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SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
1. Questions au Gouvernement
Tests ADN
MM. François Hollande, François Fillon, Premier ministre.
Pollution en Martinique et en Guadeloupe
MM. Yves Cochet, Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.
Carte judiciaire
M. Jean Dionis du Séjour, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Fusion anpe-unedic
M. Frédéric Lefebvre, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
EADS
M. Henri Emmanuelli, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Récidive
M. Guy Geoffroy, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Fermeture de l’usine Kléber de Toul
Mmes Nadine Morano, Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Emploi et pouvoir d’achat
M. Gaëtan Gorce, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Suppression des cours à l’école primaire le samedi matin
MM. Benoist Apparu, Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale.
Réforme des universités
M. René Couanau, Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Iran
MM. Paul Giacobbi, François Fillon, Premier ministre.
Pollution du Rhône
M. Philippe Meunier, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet secrétaire d'État chargée de l’écologie.
2. Grenelle de l'environnement
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables
M. Jean Dionis du Séjour.
Présidence de M. Marc Le Fur
MM. Jean Dionis du Séjour,
Jean-François Copé,
Philippe Martin,
Yves Cochet.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Christian Jacob, président de la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire.
MM. Jean-Christophe Lagarde,
Serge Grouard,
Mme Geneviève Gaillard,
MM. François de Rugy,
Nicolas Dupont-Aignan,
Philippe Folliot,
Jean-Jacques Guillet,
Mme Christiane Taubira,
MM. Alfred Marie-Jeanne,
Alfred Almont,
Mme Chantal Berthelot,
MM. André Chassaigne,
Alain Gest,
Michel Raison,
Christian Hutin,
Bertrand Pancher,
Jean-Charles Taugourdeau,
Jean-Marie Le Guen.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie.
M. le ministre d’État.
3. Opposition à la discussion d’un projet de loi selon la procédure d'examen simplifiée. –
4. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Le premier concerne la définition même de la famille, qui, en droit français, n’est pas fondée sur la biologie, mais sur la reconnaissance. La remettre en cause au profit du lien du sang, fût-ce par un amendement, c’est, au-delà même de la question de l’immigration, porter atteinte à nos principes.
La seconde valeur…
Le troisième principe concerne le refus de toute discrimination. Pourquoi demanderait-on à un étranger de faire valider par un examen génétique le lien qu’il a avec sa famille, alors que, en tant que Français, nous refuserions, en cas d’expatriation, de nous soumettre à une telle procédure ? Il s’agit d’une discrimination fondée non seulement sur les gênes, mais sur le caractère français ou étranger de la personne.
C’est pourquoi cet amendement a soulevé une grande émotion au-delà même de la France. J’en veux pour preuve l’intervention du Président de la République du Sénégal ou, plus récemment, du président de la commission de l’UEOA
Monsieur le Premier ministre, quand un amendement suscite tant d’émotion, la sagesse exige, même quand il est corrigé, de le retirer. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Votre rapporteur, Thierry Mariani, a déposé un amendement proposant l’utilisation de tests ADN. Un débat approfondi a eu lieu à l’Assemblée nationale.
Certains sénateurs ont émis des interrogations.
Ce texte suscite non seulement des passions, mais aussi des interrogations, que le Gouvernement a voulu entendre. La rédaction initiale continue d’être amendée afin que les garanties de procédure soient renforcées. Le débat se déroule en ce moment même au Sénat et le Gouvernement en tirera toutes les conséquences.
Le chlordécone est interdit à la vente aux États-Unis depuis 1976 et en métropole française depuis 1990. Mais, par une curiosité que je vous demande d’éclaircir, il a continué à être commercialisé en France, dans les Antilles, jusqu’en 1993. Certes, quand nous nous sommes vus la semaine dernière, vous avez accepté de rencontrer notre ami Harry Durimel, responsable des Verts aux Antilles, et vous lui avez promis de mettre en place un collège d’experts composé de scientifiques des Antilles, de la métropole, mais aussi d’autres pays, afin de garantir la neutralité de l’expertise. Mais je souhaiterais que vous confirmiez aujourd’hui la formation de ce collège et que vous nous indiquiez quels mécanismes de solidarité que vous comptez mettre en place.
Plus généralement, une telle catastrophe nous rappelle les dangers inhérents au modèle d’agriculture productiviste et intensive qui est largement hégémonique dans notre pays. Plus de 50 % des fruits et des légumes contiennent des pesticides. Leurs résidus se trouvent partout, dans l’eau du robinet, dans l’air de nos villes, dans la pluie, dans les rivières… Leurs effets commencent à être connus : cancers, malformations congénitales, infertilité, problèmes neurologiques ou encore affaiblissement du système immunitaire.
Vous avez déclaré, le 3 septembre dernier, qu’un accord global sur la réduction des pesticides devait être trouvé à l’issue du Grenelle de l’environnement, dont nous allons débattre cet après-midi.
Il s’agit de savoir ce qui s’est passé, après l’interdiction de 1993, et de garantir, en la matière, une transparence totale. Comme vous le savez, Michel Barnier s’est rendu sur place pour connaître les conditions de relance de la culture des bananes dans d’autres conditions. Plus généralement, la France a déjà réduit son utilisation de pesticides ou de produits phytosanitaires – qui ne concernent pas seulement l’agriculture, mais aussi les jardins publics ou privés – de 37 % en cinq ans. Mais il est clair que Michel Barnier et moi-même, voulons, sous l’autorité de François Fillon,…
Permettez-moi, madame la ministre, de revenir sur la réforme de la carte judiciaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Notre collègue du groupe UMP Jean-Luc Warsmann vous a interrogée hier à ce sujet et votre réponse a été d’une grande discrétion. (Sourires.)
Vous avez hérité de l’engagement, figurant dans le programme de Nicolas Sarkozy, de réformer la carte judiciaire. C’est un objectif important que nous soutenons dans cet hémicycle comme dans nos circonscriptions.
Mais vous avez aussi hérité, pour mettre en œuvre cette réforme, d’une méthode technocratique à souhait, illustrée par le slogan : « une cour d’appel par région administrative, un TGI par département ». Dans le mien, le Lot-et-Garonne, cela revenait à supprimer la cour d’appel d’Agen et le TGI de Marmande, ce qui était absolument inacceptable pour plusieurs raisons : la vitesse de la justice rendue, à laquelle nos concitoyens sont très sensibles, l’accessibilité au droit, l’aménagement du territoire et même la bonne gestion des finances de l’État.
Les réalités du terrain, votre volonté de coupler cette réforme avec les nouvelles technologies de l’information et celle de réformer les procédures de l’enquête judiciaire ont eu, fort heureusement, raison de cette vision de départ qui, avec le recul, nous paraît très maladroite. Dès lors se pose pour chacun de nos concitoyens la question des objectifs de la réforme.
La semaine dernière, le journal Le Monde faisait état d’orientations précises sur la manière dont vous mèneriez cette réforme et annonçait que les premiers arbitrages seraient rendus avant la fin du mois d’octobre.
Qu’en est-il vraiment, madame la ministre ? Quels sont les objectifs politiques que vous poursuivez avec cette réforme, comment allez vous les atteindre et quel sera le calendrier de la réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd’hui les moyens de la justice sont dispersés avec 1 200 juridictions sur 800 sites. La loi 5 mars 2007 m’impose la création des pôles de l’instruction qui nécessite le regroupement des moyens. Je ferai donc cette réforme en respectant les contraintes de la loi que vous avez voté. Nous ne sommes plus en 1958, des progrès ont été obtenus avec les nouvelles technologies qui permettront une meilleure qualité, une meilleure efficacité, une plus grande rapidité de la justice rendue (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cette réforme ne sera ni technocratique, ni mécanique, elle se fera dans la concertation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour ce qui est du calendrier, la réforme de la carte judiciaire ne se fera pas en un jour, elle sera progressive et s’étalera sur trois ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre. –Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais, bien sûr, me féliciter, madame la ministre de l’économie, de la rapidité avec laquelle vous avez annoncé les grandes lignes de l’engagement pris par le Président de la République de fusionner l’ANPE et l’UNEDIC.
Parce que ce sujet concerne tous nos concitoyens, je souhaite donner quelques éléments d’information sur ce que nous voulons faire. Nous souhaitons tout simplement passer en surmultipliée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
J’en viens à nos objectifs d’amélioration du service et de la périodicité du suivi. Aujourd’hui, pour les publics les plus éloignés de l’emploi, le ratio est à peu près d’un agent référent de l’ANPE pour soixante demandeurs d’emplois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En ce qui concerne le calendrier,…
En évoquant ces faits, ma pensée va d’abord aux milliers de salariés qui subissent actuellement les rigueurs du plan Power 8. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Même si j’ai bien noté que, depuis ce matin, le Gouvernement s’en remettait beaucoup à la justice, je voudrais, malgré tout, vous poser quelques questions précises auxquelles je souhaiterais obtenir une réponse.
Première question : confirmez-vous ou infirmez-vous qu’il ait existé une note de l’Agence des participations de l’État informant le Gouvernement des déboires du groupe et l’incitant – ce qui est stupéfiant – à vendre sa participation ?
Pouvez-vous aussi nous dire quelles sont actuellement les directives données par l’autorité de tutelle, le ministère des finances, à l’Agence des participations de l’État pour que ne se reproduisent pas ce genre de mésaventures et nous dire enfin si vous compter apporter un peu de transparence à cette situation extrêmement glauque et préoccupante où se mêlent l’intérêt public et les intérêts privés, qu’il s’agisse de personnes morales ou de personnes physiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je voudrais par ailleurs vous signaler que depuis la constitution d’EADS, l’État n’a jamais vendu une seule action de ce groupe et qu’il n’est pas question, dans ces conditions, d’évoquer un quelconque délit d’initié. Il ne faut pas mélanger les genres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En ce qui concerne les cessions d’actions par les dirigeants du groupe, il s’agit évidemment de décisions personnelles (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui relèvent d’eux seuls.
La récidive était déjà au centre de nos réflexions lors de la précédente législature, ce qui a amené le Gouvernement et le Parlement à prendre ensemble un certain nombre de dispositions nouvelles visant à mieux la prévenir et à mieux la punir. Ce fut le cas, notamment après les travaux la mission d’information, mise en place au sein de la commission des lois, dont notre regretté collègue Gérard Léonard fut le rapporteur.
À l’issue de l’ensemble de ces évolutions législatives, le sujet est resté, comme il se devait, au cœur de nos préoccupations. C’est ainsi que le président de la République durant sa campagne électorale a très clairement souhaité afficher des objectifs nouveaux et complémentaires de ceux qui avaient été atteints au cours de la précédente législature. C’est dans cette optique, madame la ministre, que vous avez, au nom du Gouvernement, repris un des engagements du Président, à savoir la mise en place de nouvelles dispositions concernant la prévention et la répression de la récidive des majeurs comme des mineurs.
Ce projet de loi, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur au nom de la commission des lois, a suscité un certain nombre de réactions. Que n’a-t-on entendu ? Nous avons été accusés de remplir à l’excès des prisons déjà surpeuplées et de mettre à mal le principe de l’individualisation des peines, l’ordonnance de 1945 et la justice des mineurs !
Lors de son examen, je m’étais engagée à rendre compte devant la représentation nationale de l’application de la loi. Aujourd’hui, 857 décisions ont été rendues sur le fondement de ce texte, dont deux tiers sont des peines planchers prononcées contre des multirécidivistes qui ont commis des faits graves : viols en réunion, vols avec violence, violences conjugales.
Cette loi était nécessaire, elle est appliquée…
L’usine Kléber, filiale du groupe Michelin, était un fleuron économique de la ville de Toul et du Toulois depuis 1969. Je dis « était » car, à la consternation générale, les 826 salariés, dont la moyenne d’âge est de 42 ans, et les élus viennent d’apprendre que cette usine fermera en 2009. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Le sujet mérite tout de même un peu d’attention et de solidarité !
Même si des craintes et des inquiétudes, relayées par les organisations syndicales, s’étaient exprimées quant à la forte concurrence existant sur le marché des pneus de tourisme milieu de gamme fabriqués à Toul, aucune information ne laissait présager une issue aussi fatale que rapide. C’est un choc.
Michelin nous informe qu’elle restructure ses sites et qu’elle poursuit sa stratégie d’amélioration de sa compétitivité en France et en Espagne. Or, à Toul, malgré d’importants efforts d’investissement consentis ces dernières années et la rationalisation des procédés industriels, l’usine, qui a un coût de production de plus de 50 % supérieur à celui de ses concurrents, n’est plus compétitive et sera donc fermée.
Ma première préoccupation concerne l’avenir des familles touchées, qui pourront compter sur mon soutien et mon énergie pour les accompagner de façon constructive dans cette épreuve (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je m’inquiète ensuite de l’avenir du bassin économique de Toul, même s’il dispose de tous les atouts nécessaires pour accueillir des investisseurs, puisque son positionnement géographique et ses infrastructures en ont fait le bassin de vie dont le taux de chômage est le plus faible de Lorraine.
Le groupe Michelin a pris des engagements forts. En matière sociale, l’emploi de l’ensemble du personnel devrait être maintenu, puisque deux postes seront proposés à chaque personne en fonction de ses qualifications…
Au nom des salariés, j’attends du Gouvernement qu’il fasse le point sur la situation de l’entreprise et des services de l’État qu’ils fassent preuve de solidarité et d’efficacité en proposant à chacun des salariés un accompagnement personnalisé, au cas par cas. Madame Lagarde, quels engagements rapides pouvez-vous prendre pour nous aider dans notre tâche ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Qu’allons-nous faire ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous allons bien entendu veiller à ce que la société Michelin respecte ses engagements, lesquels consistent, d’une part, à reclasser l’intégralité du personnel d’ici à la fermeture de l’usine, en 2009, et, d’autre part, à revitaliser le site de Toul, afin d’éviter ou, tout au moins, de remédier aux dommages causés par cette fermeture. Quant aux services de l’État, ils seront, comme ils l’ont toujours été, extrêmement attentifs et mobilisés, et j’y veillerai personnellement, madame Morano.
Il va de soi qu’une entreprise telle que Michelin respectera ses engagements, et nous y veillerons. Bien entendu, la procédure doit être respectée de la manière la plus rigoureuse, dans la transparence et en assurant l’information totale des salariés, de leurs représentants, des collectivités locales et des élus qui, eux aussi, se sont engagés très vivement dans la défense de ce dossier.
Je souhaite vous interroger sur la politique de l’emploi du Gouvernement. Nous n’avons pas de raison de mettre en doute la sincérité de vos intentions lorsque vous nous dites vouloir agir pour l’emploi et le pouvoir d’achat. Mais notre devoir de parlementaires est de rapporter vos déclarations aux moyens mobilisés. Or j’ai le sentiment que, si vous êtes ministre de l’emploi et de l’économie, vous traitez l’emploi à l’économie. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous aurons ainsi l’occasion de vérifier dans les semaines qui viennent que votre budget stagne et que les contrats aidés, si nécessaires pour lutter contre le chômage de longue durée, diminuent. Quant au paquet fiscal, que vous nous avez présenté hier comme le moyen de soutenir le pouvoir d’achat et l’emploi des Français, chacun a bien compris qu’il repose sur ce mécanisme extraordinaire qui consiste à demander aux Français qui gagnent juste assez pour payer des impôts de payer pour pouvoir rembourser les plus fortunés dont les impôts dépassent 50 % de leurs revenus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pouvez-vous expliquer aux Français en quoi le chèque de 50 000 euros en moyenne que le Trésor public, au nom des Français et sur le dos de tous les contribuables, fait à chacun de ces contribuables, en particulier s’il est assujetti à l’impôt sur la fortune, est de nature à faire progresser l’emploi et le pouvoir d’achat de tous ? Je doute que vous puissiez invoquer la justice, en particulier la justice fiscale. Je suis donc impatient d’entendre votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
L’un des moyens d’y parvenir est d’avoir un marché de l’emploi plus efficace, plus fluide, où les offres des entreprises puissent coïncider avec les souhaits des demandeurs d’emploi. C’est précisément la raison pour laquelle nous voulons réaliser la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC.
Outre la fluidité du marché de l’emploi et la rencontre de l’offre et de la demande, nous voulons améliorer la formation professionnelle et la formation continue.
Vous avez la parole, monsieur Apparu.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à ce père de famille, en annonçant la suppression de l’école le samedi matin. Aussi ai-je deux questions très concrètes à vous poser. Comment envisagez-vous d’utiliser de la manière la plus efficace possible les heures libérées le samedi matin, notamment pour les 15 % d’enfants en difficulté ? Quelles sont les mesures envisagées pour les enfants dont les parents travaillent le samedi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il se trouve que le dispositif actuel est extrêmement disparate, certains élèves travaillant le samedi, d’autres non, d’autres encore travaillant un samedi sur deux. Cela crée de grandes difficultés pour les familles et les enfants.
Par ailleurs, les élèves des écoles primaires travaillent en moyenne 936 heures par an, ce qui est bien supérieur à ce que l’on observe dans la plupart des autres pays d’Europe.
Les heures qui vont ainsi se trouver dégagées permettront aux enseignants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
Il est vrai que certains élèves vont ressentir, le samedi matin ou le mercredi…
Nous allons donner une nouvelle liberté aux familles, mais cela se fera sans oublier personne, surtout pas les élèves qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Des universités maîtrisant davantage leur gestion et leurs orientations, plus ouvertes sur l’extérieur, dotées des moyens d’assurer leur propre développement : ces mesures très attendues constituent une étape déterminante.
À l’approche de la rentrée universitaire, nous savons que sur 1,5 million d’étudiants, un tiers seulement s’engagent dans des études longues qu’ils ont expressément choisies et en toute connaissance de cause – les deux tiers restants s’orientant en quelque sorte par défaut. Nous savons aussi que si rien ne change rapidement, près de 100 000 d’entre eux quitteront l’université sans diplôme à la fin de l’année universitaire.
C’est un immense gâchis et, à mes yeux, une considérable injustice. Madame la ministre, personne ici ne saurait considérer qu’il y a trop d’étudiants en France. Mais la plupart d’entre nous pensent qu’il n’y en a pas assez qui réussissent. Pouvez-vous nous indiquer les étapes que vous allez fixer à votre action pour éviter aux étudiants de s’engager dans des impasses et leur donner davantage de chances de succès et d’entrée dans la vie active ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour la réussite des étudiants, il faut aussi des moyens financiers (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et ces moyens existent, mesdames et messieurs les députés ! 1,8 milliard d’euros supplémentaires vont être accordés cette année au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), ce qui représente un effort inédit de 8 % d’augmentation de la part d’un gouvernement qui a compris que la connaissance était le seul moteur d’une croissance durable, le seul moteur de l’ascenseur social pour les jeunes générations. L’État consacrera ainsi 405 euros supplémentaires de crédits par an à chaque étudiant. Ces crédits seront d’abord consacrés à rendre les universités plus accueillantes, avec des bâtiments dignes de ce nom – en un mot, à en faire des universités du xxie siècle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
L’utilisation du mot « guerre », obligeant le chef de l’État à souligner qu’il n’aurait pas fallu l’employer, l’annonce inopinée d’un voyage à Téhéran, aussitôt qualifié d’inopportun par le Président, l’offre intempestive d’une médiation française, l’accusation de manipulation lancée à rencontre de la presse internationale, ont laissé un sentiment de désordre dans l’expression, pour ne pas dire de confusion dans la méthode.
Sur le plan multilatéral, nous avons subi plusieurs revers humiliants. Le directeur général de l’AIEA, prix Nobel de la paix, nous a, non sans ironie, rappelés au calme et a souligné que l’accord qu’il a passé avec l’Iran pour la mise en œuvre du contrôle constituait un pas décisif vers une solution. Alors que nous avions demandé l’application de nouvelles sanctions, les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne ont repoussé au mois de novembre l’échéance pour prendre une décision à ce sujet, souhaitant d’abord prendre connaissance des rapports que doivent rendre MM. El Baradei et Solana. Au sein de l’Union européenne, plusieurs pays, telle l’Allemagne, ont une position infiniment plus modérée que la nôtre – c’est un euphémisme –, quand ce n’est pas franchement critique, comme l’Autriche et bien d’autres.
Après tant de maladresses et de revers, vous devez éclairer la représentation nationale en répondant avec précision sur ces questions essentielles. Je rappelle que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a demandé un débat sur ce sujet crucial – un sujet que l’on dit même vital pour la planète – mais n’a, à ce jour, pas obtenu de réponse sur l’opportunité d’un tel débat. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes questions sont simples…
Le cas échéant, avec quels pays et selon quelles modalités politiques et juridiques la France entend-elle mettre en œuvre de telles sanctions ?
Enfin, la France exclut-elle de participer à un recours à la force ou tout au moins de le soutenir si toute autre action se révélait inopérante ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il ne faut ni sous-estimer la détermination des dirigeants iraniens – une détermination qui s’est encore exprimée à la tribune des Nations unies il y a quelques jours – ni désespérer de la diplomatie. L’exemple de ce qui vient de se produire en Corée du Nord nous montre que, parfois, des situations que l’on pouvait croire définitivement bloquées peuvent trouver une issue favorable.
Vous m’avez demandé comment nous allions poursuivre nos efforts. Nous allons le faire prioritairement…
Madame la secrétaire d’État, l’un des plus beaux fleuves de France, le Rhône, est gravement touché par une pollution aux PCB, une pollution si grave qu’il est aujourd’hui strictement interdit, pour des raisons sanitaires, de consommer le poisson pêché dans ce fleuve jusqu’à son embouchure. Le 22 février 2007, une première plainte a été déposée auprès du procureur de la République de Lyon par le maire de Meyzieu afin d’identifier les responsables de cette pollution. Plusieurs communes se sont récemment associées à cette plainte, actuellement en cours d’instruction.
Madame la secrétaire d’État, nous connaissons l’intérêt que vous portez à ce dossier, qui vous a amenée à demander aux services de l’État d’établir une cartographie complète de la pollution aux PCB du Rhône. Le 24 juillet dernier, vous avez reçu les maires des communes riveraines du Rhône pour leur communiquer les premiers résultats des analyses effectuées. Pouvez-vous aujourd’hui informer la représentation nationale du niveau de pollution aux PCB du Rhône, des conséquences sanitaires de cette pollution, ainsi que des mesures complémentaires que vous comptez prendre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est la raison pour laquelle, depuis vingt ans, il est absolument interdit en Europe d’utiliser des PCB dans la fabrication d’appareils. Néanmoins, il existe une pollution ancienne – historique, pourrait-on dire – d’origine industrielle. Cette pollution est bien installée, car elle est due à des produits très stables, et nous devons aujourd’hui la prendre en compte.
C’est ce que nous allons faire, d’abord en recensant les produits contenant du PCB – il y en a environ 500 000, principalement des transformateurs électriques. Nous devrons ensuite les éliminer, par application d’un plan qui se terminera en 2010. Il a également été décidé d’organiser une surveillance, en lien avec le ministre de l’agriculture – 852 analyses ont été effectuées à ce jour – ce qui nous a permis de détecter la pollution sur le Rhône.
Enfin, en prenant des mesures d’interdiction de consommation – vous en savez quelque chose – chaque fois que les seuils de concentration des PCB dépassent les normes en vigueur. D’où les décisions prises concernant le Rhône.
Cela n’est cependant pas suffisant. Avec Jean-Louis Borloo, sous l’autorité du Premier ministre, nous avons donc mis en œuvre de nouvelles dispositions. Nous avons prévu l’intensification des investigations sur les sédiments mais aussi sur les poissons, avec des mesures dans la chair de ceux-ci. Nous avons décidé de demander l’avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments afin de cibler plus précisément les catégories de poissons qui pourraient être interdits à la consommation. Enfin, nous travaillons à des solutions de dépollution et de suivi qui, je le sais, vous tiennent à cœur, monsieur le député. Le 10 octobre prochain, j’installerai et je présiderai personnellement le premier comité de pilotage sur la pollution du Rhône par les PCB. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
Déclaration du Gouvernement
et débat sur cette déclaration
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.
Ce Grenelle, point de rencontre démocratique inédit, est l’enfant de la campagne présidentielle, au cours de laquelle l’environnement a été placé au cœur du débat. Le candidat Nicolas Sarkozy s’était engagé sur deux points : d’une part, doter notre pays d’un puissant ministère regroupant des fonctions jusqu’alors séparées – les infrastructures et l’écologie – afin de coordonner de manière stratégique l’action publique ; organiser, d’autre part, un grand débat avec l’ensemble des parties prenantes, partant de l’idée qu’un sujet aussi essentiel que l’environnement ne pouvait pas être l’apanage d’un ou deux acteurs mais bien de l’ensemble des acteurs de la société française.
Ce Grenelle a été lancé au mois de juillet, il a réuni cinq collèges, les entreprises, les organisations syndicales, les organisations non gouvernementales à vocation environnementale ou écologique, les collectivités territoriales et l’État, pour aborder l’ensemble des problématiques de santé, de biodiversité, de transformation climatique, de gouvernance et de production et d’emploi, concernées par la mise en place d’une nouvelle politique de l’environnement.
Cinquante-trois réunions ont eu lieu, des groupes de travail ont été formés, associant personnalités engagées, militants de toujours, responsables d’entreprise, syndicalistes, maires et présidents d’agglomération, qui ont pu débattre et mener des échanges approfondis, l’objectif n’étant pas d’arriver sur tout à des consensus mais d’essayer de déterminer les enjeux, les objectifs et quelques moyens, alternatifs le cas échéant, pour atteindre ces objectifs.
Mille pages de rapport sont à la disposition du Parlement et des Français, et plusieurs réunions auront lieu dans les territoires à compter du 5 octobre, la première étant organisée à Bourges, ville dont Serge Lepeltier est le maire. D’autres contributions encore nous permettront de définir, sur un sujet crucial, une véritable stratégie.
Des personnes d’une indéniable qualité se sont engagées avec force, acceptant de laisser au vestiaire quelques certitudes pour faire avancer les débats. La société française, quant à elle, a déjà tranché : un sondage récent, publié dans un grand quotidien, indiquait que 93 % des Français se disent déterminés à faire des efforts au quotidien en faveur de l’environnement. Ils savent en effet l’importance de ce sujet.
Ce changement d’attitude est une grande évolution. Car nos concitoyens ont compris que la lutte contre le réchauffement de la planète ou contre les pollutions ne se résumait pas à une série de déclarations d’intention, à un dialogue entre experts ou chefs d’État, à des lois ou traités internationaux, mais qu’il s’agissait d’abord d’un ensemble de décisions individuelles et collectives, de réflexes de la vie quotidienne. Ils ont compris qu’il y avait un lien entre leur façon d’être au quotidien, leurs actes d’achat et de consommation, et des phénomènes qui se constatent à grande échelle.
Il faut dire que certains signes ne trompent pas : notre environnement se dégrade, et chacun peut le constater de visu. Il y a bien sûr la banquise qui fond – guère plus loin de Paris que ne l’est Agadir, c'est-à-dire tout proche de nous –, le climat qui se dérègle comme cet été, où l'on a souffert d'une canicule au sud de l'Europe en même temps que d'inondations records au Royaume-Uni. 40 % des espèces vivantes sont menacées, et ce de plus en plus vite ; il y a les pollutions qui touchent notre vie quotidienne, les PCB, qui ont conduit récemment le Gouvernement à interdire la consommation des poissons d’une partie du Rhône ou le chlordécone aux Antilles.
Nous savons tous que l'ensemble de ces phénomènes a un lien avec l'activité de l'homme. Il y a donc très logiquement aujourd'hui une demande sociale pour l'action en faveur de l'environnement, et une prise de conscience individuelle des devoirs dont elle s'accompagne par nature. Les Français savent que la défense de leur qualité de vie et de celle des générations futures suppose que soient amplifiées dès à présent un certain nombre d’actions.
Qui se satisfait de la pollution des milieux naturels – l'eau que nous consommons ou l'air que nous respirons ? Qui se satisfait d'une production excessive de déchets ou encore de files de camions roulant au pas sur des autoroutes congestionnées, alors même que nos voies ferrées voient passer de moins en moins de marchandises sur des trains dédiés au fret ? Qui ne se soucie pas du gaspillage d'énergie dans les bâtiments, lequel explique une part non négligeable de la hausse des charges locatives et de la croissance de nos émissions de gaz à effet de serre ? Qui ignore l'intérêt de préserver notre indépendance énergétique ? Personne. Les rapports issus des discussions du Grenelle ne disent pas autre chose : les constats de fond sont partagés, même si la façon de répondre aux problèmes ne fait pas toujours l'objet d'un consensus.
Voilà la raison pour laquelle je préfère à un discours inutilement pessimiste, voire moraliste, l'expression de convictions que chacun partage. Tout le monde est d'accord pour lutter contre les excès de l'étalement urbain ; tout le monde a envie d'avoir des fleuves propres, une eau et un air – intérieur et extérieur – de meilleure qualité ; tout le monde est d'accord pour que l'habitat, ancien comme neuf, consomme moins d'énergie – je rappelle que, dans notre pays, les bâtiments utilisent 42 % de notre énergie finale ; tout le monde est d'accord pour avoir moins de décharges, alors que l'on peut facilement trier et recycler les déchets ; tout le monde a envie que les transports en commun soient de meilleure qualité, mieux cadencés et plus confortables ; tout le monde a envie de voir moins de camions au pas sur les routes. En bref, tout le monde a compris que les ressources ou l'espace ne sont pas illimités et que, pour continuer à croître et conserver notre niveau de vie, il faut un changement de notre modèle de développement. Le développement durable, c'est cela. Ce n'est pas le laisser-faire, mais ce n'est certainement pas non plus l'idéologie de la restriction ou de la décroissance.
Reste maintenant à savoir comment nous allons transformer l'essai et convertir cette aspiration au changement de la société en actions publiques et privées. Le Grenelle de l'environnement doit précisément nous aider à définir les chantiers et programmes sur lesquels toute la collectivité doit concentrer ses efforts, efforts que le Parlement examinera, évaluera et modifiera.
Cette démarche de concertation la plus large possible avec les parties prenantes – qui se prolongera ces jours-ci par une consultation des Français sur Internet et des réunions de présentation des rapports des groupes dans une quinzaine de villes – était indispensable.
Vu sous cet angle, l'environnement n'est pas seulement l'affaire de l'État, qui est, certes, un acteur important, mais un acteur parmi d'autres. Il faut aussi convaincre tout un chacun. Cela nécessite de convaincre les entreprises que l'écologie n'est pas un facteur de dégradation de leur compétitivité, mais une opportunité de gagner de nouveaux marchés et d'offrir de nouveaux services, de créer de nouveaux emplois. Cela nécessite d’affirmer que l'écologie n'est pas l'ennemie du pouvoir d'achat, ou un luxe réservé à une minorité fortunée d'habitants de grandes zones urbaines, mais qu’elle est un investissement clef pour l'avenir. Cela nécessite de convaincre les Français que cela ne devrait pas coûter plus cher de prendre le tramway plutôt que l’automobile ; que cela ne coûte pas plus cher d'investir dans les économies d'énergie que de la gaspiller en payant éternellement le prix fort ; que le développement durable n'est pas un drame et encore moins une régression, mais une formidable opportunité d'investissement, de gains de productivité et de pouvoir d'achat, tout en améliorant son confort, sa santé, et son bonheur.
Mesdames et messieurs les députés, il ne s'agit pas de choisir entre croissance économique et protection de la planète, mais de lier les deux. Ce nouveau chemin de croissance, cette autre croissance est à notre portée, car nous avons les technologies pour le faire, nous avons les filières industrielles pour le faire, nous avons les ingénieurs et les créateurs d'entreprises pour le faire, nous avons aussi les services publics, les collectivités locales, quelles qu’elles soient, pour le faire.
Les rapports de synthèse des groupes de travail du Grenelle de l'environnement et le diagnostic partagé qu'ils reflètent dessinent les orientations possibles pour l'action publique et collective. Ils sont d'abord le reflet de fortes convictions que je crois utile de rappeler.
D'abord, tout le monde reconnaît que personne ne détient la vérité absolue pour la bonne et simple raison que certaines connaissances scientifiques sont incomplètes ; que les risques sont parfois mal connus ; que les relations de cause à effet ne sont pas toujours nettement établies. Mais cette connaissance incomplète, qui est dans la nature des choses, ne doit en aucun cas servir de prétexte à l'inaction.
Évidemment, il n'existe pas de solution unique et miracle. En clair, nous ne pouvons pas compter sur une adaptation ou une correction spontanée des grands équilibres économiques pour répondre aux urgences d’aujourd’hui et de demain. Le marché a besoin d'être organisé, guidé et orienté. Il paraît au moins aussi illusoire de compter exclusivement sur les nouvelles technologies qui permettraient brusquement de basculer vers un chemin de croissance soutenable. Nous croyons évidemment à la technologie, et le Gouvernement encouragera vigoureusement la recherche, mais nous ne croyons pas qu'elle constitue, à elle seule, la solution.
Troisième conviction : l'action doit, par ailleurs, être collective, comme la réflexion qui la précède, et les sujets ne doivent pas être traités indépendamment les uns des autres. Qu'il s'agisse de recherche fondamentale, de consommation, de recherche appliquée, de compétitivité, l'action isolée est condamnée à l'échec.
Je ne veux en aucun cas préjuger des conclusions de la table ronde finale qui se tiendra à la fin du mois d'octobre, mais, à la lecture des rapports, quelques orientations consensuelles me semblent d'ores et déjà se dégager.
Il s'agit, tout d'abord, de rappeler le potentiel de croissance de certains secteurs d'activité : c'est le cas des énergies renouvelables, du secteur du bâtiment – pour lequel un grand chantier thermique est nécessaire, notamment dans l'ancien –, des services à l'énergie, en vue de la maîtrise de la demande, ou du secteur des transports, en commençant par les transports collectifs. Nous voulons absolument prendre date avec nos principaux concurrents sur ces nouveaux segments à très haute valeur ajoutée et qui constitueront, en partie, le fondement de la croissance de demain.
Le deuxième impératif, c'est que la protection de l'environnement ne doit pas être le prétexte à une hausse globale de la fiscalité. Je veux absolument que les choses soient claires sur ce sujet. Il ne faut pas confondre l'idée d'utiliser la fiscalité comme signal pour orienter ou pour inciter les Français à adopter un comportement et l'idée – que je combats fermement – de faire de la fiscalité écologique une variable d'ajustement budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, quatrième principe : l'ensemble des participants sont d'accord pour considérer que seule une action territoriale, une action des opérateurs au plus près des réalités quotidiennes – le quartier, la ville, l'agglomération, le département ou la région – permettra de changer les comportements en profondeur et d’apporter des solutions réelles, efficaces. Les grands objectifs, les grands principes, les bonnes intentions ne remplaceront jamais un métro, un tramway, un service de bus adapté aux rythmes de vie, des pistes cyclables...
Le Grenelle a permis de se mettre d'accord sur ces diagnostics partagés et sur des principes d'action communs. Reste maintenant à définir les 15 à 20 chantiers structurants pour les années à venir. Bien sûr, il est encore trop tôt pour annoncer l'issue de la table ronde et je ne souhaite pas préempter les conclusions de la phase de concertation. Ce n'est ni mon rôle, ni les termes du contrat passé entre le Gouvernement et les parties prenantes, ni l'esprit dans lequel je me présente devant la représentation nationale. Je crois qu'il ne faut pas se méprendre sur les objectifs. Le Grenelle n'est pas une machine à fabriquer du consensus contre l'avis des acteurs, c’est un moyen de répondre à un grand enjeu de société et aux préoccupations des Français.
Sans être exhaustif, je voudrais vous parler de quelques axes majeurs qui nécessiteront, bien sûr, un réglage fin des mesures concrètes. On doit s'attaquer aux problèmes les plus importants, qu'il s'agisse des émissions de gaz à effet de serre ou des pollutions diverses qui portent atteinte à notre santé.
Il faut évidemment engager un vaste plan de maîtrise de la consommation d'énergie avec, comme toile de fond, cette idée assez simple que la réduction de la demande est la voie la plus efficace et la moins coûteuse pour réduire la facture énergétique de chaque Français et de la France. Il faut bien entendu commencer par les secteurs où il y a des gisements d'économies importants, où l’on dispose de vraies marges de manœuvre pour obtenir des résultats visibles. C'est le cas des bâtiments anciens. Il faudra donc se mettre d'accord sur des objectifs de réduction de la consommation du parc existant à des échéances déterminées, ce qui suppose un plan de mise aux normes, la généralisation des constructions HQE ou encore une politique de labellisation lisible et identifiable. Je crois qu'il faut dire la vérité aux Français, expliquer qu'il ne s'agit pas seulement d'un coût, mais d'un investissement – les mesures financières permettant cette mutation –, avec, en face, un vrai retour sur investissement grâce à la réduction de la facture énergétique. Cela, indépendamment des créations d'emplois attendues dans les secteurs du bâtiment et des services à l'énergie si l'offre des entreprises est au rendez-vous.
On sait aussi que la restauration de la compétitivité des transports publics massifiés jouera un rôle clef. Derrière ce terme un peu obscur se cache une refondation de notre politique des transports. Il ne s'agit pas seulement de programmer de nouvelles infrastructures, il s'agit, au contraire, de faciliter la mobilité des personnes et des marchandises par des modes de transport faiblement émetteurs : le rail – fret et voyageurs –, la voie fluviale, le transport maritime et les transports en commun. Pour que tout cela soit possible, il faudra simultanément une offre de services nouveaux, une organisation plus concurrentielle du secteur et une nouvelle façon de programmer nos infrastructures. Plus de tramways et de trains de fret là où leur compétitivité globale est meilleure que celle des autres modes de transport. S'y ajoutera un volet technologique, indispensable pour réduire les pollutions des véhicules, combiné à une évolution de la réglementation.
On sait aussi que la biodiversité doit devenir une dimension essentielle de l'action publique et privée. C’est probablement un des consensus partagés, transversaux, les plus novateurs de ce Grenelle. Peut-être était-ce un sujet moins connu que d’autres, même si, sur ces bancs, d’aucuns y sont déjà très largement impliqués. Mais on sait aujourd'hui qu'avec l'extinction de certaines espèces, l’effet du réchauffement climatique, mais aussi une gestion inadaptée de l'espace et des ressources, on remet en cause, de façon irréversible, l'avenir.
Il faudra également aider les Français à mieux consommer avec cette idée que le meilleur moyen de militer pour la planète, c'est encore de consommer intelligemment. Il s'agit d'apporter des réponses simples – très opérationnelles et qui ne coûtent pas plus cher – à la question que tout le monde se pose : « Comment je fais, au quotidien, pour améliorer ma santé, celle de mes enfants, améliorer et protéger mon environnement ? ». Comment ? Eh bien grâce à des écolabels, à l'étiquetage énergie, aux bilans carbone sur les produits, à une publicité responsable, à la limitation du nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur, au développement des produits bio dans la restauration collective. On voit bien qu'on est à la fois sur des sujets de santé, de pouvoir d'achat, de réduction des coûts – et pas seulement énergétique –, de constitution de nouvelles filières agricoles.
Enfin, il faut engager – et c'est un objectif que je partage avec mon ami Michel Barnier, que je remercie d’être présent à cet instant – une réflexion sur l'avenir de notre agriculture.
Beaucoup d'autres sujets sont encore sur la table, comme la nécessité de rattraper le retard inacceptable de notre pays en matière d'assainissement : 146 stations d'épuration ne sont pas encore en conformité, ce qui représente 36 millions d'équivalents habitants ! Je souhaite que le Grenelle soit l'occasion de lancer un grand plan de rénovation de notre système d'assainissement, avec des objectifs précis et quantifiés sur l'état d'avancement des travaux.
Et puis l'État doit se montrer, dans ce domaine, exemplaire. Je ne veux pas vous jouer un refrain connu, mais fixer avec vous un principe simple : l'État n'imposera rien ou n'incitera à rien s'il ne se l'applique pas lui-même avec rigueur.
Pour ma part, je retiendrai trois messages. Le premier concerne le rôle du Parlement vis-à-vis du Grenelle. Qu’on ne se méprenne pas : nous nous sommes engagés dans un processus profondément original. Le Grenelle est un point de départ. Il y aura des chantiers, des programmes, des lois, des engagements, des contrats et un processus de suivi permanent des résultats. À toutes les étapes, le Parlement et ses commissions seront pleinement associés. Si les parlementaires ont participé au Grenelle, si nous avons eu et aurons encore des échanges profonds avec différentes commissions − permettez-moi de saluer ici le président Ollier – …
C’est l’alpha et l’oméga de notre démocratie. Il doit fixer le cap général de l’équité. Ce n’est pas directement une partie prenante : c’est plus, c’est mieux que cela.
Le deuxième message, c’est que notre action n’a évidemment pas de sens si, sur de tels sujets, elle n’est pas européenne et internationale. La France doit être exemplaire dans tous ces combats-là, mais elle ne peut pas être un acteur isolé. Nous devons reprendre la main. La présidence française du Conseil de l’Union européenne l’an prochain et la conférence de Bali en décembre nous offrent une fenêtre de tir que nous ne devons pas manquer.
Enfin, je veux être clair sur ce que n’est pas le Grenelle de l’environnement. Pour passer à l’action, il ne faut plus entretenir de conflits artificiels que la société française elle-même considère déjà comme dépassés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est une question de responsabilité et, au fond, de bon sens.
Il convient, mesdames et messieurs les députés, de démontrer qu’une économie durable est possible. L’économie actuelle prélève plus sur l’écosystème qu’il n’est possible. Très objectivement, certaines ressources sont rares − qu’il s’agisse de l’énergie, de l’air, du niveau climatique, de la qualité des terres arables, de la biodiversité…
Avec mes collègues Jean-Christophe Lagarde et Philippe Folliot, nous saisissons cette occasion pour vous faire part du point de vue de notre groupe parlementaire sur l’urgence nationale que représente l’écologie.
(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
La volonté commune de tous les participants n’était pas de faire de ce Grenelle de l’environnement un énième colloque, mais bien de proposer des mesures concrètes. Il nous faut imaginer une politique nouvelle pour les générations futures. Et nous tenons, monsieur le ministre d’État, à saluer clairement et à soutenir la démarche que vous avez engagée et à laquelle j’ai participé en tant que représentant du Parlement dans le groupe de travail n° 4, « Vers une production et une consommation durables », avec, pour suppléant, André Chassaigne.
Nous tenons cependant à nous exprimer, dans un esprit constructif, sur la méthode. Dans sa définition historique, le Grenelle est la résolution, dans l’urgence, de graves problèmes sociaux : c’est 1968, c’est Matignon en 1936.
Monsieur le ministre, vous avez − pour reprendre votre belle expression − organisé cette « conférence des parties prenantes ». Vous touchez là quelque chose de juste. Collectivités territoriales, syndicats, entreprises, associations, se sont tous réunis au sein de ces groupes de travail. Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup de problèmes ont été soulevés, bon nombre de propositions ont émergé, je peux en témoigner en tant que participant. Nous tenons à saluer le caractère innovant de votre démarche. Elle aboutit notamment à donner la place qu’elles méritent aux grandes associations mobilisées pour la défense de l’environnement. C’est une avancée, car il était temps qu’elles soient parties prenantes, pour reprendre vos mots. Ce Grenelle a déclenché, au sein de toute la société française − je veux dire notamment la mobilisation des grandes entreprises et du secteur privés, des associations, des élus − un effort d’imagination et de propositions, que le Nouveau Centre tient à saluer.
Cependant, contrairement au Grenelle de 1968 ou au Matignon de 1936, dans lesquels les parties prenantes avaient une réelle légitimité, pour la première fois, on a réuni autour de la table des acteurs qui, certes, pèsent dans le débat, mais dont la légitimité et l’expertise sont de niveaux très différents − je peux, là aussi, en témoigner.
Parlons, tout d’abord, de la légitimité démocratique. Le Parlement doit être saisi de ce dossier et prendre le relais sur ce sujet fondamental. J’avais entendu M. le Premier ministre dire qu’il y aurait une loi-cadre. Cela nous avait plu. Vous acquiescez, monsieur le ministre, ce qui est préférable à ce que j’avais entendu par ailleurs. Vous aurez, en effet, intérêt à rassembler toutes vos mesures dans une loi-cadre. C’est une très bonne chose et nous soutenons cette démarche. Toutefois, monsieur le ministre, permettez-nous de vous demander − j’allais dire : d’exiger − de ne surtout pas prononcer l’urgence pour cette loi. Ne nous faites pas le coup de la banquise qui fond ! (Sourires.) Laissez-nous faire un vrai travail parlementaire. Laissez-nous établir un vrai dialogue avec vos parties prenantes. Si cela doit prendre un an, un an et demi, ce ne sera que le prix de la pertinence et de la crédibilité.
Comme dirait celui de nos collègues qui est la conscience du Nouveau Centre, Charles de Courson…
Combien ça coûte ? Il faudra bien en parler. Pour le moment, il est vrai que nous n’en sommes qu’au défrichage. Cette action de long terme suppose que l’on parle clairement de la question du coût et du financement de ce futur programme. Toute réforme ambitieuse suppose des moyens. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que cela se ferait à fiscalité constante. C’est une déclaration importante. Vous semblez vous diriger vers un remplacement au moins partiel de notre fiscalité actuelle par une fiscalité verte. C’est plus facile à dire qu’à faire, mais nous serons à vos côtés dans ce débat-là.
La seconde boussole − celle de l’expertise scientifique − est plus importante encore. Je m’adresse ici tout particulièrement à Mme la secrétaire d’État. L’expertise scientifique n’a pas eu dans ce processus la place qu’elle mérite. C’est bien dommage, car l’écologie − et même l’écologie politique −, c’est d’abord une science, celle des milieux, celle de l’interaction des milieux. Monsieur le ministre, vous n’avez pas de tâche plus urgente que d’installer une évaluation scientifique pluridisciplinaire et indépendante au cœur de votre démarche − vous l’avez dit avec raison. Dans cette affaire-là, nous devons rester, au sens des Lumières, des gens raisonnables. Comme vous, monsieur le ministre, nous constatons la méfiance d’une partie des acteurs du secteur de l’environnement et de l’opinion publique vis-à-vis de l’évaluation scientifique. Rien n’est plus grave. Il faut corriger cela. Cette méfiance n’est pas née par hasard. Les scientifiques doivent balayer devant leur porte. Trop souvent, l’expertise a été monopolisée par une seule discipline. Oui, il faut des sciences dures, mais il faut aussi des sciences humaines. Nous avons besoin de ces différents angles et de cette pluridisciplinarité. Oui, osons le dire, l’expertise scientifique a été trop souvent sous l’influence des intérêts économiques.
Nous attendons donc, monsieur le ministre, que ces grands objectifs soient déclinés en propositions concrètes, efficaces, éclairées, de nature à créer une vraie rupture avec les politiques actuelles. Ce Grenelle de l'environnement, vous devez en faire un vrai projet d'avenir.
Et si nous émettons des critiques, si nous commentons certaines propositions, c’est dans un esprit positif, pour illustrer les difficultés méthodologiques que nous venons de souligner.
Premièrement, nous pensons que nous gagnerions à fédérer tout un ensemble de propositions dans une véritable stratégie pour l’emploi écologique. La plupart des entreprises du secteur « environnement » sont étrangères, si nous excluons le nucléaire. Nous avons un million d'emplois d'écart dans le domaine de l'environnement par rapport à l'Allemagne : il y a là un défi à relever, notamment si nous voulons remporter celui de la croissance et de la société durable.
Deuxièmement, nous considérons qu’il ne faut pas recourir systématiquement à l’affichage d’objectifs de long terme, pour lesquels nous ne maîtrisons pas la quantification.
Sur ce point, monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre réitère une proposition que nous avions déjà formulée à l’occasion de la loi d’orientation sur l’énergie : que le Parlement examine chaque année un projet de loi environnemental, comme il le fait avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Certains vous diront que ce n’est pas possible, d’autres que c’est déjà fait. Nous savons, nous avons pu les mesurer, les progrès que le PLFSS a apportés au Parlement sur le plan structurel. Ce projet de loi environnemental que nous réclamons serait un outil concret qui permettrait de répondre au défi de l'environnement par une action de long terme, planifiée et financée.
Tant que nous ne serons pas, nous parlementaires, parvenus à articuler le court terme opérationnel et les objectifs de long terme issus de tous nos engagements, – le protocole de Kyoto, les directives européennes, maintenant votre plan national pour l’environnement – l’ensemble de la démarche manquera de crédibilité.
Troisièmement, il faut apporter notre soutien à des positions vraiment solides intellectuellement et ne pas se contenter de reprendre certaines idées populaires dans l'opinion publique. Je prendrai l'exemple du bio et de la restauration collective. Si l'agriculture biologique mérite notre soutien – elle n’a pas d’intrants chimiques, elle laisse moins de traces dans notre environnement – faut-il pour autant imposer le bio au sein des cantines ?
Quatrièmement, il faut résoudre les conflits les plus durs en recourant systématiquement à l'expertise scientifique.
Prenons le cas des OGM – je ne vois pas M. Noël Mamère, mais nous en avons débattu ce matin.
Philippe Folliot exprimera la position du Nouveau Centre sur ce sujet. Mais une chose est sûre : vous ne pourrez résoudre ce problème que si vous recourez à l'expertise scientifique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, le Nouveau Centre soutient l’idée de création d'une Haute autorité des biotechnologies, qui devra apporter des éléments d'expertise nous permettant de trancher ce conflit extrêmement dur.
Pour conclure, permettez-moi une petite image rugbystique. Monsieur le ministre, honnêtement, vous avez fait une bonne première mi-temps ! (Sourires.) Vous avez surpris – c’est important dans un match de rugby – et vous avez fédéré autour de votre idée.
Or, dans une démocratie, le lieu naturel du débat, M. Dionis du Séjour le rappelait tout à l’heure et vous-même l’avez souligné, monsieur le ministre, c'est bien le Parlement et singulièrement notre assemblée. Alors que le Grenelle de l'environnement suit son cours, il était évidemment indispensable que nous puissions vous dire la manière dont nous ressentons les choses.
Au-delà des interventions ponctuelles de certains députés, de toute sensibilité, dans les groupes de travail, je souhaitais, au nom de mes collègues du groupe UMP, vous livrer quelques réflexions de méthode.
Le Gouvernement met en ce moment des crédits considérables sur la recherche, ce dont nous nous réjouissons. Eh bien, il faut consacrer une partie importante de ses nouveaux efforts à l'innovation environnementale.
Il n’est plus question de présenter l'environnement comme une succession de contraintes supplémentaires, avec des Pères Fouettard moralisateurs qui n'auraient qu'une obsession : taxer, taxer, et encore taxer. Ce serait la vision la plus négative qui soit alors que, on le sait, l’objectif est d’inciter.
Un bon exemple illustre cette conviction, c’est la réduction des émissions de CO2 dans le transport routier. Il me semble que la fausse bonne idée par excellence serait de vouloir commencer par réduire immédiatement la vitesse de 10 kilomètres/heure sur routes et autoroutes pour les véhicules professionnels et particuliers.
D’abord, je crois qu’il faut absolument conserver une approche intégrée et transversale. Les sujets sont vastes, ils touchent à tous les domaines, il faut éviter des mesures trop pointillistes qui en réalité dénatureraient la force du message politique. D’où l’intérêt d’une loi-cadre.
Ensuite, nous plaidons pour le respect d'une approche équilibrée. Consommateurs, citoyens, entreprises, administrations, nous avons des responsabilités partagées et des efforts à consentir. De ce point de vue, il faut que chacun puisse assumer sa part de responsabilité. En clair, je crois qu’il faudrait qu’on évite le manichéisme et surtout qu’on culpabilise à bon escient. II n'y a pas, d'un côté, les gentils défenseurs de la planète et, de l'autre, les méchants pollueurs.
La question des OGM méritera évidemment un débat spécifique. Rien de tel sur des sujets aussi difficiles que de s’embarquer sur tous les excès. Stopper net la recherche sur les OGM serait absurde.
Je crois qu’il est très important que, sur ce sujet, nous nous engagions ensemble dans une obligation de résultat, monsieur le ministre d’État.
Vous le savez, nous avons, nous autres députés de la majorité, beaucoup travaillé ces derniers mois sur l’idée de faire évoluer le contenu de notre mission pour que les députés participent au contrôle de l’efficacité publique, au contrôle de l’action gouvernementale, au meilleur sens du terme, et ceci en rassemblant les députés de tout bord. Dans le domaine de l'environnement, nous avons un formidable travail à accomplir ensemble pour que les études d’impact, le contrôle de l’application des lois et l’évaluation des résultats soient des outils majeurs.
Enfin, je crois qu’il est important de ne pas oublier la dimension internationale. Vous en avez parlé. Nous avons évidemment à cœur d’associer les Français. Le défi de l’environnement, c’est un appel à plus d’imagination à l’échelle française comme à l’échelle européenne et internationale. Il faut inventer de nouveaux modes de vie, de consommation, de travail. C’est l’intérêt de la France que de relever ce défi, mais c’est aussi son honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Nous nous félicitons de ce choix heureux et inattendu, mais plus encore d'une initiative qui est un authentique exercice de démocratie, au cours duquel les acteurs conviés autour de la table se sont attachés à faire émerger un consensus sur le diagnostic et des convergences sur les objectifs.
Les associations de protection de l’environnement que nous avons reçues nous ont confirmé cet état d’esprit et – pourquoi ne pas le dire franchement ? – nous souhaitons le succès de ce « Grenelle de l’environnement ». A voir les bancs clairsemés de la majorité et le peu d’enthousiasme de M. Copé, je ne suis sûr qu’il en soit de même partout dans cet hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
De 150 préconisations émanant des différents groupes de travail, le Grenelle va devoir aboutir, en à peine quelques jours, à un plan d’action de quinze à vingt programmes concrets et quantifiables, recueillant un accord le plus large possible des participants.
Espérons que ces délais très courts et l’organisation géographique à la fois partisane et lacunaire de la phase du débat public ne présagent en rien des intentions de l’État en matière de démocratie environnementale.
Comment comprendre, en effet, qu’une région où les problématiques environnementales sont si fortes – je veux parler de la région Midi-Pyrénées – soit écartée de ces réunions territoriales, alors même qu’elle concentre plus de 70 % des cultures d’OGM en plein champ ? Je n’ose croire que ceci explique cela. Et comment interpréter le choix des villes où se tiendront ces réunions autrement qu’en constatant votre peu de goût pour l’ouverture ?
Mais en réalité, c’est moins la méthode que sa traduction concrète qui nous inquiète, en particulier lorsqu’à la fin du compte le Président de la République décidera, seul semble-t-il, de ce qui sera retenu et de ce qui ne le sera pas.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, ce Grenelle serait un désastre écologique et démocratique s’il devait se réduire à une simple opération de communication autour des choix du Prince, fût-il éclairé par vous.
Pour le coup, et parce que le diagnostic sur la crise écologique est aujourd’hui très largement partagé, nous espérons la « rupture » à laquelle vous vous êtes engagé, car la dégradation de notre environnement n’est plus une théorie abstraite ; c’est un fait avéré.
L’empreinte écologique de l’homme est supérieure à la capacité régénératrice de la planète et on ne peut plus laisser le temps agir à notre place.
Dans le rapport qu’il a remis à Gordon Brown, le 30 octobre 2006, Nicholas Stern estimait que si rien n’est rapidement engagé à l’échelle de la planète contre l’effet de serre, la récession économique serait telle que le PIB mondial pourrait en être affecté de 5 à 20 %.
Mes chers collègues, à court et moyen terme la protection de l’environnement a probablement un coût, disons-le, mais disons aussi que si rien n’était fait, cela coûterait encore plus cher aux générations qui vont nous succéder, tant au plan environnemental qu’au plan économique.
Voilà pourquoi il est temps d’agir, d’autant plus que depuis quatre mois le temps, justement, a joué contre le Grenelle de l’environnement. Pendant que se déroulait son processus d’élaboration, l’adoption du « boulet fiscal » a réduit la marge de manoeuvre financière de l’État de 15 milliards d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…
Pendant que se déroulait son processus d’élaboration, la SNCF, entreprise publique, définissait un nouveau plan de fret dans lequel 262 gares n’assureront plus, à compter du 30 novembre 2007, le chargement et le déchargement de wagons de marchandises isolés, ce qui fragilise votre discours en matière de transport et de réchauffement climatique.
De même, pas besoin d’un « double étiquetage économique et écologique » sur le projet de loi de finances pour 2008. « Double langage » aurait suffi, tant celui-ci n’opère aucun changement majeur en matière d’écologie, si ce n’est la perte de 1 192 emplois dans votre champ de responsabilité.
Tout cela pour dire que les attentes que vous avez suscitées ne pourront être satisfaites par des demi-mesures ou de nouveaux slogans présidentiels sans lendemain. Dans ce domaine, nous avons déjà beaucoup donné.
Tout le monde a en mémoire le célèbre « La maison brûle » du Président Chirac en 2002 à Johannesburg. Mais cinq ans et cinq ministres plus tard, on se demande toujours où sont passés les tuyaux.
Les mesures livrées au débat public qui s’ouvre sont toutes intéressantes et, dans la majorité des cas, réalistes. Aussi, ne préjugeons pas du sort qui leur sera réservé. Mais la polyphonie gouvernementale à propos de certaines d’entre elles a hélas entrouvert la porte aux lobbies contre-révolutionnaires et aux revirements qui vont avec.
Ainsi, monsieur le ministre d’État, lorsque vous confessez à demi-mots votre intime conviction sur le gel des cultures d’OGM en plein champ, Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République, siffle la fin de la récréation et demande aussitôt que cette question ne soit pas traitée avec désinvolture.
Eh bien nous, mes chers collègues, nous exigeons que les ministres en charge des questions essentielles ne soient pas « traités avec désinvolture » par des conseillers sans mandat ni légitimité et qui polluent le débat démocratique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous attendons la « révolution écologique » que vous nous avez promise et une clarification sur les points restés en débat lors de la première phase : niveau de réduction des pesticides, évolution du schéma autoroutier, incinération des ordures ménagères, avenir du nucléaire, moratoire sur les OGM. Ces questions doivent être tranchées.
Au sujet du nucléaire, le point d’équilibre sera difficile à trouver entre ceux qui, dans les groupes de travail, ont exprimé leurs doutes quant à l’utilité d’une quatrième génération de réacteur nucléaire et un Président de la République devenu, à égalité avec le président iranien, le « voyageur représentant placier » du nucléaire civil dans le monde. (« Lamentable ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il faudra aussi que la politique française de protection de l’environnement ne continue pas à prétendre qu’elle fera « quelque chose avec rien ». Il faut que l’État crédibilise les mesures qui seront arrêtées par une loi de programmation et des financements planifiés dans la durée.
Il est impératif aussi que vous assumiez honnêtement vos responsabilités vis-à-vis des acteurs sur qui la charge de réalisation sera transférée – je pense en particulier aux collectivités locales.
Si tel n’était pas le cas, monsieur le ministre, votre « Grenelle de l’environnement » se transformerait très rapidement en un « Groenland de l’environnement » et toutes vos belles intentions fondraient sous la chaleur étouffante du tropisme libéral de votre majorité et l’effet conjugué des restrictions budgétaires de Bercy. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ayez cette audace, monsieur le ministre, et ne soumettez pas à la censure du « ministre des comptes » une ambition et une espérance qui valent mieux que cela !
Nous serons vigilants sur le calendrier et le niveau de réalisation des objectifs validés par le Grenelle. Le Parlement devra en être informé régulièrement, par exemple par une annexe à chaque loi de finances.
Pour les députés socialistes, radicaux et citoyens, il est des marqueurs qui, mis en oeuvre simultanément, constituent la masse critique en deçà de laquelle aucune avancée significative ne saurait être obtenue en matière de développement durable.
Dans le domaine de l’énergie, il faut une diversification de la production énergétique donnant la priorité de l’effort financier et de recherche à l’ensemble des énergies renouvelables. Simultanément, la réduction des consommations d’énergie doit se traduire par la mise en oeuvre d’une « pollu-taxe climat énergie », socialement accompagnée et qui ne repose pas sur la seule assiette des énergies fossiles.
Au sujet de cette fiscalité verte, notre approbation ne vaudra qu’à une double condition : que sa recette soit entièrement et exclusivement dédiée au développement durable, qu’elle ne serve pas au Gouvernement à maquiller un plan de rigueur sous couvert d’écologie, et que cette fiscalité soit redistributive en ne pénalisant ni les ménages modestes ni les territoires fragiles.
En matière d’habitat, une impulsion importante doit être donnée pour l’isolation thermique de l’ensemble des logements, à commencer par les logements sociaux.
En matière de transports, une politique globale doit assurer le développement des transports collectifs, du fret ferroviaire et du ferroutage, des transports collectifs urbains propres, en veillant corrélativement à la réduction du trafic routier.
En matière d’aménagement du territoire, il faut viser à la fois une limitation de l’étalement urbain et la recherche d’une plus grande mixité entre l’habitat et le travail. Je ne suis pas certain d’ailleurs, de ce point de vue, que la « France de propriétaires » voulue par le Président de la République aboutisse à un bon « bilan carbone ».
En matière d’OGM, et puisque le groupe de travail que vous avez constitué sur cette question s’est accordé sur le fait qu’il n’était pas possible, en l’état actuel de la science, d’écarter le risque de contamination, il vous faut passer de l’intime conviction à l’utile décision et confirmer dès maintenant le gel des cultures en plein champ en 2008.
Monsieur le ministre, « Une autre croissance est possible »... En fermant un peu les yeux et en vous entendant prononcer ces paroles, j’ai d’abord cru que nous avions réussi l’ouverture à l’envers, ou que vous aviez été télétransporté dans un forum alter/mondialiste, ou bien encore dans une assemblée générale de « faucheurs volontaires ».
Monsieur le ministre, Henri Bergson disait de l’avenir qu’il est « incertain parce qu’il dépend de nous ».
Les énergies fossiles sont les grandes énergies du monde. Elles représentent en effet 84 % de la consommation énergétique mondiale, contre 3 % pour le nucléaire et le reste pour la biomasse et l’hydro-électricité. Et le pétrole, dont nous n’avons pas une seule goutte sur notre territoire, intervient à hauteur de 40 % dans ces 84 %. Nous sommes donc entièrement dépendants de l’extérieur. Et il en est de même du gaz et de l’uranium. Que l’on ne vienne donc pas nous parler de l’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire !
Cela dit, 55 % de ce pétrole est utilisé pour les transports, et c’est pour cet usage que sa consommation croît le plus. Vous avez dit, à juste titre, que dans le bâtiment, il y avait beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre et de passoires thermiques. J’espère donc qu’il y aura un grand plan national sérieux d’isolation des bâtiments, anciens notamment. Toutefois, la croissance tant de la consommation de pétrole que de l’émission de gaz à effet de serre, donc en amont et en aval du carbone, est due aux transports.
Je vous pose donc de nouveau la question, monsieur le ministre, et je le ferai autant que faire se peut : êtes-vous prêt à décréter un moratoire sur la construction des autoroutes dont nous n’avons plus besoin en France ? Ce moratoire serait intéressant pour l’écologie et la santé. En effet, nous connaissons bien les effets néfastes pour nos enfants, nos personnes âgées, de la pollution atmosphérique qui provoque des maladies respiratoires notamment. Quant à la pollution stratosphérique, elle change actuellement le climat. En outre, la France dépense, en devises, 50 milliards par an pour l’achat de pétrole et de gaz.
Donc, si nous voulons gagner à la fois sur le plan économique et sur le plan écologique, il faut réduire non pas l’intensité énergétique, mais la consommation énergétique en commençant par la plus forte des énergies, c’est-à-dire le pétrole. J’entendais tout à l’heure M. Copé évoquer une diminution de 10 kilomètres-heure de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes, mais c’est de 30 kilomètres-heure qu’il faudrait la baisser ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez également parlé de développement durable. Moi je n’emploie plus cette expression, car non seulement c’est un oxymore philosophique, comme le sait très bien notre amie Nathalie Kosciusko-Morizet, mais cela ne marchera pas ! C’est une illusion ! Dans le mot développement, évidemment, il y a quelque chose de géométrique, c’est un pourcentage qui augmente tous les ans, ce qui signifie une croissance exponentielle. Or, cela ne marche pas dans un monde qui a épuisé ses ressources non renouvelables ! Donc, ne parlons pas de développement durable, mais changeons au moins l’iconographie, c’est-à-dire la représentation mentale que l’on a de ce développement durable. Actuellement, quand on en parle, on évoque trois piliers – un peu comme dans les débats européens – : le pilier économique – une sorte de sphère –, le pilier social – une autre sphère à côté – et le pilier environnemental. Ces trois sphères sont séparées, mais elles ont tout de même une intersection commune à peu près au centre. Ce n’est pas du tout comme ça le monde réel, monsieur le ministre !
Il faut nous représenter la sphère environnementale comme englobant tout le reste. Dans une représentation iconographique du développement durable, l’écosphère serait une grande boule – la plus grande – placée au centre et la société humaine en serait une autre, beaucoup plus petite.
Le réchauffement climatique n'est pas une responsabilité de l'homme,…
Le Grenelle de l’environnement nous permettra de fixer des objectifs, ce qui me semble essentiel. Pour ma part, je souhaite que ceux-ci soient fixés dans le temps et que nous dégagions ensuite des pistes pour les atteindre. Mon raisonnement peut paraître trop cartésien, mais je suis contre la dispersion des idées, qui affaiblit les effets.
Aujourd'hui, nous établissons un premier rapport d'étape. Le travail ne fait donc que commencer. L'Assemblée nationale veut jouer son rôle dans cette grande ambition et elle a toute légitimité pour aider le Gouvernement à tirer les conclusions de cette belle initiative qu’est le Grenelle de l'environnement. C’est pourquoi la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, en liaison avec la délégation à l'aménagement et au développement durable, présidée par Christian Jacob, a créé un comité de suivi qui réunit des membres de la majorité et de l’opposition et travaille en amont. Vous avez accepté, et je vous en suis reconnaissant, monsieur le ministre, de venir devant ce comité, que je souhaite réunir à nouveau, avec celui du Sénat, à la fin du mois d’octobre, pour préparer un deuxième rapport d’étape. Ce comité a vocation à perdurer, car si nous voulons être efficaces, il faut pouvoir, tout au long de la législature, suivre pas à pas les progrès du Grenelle.
Plusieurs centaines de propositions en émergeront à la fin du mois d’octobre, après les débats dans les régions. Ce catalogue ne constituera pas une politique : nous souhaitons que celle-ci soit faite ici, avec le Parlement (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), et qu’elle précise pour plusieurs années les objectifs que nous voulons nous fixer. Monsieur Dionis du Séjour, vingt ans me paraît un bon terme pour rendre lisibles les actions dans le temps. Il nous faut adopter à la fois une stratégie et une tactique, sans confondre les deux. Une difficulté est que cette politique doit être compatible avec les exigences de notre développement en général, mais aussi du développement de notre agriculture, et avec nos contraintes budgétaires. Ne nous laissons donc pas emporter par la passion et travaillons dans la raison pour ne pas décevoir les Français qui comptent sur nous.
Je vous ai demandé, monsieur le ministre, que cette politique se traduise par une loi d’orientation ou de programmation, dont les dispositions seront échelonnées dans le temps et précisées par des lois ultérieures, à la manière d’un travail architectural. Bien souvent, l'intérêt général se heurte aux intérêts catégoriels ; il faut donc éviter que, portées par la passion, des mesures contradictoires soient adoptées. Nous devons aller loin et vite, certes, mais d'une manière coordonnée et programmée dans le temps. Et il nous revient, à nous élus, de confronter les mesures proposées au bon sens et à la réalité de terrain que nous représentons.
Je voudrais sincèrement que le passage au Parlement permette d'écarter les fausses bonnes idées. Je viens d’entendre, par exemple, un scientifique, prix Nobel de chimie, remettre en question l'utilité du recours aux agrocarburants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Il faudra aussi éviter les débats faussés, fondés sur l'ambition politicienne, voire sur l’obscurantisme. Je suis déterminé à soutenir des décisions difficiles, monsieur le ministre, mais je ne veux pas qu'elles soient dictées uniquement par des positions intégristes, non fondées scientifiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce passage au Parlement doit aussi permettre de prendre en considération les lois qui ont déjà été votées par notre majorité, et que je vous remercie, monsieur le ministre d’État, d’avoir rappelées. L’Assemblée nationale a beaucoup travaillé pour donner corps à la notion de développement durable, à l’occasion notamment de la loi d'orientation sur l'énergie, de la loi sur l'eau, de la loi d'orientation agricole, de la loi sur le développement des territoires ruraux, pour n'en citer que quelques-unes. J'ai été très étonné d'apprendre de la bouche de parlementaires participant au Grenelle que ces lois étaient largement ignorées et que certains proposaient des mesures existant déjà !
Quelques initiatives peuvent déjà être prises, sans qu’il soit besoin d’une loi. Monsieur le ministre d'État, vous avez souhaité que l'ensemble des ministères procède à un bilan carbone avant le mois d'août 2008. Je propose, et j’ai écrit dans ce sens au président Accoyer, que l'Assemblée nationale fasse également son propre bilan carbone. Pour être crédibles, les représentants de la nation doivent affronter leur propre réalité.
Plus de cinquante ans après la création de la Communauté du charbon et de l'acier, l'Europe se trouve confrontée aux mêmes défis : réduire sa dépendance énergétique et assurer sa sécurité d'approvisionnement, avec, cette fois, la nécessité de tenir compte de la contrainte climatique.
Aujourd'hui, il y a consensus sur l'objectif d’atteindre 20 % d'énergies renouvelables d'ici à 2020 et de réduire d'autant les émissions de gaz à effet de serre, mais les divergences restent fortes sur les solutions à mettre en œuvre. Nous devons faire preuve de méthode, car nous sommes confrontés à une forte attente de la part de la société civile, mais également à la nécessité de proposer des mesures cohérentes entre elles et économiquement viables, qui n’handicapent pas les performances de nos entreprises.
Je prendrai deux exemples qui touchent à la vie quotidienne de nos concitoyens : l'habitat et les transports. Le bâtiment représente 40 % de la consommation d'énergie de l'Union européenne. Aujourd'hui, on sait construire des maisons dites à énergie positive, qui, à niveau égal de confort et de santé, produisent plus d'énergie qu'elles n'en consomment, pour un surcoût par rapport à un immeuble classique estimé entre 5 % et 17 %.
Il existe aujourd’hui la démarche HQE. Elle a été certifiée, mais elle repose sur le volontariat des professionnels du bâtiment.
Pourquoi ne pas s’inspirer de cette « norme » HQE pour aboutir à une norme européenne et ensuite à une directive susceptible d’être imposée à l’ensemble des acteurs du bâtiment ? Un projet de directive sur les normes de construction est actuellement préparé par la Commission européenne – c’est l’occasion de débattre de cette possibilité au sein de l’Union.
Le cadre européen – vous l’avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre d’État – est une évidence. La France exercera l’année prochaine la présidence. Nous devons saisir cette chance et avancer sur la question de l’habitat, dans le domaine stratégique de la diversification des sources d’approvisionnement. Une stratégie énergétique commune permettrait en effet à l’Union européenne de peser plus dans le monde. C’est la clef du succès contre le réchauffement climatique, comme l’a démontré le Protocole de Montréal sur l’élimination des CFC.
Pour ce qui concerne les transports, il faut savoir que 30 % des gaz à effet de serre proviennent du transport routier. Mais la route assure 88 % des déplacements de voyageurs en France et 81 % des marchandises.
Dans un tel contexte, rien ne sert d’opposer les modes de transport entre eux. Il faut au contraire jouer de leur articulation et développer les autres modes de transport, notamment le fret ferroviaire et le transport fluvial. Cela nous impose, au-delà des moyens de compétitivité à fournir aux opérateurs, de mettre en place un véritable plan national des infrastructures de transport, piloté par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, impliquant l’État, les établissements publics, les collectivités territoriales, les villes, les opérateurs privés et publics.
Pour que ce plan national fonctionne, il doit faire l’objet d’un programme de financement pluriannuel, auquel le Parlement doit être associé dans sa décision et dans son évaluation.
Voilà pourquoi il est essentiel que le Grenelle de l’environnement débouche sur une loi-cadre ou une loi de programmation, comme vient de l’évoquer M. Patrick Ollier, avec un programme pluriannuel cohérent, crédible et évalué régulièrement.
Pour que ce plan fonctionne, il faut aussi veiller à l’équilibre entre l’application du principe « pollueur-payeur » et à la préservation du pouvoir d’achat des Français, car c’est sur eux que pèserait finalement toute dégradation de la compétitivité de nos entreprises.
Pour répondre à cet impératif, la fiscalité incitative représente une piste. Il faut, par exemple, inciter les constructeurs automobiles à développer la recherche sur les moteurs propres, en adaptant le dispositif existant du crédit impôt-recherche au financement de la recherche dans les nouvelles technologies, telles que les piles à combustible, l’hydrogène ou l’hybridation.
Cela implique aussi de définir un crédit d’impôt fondé sur un plafond d’émission de C02 qui pourrait intégrer les véhicules diesel, au lieu de n’inclure que les voitures électriques et le GPL.
Monsieur le ministre, le Grenelle de l’environnement réussira si nous trouvons des solutions gagnant-gagnant, permettant de concilier la protection de l’environnement et le développement économique.
Nous ne réussirons que si nous ne sommes pas le seul pays à entreprendre des actions, qui n’auraient pas d’impact réel sur les problèmes environnementaux, lesquels sont par nature globaux. Cela risquerait de pénaliser nos industries et, in fine, les consommateurs français, par une baisse de leur pouvoir d’achat.
Il est un domaine où le risque existe sans doute plus qu’ailleurs : celui des OGM. Si nous nous orientions vers le gel des cultures, l’interdiction des essais en plein champ et de toute commercialisation, le tout sans avoir démontré scientifiquement les risques réels, et ce à un moment où nos voisins, grâce à des variétés résistantes aux maladies, aux insectes, diminueront de manière drastique l’utilisation de pesticides et augmenteront leur productivité, nous risquerions de connaître une perte de compétitivité.
Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance ainsi qu’à votre équipe pour relever le défi qui consiste à allier la sécurité sanitaire et les performances économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Aujourd’hui, tous les secteurs de l’opinion, tous les décideurs et les forces politiques de notre pays ont été progressivement convaincus et ont intégré le souci de la protection de l’environnement face aux progrès de la science, longuement évoqués par M. Dionis du Séjour, qui démontrent l’irréversibilité de ce que nous imposons à notre planète ainsi que les dangers pour notre avenir et celui de nos enfants.
Nos compatriotes comprennent la nécessité du changement des comportements pour sauvegarder l’environnement. Ils attendent le changement, mais souhaitent tout aussi fortement, comme toujours en France, que cela ne perturbe pas leurs habitudes, que cela ne leur coûte pas cher, que l’on adopte une manière douce – light, si j’ose dire. Dès le début de la mise en œuvre d’une politique globale, je voulais appeler votre attention, monsieur le ministre, et celle de la représentation nationale, sur cette difficulté. Oui, ils veulent le changement, mais ils ne veulent pas qu’on touche à leurs habitudes.
Le Grenelle de l’environnement a déjà eu le mérite d’avoir suscité des débats dans les médias sur des points qui intéressent nos concitoyens. Il faudra que le Gouvernement réfléchisse à la façon de prolonger ces échanges. Vous savez en effet que, en matière d’information, un clou chasse l’autre. Lorsque nos débats seront achevés, les Français se préoccuperont d’autres sujets. Or les politiques publiques visant à la protection de l’environnement nécessitent un effort constant et durable, tant les résultats constatés sont lents. Cela nécessitera de pratiquer également une politique d’information dans les lycées.
Cela entraînera, contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, des contraintes pour nous tous, pour notre vie collective. Je ne crois pas un instant que des politiques environnementales satisfaisantes et efficaces pourront être conduites et nous permettre de remplir les objectifs que nous nous sommes fixés, notamment par le biais de la Communauté européenne, de façon légère, plaisante et agréable.
Cela ne signifie pas que la politique de protection de l’environnement doit devenir pour tout le monde une sorte de grande punition collective. Loin s’en faut ! Si l’on traite ainsi le problème, cela échouera, car les mesures seront rejetées. En revanche, il ne faut pas laisser croire à nos concitoyens que cela ne coûtera rien, que cela ne changera rien et que cela ne sera pas un peu désagréable et impopulaire.
Le Grenelle de l’environnement, c’est la conférence des parties prenantes Elle permet de se réunir, de discuter, d’aboutir à des consensus, de constater des divergences. Il appartiendra ensuite à l’Assemblée nationale, comme vous l’avez dit, de trancher – c’est aussi notre rôle –, ce qui exigera parfois du courage.
Je souhaite traiter de ce qui semble être le manque de stratégie du Grenelle de l’environnement. J’ai lu, jeudi dernier, les conclusions, qui ressemblent un peu à un catalogue de mesures nécessaires, utiles, pour la plupart consensuelles.
Si l’on a bien vu ce qui peut être fait ponctuellement, individuellement, collectivement, je ne trouve pas, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une ébauche de stratégie pour que cela ne soit pas une punition.
Il faut que nous relevions le défi et que, loin d’envisager les mesures nécessaires comme une punition, nous les considérions comme une chance. Nous en sommes capables sur tous les bancs de notre assemblée. M. Jean Dionis du Séjour faisait remarquer tout à l’heure que nos industries, nos entreprises étaient malheureusement très rares dans le domaine de l’environnement par rapport à nos voisins étrangers. Le défi sera de se doter de stratégies industrielles dont la France ne dispose pas aujourd’hui.
Nos efforts de recherche ne sont pas suffisamment coordonnés avec les universités. Nos capacités de développer des filières nouvelles, des emplois nouveaux, valorisants, des richesses nouvelles pour notre pays devraient être à la première place dans la volonté nationale de progresser dans la défense et la protection de l’environnement, mais aussi dans la performance économique et dans le développement d’emplois.
Il ne s’agit pas d’être un Père fouettard, mais nous pouvons faire naître, grâce à ce véritable moteur de croissance, une nouvelle économie, au même titre que les diverses révolutions industrielles ou la révolution du multimédia que nous avons connues.
La France est en retard et elle aura besoin de l’État. Notre pays, heureusement, ou malheureusement, que l’on s’en satisfasse ou qu’on le déplore, a toujours besoin que l’État fixe un certain nombre de stratégies, afin que les acteurs se rassemblent.
Je citerai l’exemple de l’industrie automobile française, qui est caractéristique de cette absence de stratégie. Vous en avez appelé tout à l’heure aux comportements vertueux des citoyens, « éco-responsables », comme on peut lire dans les gazettes. Pourquoi un citoyen français qui veut acquérir un véhicule un peu moins polluant doit se tourner vers des marques étrangères ? Y a- t-il des véhicules produits par nos deux ou trois grandes entreprises françaises d’automobiles qui soient à propulsion hybride, moitié électricité, moitié carburant fossile ? Y a-t-il des prototypes français de voitures à hydrogène ? Pourtant, il en existe au Japon et aux États-Unis. J’entendais un des grands responsables d’une de ces sociétés expliquer, il y a quelque temps, que son entreprise avait l’ambition d’être la plus écologique d’Europe, sous prétexte qu’elle avait développé le système start and go – pardonnez-moi pour cet anglicisme. Quel effort ! Quelle recherche ! Cela mériterait réflexion, non par volonté de stigmatisation, mais pour que l’État ait un effet d’entraînement.
Où en est la réflexion sur la production d’hydrogène ? On sait qu’il s’agit à la fois d’une énergie propre, renouvelable, dont nous aurons grand besoin et qui se développera au cours des futures décennies.
Voilà quelques exemples de cette absence de stratégie. Bien évidemment, les parties prenantes n’étaient pas là pour cela. Je souhaite que le Gouvernement garde ces éléments très présents à l’esprit.
Je ne voudrais pas multiplier les exemples de l’absence de stratégie. Mais la consommation excessive de nos ressources naturelles nous incite à repenser l’aménagement du territoire, nos modes de production, de déplacement, de consommation. Or on ne trouve rien ou presque dans le Grenelle de l’environnement sur la façon d’aménager différemment nos villes et nos campagnes.
Je suis un élu urbain et je me demande pourquoi nous avons concentré dans de grands ensembles toute la population – et le cas de l’Île-de-France n’est malheureusement pas unique –, le travail étant à la périphérie. Pourquoi nos centres-villes ont-ils progressivement perdu bon nombre d’activités économiques là où, justement, le logement est le plus dense, même s’il est aussi le plus cher ? On multiplie de la sorte les transports et les dépenses d’énergie. Il faudrait revoir notre stratégie en la matière si nous voulons réussir.
Je voudrais insister sur deux points : les moyens financiers nécessaires et les moyens juridiques, politiques – parlementaires oserai-je dire – qui sont nécessaires. Nous avions évoqué, il y a quelque temps, la création d’une commission parlementaire pour suivre ces sujets transversaux, mais nous n’en entendons plus parler. J’y reviendrai.
On peut avoir, sur les moyens, un débat idéologique dans lequel les uns seraient partisans de la surtaxation et les autres de la non-dépense. Nous devons être plus pragmatiques. Les moyens nécessaires pour mener les politiques proposées dans les documents de travail manquent et manqueront. Nous devrons donc procéder à des choix.
Il me semble possible de parvenir à un consensus sur la surtaxation de ce qui est polluant et sur la défiscalisation de ce qui est écologiquement propre. Le candidat Nicolas Sarkosy ne disait pas autre chose avant d’être élu Président de la République. Pour lui, il n’était pas logique d’acheter au même prix quelque chose qui pollue et quelque chose qui ne pollue pas.
Nous devons, par le biais de la concurrence, parvenir à un équilibre. Pour nous, qui croyons aux vertus de l’économie de marché, il nous apparaît possible de trouver des ressources. Si, par la taxation, nous pénalisons tout ce qui polluant et si, par l’incitation fiscale, nous favorisons tout ce qui est « propre », nous parviendrons bien plus rapidement à un résultat qu’avec les politiques publiques que nous serions susceptibles de développer.
Si des besoins supplémentaires sont nécessaires, ces crédits pourront être financés par des économies de fonctionnement de l’État…
J’ai lu, monsieur le ministre, que l’Agence nationale de la rénovation urbaine – l’ANRU – devait être respectueuse de l’environnement dans ses opérations de réhabilitation de logements sociaux. Bien que vous ne soyez plus chargé de ces questions, je sais que vous êtes attentif à ce problème, et que vous savez que se pose la question des moyens. Le respect de la réglementation thermique – RT 2 005 – a en effet un coût. Or l’ANRU ne prend pas en compte ce surcoût, qui est de l’ordre de 10 à 12 %.
Une commission spécialisée à l’Assemblée nationale et au Sénat…
Nous serons là pour trancher, arbitrer et évaluer. Pour réussir votre politique volontariste, vous aurez besoin du Parlement, monsieur le ministre, et il vous faudra, avant la loi-cadre, prévoir le temps nécessaire à la réflexion. C’est la raison pour laquelle nous devons nous doter de commissions spécialisées sur ce sujet. C’est un message que j’adresse à la présidence de l’Assemblée car je sais qu’il n’appartient pas au Gouvernement de les créer. En tout état de cause, c’est une urgence pour notre Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
À l’évidence, l’environnement est un enjeu majeur pour notre société dans les décennies à venir. Comment poser le débat, et le décliner dans sa nécessaire dimension opérationnelle, qui lui apportera toute sa crédibilité ?
Pour ma part, je suis intimement convaincu, de par mon engagement de longue date dans le combat pour le développement durable, qu’il s’agit du thème majeur qui doit orienter le siècle dans lequel nous sommes entrés, et, peut-être le seul à même de lui donner un sens. Car il s’agit, ni plus ni moins, d’éviter une catastrophe écologique annoncée et actuellement à l’œuvre. Mais c’est beaucoup plus que cela.
Au-delà de la dimension écologique, nous devons réinventer notre façon de faire de la politique. Alors, merci, monsieur le ministre, d’avoir lancé le débat. C’est une grande innovation dont notre pays avait bien besoin et qu’il attendait depuis maintenant un certain temps.
Alors que l’enjeu du développement durable était à l’origine strictement écologique, il est aujourd’hui beaucoup plus vaste et répond à l’aspiration de prendre en compte la dimension humaine dans notre système politique, économique et social.
Il s’agit d’une vision globale qui recouvre la volonté d’aller vers un nouveau modèle : un modèle de régulation économique qui englobe l’environnement, certes, mais qui, plus largement, répond à une demande d’éthique.
Sont en gestation aujourd’hui un nouveau modèle de société et un nouveau système économique et social, lesquels proposent une alternative intéressante et nécessaire à la société post-industrielle dans laquelle nous sommes encore.
Le XVIIIe siècle a vu émerger la philosophie des Lumières, laquelle, au XIXe siècle, est entrée en conflit avec le modèle dominant de l’époque pour finalement triompher en imposant le modèle de démocratie politique et de libéralisme en économie dans lequel nous vivons toujours. Je n’hésite pas à comparer la philosophie politique du développement durable à celle des Lumières. La représentation nationale a l’impérieuse nécessité de porter le débat à ce niveau, au-delà de propositions limitées, cloisonnées, qui datent de Stockholm 1 972.
Aujourd’hui, c’est la logique du rapport Brundtland de 1987 et du sommet de Rio qui est enfin à l’œuvre. À cet égard, notre pays, de par son modèle politique, économique et social, pourrait avoir une influence déterminante, non seulement en Europe, mais dans le monde, sur un sujet majeur en matière de relations internationales. En tout cas, permettez aux quelques vieux gaullistes que nous sommes encore dans cette assemblée de le croire !
De grâce, cessons de tout complexifier, de tout réglementer, et arrêtons de décourager les initiatives dans ce pays C’est par l’incitation et l’encouragement que nous réunirons tous les acteurs de bonne volonté, et ils sont nombreux ! Ils attendent des mesures incitatives et non des mesures contraignantes et paralysantes.
Je tiens à saluer votre volontarisme, monsieur le ministre, en la matière. Nous pourrons être heureux et fiers d’avoir pu contribuer à la mise en œuvre de mesures indispensables, dont les générations futures nous remercieront. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ayant siégé en qualité de parlementaire au sein du groupe relatif aux interactions entre environnement et santé, et pour avoir recueilli des témoignages directs et indirects des autres groupes, je puis témoigner qu’ils ont bien fonctionné. Je tiens aussi à saluer la qualité des travaux menés avec les acteurs idoines en dépit du temps insuffisant dont nous disposions. La seule critique majeure que je ferai du point de vue de la méthodologie tient davantage à la programmation de réunions dites « régionales ». Je m’explique.
L’on peut s’étonner que la liste des villes et des dates où doivent se tenir les débats locaux n’ait été communiquée que très tardivement.
Au-delà, la légèreté avec laquelle ces réunions dans les régions ont été pensées dévoile que, si à vos yeux, elles sont incontournables, c’est pour trouver un ancrage territorial nécessaire à la démarche, qui sans cette dimension aurait pu passer pour un événement parisien, voire « parisianiste ». Peut-être pas un gadget, mais une caution indispensable à défaut d’être « capitale ». L’organisation de ces réunions semble être la même dans les différentes villes où elles auront lieu : à savoir, des ateliers miroirs des six groupes nationaux, puis une séance plénière. Mais il apparaît que les préfectures sont très mal organisées : c’est souvent les DIREN qui rattrapent la mauvaise qualité d’information des acteurs locaux. Des conférences plénières de restitution censément ouvertes au grand public n’étaient en fait accessibles que sur invitation !
Ces réunions, bien conçues, auraient pourtant présenté beaucoup d’intérêt. Mais dans ces conditions, sans pouvoir être obligatoirement valorisées, elles risquent fort d’ajouter à la difficulté globale de l’exercice du Grenelle. En effet, beaucoup de sujets et de thématiques qui ne font pas partie des propositions développées dans les groupes peuvent complexifier la tâche de hiérarchisation et de sélection des mesures. Je viens de prononcer le terme « mesures », mais, dans le dossier récapitulatif des travaux et propositions des groupes, l’on parle le plus souvent d’« objectifs » et non de mesures.
J’entends bien que le Gouvernement a promis des mesures au sens de programmes. J’attends donc de votre part que vous soyez clairs sur leur calendrier d’exécution ainsi que sur leurs financements. Par ailleurs, vous avez déclaré avoir retenu quelques orientations consensuelles, ce qui appelle une autre question, celle du recyclage de toutes les autres propositions qui, in fine, ne seront pas retenues.
Avant de conjecturer sur les résultats probables des négociations et des grands axes de propositions dégagés dans les différents groupes, je veux insister ici sur deux aspects fondamentaux qui résument mes attentes principales.
Quelles que soient les mesures retenues, elles devront, pour avoir prise sur l’état d’urgence né de la dangereuse crise écologique à laquelle nous sommes confrontés, être appuyées sur un financement tel que la priorité si généreusement accordée à l’environnement dans vos discours puisse enfin se traduire dans les actes et les politiques publiques à travers le budget de l’État. Il faut non seulement que l’engagement de l’État soit structurel mais que l’argent public soit mobilisé autour d’une programmation concentrée. À vous entendre, je crains que nous soyons très éloignés du but. Car si les collectivités locales auront un rôle important à jouer, elles ne pourront prendre la place fondamentale qui revient à l’État dans la mise en place de ces mesures.
Ma seconde attente vise l’instauration d’un mécanisme de suivi des mesures et des programmes adoptés afin d’instituer une évaluation permanente de leur impact concret. À cet égard, je souhaiterais que l’on crée une Haute autorité chargée de ce suivi, qui devrait présenter un rapport annuel au Parlement. L’indispensable principe d’évaluation qui manquait cruellement dans la Charte de l’environnement pourrait ainsi être appliqué.
Certes, il est bon que ce Grenelle formalise les propositions correspondant au constat commun, général et partagé, de la dégradation de l’environnement, mais l’esprit même des Grenelle devrait aussi, voire surtout, tendre à réduire les points de discorde et résoudre les difficultés. Toutefois, force est de constater que si ce Grenelle a bien tenté de le faire s’agissant de la question des OGM, qui a suscité des réflexions intéressantes dans les intergroupes et même généré une politique du Gouvernement, il n’a nullement joué ce rôle s’agissant de la question du nucléaire, ce qui est grave.
Je reviens de Bruxelles où s’est tenue une réunion interparlementaire sur les défis climatiques. Ont été abordées, entre autres, les manières de développer les énergies renouvelables. Le nucléaire n’en est pas une et le fait de l’avoir développé jusqu’à ce jour est nuisible au développement des énergies alternatives. Occulter ce débat, c’est perdre une chance de le gérer au mieux pour les générations futures et d’atteindre les objectifs assignés par l’Union Européenne.
À la lecture du dossier récapitulatif, les travaux des six groupes et intergroupes me paraissent manifester une réelle volonté de mise à plat et une ambitieuse recherche de solutions, ils traduisent le sérieux avec lequel les participants se sont investis dans leur tâche. Cela étant, leurs préconisations sont, comme je l’ai dit, davantage une expression d’objectifs qu’une recherche de moyens. C’est bien toute la difficulté mais aussi tout l’intérêt de l’exercice. J’espère que vous saurez, monsieur le ministre, en tenir compte.
Et puis certains écueils n’ont toujours pas été surmontés. Ainsi le groupe 4, de l’aveu même de ses membres et de leur président auditionnés devant la commission des affaires économiques, a limité ses travaux et propositions au domaine de l’agriculture et de l’alimentation, abandonnant le champ de la consommation en général et l’aspect déterminant des échanges internationaux, alors même qu’il s’intitule « Adopter des modes de production et de consommation durables : agriculture, agroalimentaire, pêche, distribution, forêt, usages durables des territoires ». Du reste, même si on se focalise sur l’agriculture dans cette approche, comment justifier le silence total sur les agro-carburants, qui ne sont d’ailleurs pas davantage pris en compte dans le groupe 1 sur les changements climatiques et la maîtrise de l’énergie ?
Au moment même où Bruxelles lève l’obligation de mise en jachère pour motif de production alimentaire, ce Grenelle rate l’occasion d’exiger des éco-bilans sur les agro-carburants, pourtant nécessaires avant de pouvoir se lancer dans une phase massive d’exploitation. Leur impact environnemental peut s’avérer en effet des plus néfastes. Le conflit de capacités entre les filières alimentaires et énergétiques est sous-estimé, pire, l’intérêt économique n’est pas toujours très évident selon leur type. C’est ici un des oublis les plus symptomatiques de ce Grenelle.
L’ambitieux intitulé du groupe 6 – « Promouvoir des modes de développement écologiques favorables à la compétitivité et à l’emploi » – ne peut que faire regretter l’insuffisance de ses propositions. Je me demande même lesquelles vous pourrez concrétiser. En effet, avec un ordre de mission aussi ambitieux, on peine à se satisfaire des maigres incantations visant pour l’essentiel à réclamer de meilleurs indicateurs environnementaux, un meilleur niveau d’information du public, à dénoncer un effort de recherche insuffisant, à promouvoir la sensibilisation à l’écologie en milieu scolaire – ce qui existe déjà – et à injecter un peu d’enseignement vert au sein des grands cursus professionnels. On s’attendait à trouver des moyens destinés à imprégner l’économie tout entière de développement durable. Je suis obligée de dire qu’un grand nombre d’ateliers m’ont laissée sur ma faim.
Pour terminer, je dirai simplement que l’idée de ce Grenelle était bonne, mais que j’attends, comme toutes celles et tous ceux qui sont depuis des années sensibilisés à la protection de nos ressources naturelles, que de vraies mesures soient enfin prises, financées et évaluées. Ce serait une vraie rupture, en cohérence avec la volonté des populations et les enjeux planétaires désormais reconnus.
Expliquez-moi très clairement, monsieur le ministre, comment vous allez faire pour relever ce défi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il est maintenant possible de tirer un premier bilan de cette démarche.
Tout d’abord, pour avoir participé à l’un des groupes de travail, je crois pouvoir dire que nous aurions gagné à bénéficier d’un peu plus de temps, n’en déplaise au Président de la République et à sa culture de la précipitation.
Mais je voudrais vous interpeller, monsieur le ministre, sur ce qui me paraît être la principale question de ce Grenelle : quelle sera la cohérence entre les actions proposées, qui sont intéressantes, et le reste de la politique de votre gouvernement ?
Vous le savez, monsieur le ministre, nous prenons ce Grenelle au sérieux. C’est pour cela que nous vous avions invité à Nantes pour notre journée parlementaire. Je ne vous le cache pas, les premières réponses que vous avez apportées à nos interrogations ne nous ont pas totalement convaincus. Les propos que j’ai entendus dans la bouche du président de l’UMP et de membres du Nouveau Centre contre les premières mesures proposées ne peuvent que nous inquiéter davantage. J’ai de plus en plus l’impression qu’il n’y a aucune trace de gènes verts dans l’ADN de l’UMP !
J’ai aussi entendu des arguments incroyables – M. Dionis du Séjour nous a quittés, je crois – à propos de l’objectif pourtant bien modeste de 20 % d’aliments « bio » dans les cantines. Le conservatisme reprend déjà le dessus, alors que nous avons là, au-delà des grands principes, le meilleur exemple de convergence entre intérêts des producteurs, à qui l’on garantit des débouchés, et intérêts des consommateurs, à qui l’on garantit de la qualité, sans parler de ceux de la collectivité, qui pourrait en attendre une amélioration de la qualité de l’eau.
Quel sera l’effet concret des déclarations d’intention du Grenelle si, dans le même temps, les autres ministères – et je regrette que M. Barnier ait dû partir – poursuivent les mêmes politiques et si le Président de la République continue de défendre urbi et orbi l’énergie nucléaire, qui produit les pires déchets qui puissent exister car, à la différence des déchets ménagers, ils ne peuvent être traités ? Comment vouloir, d’un côté, restaurer la qualité de l’eau et, de l’autre, subventionner largement la production intensive d’agro-carburants ? Je pourrai multiplier les exemples.
Par ailleurs, comment atteindre les objectifs du Grenelle en matière de transports si on n’opère pas un changement radical de priorités en matière de projets d’infrastructures en mettant un terme aux chantiers incompatibles avec la lutte contre l’effet de serre et en dégageant des moyens pour d’autres politiques utiles ?
Prenons l’exemple des transports urbains. Dans les préconisations du Grenelle, il est indiqué qu’il faudrait doubler les réseaux de tramways et de bus dans les villes. Mais vous savez comme moi, monsieur le ministre, vous qui avez lancé un tel projet à Valenciennes, que nous sommes sans cesse obligés de retarder ces travaux, faute de moyens. N’ayez pas peur, n’en restez pas au catéchisme de la fiscalité constante : donnez des moyens d’agir aux collectivités locales, à défaut de leur octroyer des budgets. C’est une question essentielle car rien ne se fera en matière d’écologie sans les collectivités locales. Certaines, je crois pouvoir le dire, sont déjà des références en la matière.
Plutôt que de phosphorer, comme le fait le Grenelle, sur les péages urbains, dont tout le monde sait bien qu’il s’agit d’une mesure injuste socialement, rejetée par nos concitoyens, généralisez des mesures simples comme le versement « transports ».
Pour nous, le Grenelle doit être le point de départ d’une rupture en matière de politique écologique pour mettre en œuvre un nouveau mode de développement réellement durable. Et pour cela, on ne peut pas utiliser les recettes du passé. Les nouveaux modes de production et de consommation apporteront davantage de qualité de vie à nos concitoyens, dégageront de nouvelles marges de pouvoir d’achat – en faisant baisser les factures de chômage notamment – et créeront de nouveaux emplois durables et non délocalisables dans l’agriculture, dans le bâtiment, dans les éco-industries.
Monsieur le ministre, n’écoutez pas les frileux et les conservateurs de votre majorité qui voudraient continuer comme avant. N’ayez pas peur, les Français sont prêts pour le changement. Ils en sont même demandeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Toute la question est de savoir maintenant comment ne pas décevoir l’immense attente de nos concitoyens, qui sont beaucoup plus adultes et sages qu’on ne le dit. Vous avez eu le courage d’ouvrir le jeu mais il vous faudra encore beaucoup de courage pour dire aux Français qu’il n’y aura pas de Grenelle de l’environnement réussi sans effort collectif.
Il serait vain de faire croire dès maintenant que l’on peut réussir sans augmenter, disons-le clairement, certaines taxes, quitte à en baisser d’autres, sans inciter fiscalement des comportements écologiques vertueux, que certains ont et d’autres pas. Si vous pensez vous en sortir simplement en ne faisant aucune vague, en n’augmentant aucune taxe, en ne demandant aucun effort, cela aboutira à une coquille vide et la déception sera très grande. Le Grenelle de l’environnement reviendrait alors comme un boomerang sur notre majorité.
Cela oblige à une triple cohérence. Et ne disposant que de cinq minutes de temps de parole, j’insisterai sur les points principaux.
Le premier point, c’est la cohérence nationale au regard de la politique budgétaire de votre gouvernement et de l’État. Je voudrais simplement prendre l’exemple de l’Île-de-France, que je connais bien car je suis élu de cette région. On ne peut pas d’un côté lancer un Grenelle de l’environnement et, de l’autre, imaginer un schéma directeur qui favorisait encore l’ouest de la région au détriment de l’est ou encore projeter de construire une liaison souterraine directe vers l’aéroport de Roissy- Charles-de-Gaulle pour les hommes d’affaires en abandonnant les 450 000 usagers du RER D, qui souffre d’un manque criant d’investissements.
À un moment donné, le discours du Grenelle de l’environnement doit imprégner l’ensemble des corps de l’État, l’ensemble des budgets. Vous devrez veiller, monsieur le ministre, au changement des comportements budgétaires de notre pays. Rien ne sert de créer des couloirs de bus dans Paris si l’on n’assure pas la mobilité des 11 millions de Franciliens qui se heurtent à des difficultés dans la grande couronne.
Je voudrais revenir également sur la question aéroportuaire, qui ne figure pas directement dans le Grenelle de l’environnement mais que connaît bien Mme Kosciusko-Morizet. Les aéroports d’Orly et de Roissy seront bientôt saturés. Il faudra donc poser la question de la création d’un troisième aéroport pour l’Île-de-France, non pas comme une fuite en avant dans le développement aérien, mais comme le moyen de faire voler les avions au-dessus des zones inhabitées plutôt qu’au-dessus des zones les plus denses de notre région.
Il est absolument indispensable de dégager des financements importants pour subventionner les villes et les régions qui veulent investir dans les transports propres. Il faudra oser mettre en place une écopastille qui permettrait de responsabiliser les acquéreurs de véhicules et de financer, avec des moyens suffisants, la création de lignes de tramway.
Mais nous pourrions parler également de cohérence européenne et internationale.
Monsieur le ministre, vous avez abordé – était-ce une bévue ou un ballon d’essai ? – la question des OGM. Pourquoi ne pas interdire les essais d’OGM en plein champ, à condition de poursuivre la recherche sous serre ? Mais encore faudrait-il mettre en cohérence nos décisions au niveau européen puisque, vous le savez, la Commission de Bruxelles a sifflé la fin de partie, estimant qu’on ne peut plus revenir sur la question, la directive ayant été adoptée.
Comment pourrons-nous mettre en place un système d’incitation à la protection de l’environnement dans notre pays si nous ne revoyons pas les règles des échanges internationaux dans le cadre de l’OMC ? Vous le savez, le Président de la République avait imaginé la création d’écluses douanières environnementales et sociales, seul moyen d’éviter le dumping environnemental et social de pays qui incitent à la délocalisation de nos entreprises en raison de normes environnementales plus souples. Il n’y a qu’à voir le désastre environnemental actuel en Chine pour comprendre pourquoi nos entreprises quittent notre pays. Nous ne pourrons éviter une chute de compétitivité de nos entreprises françaises et européennes qu’en mettant en place ces écluses environnementales et sociales qui pourraient être progressives, passant, par exemple, comme je l’ai proposé devant la Fondation Nicolas Hulot, de 5 % la première année à 50 % au bout de dix ans. Ainsi, les entreprises internationales pourraient intégrer cette taxe à des productions qui ne respecteraient pas la norme ISO.
Pour conclure, je souhaite mettre en garde la représentation nationale contre un feu d’artifice de mesures qui ne seraient pas suivies d’une cohérence gouvernementale complète, ainsi que d’une cohérence européenne et internationale. Sinon, la déception risquerait d’être immense.
Personnellement, je doute que le Gouvernement ait pris la mesure de l’acuité du problème de la dette fiscale et sociale. La politique économique actuelle ne semble pas encore à la hauteur de ces enjeux, qui restent pourtant une préoccupation majeure des Français.
S’agissant de la dette générationnelle, je pense en revanche qu’on est sur le bon chemin de la réforme pour sauvegarder notre système de retraite par répartition.
Pour affronter, après tant d’atermoiements la dette écologique, le Grenelle de l’environnement vient à temps, et on ne peut que s’en réjouir. La méthode retenue est bonne : on organise une concertation très large et pluraliste, on mobilise toute la société pour une analyse transversale de toutes les politiques publiques et économiques, on s’interroge sur nos comportements quotidiens, sur nos modes de production et sur nos modes de vie. Je me réjouis que le Président de la République ait pris en compte cette question et que vous ayez retenu cette méthode.
Dans ce cadre très positif que je soutiens volontiers, je concentrerai mon intervention sur deux aspects spécifiques. Si mon approche peut paraître iconoclaste, elle se veut en phase avec les attentes que j’ai perçues sur le terrain.
D’abord, ne faisons pas de la route le bouc émissaire du développement durable. Les transports par la route représentent environ 26 % des émissions de gaz à effet de serre et le rapport du groupe de travail n° l du Grenelle de l’environnement, « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser la demande d’énergie », montre clairement que, sur les six dernières années, les émissions de gaz à effet de serre se sont stabilisées. Les progrès permanents des constructeurs pour réduire la pollution des voitures et la poursuite de l’amélioration du parc automobile y sont certainement pour beaucoup. Du reste, il faut retenir qu’une grande part des pollutions du secteur est causée par les 10 % de véhicules les plus vieux du parc.
Nous devons donc poursuivre nos efforts dans cette direction avec notamment l’aboutissement de la directive européenne sur la réglementation pour les émissions de C02 des véhicules neufs. Il est important de tenir compte de ces éléments d’analyse tout en développant, bien entendu, les transports en commun, les transports doux en site propre et surtout la part du fret non routier dans le transport de marchandises.
Mais je voudrais faire passer un message fort aux acteurs du Grenelle de l’environnement et au Gouvernement : certains secteurs du territoire ne sont pas à la hauteur en matière d’infrastructures de transport. Par exemple, l’agglomération de Castres-Mazamet, forte de ses 100 000 habitants, deuxième agglomération de la région Midi-Pyrénées, ne dispose ni d’autoroute, ni de TGV, ni d’aéroport international.
Faut-il rappeler que la croissance de l’économie est directement liée à la mobilité des personnes et des biens et que toute décision d’arrêt de développement des infrastructures conduirait à aggraver le retard de croissance de la France ? C’est pourquoi je me bats, avec l’ensemble des élus et socio-professionnels du sud du département du Tarn, pour que l’autoroute Castres-Toulouse, projet décidé par l’État, donc en cours, soit réalisée selon le calendrier prévu, c’est-à-dire d’ici à 2013, et que le Grenelle de l’environnement n’ait pas d’impact négatif sur celui-ci. C’est d’ailleurs, je crois, la finalité du concept de développement durable que de concilier compétitivité économique, aménagement du territoire, progrès social et préservation environnementale et sanitaire. Nous savons tous dans le sud du Tarn que, sans cette autoroute, notre bassin d’emploi, qui a dû affronter la crise du textile, sera irrémédiablement enclavé, définitivement aspiré par la métropole toulousaine qui est elle-même au bord de l’asphyxie.
Certains territoires sont totalement négligés, voire abandonnés, ce qui renforce la fracture territoriale entre la ville et la campagne et accélère la désertification. À la campagne, où les transports en commun non polluants n’existent plus depuis que la SNCF a pratiquement fermé toutes ses lignes non rentables et où les lignes d’autobus sont rares et peu fréquentes, on ne peut pas se déplacer sans la voiture, qui n’est pas un choix mais une obligation.
Si l’on veut éviter les déserts français, ou encore la France utile et la France inutile, il faut remettre cette problématique, aujourd’hui totalement absente, au cœur de la réflexion des experts et des associations du Grenelle de l’environnement, qui peuvent parfois avoir quelques préjugés sur les ruraux. Je plaide donc en faveur d’une approche spécifique aux territoires ruraux, qu’il s’agisse des infrastructures, de la fiscalité environnementale et surtout de l’aménagement durable du territoire.
Le deuxième point de mon intervention portera sur les OGM. En ce domaine, il faut en finir avec l’inquisition. En ma qualité de vice-président de la mission parlementaire sur les OGM, je ferai d’abord une remarque de forme pour regretter l’absence totale de débat à l’Assemblée nationale sur ce sujet ô combien passionnel après notre rapport publié en avril 2005. C’est une forme de mépris à l’égard de la représentation nationale que de lui avoir refusé ce débat après que certains de ses membres eurent longuement travaillé pour produire un volumineux rapport jugé sage et pertinent. Cette absence de débat s’accompagne d’ailleurs, depuis 1998, d’une absence de courage politique, toutes tendances confondues, pour aborder cette question et adopter enfin la loi que nous réclame l’Union européenne. Cette pusillanimité de l’exécutif et du législatif nous a valu une véritable surenchère dans l’obscurantisme au mépris de toutes les lois. De plus, l’opacité de certaines multinationales dans les choix et pratiques a conforté le comportement des faucheurs volontaires qui violent la propriété privée en invoquant le droit à la désobéissance civique, ce qui est inacceptable.
Concernant les pistes de propositions, j’en emprunterai quelques-unes à notre mission : la création d’un conseil supérieur des biotechnologies qui pourra se prononcer de manière indépendante et éclairée sur ces sujets ; le nécessaire besoin d’information, de transparence et d’échanges – la pédagogie doit être de mise pour mieux expliquer les tenants et aboutissants, dépasser les propos réducteurs des opposants aux essais, tout en assurant une totale transparence sur la nature et la localisation des essais des cultures d’OGM et en systématisant et complétant l’information des maires – ; la distinction claire entre les risques putatifs relatifs aux OGM et les risques avérés relatifs aux pesticides – je pense en particulier aux causes de cancer, qui sont très clairement identifiées en ce qui concerne les conséquences des pesticides ou de l’utilisation massive des engrais entraînant le problème des nitrates dans l’eau – ; la distinction entre les différents types d’OGM : ceux qui sont réalisés au sein d’une même espèce comme une forme poussée de sélection et ceux qui transgressent les frontières naturelles des espèces comme le transfert d’un gène de mammifère dans une espèce végétale pour créer un médicament. Ces deux types d’OGM n’ont pas du tout la même portée d’un point de vue éthique, scientifique et environnemental. Enfin, il faut bien prendre en compte les différents niveaux de risques par rapport à la dissémination. Par exemple, ceux d’un champ de colza transgénique de plusieurs hectares sont bien supérieurs à ceux d’un champ de betteraves où il n’y a pas de pollinisation.
Il faut également se poser la question de l’industrie des biotechnologies et des semenciers et de notre risque réel de décrochage et de dépendance vis-à-vis de multinationales étrangères en général et américaines en particulier.
Ces deux questions du transport routier et des OGM sont emblématiques du Grenelle de l’environnement. Elles sont en effet complexes, donnent lieu à des affrontements idéologiques et passionnels, mais elles sont aussi porteuses d’enjeux majeurs tant en termes économiques que sociaux ou humains. Il vous faudra, monsieur le ministre, user de tout votre art de l’écoute et du dialogue pour en tirer des pistes cohérentes en phase avec les attentes des acteurs que vous avez su intensément mobiliser. Mais il vous faudra aussi entendre les élus et redonner au Parlement le rôle qui est le sien : voter la loi dans le souci de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Depuis quelques années, et notamment depuis le sommet de Johannesburg, je plaide au nom de la commission des affaires étrangères dont je suis membre, pour l’exemplarité de notre politique environnementale, d’autant que nous avons fait en sorte, sous le gouvernement précédent, que l’environnement et le développement durable constituent un levier essentiel de la politique internationale de la France. Les Français, qui ont parfaitement pris conscience des enjeux, sont prêts à des décisions courageuses dont ils connaissent l’urgence.
Le Grenelle de l’environnement, engagé sous l’impulsion du Président de la République, répond ainsi à leurs vœux comme à la responsabilité que nous avons sur le plan international, où la vision de la France, son discours et ses actes sont particulièrement attendus.
Aucune politique environnementale ne peut réussir si elle ne s’intègre pas à une démarche mondiale qu’il nous faut impérativement soutenir. Cela explique que, fidèle à l’approche multilatérale, la France appelle, dans le cadre de la réforme de l’ONU, à la création d’une organisation mondiale de l’environnement, objectif peut-être encore lointain, mais qui passe, dans un premier temps, par la transformation du Programme des Nations unies pour l’environnement en Organisation des Nations unies pour l’environnement. Cela explique l’initiative française de mobilisation internationale de l’expertise scientifique pour la biodiversité et notre volonté de voir l’OMC intégrer les critères environnementaux dans ses décisions. Ces engagements ont été, même si ce n’était pas l’objet premier des débats, ce que je regrette dans une certaine mesure, pris en compte par les groupes de travail du Grenelle, qui ont souligné, comme je l’ai déjà fait moi-même, la nécessité de regrouper des moyens humains et des compétences qui existent au service de ces initiatives, en particulier dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne. Cette présidence sera en grande partie centrée sur la délicate équation entre énergie et climat, qu’il faudra bien parvenir à résoudre.
Dans un contexte de mondialisation, notre sécurité énergétique passe par la fluidité et la transparence des marchés qui, elles-mêmes, sont les conditions nécessaires à l’efficacité énergétique et à la diversité des ressources.
On comprend, dans ces conditions, que le Président de la République ait déclaré il y a quelques jours à New York, en votre présence, madame la secrétaire d’État, que « le défi climatique sera une priorité absolue de l’action de la France », soulignant également l’impératif d’un cadre multilatéral pour trouver les réponses à ce défi.
Nous sommes de ce point de vue à un moment clé. Même si on ne peut pas attendre d’avancées spectaculaires lors de la conférence de Bali en décembre prochain, on constate des changements importants dans l’attitude des États-Unis et de la Chine, pays qui sont des acteurs déterminants dans la préparation et la réussite de Kyoto II.
Les États-Unis bougent, et bougent vite, au rythme américain, conscients que la foi dans le progrès technologique est insuffisante et que l’intervention publique est nécessaire. Ce changement se traduit de différentes façons au niveau des villes et des États. J’ai ainsi été heureux d’entendre Mme Boxer, présidente de la commission de l’environnement du Sénat des États-Unis, lors d’une récente visite à Paris, dire en présence de Mme la secrétaire d’État qu’elle allait soumettre une proposition de loi créant un système d’échange de quotas à l’échelle fédérale sur le modèle du système européen et en liaison avec lui, ce qui constituerait une avancée majeure. Elle estime avoir de bonnes chances de faire voter le texte dans un délai de dix-huit mois, en fonction des échéances électorales américaines. On peut espérer une évolution notable dès la fin de la présidence Bush, concordant – et c’est important – avec la présidence française de l’Union européenne.
Peut-être serait-il utile, monsieur le ministre d’État, d’accompagner cette évolution. L’an dernier, le gouvernement britannique a pris l’initiative d’un accord organisant des liens entre les mécanismes de marché carbone anglais et californien. Pourquoi ne pas faire de même et accélérer ainsi par des solidarités de fait la formation d’un marché mondial qui verra le jour tôt ou tard ?
De son côté, la Chine, qui sera vraisemblablement, dès 2009, le premier émetteur de gaz à effet de serre, a pris conscience qu’elle était la première victime du réchauffement climatique et qu’il lui était indispensable de mieux s’associer aux efforts mondiaux. D’ores et déjà, il existe dans ce pays un système embryonnaire d’échanges de quotas, appelé à se développer, et il est envisagé de faire de Pékin un centre d’échanges de crédits carbone. L’objectif chinois, tel qu’il devrait être défini, dans quelques jours, au congrès du parti communiste chinois, est de donner la priorité à l’environnement et de maîtriser la croissance. Des directives – à caractère coercitif, faut-il le préciser ? – ont d’ailleurs déjà été données dans ce sens aux cadres provinciaux.
Dans ces circonstances, il ne faut pas hésiter à encourager les transferts de technologie sobres en carbone – lesquels ne seront pas nécessairement à sens unique car la Chine développe de façon intensive la recherche dans ce domaine – tout en favorisant les mécanismes de marché. La réussite de ceux-ci – saluons celle du système d’échanges européen – est la meilleure garantie d’un succès qui ne peut être que global. La prise en compte de la tonne de carbone dans les coûts de production permettra d’accélérer le déploiement de technologies propres et, à brève échéance, les mécanismes régulés de marché seront au moins aussi efficaces et incitatifs que les financements publics et, a fortiori, qu’une fiscalité contraignante qui ne peut être ni généralisée ni pérennisée.
Enfin, on ne peut aborder, même sommairement, le volet international sans évoquer les problèmes des pays pauvres, en particulier d’Afrique, qui sont, plus que les autres, vulnérables aux effets du réchauffement climatique, avec les conséquences que l’on connaît, en particulier en termes de migration. La commission des affaires étrangères avait, l’an passé, indiqué quelques pistes, en particulier pour les transferts de technologie en matière énergétique. Je me permettrai de vous les soumettre dans le cadre du Grenelle de l’environnement, sachant que, là aussi, et suivant votre vœu, la France peut être exemplaire et entraîner l’Europe avec elle dans une politique qui, je le répète, ne peut être que globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En Guyane, qu’il s’agisse du littoral, la région la plus entropique et vaste territoire occupé à moins de 10 % de sa superficie, ou de son hinterland, la sécurité énergétique n’est pas satisfaisante. Le volume de la production est insuffisant, tout comme la diversité des sources d’énergie, principalement renouvelables. Surtout, la distribution de l’énergie sur l’intégralité du territoire, avec des zones très enclavées, est difficile, si bien que les citoyens ne sont pas égaux devant ce bien de première nécessité.
En outre, le code de la construction prévoit des normes et des standards qui sont peu adaptés au milieu équatorial. Le réseau d’incinérateurs et de déchetteries entame tout juste sa modernisation, les orpailleurs clandestins se moquent éperdument de l’interdiction du mercure, alors que les maladies d’environnement – le paludisme, la dengue, la maladie de Chagas, la papillonite – sont en forte résurgence. Par ailleurs, l’usage des pesticides reste peu conforme au principe de précaution. Quant au contrôle de la qualité de l’air, il est trop épisodique.
Depuis plusieurs années, des acteurs institutionnels, administratifs, associatifs, et même économiques, proposent un certain nombre de mesures, tel un dispositif législatif global, spécifique à l’Amazonie, dans l’esprit de la loi « montagne » de 1985, qui intégrerait les modifications nécessaires du code minier, du code de l’habitat et du code général des impôts. Ils préconisent l’application des dispositions de Natura 2000 qui permettent de préserver la biodiversité et de valoriser les territoires. Ils recommandent également une fiscalité plus incitative et un accès plus facile, moins coûteux, aux données recueillies par les satellites d’observation de la terre et aux instruments de télédétection, au service des politiques publiques. Il s’agit surtout de créer les conditions d’un développement respectueux de la santé et de l’environnement et performant en matière de création d’emplois.
Pour l’Amazonie, dont la recherche-développement a démontré à la fois les potentialités et les fragilités, le développement durable – version Yves Cochet – constitue un gisement d’emplois beaucoup plus important et beaucoup moins destructeur que les activités minières et pétrolières. Vous voyez, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, il y en a pour tous les groupes : lutte contre le changement climatique, préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, instauration d’un environnement respectueux de la santé, adoption de modes de production et de consommation durables, construction d’une démocratie écologique, promotion de modes de développement écologique et compétitif.
Ayant décliné toutes ces nécessités dont certaines sont des urgences, je voudrais attirer tout particulièrement votre attention sur la question des ressources génétiques, et sur l’obligation morale et politique que vous avez de veiller à leur préservation. Ces ressources, qui attisent la convoitise de grands groupes industriels – pharmaceutiques, cosmétiques, agrochimiques, agroalimentaires – sont la matière première stratégique du troisième millénaire. Après avoir été dépouillés très largement du foncier, des ressources naturelles, notamment minières – et il risque fort d’en être bientôt de même pour le pétrole –, nous entendons exercer la plus grande vigilance et exiger de l’État la plus ferme résolution pour lutter sans complaisance contre la biopiraterie et préserver ainsi les ressources génétiques.
Au terme de quinze ans de gestation, le parc amazonien de Guyane a été créé par la loi d’avril 2006, et mis en place le 7 juin 2007. Au cœur des engagements internationaux de la France souscrits à Rio en 1992, confirmés à Johannesburg en 2002, il relève de la convention sur la biodiversité. Il renvoie à la propriété intellectuelle, et à la reconnaissance des droits des populations locales sur le patrimoine génétique. Il constitue, dans le cadre de la bourse de carbone, un critère d’évaluation pertinent et la forêt amazonienne qu’il abrite peut aussi servir de référent pour la détermination des crédits carbone qui sont prévus pour les projets hors plan national d’évaluation des quotas.
Monsieur le ministre d’État, les Guyanais commencent à désespérer de participer de leur vivant ne serait-ce qu’à l’amorce de la grande aventure du développement. Ils ont déjà subi deux appauvrissements. Le premier, c’est celui des ressources non renouvelables. Nous en sommes au troisième cycle de l’or et le cours international exerce une pression productiviste sur les entreprises aussi bien légales que clandestines. Du pétrole et de l’exploration actuelle du gisement pétrolifère, nous n’attendons guère mieux. Le second correspond à celui des écosystèmes : la forêt, la faune, la flore, les équilibres et, bien entendu, les cours d’eau. C’est donc l’ensemble des activités industrielles, minières, pétrolières, immobilières et spatiales qui doivent être soumises au crible des exigences du développement durable.
C’est ce que permettra le statut écologique préconisé pour les outre-mers par Serge Letchimy, député de la Martinique et membre du groupe sur la biodiversité. Il interviendra dans deux jours, à La Réunion, dans le cadre du seul Grenelle décentralisé pour les outre-mers, dans l’Océan indien. Pourtant, les problématiques sont si diverses !
En conclusion, les outre-mers vous projettent, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, dans le monde et ses contradictions. À la fois Nord et Sud, ils contraignent à concilier l’urgence du développement, qui libère l’homme de servitudes matérielles, et la nécessité de l’excellence écologique. Ils obligent à inventer des passerelles, à être créatifs pour peu que vous preniez le temps d’écouter et d’entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans cette perspective, les petits pays de la Caraïbe, parmi les plus exposés, les plus vulnérables, ont tenu un colloque en Martinique, les 11, 12 et 13 décembre 2006, sur le thème « Changement climatique, la Caraïbe en danger ». Ils ont rappelé que l’élévation du niveau des mers et des océans, la fréquence et l’intensité accrues des cyclones tropicaux, et la destruction des zones côtières auraient pour eux des conséquences inouïes. Ils ont constaté que le globe était devenu un vaste dépotoir où déchets solides, liquides et gazeux étaient déversés continûment et impunément.
La Martinique, condensé de tous ces phénomènes, a été frappée de plein fouet par l’ouragan Dean le 17 août dernier. Un mois plus tard, elle était montrée du doigt à cause des polypollutions engendrées par l’usage de pesticides dangereux, situation critique que l’on fait semblant de découvrir aujourd’hui. C’est vous dire que, pour les Martiniquais, la protection de l’environnement, la sauvegarde de la biodiversité, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le traitement des déchets, la dépollution de nos sols et de nos eaux, le développement des énergies renouvelables, ou encore l’amélioration du bâti sont des chantiers qui s’imposent avec la même acuité, la même urgence qu’ailleurs.
À propos de développement durable harmonieux et solidaire, voici un exemple aberrant : pour répondre à nos besoins croissants en énergie électrique, il est prévu d’utiliser comme combustible en Martinique 95 % de charbon et 5 % de bagasse. Est-ce cela le développement durable ? C’est pourquoi nous voulons un réel pouvoir de décision, pour appliquer les solutions les meilleures et les plus adaptées à notre situation, et pas seulement un statut écologique dérogatoire.
Malgré les difficultés à surmonter, le conseil régional de Martinique a lancé avec d’autres partenaires un programme de maîtrise de l’énergie, un programme de maîtrise des déchets et de l’environnement, ainsi que des actions visant à la préservation et à la valorisation du patrimoine naturel. Pour la seule année 2006, le montant des autorisations de programme s’élève pratiquement à 13 millions d’euros. Ces opérations sont intégrées dans le Schéma martiniquais de développement économique.
Concernant notre biodiversité, c’est dans cette enceinte que, le 28 février 2006, j’avais préconisé la création d’un pôle de compétitivité endogène couvrant l’ensemble Guadeloupe-Guyane-Martinique, pour corréler recherche et développement eu égard notamment à l’importance de l’enjeu. Monsieur le ministre d’État, c’était donc déjà une de mes propositions.
Quoique encore riche, notre biodiversité est fortement menacée : certaines espèces ont disparu, d’autres sont en voie d’extinction rapide.
Concernant la sécurité alimentaire et le problème des pesticides, tant décriés ces derniers temps, il faut déplorer le manque d’écoute du Gouvernement lorsque l’élu, quelle que soit sa sensibilité politique, l’interpelle sur des sujets épineux et dérangeants. Il y a toujours un retard à l’allumage !
C’est dans cet hémicycle que, le 10 mai 2000, je disais au ministre de l’agriculture de l’époque : « Il est souhaitable d’optimiser la vérification au titre du respect de la réglementation, d’approfondir substantiellement la législation sur la sécurité alimentaire, et d’instaurer un laboratoire d’analyse médical techniquement performant, afin de réaliser le maximum de contrôles sur place et de remédier à la faiblesse des données épidémiologiques. » Monsieur le ministre, c’était là une de mes propositions ; depuis lors, sept ans se sont écoulés.
En 2003, j’attirais à nouveau l’attention du ministre sur « les taux de pesticides présents dans les eaux et sols de la Martinique et de la Guadeloupe ». Je lui demandais, en outre, de déterminer les responsabilités liées à une défaillance des contrôles. Dans ce cas précis, le principe de précaution n’a même pas été respecté. Devant la gravité de la situation, on aurait dû prendre des mesures pour restreindre l’usage de produits dont la nocivité était avérée depuis longtemps. C’était là une de mes propositions ; depuis lors, quatre ans se sont écoulés.
C’est dans cet hémicycle que, le 11 mai 2006, lors de l’examen du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, j’interpellais le ministre de l’environnement de l’époque sur « une véritable politique de dépollution, sur l’institution d’un fonds dédié à cela, et sur l’indemnisation du préjudice causé ». Monsieur le ministre, c’était là encore une de mes propositions. Faudra-t-il attendre que la situation soit gangrenée pour qu’on en tienne compte ?
Concernant le problème de l’énergie, la Martinique dépend aujourd’hui encore à 97 % de l’extérieur pour son approvisionnement en énergie fossile. Il est donc urgent et indispensable de recourir à une exploitation plurale des sources d’énergie naturelles de substitution ; c’était là encore une de mes propositions. Et le conseil régional a participé à la création de la première ferme éolienne, dont la production – certes encore modeste eu égard aux besoins – s’élève à 1,1 MW.
Plutôt que de faire de longs discours, il est parfois préférable de rappeler des propos parlants et toujours d’actualité – comme celui-ci : « Nous nous sommes enrichis de l’utilisation prodigue de nos ressources naturelles et nous avons de justes raisons d’être fiers de notre progrès. Mais le temps est venu d’envisager sérieusement ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus, quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés, quand le sol aura encore été appauvri et lessivé vers les fleuves, polluant leurs eaux et dénudant les champs. » Cette déclaration surprenante est de Théodore Roosevelt, ancien président des États-Unis d’Amérique ; elle date de 1909. Cent ans ont passé.
J’ai l’impression que l’actuel président américain ne donne pas le meilleur exemple en la matière : au nom de la croissance américaine, il préfère opposer le veto américain à toute proposition de changement réel. À cette allure, on risque d’attendre encore quelque temps – celui de maîtriser toutes les technologies du futur pour tenter de rester toujours maître de la situation.
Afin de se dérober, voire de se disculper, certains font pression sur les pays émergents au prétexte que leur développement thermo-industriel ajouterait aux difficultés de la planète. C’est vrai ; mais on oublie que l’effort doit venir de tous et en premier lieu des pays développés.
Le dérèglement prévu est tel qu’il est permis de se demander combien de temps on va encore rester dans le palliatif. Je laisse Michel Serres répondre à ma place : « Certes, nous pouvons ralentir les processus déjà lancés, légiférer pour consommer moins de combustibles fossiles, replanter en masse les forêts dévastées […] : toutes excellentes initiatives, mais qui se ramènent, au total, à la figure du vaisseau courant à vingt-cinq nœuds vers une barre rocheuse où, immanquablement, il se fracassera, et sur la passerelle duquel l’officier de quart commande à la machine de réduire la vitesse d’un dixième sans changer la direction. »
Concluons. Une ère semble s’achever : c’est le constat. Que faut-il faire pour changer de cap ? : c’est l’interrogation lancinante. Quels moyens mettre en œuvre pour y parvenir ? : c’est la question posée aux climatologues, océanographes, économistes et autres experts, pour qu’ils indiquent au politique les choix les plus judicieux.
Les objectifs demeurant avant tout la réduction du déséquilibre social et écologique, la question du développement durable est l’affaire de tous. Les réponses doivent être plurielles et adaptées à chaque pays.
Tel est le sens de mes remarques, propositions et contributions au débat sur le Grenelle de l’environnement, initiative opportune qu’il convient de saluer. En ce qui me concerne, monsieur le ministre, je n’ai jamais cherché à affoler quiconque. Par contre, ce qui m’affole, c’est la lenteur de la prise de conscience collective, les tergiversations à relents égoïstes, le manque de promptitude du politique à réagir et à décider devant la montée des périls. Comme le dit un proverbe créole : « Pli ta, pli tris » plus tard, plus triste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Comme vous l’avez très justement dit, monsieur le ministre d’État, « il est urgent d’agir pour réconcilier la nature avec le progrès et le développement » ; progrès et développement sont aujourd’hui pour nous, sans aucun doute, les enjeux principaux. Quelles que soient nos convictions, l’épuisement des énergies issues du pétrole, celui des ressources naturelles et les changements climatiques résultant du réchauffement de la planète nous imposent de modifier nos comportements et de nous organiser afin de garantir une croissance économique durable aux régions d’outre-mer.
Le cadre environnemental que celles-ci offrent – en particulier les Antilles françaises et notamment la Martinique, que je connais bien – constitue un espace d’un grand intérêt, à l’écosystème particulièrement riche, mais aussi très fragile. Sa biodiversité unique nous oblige à repenser sérieusement, et de manière adaptée, notre relation à la nature et nos modes de production, de consommation et de vie.
Comme la plupart des îles de l’arc antillais, la Martinique possède un patrimoine exceptionnel qui constitue une ressource essentielle, de nature à la rendre particulièrement attractive et à favoriser l’essor de ses activités touristiques, condition, à nos yeux, d’un véritable développement. Il est essentiel de préserver ce patrimoine par des moyens appropriés, afin d’activer durablement croissance économique et cohésion sociale.
Ayant bien examiné, monsieur le ministre d’État, les propositions issues des groupes de travail, je reste convaincu que ces caractéristiques naturelles et écologiques ajoutent à la spécificité des régions d’outre-mer ; celles-ci entendent dès lors que l’on prenne en compte leur singularité dans le cadre des exigences écologiques et du développement durable, et que l’on mette un terme à des comportements d’un autre âge. Aussi faut-il adapter les mesures à mettre en œuvre ; l’article 73 de la Constitution ne précise-t-il pas que « le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet d’adaptations spéciales nécessitées par leur situation particulière » ?
Dans ces conditions, il serait opportun que le Grenelle de l’environnement réserve à l’outre-mer un traitement spécifique qui pourrait se traduire par la création d’une structure responsable de son patrimoine naturel, où se retrouveraient, dans l’esprit qui anime ce grand rendez-vous, tous les acteurs concernés autour des ministres chargés de l’écologie et du développement durable, de l’agriculture, des transports et, bien entendu, de l’outre-mer.
Depuis une vingtaine d’années, la santé de notre environnement s’est sensiblement dégradée, avec le blanchiment des coraux, la dégradation des mangroves, les menaces pesant sur la biodiversité, la pollution des cours d’eau, l’accumulation des déchets – et j’en passe. À ces difficultés viennent s’ajouter l’exiguïté du territoire et son insularité, ainsi que les risques naturels auxquels il est exposé ; autant d’obstacles au bon développement et à l’usage approprié de l’espace. Une politique de développement concertée devrait permettre à la Martinique de faire face à quelques-uns des défis qui nous attendent, comme la consommation d’eau potable, la globalisation de la pollution, le changement climatique ou le vieillissement de la population.
Ces dérèglements interviennent au moment où la Martinique doit aussi relever les défis économiques, environnementaux mais aussi énergétiques de la mondialisation, dans un contexte de croissance démographique générale. Les ressources naturelles dont nous disposons me conduisent à évoquer devant vous, monsieur le ministre d’État, la nécessité de réduire notre dépendance énergétique : la Martinique dépend aujourd’hui à plus de 97 % d’importations d’énergies fossiles de plus en plus chères et, par ailleurs, en voie d’épuisement. Ce chantier que je considère comme prioritaire appelle des décisions ambitieuses adaptées à nos climats où les énergies solaire, thermique et éolienne peuvent être très largement exploitées.
D’autres sujets de préoccupation sont aussi à prendre en considération : ainsi, la maîtrise des déchets ménagers et industriels, dont il faut encore améliorer la collecte, le traitement et l’élimination ; la reconquête de la qualité de l’eau, qui impose de réduire les sources de pollution ; la promotion d’un mode d’urbanisation et d’aménagement du territoire qui respecte notre environnement et économise l’espace ainsi que les ressources naturelles ; enfin, l’adoption d’une politique active de gestion du littoral, des aires marines et des ressources halieutiques.
Le débat sur l’environnement est une formidable chance pour l’outre-mer qui, grâce à ses atouts naturels, peut et doit y jouer un rôle moteur. Et c’est pourquoi nous souhaitons que notre territoire, naturellement sensible et vulnérable, soit considéré, dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de la loi-cadre qui pourrait être votée au Parlement pour la circonstance, comme un terrain d’expérimentation servant de laboratoire à la préservation de l’environnement et à la gestion globale des sols et du littoral, au service du grand mouvement de production que nous appelons tous de nos vœux.
Naturellement, une telle dynamique implique une stratégie de recherche, visant en particulier à améliorer les pratiques agricoles par une diminution drastique du recours aux pesticides et aux engrais chimiques.
Il faudra aussi élaborer des techniques susceptibles de limiter l’érosion des sols. Cette stratégie entraînera bien entendu des effets économiques bénéfiques : le recrutement de chercheurs aura un impact positif sur l’emploi, les technologies mises au point pourront déboucher sur des brevets, l’application des recherches générera de nouvelles activités, l’organisation de congrès et l’accueil de spécialistes du développement durable renforceront l’attractivité du territoire.
À l’issue de la première phase des discussions qui a abouti à une liste de propositions, un grand flou demeure. Comment passera-t-on en effet de cette liste de préconisations au choix des quinze programmes d'action qui seront finalement retenus par le Président de la République ? Et quels critères présideront à ces choix ? Par ailleurs, quel seront le rôle de la consultation citoyenne et des réunions locales organisées au pas de charge, réunions qui auraient dû avoir lieu dans les vingt-six régions et pas seulement dans vingt-deux ? Quel rôle également pour l'Assemblée nationale dont les membres du comité de suivi ont soulevé maintes interrogations ? Qu’en sera-t-il enfin du problème du financement des mesures alors que le Premier ministre parle de « faillite », que la croissance espérée ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous et que le projet de budget pour 2008 est marqué du sceau de la rigueur ?
Monsieur le ministre d’État, vous affirmez vouloir la « révolution écologique » qui exige, de la part de l'État, une ambition nationale forte, des choix politiques courageux et des moyens considérables. Permettez-moi d'exprimer un certain scepticisme à cet égard en me fondant sur l'expérience française en matière de préservation de la biodiversité.
La France, présente sur deux continents et trois océans, a une responsabilité toute particulière dans la mobilisation planétaire en vue de d’atteindre cet objectif. Or, si on considère la situation des outre-mers, le bilan est désastreux. Pour ne prendre que l'exemple des départements français d’Amérique, que plusieurs orateurs ont déjà évoqués, que constatons-nous ? Outre les dérogations accordées à l'utilisation du chlordécone aux Antilles, nos déchetteries et nos systèmes de traitement des eaux usées sont loin d'être aux normes européennes.
En Guyane, les cours d'eau portent les marques catastrophiques de l'activité d’orpaillage illégal, car les moyens nécessaires à l'éradication de ce fléau tardent à venir.
Le parc amazonien de Guyane, qui est un parc national, couvre – j’aime à rappeler ce chiffre – une surface de 3,390 millions d’hectares, c’est-à-dire 33 900 kilomètres carrés. Fruit d’un engagement pris par le président Mitterrand au sommet de Rio de Janeiro en 1992, réitéré en 2002 par le président Chirac au sommet de Johannesbourg, il a vu le jour le 27 février de cette année. Ainsi, il a fallu quinze années pour la matérialisation de cette belle ambition française. Mais le pire, c'est que pour couvrir les frais de fonctionnement et d’investissement de ce parc, l'État puise dans les fonds de tiroir !
Il est vrai que ce délai est dû en partie à des réticences locales. C’est que le respect de la biodiversité ne peut faire l'impasse sur l'homme. Or la Guyane, qui accuse des retards dans maints domaines, hésitait à geler ses ressources.
C'est dire, monsieur le ministre d’État, que le développement durable ne peut avoir un sens pour la population guyanaise que s'il signifie un développement qui allie durabilité et progrès économique et social, qui soit créateur de richesse et d'emplois et qui se révèle compétitif car fondé sur l'excellence des nouvelles technologies écologiques. C'est à cette condition que ce territoire pourra devenir, comme vous l’avez souhaité dans votre propos préliminaire, celui de la démonstration d’une croissance durable fondée sur l’écologie.
Dans cette perspective, beaucoup de propositions du Grenelle nous intéressent. Par manque de temps, ne pouvant toutes les énumérer, je relève en tout premier lieu celle du groupe 2 concernant le refus du projet minier Cambior Iamgold qui menace la réserve naturelle de Kaw-Roura, laquelle abrite l'une des dernières populations viables du caïman noir de l'Amazonie. J'ose espérer, une divergence existant au sein du Gouvernement sur ce dossier, que le ministre de l'écologie saura convaincre le Président de la République de trancher dans le sens de l'impératif environnemental.
Parallèlement, les communes concernées par l'orpaillage doivent bénéficier des plans de développement alternatif. De même, le plan d'action pour la biodiversité de 20 millions d’euros par an pendant cinq ans ainsi que le critère « biodiversité et carbone » dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement me paraissent très positifs, tout comme la proposition concernant le développement des sciences de l'écologie et de l'enseignement. En effet, la future université guyanaise que nous appelons de nos vœux pourrait être un pôle et former des ingénieurs de l'écologie amazonienne et mondiale.
S'agissant de l'aménagement du territoire, l'État doit faire figurer dans le schéma national des nouvelles infrastructures les grands équipements dont la Guyane a besoin pour désenclaver son territoire.
Quant à l'objectif de faire des départements d’outre-mer une vitrine de l'excellence climatique en visant pour 2020 une part de 50 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie, je dis oui ! Mais encore faudrait-il que les besoins locaux, actuellement insatisfaits, soient pleinement pris en compte. De même, j'approuve la mise aux normes HQE de l'habitat ancien et des constructions nouvelles mais vous devrez, là aussi, pallier le manque criant qui existe dans ce domaine.
Je ne saurais terminer sans évoquer le rôle que jouent les communautés autochtones de Guyane qui, par leur pratique traditionnelle de subsistance et leurs cultures, sous leurs aspects matériels et immatériels, participent à la conservation de la biodiversité. À ce titre elles doivent être pleinement reconnues comme acteur représentatif et légitime en matière de protection de l'environnement, et donc être considérées comme un partenaire environnemental à part entière dans le cadre de la proposition du groupe sur la gouvernance.
Vous voyez, monsieur le ministre d'État, le chantier est immense et coûteux mais exaltant, d 'autant plus que selon moi la notion de l'environnement forme un tout couvrant non seulement la nature, qui subit les conséquences des activités économiques, mais également, et surtout, le cadre socioculturel de l'homme : en somme, tout ce qui conditionne l’épanouissement de celui-ci. Voilà la « révolution écologique » que j'appelle de tous mes vœux. La France est-elle prête à assumer une telle ambition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Or ces problèmes ont déjà été posés avec force par le passé. La question écologique ne date pas d'hier. Déjà, aux débuts de la révolution industrielle, la dissémination des déchets dans l'atmosphère dévastait la santé des travailleurs. Dès le XIXe siècle, les syndicats ont pleinement intégré cette donnée, constatant la dégradation des milieux de vie et de travail et se mobilisant contre ses causes.
Mais il est vrai que les atteintes portées à l'environnement ont connu une terrible accélération depuis les années 1950, notamment en raison de l'utilisation massive du pétrole, du développement de l'automobile et de l'industrie chimique et de l'introduction des intrants chimiques dans l'agriculture. Il en résulte que la vie de millions d'êtres humains est aujourd'hui en danger. À terme, c'est l'existence même de l'humanité qui est menacée.
Cette donnée a depuis longtemps été révélée par la communauté scientifique. Elle est devenue aujourd'hui d’une telle évidence que tous les décideurs politiques, de droite comme de gauche, s'entendent pour poser la question écologique avec davantage d'acuité. Le Grenelle de l'environnement en est la dernière illustration et il faut s'en féliciter.
Aujourd'hui, de nombreuses personnalités et organisations avancent une série de solutions. Mais elles les insèrent rarement dans notre contexte économique et social. Or, pour nous, députés communistes et républicains, aucune solution durable à ces problèmes ne saurait voir le jour tant qu’on ignorera le lien intrinsèque qui existe entre destruction de l'environnement et logique du profit capitaliste, sans que nous cherchions pour autant à occulter les leçons du socialisme réel, dont le bilan environnemental s’est révélé si catastrophique.
Si nous avons la volonté de résoudre en profondeur et de façon durable la question environnementale, il apparaît en effet indispensable de sortir du cadre de la recherche effrénée du profit à l'échelle planétaire. Ces problèmes ne sont pas en effet de simples ratés du système mais correspondent bien à sa logique même, et cela partout dans le monde.
Je ne détaillerai pas les atteintes portées à l'environnement – elles sont largement développées dans ce débat – : changements climatiques bien sûr, mais aussi épuisement des ressources naturelles, pollution de l'air et de l'eau, dégradation des sols, destruction des forêts, menace sur la biodiversité ou encore catastrophes industrielles. Je voudrais plutôt insister sur les causes structurelles de cette crise écologique, car ce n'est qu'en s'attaquant aux causes qu'on pourra remédier durablement à la crise. Toute solution, même partant d'un bon sentiment, échouera si elle ne remet pas en cause le système lui-même. Monsieur le ministre d’État, je souhaite livrer à votre réflexion ce mot de Bossuet : « Le Ciel se rit des prières qu’on lui fait pour éloigner de soi des maux dont on persiste à accepter les causes. »
Le capitalisme impose de produire dans des délais très courts pour que le capital avancé puisse s'accroître de manière continue. La conséquence en est que l'exploitation des ressources naturelles ne peut prendre en considération le temps nécessaire à leur renouvellement. C'est donc la logique même du marché qui est ici en cause.
Celui-ci pousse en outre à la fabrication de produits inutiles voire nuisibles – la publicité, les drogues ou l'armement – mais qui rapportent de forts bénéfices. Quant aux abandons multiples aux mains des opérateurs privés, ils entraînent le non-respect de la réglementation : usage de substances toxiques ou abandon de déchets sans traitement durable.
Cette situation est particulièrement criante dans les pays du Sud, conséquence pour partie de notre propre impérialisme économique à leur égard. Mais dans nos pays développés eux-mêmes, où toute la vie se trouve de plus en plus marchandisée au profit d'une poignée de dirigeants économiques et financiers, la dégradation de l'environnement atteint aussi un niveau considérable.
La logique libérale implique un développement sans gouvernail de la société. Ainsi, l'expansion incontrôlée des villes conduit à une forte dégradation de l'environnement urbain, avec l'artificialisation massive de terres agricoles et d’espaces boisés. L'exploitation incohérente des sols au profit d'une zone industrielle, d'un centre de commerce, d'une cité-dortoir, d'un parc de loisirs ou d'une zone administrative allonge de plus en plus les déplacements nécessaires. C'est pourquoi il faut cesser, comme beaucoup ont tendance à le faire pour justifier de nouveaux sacrifices, d'opposer le social à l'écologie. Car crise écologique et crise sociale sont alimentées par les mêmes mécanismes. L'influence grandissante des multinationales, la mainmise des marchés sur nos sociétés et les politiques de l'OMC, du FMI, de la Banque mondiale et du G8 conduisent à l'épuisement des humains comme à celui de la nature.
Pour lutter contre ces causes structurelles, il apparaît indispensable de proposer des solutions à la hauteur des enjeux. Or les propositions qui émanent des groupes de travail du Grenelle de l'environnement, si elles tracent des pistes intéressantes, n'évoquent que très peu les moyens financiers immenses et les bouleversements économiques que leur mise en œuvre nécessiterait. Dans ce contexte, vous courez un grand risque, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, celui de retrouver demain ces propositions dans un bocal empli d’alcool de serpent, bocal portant étiquette : Grenelle de l’Environnement. On posera le bocal sur une cheminée : il servira à l’édification de la jeunesse.
Ainsi, le groupe de travail n° l propose un plan national de développement du fret non routier, accompagné d'un durcissement de la réglementation sur les poids lourds avec la réduction de leur vitesse maximale et la création d'une taxe kilométrique.
Il s'agit certes de bonnes propositions. Mais a-t-on réellement conscience que leur application nécessitera un effort remettant en cause le cadre du libéralisme qui est celui de l'Europe tout entière ? La logique libérale impose en effet de réduire le réseau ferroviaire aux modes et aux lignes les plus rentables, favorisant ainsi l'accroissement du tout routier.
Le dernier événement en date illustrant cette orientation est la décision de la SNCF de fermer au transport de marchandises, dès novembre prochain, 262 gares dont celles du Mans, de Poitiers, de Saint-Pierre-des-Corps ou encore de Limoges. Le Gouvernement est bien responsable de ce choix…
Seule une logique de service public qui tourne le dos à celle de la rentabilité à court terme est à même de répondre de façon cohérente aux problèmes écologiques. Seul l’État est à même de débloquer les 10 milliards d’euros nécessaires à la mise en place d’un réseau de fret ferroviaire digne de ce nom. Une telle volonté verra-t-elle le jour alors que la baisse des dépenses publiques est érigée en dogme ?
Les exigences écologiques, à savoir la réduction des transports les plus polluants, les plus destructeurs et les plus coûteux en énergie, nécessitent le développement des transports publics de voyageurs comme de marchandises. Ces exigences rejoignent celles, sociales, d’un transport bon marché, servi par un réseau irriguant tout le territoire, et elles impliquent des niveaux de salaires et des normes de travail acceptables.
Le groupe de travail n° 4, pour sa part, recommande de développer « beaucoup plus fortement » les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, fixant notamment pour objectif l’augmentation des surfaces destinées à l’agriculture biologique de 1,8 % à 6 % d’ici à 2010. Il propose également une réduction de l’usage des pesticides.
Comment, toutefois, adopter ces mesures qui vont dans le bon sens – qui vont dans le bon sens, j’insiste –, en gommant le contexte économique dans lequel évolue l’agriculture ? Une fois encore, cet exemple confirme notre analyse selon laquelle les logiques économiques dominantes surexploitent la nature et réduisent dans le même temps des emplois. Ainsi, l’agro-industrie contribue à la désertification des campagnes tant en termes d’espaces – en réduisant la variété des paysages et la biodiversité –, qu’en termes humains avec la perte des emplois agricoles. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la plupart des mouvements agricoles prennent progressivement conscience qu’une politique de protection de l’environnement ne peut se conjuguer avec une agriculture vivante que si elle rompt avec l’ordre établi.
Comment, en effet, prétendre développer les bonnes pratiques sans remettre entièrement en cause le système agroalimentaire ? Les paysans, étranglés, sont bien obligés d’utiliser engrais et pesticides s’ils veulent tout simplement survivre. Or cette dégradation continuelle de la situation économique et sociale de l’agriculture n’est pas la conséquence de contingences climatiques sur lesquelles nous n’aurions aucune prise, elle est la conséquence des réformes successives de la politique agricole commune, qui s’inscrivent dans le sillon de la libéralisation des échanges dictée par l’OMC. Aussi, seule une authentique préférence communautaire et seule une aide aux exploitations les plus vulnérables – qui sont par ailleurs celles qui participent le plus à l’aménagement du territoire, donc aux équilibres environnementaux –, permettront un retour à des prix rémunérateurs et une rupture avec un type d’agriculture aux effets désastreux pour nos territoires.
Le groupe de travail n° 5, cherchant à promouvoir une démocratie écologique, propose, quant à lui, de veiller à la transparence des décisions publiques, de confier de nouvelles missions, dans le domaine de l’environnement, aux comités d’entreprise, et de donner un nouveau statut aux acteurs de l’environnement grâce, notamment, à une meilleure représentation au sein du Conseil économique et social.
Pour cela – et je m’adresse plus particulièrement au président de la commission des affaires économiques –, il est indispensable de réhabiliter la planification, mais sous une forme résolument démocratique. Il n’y aura pas de démocratie écologique digne de ce nom tant que les grandes orientations à long terme dans le domaine environnemental ne feront pas l’objet d’un débat large, approfondi et constant. Plus que jamais, il nous manque une démarche prospective à laquelle les citoyens seraient associés.
D’un tel débat, aucune grande question ne doit être évacuée. Par exemple, la place du nucléaire dans le bouquet énergétique…
Ce qui est valable au niveau national l’est d’ailleurs tout autant à celui des entreprises. Tant que les salariés ne seront pas associés aux orientations de leur entreprise, les logiques anti-écologiques de court terme prévaudront sur la santé des travailleurs comme sur la protection de la nature.
Je terminerai, monsieur le président,…
La crise écologique implique des transformations radicales dans la façon de produire, de consommer, de répartir les richesses.
Certes, nous nous impliquerons en toute lucidité – mais René Char ne disait-il pas que « la lucidité est la blessure la plus proche du soleil » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
À l’heure où le réchauffement climatique et ses origines humaines ne sont plus que très rarement contestés, il se révélait nécessaire de lancer un grand débat afin de définir un certain nombre d’orientations, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, Nicolas Sarkozy. C’est en même temps l’occasion de rendre hommage à notre majorité, celle-là même qui a été, par le passé, à l’origine de la nomination du premier ministre de l’environnement, et qui a créé le grand ministère à la tête duquel vous vous trouvez,…
C’est pourquoi, il est vrai, nous avons parfois regretté les lacunes, les oublis ou les omissions des groupes de travail. J’ai particulièrement regretté, pour ma part, le peu d’intérêt manifesté pour la mission d’information sur l’effet de serre, mission dont le rapporteur était, l’an dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est la raison pour laquelle je souhaite y faire référence et m’en inspirer dans l’examen des quelques sujets que le temps qui m’est imparti me permet d’aborder.
Ainsi en est-il de l’habitat, l’une des causes principales de la consommation d’énergie. Nous avons là, si nous comptons sur l’assentiment de nos compatriotes, un formidable gisement d’économies d’énergie à utiliser. Nos voisins anglais ou allemands ont déjà expérimenté le développement de quartiers entiers d’habitations à énergie passive ou même à énergie positive. À l’intérêt environnemental que cela présente peut s’ajouter celui de gains de pouvoir d’achat.
Une telle perspective justifie une politique volontariste en matière d’incitations fiscales ou de subventions pour favoriser l’acquisition de matériels ou la pose d’équipements de type pompe à chaleur, ou encore l’utilisation des granulés de bois. Je l’ai constaté il y a quelques jours à Fribourg, en Allemagne où les entreprises et les collectivités produisent elles-mêmes de l’énergie solaire. Encore conviendrait-il de simplifier les démarches à engager pour y parvenir en France.
Je tiens en effet à votre disposition, monsieur le ministre, une fiche technique à destination des maîtres d’ouvrage réalisée – je précise d’emblée qu’il s’agit d’un hasard – par l’ADEME en partenariat avec la région Poitou-Charentes. Il se trouve que les délais prévus, le nombre de formulaires à remplir, le lexique employé, aboutissent nécessairement à décourager toutes les initiatives de particuliers ou même de collectivités tentés de s’engager dans un projet de cette nature. Cela est d’autant plus regrettable que les collectivités locales peuvent aisément exploiter l’énergie solaire en utilisant, par exemple, les toitures, souvent en terrasses, de leurs bâtiments scolaires.
Un plan à long terme de rénovation énergétique des bâtiments existants – long terme justifié par un coût évalué à 600 milliards d’euros – doit être engagé pour atteindre l’objectif de 50 kilowattheures par mètre carré et par an. Il faut imaginer également comment rendre obligatoire la mise aux normes énergétiques des immeubles lors des mutations ou des gros travaux. Comment, en outre, ne pas intégrer l’application des normes « haute performance énergétique » dans les programmes d’habitat social de l’ANRU ?
La fiscalité constitue un autre levier d’importance pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le recours à cet outil doit être envisagé, si possible, à pression fiscale constante. La mission d’information à laquelle je me réfère avait insisté sur ce principe en imaginant réorienter la fiscalité sur le travail vers une fiscalité environnementale. C’est l’idée qui prévalait, visant à instaurer une fiscalité sur le carbone compensée par une baisse de la fiscalité sur le travail. Cette approche me paraît susceptible de la rendre acceptable par nos compatriotes qui, dans le cas contraire, ne manqueraient pas d’imaginer que nous avons trouvé là une excellente méthode pour générer purement et simplement des recettes supplémentaires.
Je fais mienne également l’idée de la mission de supprimer progressivement les incitations fiscales à polluer qui peuvent exister dans le domaine des transports aérien et routier. De même, l’idée d’affecter des centimes de TIPP aux infrastructures de transports publics, au fret ferroviaire, au ferroutage ou aux voies d’eau devrait être retenue.
Je ne parlerai pas d’un secteur qui me paraît insuffisamment mis en valeur, si j’en juge par la lecture peut-être un peu trop rapide des rapports des groupes de travail, à savoir la recherche. Certes, les États-Unis n’ont pas signé le protocole de Kyoto, mais j’ai pu constater sur place qu’ils investissent des milliards de dollars en faveur des énergies propres de demain. C’est pour cette raison que nous devons investir dans la filière hydrogène, la biomasse, les motorisations hybrides, ou encore les piles à combustibles.
Je n’insisterai pas non plus sur la question européenne.
Ces quelques réflexions vous auront montré combien nous sommes ouverts à la fixation d’objectifs ambitieux en matière de développement durable. Encore faut-il, monsieur le ministre, éviter deux écueils. Le premier est la multiplication des offices, agences ou autres hautes autorités en tout genre qui ne me paraissent pas vraiment compatibles avec le souhait exprimé par notre collègue Grouard en matière de simplification. Le second écueil serait que le débat légitimement engagé par le Gouvernement débouche sur des propositions plus spectaculaires que pertinentes et efficaces.
Il ne faudrait pas que la nécessité de nous protéger des excès de ceux qui ont souvent bien des difficultés à concilier croissance et protection de l’environnement, masque le louable objectif de sauver la planète. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons faire preuve de volontarisme mais aussi de vigilance quand le moment sera venu de tirer avec vous les conclusions de ce grand exercice de réflexion commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Pour être efficace, dans les décisions prises comme dans le suivi de ces décisions, il faut savoir où nous en sommes, tracer un « point zéro ». Sans cela, comment procéder à des suivis et à des évaluations ?
Dans cette intervention, que je consacrerai spécifiquement aux questions agricoles, il me semble nécessaire de faire un peu d’histoire. La richesse des débats qui se sont tenus au cours de ces dernières semaines, y compris celui qui a lieu dans cet hémicycle, m’oblige à rappeler pourquoi l’agriculture en est venue à utiliser des produits phytosanitaires. J’encourage mes collègues à lire un certain nombre de revues agricoles très spécialisées, très sérieuses, parues au milieu du XIXe siècle. Je prends l’exemple de cette période parce qu’elle était riche sur le plan industriel, et que l’on s’y posait beaucoup de bonnes questions. Les agriculteurs avaient la même mentalité que ceux d’aujourd’hui : ils voulaient pouvoir être fiers de produire de belles récoltes, mais aussi de répondre à la nécessité de nourrir les hommes, comme un cheminot doit répondre à la nécessité de faire arriver les voyageurs à l’heure et sans accident, comme les médecins doivent parvenir à soigner avec le moins d’erreurs possible. C’est pourquoi, après certaines disettes, après la survenue de maladies dues à des insectes, à des limaçons, ou à d’autres facteurs, un certain nombre de produits ont été mis au point, progressivement, avec l’aide de scientifiques, pour qu’enfin l’alimentation soit plus régulière et plus saine. Car certaines maladies liées à l’alimentation humaine, et parfois animale, étaient mortelles.
Il faut souligner que, depuis un demi-siècle, nous ne sommes pas restés les bras ballants. Des progrès considérables ont été accomplis grâce aux effets positifs de l’utilisation des produits phytosanitaires, lesquels ont contribué à éradiquer certaines maladies. La France est l’un des pays où l’accident sanitaire alimentaire n’existe pratiquement plus. Soulignons-le, soyons intellectuellement honnêtes. Et reconnaissons aussi, par exemple, que la tuberculose a pratiquement disparu, de même qu’ont pratiquement disparu la brucellose et le ténia, même si parfois on pourrait croire qu’il y a une solidarité entre les Verts. Mais ils ne sont plus dans l’hémicycle. (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Cela dit, et c’est le troisième message que je veux faire passer, une marge de progrès existe encore. Il faut que naisse de ces débats une accélération des progrès dans l’utilisation de ces produits. Des progrès sont possibles du côté du prescripteur. Tout comme le médecin doit surveiller le malade, qui ne doit pas prendre trois cachets quand un seul lui a été prescrit, le prescripteur, dans le domaine agricole, doit continuer de former les agriculteurs et leur donner un conseil beaucoup plus performant, afin qu’ils n’utilisent pas trois litres de produit si c’est l’usage d’un demi-litre qui leur a été prescrit. Même si tout va plutôt bien de ce point de vue, je suis persuadé que l’on peut faire encore beaucoup mieux. Ce sera certainement l’une des pistes à explorer en ce qui concerne les produits destinés à traiter les plantes ou les animaux.
Je voudrais, pour finir, évoquer l’agriculture biologique, dont on a beaucoup parlé. L’agriculture biologique, je suis pour. C’est un créneau, un créneau commercial, qui existe. Il n’est pas normal que nous soyons obligés d’importer des produits issus de l’agriculture biologique alors que notre pays compte des consommateurs et des producteurs qui y croient.
Cela dit, n’en faisons pas non plus une religion.
Si l’on raisonnait par l’absurde – et le raisonnement par l’absurde est souvent plus efficace que le raisonnement absurde lui-même –, si deux régions entières ne connaissaient que l’agriculture biologique, les insectes nuisibles causeraient des dégâts beaucoup plus importants que dans une région où seraient dispersées quelques exploitations d’agriculture biologique. En outre, nous nous heurterions à des problèmes quantitatifs. Des problèmes économiques se poseraient, parce que la production biologique est forcément plus onéreuse, les rendements étant plus faibles et l’activité manuelle beaucoup plus importante. Mais je ne peux pas non plus certifier que ne se poseraient pas des problèmes sanitaires sur le plan de l’alimentation. Ce n’est pas parce qu’un produit est naturel qu’il est bon. Lorsqu’un homme a une infection, le microbe est naturel et l’antibiotique a été fabriqué par l’homme. La septicémie, on n’est quand même pas trop pour !
Si je plante ainsi le décor, c’est pour expliquer simplement que mes propos vont être équilibrés.
D’un côté, il y a les risques importants qui planent sur notre population, comme une épée de Damoclès. Vous avez, madame la secrétaire d’État, dans le bureau de votre direction de la prévention des pollutions et des risques, une photo qui montre l’horreur de ce qui s’est passé à AZF. Des problèmes atmosphériques se posent, qui peuvent faire naître un risque d’empoisonnement, du fait des plus grosses particules, les poussières, mais aussi des particules fines. Selon une estimation récemment rendue publique par la Commission européenne, plus de 350 000 décès prématurés sont dus à ces dernières.
D’un autre côté, nous avons un bassin d’emplois extrêmement important, noyé dans un bassin de chômage, lui-même noyé dans un bassin de précarité.
Devant ces deux aspects du problème, il est difficile de ne pas faire la part des choses. Dans les réflexions du Grenelle de l’environnement, il sera nécessaire d’articuler les problèmes environnementaux et les problèmes sociaux. Nous ne devons pas penser uniquement aux 4x4 polluants avec lesquels certains font leurs courses, mais aussi à ces ouvriers qui vont travailler parfois avec des véhicules d’occasion, ou des mobylettes chères à Xavier Bertrand, à Saint-Quentin, ou encore à des personnes qui ont plus de difficultés à se déplacer, qui sont au chômage et qui doivent trouver du travail. Tout est question d’équilibre.
En France, nous avons pris du retard. La prise de conscience collective des problèmes environnementaux date d’une dizaine d’années, en particulier avec la loi sur l’air, dont certains gènes peuvent être attribués à Dominique Voynet, et d’autres à Philippe Richert, auteur du premier rapport sur la loi sur l’air. Il a rédigé son deuxième rapport dix ans plus tard, et vous l’avez reçu, monsieur le ministre d’État. Quand nous sommes allés en Alsace visiter l’ASPA, l’Association pour la surveillance et l’étude de la pollution atmosphérique en Alsace, vous avez dit que vous aviez réuni des gens qui ne se parlaient pas. Et je pense que vous y avez réussi, en effet. Vous ne m’en voudrez donc pas si je vous parle un peu des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, dont je préside la Fédération nationale.
Ces associations travaillent sur un mode déjà assez « grenellien », puisque les entreprises, les associations, les ONG, l’État et les collectivités se réunissent depuis dix ans pour surveiller la qualité de l’air. Il faudra penser à ces associations dans les décisions qui seront prises, et leur donner un champ de compétences étendu, notamment en ce qui concerne le climat, les polluants émergents, comme la dioxine ou les pesticides, mais aussi l’air intérieur, dont nous n’avons pas encore parlé dans ce débat et qui sera l’une des priorités de nos concitoyens dans les années qui viennent. Nous commençons à surveiller la qualité de l’air dans les gares – c’est déjà fait dans un certain nombre de régions –, et dans les écoles. Un petit drame s’est produit récemment. Si nous pouvions un jour, mais je n’ose l’imaginer, surveiller la qualité de l’air dans le métro, je crois que nous serions extrêmement surpris. Je peux même proposer, monsieur le président, que nous surveillions la qualité de l’air à l’Assemblée nationale, ce qui serait assez symbolique et pourrait nous donner une idée de ce qui se passe dans les univers clos.
En tant que médecin, je tiens à dire un mot des particules fines. Ce sont les plus dangereuses pour la santé. Il n’est pas normal que le transport routier, qu’il s’agisse des citoyens ou des industriels, soit totalement exonéré de la TGAP. C’est l’une des choses primordiales qu’il faudrait faire dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
A l’occasion de deux crises majeures, l’État n’a pas su apporter une réponse convenable aux yeux de nos concitoyens. Personne ne croit plus que ni la ligne Maginot ni la ligne bleue des Vosges aient arrêté les radiations en provenance de Tchernobyl. L’État n’a pas su non plus répondre au problème de l’amiante : 70 % de l’amiante a été déchargé en vrac dans le port de Dunkerque. C’est terrible. Des dizaines de milliers de morts sont à prévoir dans les années qui viennent.
Je souhaite que ce Grenelle permette de régler ces problèmes, et que l’État apporte enfin une réponse adaptée à des crises environnementales graves, qui entraînent des problèmes de santé majeurs pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre d’État, nous nous connaissons bien. Je connais votre capacité « oranginesque » à secouer les choses. Je souhaite de tout cœur, pour vous comme pour l’ensemble de nos concitoyens, que de ce Grenelle ne sortent pas des paillettes à la mode, ou des particules – contre lesquelles nous luttons – laissées en suspension. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Comme nous avons tous pu le constater, une nouvelle gouvernance, s’appuyant sur de vrais processus de concertation, à tous les niveaux et avec tous les acteurs, est réclamée et attendue par nos concitoyens.
Cette participation se fonde sur le principe de l’engagement, du dépassement individuel, du respect de l’autre et elle permet donc, inévitablement, une meilleure acceptation de la décision prise. La participation est la garantie d’une décision apaisée. C’est un pari sur l’intelligence collective.
Dans une société bercée au quotidien par l’information, et où le niveau de culture s’est considérablement élevé, les grandes catastrophes environnementales ou de santé – les pluies acides, Tchernobyl, le sang contaminé, l’amiante – ont rendu nos concitoyens méfiants et même hostiles vis-à-vis des discours des responsables politiques et de la communauté scientifique.
Il nous faut donc redéfinir nos mécanismes de décision, en prenant le temps de l’écoute, de l’explication et du dialogue.
La bonne gouvernance, celle de la démocratie participative, terme souvent galvaudé, ne remet aucunement en cause la démocratie représentative. Au contraire, celle-ci s’en trouve renforcée.
Afin de répondre de manière ambitieuse à ce grand défi qui nous attend, nous pouvons maintenant nous appuyer sur les nombreuses propositions du groupe de travail n° 5 consacré à la gouvernance, auquel j’ai participé, ainsi que sur les pratiques des autres pays occidentaux, qu’il conviendra d’analyser.
Je profite d’ailleurs de cette tribune pour saluer l’engagement de Nicole Notat et de Michel Prieur, présidents de ce groupe, ainsi que l’excellent travail mené par les rapporteurs Dominique Bureau et Bertrand Galtier. Ce nouveau schéma de société, de l’avis de tous les acteurs, nécessite maintenant d’être structuré et construit. Nous avons les briques ; il nous faut construire l’édifice et avant tout dessiner son architecture.
Cinq thèmes devront être approfondis de façon conjointe durant les prochains mois.
Le premier concerne les décisions qui doivent faire l’objet d’une vraie concertation. Quelles décisions nationales, régionales et locales doivent donner lieu à une participation effective de tous ? Sur le plan national, il faut préciser le rôle de l’État et celui du Parlement. Sur le plan local se posera la question des territoires pertinents en matière environnementale, puisque ce domaine de compétence est souvent divisé entre plusieurs collectivités. La réflexion devra également tenir compte des propositions de la commission Balladur sur la réforme des institutions.
Le deuxième thème a trait à la consultation des acteurs. Quelles organisations allons-nous consulter systématiquement pour approfondir nos projets de décision ? Quel sera leur rôle réel ? Quels moyens allons-nous octroyer à ces acteurs afin de leur permettre d’approfondir leurs analyses ? On a parlé de confier une nouvelle mission au Conseil économique et social, ainsi qu’aux CES régionaux, mais qu’en est-il du plan local ? La profusion des conseils consultatifs est telle qu’il faudra cibler les organismes les plus pertinents et les plus compétents.
Quant au troisième thème, il s’agit de la consultation du public. Sur quels outils de concertation du grand public allons-nous nous appuyer ? Sur le plan national, la Commission nationale du débat public a vocation à voir sa mission élargie, mais à quels domaines et avec quels moyens ? Qu’en est-il de toutes les consultations locales à renforcer ? L’évolution du rôle et de la mission des commissaires enquêteurs devra être menée de concert avec l’élargissement de la nouvelle mission de la CNDP. En effet, rien ne pourra être entrepris sans la garantie que la consultation est menée par des experts indépendants et bien formés.
Le quatrième thème est l’information du public. On ne peut pas se contenter de chiffres minuscules inscrits sur les produits de consommation. Quels indicateurs dans le domaine du développement durable doivent être publiés régulièrement afin d’éclairer l’opinion publique ? De quelle manière doivent-ils l’être et par qui ?
J’en viens au cinquième thème : les grandes controverses. Qui va solliciter de façon systématique l’avis éclairé de la population sur les grandes controverses techniques et scientifiques dont les médias se font souvent l’écho ? Quel rôle le Parlement, peut-être au travers de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, peut-il jouer dans cette consultation ?
Que nous soyons de gauche ou de droite, nous avons tous eu à subir, dans le passé, les réactions épidermiques de nos électeurs face à des décisions non concertées. Bien souvent, nous avons dû passer en force, agir en catimini ou tout simplement renoncer. Prenons encore quelques mois afin de bien définir l’articulation des moyens techniques et financiers dont nous avons besoin. Ensuite, mettons en mouvement toutes celles et tous eux qui ont compris l’intérêt de travailler ensemble.
La nouvelle gouvernance est en marche. Il ne tient qu’à nous de lui tracer la route. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, ces impératifs cruciaux que sont l’écologie, le développement durable et la protection de notre planète vont sortir de la nasse politique dans laquelle ils étaient enfermés depuis une bonne trentaine d’années ! Aujourd’hui, l’écologie n’appartient plus à un parti, mais préoccupe tous les acteurs de la vie politique. Le Président de la République offre enfin à la France la possibilité d’être un moteur dans ce domaine, pour combattre un certain nombre d’idées reçues. Nul doute que chacune des propositions du Grenelle de l’environnement sera regardée par tous les pays de la planète. Et c’est une bonne chose, car ainsi la France ne sera plus seule à protéger notre bonne vieille terre.
Je vois un double intérêt à nos travaux.
Ils permettront d’abord et avant tout d’établir une liste quasi exhaustive des mesures à proposer à notre discussion et à nos choix, car ce sont bien les parlementaires qui voteront une grande loi environnementale.
Mais, si j’ai parlé d’un intérêt double, c’est que la France ne devra pas avancer seule pour prendre de nombreuses mesures, qui devront se décider à l’échelon européen pour certaines, à l’échelon mondial pour d’autres. Je pense par exemple à une vraie stratégie des transports terrestres routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes en Europe et à une protection planétaire des forêts, poumons de l’atmosphère.
N’avançant pas seule, la France incitera les autres pays à mettre en place une véritable protection des salariés en matière d’hygiène et de sécurité au travail, parce qu’il faut protéger l’homme, et à s’équiper en matière d’assainissement, de traitement des déchets, de protection des rivières, de traçabilité des produits agroalimentaires ou d’équipements industriels et domestiques.
Tout cela a un coût, qui tendra progressivement à gommer les différences qui, aujourd’hui, font que nos industriels peuvent avoir intérêt à délocaliser et notre distribution à acheter à l’étranger, parfois très loin, trop loin... Et quand les étiquettes seront claires, lisibles par tous, mais aussi obligatoires pour tous – la traçabilité, aujourd’hui, ne concerne que nos produits : on l’impose aux poulets de Loué, mais pas aux morceaux de poulet qu’on trouve dans les plats préparés en provenance d’Amérique du Sud –,…
C’est pourquoi je souhaite qu’à l’issue de ce Grenelle, nous n’oubliions pas la formation du consommateur, car aujourd’hui on peut dire sans trop se tromper qu’acheter de moins en moins cher peut nuire de plus en plus gravement à l’environnement. On pourrait appliquer à certains produits de consommation ou manufacturés l’avertissement qu’on trouve sur les paquets de cigarettes – « nuit gravement à la santé » –, qu’il s’agisse des consommateurs ou de ceux et celles qui les ont fabriqués ou cultivés.
Le consommateur alerté, formé, éclairé, devra comprendre que tout cela a un coût et qu’être un consommateur citoyen, après avoir été un citoyen consommateur, impliquera d’accepter de payer un peu plus cher ce qui est produit selon les normes. Il devra comprendre que consommer ainsi est bon pour la santé non seulement de l’individu, mais aussi de la société tout entière, car c’est un geste qui régénérera les productions locales, régionales, nationales, européennes et mondiales.
Cet ordre est très important à mes yeux. C’est un peu comme le principe de subsidiarité : ce qu’on peut produire et consommer au plus près ne devrait pas l’être plus loin. En clair, il ne faut faire venir des produits de l’autre bout du monde que parce qu’on ne peut pas les faire plus près de chez nous.
Enfin, je souhaite vivement que ce Grenelle rende l’application des lois environnementales plus intelligente. Je m’explique : pendant des années, il n’y a pas eu de législation dans ce domaine et il faut bien reconnaître que le développement, toutes catégories confondues, s’est parfois accompagné d’un certain laxisme en matière d’environnement. On doit rendre hommage à ceux qui ont entrepris alors de lutter pour l’écologie, mais il faut aussi qu’ils comprennent eux-mêmes que tout ne peut pas changer en un instant.
Puis sont venues les lois, souvent sévères, et aussi, forcément, les décrets d’application rigoureux. Nous savons tous, élus nationaux, mais aussi élus locaux, que certains décrets mériteraient d’être réécrits afin d’assouplir des dispositions difficilement gérables par les collectivités locales. Je pense à l’exemple des zones inondables : toute la France est aujourd’hui protégée, chaque fois que nécessaire, par des plans de prévention des risques, mais toute la France n’est pas Vaison-la-Romaine ! Je songe aussi à la fixation que l’on fait parfois sur les périmètres rapprochés de captages d’eau potable.
Oui, je souhaite que l’application de la loi en matière de protection de l’environnement devienne intelligente. L’excès nuit en tout, le mieux est parfois l’ennemi du bien, et nos lois sur l’environnement, mieux perçues, seraient sans doute davantage respectées. Surtout, il faudra que nous veillions à ne pas créer de nouvelles distorsions de concurrence insurmontables pour les agriculteurs, les artisans, les commerçants et les industriels, ce qui aurait pour effet immédiat de faire acheter et produire de plus en plus loin, et donc de polluer de plus en plus, ce qui pourrait nuire gravement à notre santé. La boucle est bouclée. Bon air et bonne santé à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est dire que le lien entre santé et environnement est essentiel. Plusieurs orateurs ayant déjà abordé ce sujet, j’irai à l’essentiel. Pour ma part, je soutiens les six principes édictés par le groupe 3 « Santé et environnement ». Je regrette cependant que les problèmes de l’environnement et de la santé ne soient pas abordés de manière localisée. Il va de soi que nous sommes tous concernés, comme piétons ou comme consommateurs de produits. Mais, à l’évidence, c’est surtout au travail que se joue notre santé. Or il reste beaucoup à faire, en France, dans ce domaine.
Les responsabilités doivent être clarifiées. Puisqu’il s’agit de santé, devoir régalien, l’État se doit d’intervenir et ne peut déléguer sans cesse à d’autres l’essentiel de responsabilités qu’il lui appartient d’assumer. Les liens entre les différents outils dont il dispose, en termes d’alerte, de veille ou d’épidémiologie, doivent être renforcés par un rapprochement entre les instances chargées de la santé au travail et celles qui sont chargées de la santé dans l’environnement. Tel est le premier point que je tenais à souligner.
Si les produits phytosanitaires peuvent être dangereux pour le consommateur, ils le sont d’abord pour les agriculteurs, les exploitants agricoles ou les salariés de l’agriculture, de l’industrie ou de la distribution. Ainsi, les éthers de glycol peuvent évidemment menacer la santé de tous les consommateurs, mais les premiers touchés sont ceux qui travaillent quotidiennement à leur contact. Il faut donc savoir graduer nos interventions. La santé au travail doit faire l’objet d’une nouvelle approche, pour toutes sortes des raisons, mais aussi pour que nos concitoyens aient envie de travailler plus longtemps, et qu’ils aient la possibilité physique de le faire.
J’en viens au second thème de mon intervention, qui, à mon sens, est mal ou insuffisamment traité dans le Grenelle de l’environnement : l’alimentation. La réflexion sur l’agriculture nous a permis de progresser, de souligner toutes les modifications survenues dans notre environnement physique, notamment dans les sols, et de mettre l’accent sur la protection de la sécurité sanitaire du consommateur. Nous avons avancé dans ce domaine et nous continuerons à le faire. Mais la question fondamentale de l’alimentation a été négligée.
Il s’agit, pour l’homme, d’un facteur environnemental, et l’on a trop peu réfléchi aux moyens d’offrir aux consommateurs des produits agricoles qui ménagent leur sécurité sanitaire et leur goût de la diversité. Les fruits et les légumes doivent faire partie de notre alimentation, ce qui appelle une réflexion de la part du Gouvernement. N’oublions pas cet aspect, au moment où nous allons à nouveau discuter de la politique agricole, sous les coups de boutoir des problématiques de l’environnement. Notre agriculture doit être capable de fournir des produits accessibles à tous nos concitoyens, ce qui pose le problème de leur prix, de leur commercialisation et de leur distribution, qui sont au cœur de l’alimentation.
Chacun le sait : le PNSS, le plan national nutrition santé, a beaucoup insisté sur ce point. Il est essentiel que nos concitoyens mangent des fruits et des légumes, pour prévenir non seulement l’obésité, mais aussi les maladies cardiovasculaires et les cancers. Cette dimension environnementale n’a pas suffisamment été prise en compte. Au moment où, non sans quelques précautions, on s’apprête à bousculer notre agriculture, il est important de souligner qu’elle doit fournir une alimentation qui, par sa qualité et sa diversité, garantisse la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous avons besoin de vous. Jean Dionis du Séjour a parlé de boussole : elle nous est indispensable si on veut bien considérer, et c’est notre cas avec Jean-Louis Borloo, que le Grenelle de l’environnement est une « réinvention de la politique » comme le disait cet après-midi Serge Grouard, avant d’évoquer l’agenda 21 national.
Cette boussole sera d’autant plus indispensable que ce Grenelle de l’environnement n’est pas facile. Ainsi Jean-Christophe Lagarde appelait-il à ne pas masquer aux Français les difficultés, tandis que Nicolas Dupont-Aignan
Nous entendons les critiques sur l’organisation de ces forums relevées notamment par Philippe Martin, Geneviève Gaillard et Chantal Berthelot. Peut-être avons-nous eu tort de demander aux collectivités locales de se porter candidates. Cela dit, c’était cohérent avec la démarche du Grenelle, qui veut mobiliser les différents acteurs. En tout cas, il est encore temps, nous sommes encore disponibles, et nous serons totalement mobilisés avec Jean-Louis Borloo, pour organiser là où c’est véritablement demandé, et là où c’est encore possible, des réunions et des forums régionaux dans le cadre du Grenelle. Une chose est sûre, et nous vous l’affirmons solennellement, ces réunions sont publiques. Des instructions très claires ont été données aux préfets en ce sens et nous les remobiliserons pour qu’en dépit des dates tardives tous les participants qui le souhaitent puissent être présents.
Beaucoup parmi vous ont insisté dans leur intervention sur la nécessité que l’écologie ne soit pas punitive. On pense à la fiscalité environnementale. J’ai relevé, entre autres les interventions de Jean-François Copé, de Patrick Ollier, de Christian Jacob, de Jean-Chistophe Lagarde. C’est important, le ministre d’État le rappelait en ouvrant ce débat : l’environnement ne doit pas être un prétexte pour lever de nouveaux impôts, même si la cause est bonne. Deux écueils doivent être évoqués, la fiscalité de financement – une assiette large avec des taux faibles – et la fiscalité punitive – qui taxe par idéologie et sans projets. Au-delà de ces deux écueils nous recherchons la fiscalité incitative. Elle peut se mettre en place quand des alternatives à la pollution existent – par exemple, le kérosène serait taxé sur les lignes aériennes pour lesquelles existent des dessertes TGV – ou quand elle permet de faire émerger ces alternatives y compris technologiques.
Pour toutes nos politiques environnementales, nous avons besoin de formations. Alain Gest évoquait la difficulté d’obtenir une rénovation thermique de qualité, pas seulement pour un motif financier mais aussi par manque d’artisans. Oui, les emplois sont là aussi. Un des groupes du Grenelle proposait ainsi la création de nouvelles filières de formation d’une nouvelle spécialité de rénovateurs dans les bâtiments anciens ; c’est certainement une très bonne proposition.
Vous avez été très nombreux à évoquer le rôle des collectivités locales : Geneviève Gaillard, François de Rugy, Jean-Christophe Lagarde l’ont fait. Non, les collectivités locales ne peuvent pas tout faire, c’est certain. L’État prendra lui aussi ses responsabilités. Mais il est également clair que rien ne peut se faire sans les collectivités locales. Une des pistes serait de leur donner plus de liberté, de leur permettre d’être avant-gardistes comme c’est possible dans d’autres pays européens, en Espagne par exemple. Tout ceci sans oublier les spécificités des différents territoires. Philippe Folliot le rappelait, il y a des problématiques différentes à la ville et à la campagne. Christiane Taubira, Alfred Marie-Jeanne, Alfred Almont, Chantal Berthelot parlaient d’une spécificité des défis et des opportunités de l’outre-mer. Madame Taubira, nous avons bien entendu votre proposition de voter une loi ad hoc, un peu sur le modèle de la loi littoral ou de la loi montagne. La richesse exceptionnelle de l’outre-mer nous impose en tout cas des devoirs envers l’humanité tout entière.
Regarder nos spécificités, cela n’a de sens que si nous gardons aussi un œil sur l’international. Merci à Jean-Jacques Guillet pour son analyse fine et juste de la situation. Merci aussi à ceux d’entre vous qui ont évoqué l’Europe et à Nicolas Dupont-Aignan pour cette expression utile « d’écluse sociale et environnementale ». Pour l’Europe, l’environnement doit aussi être un projet. Alain Gest parlait d’une politique de recherche environnementale : l’Europe est certainement une bonne échelle. Elle s’est construite sur la politique agricole commune, l’environnement peut être sa nouvelle frontière.
Il est difficile de reprendre toutes les thématiques abordées aujourd’hui j’aurais voulu m’arrêter sur l’alimentation, la santé, et plus particulièrement la santé au travail, dont parlait, il y a un instant, Jean-Marie Le Guen. Je voudrais tout de même dire un mot des OGM…
Ce qui est certain, c’est qu’un très bon travail a été fait dans le cadre du Grenelle. Il y a un accord des participants pour regretter qu’il n’y ait pas eu l’an dernier un débat parlementaire plutôt qu’une transposition des directives par décret – même si cette transposition a permis d’éviter une amende de l’Union européenne et qu’il est toujours désagréable de verser une amende. Je crois que cet accord des participants doit être pris, par nous tous, comme un hommage rendu au Parlement.
Sur l’agriculture biologique,…
Il y a des sujets sur lesquels le Grenelle de l’environnement n’a pas donné lieu à un accord : le nucléaire ou les agro-biocarburants. La feuille de route qui avait été donnée par le ministre d’État aux présidents des différents ateliers précisait : pas de consensus mou et pas de sujets tabous. C’est pourquoi vous ne trouverez pas d’accord là où il n’y en a pas eu. Mais le débat se poursuit dans les forums régionaux et sur Internet.
Pour finir, je voudrais reprendre le vœu que formait Christian Hutin tout à l’heure pour en faire un vœu collectif : il nous revient, il vous revient de faire en sorte que ce Grenelle de l’environnement soit fort et fondateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous sommes au carrefour de toutes les contradictions. Pourtant nous allons en sortir par le haut…
Nous traitons en même temps de questions de chauffe-eau solaires – trop complexes à installer et pas assurés – et de problèmes systémiques de civilisation. On est d’une part sur de l’opérationnel, avec la possibilité d’une action instantanée, et d’autre part, confronté à un système économique global fondé sur des énergies fossiles.
Un jour ou l’autre – on peut toujours discuter de la date et de l’heure –, l’économie ne pourra plus se fonder sur les fossiles. Espérons simplement qu’avant cette échéance le réchauffement climatique n’aura pas réglé le problème à notre place. Le débat systémique, les problèmes d’écofonctionnalité, la nécessité de changer de modèle de production et de consommation – ce qui ne se fera pas en trois semaines –, tous ces aspects de la question ne doivent toutefois pas nous interdire de faire immédiatement ce qui est d’ores et déjà possible. Je ne nous laisserai pas entraîner dans la surenchère sur ces sujets, mais il y a un certain nombre de programmes que nous sommes en mesure d’appliquer dès aujourd’hui.
Ainsi, je voudrais dire à Alfred Almont qui depuis des mois et des mois insiste sur la question de l’outre-mer – il est d’ailleurs soutenu par l’ensemble des parlementaires des Antilles, dont M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Berthelot et Mme Taubira – qu’il y a bien une spécificité des DOM, une spécificité française et internationale : notre pays, puissance maritime, possède grâce à l’outre-mer 8 % de la diversité du monde.
Il y a une chose dont je suis certain, c’est que, dans tous les cas de figure, il y aura un programme spécifique, exceptionnel pour les DOM, territoires exemplaires pour la biodiversité et l’autonomie énergétique mais dont les retards en matière de transports et de déchets sont évidents. Si il y a une certitude sur la sortie de ce Grenelle, c’est que les moyens de la République seront massivement au rendez- vous pour les DOM.
À tous ceux qui participent à ce Grenelle je voudrais dire que nos petites personnes n’ont pas d’importance. Quant à ceux qui croient que nous nous laisserions manipuler en quête de succès personnels ou d’opérations d’opinion : laissez-moi avoir un peu plus d’orgueil et un peu moins de vanité ! La vérité, c’est que, quoi qu’il arrive, nous sommes déterminés. Il y a des conservatismes, on ne va pas se raconter d’histoires, mais je suis déterminé à les surmonter, sans pour autant répondre à toutes les surenchères.
Il nous faut une rupture puissante forte, radicale, mais responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’informe l’Assemblée que M. le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a fait opposition à la discussion selon la procédure d’examen simplifiée, du projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende (n° 179).
En conséquence, l’examen de ce projet de loi inscrit à l’ordre du jour du jeudi 11 octobre 2007, ne donnera pas lieu à l’application de cette procédure.
Discussion de la proposition de loi, n° 177, relative à la simplification du droit :
Rapport, n° 244 de M. Étienne Blanc, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
À quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Éloge funèbre de Paul-Henri Cugnenc ;
Discussion du projet de loi, n° 180, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d’Abou Dabi :
Rapport, n° 239, de M. Patrick Balkany, au nom de la commission des affaires étrangères.
Discussion du projet de loi, n° 181, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme :
Rapport, n° 240, de M. Jean-Marc Roubaud, au nom de la commission des affaires étrangères.
Discussion du projet de loi, n° 183, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole sur la modification de l’accord instituant une Commission internationale pour le Service international de recherches :
Rapport, n° 250, de M. Tony Dreyfus, au nom de la commission des affaires étrangères.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l’Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton