela de bonnes raisons, je vais y revenir.
L'élection de Nicolas Sarkozy et le bouclier fiscal à 50 %, vont-ils changer la donne ? Ce n'est pas gagné. Car ce qui freine un grand nombre de contribuables – les plus aisés cette fois –, c'est la peur du fisc ! Beaucoup redoutent d'écoper d'un contrôle s'ils réclament leur dû. Le bouclier fiscal, c'est une réclamation du contribuable adressée aux impôts. Ce qui signifie que l'agent qui traite son dossier peut, le cas échéant, faire preuve de curiosité et se plonger plus ou moins profondément dans ses déclarations de revenus… et d'ISF. Je vous ai déjà interrogé là-dessus à la commission des finances, madame la ministre, mais vous ne m’avez pas répondu.
Heureusement, le Gouvernement a M. Woerth, qui ne veut pas effaroucher les privilégiés timides et prudents susceptibles de bénéficier du bouclier. C’est un antibureaucrate et il déclare : « Cela ne sert à rien de faire un bouclier s'il devient une course d'obstacles administratifs. Aussi, je propose que chacun puisse s'appliquer, sans contrôle a priori, la ristourne induite par le bouclier, s'il estime en bénéficier. » (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Je me rappelle avoir demandé ici au ministre de l’économie et des finances de l’époque, M. Sarkozy, pourquoi le Gouvernement ne faisait rien contre la mafia russe dans le sud-est de la France, question à laquelle je n’ai jamais eu de réponse. Aujourd’hui, nous voici renseignés sur les convictions du Gouvernement en matière de lutte contre la fraude : fraudez librement, nous vous y encourageons ! Et pour cela, nous prenons des mesures : on ne remplace pas un fonctionnaire sur deux, y compris au sein de l’administration des finances.
Pour en revenir aux privilégiés…
Ils pouvaient déjà obtenir, au titre du bouclier, des remboursements de taxe d'habitation ou de taxe foncière de la part des collectivités locales. Maintenant vont s'y ajouter, malgré la ferveur nouvelle de notre collègue de Courson, des remboursements de CSG et de CRDS, ces deux contributions étant incluses dans le calcul du montant de l'impôt payé.
Pour les cas où ces mesures n’allégeraient pas assez l’ISF, il est prévu officiellement, afin de favoriser, bien entendu, l’essor et le développement des PME, que « les sommes investies dans le capital de ces entreprises pourront être déduites de l'impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 50 000 euros par an ».
Mais qui siège dans les conseils d’administration ? Des copies, des clones de ceux qui bénéficient des parachutes dorés ! Pensez-vous réellement qu’entre complices, on songe à se découvrir et à se nuire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.) Il s’agit simplement d’abuser le bon peuple et de lui faire croire qu’après les mouvements de menton de la campagne électorales des mesures concrètes sont prises. Évidemment, il n’en est rien !
Mais certains vous approuvent. Mme Parisot, du MEDEF, s’est immédiatement réjouie, en déclarant que « les mesures d'encadrement prévues à l'heure actuelle ont l'avantage de rendre ces indemnités plus transparentes, tout en permettant à la France de conserver son attractivité ».
Où a-t-on vu que la France avait perdu son attractivité ? Elle est la deuxième destination mondiale pour les investissements. Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles et regarder les chiffres internationaux. Cela est particulièrement vrai pour vous, madame Lagarde, qui les consultez régulièrement. Il faut donc mettre un terme à ces parachutes dorés et supprimer les stocks options. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
On le voit, ces mesures fiscales et financières que vous proposez bénéficient aux contribuables les plus riches ou aux contribuables les mieux insérés dans la société, dont la famille dispose d'un patrimoine, qui peuvent accéder à la propriété, ont un emploi dans un secteur d'activité bien loti qui ouvre la possibilité d'heures supplémentaires. Elles bénéficieront aussi à ceux qui disposent de conseillers fiscaux grassement rémunérés pour leur permettre d’optimiser au mieux les dispositions que vous proposez.
Monsieur le président, j’entends votre impatience en même temps que j’apprécie la qualité de votre écoute. (Rires sur plusieurs bancs.)
Entre les mesures destinées aux plus riches et celles visant les plus pauvres, le rapport est de 1 à 600. Monsieur Hirsch, je vous l’ai dit en commission, je respecte votre engagement et je crois à vos convictions, même si je suis convaincu que lorsque, dans cinq ans vous regarderez dans le rétroviseur, vous vous rendrez compte que vous vous êtes trompé de route en cette année 2007… (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est la vie qui tranchera.
Vous me faites penser à Henry Dunant à la bataille de Solferino lorsque, effrayé par les ravages de la guerre, il inventa la Croix-Rouge pour venir au secours des victimes. Mais, depuis, les guerres continuent, monsieur Martin Hirsch, et, avec toute la considération que j’ai pour vous, vous venez au secours d’un gouvernement immoral qui va augmenter les privilèges des privilégiés (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et dans lequel vous êtes chargé du mercurochrome et du sparadrap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Je souhaiterais à présent, monsieur le président, conclure mon propos (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et ne pas être interrompu.
La conclusion de cette question préalable, madame la ministre, est particulièrement limpide et évidente devant des mesures aussi injustes qu'inefficaces et dangereuses. Je vous invite donc, mes chers collègues, à la voter puisque je viens de vous faire la démonstration qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. En effet, le projet de loi viole l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et remet en cause la progressivité de l'impôt.
Madame la ministre, vous êtes chargée d’un ministère très important. Avant-hier, en commission des finances, vous ne nous avez pas convaincus car vous y avez tenu un langage qui n’était pas vraiment politique et qui – cela n’engage que moi – n’était pas à la hauteur des enjeux économiques et moraux de notre société. Je me suis alors demandé si nous entendrions à la tribune, lors de sa première prestation en séance publique, la grande Christine, reine de Suède, personnage ô combien historique. Eh bien non, madame Lagarde, nous avons entendu aujourd’hui Marie-Antoinette qui, aux Parisiennes affamées qui réclamaient du pain, fit répondre : « Ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Monsieur le président, je veux entendre la ministre nous répondre. Je vous demande donc une suspension de séance pour lui permettre de réfléchir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je suppose qu’elle s’est concertée avec M. Éric Woerth sur ce sujet. Nous avons besoin de réponses claires.
Mes chers collègues, la suspension de séance ne peut pas intervenir au moment des explications de vote.
Qui peut raisonnablement estimer qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ce projet de loi, alors que la campagne électorale pour la présidentielle a montré que ces thèmes étaient au cœur même des préoccupations des Français ? Elle a révélé que les Français veulent non pas moins, mais plus de travail, non pas plus de loisirs, mais plus de pouvoir d’achat, non pas plus de farniente, mais plus d’ambition professionnelle, pour eux, leur famille et leur pays.
Le pouvoir d’achat est au cœur de ce texte attendu par les Français. Il n’y a aucune raison d’en différer l’examen.
Qui peut, monsieur Brard, estimer raisonnablement qu’il n’y a pas lieu de délibérer lorsque toutes les comparaisons internationales démontrent que c’est là où l’on travaille davantage que la croissance est la plus forte et le chômage le plus bas ?
Qui pourrait raisonnablement estimer qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ce texte lorsque le poids des impôts, des charges, des réglementations, des contrôles conduit chaque année un nombre important de talents et de fortunes à partir au-delà de nos frontières ? Il ne s’agit pas de savoir si nous sommes pour ou contre les riches,…
Qui, enfin, peut raisonnablement estimer qu’il n’y a pas lieu de délibérer lorsque la quasi-stagnation du pouvoir d’achat et la panne de l’ascenseur social dans notre pays engendrent la résignation et la morosité, alors que jamais l’économie mondiale n’a été aussi dynamique et que la mondialisation est abordée par beaucoup de pays européens avec une confiance, une ferveur, un enthousiasme qui font encore défaut à la France ?
Monsieur Brard, vous vous trompez : il faut délibérer, et vite. Il le faut car les Français l’attendent et parce que la France en a besoin. Il le faut parce que le candidat Nicolas Sarkozy a été élu sur un programme et que ses engagements doivent être respectés. Il le faut car notre volonté de réforme a fait de notre formation politique, l’UMP, la formation majoritaire de cette assemblée.
Le texte dont nous sommes saisis est perfectible, c’est une évidence. Mais les améliorations résulteront du débat parlementaire et plus particulièrement de l’examen des amendements, dont il est important de ne pas retarder la discussion. Voilà pourquoi l’UMP rejette la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Aucune prévision de croissance n’a été vérifiée, les déficits budgétaires ont progressé et les recettes n’ont jamais été au rendez-vous.
À votre arrivée en 2002, toutes les branches de la sécurité sociale affichaient un solde positif. En 2007, votre bilan est terrible : tous les comptes sociaux sont au rouge. Aujourd’hui, avec ce texte emblématique, vous proposez, que dis-je, vous imposez une nouvelle dégradation de la vie de millions de nos concitoyens par un allongement de la durée du travail qui se traduira par une dégradation inéluctable des conditions de travail et de la santé au travail.
Il y a soixante-dix ans, le débat était le même. On ne parlait pas de farniente – le mot était trop poli –, mais sur ces bancs, certains de vos prédécesseurs disaient que le temps gagné par les salariés avec la loi instaurant les quarante heures de travail leur permettrait d’aller au café pour boire le peu de salaire qu’ils touchaient et de faire des enfants ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous condamnez les salariés précaires à plus de précarité. Vous refusez que les personnes travaillant à temps partiel puissent avoir un temps complet. Vous accompagnez, voire encouragez les plans de suppressions d’emplois qui n’ont rien à voir avec des plans sociaux – regardez ce qui se passe chez Alcatel-Lucent, chez Airbus et tant d’autres encore…
Vous parlez du coût du travail mais vous omettez de dire la vérité aux Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous sacrifiez, madame la ministre, aux exigences de la Commission européenne et de l’OCDE qui exigent un allégement des cotisations sociales pour les moins qualifiés et préconisent des « filets de sécurité » pris en charge pour la puissance publique.
Les effets collatéraux sont immédiats et lourds de conséquences. L’un d’entre eux est l’augmentation fantastique des travailleurs pauvres. Le nombre des salariés rémunérés au SMIC a doublé. Des dizaines de conventions et grilles professionnelles ont des minima inférieurs au SMIC, tirant ainsi tous les salaires et qualifications vers le bas.
Mon propos, madame la ministre, vous l’avez compris, porte exclusivement sur le travail, les salaires, les précaires, qui sont aussi des sans-travail, des sans-logement, des sans-droit.
Je ne me satisfais pas, comme l’a dénoncé mon ami Jean-Pierre Brard, des 14 milliards d’allégements fiscaux pour une minorité, à côté des tout petits 25 millions d’euros pour les plus pauvres.
Je termine (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en citant le professeur Jean Gadrey, de l’université Lille-I. À une question qui lui est posée sur le RSA tel qu’il est inscrit dans le projet de loi – « Que reprochez-vous au dispositif proposé par le rapport de la commission présidée par Martin Hirsch ? » –, cet universitaire émet un avis très intéressant : « La version actuelle du RSA est beaucoup moins ambitieuse que celle contenue dans le rapport. On comptabilise entre 1 et 1,3 million de travailleurs pauvres, qui ne sont pas, dans leur majorité, d’anciens RMistes. Beaucoup sont des femmes qui ont des emplois à temps partiel de 20 ou 25 heures par semaine et se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté. Ces personnes-là sont les oubliés du RSA. De plus, cette mesure introduit une discrimination entre les “bons pauvres”, qui acceptent de travailler, et les “mauvais pauvres”. En France, les pauvres ne sont pas tous des travailleurs. Il y a aussi les inactifs, dont les personnes âgées, certaines femmes, etc. Pour moi, le RSA vise surtout à inciter les bénéficiaires du RMI et de l’API à reprendre n’importe quel emploi. »
On peine à discerner, dans ce texte, ce qui favorise effectivement le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat. En fait, le point commun de cet ensemble de dispositions diverses est qu’elles multiplient les niches fiscales et vident de sa substance l’impôt de solidarité sur la fortune. Jean-Pierre Brard l’a dit : nous sommes ici dans le registre de l’éthique, de la morale, de la politique. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le rapport de 1 à 500 existant entre les 25 millions d’euros injectés pour le RSA et la douzaine de milliards d’euros du paquet fiscal ciblé, comme l’a également souligné le président de la commission des finances.
On peut également évoquer l’ensemble des mesures fiscales non financées. Je suis non seulement convaincu que les prélèvements obligatoires ne baisseront pas, mais aussi que nous verrons, dans les prochaines années, cette TVA antisociale déjà annoncée. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
La croissance n’est pas − et ne sera pas − stimulée. Nous nous interrogeons même sur l’impact qu’aura ce projet sur les équilibres des finances publiques, tant sur le déficit budgétaire que sur la dette, qui ne pourra que s’accroître. À ce propos, mes chers collègues, je me rappelle vos protestations des années 1997-2002, lorsque, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la confiance était restaurée et la croissance en marche. Nombreux sont, parmi vous, ceux qui siégeaient déjà sur ces bancs : « Rendez l’argent que vous avez volé aux Français », disiez-vous. Peut-être le rendez-vous aujourd’hui, mais c’est en fonction de choix avec lesquels nous sommes évidemment en désaccord. Car, enfin, il y a bien déconnexion totale entre les objectifs affichés et les moyens mis en œuvre. Ainsi, en ce qui concerne les parachutes dorés, on est loin de la suppression qui était promise. La seule raison d’être du bouclier fiscal est de faire disparaître l’ISF. Quant aux droits de succession, Jean-Pierre Brard a démontré que plus des trois quarts des successions étaient déjà exonérées.
Ce que vous nous proposez, c’est un régime minceur, tant pour la sécurité sociale que pour les collectivités locales. Après Jean-Louis Idiart, Jean-Pierre Brard a souligné les entorses au principe d’égalité et les remises en cause de l’égalité devant l’impôt contenues dans votre texte. Il aura même des conséquences sur l’administration, notamment sur l’administration fiscale, car, en raison de la baisse des effectifs, des services de contrôle des impôts et des douanes ne seront plus en mesure d’assumer leur tâche fondamentale.
Toutes ces mesures fiscales et financières bénéficient donc aux contribuables les plus aisés. Elles sont injustes, inefficaces et dangereuses. La remise en cause de la progressivité de l’impôt suffit à nous convaincre de voter la question préalable défendue par nos collègues du groupe démocrate et républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais cependant m’adresser à mon collègue Brard…
Vous faites une utilisation abusive de certains chiffres. À qui profitent les 6 milliards des heures supplémentaires ? Aux plus riches, dites-vous. Mais les plus riches font-ils vraiment des heures supplémentaires ? Non. Ce sont des gens souvent modestes, dans l’industrie ou dans les services, qui en font. Plus de la moitié du dispositif figurant dans le projet de loi concerne donc des personnes modestes.
D’autre part, à qui bénéficie le crédit d’impôt, qui est plafonné à un montant qui correspond à un bien tout à fait moyen, c’est-à-dire, grosso modo, à un emprunt pour l’achat d’une maison de 150 000 euros maximum ? Aux quelque 57 % de Français qui veulent devenir propriétaires. Comme tout ce qui est abusif, ce que vous dites perd toute crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aimer le peuple et aimer la démocratie, mon cher collègue, c’est respecter les décisions du peuple, surtout quand elles ne vous sont pas favorables. Toutes ces dispositions figuraient dans la plateforme électorale sur laquelle nous avons été élus.
(La question préalable n’est pas adoptée.)
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :
Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l’Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton