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SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC LAFFINEUR
1. Travail, emploi et pouvoir d'achat. – Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (nos 4, 62)
discussion des articles (suite)
Article 4 (suite)
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Brard.
MM. Jérôme Chartier, Jean-Louis Idiart.
Reprise de la discussion
Amendement n° 409. – Rejet par scrutin.
Amendement n° 408 : MM. Jean-Pierre Brard, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. – Rejet.
Adoption de l’article 4 modifié.
Rappel au règlement
M. Jean-Louis Idiart.
Mme la ministre, M. Jean-Pierre Brard.
Après l'article 4
Amendement n° 270 : MM. Charles de Courson, le rapporteur général, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement modifié.
Article 5
MM. François de Rugy, Jean-Louis Idiart, Jean Launay, Dominique Baert, Roland Muzeau, Arnaud Montebourg, Jean-Pierre Brard.
Amendements de suppression nos 127, 303, 349 et 402 : MM. Jean-Claude Sandrier, Jean-Yves Le Bouillonnec, François de Rugy, Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Arnaud Montebourg. – Rejet.
M. Jean-Pierre Brard.
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 128 et 304 deuxième rectification : MM. Roland Muzeau, Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejets.
Amendements nos 411 et 424 : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet de l’amendement n° 411.
MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet de l’amendement n° 424.
Amendement n° 312 : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 313 et 367 : MM. Jean-Louis Idiart, Charles de Courson, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet par scrutin.
Rappels au règlement
MM. François Brottes, Jérôme Chartier, Arnaud Montebourg, le président.
Reprise de la discussion
Amendement n° 310 : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Brard, Mme la ministre.
Reprise de la discussion
Amendement n° 311 : MM. François Brottes, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 69 et 129 : MM. Charles de Courson, Roland Muzeau, le rapporteur général, Mme la ministre, M. Didier Migaud, président de la commission des finances. – Rejet par scrutin.
Rappel au règlement
MM. François Brottes, le président.
Reprise de la discussion
Amendement n° 309 : MM. François Brottes, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 418 : MM. Jean-Pierre Brard, Michel Bouvard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 419 : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 175 : MM. Jacques Myard, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements nos 308 rectifié et 70 : MM. Gérard Bapt, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet de l’amendement n° 308 rectifié ; adoption de l’amendement n° 70 modifié.
Rappels au règlement
M. Jean-Louis Idiart, Mme la ministre, MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le président, Arnaud Montebourg.
Reprise de la discussion
Amendements nos 307 rectifié, 306 rectifié et 413 deuxième rectification : MM. Gérard Bapt, Jean-Louis Idiart, Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, Mme la ministre.
Demande de vérification du quorum
M. Jean-François Copé.
Le quorum n’est pas atteint.
Le vote sur l’amendement no 307 rectifié est reporté à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, vous m’avez accusé hier d’être discourtois.
Il est vrai qu’ici les confrontations ne ressemblent guère à celles que vous avez connues dans le beau monde, que vous fréquentez mais que je ne fréquente pas, le monde des actionnaires, qui n’est pas le même que celui des RMIstes. Il faut que vous compreniez notre indignation, notre colère, madame la ministre, car nous, nous portons ces valeurs qui ne sont pas cotées en bourse, mais qui appartiennent aux traditions de notre peuple, aussi loin que l’on remonte, depuis Rabelais, Montaigne, les Encyclopédistes, la Révolution, 1830, 1848, la Commune de Paris, le Front populaire…
Madame la ministre, vous me faites penser à Paul Reynaud qui, après la remise en cause des 40 heures – la durée du travail hebdomadaire a été réduite de cinq heures seulement en soixante-dix ans ! –, fit cette déclaration extraordinaire : « Fini la semaine des quatre jeudis ! »
Ce n’est pas votre majorité complaisante que vous pourrez accuser d’être discourtoise à votre égard : elle est composée de courtisans. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaiterais que nous nous mettions d’accord sur la sémantique et que Mme la ministre ne confonde pas la discourtoisie avec le combat déterminé que nous menons contre la politique injuste qu’elle défend.
Que les propos que l’on échange dans l’hémicycle soient partisans, c’est normal. Mais ils doivent être toujours courtois, notamment envers la ministre, contre laquelle vous n’avez, j’en suis certain, aucun grief personnel. Il conviendrait donc que l’on s’en tienne aujourd’hui à la politique et que l’on fasse preuve de courtoisie si nous voulons que notre débat soit constructif. Évitons de revenir aux écarts de langage que l’on a déplorés il y a deux jours et à l’utilisation d’artifices de procédure à des fins d’obstruction systématique, comme ce fut le cas durant toute la soirée d’hier.
Sur le fond, madame la ministre, nous vous avons posé, hier soir, une question importante à laquelle nous avons absolument besoin que vous répondiez pour pouvoir poursuivre nos travaux et passer à l’examen des articles suivants. Vous avez pris l’engagement très clair de nous donner, ce matin, les chiffres que nous vous avons demandés. Nous attendons donc votre réponse, qui déterminera la manière dont nous allons engager nos travaux et qui éclairera nos débats.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Le scrutin est ouvert.
……………………………………………………………..
Voici le résultat du scrutin :
L'amendement n° 409 est rejeté.
Je suis saisi d’un amendement n° 408.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Nicolas Sarkozy a inscrit la suppression des droits de succession dans son programme, prolongeant ainsi un mouvement déjà largement engagé depuis 2002. Alors que, jusque-là, seules les petites et moyennes successions étaient exonérées de toute imposition – c'est-à-dire la grande majorité d'entre elles –, les réformes intervenues ces quatre dernières années ont élargi considérablement les facilités données aux plus aisés de transmettre leur fortune à leurs enfants sans verser un centime à la collectivité.
Comme le souligne Philippe Frémeaux, « dès aujourd'hui, en usant des facilités ouvertes par l'assurance-vie et les donations, un couple peut transmettre 500 000 euros hors tout droit de succession au décès du premier conjoint. »…
Vous représentez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que c’est que 500 000 euros pour des gens qui « bossent » et qui se lèvent tôt ?
Par notre amendement, nous souhaitons réserver aux seuls ayants droit modestes l'avantage des dispositions que vous proposez pour satisfaire une clientèle de petits patrons, de professions libérales aisées, voire de managers avides qui ont accumulé de quoi dispenser leurs enfants de travailler en s'accordant des revenus colossaux.
Si vous souhaitez vraiment aider les petites gens, et non pas seulement les utiliser comme des alibis destinés à faire passer la pilule, c’est-à-dire les privilèges consentis à quelques-uns, il vous suffit d’adopter cet amendement, ce qui constituera un gage de votre bonne foi.
M. le rapporteur général et Mme la ministre devraient prendre conscience que, lorsqu’ils nous opposent le silence pour toute réponse, ils prennent le risque que, laissant parler notre imagination, nous ne leur prêtions de mauvaises pensées !
À moins, madame la ministre, que votre silence ne soit la traduction du vieil adage selon lequel « qui ne dit mot consent », ce qui serait une reconnaissance implicite du fait que les petites gens ne sont que des alibis vous permettant de tenir vos engagements à l’égard de ceux pour lesquels vous avez les yeux de Chimène, c’est-à-dire les privilégiés.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Je me permets d’insister au nom de mon groupe, madame la ministre, car nous attendons toujours votre réponse.
L’estimation que nous faisons du triplement de l’abattement consenti en faveur des héritiers handicapés s’élève à 20 millions d’euros. Elle a été établie par des calculs effectués par la direction générale des impôts sur la base d’informations fournies par les différentes directions des services fiscaux et selon une méthode à la fois statistique et d’enquête, permettant d’évaluer à 3 300 le nombre d’héritiers handicapés.
Ce sont là, monsieur Brard, les seules informations que les services de l’administration soient en mesure de vous fournir.
À ce sujet, c’est avec regret que je constate que l’opposition a refusé de voter un amendement susceptible d’aider les personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir cet amendement.
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. François de Rugy.
Il me paraît grave que le budget de la France et les investissements publics pâtissent des promesses électorales du candidat de l’UMP. Le nouveau chef de l’État ayant effectué l’un de ses tout premiers déplacements à Brest, on peut supposer que les investissements militaires, qui représentent la plus grande part des investissements de l’État, seront préservés.
En l’absence de M. le ministre des comptes public, c’est à vous que je demande, madame la ministre, de nous préciser quels investissements le Gouvernement a l’intention de supprimer. M. Bouvard a dit hier que l’Agence française pour les investissements dans les infrastructures de transport était déjà au bout du rouleau. Ce secteur va-t-il être touché, alors que, comme chacun le sait, la France a besoin d’infrastructures de transport modernes pour se développer durablement ? Les services publics seront-ils également touchés ?
Où s’arrêtera cette logique de baisse des contributions ? Le bouclier fiscal, que l’on nous a vendu à 60%,...
Je ne suis pas un maniaque de l’impôt, et je me félicite qu’à Nantes, où je siège en tant qu’élu local, nous n’ayons quasiment pas augmenté les impôts depuis six ans.
Dans le cadre de cette entreprise de « bunkerisation », les gouvernements précédents ont mis en place le bouclier fiscal afin de protéger, non pas les redevables de la TVA ou des taxes sur les carburants, c’est-à-dire le plus grand nombre de nos concitoyens, mais seulement quelques privilégiés. Plus astucieusement encore, cet article vise à rendre inefficace l’ISF, dont vous voudriez bien vous débarrasser, ce que vous n’osez pas faire, de crainte du tollé que cela déclencherait. Comme on le voit, la rupture a ses limites.
À l’origine, vous nous aviez présenté le bouclier fiscal comme un dispositif protégeant tous les Français. Aujourd’hui, il serait censé protéger l’attractivité du territoire. Pour le premier argument, l’échec est total. La réalité force à le reconnaître : seuls 10 % des Français paient un impôt sur le revenu supérieur à 8 % de leurs revenus. D’un coût global de 450 millions d’euros pour 90 000 bénéficiaires potentiels, ce dispositif permet d’ores et déjà à 16 000 personnes de se partager plus de 350 millions d’euros alors que les 77 000 autres se partagent 50 millions d’euros.
Les premiers remboursements dus au titre de l’actuel bouclier fiscal ont eu lieu début 2007 et atteignent, pour les plus aisés, plusieurs millions d’euros : 7 millions dans un cas, entre 1 et 1,5 million pour plusieurs contribuables. Il s’agit de très riches propriétaires, qui peuvent ainsi réduire fortement leur imposition au titre de l’ISF.
Aujourd’hui, vous proposez d’élargir la base des impôts et taxes pris en compte : à l’IR, à l’ISF et aux taxes foncières et d’habitation afférentes à la résidence principale, vous ajoutez la CSG, la CRDS, les prélèvements sociaux. Ces contributions seraient prises en compte y compris pour leur part déductible de l’IR.
Compte tenu des modalités d’application, ces dispositions auront un coût pour les finances publiques à compter du 1er janvier 2008. Mais ce coût n’est pas évalué dans le texte. Aucune mention n’est faite non plus de la répartition du coût de ce dispositif entre l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale. Cela suppose pourtant une perte de recettes inévitable pour les organismes de sécurité sociale, et notamment l’assurance maladie. Ainsi, les assurés sociaux, comme les contribuables locaux, seront tenus de financer la mesure de suppression de l’ISF voulue par le Gouvernement et dont vont bénéficier les plus aisés.
Comment pouvez-vous parler d’attractivité du territoire alors que vous allez paralyser ce qui fait la force de notre pays, les conditions d’accueil sur le terrain des entreprises, des populations, et notre système de protection sociale ? Jamais, et tant mieux, nous ne serons un paradis fiscal.
Quel est le bilan du bouclier fiscal première formule ? Combien coûte le bouclier fiscal à l'État ? Quelle corrélation y a-t-il entre les bénéficiaires du bouclier fiscal et les redevables de l'ISF ? Quel est le gain moyen tiré par les contribuables aisés de l'instauration du bouclier fiscal à 60 % ? Nous ne le savons pas. Mais déjà s'annonce le bouclier fiscal nouvelle formule à 50%, qui n'a d'autre objectif que la disparition de l'ISF puisque l'impôt de solidarité sur la fortune repose uniquement sur le patrimoine, et non sur les revenus des contribuables. Comme pour les 35 heures, vous n'avez jamais eu le courage d'affirmer clairement votre objectif : supprimer l'ISF. Ce n'est pas faute pourtant, depuis 2002, d'avoir, de façon incessante, multiplié les aménagements, les relèvements de tranche, les exonérations.
L'État souhaite laisser à chacun au moins la moitié de ce qu'il a gagné. Comme si, actuellement, les quelque 32 millions de contribuables donnaient tous plus de 50 % de leurs revenus à l'État, aux collectivités locales et à la sécurité sociale ! Ainsi, pour la quasi-totalité des contribuables français, 98 % d’entre eux ne payant pas l'ISF, l'actuel bouclier fiscal ne sert à rien, et il en ira de même du prochain.
Nous devons donc dire à nos compatriotes à qui il va être utile. Le bouclier actuel limite à 60 % du revenu la somme totale pouvant être payée au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation, de la taxe foncière sur le bâti et de l'ISF. Si la somme est supérieure, le contribuable est remboursé, remboursement partagé entre l'État et les collectivités locales, d'un montant correspondant au surplus. Il permet en réalité aux assujettis à l'ISF les plus aisés de payer moins d'impôt, et donc de faire disparaître l'ISF.
La volonté affichée par la droite de prendre en compte les plus modestes ne sert que de prétexte. Demain, le nouveau bouclier fiscal ne fera qu'amplifier le gain pour les plus riches, sans aucun effet bénéfique pour la majorité des Français.
Le Gouvernement propose donc aujourd'hui que la somme des impôts directs soit limitée à 50 % des revenus, en prenant en compte également la CSG et la CRDS. En réalité, le bouclier fiscal nouvelle formule ne concernera toujours qu'une infime minorité de rentiers. L'exposé des motifs évoque, quant à lui, la compétitivité fiscale. Bel euphémisme !
La logique du bouclier fiscal est bien la disparition de l'ISF. À revenu égal, c'est celui qui aura le patrimoine le plus important qui paiera le moins d'impôt. En effet, en jouant sur le slogan « il n'est pas normal de payer plus de 60 % ou 50 % de ses revenus sous forme d'impôts », on refuse l'idée qu'il est plus confortable d'avoir un patrimoine important, y compris pour faire face à un « coup dur », et qu'il est légitime de taxer ce patrimoine en plus des revenus. On favorise de fait les comportements des rentiers au détriment des Français dont le seul revenu est tiré de leur travail.
Au total, la mesure coûteuse proposée par le Président de la République ne constituera qu'un cadeau aux plus aisés, financé par un accroissement des prélèvements sur tous les Français, par une dette publique accrue et une TVA antisociale demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous le savez, sur les bancs de gauche de cet hémicycle, nous désapprouvons le dispositif visant à porter le bouclier fiscal à 50 %. Nous, nous pensons qu'il n'y a pas l'argent nécessaire dans les caisses publiques pour faire cela. Mais si vous, vous pensez que vous l'avez, cet argent, je vous propose de le consacrer à autre chose, à une autre dépense, autrement plus importante, autrement plus urgente, autrement plus déterminante pour l'avenir de notre société et de nos populations, à savoir la situation financière de nos hôpitaux publics.
Leur situation est dramatique. Les recettes ne sont plus suffisantes pour couvrir les dépenses. La réforme de la tarification à l'activité, l'insuffisante prise en considération des missions de prévention, l'homogénéisation des contraintes financières entre cliniques privées et hôpitaux publics sans que soient suffisamment prises en considération les spécificités d'accueil pour tous les hôpitaux, tout cela limite les recettes et crée de graves besoins financiers.
Partout en France, les budgets prévisionnels des hôpitaux publics sont votés en déficit. Soyons francs, chers collègues, qui n’est pas touché dans sa ville, ou sa circonscription ? Il y a là un drame financier dont on ne parle pas, et un drame social latent.
Quand je rentre dans ma ville, quand je suis dans ma circonscription, personne – je dis bien : personne – ne vient me demander avec impatience quand entrera en application le bouclier fiscal ! Personne – je dis bien : personne – ne vient me demander quand diminuera l'impôt sur la fortune.
Dans ma ville, Wattrelos, le déficit du centre hospitalier est de près de 1 million d'euros. Il est de 8 millions d’euros à Roubaix. En cumul, nous arrivons d’après l’ARH à 70 millions d’euros sur tout le Nord-Pas-de- Calais, et, d'après l'estimation de la Fédération hospitalière, à 750 millions d’euros sur toute la France.
II suffirait de réduire votre ambition sur le bouclier fiscal, peut-être de limiter sa baisse en le faisant passer de 60 à 55 %, ou, a fortiori, que vous renonciez à cette réforme, pour que vous puissiez consacrer 1 milliard d’euro pour remettre à flot tous les hôpitaux publics du pays.
C'est le choix que je vous propose de faire, ici et maintenant ! Imaginez, demain matin, dans les journaux, et, dès ce midi, sur les radios et les TV, le scoop : la ministre, en séance à l’Assemblée nationale, renonce à la mise en place du bouclier fiscal (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), et choisit de consacrer l'argent prévu à rétablir les équilibres financiers de tous les hôpitaux publics ! Madame la ministre, on ne parlerait plus que de vous ! Vous prendriez une décision intelligente financièrement, juste humainement, et socialement urgente.
Alors, madame, monsieur les ministres, renoncez au bouclier fiscal et financez les hôpitaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous n'avez de cesse, en effet, de prétendre que votre mesure a vocation à bénéficier à des dizaines de milliers de contribuables modestes, oubliant soigneusement de préciser que les contribuables que vous mettez ainsi en avant ne représentent en réalité que 13 % des bénéficiaires et ne se partageront que les miettes du dispositif. Les 87 % restants, les véritables bénéficiaires de la mesure ressemblent, quant à eux, davantage à M. Zacharias qu'à la veuve de l'île de Ré.
Levons donc, je vous prie, toue ambiguïté. La réforme que vous nous proposez aujourd'hui, avec l'abaissement du seuil du bouclier fiscal de 60 à 50 %, CSG et CRDS comprises, soit en réalité à 39 %, comme l'a souligné un membre éminent de votre majorité, n'est autre qu'une machine de guerre contre l'ISF, une machine à rembourser l'ISF, au bénéfice donc des plus aisés de nos concitoyens.
L'expression « bouclier fiscal » et sa métaphore militaire ne dit rien d'autre sinon que les plus fortunés sont bien décidés à défendre leurs avantages et, vous-même, madame la ministre, bien décidée également à préserver leurs intérêts. Il vous importe peu que cela mette en péril nos finances publiques, puisque vous avez fait depuis des années de l'assèchement des finances de l'État votre credo, en poussant la logique si loin désormais que la Commission européenne a elle-même estimé que votre politique économique était « incompréhensible » !
Comment ne pas partager cette incompréhension quand on sait que l'abaissement du seuil de déclenchement du bouclier fiscal et vos diverses mesures de défiscalisation du patrimoine vont coûter à la nation la bagatelle de 3 milliards d'euros ? Trois milliards d'euros pour s'assurer que Johnny Hallyday, ses copains et les cadres de la City, qui vous sont chers, madame la ministre, reviendront ou resteront en France, c'est un peu cher payé !
Nous sommes d'autant plus inquiets qu'il ne fait nul doute que le coût déjà considérable du bouclier fiscal devrait encore augmenter dans les prochaines années. Il ne va pas tarder en effet à s'inscrire dans les multiples stratégies d'évitement fiscal des ménages les plus aisés. Ce sera un levier de plus pour le développement de la fraude fiscale.
Devant une mesure aussi manifestement injuste et dangereuse, qui ne présente de surcroît aucune pertinence économique, pas même du point de vue libéral qui devrait être le vôtre, nous voterons évidemment très fermement contre l'adoption de l’article 5. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous l’avez tous remarqué, nos interventions visent à éclairer les débats : nous souhaitons obtenir le plus d’informations possible pour permettre à l’opinion publique d’être informée, mais aussi pour faire avancer le débat. Il est faux de prétendre que l’opposition pratique l’obstruction : elle tient simplement à exprimer avec fermeté ses convictions sur un certain nombre de dispositions à propos desquelles, d’ailleurs, Mme la ministre nous a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne mesurait pas tout à fait l’impact des choix qu’elle nous proposait d’approuver. Nous tenons à connaître le coût des choix financiers qui engagent le pays, mais aussi le nombre de bénéficiaires des mesures. Nous souhaitons être informés à l’euro près car Mme la ministre – dont je loue les efforts pour la qualité du débat dans l’hémicycle – sera confrontée, pendant les mois, voire les années durant lesquelles elle exercera ses fonctions au ministère, à une équation impossible à résoudre.
Cette équation est celle que M. le Président de la République a proposée pendant la campagne électorale, à savoir diminuer les recettes et augmenter les dépenses, tout en désendettant le pays. D’où les premiers craquements dans la majorité, un certain nombre de députés de l’UMP et du Nouveau Centre faisant entendre une voix quelque peu discordante en s’interrogeant sur la possibilité de désendetter le pays tout en augmentant l’écart entre des recettes qui diminuent et des dépenses qui augmentent !
S’ajoute à cette difficulté la contrainte européenne. Mme la ministre nous a annoncé qu’elle était revenue de Bruxelles sous les applaudissements des gouvernements européens. Or, ce matin, la presse nous apprend, par la voix de M. Quatremer, journaliste émérite, choisissant précautionneusement ses mots, que, au contraire, « un accrochage tendu a eu lieu avec M. Steinbrück [ministre des finances allemand], furieux de voir la France distribuer 13 milliards de cadeaux fiscaux et renvoyer l’équilibre des comptes publics à 2012 ».
Madame la ministre, vous êtes prisonnière de contradictions insurmontables en devant justifier un bouclier fiscal dont plusieurs orateurs ont rappelé, à juste titre, qu’il concernait à peine une dizaine de milliers de contribuables pour un demi-milliard d’euros, et dont le but est de supprimer l’ISF : voilà la réalité.
Le bouclier fiscal, paraît-il, permettra d’améliorer l’attractivité du territoire. Or, durant la campagne électorale, une association des « exilés fiscaux » a fait valoir que le bouclier fiscal à 60 % ou 50 % ne leur suffisait pas, pour une raison simple : les gouvernements libéraux tolérant à nos portes des paradis fiscaux qui font descendre la fiscalité sur le patrimoine et le capital à quasiment zéro ou à 15 ou 20 % au maximum, les boucliers fiscaux envisagés n’ont aucune espèce d’efficacité.
Nous dénonçons avec raison l’injustice de ces mesures, madame la ministre. Plus encore : nous avons raison de vous placer devant la responsabilité ou, plutôt, l’irresponsabilité de prendre de telles mesures, censées favoriser l’attractivité du territoire alors qu’elles s’avéreront d’une inefficacité totale et ne suffiront jamais. Vous cherchez à courir derrière des régimes qui organisent des forfaits à la tête du client pour des catégories dont les fortunes et les patrimoines ne reviendront pas !
La réalité est là : nos finances publiques accumulent des pertes sèches et toutes les autres catégories sociales devront consentir des efforts budgétaires surmultipliés. Madame la ministre, avec votre mesure, vous supprimez l’ISF pour les catégories ultra-supérieures, et vous le maintenez pour les classes moyennes qui ont, par exemple, acquis un appartement dans un centre-ville grâce à leur épargne et qui doivent acquitter cet impôt uniquement avec le revenu de leur travail ! Les classes moyennes paieront, les classes ultra-supérieures seront déchargées par une politique inconséquente, inefficace et dangereuse pour nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour qui roulez-vous ? La présidente du MEDEF le dit très clairement : c’est pour elle et pour les autres. Et elle déclare – madame Lagarde, on n’est jamais desservi que par ses amis – que le texte a beau être « fantastique », il faut « aller plus loin ».
Pour qui roulez-vous ? Pour des situations particulières, comme celle de Jean-René Fourtou, que vous connaissez bien, arrivé à Vivendi. Je vous lis une coupure de presse à son sujet :
« Appelé par son ami Claude Bébéar, le parrain du capitalisme français, pour redresser la barre d’un groupe plombé par les dérives financières [d’un golden boy] Jean-Marie Messier, l’ex-patron d’Aventis, qui est en semi-retraite, accepte le job. Officiellement, il déclare qu’il le fera même bénévolement. » Vous avez bien entendu, mes chers collègues ! Voilà un homme généreux et altruiste ! (Sourires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
« Quelques mois plus tard, M. Fourtou reçoit ainsi un premier paquet d’un million de stocks-options, à un court très bas, en utilisant un plan de distribution mis en place par M. Messier. » Fourtou n’avait certainement rien demandé !
« Les années suivantes, il continue à ce rythme – 1,5 million en 2003, 800 000 en 2004 –, expliquant lors des assemblées générales que c’est dans l’intérêt des actionnaires. » Ah ! altruisme, quand tu nous tiens !
« Pendant des mois, Fourtou va également partir à l’œil en week-end, notamment au Maroc où il dispose d’une résidence secondaire. Le plan de vol des Falcon, qui appartiennent à la société Aéro Services, filiale de Vivendi, retrace tout : les horaires, les frais engagés et les passagers. Exemple : le vendredi 12 juillet 2002 à dix-sept heures, Fourtou, accompagné de sa femme, Janelly, députée européenne UDF, prend place dans un Falcon 900 à destination de Marrakech. » L’UDF a, pourtant, plaidé pour plus d’égalité !
« Monsieur repart tout seul le dimanche 14. Prix total : 23 368 euros. » Cela représente deux années de vie d’un smicard, chers collègues !
« Le jeudi 1er mai 2003, monsieur et madame partent en Falcon 10 assister à Ostende, en Belgique, au trophée des Présidents, un tournoi de golf. Dans la foulée, ils font un saut le samedi à La Rochelle, et reviennent le lundi à Paris. Coût : 16 383 euros. » Soit une année et demie de smicard !
« En 2003, [le salaire de Fourtou] est de 2,2 millions d’euros. Il passe à 3,4 millions en 2004 grâce à l’augmentation de son bonus. » Heureusement qu’il travaille bénévolement !
« D’abord, cela lui permet d’exercer ses droits à la retraite chez Aventis : …
« …le groupe lui verse depuis une pension d’un million d’euros par an. Ensuite, il continue de toucher un salaire chez Vivendi : un million d’euros par an. Surtout, en restant présent dans le groupe, il continue à pouvoir exercer ses stock-options. » Il est tout à fait en phase avec le Gouvernement : on peut être à la retraite et poursuivre une activité, travailler plus pour gagner plus !
Je vais conclure, monsieur le président, puisque vous m’y incitez fort aimablement.
Vous connaissez les revenus des gens qui travaillent dur, qui prennent le métro ou le RER le matin, mais aussi ceux qui viennent du fin fond du « 77 » pour aller travailler dans le 8e arrondissement.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l’amendement n° 127.
J'en ferai rapidement la démonstration, en me fondant sur les simulations très pertinentes qu'a effectuée le Syndicat national unifié des impôts.
Prenons tout d'abord le cas d'un célibataire salarié déclarant 500 000 euros et payant 10 000 euros de taxe d'habitation et de taxe foncière sur sa résidence principale.
Si notre célibataire dispose d'un patrimoine net imposable de 10 millions d'euros, le montant de la restitution que vous proposez aujourd'hui de lui accorder s'élèvera à environ 108 000 euros, soit quasiment le montant de son ISF de 116 000 euros.
S'il dispose d'un patrimoine de 20 millions d'euros, le montant de la restitution sera de 280 000 euros, soit, là encore, un chiffre assez proche de son ISF qui s'élève à 288 000 euros.
Pour un patrimoine de 40 millions, la restitution sera de 640 000 euros – excusez, là encore, du peu –, soit un montant équivalent, à peu de choses près, à celui de l'ISF : 648 000 euros.
Cette concordance des chiffres n'est pas le fruit du hasard. La ficelle que vous avez employée est d'ailleurs un peu grosse.
Le fait n'a du reste pas échappé à notre commission des finances qui, sans proposer, comme nous, la suppression pure et simple de votre article, s'est légitimement émue d'une mesure qui, pour reprendre les propos de notre collègue Charles de Courson, revient ipso facto « à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune pour les riches ».
On comprend le coup de sang du président du groupe UMP. Il sait qu'il n'est pas bon, en effet, que les masques tombent et que les Français découvrent le pot aux roses.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit : leurrer les Français en déguisant une réforme profondément injuste et uniquement destinée à garnir plus encore le portefeuille des plus riches en l'habillant de pseudo-motifs d'intérêt général, qui ne peuvent évidemment résister à l’examen.
Je vous rappelle que le coût de ce bouclier fiscal représente la réalisation de 100 maisons de retraite – on pourrait multiplier les comparaisons.
Avant-hier, j’ai dit que vous commettiez une double erreur : celle de penser que ce sont les riches qui créent les richesses et celle de penser qu’ils contribuent à un juste partage de ces richesses.
Je veux aujourd’hui, face à cette croyance que la richesse est le moteur de la croissance et de l’économie, faire une citation : « Nous connaissons aujourd’hui un capitalisme sans projet qui ne fait rien d’utile de ses milliards. L’argent coule à flots et alimente plutôt la voracité des investisseurs dans une course aux rendements financiers à court terme. » Ces propos sont de M. Patrick Artus, professeur d’économie à la Sorbonne.
Lorsqu’on sait que, en quatre ans, les profits des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 250 %, les dividendes de plus de 100 % et les salaires des employés de seulement 6,6 %, on voit où se trouve le parasitisme : du côté de ce monde cynique de la finance que vous êtes en train de favoriser. Voilà pourquoi il est urgent de supprimer cet article. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je rappelle dans quel contexte cet article est aujourd’hui envisagé : en 2006, le bouclier fiscal avait été présenté comme devant bénéficier à tous les Français, alors que, nous le savons, il ne concerne que les plus aisés. On justifie le nouveau dispositif par la nécessité de donner à notre territoire une certaine attractivité fiscale. Comme pour chacun des articles que nous avons examinés hier, ce n’est là qu’un écran de fumée. En réalité, seuls 10 % des Français acquittent un impôt sur le revenu supérieur à 8 % de leurs revenus. Pour un coût global de 150 millions d’euros pour 93 000 bénéficiaires potentiels, le dispositif actuel permet d’ores et déjà à 16 000 personnes de se partager 350 millions d’euros, alors que les 77 000 autres ne se partagent que 50 millions d’euros.
Les premiers remboursements consécutifs à la mise en place du bouclier fiscal ont été faits au début de 2007. Ils atteignent, pour les plus aisés, plusieurs millions d’euros − 7 millions dans un cas, entre 1 et 1,5 million pour plusieurs contribuables. Personne ne peut nier qu’il s’agit là des plus riches propriétaires : ils peuvent ainsi réduire fortement leur imposition au titre de l’ISF.
Les exemples que vous invoquez pour justifier ce dispositif écran de fumée sont fort critiquables. Ainsi, vous parlez d’un couple aux revenus moyens, qui ne bénéficie du bouclier fiscal qu’en raison de la prise en compte d’un important déficit de bénéfices industriels et commerciaux. Admettez que cela ne court pas les rues. C’est donc un cas très particulier, tout comme celui d’un veuf aux revenus faibles qui devrait acquitter une cotisation ISF de 7 940 euros, très supérieure à la cotisation moyenne, qui est, je vous le rappelle, pour la première tranche, de l’ordre de 1 200 euros. Pour tenter d’accréditer la pertinence de votre dispositif, vous utilisez des situations anachroniques et partielles. N’est-ce pas là, en effet, un écran de fumée ?
En réalité, le bouclier fiscal amplifie la situation actuelle, qui est totalement inégalitaire. On le sait, 98 % des Français ne paient pas l’ISF et ne sont donc pas concernés par cet article 5. Le bouclier fiscal ne leur sert à rien, et le bouclier nouvelle formule ne leur servira pas plus. La somme de l’impôt sur le revenu, de la taxe d’habitation, de la taxe foncière − pour les propriétaires −, de la CSG et de la CRDS est aujourd’hui inférieure à 40 % de leurs revenus. La seule raison d’être du nouveau bouclier fiscal, c’est de faire disparaître l’ISF. Telle est bien la réalité de votre projet.
Vous avez beau affirmer que vous voulez valoriser le territoire, faire revenir untel ou untel, c’est un leurre, car, même si vous le vouliez et même si vous utilisiez d’autres instruments, cela ne se produirait pas.
Compte tenu des modalités d’application de votre dispositif, à partir du 1er janvier 2008, ces dispositions auront, pour les finances publiques, un coût…
Le coût de ce dispositif est évalué de manière très approximative. Nous persistons à dire que les indications sur son impact sont totalement imprécises et que, en la matière, nous aurons des surprises dès la préparation de la loi de finances pour 2008.
Toutes ces observations, et celles qu’a présentées avant moi notre collègue du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, confirment la nécessité de supprimer cet article 5.
Je voudrais faire une remarque préliminaire. J’ai lu, page 209 du rapport de M. Carrez, que la raison principale de cet article sur le bouclier fiscal était la fuite des capitaux et des fortunes à l’étranger, qui entraînait une perte de recettes pour l’État de 130 millions d’euros au titre de l’ISF. L’argument m’a surpris, mais j’imagine que le chiffre cité dans le rapport est juste. Quelle est donc la logique politique, et, surtout, financière, d’un cadeau de 1,2 milliard d’euros − chiffre obtenu en cumulant les deux effets du bouclier fiscal, d’abord à 60 %, puis à 50 % − pour éviter la perte de 130 millions d’euros ?
On pourrait donc commencer par discuter concrètement de l’efficacité de la mesure pour les recettes de l’État. Mais je voudrais également dire quelques mots sur l’impôt de solidarité sur la fortune. Je me souviens des débats sur le projet de loi qui l’a institué, même si, vous l’imaginez bien, je n’étais pas parlementaire à l’époque. Certains disaient que cela ne servirait à rien, car cela ne toucherait que très peu de personnes et ne rapporterait rien à l’État, qu’il s’agissait d’une mesure purement symbolique, voulue par la gauche pour s’attaquer aux gros patrimoines. Or j’apprends, en lisant l’exposé sommaire de l’amendement n° 173 de M. Myard, que cela concerne 300 000 foyers fiscaux et rapporte 3,6 milliards d’euros − j’espère que ces chiffres sont justes. J’ai lu, dans la presse, que, si l’on avait songé à ce bouclier fiscal, c’est parce que certains s’inquiétaient de voir trop augmenter le nombre des redevables de l’ISF. Il me semble qu’il y a plutôt là un hommage rendu à ceux qui ont créé cet impôt. En outre, 300 000 contribuables, ça reste peu par rapport aux dizaines de millions de Français. Ils paient en moyenne 12 000 euros par an, ce qui, vous l’avouerez, ne les tuera pas, surtout quand on parle des patrimoines qu’a évoqués M. Brard.
À un moment du débat, comme toujours dans ces cas-là, on a essayé de faire pleurer Margot avec le cas de petits contribuables qui seraient injustement touchés par cet impôt, sur l’île de Ré ou ailleurs. Comme j’ai acheté un petit pavillon − que j’ai payé non pas 500 000, mais 240 000 euros −, je me suis dit que je risquais d’être un jour redevable de l’ISF, à cause de la hausse des prix de l’immobilier. Soit dit en passant, cette hausse de l’immobilier s’explique par certaines causes sur lesquelles on aurait pu travailler − on en a déjà parlé hier à propos des intérêts d’emprunt. Je me suis renseigné auprès de mon suppléant, car il se trouve que c’est un ancien inspecteur des impôts. Il m’a rassuré : « Ne t’inquiète pas, m’a-t-il dit, même si tu étais un jour redevable, tu ne paierais que quelques centaines d’euros par an, ou quelques milliers tout au plus. » On en a parlé dans la presse, à propos du patrimoine des candidats à l’élection présidentielle, par exemple. Où est le problème ?
Je ne répéterai pas les questions que j’ai posées tout à l’heure, et auxquelles j’espère qu’on me répondra, mais j’en formulerai deux autres. Jusqu’où irons-nous ? On a appris hier, de la bouche de Mme la ministre, qu’il était « séduisant » de supprimer purement et simplement les droits de succession.
Je rappelle que la mesure qui a été votée hier conduit, comme l’a précisé M. Carrez, à 2 milliards de pertes de recettes sur les droits de succession, c’est-à-dire le tiers de ce que cela représente. Est-ce l’amorce de la suppression totale ? Le bouclier fiscal annonce-t-il que l’on s’achemine vers un taux unique de l’impôt sur le revenu et que l’on va totalement supprimer la progressivité ? C’est un vieux projet de la droite.
Nombreuses étaient déjà les niches fiscales qui permettaient d’éviter de payer des impôts quand on avait de très hauts revenus ou de très gros patrimoines. Elles avaient au moins l’avantage de faire circuler l’argent, d’orienter la dépense vers des objectifs précis.
Je reviens à mon sujet.
Il faut bien évidemment supprimer cet article. J’ai parlé de M. Fourtou : ce n’est pas un très très riche ; dans le Top 500, il n’est que trois cent cinquante-troisième. Je ne sais pas s’il a eu un parachute doré, mais, au moins, il vit sous un édredon de pépites. Madame la ministre, votre problème, c’est le culte du veau d’or. Après tout, si les 500 constituaient une sorte de mutuelle de solidarité pour milliardaires inquiets pour leur avenir, ce seraient leurs sous. Mais, madame la ministre, ce qui est inacceptable, c’est que vous puisez à pleines mains dans les caisses publiques. Ce que vous donnez aux plus riches, vous allez nécessairement le prendre à la totalité des autres,…
La lecture de la presse est très intéressante, madame la ministre. On y apprend ainsi que, « grâce au travail de l’économiste Camille Landais de l’École d’économie de Paris, on sait désormais que les riches français n’ont pas grand-chose à envier à leurs homologues anglo-saxons ». On ne comprend donc pas votre acharnement pour les privilégier davantage. « Plus ils sont riches et plus ils s’enrichissent » − cela, nous n’avions pas besoin de ce brillant économiste pour le savoir. « Et dans des proportions inédites dans l’histoire sociale française. Reprenant à son compte les sources fiscales déjà exploitées par l’économiste Thomas Piketty, mais cette fois sur une période récente » − ce n’est donc pas de l’archéologie, nous sommes dans le champ de la politique, 1998-2005 − « M. Landais s’est concentré sur l’évolution des revenus de la petite population française la plus fortunée, allant même jusqu’au 0,01 % des plus riches », ceux devant lesquels vous faites chaque matin une génuflexion. « Et que constate-t-il ? Un fort “accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans”. » « Les très, très riches Français (disons les 1 % les plus riches, soit un bataillon de 350 000 foyers) ont vu leurs revenus augmenter de 19 % entre 1998 et 2005. […] + 32 % pour les 0,1 % les plus riches (35 000 foyers). »
Pour les 0,01 % que représentent les 3 500 foyers les plus riches, leur revenu a augmenté, lui, de 42,6 % tandis que, pendant la même période, le revenu moyen par foyer dans notre pays connaissait une hausse modeste de 5,9 %, soit une croissance moyenne annuelle de 0,82 %, moins que la croissance du PIB ou même du PIB par habitant. À cela s’ajoute l’évolution des salaires des plus riches qui, sur la même période, ont augmenté de 13,6 % à 51 %.
Ces comparaisons sont éloquentes. Pourquoi vous acharnez-vous, madame la ministre, – même si je reconnais que, chez vous, c’est bénévole, à la différence de M. Fourtou –, pourquoi travaillez-vous tant pour beurrer la tartine de gens qui, financièrement parlant, font du cholestérol depuis longtemps ?
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 5.
Pendant plus d’une heure, vous avez exposé les raisons pour lesquelles il fallait, selon vous, supprimer ce dispositif de bouclier fiscal. J’exposerai en deux minutes les raisons pour lesquelles nous devons voter contre ces amendements de suppression.
D’abord, une raison morale, de respect du principe d’égalité devant l’impôt.
Considérant que l’exigence posée par l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « une contribution commune est indispensable » pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration et qu’elle doit être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives », le Conseil constitutionnel conclut que, dans son principe, l’article contesté, c'est-à-dire le bouclier fiscal, « loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».
Le dispositif du bouclier fiscal a donc été totalement confirmé par le Conseil constitutionnel au nom même des principes fondateurs de notre République, et en particulier l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Ensuite, je voudrais évoquer, puisque vous les avez mentionnés, les aspects économiques et budgétaires.
Les évaluations dans ce domaine ne sont pas faciles, mais la mesure qui vous est proposée est évaluée à 800 millions d’euros.
Enfin, cette mesure va probablement s’autofinancer. J’avais été très frappé par les conclusions d’une note demandée par Laurent Fabius en 1999. À l’époque, nous ne disposions pas, dans l’opposition, de pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, nous n’avions pas la chance d’avoir la présidence de la commission des finances.
Certes, une étude de mon collègue Philippe Marini au Sénat évalue à environ 130 millions d’euros la seule perte évitée grâce au bouclier au titre de l’ISF, mais, monsieur de Rugy, il faut être exhaustif et ajouter l’impôt sur le revenu qui est acquitté par ces contribuables et surtout tous les investissements qui ne sont pas réalisés dans notre pays. Les nombreux entrepreneurs qui sont partis en Belgique ou en Grande-Bretagne à cause du caractère confiscatoire de l’impôt sont souvent des jeunes, d’une quarantaine d’années, qui ont bien réussi la création de leur entreprise, qui ont des capacités d’investissements importantes, mais, malheureusement, ils investissent en Belgique, en Grande-Bretagne ou ailleurs, et ceci à notre préjudice.
Cette disposition, vous le voyez bien, chers collègues, est juste au plan des principes d’égalité devant l’impôt – l’impôt ne doit pas être confiscatoire – et elle est avisée au plan économique. Quand on regarde ce qui se passe au-delà de nos frontières, on se rend compte que vous avez une vision très passéiste de l’évolution de l’économie.
Vous le voyez, nous avons mille raisons de rejeter ces amendements de suppression.
Depuis le 1er janvier 2007, les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent excéder 60 % de ses revenus. En revanche, jusqu’à présent, les prélèvements au titre de la CSG et de la CRDS n’entraient pas dans le champ d’application du dispositif. Aujourd’hui, vous l’avez lu dans le rapport de la commission des finances, l’impôt sur la fortune rapporte 3,6 milliards d’euros.
Dans l’article 5, nous proposons de ramener le seuil du bouclier de 60 % à 50 %. Le seuil de 50 % est relativement simple : c’est moitié-moitié. Si j’ai un patrimoine x et un revenu y, je ne paierai jamais plus en imposition plus de la moitié de y et cela s’applique évidemment à des foyers fiscaux dont le patrimoine est certes assez important, mais dont les revenus sont très faibles – beaucoup de retraités sont dans cette catégorie-là.
Nous proposons en outre d’inclure dans la liste des impositions servant au calcul du plafonnement la CSG et la CRDS, ce qui est tout à fait légitime parce que ces deux prélèvements ont bien entendu le caractère d’impôt.
Je vous ai écouté très attentivement hier, monsieur Le Bouillonnec. Vous disiez, en parlant des personnes à hauts revenus ou possesseurs de gros patrimoines : « je ne les insulte pas ». Je vous en sais infiniment gré. Mais, moi, je vais plus loin. Non seulement je ne les insulte pas, mais je leur dis de venir en France, je voudrais les inciter à y investir, à y développer des activités et à y créer de la valeur.
Nous avons intérêt à conserver ces salariés productifs, à conserver les patrimoines. Je n’ai aucune honte à souhaiter que les riches restent en France, y dépensent leur argent, créent de la valeur et contribuent au développement économique.
Pour toutes ces raisons, je souhaite que l’Assemblée rejette les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous ne faisons pas partie de ceux qui pensent que le Conseil constitutionnel est une sorte de troisième chambre qui devrait décider des choix politiques qu’un pays doit se donner, notamment en matière de justice fiscale et de finances publiques.
M. le rapporteur général a fait état, deuxième réponse à nos objections, d’un autofinancement prétendu de la mesure. Comme, à sa manière, Mme la ministre, il a déclaré voir les départs et espérer les retours. Dans un article daté du 24 mai, le journal Le Monde faisait état d’une enquête réalisée auprès des exilés fiscaux de Belgique. Entre 3 000 et 4 000 familles françaises se seraient installées outre-Quiévrain, dit le journal, pour payer moins d’impôts. Que déclarent-elles ? Que la mesure envisagée par M. Sarkozy ne les fera pas rentrer.
Nous allons donc demander à l’administration fiscale, dans nos départements, d’estimer le nombre de personnes qui bénéficieront de la mesure d’augmentation et d’élargissement du bouclier fiscal, de nous dire combien cela va coûter aux caisses publiques, et combien de personnes nous pouvons espérer voir revenir sur le territoire. Et chaque année, nous dresserons, avec, je l’espère, M. le président de la commission des finances, un bilan coût-avantage de cette mesure qui s’avérera aussi injuste fiscalement qu’inefficace économiquement si l’on en croit certaines informations.
Quant à vous, monsieur le rapporteur général, vous osez dire que l’article 5 est moral ! Cela mérite l’organisation d’un séminaire pour changer le sens des mots ! Si cet article est moral, je veux bien être archevêque tout de suite, mais je vous préviens, je ne vous donnerai pas l’absolution après votre confession ! Le Conseil constitutionnel n’est pas une référence pertinente, dès lors que, sur onze membres, dix sont de droite.
Enfin, on ne saurait ignorer ces propos de M. Woerth : « Cela ne sert à rien de faire un bouclier s’il devient une course d’obstacles administratifs. Aussi, je propose que chacun puisse s’appliquer sans contrôle a priori la ristourne induite par le bouclier, s’il estime en bénéficier ».
Je mets aux voix par un seul vote les amendements de suppression nos 127, 303, 349 et 402.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance, non pas pour réunir le conseil d’administration de notre groupe, mais pour discuter avec les autres groupes du déroulement de nos travaux.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 128 et 304 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 128.
Le président Méhaignerie a commis l’imprudence de citer le philosophe John Rawls à l’appui de son apologie du texte gouvernemental, oubliant que la notion d’équité, telle que la définit le philosophe, désigne le souci d’organiser la coopération sociale selon des principes qui tiennent compte des éventuelles disparités entre les membres d’une même société. L’équité, surtout, présuppose, selon lui, une coopération mutuellement avantageuse. Or nous voyons mal ce que le bouclier fiscal présente en termes d’avantages mutuels. En quoi la moitié des Français qui n’acquittent pas d’impôt sur le revenu pourraient-ils être intéressés à la réduction fantastique des prélèvements des 245 000 Français les plus riches ?
Mais laissons là le débat sur l’équité, car notre amendement a surtout vocation à rappeler à la majorité que notre fiscalité a été fondée et gouvernée par un principe de justice, celui de la capacité contributive de chacun, principe largement mis à mal. Un principe simple, au demeurant, et qui conduit naturellement à répartir l’impôt selon certains critères tenant à la situation des contribuables et à la matière, en gardant à l’esprit que chacun doit contribuer selon ses moyens.
Mais quand les notables fortunés d’une commune se trouvent, grâce à vous, exonérés d’impôts locaux alors que tous les autres habitants, tous les membres des classes moyennes et populaires les acquittent et paieront d’une probable hausse de la TVA les cadeaux faits aux ménages les plus aisés, il y a non seulement rupture de l’équité, mais aussi profonde injustice. Or c’est précisément ce que vous organisez à grande échelle avec le bouclier fiscal. En faisant cela, madame la ministre, que vous le vouliez ou non, vous faites la course au dumping fiscal européen. Vous voulez que notre pays participe à cette compétition d’un mauvais esprit qui, ajoutée à celle du dumping social, tire la France vers le bas et, pour des millions de nos compatriotes, vers des fonds que nous ne souhaiterions vraiment pas leur voir atteindre.
Il y a quelques minutes, vous appeliez les riches à revenir et vous nous faisiez part de votre souhait de ne pas faire fuir ceux qui investissent. C’est pathétique ! Je vous rappelle, en effet, une formule que le nouveau Président de la République a souvent répétée pendant sa campagne : « La France, on l’aime ou on la quitte ». Ce slogan, vous ne vous l’appliquez pas à vous-même.
Cet article 5 est donc profondément injuste et inégalitaire. Vous maintenez une argumentation qui ne correspond pas à la réalité. Contrairement à ce que vous affirmez, tous les riches Français ne quittent pas le territoire.
L’Île-de-France compte pour beaucoup dans la puissance attractive de notre pays. Tous les rapports qui ont été rédigés depuis quelques années montrent que cette région est particulièrement attractive. Nous avons donc quelques raisons de remettre en doute l’esprit patriote et républicain de ceux qui fuient la France.
Vous comprendrez donc que, par cet amendement, nous proposions une nouvelle fois de supprimer ces dispositions.
À différentes reprises, depuis plusieurs années, je me suis, comme mes collègues, élevé contre ce choix. Mais, lorsqu’on n’est pas favorable à la surtaxation de l’imposition indirecte et qu’on lui préfère la progressivité de l’impôt sur le revenu, on se retrouve aussitôt traité de ringard. C’est extraordinaire ! D’autres fois, on nous traite d’idéologues. Mais, au début du siècle, n’est-ce pas sur l’impôt sur le revenu que s’est bâti tout notre système fiscal ?
Vous pouvez parler de la TVA ! Tout à l’heure, vous avez rappelé que nous avons jadis allégé certains impôts. C’est exact. Je me souviens que nous avons abaissé le taux de TVA sur la restauration immobilière, ce qui a représenté une magnifique réussite, saluée par tous. Pourtant, l’an dernier, lors des négociations européennes, votre gouvernement a cependant failli faire capoter ce système. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le rapporteur général est revenu tout à l’heure sur une des mesures que nous avions proposées et qu’a retenue Nicolas Sarkozy, laquelle consiste à confier la présidence de la commission des finances à un responsable de l’opposition.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour les soutenir.
Vous savez que je suis instituteur de formation.
À présent, vous prétendez que plus de 200 000 personnes seront concernées par la nouvelle mesure, mais vous n’en savez évidemment rien. Votre décision est purement idéologique. M. Novelli connaît déjà mon point de vue en la matière, mais je tiens à l’exposer à Mme Lagarde. M. Fillon le connaît aussi et je crois l’avoir convaincu puisqu’il a repris ma formule à son compte : quand on vous reconnaît une idéologie, c’est qu’on vous prête des idées. Or vous en avez, c’est indéniable. Le problème est qu’elles sont perverses.
À elle seule, l’allocution que Mme Lagarde a prononcée le jeudi 5 juillet devant les investisseurs réunis lors des Rencontres financières de Paris Europlace justifie notre amendement. Vous deviez être inspirée, ce jour-là, madame la ministre. « Enrichissez-vous ! », avez-vous proclamé, vous montrant en cela plus modeste que Jacques Myard, qui a crié dans cet hémicycle hier soir : « Vive le grand capital ! » Vous n’avez pourtant pas hésité à ajouter : « Vous qui partez chercher au loin les clés du paradis fiscal, je vous dis : revenez, ce n’est plus le purgatoire, ici. » Beau prêche ! Le jour où la Sainte Église catholique respectera la parité, vous aurez toutes vos chances. (Sourires.) Ainsi, selon vous, les mesures fiscales contenues dans le présent projet de loi doivent « accompagner et encourager un changement de mentalité ».
Cette nouvelle mentalité est déjà illustrée par le couple Hallyday, ou plutôt par la femme du chanteur, Laeticia, qui a eu l’audace de déclarer que la mise en place d’un bouclier fiscal de 50 % pourrait inciter le couple à revenir de Suisse. Permettez-moi de la citer : « On aime notre pays. » Est-ce pour cette raison que le chanteur a demandé sa naturalisation à la Belgique ? « On aime la France et on aime notre vie de France », insistait Laeticia Hallyday, allant jusqu’à répondre à un journaliste qui l’interrogeait sur la vie que menait le couple dans son chalet de Gstaad, dans le canton suisse de Berne – vous allez voir que cela vole haut ! – : « On ne s’emmerde pas du tout quand on a une vie privilégiée comme la nôtre. On ne peut pas dire ça. »
Nous refusons cette mentalité. Nous refusons cette idéologie. Nous ne nous aplatissons pas devant ces gens-là. Au contraire, nous assumons notre engagement en faveur de l’impôt. C’est la raison pour laquelle nous sommes quelques-uns, sur les bancs du côté gauche de cet hémicycle, à avoir signé un appel intitulé « Pourquoi nous consentons à l’impôt ».
Avant de vous proposer de nous rejoindre, je ne résiste pas au plaisir de vous en lire un extrait : « Nous, soussignés, assujettis à l’impôt sur le revenu, et pour certains d’entre nous, à l’impôt de solidarité sur la fortune » – je précise que ce n’est pas mon cas – « considérons ces prélèvements comme légitimes et sommes fiers d’apporter ainsi notre contribution aux dépenses publiques nécessaires au progrès, à la cohésion sociale et à la sécurité de la nation. […] Nous consentons à l’impôt et récusons des baisses de la fiscalité dont la contrepartie serait l’insuffisance des moyens donnés à la protection sociale des plus pauvres, à l’éducation, à la recherche, à la santé, au logement ou encore à l’environnement. »
À défaut de l’avoir signé, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous proposons de laisser Mme et M. Hallyday chez les Suisses, parce que, décidément, ils ne sont pas, comme d’autres, dignes de la France.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Isabelle Rey-Lefebvre, journaliste au Monde, et Montreuilloise, a souligné à juste titre que, selon des données publiées fin avril dans Le Figaro, seuls 1780 contribuables ont eu recours à la restitution prévue par le bouclier fiscal et qu’environ 1000 l’auraient obtenue. Permettez-moi de la citer : « On est donc loin des 93 000 cas que la direction générale des impôts avait, dans ses études, identifiés comme possibles bénéficiaires de cette mesure. Parmi eux, on dénombrait 77 000 contribuables très modestes […]. Ceux-là, faute d’informations, n’iront pas réclamer leur dû, dont le gain moyen est de 660 euros. Ils sont un peu l’alibi de cette réforme qui vise, en réalité, à réduire l’impact de l’impôt sur la fortune, remarque Gilles Étienne du cabinet de gestion de patrimoine Cyrus Conseil, coauteur du livre Le Bouclier fiscal. » Vous le savez, madame la ministre, c’est ce qu’on appelle en anglais le private banking.
« Restaient donc les 16 000 contribuables fortunés, assujettis à l’ISF. […] Certains de ces gros contribuables ont pu, dès cette année, récupérer des sommes rondelettes : l’héritière des Galeries Lafayette, Léone-Noëlle Meyer, par exemple, s’est vu restituer 7,7 millions d’euros. »
Par cet amendement, je propose donc de porter le bouclier fiscal à 85 %.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.
Nul n’ignore à quel point l’impôt sur le revenu est à la fois moderne et progressif. Pourtant, le Gouvernement n’a pas d’autre but que de l’attaquer, surtout quand il s’agit de soulager les tranches les plus élevées. Nous connaissons les différentes mesures qu’il a prises à cet effet et nous n’avons pas cessé de les dénoncer.
Aujourd’hui, en décidant d’élargir la base du bouclier fiscal pour la porter à 50 %, il poursuit dans la même voie.
Cela, nous ne pouvons l’accepter car c’est particulièrement injuste. Nous souhaiterions donc que l’impôt sur le revenu soit retiré du champ de calcul du bouclier fiscal.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir l’amendement no 313.
Or, l’État, qui n’est pas particulièrement riche, mais investit dans des cadeaux supplémentaires et coûteux, cet État qui va négocier à Bruxelles et nous cache ce qui a été réellement dit lors de la rencontre du conseil ECOFIN, cet État transfère, par le biais de l’intégration des impôts locaux dans le bouclier, une partie de ses charges sur les collectivités locales.
Ces dernières vont donc être pénalisées alors qu’elles mènent, à la plus grande satisfaction des citoyens, des politiques de solidarité et de service sur les territoires. Pourquoi accumuler les contraintes que rencontrent les collectivités et vouloir limiter leur action alors qu’elles font souvent ce que l’État ne fait pas ou ne fait plus ?
Notre collègue Baert nous citait tout à l’heure quelques exemples concernant sa région – et nous pourrions tous en donner. Que ferions-nous sans les politiques que mènent les collectivités territoriales sur les territoires en matière de solidarité ou de développement ? Quant aux politiques d’investissement, elles ont un véritable rôle d’entraînement sur la croissance nationale puisque les collectivités territoriales sont les principaux investisseurs du pays. Mais vous ne faites rien pour favoriser ces politiques. Vous nous expliquez que la baisse de l’ISF et de l’imposition de quelques-uns assurera le retour de la croissance, alors que votre politique aura l’effet inverse.
Elle est de plus en contradiction avec les exemples internationaux que vous nous donniez, car, dans les cas que vous citiez, la fiscalité permet de conduire des politiques territoriales de solidarité, de développement et de dynamisme, qui sont étroitement liées. À vous entendre, jouer la solidarité, jouer la justice fiscale, jouer l’équilibre fiscal à l’égard des catégories les plus en difficulté, c’est du gaspillage, c’est de l’assistance ! Mais, sans la solidarité et les politiques territoriales, il n’y a pas de véritable politique du développement dans notre pays.
Vous commettez une erreur particulièrement grave avec les choix que vous faites aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous proposons que les impôts locaux soient retirés du dispositif du bouclier fiscal.
D’un rapport extrêmement modeste, puisqu’elle était de 20 millions d’euros, cette sanction était très choquante puisqu’on faisait payer à des collectivités qui n’en étaient pas responsables les éventuelles hausses fiscales. Il est désormais illogique de maintenir la taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties dans le périmètre du bouclier fiscal. Allons donc dès maintenant jusqu’au bout de la logique de l’amendement n° 70, que nous examinerons tout à l’heure.
Intégrer ces impositions, c’est aussi porter une nouvelle atteinte à l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales. Si certaines collectivités locales augmentent leurs impôts, qu’elles en assument la responsabilité devant leurs électeurs ! L’État n’a pas à supporter les conséquences financières de ces augmentations : ce serait d’autant plus irréaliste que toute sanction sera supprimée.
J’ajoute, pour finir, que l’exclusion des impôts locaux du bouclier représenterait une petite économie dont l’ordre de grandeur se situe entre 20 et 40 millions d’après les chiffres présentés l’année dernière. L’incertitude et le gain augmentent avec le changement du niveau du bouclier, mais l’économie devrait toutefois être inférieure à 100 millions d’euros. Peut-être le rapporteur a-t-il des informations sur ce sujet ?
Reste un problème lié aux impôts locaux. Dès lors qu’ils sont pris en compte, ils peuvent donner lieu à refacturation aux collectivités locales. Nous avions en conséquence adopté il y a deux ans un amendement qui excluait la refacturation si le seuil des 60 % était atteint du seul fait des impôts d’État – impôt sur le revenu et ISF.
Cet amendement, adopté par la commission des finances et accepté par le Gouvernement, limitait la refacturation aux collectivités locales à 20 millions d’euros. Un second amendement mettait en place une refacturation collective. Son montant total était prélevé chaque année en amont sur la dotation globale de fonctionnement, qui s’élève à 39 milliards d’euros.
Plutôt que d’exclure du bouclier les impôts locaux, ce qui serait, à l’évidence, injuste, nous souhaitons que le principe de la non-refacturation, lié au cas où le seuil du bouclier est atteint par les impôts d’État, soit étendu à la CSG, puisqu’on ajoute CSG et CRDS – c’est l’objet d’un amendement que nous examinerons bientôt.
Madame la ministre, j’espère qu’à terme, devant le caractère finalement très limité de la refacturation, vous accepterez de la supprimer.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?
Par ailleurs, M. le rapporteur général et M. de Courson évoquaient tous deux l’amendement n° 70, qui facilite le principe de la refacturation et établit un plafond plus élevé en vertu de l’inclusion de la CSG. Le Gouvernement émettra, lors de sa discussion, un avis favorable.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
Je vais donc, je le répète, mettre aux voix les amendements identiques nos 313 et 367.
Le scrutin est ouvert.
…………………………………………………………….
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 19
Contre 32
Les amendements sont rejetés.
Sans remettre en cause votre présidence, je voulais vous dire, monsieur le président, que je n’ai jamais vu cela. Nous prenons acte de cette attitude.
Si nous avions toutes les études d’impact concernant les décisions qui sont prises ou qu’on nous fait prendre et si nous avions tous les chiffres que nous réclamons lorsque nous les demandons – ce qui est, pour nous, une obligation et un devoir –, nous pourrions avancer beaucoup plus vite.
Ce dossier n’a pas été bien préparé par le Gouvernement. Ce dernier agit dans la précipitation d’une session extraordinaire qui, pour des raisons réglementaires et constitutionnelles, nous prive de surcroît – et vous le savez parfaitement – des moyens habituels du contrôle parlementaire et des questions d’actualité.
Je demande donc que l’on respecte notre droit de poser des questions aptes à éclairer l’opinion publique. Nous n’accepterons pas une présidence injuste et déséquilibrée ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Idiart, mais peut-être pourriez-vous soutenir en même temps votre amendement suivant, n° 311 ?
L’amendement n° 310 s’explique d’abord par le fait que, compte tenu des taux d'imposition, la CSG représente, pour huit Français sur dix, l'imposition la plus lourde, devant l'impôt sur le revenu.
Sachant que seuls 2 % des contribuables sont redevables de l'ISF, soit près de 400 000 personnes sur 32 millions de foyers, il n'est pas acceptable que la mise en place ou l’élargissement d'un bouclier fiscal aboutisse à faire supporter à l'ensemble des Français le coût d'un dispositif ne bénéficiant qu’à quelques-uns.
Avec un coût dépassant 500 millions d'euros, le mécanisme proposé par le Gouvernement provoquera une « redistribution à l'envers », qui privera de ressources les comptes publics au moment même où les hôpitaux manquent d’un financement qui approche 1 milliard de dollars (« D’euros ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),...
Une fois de plus, le mécanisme du bouclier fiscal montre combien il est injuste et combien on se moque de certaines catégories sociales dans notre pays. Vraiment, il serait juste de retirer la CSG du dispositif proposé !
Je répondrai à cette occasion à une question que nombre d’entre vous ont posée, mes chers collègues. Je rappelle en effet qu’il n’y a pas de mécanisme de compensation ou de refacturation au budget de la sécurité sociale. En effet, la CSG et la CRDS étant payées par les contribuables, la restitution ne se fera pas par l’intermédiaire des organismes de sécurité sociale, puisque ceux-ci n’ont pas de pouvoir fiscal, mais par l’État. La question ne se pose donc pas : l’État prenant la restitution à sa charge, aucun problème de compensation de quelque nature que ce soit n’existe vis-à-vis des organismes sociaux.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Madame la ministre, vous vous rappelez certainement les disques de vinyle, même si c’est déjà un peu vieux.
Je vous l’indique de manière très ferme : il n’est pas question d’accepter le principe de l’auto-liquidation. La restitution du trop payé d’impôt s’effectuera dans les mêmes conditions qu’à l’heure actuelle, dans le cadre des contrôles habituels.
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Lorsque je vous ai demandé la parole tout à l’heure, je ne l’avais encore jamais fait de toute la matinée. Il me semble donc – et je vous demande d’en prendre acte – que ce n’était pas par souci de parler pour ne rien dire ou de parler trop fréquemment.
Ma seconde observation a trait au nombre même des amendements. Sur les vingt-sept qui ont été déposés sur l’article 5, seuls onze émanent de notre groupe, ce qui n’a rien d’extravagant, me semble-t-il, contrairement à ceux qui prétendent que nous serions dans une logique de blocage.
Cet article, chacun s’en souvient, a fait l’objet de remontrances de la part du président du groupe UMP à ses troupes et à celles du Nouveau Centre. Cette polémique même, au sein de la majorité, montre bien que notre débat est fondamental. Elle se justifie d’ailleurs amplement dans la mesure où cet article, peut-être plus que d’autres encore, est synonyme d’injustice. Telle est d’ailleurs la raison de notre amendement, qui est évidemment un amendement de repli par rapport à ce que proposait Jean-Louis Idiart.
Notre objectif vise à sortir du mécanisme du bouclier fiscal les taxes locales et, en l’occurrence, les taxes foncières. Il est en effet à craindre que, désormais, ceux qui feront quelques heures supplémentaires ne paient davantage d’impôts locaux, parce qu’ils vont gagner un petit peu plus, alors que, jusqu’à présent, ils n’étaient pas imposables à ces taxes compte tenu des dégrèvements existants. Alors qu’ils n’étaient pas éligibles à cette assiette, ce sont les smicards qui compenseront le non-paiement, par les bénéficiaires du nouveau dispositif du bouclier fiscal, de la taxe d’habitation ou de la taxe foncière ! Gardons bien à l’esprit cette conséquence de l’un de ces nombreux vases communicants qui existent entre les articles du projet de loi, ici entre l’article 1er et l’article 5.
On parle par ailleurs de refacturation aux collectivités locales. Cela signifie donc clairement que l’État ne compensera pas les conséquences d’une disposition prise au niveau national, mais qu’elles devront être supportées, pour partie, par les collectivités locales. Comme certains nouveaux ayants droit du bouclier fiscal habitent dans des petites communes, qui n’ont souvent d’autre ressource, faute d’accueillir des entreprises, que l’impôt des ménages, le risque est grand que ces petites communes bien tranquilles ne se retrouvent dépourvues de ressources, compte tenu de la logique dans laquelle s’inscrit le projet de loi.
Je souhaite donc, monsieur le rapporteur général, que vous nous précisiez le volume de la compensation de la mesure proposée, que nous considérons comme injuste et inique à l’égard de ces collectivités locales qui n’ont d’autres ressources que celles tirées de leurs contribuables locaux. Compte tenu du nombre de communes qui peuvent être concernées dans le pays, il est important que, au détour de cet amendement, vous répondiez le plus clairement possible.
Le système auquel vous faites allusion a été mis en place il y a deux ans. À partir du moment où est prévue une refacturation aux collectivités locales, celle-ci doit être exclusivement liée au seul dépassement des 60 % – pourcentage qui va passer à 50 % – par les impôts locaux. Le montant en cause n’est pas nul, mais limité, puisqu’il s’élève à 20 millions d’euros.
Pour en revenir au mécanisme que nous avons voté il y a deux ans à l’unanimité, nous avons alors estimé que la charge ne devait pas incomber à telle ou telle commune bien définie parce que cela pourrait être injuste. J’avais pris à cet égard l’exemple du milliardaire dont la résidence principale est un deux pièces à Montreuil (Sourires) mais qui est propriétaire de palais sur la Côte d’Azur. Dans cet exemple, ce serait alors le pauvre maire de Montreuil qui se verrait refacturer la différence, ce qui serait manifestement injuste.
Voilà pourquoi nous nous sommes tous mis d’accord sur un système très simple, à savoir que ces 20 millions d’euros seront mutualisés et enlevés de la dotation globale de fonctionnement en préciput quand nous la répartirons, sachant que ce mécanisme s’appliquera à partir de la DGF pour 2009. Cette année-là, nous n’aurons donc pas à répartir les 40 milliards de DGF, mais 39, 980 milliards.
L’histoire ne s’arrête cependant pas là puisque nous baissons le bouclier fiscal à 50 %, en intégrant la CSG. A priori, le préciput devrait donc être encore inférieur. Sachant que le coût de la mesure représente 800 millions, l’idée est de faire en sorte que la charge de cette protection incombe à l’État. Il serait donc bon que, dans sa grande générosité, celui-ci abandonne toute idée de reprise sur les impôts locaux, ce qui conclurait de bonne manière – c’est à Mme la ministre de nous le dire – cette longue histoire.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n° 69.
La première est d’ordre constitutionnel. Nous sous sommes en effet demandé s’il était prudent, sur le plan constitutionnel, d’intégrer la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal. Plafonné à 60 %, celui-ci n’aurait inclus ni la CSG ni la CRDS, ce qui n’aurait donc soulevé aucun problème. En revanche, plafonné à 50 %, le problème est tout autre : sachant en effet que les prélèvements sociaux que sont la CSG et la CRDS atteignent 11 % pour les revenus du capital, si l’on soustrait ces 11 % du plafond de 50 %, on arrive à 39 %, soit un taux inférieur au taux marginal de l’impôt sur le revenu.
La seconde raison est plus complexe. Elle tient à la portée du dispositif du bouclier fiscal. Nous avons eu, l’an dernier, un très long débat sur ce point. Selon les chiffres que nous avait alors fournis le Gouvernement, le bouclier à 60 %, hors CSG et CRDS donc, devait toucher environ 93 000 personnes, dont 16 371 imposables à l’ISF et 77 000 non imposables à l’ISF. Même si les demandeurs ont jusqu’à fin décembre pour souhaiter la restitution, les chiffres qui figurent dans le rapport de notre rapporteur général montrent qu’à fin juin de cette année les demandes en la matière ont été très peu nombreuses ces derniers mois : 1 750 demandes, pour une centaine de millions d’euros, soit quatre fois moins que la mesure envisagée, sachant en outre que pratiquement aucun non imposable à l’ISF ne figure parmi les demandeurs. Quelle conclusion peut-on tirer de ce résultat ?
À mon avis, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il convient de voter l’amendement de la commission, il faut se donner du temps afin de savoir pourquoi le bouclier ne fonctionne pas du tout comme il avait été envisagé l’année dernière. Mon hypothèse, s’agissant des non-assujettis à l’ISF, est qu’ils ne sont absolument pas au courant.
Avec le texte qu’on nous propose aujourd’hui, d’après les estimations des services du ministère, 234 400 personnes sont concernées, dont 202 000 non imposables à l’ISF pour 131 millions – je pense que, si nous votons le texte en l’état, nous constaterons qu’ils n’auront rien demandé non plus l’année prochaine – et 32 000 assujettis pour 779 millions. Pour sortir du champ de l’ISF une bonne partie de ceux dont le patrimoine est compris entre 750 000 euros et un million ou 1,2 million d’euros, la meilleure mesure à prendre est un abattement plutôt qu’une augmentation du pourcentage de déduction pour la résidence principale. Cet abattement profiterait à environ 90 000 personnes, contre 12 000 si l’on passe de 20 % à 30 %. Ce serait beaucoup plus efficace et c’est pourquoi la commission des finances a adopté ce dispositif.
Le cœur de notre amendement, c’est la question, pour le moins débattue, de l'intégration de la CSG et de la CRDS dans le périmètre du bouclier fiscal. C'est pour nous l'une des rares occasions de ce débat d’être d'accord avec M. de Courson. Il a soulevé en commission le lièvre que l'on sait, provoquant l'ire de M. Copé, qui a déclaré dans la presse qu’il y avait « des lignes jaunes à ne pas franchir ». M. Copé a d’ailleurs maintes fois montré qu’il est un farouche partisan de la disparition pure et simple de l'ISF, au profit, on s'en doute, d'un relèvement du taux de la TVA. L'incident provoqué par le vote en commission d'un amendement identique au nôtre est, à cet égard, très instructif. Finalement, M. de Courson a eu le malheur d'appuyer là où cela fait mal, là où les intentions du Gouvernement apparaissent en toute clarté. L'intégration de la CSG et de la CRDS dans le périmètre du bouclier fiscal, qui représente un coût considérable, ne poursuit en vérité qu'un seul but : exonérer d'ISF les détenteurs de gros patrimoines.
Nous comprenons l'embarras de la droite, car, toute décomplexée qu'elle soit, elle sait que la révélation de la portée de cette mesure nuira quelque peu à sa prétendue popularité. Avec notre amendement, nous vous offrons, chers collègues, l'occasion de redorer votre image. Nous ne doutons pas que vous la saisirez.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
D’abord, inclure la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal est beaucoup plus juste parce que ce sont des contributions payées par tous les Français. Il suffit de regarder les chiffres. Dans le bouclier tel qu’il existe aujourd’hui, sur les 93 000 personnes concernées, 17 000 seulement sont assujetties à l’ISF. Grâce à l’inclusion de la CSG, on passe de 93 000 à 230 000, dont 30 000 seulement assujetties à l’ISF. C’est donc bien que 200 000 contribuables bénéficient du bouclier à cause de l’impôt sur le revenu, de la CSG ou de leur impôt foncier et local, et non pas à cause de l’ISF.
Ensuite, il s’agit – nous l’avons souligné sur chacun des articles – d’un des engagements explicites du candidat à la Présidence de la République. Nicolas Sarkozy a indiqué clairement que le bouclier fiscal devrait incorporer la CSG et la CRDS à côté des impôts qui y figuraient déjà – l’impôt sur le revenu, impôts locaux et ISF. Nous devons respecter les engagements qui ont été pris.
En revanche, M. de Courson a fait part d’une préoccupation que je partage et sur laquelle j’appelle l’attention de Mme la ministre. Au 31 mai 2007, pour la première année d’application du dispositif, seulement 1 750 contribuables se sont manifestés et il est probable que cela se reproduira pour les 200 000 foyers susceptibles de bénéficier de la protection fiscale alors qu’ils ne sont pas assujettis à l’ISF. Ce sont souvent des contribuables très modestes, qui n’ont pas de conseils fiscaux et ne connaissent pas du tout les arcanes de la fiscalité. Il serait donc juste de prévoir un dispositif qui leur permette de bénéficier pleinement de la protection fiscale qu’apporte le bouclier. Celui-ci concerne, certes, les assujettis à l’ISF, mais aussi, pour neuf dixièmes, des contribuables qui ne le sont pas. Nous devons donc être très attentifs à ce qu’ils puissent y avoir accès. C’est pourquoi nous devons réfléchir à ce sujet compliqué d’ici à la loi de finances pour 2008 et concevoir un dispositif d’information ou de préparation des calculs. Je partage complètement cette préoccupation de M. de Courson.
Compte tenu de ces explications, que je crois importantes, je vous demande de bien vouloir rejeter cet amendement, bien qu’il ait été adopté par la commission des finances.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Pourquoi ? Parce que la CSG n’est pas un impôt comme les autres. La CSG est un impôt affecté au financement de la protection sociale.
Je crois, madame la ministre, qu’il est totalement déraisonnable et dangereux, compte tenu de la situation de nos comptes sociaux, de laisser croire à nos concitoyens qu’on puisse s’exonérer quelque peu du paiement de cotisations sociales.
À travers ces deux dispositions de votre texte, vous donnez le sentiment qu’il n’est pas grave de rompre le lien entre un revenu et le paiement de la CSG. Nous l’avons fait, vous l’avez fait, pour la détaxation des heures supplémentaires, puisque c’est le même principe. Et nous recommençons.
Madame la ministre, je crois que la commission des finances a été particulièrement bien inspirée d’adopter cet amendement de bon sens. Le processus dans lequel vous nous engagez est, je le répète, déraisonnable et dangereux au regard de la situation de nos finances publiques.
Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
…………………………………………………………….
Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques nos 69 et 129 :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 23
Contre 53
Les amendements sont rejetés.
Je pense que cette jurisprudence nouvelle mérite d’être évoquée par la Conférence des présidents. Je saisirai de cette question le président de mon groupe. Il s’agit d’un agissement nouveau, qui n’est pas acceptable ; je le dis comme je le pense. Je souhaite que nous revenions sur cette façon de procéder.
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Notre assemblée a rejeté l’amendement précédent. C’est un peu désespérant. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas aller jusqu’à intégrer, l’année prochaine, la TVA dans le périmètre du bouclier fiscal ? Ainsi, un certain nombre d’aménagements permettraient progressivement à ceux qui gagnent beaucoup d’argent de ne quasiment plus payer d’impôt.
D’abord, l’impôt foncier, la taxe d’habitation ; ensuite la CSG et la CRDS. M. le rapporteur général nous dit : « Tout le monde la paie. » Mais, derrière, il y a restitution ! Elle est remboursée. Cela signifie donc que ceux qui la paient, ce sont les autres.
Nous pourrons écrire à tous les maires de France pour les alerter sur l’aggravation de la situation de non-compensation du bouclier fiscal, ce que nous a confirmé M. le rapporteur général tout à l’heure. Nous pourrons écrire à tous les assurés sociaux que les plus pauvres d’entre eux vont payer pour les plus riches : ceux qui, dans ce pays, sont concernés par le bouclier fiscal – sauf si, dans un sursaut de lucidité, grâce à « la session de rattrapage » que nous vous proposons par cet amendement, les alinéas 14 et 15 sont supprimés.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Actuellement, ce couple paie, au titre de l’ISF, 291 870 euros, plus un impôt sur le revenu de 43 788 euros et 20 000 euros de taxe d’habitation et de taxe foncière. Avec le bouclier fiscal à 60 %, le fisc doit déjà, selon les calculs du SNUI, lui rembourser 235 658 euros.
Avec les nouvelles dispositions du paquet fiscal – sans compter l’abattement de 30 % sur la résidence principale –, ce couple va pouvoir donner 150 000 euros à chaque enfant en franchise d’impôt. Son patrimoine imposable passera à 20 millions d’euros, soit une économie d’ISF de 5 400 euros. Vous voyez donc que plus on a de sous, plus on peut en donner, et moins on paie.
Si le bouclier passe à 50 % sans CSG et CRDS, le fisc remboursera à ce couple 265 658 euros, soit 30 000 euros de plus qu’avec le bouclier à 60 %, c’est-à-dire le revenu médian d’une famille française, selon le SNUI – lequel a calculé que, si le bouclier inclut la CSG et la CRDS, le remboursement sera alors compris entre 275 000 et 280 000 euros.
D’après notre éminent collègue Charles de Courson, « un plafond fixé à 50 % des revenus appliqué à une base élargie à la CSG et à la CRDS reviendrait à faire jouer le bouclier à hauteur de 39 % au lieu de 60 % des revenus. » Et il ajoute : « Une telle diminution est manifestement excessive. ».
Madame la ministre, vous connaissez l’amour de Charles de Courson pour les privilégiés. Mais c’est en même temps un homme de terrain. Il sait que trop d’exhibitionnisme en la matière constitue un risque. La sagesse de M. de Courson n’a d’égale que l’agressivité de l’aile la plus libérale de l’UMP, qui n’a pour seule ambition, pour seule obsession, que de “dynamiter” l’impôt de solidarité sur la fortune, faute d’en avoir obtenu l’abrogation.
Le dynamitage de l’ISF est une tâche dont le projet de loi s’acquitte déjà largement. Mais, visiblement, il vous en faut toujours plus.
C’est la raison pour laquelle, avec l’amendement n° 418, nous vous appelons à rejeter le principe qui consisterait à dispenser nos concitoyens les plus riches de s’acquitter de leur devoir de solidarité.
La parole est à M. Michel Bouvard, contre l’amendement n° 418.
Madame la ministre, je comprends la logique d’inclusion de la CSG et de la CRDS. C’est la raison pour laquelle j’ai voté l’article tel qu’il était proposé dans le projet de loi du Gouvernement. Et je voterai donc contre l’amendement n° 418 de M. Brard.
Cela étant – nous en discuterons tout à l’heure à l’occasion de l’examen d’un amendement de Pierre Méhaignerie – les élargissements successifs du périmètre du bouclier fiscal conduisent à se demander si les contribuables les plus riches acquittent bien un impôt. Le débat sur l’impôt minimum, qu’il est, à mon sens, nécessaire d’instaurer dans notre pays, a été engagé depuis plusieurs années. Nous pourrions aboutir à une solution à l’occasion de la discussion du projet de la loi de finances pour 2008.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Monsieur le président, je ne suis pas surpris que l’amendement n° 418 ait été rejeté (Sourires), tant l’entêtement du Gouvernement est évident. Mais celui-ci n’a d’égal que le zèle qu’il déploie au service des privilégiés.
Madame la ministre, je prendrais deux mots : « idéologie » et « solidarité ». Il existe entre eux un point commun et une différence.
Le point commun : « idéologie » et « solidarité » sont, pour vous, des « gros mots ».
La différence : vous pratiquez l’idéologie, mais on ne peut pas vous accuser de pratiquer la solidarité.
Depuis trente ans, un travail idéologique intense – et M. Karoutchi, qui est un vieux routier de la politique, le sait bien – a été entrepris par la droite.
Vous avez réussi, par exemple, à dévaloriser le sens du mot « cotisation », en changeant le vocabulaire ; vous parlez de « charges ». Or, ce sont des cotisations. C’est du salaire différé, et non des charges. Ce prélèvement ne va pas n’importe où. Il bénéficie à la santé.
Mardi, madame la ministre, vous avez cité Alexis de Tocqueville. Vous avez fort bien fait, car c’est un brillant intellectuel. Mais je suis de plus en plus convaincu – peut-être me démentirez-vous – que vous ne l’avez pas lu in extenso.
Tocqueville, c’est, d’une certaine manière, comme Balzac. Certes, ils avaient des idées politiques très réactionnaires, mais ils ont, l’un et l’autre, fait une description très pertinente de la société dans laquelle ils vivaient.
J’ai noté, mes chers collègues, que la citation de Tocqueville que je vous ai livrée hier vous a laissés perplexes. Vous doutiez en effet que Tocqueville ait pu dire des choses si pertinentes !
Mais permettez-moi de le citer à nouveau. Voilà ce qu’écrivait Tocqueville, dans ses écrits politiques, à l’article consacré à la question financière. Écoutez-le ! Et qu’il vous inspire !
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Le contribuable doit d’abord payer la totalité de ses impôts en année n+1 sur les revenus de l’année n pour bénéficier du remboursement en année n+2.
Le présent amendement a pour objet de laisser au contribuable la possibilité de calculer – sous le contrôle des services fiscaux – l’impôt qu’il doit payer, cela en année n+1. Ce serait plus juste et permettrait dans le même temps d’alléger le travail des services fiscaux.
Le système que vous proposez me paraît contraire au principe même du bouclier fiscal.
Pour autant, il ne nous paraît pas souhaitable que le contribuable ait la faculté de limiter lui-même ses versements. Le système en vigueur doit, nous le souhaitons, continuer à s’appliquer.
Je mets aux voix l’amendement n° 175.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n° 308 rectifié.
Avec ce bouclier fiscal, vous êtes en train d’inventer la notion d’« impôt zéro » pour les grosses fortunes. Dans le même temps, vous privez de recettes les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale. Le manque à gagner avait été évalué à 43 millions d’euros pour les collectivités locales en 2006.
Concernant la sécurité sociale, le Gouvernement n’a pas clairement indiqué quelle serait la part du bouclier fiscal dont les organismes de sécurité sociale pourraient – ce qui serait nouveau – avoir à supporter la charge compte tenu de l’inclusion de la CSG, de la CRDS et des prélèvements sociaux dans le bouclier fiscal nouvelle formule. À côté des « parachutes dorés », il y aura désormais les « boucliers dorés » !
Ce choix crée des situations dans lesquelles l’ensemble des contribuables d’une collectivité et l’ensemble des assurés sociaux se verront contraints de financer ce cadeau fiscal fait à des contribuables très aisés, redevables de l’ISF.
Nous proposons donc d’exclure explicitement la participation financière des collectivités et des organismes de sécurité sociale au mécanisme de bouclier fiscal. Nous vous demandons, madame la ministre, d’en préciser le coût.
Après le mini-plan de redressement annoncé par le Gouvernement à la suite du comité d’alerte de l’assurance maladie, la CNAM présente un nouveau plan de 3,8 milliards d’économies pour 2008. Elle souhaite que l’État honore ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale – 5 milliards d’euros d’arriérés et un milliard supplémentaire pour la seule année 2007. À cela, il faudra ajouter ce que coûtera le bouclier fiscal doré nouvelle formule !
La CNAM indique que la participation des assurés sociaux est prévue par le biais d’un système de franchise médicale. Mais la CNAM ajoute qu’il ne sera pas possible d’adopter la proposition de M. Hirsch, qui s’était tout de même inquiété de l’instauration de la franchise médicale, dissuasive, à ses yeux, pour les assurés sociaux les plus modestes – lesquels renonceront à accéder aux soins, en particulier primaires, et aux examens préventifs.
La CNAM affirme aussi qu’il ne lui sera pas possible, contrairement au vœu exprimé par le Gouvernement de moduler la participation nouvelle des assurés par le biais des franchises en fonction de leurs revenus. Cela signifie que les franchises seront instaurées sans que soit tenu compte de la capacité contributive des assurés.
M. Michel Bouvard s’est prononcé tout à l’heure en faveur de l’adoption du principe de l’imposition minimale – cette proposition étant toutefois reportée à plus tard. Le Gouvernement préfère commencer par distribuer des cadeaux aux plus riches, tout en faisant peser une responsabilisation supplémentaire sur les contribuables et les assurés sociaux les plus modestes. Il sera toujours temps, plus tard, de penser à l’imposition minimale, à la modulation des franchises médicales en fonction des revenus des assurés sociaux. Les plus modestes et le plus grand nombre peuvent attendre, car il est urgent d’œuvrer pour les catégories aisées.
Quel sera, madame la ministre, le coût du bouclier fiscal doré nouvelle formule pour les organismes de sécurité sociale ?
En revanche, vous avez raison de souligner qu’elle se pose pour les collectivités locales. C’est pourquoi la commission des finances a souhaité, par l’amendement n° 70, que la CSG et la CRDS soient également prises en compte pour calculer le montant de la restitution due par l’État aux collectivités locales, comme nous l’avions fait il y a deux ans pour le bouclier fiscal à 60 %.
Dans ces conditions, je peux vous confirmer que l’ordre de grandeur à prélever sur la DGF – puisque la décision avait été prise de le mutualiser – serait le même, soit une vingtaine de millions.
Je demande à Mme la ministre de bien vouloir accepter l’amendement n° 70 de la commission des finances et de faire un geste supplémentaire, à hauteur d’une vingtaine de millions, en supprimant purement et simplement toute idée de demande de restitution aux collectivités locales.
Ce principe comporte déjà un certain nombre d’assouplissements.
Premièrement, l’État prend à sa charge la totalité de la restitution lorsque les impôts perçus à son profit suffisent à eux seuls à dépasser le seuil fixé à 50 % – préalablement 60 % – des revenus.
Deuxièmement, les restitutions dues par les collectivités locales lorsque celles-ci sont inférieures à 25 euros par collectivité et par contribuable – certes, ce n’est pas beaucoup – sont prises en charge par l’État.
Enfin, l’État prend à sa charge les restitutions des impôts correspondant aux contributions et prélèvements perçus au profit des organismes sociaux. Cela ne vient pas diminuer les financements des organismes sociaux.
C’est la raison pour laquelle j’invite l’Assemblée à rejeter l’amendement n° 308 rectifié défendu par M. Bapt.
S’agissant de l’amendement n° 70 de la commission, je n’exclus pas que le mécanisme que je viens d’évoquer, avec les trois prises en charge par l’État, puisse être amélioré. Je vous invite donc, mesdames et messieurs les députés, à vous rallier à l’amendement déposé par M. le rapporteur général et M. Mariton, auquel le Gouvernement émet un avis favorable.
Cet amendement propose de faire prendre en charge la totalité de la restitution par l’État lorsque les impôts versés à son profit cumulés avec les prélèvements sociaux suffisent à dépasser le seuil fixé à 50 % des revenus.
Pour le reste, il faut, monsieur le rapporteur général, que nous examinions plus avant votre proposition.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
L’amendement a été voté, mais restent encore certaines interrogations, et nous aimerions que Mme la ministre nous réponde maintenant. Sinon, je vous demanderais, monsieur le président, une suspension de séance.
Avec le nouveau système, du fait de la prise en compte la CSG, davantage de contribuables sont concernés et, grâce à l’amendement qui vient d’être voté, on atteint plus facilement par les seuls impôts d’État le seuil des 50 %. L’évaluation d’il y a deux ans reste la bonne ; il faut seulement la confronter aux résultats des restitutions effectives.
Compte tenu des premiers résultats au 30 mai, j’ai proposé, en présentant l’amendement de la commission des finances à Mme le ministre, que l’État accepte enfin de ne pas demander aux collectivités locales de participer au financement des restitutions.
Nous ne pouvons accepter une présidence partisane. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n ° 307 rectifié.
L’opinion a été très émue – et ce mouvement s’est fait sentir jusque sur vos bancs – du cas de cette riche héritière redevable de 8 millions d’euros qui s’est vu restituer 7,7 millions euros en transformant son patrimoine professionnel en placements. L’an prochain, lorsqu’elle bénéficiera du bouclier fiscal doré, de quel montant sera sa restitution fiscale ?
C’est extraordinairement choquant, madame la ministre, à un moment où tant de familles ont dû mal à finir le mois et où on leur réclame de payer la taxe d’habitation et d’autres contributions obligatoires.
Voilà pourquoi nous proposons cette modification, guidée par la justice et le bon sens économique. Comment maintenir la cohésion sociale et le moral des ménages lorsque tant d’injustices s’étalent devant nos yeux ?
Par esprit de compromis, monsieur le président, et pour vous être agréable – j’espère que cela sera compté au nombre de mes bonnes actions (Sourires) –, je vais m’exprimer avant la suspension.
Pour illustrer le bien fondé de notre amendement, qui tend à plafonner le montant de la restitution prévue par l’article 1er du code général des impôts, nous souhaitons porter à votre connaissance les déclarations de Laurent Desmoulières, responsable de l’ingénierie patrimoniale de Meeschaert Gestion Privée, publiées le 31 janvier dernier dans Le Figaro, votre bréviaire. Certes, ce n’est pas Alexis de Tocqueville, mais il est plus contemporain, et devrait peut-être vous faire bouger davantage, à moins que vous ne soyez enfermés dans votre aveuglement de classe.
« Contrairement aux apparences, il existe, peut-on lire, de vrais risques à demander la restitution du trop-perçu, car l’administration fiscale ne manquera pas de vérifier les déclarations d’impôt sur le revenu et d’ISF. »
Et l’auteur poursuit : « Depuis dix ans, la valeur de l’immobilier a plus que doublé partout en France » – et même à Montreuil, madame la ministre. « Il n’est pas sûr que tous les redevables de l’ISF aient traduit cette augmentation dans leur déclaration . »
En clair, le responsable de l’ingénierie patrimoniale de Meeschaert Gestion Privée, doutant de la sincérité des comptes présentés par les contribuables les plus fortunés, déconseille à ces derniers de se soumettre aux contrôles de l’administration fiscale. Voilà qui est en parfaite cohérence avec la déclaration de M. Woerth. Ainsi, comme il le précise lui-même, le bouclier fiscal n’en vaut peut-être pas la chandelle.
Vous êtes pour la transparence. Eh bien, je vous rappellerai cette répartie de M. Pasqua, que connaît bien M. Karoutchi, …
D’abord, je me félicite, au nom du groupe UMP, que Mme la ministre souhaite réfléchir sur la manière d’améliorer considérablement la relation entre le contribuable et l’administration fiscale pour ce qui concerne le bouclier fiscal. Nous pourrions parvenir, de ce point de vue, à des progrès significatifs.
Par ailleurs, compte tenu de l’intérêt de nos débats et parce que je suis attentif à ce qu’ils continuent de bien se dérouler, je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir faire procéder à la vérification du quorum de notre assemblée.
Je constate que le quorum n’est pas atteint.
Compte tenu de l’heure, je vais renvoyer ce vote à la prochaine séance.
Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :
Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan,
Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton