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SOMMAIRE
Présidence de M. Marc Le Fur
1. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres. – Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 101, 107)
discussion des articles (suite)
Article 2 (suite)
Amendement n° 158 : MM. Alain Vidalies, Jacques Kossowski, rapporteur de la commission spéciale ; M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité ; Roland Muzeau. – Rejet.
Amendement n° 159 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 160 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Alain Néri, Jean-Claude Viollet. – Rejet.
Amendement n° 161 : MM. Marc Dolez, le rapporteur, le ministre, Alain Néri, Michel Destot. – Rejet.
Amendements nos 56 et 162 : MM. Roland Muzeau, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
M. François Brottes. – Rejets des amendements nos 56 et 162.
Amendement n° 57 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 163 : MM. Alain Vidalies, le ministre, le rapporteur, Jean-Claude Viollet. – Rejet.
Amendement n° 164 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 58 : MM. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. – Rejet.
Amendement n° 165 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 18 avec le sous-amendement no 183 : MM. le rapporteur, François Brottes, le ministre,
Sous-amendement n° 189 : MM. Jacques Desallangre, le rapporteur, le ministre, François Brottes, Hervé Mariton, président de la commission spéciale.
Retrait du sous-amendement n° 183 ; adoption du sous-amendement n° 189 et de l’amendement n° 18 modifié ; les amendements nos 51 et 166 tombent.
Amendement n° 167 : MM. Jean Mallot, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 168 et 60 : MM. Alain Vidalies, Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. – Rejets.
Amendement n° 19 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 169 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. – Rejet.
Amendement n° 170 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Mme Marylise Lebranchu. – Rejet.
M. Alain Vidalies.
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 61 et 171 : MM. Jean-Paul Lecoq, Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le président de la commission spéciale, le ministre, Alain Vidalies. – Rejet.
Amendement n° 20 : MM. le rapporteur, le ministre, François Brottes. – Adoption.
Amendement n° 172 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 21 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 173 : MM. Marc Dolez, le rapporteur, le ministre, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Claude Viollet, le président de la commission spéciale, Alain Vidalies, Daniel Paul, Roland Muzeau. – Rejet.
Amendement n° 175 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendements identiques nos 62 et 174 : MM. Roland Muzeau, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement no 63 rectifié : MM. Daniel Paul, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 98 : MM. Christian Blanc, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies, le président. – Adoption.
Amendement n° 176 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement no 177 rectifié : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, François Brottes. – Rejet.
Amendement n° 64 : MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 178 et 22 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le président de la commission spéciale, le ministre, François Brottes, Jean-Yves Le Bouillonnec. – Rejet de l’amendement n° 178 ; adoption de l’amendement n° 22 ; les amendements nos 65 et 88 tombent.
Suspension et reprise de la séance
Adoption de l’article 2 modifié.
Après l'article 2
Amendements identiques nos 75 rectifié et 179 : MM. Daniel Paul, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Article 3
M. Jean-Paul Lecoq.
Amendements de suppression nos 66 et 105 : MM. Roland Muzeau, François Brottes, le rapporteur, le ministre, Jean-Yves Le Bouillonnec. – Rejet.
Amendement n° 180 : MM. François Brottes, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 23 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 86 : MM. Philippe Vitel, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Adoption de l’article 3 modifié.
Avant l'article 4
Amendement n° 24 : MM. le rapporteur, le ministre, François Brottes, Jean-Yves Le Bouillonnec. – Adoption.
Article 4
MM. Daniel Paul, Marc Dolez, Jean Mallot, Alain Vidalies, Yanick Paternotte, Christian Eckert, François Brottes, Alain Néri, Maxime Bono, Mme Catherine Coutelle.
M. Alain Vidalies.
Suspension et reprise de la séance
Amendements de suppression nos 67 et 106 : MM. Roland Muzeau, François Brottes, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordres du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence
J’en profiterai pour rappeler les conditions créées par l’annonce même de la loi. Jusqu’à présent, à la SNCF ou à la RATP, des accords existaient qui avaient fait la preuve de leur efficacité. Du reste, personne ne les met sérieusement en cause, puisqu’il est simplement proposé de les adapter. Il est vrai que, au moment du débat de mai 2006, quand votre majorité, le gouvernement et M. Perben ont choisi — option que nous défendons aujourd’hui — de privilégier la négociation, la charte de la prévisibilité s’appuyait sur une référence à un accord de branche. Sans doute, la négociation de cet accord n’est pas intervenue comme nous l’aurions souhaité, mais c’est manifestement parce que vous avez annoncé la loi. De ce point de vue, les déclarations des représentants de l’Union des transports publics, l’UTP, devant la commission spéciale ont été assez édifiantes. Je vous renvoie au rapport : ils ont dit, en des termes choisis, que la négociation n’était pas leur choix prioritaire. Ils ont benoîtement expliqué que, dès lors que, à la fin de l’année 2006, la France était entrée dans le processus démocratique de l’élection présidentielle, dès lors que s’était profilée la perspective qu’un des candidats puisse, une fois élu, mettre en œuvre son programme, dès lors que la loi avait été annoncée, ils n’avaient plus aucune raison de poursuivre la négociation, ils n’avaient, en tout cas, pas plus de conviction que d’enthousiasme pour la faire aboutir. C’est ainsi qu’ils ont tranquillement attendu la loi.
Cet état d’esprit risque de se manifester de nouveau par la suite. En effet, lorsque, dans le projet de loi, vous dites que, en cas d’échec de la négociation, on aura recours à un décret, c’est-à-dire à l’intervention du pouvoir réglementaire, l’histoire est déjà écrite. S’il y avait eu une négociation, je pense qu’elle aurait abouti, mais ceux qui l’ont refusée, parce que vous leur aviez promis la loi, la refuseront de nouveau à l’avenir puisque vous leur promettez le décret. La ligne de partage entre nous passe bien là, entre le pari de la négociation qu’il fallait mener jusqu’au bout et à laquelle il fallait donner toutes les chances de prospérer, et ce que vous nous proposez.
Nous avons donc souhaité, à travers cet amendement, faire des propositions reposant sur deux principes que nous déclinerons dans des amendements ultérieurs : d’une part, le principe majoritaire pour la validité des accords, car de cette question dépend le contenu même de la démocratie sociale, et, d’autre part, la remise en œuvre du principe de faveur, car les salariés et l’ensemble des petites ou moyennes entreprises demandent que l’on réhabilite la référence à l’accord de branche. C’est autour de ces deux principes que nous articulons notre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
D’autre part, il est vrai que le projet affiche un objectif d’efficacité : une signature doit être obtenue au plus tard le 1er janvier 2008. Vous le rappeliez tout à l’heure, cela est conforme à l’engagement du Président de la République comme à l’obligation de résultats qu’a évoquée le ministre du travail, Xavier Bertrand. Il est donc normal de prévoir le cas où la négociation n’aboutirait pas, même si nous espérons que cela n’arrivera pas. Mais je veux rappeler – et ceci est important – que, même après le 1er janvier 2008, même après l’entrée en vigueur éventuelle du décret en Conseil d’État, si un accord est conclu, ce sont ses dispositions qui prévaudront.
J’ajoute que cet amendement comporte des dispositions dérogatoires au droit commun de la négociation collective en ce qui concerne les conditions de majorité et la question de la hiérarchie des normes. Or, ce n’est bien sûr pas le but du présent texte que d’ouvrir de tels débats, qui font par ailleurs l’objet de concertations avec les partenaires sociaux. Je suis persuadé que nous aurons l’occasion de revenir sur cette question à l’occasion de l’examen de prochains amendements.
En outre, l’application du décret a vocation à s’effacer chaque fois qu’un accord sera conclu, même après le 1er janvier 2008, afin de privilégier chaque fois la négociation collective.
J’ai entendu vos questions, qui étaient sincères, et je tiens à vous répondre tout aussi sincèrement. Telle est notre logique. Il ne s’agit absolument pas d’un décret d’application, mais d’un décret à vocation supplétive.
C’est bien volontairement que vous avez omis de répondre à une question fondamentale. Depuis la loi Fillon de 2004, vous avez inversé la hiérarchie des normes.
Par ailleurs, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’un décret d’application, mais d’un décret supplétif. Cela me paraît extrêmement important dans la perspective d’un recours devant le Conseil constitutionnel : le Conseil précise en effet que c’est le législateur, et lui seul, qui a compétence pour encadrer l’exercice du droit de grève. Si c’est un décret d’application, la question pouvait se poser ; si ce n’en est pas un, je vous remercie de l’avoir précisé car cela permettra au Conseil constitutionnel de se prononcer en toute cohérence.
S’agissant de la hiérarchie des normes, question qui a été soulevée hier, et de nouveau à l’instant par Roland Muzeau : premièrement, la position qui a été adoptée, c’est tout simplement la reprise de la position commune des organisations syndicales de juillet 2001 ; deuxièmement, le dispositif reste encadré par l’accord de branche ; troisième élément très important : cela reste encadré par la loi sur des points qui ne sont pas mineurs, comme les salaires, la prévoyance et les classifications
(L'amendement n’est pas adopté.)
Je crois que, sur le fond, il a déjà été débattu à l’article 1er. Je vous demande donc, M. Vidalies, de le soutenir brièvement.
Nous souhaitons que l’article 2 ne s’applique qu’aux entreprises de cinquante salariés et plus – je ne reviens pas sur l’argumentation que j’ai déjà exposée, concernant plus particulièrement la position de l’UPA. Cela soulève d’ailleurs une difficulté d’interprétation du projet : nous débattons depuis quelques heures de la notion d’accord-cadre, mais c’est tout de même une novation juridique dont la définition n’est pas très précise. Le rapporteur s’est naturellement posé la question puisque je lis dans son rapport, à la page 159 : « La notion d’accord-cadre n’est pas juridiquement très définie ». Nous sommes en train de faire la loi à l’Assemblée nationale sur la base d’un concept dont le rapporteur lui-même relève qu’il n’est pas très défini. C’est tout de même une circonstance un peu étonnante.
Demain, je vous laisse à penser les difficultés d’interprétation que cela peut soulever pour ce qui concerne notamment l’insertion de cette nouveauté dans la hiérarchie des normes, à côté des concepts mieux maîtrisés d’accord d’entreprise, d’accord de branche, de convention interprofessionnelle. Vous avez sans doute vos raisons pour imaginer cette notion sui generis, mais cela mériterait d’être précisé. En tout cas, voilà un motif de plus pour écarter les petites entreprises du champ d’application de cette invention, comme elles l’ont du reste demandé devant notre commission.
Et quand bien même la négociation n’aurait pas lieu – ce qui peut arriver –, le texte du projet de loi prévoit d’ores et déjà qu’un accord de branche peut intervenir, lequel s’appliquera dans les entreprises dépourvues d’accord-cadre. Cet amendement est donc inutile, voire contre-productif.
En outre, la notion d’accord-cadre permet de rendre compte que l’accord d’entreprise donne les règles du jeu de la négociation préalable. Il ne fait pas de doute, dans le texte de l’article 2, qu’il s’agit d’un accord d’entreprise de droit commun.
(L'amendement n'est pas adopté.)
L’amendement propose d’utiliser le mandatement pour les organisations syndicales non représentées dans l’entreprise. Cette proposition n’a aucun contenu particulier du point de vue idéologique, et vous pourriez parfaitement l’accepter puisque vous souhaitez que la négociation ait lieu, y compris dans les petites entreprises. Nous préférerions la branche, mais si votre solution doit être retenue, il faut prévoir dans le texte la référence au mandatement, qui apparaît déjà dans deux lois votées sous deux majorités différentes – la loi du 13 juin 1998 et la loi du 4 mai 2004. Ce serait un complément utile au dispositif et permettrait de mieux reconnaître le rôle des syndicats.
Soit l’amendement crée une nouvelle procédure de mandatement spécifique à la signature des accords-cadres – ce qui semble résulter de l’exposé sommaire –, et il est dans ce cas très lacunaire sur le plan du régime juridique du mandatement : absence de définition juridique des salariés mandatés, absence de définition des mentions devant figurer dans le mandat, des conditions d’approbation de l’accord signé par un salarié mandaté et des conditions d’entrée en vigueur de l’accord de mandatement, etc. ; il me semble pour le moins lourd de créer ainsi un nouveau régime qui n’est pas nécessaire au regard du droit existant. Soit l’amendement ne crée pas une nouvelle procédure – solution qui aurait ma préférence –, et à l’évidence il est inutile.
En outre, la procédure de droit commun de mandatement est d’ores et déjà prévue de manière précise et détaillée à l’article L. 132-26 du code du travail, introduit par la loi du 4 mai 2004 à laquelle vous avez fait référence. Et cette procédure trouve à s’appliquer dans l’ensemble des entreprises dès lors qu’un accord de branche le prévoit, sans qu’il soit besoin de le préciser expressément.
Monsieur le ministre, j’avais espéré que vous alliez vous reprendre sur cet article. Peut-être allez-vous faire un geste.
Dernier élément : vous dites que l’amendement est superfétatoire parce que la loi de 2004 existe. Mais dans la loi du 31 mars 2005 – la vôtre ! – portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise, je lis à l’article 3 que « dans les entreprises de vingt salariés au plus, l’accord d’entreprise peut être conclu en l’absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné […] par un salarié expressément mandaté ». Vous nous dites que l’amendement est inutile à cause de l’existence de la loi de 2004, alors que, dans votre loi de 2005, vous avez cru bon de mentionner la possibilité de mandataires ! Soit vous voulez encourager le dialogue social et il faut en donner des signes ; soit vous ne le souhaitez pas, parce que le seul but de ce texte serait de réduire le droit de grève.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Cette proposition fait écho à une position que nous avons été nombreux à défendre dans cet hémicycle depuis le début de la discussion, et qui est relayée par nombre d’acteurs de terrain qui trouvent totalement irréaliste, le délai fixé pour la signature des accords-cadres.
Les entreprises auront donc plusieurs mois, jusqu’à janvier 2008, pour faire aboutir les négociations. Mais si elles n’y parviennent pas, elles auront la possibilité de poursuivre les négociations après cette date, comme M. le ministre et moi-même l’avons répété. Une fois l’accord signé, c’est lui qui s’appliquera et non plus les dispositions prévues par le décret du Conseil d’État. La dernière phrase de l’alinéa 3 est très claire à cet égard : « l’accord de branche ou l’accord-cadre régulièrement négocié après cette date s’applique dès sa signature, en lieu et place de ce décret ».
Or, pour les accords-cadres, vous fixez la date de signature au 1er janvier prochain. Août, septembre, octobre, novembre, décembre : cela fait cinq mois. Chacun sait qu’en août, il ne va pas se passer grand-chose. Vous allez partir en vacances et nous aussi ! À moins que vous ne teniez vraiment à mettre en place cette négociation en plein mois d’août. Alors, c’est un aveu, les masques tombent : vous voulez mener la négociation pendant que les travailleurs prennent des vacances bien méritées, même si certains ne peuvent malheureusement pas en profiter pleinement.
Alors, monsieur le ministre, si vous voulez vous montrer cohérent, donnez du temps à la négociation, et repoussez le délai d’un an. Ce sursis ne sera peut-être pas nécessaire, l’accord sera peut-être conclu avant. Mais donnez du temps au temps. Vous avez ainsi l’occasion de tenir votre promesse de nous réserver une heureuse surprise (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 56.
Le gouvernement précédent, qui défendait alors son projet de modernisation du dialogue social, a choisi le statu quo, en maintenant en l'état les règles de représentativité et de validité des accords. Or, la présomption de représentativité, datant de 1966, est inadaptée à l'évolution du paysage syndical. Le fait que des syndicats minoritaires puissent engager la majorité des salariés est devenu intenable depuis l’adoption de la loi Fillon de 2004, un texte qui a largement favorisé l'autonomie de la négociation au niveau de l'entreprise, et qui autorise un accord d'entreprise à déroger à un accord de branche – dans un sens défavorable aux salariés, bien entendu.
Vous êtes restés sourds aux deux principales recommandations du CES, partagées par la CFDT et la CGT : la refondation de la légitimité syndicale sur le vote de tous les salariés, et l'affirmation du principe majoritaire comme condition de validité des accords. À l’époque, j’avais défendu au Sénat ces propositions d'évolution, conditions de l'amélioration de la démocratie sociale française. Je me souviens du refus de la majorité UMP, désireuse – comme le MEDEF – de ne pas perdre les acquis de la loi Fillon : la possibilité de négocier au plus près du terrain avec des partenaires pas nécessairement syndiqués ou minoritaires, voire ultraminoritaires, c'est-à-dire avec des partenaires dociles.
Cette attitude me paraissait paradoxale de la part de ceux qui ne manquaient pas de s'inquiéter de la faiblesse des protagonistes sociaux et de l'émiettement syndical. Je mesure, à présent, la logique d'une telle attitude. C'est le moyen le plus sûr de régler son compte au syndicalisme, et de le discréditer.
Monsieur le ministre, une occasion nouvelle vous est offerte de faire la preuve que tout cela n'est que fantasme, et que ce gouvernement de rupture est, effectivement, décidé à donner tout son sens à la négociation.
En présentant l'article 2 de ce projet de loi, vous nous avez dit désirer un dialogue maximum. Je vous ai déjà fait part de mes doutes sur les chances de réussite de cette négociation à marche forcée d’un accord-cadre de prévention des conflits. Je veux bien les faire taire un moment, et vous proposer un dialogue social de qualité, mettant véritablement les organisations syndicales et les directions d'entreprises de transport face à leurs responsabilités.
L’amendement n° 56 n'exclut aucun syndicat représentatif de la négociation, mais il conditionne la validité de l'accord-cadre d'entreprise à sa signature par la ou les organisations majoritaires en voix. Et, pour mesurer l'audience des organisations syndicales, nous envisageons – comme nous y invite le CES – la tenue d'une élection de représentativité.
Vous allez m'objecter que notre proposition vient trop tôt, que les partenaires sociaux sont saisis de cette question et qu'il faut leur faire confiance. Ce n'est qu'argutie : le Gouvernement brusque les négociations lorsque cela l’arrange, lorsqu’il le juge opportun, comme ce texte en témoigne. Les vraies raisons sont donc à rechercher ailleurs : la majorité d'engagement prend à rebours la philosophie de la loi Fillon de 2004.
Depuis le début de nos travaux, nous cherchons à comprendre le revirement de la majorité qui, en 2006, estimait qu’il ne fallait pas voter de loi, mais recourir à la négociation qui donnait de bons résultats. J’ai fini par comprendre la cause de cette volte-face puisque vous nous l’avez donnée hier : l’élection présidentielle et la rupture.
J’ai donc décidé de ne plus utiliser nos arguments, mais seulement ceux qui sont susceptibles de vous convaincre. Je vais vous faire une lecture qui nécessitera, je pense, une suspension de séance pour que nous reprenions, dans un esprit très consensuel, l’ensemble de nos travaux.
Je pense que nous avons la réponse à nos problèmes. Je vous demande d’appliquer les propositions du Président de la République. Sur cette question, nous sommes prêts à vous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J’ajoute que l’observation attentive des amendements socialistes et communistes est pleine d’enseignements pour nous. Là où le groupe socialiste propose, avec l’amendement n° 162, la signature de l’accord-cadre « par une ou des organisations syndicales ayant recueilli plus de la moitié des suffrages au premier tour des dernières élections professionnelles » – si j’ai bien compris –, M. Muzeau et ses collègues proposent, par l’amendement n° 56, la signature de l’accord « par une ou des organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés lors de la dernière élection professionnelle de représentativité organisée nationalement tous les cinq ans ».
De telles divergences montrent qu’il n’y a pas de consensus sur cette question complexe…
Bien des questions restent posées : combien de suffrages faut-il recueillir ? Sur quel type d’élection se fonder ? Selon quelle périodicité ?
Avis défavorable aux amendements.
Mais vous connaissez suffisamment le droit du travail pour n’avoir pas compris ce que vous avez lu. Le souhait que vous avez exprimé avec votre amendement traduit de l’impatience – je ne dis pas un manque de confiance dans les partenaires sociaux.
Quant à vous, monsieur Muzeau, je ne vous reconnais plus ! Je vous ai connu sénateur serein et patient ; je vous retrouve député impatient !
Vous voulez aller plus vite que la négociation en cours entre les partenaires sociaux. Les grands discours s’arrêtent toujours au mur des réalités. Les partenaires sociaux qui suivent nos débats pourront le constater : certains parlent de leur faire confiance et d’autres leur font effectivement confiance – et c’est nous, pas vous ! Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous ne pouvez pas nier, monsieur le ministre, que le bouleversement de la hiérarchie des normes a conduit à ce que des accords soient conclus par des syndicats minoritaires. Presque systématiquement, des recours s’en sont suivis – d’ailleurs difficiles à former car le droit d’opposition n’est pas si simple que cela à faire valoir –, quand les accords n’ont tout simplement pas été cassés par les tribunaux : la signature d’un accord majoritaire est toujours préférable.
Certes, vous êtes ministre du travail depuis peu de temps, mais j’imagine que vous avez révisé vos fiches comme vous le faisiez lorsque vous vous occupiez de la sécurité sociale, même si vous nous avez mis dans la vue 4 milliards de déficit supplémentaire !
Vous ne pouvez pas tourner autour du pot plus longtemps : si nous voulons redonner à notre droit du travail de justes fondements et prévenir les conflits – même s’ils auront lieu –, il faut poser la question de l’accord majoritaire. Beaucoup de grands patrons ont certes tenté de contourner le problème en organisant un vote du personnel sur des sujets simples : travailler 39 heures en étant payé 35 ou faire des heures supplémentaires obligatoires comme dans certaines brasseries alsaciennes.
Ces pratiques ont fait des ravages et les conflits sociaux se sont multipliés. On vient par ailleurs de citer la missive, que dis-je, l’ordre de M. Sarkozy puisque, depuis un mois, vous le rabâchez : Nicolas Sarkozy a parlé, le Parlement doit se coucher, la majorité n’ayant plus qu’à adopter ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Première proposition : « Je souhaite également, écrivait M. Sarkozy, adopter le principe de l’accord majoritaire ».
Deuxième proposition : « Je veux faire du dialogue social un préalable obligatoire et je propose pour cela de consacrer […] une règle simple, que j’inscrirai dans une loi organique : le Gouvernement devra proposer aux partenaires sociaux de négocier avant toute intervention d’un nouveau texte […]. » Faisons-le !
Troisième proposition : « Ce n’est que si la négociation échoue ou est refusée que l’État sera autorisé à intervenir. » Or vous proposez exactement l’inverse !
Je comprends que les esprits soient troublés, monsieur le président : au nom de mon groupe, je demande donc une suspension de séance de quinze minutes pour examiner le texte de cette lettre et le communiquer à nos collègues.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)
Forts de cette nouvelle certitude, nous constatons avec un certain désarroi que, malgré notre désir de parvenir à un vote unanime sur un amendement de consensus, la majorité et le Gouvernement marquent leur rupture totale avec le Président de la République.
Nous, l’opposition, n’avons pas vocation à être les gardiens du temple (Sourires), mais face à une majorité qui se dit légitime parce qu’elle s’engage à les tenir, c’est nous qui, dans le cas présent, exprimons les engagements de Nicolas Sarkozy, qu’Alain Vidalies connaît par cœur.
Il faut, dit-il, un nouveau souffle dans le dialogue social ; il faut que la loi ne prenne pas trop de place par rapport à la négociation sociale. Or, que nous propose le ministre ce soir, au banc du Gouvernement ? Un décret au lieu des négociations ! N’est-ce pas une trahison de la parole du Président de la République ? Ce n’est pas acceptable ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous proposons, dans un amendement de la même veine, que les propos de Nicolas Sarkozy, que l’accord majoritaire devienne la règle, afin de respecter la représentativité des salariés. Nous sommes d’accord en cela avec le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à une exception près.
Enfin, le candidat Nicolas Sarkozy concluait en disant que l’État ne sera autorisé à intervenir que si la négociation échoue ou si elle est refusée. Or que faisons-nous ? Nous légiférons, au cœur de l’été, pour que la loi s’impose à toutes les négociations, avec une date butoir très rapprochée !
Il est important pour la suite de nos travaux que vous repreniez vos esprits, chers collègues (Sourires) parce que vous êtes en train de trahir les engagements de votre candidat tout en ne cessant de nous dire que vous les exécuterez. Vous l’avez fait jusqu’à présent, j’en conviens, avec un certain sens du détail, mais sur cet amendement, il semble que vous ayez eu un moment de faiblesse. Il est tout aussi important que le Gouvernement nous dise s’il compte continuer à trahir la parole présidentielle – ce qui pourrait nous conduire à un débat à fronts renversés… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Dans l’esprit du législateur, la raison d’être du préavis de grève applicable dans le cadre du secteur public était de permettre de nouer un dialogue et d’ouvrir des négociations sur l’objet de la grève.
Le problème, même si l’on vous crédite de ne pas vouloir travestir la nature du préavis en délai supplémentaire afin d’organiser le service minimum, c’est que vous tenez à cette période de dialogue, en toutes circonstances, quel que soit le motif de la grève. Ce n’est plus du pragmatisme, c’est de la schizophrénie ! Comment en effet contraindre l’employeur et les organisations syndicales à discuter de sujets généraux de notre législation sociale sur lesquels ils n’ont pas le pouvoir d’agir directement ?
Les revendications professionnelles liées à l’organisation et aux conditions de travail, aux salaires, à la protection de l’emploi, à la prévoyance, aux droits collectifs, sont souvent internes à l’entreprise ou au secteur d’activité. Mais les griefs peuvent aussi être généraux, extérieurs à l’établissement, et les grèves interprofessionnelles ne sauraient être négligées. Si les griefs notifiés à l’employeur sont extérieurs à l’entreprise, rien ne justifie une négociation préalable.
A moins que, comme semblent le révéler les débats au Sénat, le Gouvernement ne veuille éviter que les salariés du secteur public des transports ne s’engagent dans une grève pour des motifs qui ne les concerneraient pas directement… Sachant que les mauvais coups à venir en matière de protection sociale auront du mal à passer, votre ambition, monsieur le ministre, serait-elle d’empêcher la participation des salariés du secteur public aux conflits nationaux interprofessionnels ? Décidément, les grèves de 1995 et celles, plus récentes, contre le CPE vous ont marqués ! Mais en enserrant ainsi l’exercice du droit de grève, vous allez conduire les travailleurs à faire entendre leurs désaccords et leurs aspirations par des actions plus radicales. Auriez-vous oublié Metaleurop ?
Notre amendement prend en compte la particularité des mouvements interprofessionnels ou spontanés. Pour éviter de placer les acteurs sociaux dans des situations ubuesques et insolubles, il vise à limiter la négociation préalable aux préavis déposés pour des motifs liés au fonctionnement de l’entreprise.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Comprenez que les employeurs ont sur ce point la même interrogation que les organisations syndicales. Ils se demandaient, devant la commission, ce qu’ils feraient face à une revendication visant la politique du Gouvernement et non la direction de l’entreprise.
Pour alléger ce carcan, nous vous proposons, après M. Muzeau, un amendement qui vise à préciser que ce dispositif ne s’applique qu’aux revendications dont la satisfaction relève d’une décision de la direction de l’entreprise. Il est en effet absurde d’imposer un tel système aux revendications interprofessionnelles, alors même que l’un des interlocuteurs n’est pas en mesure d’apporter de réponse, et cela risque de générer des crispations au sein de l’entreprise.
Il s’agit d’une vraie question pour les salariés et pour les entreprises. Si nous voulons être efficaces, il suffit de préciser – c’est ce à quoi tend notre amendement, que vous pouvez au demeurant sous-amender – que les revendications de nature interprofessionnelle échappent au champ d’application de la loi. Si les organisations syndicales qui déposent le préavis estiment qu’il s’agit d’une revendication de nature interprofessionnelle, et qu’elle concerne donc plusieurs entreprises, la décision n’appartient plus à la direction de l’entreprise ; dans le cas où cette interprétation de la revendication serait contestée, prévoyez une procédure d’arbitrage ou arbitrez vous-même, car telle est alors la fonction du ministre. Les acteurs concernés sont suffisamment responsables pour que cela ne pose pas de grandes difficultés. Ne vous abritez donc pas derrière le prétexte de ne pas savoir si l’on est face à un mouvement interprofessionnel ou à un conflit qui concerne seulement l’entreprise. Il me semble plus sérieux d’aller jusqu’au bout de votre démarche, afin de résoudre un problème qui risque de créer de graves difficultés dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Le droit actuel prévoit que chaque organisation syndicale est libre de déposer un préavis et responsable des suites qui en découlent. Votre texte évoquant, au pluriel, les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer un préavis, il s’agit d’une véritable révolution : les différents syndicats devraient parvenir à un accord avant tout préavis !
S’il s’agit d’une erreur – ce que j’espère –, le texte doit être précisé pour être conforme au code du travail. Si, en revanche, monsieur le ministre, vous confirmez la rédaction de cet alinéa, nous devrons débattre longuement de cette modification, qui serait alors l’une des plus importantes de votre projet.
Le texte de l’article 2 est clair sur ce point. L’alinéa 5, par exemple, montre que l’accord-cadre prévoit « les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève ». La précision apportée par cet amendement, qui a été accepté par la commission, correspond tout à fait à la démarche du projet de loi.
C’est un très bon amendement de précision.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Initialement, le texte visait l'ensemble des organisations syndicales représentatives au sein de l'entreprise. Mais, à la suite des auditions auxquelles la commission spéciale sénatoriale a procédé et en particulier à celle de la présidente de la SNCF, qui a souhaité que soient améliorées les modalités du système de prévention des conflits, le rapporteur a proposé que la procédure de négociation soit réservée aux organisations ou à l'organisation ayant initialement soulevé le problème.
Prenant l'exemple des syndicats de représentants des conducteurs qui ne partagent pas nécessairement les revendications sur les conditions de travail des commerciaux, Mme Procaccia a fait valoir en séance publique au Sénat que cette modification, qui se « contentait » de prendre en considération une pratique en vigueur à la SNCF et à la RATP, permettrait « d'alléger la procédure de négociation et éviterait d'avoir à débattre avec certains syndicats de revendications qui ne les concernent pas s'il s'agit de syndicats catégoriels ». Mais la souplesse ainsi recherchée va à l'encontre de l'objectif de renforcement du dialogue social interne à l'entreprise qu’affiche le texte. Il est à craindre également qu'une telle restriction ne conduise à segmenter les questions auxquelles les directions d'entreprises peuvent être confrontées, multipliant ainsi les sources de conflits.
Vous connaissez trop bien le monde de l'entreprise pour ignorer que des dispositions prises pour une catégorie de salariés doivent être conçues de manière globale, dans la mesure où elles ont un impact direct sur le quotidien professionnel de l'ensemble des salariés de l'entreprise, fussent-ils d'une autre catégorie. Vous ne pouvez penser un seul instant que les cadres intermédiaires, par exemple, ne seront pas directement touchés par les contraintes supplémentaires imposées aux salariés que le plan transport juge indispensables.
En outre, la solution restrictive retenue par le Sénat, sur laquelle, monsieur le ministre, vous avez du reste émis un avis de sagesse – peut-être nous surprendrez-vous encore ! – est ambiguë car, vous l'avez noté, « chaque négociation, et non pas seulement celle qui porte sur le préavis de grève, implique la convocation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives ». La négociation préalable à tout dépôt de préavis restreignant déjà largement l'exercice individuel du droit de grève, vous ne pouvez permettre qu'elle déroge en outre aux règles de droit commun en matière de négociation. Ou alors, dites-nous explicitement qu'elle est, en réalité, destinée à autre chose qu’à la négociation.
Par ailleurs, dans la mesure où vous acceptez les accords minoritaires et où l'article 3 du projet de loi rend impossible le dépôt d'un nouveau préavis sur le même sujet, cette disposition prive les organisations syndicales non consultées préalablement d'un moyen d'interpeller la direction de l'entreprise, donc, de la possibilité d’échanges portant sur leurs revendications, ce qui annonce la déresponsabilisation collective des acteurs sociaux. C'est socialement explosif et économiquement contre-productif.
Nous souhaitons donc que les employeurs soient tenus d'associer à la consultation l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise et non pas seulement l’organisation ou les organisations ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève. Tel est le sens de notre amendement n° 58. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a rejeté cet amendement, car il ne nous paraît pas souhaitable en l’occurrence de remettre en cause un ajout du Sénat. La concertation préalable avec les organisations qui envisagent de déposer un préavis de grève est, selon nous, un facteur de souplesse. En outre, rien n’empêche toutes les organisations qui le souhaitent de participer à la négociation. L’exemple de la RATP montre d’ailleurs le succès de ce dispositif, mis en pratique depuis plus de dix ans.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Cette procédure de révision annuelle, une fois l’accord signé, permet par exemple de prendre en considération l’inflation ou les augmentations individuelles. Or seuls les signataires des accords y sont aujourd’hui invités.
Il nous semble anormal que le texte prolonge ces dispositions défavorables au dialogue social et à la richesse de ses échanges, divisant ainsi les organisations syndicales et empêchant un dialogue collectif sur des questions pourtant indissociables, comme l’a rappelé Jean-Paul Lecoq en défendant notre amendement. On ne peut tenter de résoudre un problème catégoriel sans que cela excède la catégorie professionnelle concernée par le préavis de grève ou rejaillisse fortement sur l’ensemble de l’entreprise. C’est une question importante à laquelle vous devriez réfléchir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Sans doute émettrez-vous, dans un souci de cohérence, un avis favorable à cet amendement.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 18.
Naturellement, nous souhaitons tous que des accords puissent être signés sur cette question importante. Le décret en Conseil d’État sera, en quelque sorte, le dernier recours. Il ne vaudra qu’autant qu’un autre accord ne sera pas signé ; en pratique, si un accord est signé après le 1er janvier 2008, ses dispositions prévaudront sur celles du décret.
Pour des raisons évidentes d’harmonisation et de cohérence juridique, afin que les garanties soient les mêmes dans toutes les entreprises, il est nécessaire que le contenu minimal des règles applicables – soit le délai pour la négociation, le type d’informations à transmettre aux organisations syndicales représentatives ou les conditions d’élaboration du relevé de conclusion de la négociation préalable – soit identique dans tous les cas.
Cet amendement le précise très clairement s’agissant des accords-cadres, tandis qu’un amendement à venir le précisera pour les accords de branche.
Vous portez atteinte au droit de grève, c’est un fait. (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais vous portez aussi atteinte, nous semble-t-il, au droit à négocier. En effet, il est prévu huit jours de discussion au terme desquels un accord est, ou non, conclu. En cas d’accord, on en reste là : la vie continue. Mais s’il y a désaccord, on entre dans la logique du préavis, et la grève ne peut avoir lieu qu’au bout de cinq jours. Mais l’article L. 521-3 du code du travail continue de s’appliquer. Les parties intéressées doivent donc profiter de la durée du préavis pour poursuivre la négociation : c’est ce que nous rappelons dans ce sous-amendement. En effet, dans votre esprit, et dans la lettre de ce texte, ces cinq jours ne comptent pour rien : ce sont cinq jours inutiles, cinq jours de tension, pendant lesquels les gens attendent le début de la grève et ne se parlent plus. Cela nous semble extrêmement préjudiciable, non seulement au dialogue social, mais au service rendu aux usagers et à la vie de l’entreprise.
Il est donc très important pour nous de connaître votre sentiment sur ce sous-amendement. Si vous le refusez, ces cinq jours ne serviront qu’à décourager tout le monde et à semer le trouble dans l’entreprise ; ils représenteront du temps perdu et coûteront très cher à l’économie. Dans le cas contraire, vous acceptez que la discussion puisse continuer pendant cette période, afin d’éviter la grève.
Avis favorable sur l’amendement n° 18.
La réponse du ministre est troublante : bien que nous disions la même chose que Roland Muzeau, il accepte un amendement, mais pas l’autre. Pourquoi pas ? C’est son droit.
L’amendement n° 59 devient donc le sous-amendement n° 189. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.
Les auditions réalisées par la commission spéciale ont en effet montré que la procédure de préavis, inscrite dans le code du travail, et qui est en théorie une phase de négociation, restait souvent « un moment de silence avant l’orage ». Nous devons éviter cela et rendre, au contraire, ce délai productif. Le non-respect de la législation actuelle ne saurait en aucun cas justifier sa liquidation. Nous souhaitons donc réaffirmer son existence et son importance.
La parole est à M. François Brottes.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 189.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L’amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 167.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le soutenir.
Le deuxième alinéa concerne, lui, les accords de branche. On sait que les représentants des petites entreprises de transport – l’UPA notamment – ont fait connaître leur opposition au texte. Ils s’inquiètent, probablement à juste titre, du risque de se retrouver exclus des appels d’offres faute de pouvoir remplir les obligations fixées par la présente loi.
Vous savez, par ailleurs, qu’un accord de branche est évidemment plus long à négocier qu’un accord d’entreprise. Donc, la question du délai se pose de façon encore plus cruciale. Voilà pourquoi nous proposons de repousser la date butoir de 2008 au 1er janvier 2009. Nous précisons toutefois, même si cela peut paraître inutile, qu’il n’est pas nécessaire de discuter jusqu’au 1er janvier 2009 – tel n’est pas l’objectif poursuivi – mais, qu’il s’agit, au contraire, d’exprimer un souci partagé sur tous les bancs de cette assemblée, à savoir notre confiance dans le dialogue social. Par cet amendement, nous lui donnons tout le temps nécessaire pour s’exprimer et produire ses effets.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 168.
Il est assez incompréhensible que, quelques semaines après l’élection présidentielle et au cours d’une session extraordinaire dont le fil rouge est la traduction immédiate des engagements pris lors de l’élection présidentielle, et que nous avons combattus, le seul sur lequel nous étions probablement d’accord soit bafoué, alors qu’il touche au droit des organisations syndicales et à la démocratie sociale ! Vous devriez faire preuve de cohérence dans vos explications. Cela changerait quelque peu l’esprit du texte, sans pour autant le modifier dans sa totalité. Certes, vous nous avez expliqué l’année dernière qu’une loi n’était pas nécessaire, mais vous avez changé de position à la suite des engagements du Président de la République. De grâce, respectez-les !
Il reste que l'accord d’entreprise continue de prévaloir sur l’accord de branche. Cela signifie qu'il ne s'appliquera qu'à défaut d'accord d'entreprise et qu'il cessera de s'appliquer dès que l'entreprise aura satisfait à ses obligations, même si l'accord d'entreprise est moins complet, moins-disant socialement et même s'il a été signé par une minorité de syndicats. Jusqu'à présent, conformément aux articles L.132-13 et L.132-23 du code du travail, ce sont les signataires des accords interprofessionnels ou de branche qui déterminaient la portée exacte qu'ils entendaient conférer au contenu des accords qu'ils négocient. Ainsi, sont insérées dans les accords des clauses impératives et des clauses supplétives. Par ce texte, le législateur s'immisce et pose autoritairement et d'une façon générale que les accords de branche ne pourront être que supplétifs. Avez-vous pris la mesure d'un tel glissement, monsieur le ministre ?
Un tel système est complexe, mais il est, de surcroît, source d'insécurité pour les salariés des plus petites entreprises. C'est pourquoi nous avons choisi de réécrire en totalité la partie de l'article consacrée aux accords-cadres de branche. Ainsi, notre amendement dispose-t-il que les modalités d'organisation et de déroulement de la procédure de prévention des conflits définies au niveau de la branche s'appliquent de plein droit et sans restriction aux entreprises relevant du champ couvert.
Par ailleurs, « parce que négocier ne peut se résumer à un ensemble de techniques, mais doit être vu comme une pratique fondée sur la reconnaissance de l'autre » comme l'a justement rappelé Jean Kaspar, vice-président de l'Observatoire social international, notre amendement renforce la légitimité à conclure des acteurs sociaux en exigeant que ces accords fassent l'objet d'une majorité d'engagement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Comme François Brottes l’a précédemment souligné, nous sommes dans un nouveau contexte puisqu’il s’agit de l’accord-cadre et essentiellement du décret. Vous avez parfaitement expliqué que le décret était supplétif à l’existence même de l’accord. On se limitera donc à constater l’existence d’un accord, qui interviendrait a posteriori de la publication du décret, sans s’intéresser à son contenu. J’aimerais obtenir confirmation de M. le ministre et de M. le rapporteur sur ce point. Il suffira donc qu’il y ait un accord quelles que soient les différences entre cet accord et le contenu du décret, ce dernier étant supplétif et non d’application.
Plus encore, vous remettez en cause le droit commun de la hiérarchie des normes telle quelle résulte – et vous le savez – de la loi du 4 mai 2004.
Vous savez, comme moi, que le législateur a respecté cet équilibre en faisant primer l’accord d’entreprise sur l’accord de branche, sauf quand ce dernier en a décidé autrement et sauf dans un certain nombre de matières limitativement énumérées : salaires minimum, classifications, protection sociale, complémentaire, mutualisation des fonds de formation professionnelle. Pourquoi rouvrir ce débat aujourd’hui ?
Enfin, la loi du 4 mai 2004 a expressément fixé un rendez-vous au 31 décembre 2007 pour dresser le bilan de ces dispositions. Nous en reparlerons certainement à ce moment-là.
Monsieur Vidalies, dès lors qu’il est conforme à la loi, l’accord, quel que soit son contenu, prime sur le décret. Vous attendiez cette précision que je vous donne bien volontiers.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mieux vaut pour vous être plus proche du terrain, mais la situation n’est pas la même dans une entreprise de mille salariés que dans une entreprise de dix ou vingt salariés. Que l’on se place du point de vue des salariés ou de celui des chefs d’entreprise, la seule façon pour que la démocratie sociale fonctionne, c’est qu’il y ait une référence commune au niveau de la branche professionnelle. Sinon, ça n’a pas de sens, et c’est toute la difficulté que crée l’atomisation du droit du travail à travers les exceptions prévues dans des accords d’entreprise.
Si nous voulons faire vivre la démocratie sociale, nous avons intérêt à placer la notion d’accord de branche au cœur de notre réflexion. C’est sur elle après tout que s’est construit le droit collectif du travail, le droit de l’entreprise n’étant venu que plus tard, sous des formes toujours dérogatoires, avec des assouplissements. Ce n’est pas juste et cela ne donne aucune cohérence.
Monsieur le rapporteur, on ne va pas refaire ici tout le débat de la loi de 2004. J’ai bien compris que la commission avait ressorti les fiches de l’époque, mais les meilleurs interprètes de la position commune, ce sont encore ceux qui l’ont signée. Or les organisations syndicales, à l’unanimité, ont fait savoir qu’il y avait eu un détournement de leurs intentions. Quand on prétend traduire dans la loi un accord, encore faut-il ne pas trahir ceux dont on utilise la pensée et la parole.
C’est un point important et, si vous souhaitez qu’on engage à nouveau le débat sur cette question, je suis prêt à le faire. C’est une question de confiance, pour ce texte mais aussi pour l’avenir, envers la parole des organisations syndicales et des partenaires sociaux en général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, vous usez et abusez des références à la position commune, je ne suis pas certain d’ailleurs que ce soit votre livre de chevet. Peut-être était-ce le cas pour M. Fillon et pour M. Larcher, mais vous, vous êtes trop nouveau dans votre fonction pour vous rappeler précisément ce qu’a été la position commune.
Lorsque vous vous pencherez un peu plus sur la question, vous verrez que cette position commune a été l’objet d’un détournement politicien totalement scandaleux. Lors de toutes les auditions auxquelles j’ai assisté au Sénat, et je ne pense pas en avoir loupé beaucoup, les organisations syndicales qui étaient à l’initiative de cette position commune ou en ont été signataires ont toutes dénoncé l’utilisation malhonnête qu’en a faite le précédent gouvernement.
Si vous voulez, nous pouvons organiser une audition, à la commission spéciale ou dans toute autre commission. Nous demanderons à ces organisations syndicales, sans leur souffler la réponse, si, pour elles, un accord d’entreprise peut avoir un régime de faveur par rapport à un accord de branche. Toutes vous répondront que, dans leur esprit, les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche, mais à condition de les améliorer.
Les gouvernements successifs utilisent depuis trois ans cette position commune, mais en se gardant bien d’évoquer les commentaires des partenaires concernés. Moi, je vous les apporte. Alain Vidalies l’a fait il y a quelques instants. Si vous voulez que nous parlions en séance publique des avis des différents signataires, il n’y a qu’à les réunir. Ils viendront et ils vous donneront les explications nécessaires.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le défendre.
Nous avions un système cohérent avec ces deux principes, mais nous n’avons pas été assez vigilants lorsqu’il aurait fallu accompagner l’évolution de notre droit social.
Au nom de la souplesse ou de la nécessité d’être près du terrain, on a laissé introduire des dérogations. Lorsque la dérogation est le résultat d’un accord de branche, ça peut se comprendre compte tenu des exigences de la branche. Pour avoir une garantie, il faudrait exiger un accord de branche majoritaire et là, on serait dans la souplesse et on pourrait le comprendre. Mais, depuis 2002, à chaque fois que l’on prévoit une dérogation, on fait référence, presque comme à une clause de style, à un accord de branche ou d’entreprise, comme si c’était la même chose. Ce sont deux choses totalement différentes, y compris pour les salariés et pour les entreprises.
La construction élaborée par d’autres responsables politiques, sous d’autres républiques même, par l’ensemble des organisations syndicales, nous n’avons pas été assez attentifs au fait qu’elle était probablement un acquis collectif qu’il nous appartenait de défendre. Nous sommes passés dans un autre régime, qui est finalement une atomisation du droit du travail, qui aboutit à faire de la question sociale un élément de concurrence entre les entreprises.
Dans l’ancien système, si une convention collective prévoyait le versement d’un treizième mois, la seule chose que pouvait faire un accord d’entreprise, c’était d’en accorder un quatorzième. Aujourd’hui, une entreprise peut très bien essayer de passer un accord pour supprimer ce treizième mois sous prétexte qu’elle est en difficulté. On sait très bien ce que feront alors les patrons des autres entreprises, et voilà comment, progressivement, on organise un alignement par le bas, qui pose aussi la question du mode de recrutement dans ce genre d’entreprises.
Je crois que c’est un très mauvais système. Cela fait des années que nous nous battons pour essayer de revenir à la conception traditionnelle du droit normatif de la convention collective, et c’est ce que nous essayons de rappeler dans cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je pense que tel n’est pas le cas, mais imaginons que vous ayez derrière la tête l’idée que l’accord d’entreprise peut permettre de diminuer certains avantages que l’accord de branche a donnés aux salariés. Imaginez à l’inverse la position d’un certain nombre de petites entreprises de transport.
Imaginez un dumping social à l’intérieur de l’Hexagone sur un certain nombre de cotraitances en matière de transport. Il y a de nombreux exemples et de nombreux contentieux ouverts à ce sujet pour des entreprises dont le siège social est ailleurs. En refusant une certaine directive, nous parlions de la concurrence. Vous êtes en train de l’ouvrir en permettant qu’il y ait en France du dumping social.
Prenons un autre exemple. Des compagnies à bas coût vont bientôt intervenir aussi dans le monde ferroviaire. Comment pourront-elles résister si vous permettez à un accord d’entreprise d’ouvrir le champ du dumping social dans l’Hexagone ?
Interrogez les patrons de petites entreprises de transport, ou d’autres petits entrepreneurs d’ailleurs. Je pense, à l’intérieur de l’UPA, à des métiers de bouche. Vous verrez quelle sera la réponse. Ils sont aujourd’hui protégés parce qu’il y a un accord de branche mais, si vous continuez dans la voie où vous vous êtes engagés, ils ne le seront plus. Puisque vous ne voulez pas agir pour les salariés, faites-le pour les petits entrepreneurs, ceux en tout cas qui sont en situation de faiblesse dans un contexte tendu de concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
Depuis un certain temps, on sent bien que le Gouvernement a décidé de ne pas vraiment nous répondre, y compris sur des questions de fond. Je vous demande donc, monsieur le président, au nom de mon groupe, une suspension de séance de quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 61 et 171.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre l’amendement n° 61.
En effet, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 22 juillet 1980 qu'il appartient au législateur de déterminer les limites du droit de grève ; il a souligné que ce droit a valeur constitutionnelle et que la loi ne saurait autoriser aucune délégation au profit du Gouvernement, de l'administration ou de l'exploitant du service en vue de réglementer ce droit. L'intervention du législateur est donc indispensable pour aménager son exercice.
Ce principe de l'intervention du législateur pour réglementer le droit de grève est également posé par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Il est aussi affirmé par l'article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale et de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
En renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable, l'article 2 du projet de loi laisse au Gouvernement le soin de déterminer les modalités d'application des conditions d'exercice de cette négociation. Il confie ainsi au pouvoir réglementaire le soin d'édicter des normes relatives à la négociation préalable qui constituent un élément substantiel des modalités d'exercice du droit de grève. En se déclarant incompétent au profit du pouvoir réglementaire, le législateur viole l'article 34 de la Constitution.
En tout état de cause, il serait plus pertinent, au regard de l'objectif d'amélioration du dialogue social, de renoncer à ce que des actes unilatéraux s’imposent aux partenaires sociaux.
Or, comme Alain Vidalies l’a exposé hier en défendant l’exception d’irrecevabilité, nous rangeons l’inobservation de la répartition des compétences entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif parmi les motifs établis d’inconstitutionnalité. Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, que M. Lecoq vient de rappeler très justement, la définition des modalités du droit de grève, droit de valeur constitutionnelle, relève exclusivement de la loi.
Notre collègue Vidalies avait également évoqué hier la décision du Conseil constitutionnel de juillet 1980, mais également celle du 25 juillet 1979, qui concerne d’encore plus près le dispositif dont nous débattons actuellement, puisqu’elle reconnaissait au seul pouvoir législatif le soin de concilier l’exercice des deux principes de valeur constitutionnelle que sont le droit de grève et la continuité des services publics. En d’autres termes, comme Alain Vidalies l’a démontré très précisément hier, le Conseil constitutionnel a rappelé que la conciliation entre le droit de grève et la nécessité du maintien et de la continuité du service public devait être assurée exclusivement par le législateur.
Pourtant l’alinéa 3, dont ces deux amendements tendent à la suppression, renvoie au décret l’organisation d’un dispositif qui réglemente en fait l’exercice du droit de grève, puisqu’il y est indiqué que les règles d’organisation ou de déroulement de la négociation préalable devront respecter les conditions posées au II. Quelles sont-elles ?
Premièrement, les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu – n’est-ce pas là, mes chers collègues, une modalité de l’exercice du droit de grève ?
Deuxièmement, le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification – il s’agit là encore de fixer une modalité d’exercice du droit de grève.
Troisièmement, la durée dont l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I – le décret va donc fixer les modalités du droit de grève.
Quatrièmement, les informations qui doivent être transmises par l’employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation – il s’agit donc bien de réglementer l’exercice du droit de grève…
Cinquièmement, les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l’employeur se déroule – il s’agit là encore de réglementer l’exercice du droit de grève.
Sixièmement, les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer – il s’agit bien d’une modalité de l’exercice du droit de grève !
Les dernières, mais non les moindres, dont le respect s’impose sont les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable...
Autrement dit, par l’alinéa 3 de l’article 2, vous donnerez bel et bien au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer, par décret en Conseil d’État, les modalités d’exercice du droit de grève !
On comprendra dès lors la rigueur avec laquelle nous défendons ce principe : nous ne pouvons renvoyer à un décret la fixation des modalités d’exercice du droit de grève. Nous le pouvons d’autant moins que le refus opposé à nos propositions de revenir sur la date du 1er janvier 2008 nous a éclairés : il s’agit d’une instrumentalisation visant à exercer une véritable pression sur le dialogue social. Autant de raisons pour lesquelles il convient de supprimer l’alinéa 3 de l’article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour ce qui est de l’essentiel, la vérité est que, spontanément, vous êtes tous d’accord sur le dialogue social,…
Quant au nouveau point que vous avez soulevé, en évoquant la décision du Conseil constitutionnel, le projet a pris soin d’éviter l’incompétence négative : on a veillé à ce que le législateur épouse complètement sa responsabilité à cet égard. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le contenu de l’accord et celui du décret sont précisément définis dans le projet de loi. Certains auraient certes pu penser que ce texte, qui est une loi cadre, resterait très général, mais il se trouve être beaucoup plus précis, afin d’éviter aussi le péril de l’incompétence négative. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
Monsieur le président de la commission spéciale, votre démonstration selon laquelle nous tiendrions à recourir à la loi parce que nous ne serions pas favorables au dialogue social est un peu aventureuse ; l’argumentation de M. Le Bouillonnec, qui reprenait une partie de notre exception d’irrecevabilité, a bien souligné qu’il s’agissait d’une question de constitutionnalité. C’est la loi, et la loi seule, qui a la possibilité d’aménager le droit de grève, comme l’a exprimé le Conseil constitutionnel.
M. le ministre, qui l’a bien compris et a affiné sa réponse depuis hier, vient non pas de répondre spontanément, mais de lire très précisément mot à mot ce qui servira de réponse à l’argumentation que j’ai développée hier et qui a été reprise par M. Le Bouillonnec sur la question de l’incompétence négative. Je partage sur ce point, monsieur le ministre, votre diagnostic juridique, contre M. Mariton : le règlement ne peut intervenir que si la loi est assez précise et s’il s’agit d’un règlement d’application. Il m’a ainsi paru très intéressant que le rapporteur parle de décret supplétif…
Il m’a donc semblé beaucoup plus intéressant de voir ce qu’il en était des positions du Président de la République maintenant qu’il est élu. Nous avons donc fait quelques recherches sur la journée du 25 mai 2007. Je vous vois acquiescer, monsieur le ministre : il est vrai que vous étiez acteur dans cette affaire…
À la sortie de cette réunion à laquelle vous avez participé, les organisations syndicales avaient reçu des engagements assez précis. Le président élu semblait moins pressé et les négociations ne devraient pas commencer avant l’automne. M. Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, avait déclaré que M. Sarkozy était prêt à laisser les partenaires sociaux négocier et avait bien indiqué qu’il ne recourrait à la loi que si la négociation traînait trop. Même satisfecit de la part de Jacques Voisin, de la CFTC, qui déclarait que le Président de la République était « d’accord pour reconnaître que l’alarme sociale peut apparaître comme le dispositif utile et répondant à ses préoccupations ». Le communiqué de la présidence de la République, quant à lui, indiquait que « le Président a clairement exprimé son désir de privilégier systématiquement la négociation, de laisser la main aux partenaires sociaux. Dès qu’une négociation sera ouverte, il n’y aura pas d’interférence de la part du Gouvernement ».
N’hésitez pas à consulter vos sources, M. Vidalies : je vous dis la vérité. Sur ce point précis, il était question de l’ensemble des négociations menées sous l’égide du patronat avec l'ensemble des organisations syndicales de salariés, ainsi que l’UPA et la CGPME. C’était bien de cela qu’il s’agissait, et de rien d’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce qui importe, c’est de bien montrer les limites de notre exercice. Ayant quelque habitude des débats parlementaires et y prenant goût, je vois bien que vous avez choisi votre terrain et que vous cherchez depuis tout à l’heure à peaufiner des arguments juridiques. Le juridique et le politique ne sont certes jamais très éloignés, mais vous avez choisi de saisir directement le Conseil constitutionnel, car vous savez que vous n’avez pas d’arguments politiques.
Pour un député, pour le législateur, il n’y a pas de honte ni rien de péjoratif à vouloir mettre du droit dans la loi. J’espère même que cette conception du droit et de son élaboration collective est partagée. L’idéologie n’a rien à voir là-dedans, car il s’agit ici du rapport à la loi et de l’État de droit. Je n’irai pas au bout de ma pensée quant à l’opposition que vous venez de faire entre la politique et la loi, mais permettez-moi de vous dire que vous ne nous avez guère habitués à de tels propos.
Je tiens à vous répondre sur un point, monsieur le ministre, car lorsque vous êtes pris en défaut – on n’a pas forcément raison sur tout ! –, vous utilisez immédiatement des arguments qui sortent des sentiers battus. Vous pouvez ne pas partager ma position, mais je m’étonne que vous me répondiez en affirmant que le communiqué n’avait rien à voir avec le texte dont nous débattons aujourd’hui, puisque la position des organisations syndicales concernait un ensemble d’autres questions. J’ai pourtant pris le soin de citer des réactions claires, comme celle de Jacques Voisin, de la CFTC, qui indique que le Président de la République est « d’accord pour reconnaître que l’alarme sociale peut apparaître comme le dispositif utile ». Pensez-vous qu’un autre sujet que celui dont nous débattons aujourd’hui puisse amener à s’exprimer sur l’alarme sociale ? C’est bien sur le problème dont nous débattons que portaient, uniquement et strictement, les réactions que j’ai citées. L’alarme sociale est au cœur de notre débat.
Vous aurez beau inventer toutes les explications a posteriori, le Gouvernement et le Président de la République ont changé de position. Ce ne sont pas vos réactions qui empêcheront l’opposition de le dire haut et fort. J’ignore s’il s’agit de politique ou de droit, mais c’est au moins l’expression de nos convictions et nous allons continuer à les exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, pour vous être agréable, il s’agit là d’une question politique, et non pas juridique – car cela m’échapperait : qu’est-ce qu’un décret qui n’est pas obligatoire ?
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Votre refus me fait croire que le seul but de la loi est de restreindre les droits des salariés, en privant les salariés de la nécessaire présence syndicale.
Il nous a été dit de manière tout à fait explicite que beaucoup de chemin avait été parcouru…
Les syndicats ont certes besoin de moyens ; mais la revendication de cent permanents exprimée par la CGT paraissait tout à fait surréaliste. Il nous a été indiqué, et c’est plausible, que c’était une des causes de l’absence de succès de la discussion sur l’alarme sociale.
Mais au-delà, monsieur Mariton, dans le dialogue social entre les partenaires sociaux, que cela avance ou non, ce que le politique a de mieux à faire, c’est de se taire. Évidemment, la seule chose qui compte pour nous, c’est que l’accord intervienne. Mais nous savons bien que la négociation met en œuvre des tactiques, et que les chemins pour parvenir à l’accord sont tortueux. Quelles conséquences voulez-vous tirer de l’argument que vous venez d’utiliser aujourd’hui ?
Notre conviction – je sais que vous ne la partagez pas – c’est que si nous en sommes là aujourd’hui c’est justement parce que, alors qu’il existait un accord à la RATP et un accord à la SNCF, certains n’ont pas voulu de l’accord et ont exigé une loi. Ils ont même osé dire qu’ils ne signeraient pas d’accord parce que le Président leur avait promis une loi et aujourd’hui ils ont satisfaction. Et il faudrait encore les féliciter et tirer des conséquences de leurs propres arguments sur les raisons de l’absence d’accord et de leur refus de négocier !
Monsieur le président de la commission spéciale, quand on veut citer une audition, il faut le faire complètement. Lors de cette même audition par la commission spéciale des responsables du MEDEF et de l’UTP, et cela nous avait été dit également par les syndicats lorsque nous les avions reçus tous ensemble auparavant, il a été indiqué que l’UTP et le MEDEF ne voulaient pas d’un accord – et n’en veulent sans doute toujours pas. Cela n’a d’ailleurs été démenti ni par l’UTP ni par le MEDEF. Et ils ont utilisé cet argument des demandes trop importantes qui auraient été formulées par des organisations syndicales.
Pour ma part, je crois que, dans une négociation, il y a toujours des points relativement éloignés mais que lorsque l’on a envie d’arriver à un résultat, on cherche les points de convergence.
Permettez-moi de citer le rapport du Sénat : « Michel Cornil, président de l’UTP, a rappelé que son organisation rassemblait les entreprises de transport, au nombre desquels Transdev, Keolis et Veolia, ainsi que la RATP et la SNCF. Il a indiqué que l’UTP avait participé activement aux travaux de la commission Mandelkern, en 2004, et qu’elle avait ensuite engagé avec plusieurs organisations syndicales une négociation qui n’a pas abouti, sur la question de la continuité du service public. » C’est bien là-dessus que la discussion a achoppé : sur la question de la continuité du service public et sur rien d’autre.
En l’absence des intéressés, puisque les discussions ont été sectorisées, en lieu et place d’une table ronde réunissant patrons et organisations syndicales, c’est sur cette question de la continuité du service public que l’accord a achoppé. Par la suite, en 2006, l’UTP a été associée à l’élaboration d’une charte sur la prévisibilité du service public de transport en période de perturbation initiée par le ministre des transports, Dominique Perben, dont je rappelle qu’il était hostile à cette loi. « L’UTP », conclut Michel Cornil, « a enfin été consultée pour l’élaboration de ce projet de loi ». La boucle est bouclée : l’UTP est ravie, car elle a torpillé la négociation avec les organisations syndicales. C’est inscrit dans le rapport du Sénat !
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 62.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
Votre texte reste muet sur la possibilité de dépôt de préavis en cas d’échec de la négociation. C’est pourquoi nous avons souhaité préciser avec cet amendement qu' « En cas de carence ou d’échec de la négociation acté par l’inspection du travail ou de constat de désaccord, le préavis peut être déposé avant l’expiration de cette durée ».
Sans cet amendement de précision, la durée entre l’annonce de la volonté de faire grève et le déclenchement effectif de celle-ci pourrait atteindre treize jours ! Cela constituerait une entrave injustifiée aux capacités d’action des syndicats et nuirait évidemment au bon fonctionnement de l’entreprise. Or, si les négociations échouent, la grève reste l’ultime moyen pour faire entendre la voix des salariés qui, nous n’avons cessé de le montrer depuis hier, n’ont pas pour habitude d’abuser de la pratique du dépôt de préavis.
Au final, notre amendement permettrait de ne pas sombrer dans l’attente, mais d’utiliser le dépôt du préavis comme avertissement à la direction pour faire évoluer une situation enlisée. Il permettrait de donner un nouveau souffle au contenu de la négociation dans la période de préavis, car en accélérant le dépôt de préavis, il anticipe la deuxième négociation obligatoire et permet ainsi d’évoluer plus vite vers un accord entre salariés et direction.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Christian Blanc, pour le soutenir.
La parole est à M. le ministre.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
Vous auriez très bien pu imaginer un dispositif qui, même si nous n’en sommes pas d’accord, reste propre aux conflits internes à l’entreprise. Que feront en effet les organisations syndicales et les chefs d’entreprise en cas de revendications interprofessionnelles ? Celles-ci ne sont pas une invention de l’opposition ! Dès lors, que se passera-t-il concrètement sur le terrain ? La question est d’autant plus importante que le non-respect des dispositions du texte est passible de sanctions, notamment pour les salariés. N’allons-nous pas nous trouver là dans une conflictualité inimaginable faute d’avoir fait une loi compréhensible ? Or, abstraction faite de tout jugement de valeur sur son contenu, ce dispositif n’est pas compréhensible.
Il était de la responsabilité du Gouvernement de proposer un texte cohérent et il ne me semble pas invraisemblable de rechercher un système ou une procédure d’arbitrage pour distinguer ce qui relève des revendications propres à l’entreprise, soumises au processus que vous nous proposez, et ce qui relève des revendications interprofessionnelles qui ne disparaîtront pas du jour au lendemain ! Souvenons-nous de la crise du CPE ! Il n’était pas question de mettre en place un tel système au niveau de chaque entreprise. Un cadre législatif unique n’exposera-t-il pas à des sanctions les salariés ayant participé au mouvement ? Et que va-t-on dire aux chefs d’entreprise ? Qu’ils doivent organiser ce processus parce que le Gouvernement a décidé que toutes les grèves se ressemblaient ! Non, ce n’est pas la réalité ! Vous invoquez souvent le principe de réalité de la vie économique et sociale, eh bien, en voilà une illustration ! Ce n’est pas nous qui inventons cette distinction, elle existe, c’est une réalité, tout le monde ici le sait bien !
Trouvons un dispositif qui corresponde clairement à ces deux réalités. Tel est l’objectif de cet amendement. Car, même si nous éludons la question ce soir, nous y serons nécessairement confrontés et, faute d’avoir mené à bien ce travail à l’Assemblée, nous mettrons demain les salariés et les chefs d’entreprise face à des problèmes insolubles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je résume la question : les conflits interprofessionnels entrent-ils dans le champ de l’article 2 ?
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.
Si vous n’aviez pas mis tant d’acharnement et de démagogie à vouloir réaffirmer de manière législative le principe de non-paiement des jours de grève, pour mieux accréditer dans l’opinion l’idée fausse selon laquelle les salariés grévistes du secteur public seraient des privilégiés en ce domaine, je ne serais pas intervenu sur cette question dès l’article 2.
Mais, monsieur le ministre, comme vous aimez invoquer des règles bien établies, appliquées et confortées par la jurisprudence, vous ne verrez pas de difficultés à ce que je profite à mon tour de l’occasion pour clarifier pleinement la situation en rappelant à chacun, en particulier aux partenaires amenés à négocier l’accord cadre de prévention des conflits, qu’il existe des dérogations au principe de non-paiement des grévistes.
Ainsi, la jurisprudence admet que l’employeur puisse être contraint de payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires « lorsqu’ils se sont trouvés dans une situation contraignante telle qu’ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d’un manquement grave et délibéré de l’employeur à ses obligations ». Lorsque des dispositions d’ordre public social sont violées – en cas de non-respect de la procédure en matière de licenciement, ou de mauvaise foi dans la conduite de négociations –, l’employeur s’expose au paiement de la fraction des salaires perdus en raison de la grève. Dans un arrêt du 21 mai 1997, la Cour de cassation a confirmé un jugement de conseil des prud’hommes condamnant l’employeur à payer des heures de grève à ses salariés ayant cessé le travail à la suite de son refus de négocier en vue de la suppression d’une prime illicite les incitant à dépasser la durée normale du travail et les temps de conduite autorisés – vous voyez que, en l’espèce, il s’agissait bien de transport.
L’amendement n° 64 ne propose rien d’autre que de transcrire de manière législative l’existence de telles dérogations. En outre, afin que chacune des parties de la négociation soit pleinement informée des conséquences d’une grève en cas d’échec de la procédure de prévisibilité des conflits, nous proposons que figurent dans l’accord cadre des dispositions explicitant les conditions dans lesquelles pourront être opérées les retenues sur le traitement ou sur le salaire.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 178.
C’est pourquoi je trouve que le projet de loi prend beaucoup de risques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’en est un que de dire aux responsables de l’entreprise et aux organisations syndicales que, même si leur histoire a été prise en compte, ils tomberont désormais sous le coup du droit commun, dont on ne sait d’ailleurs pas exactement ce qu’il est. Que prévoira l’accord cadre ? De quelle prévisibilité disposons-nous ? À mon sens, vous prenez un risque inutile qui, dans tous les cas, va modifier la règle pour les partenaires sociaux. Comment réagiront-ils face à cette intrusion du pouvoir politique ou de la loi dans le mécanisme qu’ils ont réussi à organiser et qui, d’une certaine façon, nous sert de référence, puisque nous voulons le généraliser ?
La première mesure de bon sens, tout au moins de prudence, serait d’acter l’existence de ces accords et de laisser aux entreprises concernées leur autonomie par rapport à la loi. J’insiste sur le risque qu’il y a à transformer du cousu-main en prêt-à-porter, et à substituer à de tels accords le droit commun. Même s’il y a peu d’exemples de ce type dans notre pays, reconnaissons que certains syndicalistes et certains chefs d’entreprise ont réussi, par leur travail, une œuvre que nous nous accordons à trouver bonne. Pourquoi ajouter un grain de sable dans cet engrenage, au risque de gripper les rouages ?
Nous touchons au cœur du problème, monsieur le ministre. Même si les médias ne s’en font pas largement l’écho, votre réponse à M. Brottes, que nous avions anticipée dès le début du débat, est capitale. Je le dis gravement : si l’on va au bout de la mécanique de votre projet de loi, ce ne sont pas vos attaques ponctuelles, auxquelles nous répondrons par la suite, ce qui remettent véritablement en cause le droit de grève, mais la manière dont vous assimilez les grèves interprofessionnelles aux conflits d’entreprise, et votre volonté que chaque entreprise suive une même procédure, y compris pour des revendications interprofessionnelles.
Vous le savez fort bien : les grèves les plus longues et les plus difficiles qu’a connues notre pays ont été, à quelques exceptions près, des mouvements interprofessionnels. Ce sont eux que vous visez. L’attaque est du reste habile et le texte bien ciselé – mais il ne peut pas fonctionner. Quand on atteint un tel niveau de conflit – je vous renvoie à tous les grands mouvements de l’histoire depuis 1963 –, et quelles que soient les règles de droit qu’on ait imaginées, les conflits entre les hommes relèvent d’une solution politique et non plus d’un cadre juridique. Or vous ne laissez pas d’autre porte de sortie. En instaurant ce système, en effet, vous voulez, sinon interdire la grève, du moins dissuader tous les salariés de la faire et, en les obligeant à respecter de telles procédures, rendre quasiment impossible l’expression d’un mouvement de grève collectif et interprofessionnel dans l’ensemble du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il vise à dispenser la SNCF et la RATP de renégocier l’ensemble de leurs accords, ce qui serait nécessaire si le projet de loi était adopté en l’état, car leurs accords portent sur le dialogue social en général, dont la procédure de prévention des conflits ne constitue qu’une petite partie.
En même temps, il prévoit que, comme l’ensemble des entreprises, elles se mettent en conformité avec l’article 2 du projet de loi, car il n’y aucune raison pour qu’elles bénéficient d’un traitement particulier à cet égard ou d’un délai supplémentaire, comme celui que prévoyait le Sénat.
Cette solution est du reste conforme aux déclarations tant de Mme Idrac que de M. Mongin, reçus la semaine dernière par notre commission. Mme Idrac a confirmé sa demande que le dispositif s’applique à la SNCF dès le 1er janvier 2008, en précisant d’ailleurs que certaines clauses portant sur la continuité et la prévisibilité du service public avaient déjà été introduites dans les conventions renégociées ces derniers mois ou négociées dans le cadre du STIF. M. Mongin, quant à lui, s’est déclaré plutôt favorable à une mise en conformité de sa convention avant le 1er janvier 2008, estimant qu’un délai d’incertitude supplémentaire créerait des perturbations.
La commission a par conséquent repoussé l’amendement n° 178, en contradiction avec la démarche qu’elle a adoptée en votant l’amendement n° 22.
Si tout allait bien, M. Vidalies aurait sans doute raison. Mais, dans 84 % des cas, les faits lui donnent tort !
Par ailleurs, l’amendement introduira davantage de cohérence dans la mise en œuvre effective des procédures de prévention des conflits, puisqu’une seule date – le 1er janvier 2008 – sera retenue pour toutes les entreprises.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 22 et défavorable à l’amendement n° 178.
Chacun l’a compris : cette manière d’imposer un accord aux partenaires sociaux est inacceptable. Elle appelle en outre une question : que se passera-t-il si l’une des parties refuse de signer l’avenant, parce que le complément qui manque, afin de respecter les accords-cadres, ne lui convient pas ou qu’on ne réussit pas à trouver un accord ? Vous me répondrez sans doute qu’un décret interviendra. Mais la partie de l’accord qui avait déjà été signée et validée sera-t-elle caduque ou continuera-t-elle à s’appliquer, de sorte que le décret n’instituera que la partie manquant au dispositif que vous souhaitez instituer ? C’est là une question importante, monsieur le rapporteur, car on ne peut décréter, comme vous le faites, que l’avenant sera signé par tout le monde : il ne suffit pas de taper du pied pour que les partenaires soient d’accord. Que se passera-t-il dans l’hypothèse où l’avenant ne serait pas signé par l’ensemble des parties ?
En revanche, adopter l’amendement n° 22 revient à décider, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, si un avenant n’est pas signé à la SNCF et à la RATP, le Gouvernement engagera le 1er janvier 2008, par la voie réglementaire, la modification de la totalité des accords existants. Voilà le sens de votre amendement, toute autre explication est superflue !
La réalité que nous venons de découvrir, c’est donc que le 2 janvier 2008, un décret viendra modifier les rapports sociaux dans ces entreprises. Telles seraient les conséquences du rejet de notre amendement n° 178, et surtout de l’adoption de l’amendement n° 22. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je mets aux voix l’amendement n° 178.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement est adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue le mercredi 1er août 2007 à une heure cinq, est reprise à une heure quinze.)
Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.
(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour soutenir l’amendement n° 75 rectifié.
Quand on sait les enjeux que la sécurité représente dans ces secteurs, cela fait froid dans le dos. On sait que les salariés intérimaires ont un niveau de qualification moindre que les fonctionnaires ou les salariés en contrats stables, qui ont également plus d’expérience et de savoir-faire. En outre, le recours au temps partiel imposé est abusif. Il représente ainsi 33,6 % dans le transport routier de voyageurs, comme le mentionne le bilan social du Comité national des transports. Si le transport scolaire influe de manière importante sur ces chiffres, il n’explique pas tout : 37,7 % des contrats de travail du personnel de conduite dans le routier voyageurs sont à temps partiel.
Dans l'ensemble des transports urbains et interurbains, la sous-traitance a progressé de 56 % entre 2002 et 2007, pour atteindre 950 millions d’euros. Dans le ferroviaire, la progression atteint 8,5 % sur la même période. Le recours à la sous-traitance, qui offre presque systématiquement des contrats de travail et des conditions de travail défavorables à la qualité du service, doit donc être limité.
Notre amendement vise également à donner aux représentants des salariés des éléments qui leur permettent de comprendre les mécanismes des contrats signés et d’exercer ainsi leur mandat de défense des intérêts des salariés en amont de la mise en œuvre, afin de sortir de la logique du fait accompli qui génère des conflits au règlement complexe. Son adoption concourrait donc à diminuer la conflictualité dans les transports. Puisque vous partagez cet objectif, adoptez-le !
Je rappelle que, sous la législature précédente, les députés communistes avaient déposé une proposition de loi qui visait à réduire – et non à supprimer – l’intérim. Lorsqu’il a été autorisé, celui-ci visait à permettre le remplacement des salariés absents. Or, aujourd’hui, il est devenu un mode de gestion permanent dans les entreprises. En outre, les salariés intérimaires sont les plus exposés, quel que soit le type d’industrie dans lequel ils sont employés. Nous avions donc proposé de limiter l’intérim à 5 % des effectifs de l’entreprise, ce qui permettait de l’utiliser pour le remplacement des salariés absents, qui était l’objectif initial. Hélas, la majorité a repoussé ce texte, au prétexte qu’il aurait rendu la vie des entreprises impossible. Nous savons qu’il n’en est rien. Votre objectif est, en réalité, de permettre l’augmentation de l’intérim et sa pérennisation.
En tout état de cause, le sujet est trop important pour être abordé au détour d’un amendement. Il paraît plus opportun de traiter cette question dans un texte qui lui ferait une place plus significative. La sous-traitance est capitale, notamment dans les services et les entreprises de transport. Or l’approche sectorielle retenue par les amendements me paraît trop restrictive et je ne voudrais pas que les salariés soient victimes d’une législation partielle sur ce sujet important. Il convient donc d’y réfléchir sérieusement.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Il convient, certes, d'améliorer le dialogue social et de le rendre plus efficace encore pour limiter la conflictualité : 55 % des entreprises de transport soumises à la loi sur la négociation annuelle obligatoire ne respectent pas cette obligation légale. Mais est-ce vraiment l’objectif de l’interdiction du préavis glissant ? Il s’agit bien plutôt de contraindre l'exercice du droit de grève des salariés, qui n’est pourtant pas responsable de la dégradation du dialogue social. Il est en effet difficile de dire que les salariés abusent de ce droit, quand on connaît le niveau de la conflictualité dans ce secteur : seules 6,7 % des entreprises de transport ont connu une grève en 2005 et, sur 6 043 incidents ayant donné lieu en 2006 à des retards à la SNCF, seuls 140 étaient imputables à des mouvements sociaux.
Dès lors, on comprend bien que l'interdiction des préavis glissants n’a d’autre finalité que de limiter la mobilisation des salariés. En effet, comment participer à un conflit interprofessionnel qui se déclarerait au cours du premier préavis si la pratique du préavis glissant est interdite ? Les cas de conflits interprofessionnels ne sont pas forcément les plus rares. Lors de plusieurs grèves récentes, les salariés ont ainsi participé à des mouvements sociaux portant sur des sujets d'intérêt général dépassant les revendications sectorielles.
C'est donc bien pour brider le mouvement social que ce petit article est prévu. Il est d’ailleurs pratique, quand on sait que vous prévoyez de supprimer l'ensemble des régimes spéciaux et quand on connaît vos intentions rapaces vis-à-vis des dispositions protectrices du code du travail. Avec ce dispositif, les salariés des entreprises de transport n’auront la possibilité de soutenir les revendications sociales de leurs collègues que s'ils ne sont pas eux-mêmes mobilisés pour défendre leurs propres conditions de travail et leur secteur d'activité.
Finalement, cet article s'inscrit dans un dispositif qui prétend améliorer la qualité du dialogue social, mais qui agit sur les seules conséquences des conflits, plutôt que sur leurs causes.
En imposant des restrictions du droit de grève, qui est un droit constitutionnel individuel, le Gouvernement veut détourner l'attention des usagers et de l'opinion publique. Il veut se protéger de la réaction de salariés déterminés à s’opposer à son intention de réduire plus encore les moyens des services publics, considérés comme des dépenses superflues, et de mettre en œuvre des mesures antisociales.
La question du préavis glissant n'a aucun rapport avec la garantie de la continuité du service public. La question qu’il est urgent de résoudre dans le service public de transport, c’est celle de la qualité et de la fiabilité, qui est à l'origine de dysfonctionnements importants et qui nourrit d'ailleurs l'écrasante majorité des conflits. Cela suppose que l’on mette en œuvre des moyens matériels et humains organisés pour répondre aux besoins et non, comme c'est trop souvent le cas actuellement, que l’on recherche une rentabilité dont les usagers et les salariés du secteur subissent les conséquences.
S’attaquer aux salariés qui se battent pour l'amélioration des matériels, le maintien des dessertes menacées par des choix de rentabilité financière ou pour leurs conditions sociales ne résoudra rien et n’apportera aucune réponse aux besoins.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 66.
Vous contribuez, comme le dit Jean Salem, professeur de philosophie, à ce que « la grève, qui n'est jamais que la lutte des travailleurs, [...] tende, comme les autres mouvements sociaux, à faire l'objet d'une sorte de criminalisation dans le prêt-à-penser du moment ». Vous faites le jeu de « la grotesque et sempiternelle assimilation médiatique de la grève à une prise d'otages [...] pour bel et bien faire passer l’arrêt de travail pour l'horreur économique absolue et, pourquoi pas, pour une forme de terrorisme. »
L'article 3 de votre projet de loi illustre à merveille cette posture idéologique de défiance vis-à-vis des organisations syndicales. Au prétexte de susciter un changement d'état d'esprit, vous renforcez les obstacles sur le chemin du dépôt d’un préavis de grève, en proposant d’interdire le dépôt d'un nouveau préavis de grève par la ou les mêmes organisations syndicales et pour les mêmes motifs avant l'échéance du préavis en cours et la mise en œuvre de la procédure particulière de négociation instituée pour les entreprises de transport par l'article 2.
Outre les questions juridiques et pratiques qu’il soulève, l’article 3 laisse à penser que les organisations syndicales font un tel usage des « préavis glissants » que les salariés abuseraient de façon systématique de leur droit de grève, et ce en toute impunité. C'est faux, et vous le savez. On trouve, dans la jurisprudence, des exemples de décision sanctionnant ces pratiques qualifiées de « trouble manifestement illicite ». Vous pouvez regretter que les tribunaux ne les sanctionnent pas de manière plus ferme et systématique, mais cela ne saurait suffire à justifier une nouvelle intervention du législateur. En réalité, si vous vous décidez à intervenir, c'est parce que vous avez besoin de déterminer exactement le moment du déclenchement de la grève et parce que vous avez besoin de temps avant son déclenchement afin d’en limiter les conséquences en organisant la continuité du service public.
Vos intentions sont mauvaises. Ce texte porte atteinte au droit de grève dans la mesure où le dépôt d’un préavis de grève déjà encadré pourra être désormais interdit. Temporairement, me direz-vous. À ceci près que cette restriction doit être conjuguée avec celle introduite par l'article 2, qui conditionne le dépôt d'un préavis de grève à la conduite jusqu'à son terme du délai réservé à la négociation. Vingt-et-un jours devront séparer la notification du premier préavis et l'éventuel dépôt d'un second préavis. Un tel délai est manifestement trop long et ne garantit absolument pas que soient conduites des négociations sur les causes du conflit.
Enfin, la combinaison de ces deux dispositions favorisera la division syndicale et les pratiques de contournement de la législation. Les organisations syndicales n’auront aucun intérêt à s'entendre pour déposer ensemble un préavis sur le même sujet. Par contre, elles seront incitées à entreprendre des grèves illimitées. Ces pratiques, qui renforceront la conflictualité, l’installant de façon permanente, sont contraires à vos objectifs.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article 3.
L’objectif poursuivi revient à ne pas autoriser plus de préavis de grève qu’il ne reste de jours fériés dans une année – ce qui est cohérent, puisque vous ambitionnez de supprimer les jours fériés les uns après les autres !
Les autres objectifs de votre projet consistent à réduire le périmètre des motifs de grève – ce à quoi vise en partie l’article 3 – et à réduire le nombre d’initiatives de dépôt de préavis de grève dont dispose chaque organisation syndicale. Afin que M. le rapporteur ne se borne pas à indiquer qu’il est défavorable à notre amendement de suppression de l’article 3, je veux lui poser une question très simple : lorsqu’une organisation syndicale A aura déposé un préavis de grève pour un motif 1, cela interdira-t-il de facto à une organisation syndicale B de déposer quelques jours plus tard – c’est-à-dire sans attendre l’échéance du préavis en cours – un préavis de grève sur le même motif ?
Comment prétendre aspirer au dialogue social, comment prétendre se soucier avant tout du maintien du service public tout en manifestant, comme c’est le cas avec l’article 3, une telle défiance à l’égard du dialogue social et de ceux qui le conduisent ? Vous justifiez cet article par la volonté d’empêcher le contournement des règles relatives au préavis, mais croyez-vous qu’il suffira à retirer toute pertinence, toute légitimité aux combats qui doivent être livrés, à masquer les enjeux du conflit social ? Le seul résultat auquel vous parviendrez sera d’amener les partenaires sociaux à contourner les instruments du dialogue social que la loi est censée leur offrir.
C’est parce que le droit de grève n’existait pas qu’il a été conquis. Ce n’est pas la loi qui l’a construit, mais la révolte qui l’a imposé ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Comment pouvez-vous l’ignorer ? Comment prétendre construire une nouvelle étape du dialogue social qui ne repose pas sur la reconnaissance de ceux à qui il est confié au quotidien ? L’article 3 ne saurait trahir de façon plus flagrante votre manque de confiance envers les acteurs du dialogue social, c’est pourquoi je n’hésite pas à qualifier cet amendement de scélérat.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Philippe Vitel, pour le soutenir.
Bref, votre amendement ne prend pas en compte les besoins de la population et présente une fragilité du point de vue juridique. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 23.
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Monsieur le ministre, vous avez été ministre de la santé. Vous êtes donc bien placé, même si ce n’est pas vous qui étiez en poste lors de la canicule de 2003, pour savoir combien les pouvoirs publics peuvent avoir du mal à gérer certaines situations, même lorsqu’elles sont prévisibles. Vos prédécesseurs en ont d’ailleurs beaucoup souffert.
Nos concitoyens doivent savoir ce que certains élus UMP sont prêts à faire du respect du droit de grève.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Daniel Paul.
Remarquons tout d'abord que les besoins essentiels de la population sont une notion bien subjective.
En fait, ce que l'on voit poindre avec votre notion de dessertes prioritaires, c'est le risque de balkanisation de la mise en œuvre, voire de la définition, de l'intérêt général des transports publics de voyageurs.
Vous savez très bien que cette organisation est très difficilement gérable. C'est d'ailleurs pour cette raison que vous avez « refilé », pardonnez-moi l'expression, la gestion des dessertes prioritaires aux collectivités territoriales, et non, comme vous le prétendez, dans le souci de faire du sur-mesure et de s’adapter aux réalités locales de terrain. Comment les autorités organisatrices iront-elles expliquer aux usagers que telle desserte, où est implantée telle entreprise, ou tel établissement, est prioritaire, tandis que telle autre ne le sera pas ?
Vos dessertes prioritaires ne sont rien de moins que de la poudre aux yeux, pour mieux masquer l'inefficacité de votre loi. Le Groupement des autorités responsables de transfert ne s'y est d'ailleurs pas trompé, et n'a pas caché ses fortes réserves quant à votre projet de loi. Quand on connaît sa composition, cela équivaut en fait à un rejet.
Cet article prévoit également qu’un plan de transport adapté, élaboré par chaque entreprise, et un plan d'information des usagers devront figurer dans les conventions d'exploitation. Qui pensez-vous satisfaire avec votre plan qui ne concernera qu'un pourcentage infime des dysfonctionnements auxquels sont confrontés les usagers ? Les défections de service subies quotidiennement par de nombreux usagers ont bien d'autres causes.
Prenons un autre exemple que l'exemple normand, il saura peut-être convaincre les députés franciliens. Intéressons-nous aux lignes de TER qui partent de la gare du Nord à Paris. Les personnes travaillant dans le nord de la région parisienne ne peuvent pour ainsi dire jamais voyager une semaine durant sans être confrontées à des retards, qui peuvent parfois atteindre des durées totalement désespérantes pour les salariés devant satisfaire des horaires de travail fixes, soit une très large majorité. Plusieurs d'entre eux témoignent que, lorsqu'ils ont des réunions en début de matinée, ils doivent partir une heure plus tôt que prévu pour être sûr de pouvoir être présents. Et se lever ainsi vers six heures du matin, pour être à leur réunion à 9 heures. Encore des salariés qui travaillent plus sans gagner un kopeck de plus !
Quoi que vous en disiez, les associations représentant les usagers ne s'y sont pas trompées et ont souligné, lors des auditions, que les vrais problèmes étaient ailleurs. Ce texte ne répond effectivement en rien aux préoccupations quotidiennes des usagers.
Ne se rappeler l'existence du principe de continuité de service public que les jours fort peu nombreux de conflits est révélateur de l'état d'esprit du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.
En réalité, vous ne parlez de « dessertes prioritaires » et d’organisation du service en cas de grève que pour mieux taire les vrais problèmes et tenter de lier les autorités locales à votre politique.
En prévoyant différents niveaux de service en fonction de l’importance des perturbations, cet alinéa démontre que, contrairement à ce que proclament le Gouvernement et sa majorité par souci d’affichage, il n’y aura pas de service minimum dans les faits. Si une grève est particulièrement suivie, il n’y aura pas de service du tout. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C’est un problème que nous rencontrons fréquemment dans les collectivités territoriales quand il s’agit de consulter les usagers. Il existe différentes formules, par exemple le conseil économique et social régional, mais aucune n’est vraiment satisfaisante et, en cas de recours, il serait bon que nous sachions à quoi nous en tenir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Eh oui ! Lorsque vous serez devant le juge, nous verrons bien ce que vous répondrez !
Cet article invoque ensuite les perturbations dites « prévisibles ». J’ai évoqué dans mon intervention d’hier les perturbations très prévisibles, fréquentes dans les transports régionaux, je veux parler de celles qui sont dues aux ralentissements, c'est-à-dire les voies qui ne sont plus susceptibles de soutenir le passage des trains et sur lesquelles on roule à trente kilomètres heure. Vous ne proposez pas de solution à cette prévisibilité-là, puisque vous n’avez plus de crédits...
Suit un alinéa fourre-tout mentionne tout événement dont l’existence a été portée à la connaissance de l’entreprise dans un délai de trente-six heures. Là, c’est la mine à contentieux : tout le monde se couvrira en transmettant l’information au décideur, de façon à ne pas avoir à répondre en cas de problème.
Il est question, après cela, des dessertes prioritaires et des différents niveaux de service – deux, trois, vingt-cinq, cinquante ? On l’ignore, car tout ceci reste formel et théorique. A-t-on fait, monsieur le ministre, des simulations ou des expérimentations sur une entreprise ou un secteur de transport particuliers ? Les résultats en seraient intéressants.
Je terminerai par le risque constitutionnel avéré – la démonstration en a été faite hier – de violation du principe de libre administration des collectivités locales, puisque le dispositif, extrêmement précis, notamment pour ce qui concerne le contenu des conventions qui lient aux entreprises de transport lesdites collectivités, autorités organisatrices, impose à ces dernières des contraintes qui vont largement au-delà de ce qui est permis par la Constitution.
Reste enfin la date butoir du 1er janvier 2008. Là aussi, tout est fait pour que la mise au point de ces plans n’aboutisse pas dans les délais. On va, en réalité, discuter avec le sentiment et la certitude de ne pas aboutir avant cette date, ce qui, naturellement, conduira le préfet à intervenir. On voit là la vraie nature de votre démarche : vous souhaitez mettre en place de façon autoritaire les plans de dessertes dites prioritaires. C’est une rupture complète avec les notions de dialogue social et de libre administration des collectivités locales dans leurs relations avec les entreprises de transport.
Nous avons entendu le président de l’Association des régions de France et auditionné les représentants de l’Association des départements de France, que votre texte voue à mettre en place cette usine à gaz, élaborée selon moi dans le but, d’une part, d’interdire l’exercice réel du droit de grève et, d’autre part, de vous défausser politiquement, comme vous l’avez habilement fait en matière fiscale depuis quelques années, sur les collectivités locales, véritablement prises au piège.
Vous recommencez ce qui vous a déjà très bien réussi, en faisant croire qu’il s’agit du service minimum alors qu’il n’en est rien. C’est ce qui ressort fort bien d’une remarquable tribune libre parue dans Libération aujourd’hui, qui démontre comment, à travers la façon dont certains médias en rendent compte, l’opinion publique s’imagine que nos débats portent sur tout autre chose que ce dont il est réellement question.
Contrairement à ce que les gens pensent en effet, nous ne débattons pas du service minimum mais de la limitation du droit de grève et de la manière dont vous vous déchargez sur les collectivités locales de la responsabilité de mettre en œuvre un engagement du Président de la République dont vous ne savez comment vous dépêtrer.
Depuis que votre majorité nous a présenté, avec M. Raffarin, une étape supplémentaire de la décentralisation comme étant la mère de toutes les réformes, il semble que vous soyez revenus à une conception beaucoup plus restrictive des libertés des collectivités locales.
En effet, les dispositions de l’article 4 resteront probablement comme un moment de régression dans l’histoire des collectivités locales, notamment à cause du deuxième alinéa du IV, qui prévoit qu’en cas de carence de l’autorité organisatrice et après une mise en demeure, le représentant de l’État arrête les priorités de desserte ou approuve le plan. C’est donc bien le préfet qui, in fine, va décider, contre les régions, les départements, voire les structures intercommunales, de l’organisation du plan. Ce n’est pas rien, et l’on peut imaginer les conflits que cela va générer !
Cet article voudrait par ailleurs définir des priorités dans des domaines pour lesquels c’est impossible. Comment faire, en effet, pour les transports scolaires ? J’imagine mal, dans mon département, le conseil général décider que les cars devraient desservir tel canton plutôt que tel autre. Ça n’a aucun sens ! Si je n’ai pas la chance d’habiter dans l’un des cantons que le conseil général jugera prioritaires, je m’empresserai de le poursuivre devant le tribunal administratif pour savoir selon quels critères on a décidé que les élèves d’un canton voisin seraient conduits au collège mais pas les miens.
À quelques exceptions près, vous ne trouverez jamais aucun argument permettant de justifier de tels choix. Cette question est posée depuis un moment, et il serait temps que vous y répondiez en vous appuyant sur des exemples concrets.
L’UMP et le Nouveau Centre veulent passer d’une culture du conflit et de la menace – et le Conseil constitutionnel constitue bien, pour certains dans cette assemblée, une forme moderne de la menace –, d’une culture de la prise en otage à une culture du dialogue et du respect de tous les citoyens.
L’article 4 marque également un virage très important : celui du respect de tous les citoyens, et en particulier des plus faibles – je le démontrerai tout à l’heure à travers un amendement. Il exprime la volonté du gouvernement que nous soutenons de parvenir, au profit de tous les citoyens, à un équilibre entre le droit de grève, le droit au travail et le droit d’aller et venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Sans répéter ce qui a déjà été dit, je m’attacherai à quelques éléments qui n’ont pas encore été évoqués, comme l’alinéa 13 qui demande à ce que soit intégrées aux conventions d’exploitation les dispositions contenues dans le texte.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que cela aura des conséquences financières ? J’en suis pour ma part d’autant plus convaincu que, lors de l’audition éclair de Dominique Bussereau, celui-ci a fait allusion à la possibilité pour les entreprises de recourir à du personnel qu’elles iraient chercher ailleurs, soit dans d’autres entreprises, soit dans d’autres régions. Ces personnels s’apparentent à ce qu’on appelait à une autre époque des briseurs de grèves. Quoi qu’il en soit, ils ne viendront pas gratuitement, et cela aura un prix.
Amusant également, l’alinéa qui parle des incidents techniques, prévisibles dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis leur survenance… Comme si les entreprises de transport publiques ne devaient pas, dès aujourd’hui et sans attendre une loi, prendre les dispositions nécessaires lorsqu’elles savent, trente-six heures à l’avance, qu’il va se produire des perturbations.
On a parlé de la météo et je reviendrai ici sur les déplacements quotidiens. Il était à l’origine question dans le texte de déplacements réguliers. Ils deviennent quotidiens à l’article 4. Ce n’est pas anodin. Aujourd’hui, pour aller de Lille à Paris, ou de Reims à Paris, certains de nos concitoyens utilisent tous les jours le TGV. J’en déduis que votre texte concerne aussi la SNCF ou l’État, en tant qu’autorités organisatrices de transport, ce qui pose la question d’une instance à la fois juge et partie.
En fait, ce texte n’évoque plus qu’un plan de transport adapté aux priorités de desserte – bien loin du service quasi intégral à certaines heures de pointe un temps évoqué, qui supposerait de mobiliser 90 %, voire 100 % du personnel.
Bref, démonstration est faite que votre texte est inopérant et provocateur eu égard à la liberté d’administration des collectivités territoriales. Méfiez-vous, monsieur le ministre : les ballons d’essai sont comme les usines à gaz, ils peuvent exploser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L’article 4, c’est la patate chaude ! S’il est voté, les régions, les départements, les agglomérations, bref toutes les autorités organisatrices de transport urbain – qui, faisant confiance à la négociation et au contrat entre les partenaires sociaux, se sont opposées à l’existence d’une loi –, amenées, demain, à faire face à des perturbations, des mouvements de grève ou autres événements décrits dans l’article, s’entendront dire par le Gouvernement que si cela ne se passe pas bien, c’est leur faute car la loi leur donne la responsabilité de tout régler. Et de régler des aspects qui ne peuvent pas l’être – essentiellement quatre inscrits dans l’article.
Premièrement, l’alinéa 7 demande aux autorités organisatrices de transport urbain de définir les dessertes prioritaires au vu d’un certain nombre de principes – ce qui montre votre improvisation en la matière puisqu’il ne fait que reprendre la rédaction de l’article 1er.
En outre, vous faites une confusion entre la notion géographique de desserte et celle de catégorie d’usagers. Le mot « desserte » est, pour moi, une notion géographique : on va dans tel lieu chercher des voyageurs et on dessert telle ou telle localité. L’alinéa 7, en évoquant les personnes qui doivent aller passer un examen, par exemple, parle d’une catégorie d’usagers, et non d’une desserte. Il y a là une confusion des genres.
Deuxièmement, vous évoquez les besoins essentiels sans les caractériser. Par conséquent, les autorités organisatrices de transport urbain, qui ont la charge de définir les priorités de service sur la base de besoins essentiels, n’ont pas de repère dans cette loi pour identifier ces derniers. Ce deuxième problème provoquera des contentieux.
Troisièmement, comme vous avez envie de charger la barque pour que les autorités organisatrices soient accusées de tous les maux en cas de dysfonctionnements, vous leur demandez, à l’alinéa 12, d’approuver les propositions de l’entreprise de transport. Elles auront donc défini un cahier des charges sur des bases extrêmement fluctuantes, à tout le moins imprécises ; le transporteur fera une proposition qu’il ne pourra peut-être pas tenir puisqu’il ne connaît pas à l’avance le nombre de grévistes ; et vous demandez aux autorités organisatrices de transport d’approuver à l’avance, à l’aveugle en quelque sorte, un dispositif qui, de toute façon, ne marchera pas. Elles seront donc accusées d’avoir approuvé quelque chose qui ne peut pas être mis en place.
Quatrièmement – cerise sur le gâteau ! –, le quinzième alinéa, qui constitue en quelque sorte l’article 16 de cette loi, dispose que le préfet pourra, au doigt mouillé, estimer qu’il y a carence, mais sans qu’elle soit définie dans ce texte. Cela s’apparente au fait du prince pour mettre en difficulté les autorités organisatrices.
Tout cela coûtera beaucoup d’argent aux contribuables locaux, aux entreprises et aux usagers car vous aurez multiplié les imprécisions, sans compter que vous aurez aussi beaucoup exigé de la part des autorités organisatrices de transport – qui, je le répète, n’ont pas demandé l’inscription dans une loi de dispositions qu’elles ne pourront pas mettre en œuvre.
Même si l’expression « patate chaude » est un peu triviale, j’espère avoir fait la démonstration que l’article 4 en est une.
En le lisant avec attention, nous nous apercevons qu’il est d’une imprécision telle qu’il laisse la porte ouverte à toutes les manipulations. En outre, et c’est grave – car je pensais que nous travaillions dans un esprit de concertation, mot que vous utilisez souvent –, cet article démontre clairement votre volonté de mettre en difficulté les collectivités locales, autorités organisatrices de transport, en vous défaussant des problèmes difficiles. Nous avons déjà connu cette manière d’agir pour la suspension des allocations familiales : n’ayant pas le courage de le faire vous-même, vous avez décidé de vous tourner du côté des maires en leur demandant de jouer le rôle de shérif ! De la même façon avec cet article, vous passez la patate chaude à ceux qui n’ont rien demandé !
À propos de l’imprécision des cas où il faudra assurer le service, mon collègue Mallot a parlé à deux reprises d’usine à gaz ; la formule est tout à fait appropriée ! Comment résoudrez-vous la litanie d’alinéas intégrés à l’article 4 ! Je suis curieux et impatient de vous entendre nous expliquer comment seront fixées les priorités pour choisir qui sera transporté et dans quelles conditions. Cela laisse augurer quelques belles journées, surtout quand il fera mauvais dans nos régions de montagne !
Comment expliquerez-vous à une famille vivant dans une zone de montage ou même de demi-montagne que son enfant peut être transporté, qu’il a le droit d’aller à l’école, alors que celui du voisin n’y a pas droit ? Parce que vous n’avez pas le courage de vous expliquer, vous faites supporter aux collectivités locales l’impopularité de ces mesures qui ne pourront pas donner satisfaction aux usagers.
En réalité, vous cherchez à rendre impopulaires les mouvements de grève,…
Puisque nous abordons le cœur même de notre sujet et que vous nous dites depuis le début qu’il s’agit de développer le dialogue social au niveau des transports, il n’est pas sérieux – et c’est même se moquer de la représentation nationale, des usagers et des salariés du transport – de débattre en l’absence de M. Bussereau. Je demande donc, monsieur le président, que nos travaux soient suspendus jusqu’à son arrivée à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dès la première ligne de l’article 4, figurent les termes : « consultation des représentants des usagers ». Mais qui sont ces représentants des usagers ? Monsieur le ministre, vous avez dit que cela pourrait être les conseils économiques et sociaux régionaux. On se demande pourquoi eux et pourquoi pas, par exemple, les conseils locaux de développement des communautés d’agglomération qui, elles aussi, sont autorités organisatrices de transport ? Un plaideur pourra faire valoir que le conseil local de développement n’ayant pas été saisi, les usagers n’ont pas été consultés, ce qui provoquera un contentieux.
La deuxième ligne – « dès lors qu’existent une ou plusieurs structures représentatives » – n’est guère plus convaincante. Quels sont les critères juridiques qui fondent la représentativité des structures censées représenter les usagers ? Personnellement, je n’en connais pas ; peut-être y a-t-il des critères juridiques précis qui permettent que la loi y fasse référence, comme c’est le cas, mais je crains qu’il s’agisse là d’une imprécision de rédaction qui nous conduira à nombre de contentieux.
Autre problème poser par les aspects formels du texte, l’alinéa 15 dispose qu’« en cas de carence de l’autorité organisatrice, et après une mise en demeure, le représentant de l’État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II. » Mais la carence, mes chers collègues, n’est pas l’inaction ! Là encore, il y a une imprécision coupable. Qu’est-ce que la carence ? On nous dit que la carence est constituée si l’autorité organisatrice ne fait rien : faux ! Cela, c’est de l’inaction… La carence suppose que l’action de l’autorité organisatrice est insuffisante, par exemple que les usagers n’ont pas été suffisamment consultés.
Finalement, ce texte n’est qu’un prétexte...
J’ai cependant le sentiment que ce qui caractérise cette loi, ce n’est pas le respect, mais la méfiance. Vous vous méfiez de tout le monde : des organisations syndicales, des entreprises et, maintenant, des autorités organisatrices de transport, puisque vous leur imposez des conditions qui seront intenables dans les délais fixés et que vous décrivez avec une précision qui leur ôte toute autonomie. On voit bien que certains d’entre vous n’ont jamais été responsables de transports. Pour ma part, je l’ai été, en tant qu’élue d’une agglomération de 120 000 habitants, et je sais ce que c’est que de négocier avec une entreprise et d’être attentif aux usagers et aux usagères — puisque, comme je l’ai dit hier, deux tiers des clients sont des clientes.
Or votre disposition va fortement porter préjudice aux collectivités locales. Dans le III de l’article 4, vous demandez qu’elles renégocient les conventions avant le 1er janvier 2008. Michel Destot disait tout à l’heure qu’une grande partie des conventions ne sont pas arrivées à échéance. Si vous obligez les autorités à renégocier ces conventions avant la fin de leurs contrats, le coût de cette renégociation sera important pour les collectivités. Relisez le rapport. Michel Cornil l’a dit lui-même, à propos des indemnités, dont nous parlerons plus tard : il est question de faire entrer ces indemnités dans le conventionnement, même si les entreprises doivent les payer. Ainsi, c’est le contribuable local qui paiera les indemnités qu’il remboursera aux autres ou qu’il se remboursera à lui-même, puisque les contrats seront augmentés d’autant.
Quant à l’alinéa 15, j’avoue qu’il m’a grandement surprise. Je mets au défi les services du préfet de réussir, avant le 1er janvier 2008, ce que ni les collectivités — mais peut-être les élus locaux sont-ils complètement débiles −, ni les entreprises n’ont su réussir. Avec quels services, quelles connaissances, quelles informations le préfet y parviendra-t-il subitement ?
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à deux heures trente-cinq, est reprise à deux heures quarante.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 67 et 106, tendant à supprimer l’article 4.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 67.
L’article 4 renvoie aux autorités organisatrices de transport la responsabilité, d’une part, de définir les dessertes prioritaires et, d’autre part, d’intégrer le plan de transport adapté et le plan d’information des usagers dans les conventions d’exploitation les liant aux entreprises de transport. Nombre de nos collègues sont intervenus pour dénoncer l’atteinte ainsi portée à la libre administration des collectivités territoriales. Cette crainte est notamment fondée sur la possibilité accordée au préfet de se substituer à l’AOT pour définir les priorités de dessertes, en cas de carence de cette dernière. Il a été rappelé en commission que la jurisprudence administrative retenait une acception très large de cette notion de carence et que, par conséquent, le représentant de l’État pourra intervenir non seulement en l’absence d’intégration du plan de transport à la convention, mais aussi en présence d’un plan insuffisant, ne prenant pas en compte les besoins essentiels de la population, notion tout aussi floue que celle de carence.
Nous touchons là, mes chers collègues, à un deuxième point important de désaccord : les autorités organisatrices de transport devront assumer juridiquement et politiquement les obligations nouvelles nées de cette loi — en l’occurrence, prévoir la fréquence et les plages horaires de dessertes prioritaires devant être assurées pour répondre aux besoins essentiels de la population — et décider ainsi localement des restrictions substantielles au droit de grève. Selon les territoires et leurs particularités, les niveaux minimaux de service prendront plutôt en compte ici la desserte de zones commerciales, là celle d’hôpitaux ou d’établissements scolaires. Selon les territoires, les limites au droit de grève seront également différentes.
À trop vouloir faire du sur-mesure pour les usagers, monsieur le ministre, vous sacrifiez le principe d’égalité de traitement.
Le sénateur centriste Michel Mercier s'est dit inquiet que l'État ne s'assure pas du respect sur l'ensemble du territoire de la République de l'équilibre ou de la proportionnalité des limitations aux libertés publiques que devront décider les AOT. Sur ce sujet, nous sommes d’accord avec lui.
Nous sommes tout aussi inquiets de remarquer qu'après avoir inversé les termes du raisonnement en élevant les priorités de desserte des usagers au rang d'impératif justifiant une limitation du droit de grève – celui-ci portant une atteinte disproportionnée à un certain nombre de libertés que vous énumérées en sus du principe à valeur constitutionnel d'accès aux services publics –, vous acceptez d'ajouter à la liste des droits et libertés auxquelles il ne doit pas être porté atteinte, l'accès au service public de l'enseignement les jours d'examens nationaux. Cette modification participe du bon sens, me direz-vous. À ceci près qu'elle conduit indirectement à définir à l'avance un nombre de jours fixe durant lesquels les personnels devront être présents, et constitue donc une interdiction frontale de l'exercice du droit de grève les jours en question...
Les motifs d'inconstitutionnalité ne manquent pas contre cet article qui se révélera être une véritable usine à gaz. C’est une expression qui a souvent été utilisée. Personne n’en a trouvé d’autre tellement celle-ci correspond bien au texte ! C'est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 4.
En outre, l’article prévoit une architecture logique : la définition des dessertes prioritaires, puis la mise en œuvre du plan de transport adapté et l’information des usagers. Il fait intervenir trois grands acteurs : l’autorité organisatrice de transport, l’entreprise de transport et le représentant de l’État.
Cet article répond donc à des besoins essentiels et consacre de nouveaux droits. Il nous a paru impossible d’en prévoir la suppression.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat :
Rapport, n° 109, de M. Gilles Carrez ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif aux libertés des universités :
Rapport, n° 113, de M. Benoist Apparu ;
Suite de la discussion du projet de loi, n° 101, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs :
Rapport, n° 107, de M. Jacques Kossowski, au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 1er août 2007, à deux heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton