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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 9 octobre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au gouvernement.

Revalorisation et modalités de versement des petites pensions de retraite

Mme Huguette Bello, M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Financement des syndicats

MM. Nicolas Perruchot, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Réforme de la carte judiciaire

M. Georges Fenech, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

EADS

M. Gérard Bapt, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Emploi des seniors et préretraites

MM. Denis Jacquat, Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Soins palliatifs

M. Jean-Pierre Decool, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Tests ADN

Mme George Pau-Langevin, M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Fusion de la direction générale des impôts et de la direction de la comptabilité publique

MM. Sébastien Huyghe, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Installation des médecins en milieu rural

M. Michel Raison, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Carte judiciaire

M. Bernard Lesterlin, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

Pollution par les pesticides aux Antilles

MM. Jacques Remiller, Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

Franchises médicales

Mmes Danièle Hoffman-Rispal, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

2. Éloge funèbre de Paul-Henri Cugnenc

M. le président, M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Musée universel d’Abou Dabi (nos 180, 239)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Patrick Balkany, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

discussion générale

MM. Olivier Dassault,

Patrick Bloche,

François Rochebloine,

Christian Kert,

Marcel Rogemont.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Article 1. – Adoption

Article 2. – Adoption

Article 3. – Adoption

explications de vote

M. Patrick Roy.

M. Christian Kert.

M. François Rochebloine.

vote sur l’ensemble

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

4. Répression du terrorisme (nos 181, 240)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

discussion générale

MM. François Loncle,

Jean-Claude Mignon.

M. le secrétaire d’État.

Adoption de l’article unique du projet de loi.

5. Service international de recherches (nos 183, 250)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Tony Dreyfus, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

discussion générale

Mme Martine Aurillac.

Adoption de l’article unique du projet de loi.

6. Ordre du jour des prochaines séances

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous annonce que je prononcerai l’éloge funèbre de notre regretté collègue Paul-Henri Cugnenc immédiatement après les questions au Gouvernement, sans suspendre la séance.

Par ailleurs, le brouhaha permanent qui règne pendant les questions au Gouvernement, comme ce fut le cas lors des deux séances de la semaine dernière, me conduit à vous recommander de vous parler à voix basse.

Je demande également à chacun et à chacune d’entre vous d’éviter ces cris et quolibets qui ne donnent pas la meilleure image de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Revalorisation et modalités de versement des petites pensions de retraite

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, ma question porte sur le montant et les modalités de versement des retraites du régime général de la sécurité sociale.

Le montant mensuel moyen de ces retraites est, nous le savons, très faible : à peine 600 euros. Le nombre grandissant de retraités qui vivent sous le seuil de pauvreté est inquiétant et intolérable. Depuis la réforme de 2003, le pouvoir d’achat des retraités ne cesse de diminuer. La revalorisation des retraites, et surtout des petites pensions, devient urgente et prioritaire, d’autant plus que ces pensionnés sont, de fait, exclus du pari hasardeux du Gouvernement qui compte surtout sur l’exonération des heures supplémentaires pour améliorer le pouvoir d’achat des Français.

Cette situation, déjà critique, est encore aggravée par la date de versement des retraites de la sécurité sociale, qui intervient aux alentours du 10 du mois suivant. Dans le département de la Réunion, les retraités doivent patienter quelques jours de plus, parfois jusqu’au 15 du mois.

Ce versement tardif trouve son origine dans un arrêté ministériel du 11 août 1986, qui fixe le jour de mise en paiement de ces pensions. L’argument des contraintes de trésorerie liées à l’encaissement des cotisations est constamment avancé pour justifier une situation qui dure depuis plus de deux décennies. Il en résulte pour les retraités un décalage de plus en plus insupportable entre le moment où ils perçoivent leur pension et les diverses échéances auxquelles ils doivent faire face et qui tombent, elles, au début du mois. Au bout du compte, ce sont ceux qui touchent les pensions les plus modestes qui doivent assumer les contraintes de trésorerie en subissant des découverts bancaires.

Ma question est double. Premièrement, comment le Gouvernement entend-t-il revaloriser les pensions de façon à mettre un terme à la dégradation continue du pouvoir d’achat de tous ceux qui touchent des petites retraites ? Deuxièmement, le temps n’est-il pas venu, plus de vingt après le décret qui a institué la mensualisation du versement des retraites, de faire un progrès supplémentaire afin que, tout comme les salariés, les retraités disposent de leur pension au début du mois ? Monsieur le ministre, des millions de personnes attendent votre réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Madame la députée, vous avez évoqué deux sujets.

Tout d’abord, changer la date de versement des pensions n’empêchera pas le problème de se reposer de la même façon le mois suivant. Ainsi que vous l’avez dit vous-même, c’est parce que les cotisations des entreprises sont versées le 5 que les pensions le sont le 8 ou le 9. Pour ce qui est des problèmes de délais bancaires, je suis prêt à mener pour les régions d’outre-mer le même travail que celui qui a déjà été fait en métropole, afin que l’éloignement ne pénalise personne.

En ce qui concerne – et c’est le vrai sujet – le montant des petites pensions (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), la loi de 2003 a garanti, ce qui n’avait jamais été fait, le pouvoir d’achat des retraités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. C’est faux !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Et ce n’est pas seulement le ministre du travail qui vous le dit. Les partenaires sociaux qui siégeront fin novembre et début décembre au sein de la commission d’étude de la revalorisation des pensions indiqueront si, au cours des trois dernières années, le pouvoir d’achat des retraités a été respecté. Pour ce qui est de 2007, en tout cas, les pensions ont augmenté de 1,8 %, pour une inflation de 1,3 % : il y aura donc un gain de pouvoir d’achat. Nous examinerons ce qu’il en sera l’an prochain.

Quoi qu’il en soit, nous avons été les seuls, au cours de la dernière campagne électorale, à nous engager à augmenter les petites pensions de retraite. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Louis Bianco. Mensonge !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nous estimons, en effet, que trop de Français vivent avec le minimum vieillesse, qui est insuffisant. Et que dire de celles et ceux qui ont fait une carrière complète dans le commerce, l’artisanat ou l’agriculture et qui sont aujourd’hui en dessous du minimum contributif et du minimum vieillesse ? Pour ceux-là, le temps des discours est passé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous aurons ce rendez-vous début 2008, pour revaloriser les petites pensions. C’est une question de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Financement des syndicats

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le Premier ministre, les syndicats sont aujourd’hui des acteurs déterminants de la vie démocratique de notre pays. Or de récentes affaires ont remis sous les feux de l’actualité la question de leur financement. Celui-ci, totalement opaque, a été mis en cause à de nombreuses reprises, sans que cela soit pour autant suivi d’effets.

Dans son rapport de mai 2006, le conseiller d’État Raphaël Hadas-Lebel aborde le sujet délicat de l’opacité qui règne dans ce secteur et conclut ainsi son propos : « Ce domaine est caractérisé par une grande opacité : aucun document public ou administratif porté à notre connaissance ne présente de synthèse des ressources financières des syndicats en France, ni même des mécanismes de financement ». On ne peut que déplorer, monsieur le Premier ministre, que les syndicats soient les seules personnes morales à ne pas être contraintes par la loi à tenir une comptabilité…

Se pose, en outre, le problème de la représentativité des syndicats : seuls 8 % des salariés français sont syndiqués aujourd’hui, auprès d’organisations très divisées, contre plus de 50 % en Belgique et en Italie et près de 90 % en Suède.

Votre gouvernement s’est engagé à réformer le pays. Or les réformes les plus importantes ne pourront se faire sans les syndicats. Ce sont eux, en effet, qui, dans les pays où ils sont forts, ont été à l’origine de réformes majeures. Ainsi l’enjeu auquel est confronté le syndicalisme français est double : il lui faut un mode de financement qui garantisse transparence et indépendance et une représentativité qui permette des avancées sociales.

Monsieur le Premier Ministre, pouvez-vous nous indiquer le montant des subventions que l’État verse aux syndicats, le nombre des fonctionnaires mis à disposition des centrales syndicales – je doute d’obtenir une réponse précise, mais sait-on jamais – et les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de rétablir la transparence la plus élémentaire ?

Par ailleurs, quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre une véritable représentativité des syndicats et légitimer ainsi leur rôle d’acteurs responsables et constructifs du dialogue social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur Perruchot, nous voulons, toutes et tous, la modernisation de la démocratie sociale. Ce n’est pas une nouveauté : ce fut un thème de la campagne électorale. Les partenaires sociaux se sont également exprimés sur le sujet en juin dernier et le Premier ministre, dans un document d’orientation sur la délibération sociale, a rappelé qu’il fallait traiter en profondeur la question de la représentativité.

Celle-ci est liée à l’audience, à la place et à la force des accords, mais aussi au financement des syndicats. Poser la question du financement amènera l’ensemble des acteurs, partenaires sociaux et acteurs politiques, à déterminer quelle doit être la part de l’État et quelle peut être celle des entreprises. L’ensemble de ces sujets doivent être débattus sans tabous, mais vous connaissez les règles du jeu. La loi du 31 janvier 2007 relative à la modernisation du dialogue social, votée sous la précédente législature, incite les partenaires sociaux à se saisir de cette question. Ils ont prévu initialement de le faire en 2008. S’ils souhaitaient accélérer ce calendrier, j’y serais bien évidemment favorable.

Quoi qu’il en soit, il est certain que nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. Nous avons absolument besoin de transparence et de règles du jeu modernes. De nombreuses réformes sont en cours dans le domaine social, la modernisation de la société politique est en marche et vous allez vous-mêmes débattre de celle des institutions. L’ensemble du champ social, notamment les syndicats, doit également tourner une page, c’est-à-dire poser la question de l’avenir de la représentativité et celle du financement. Ce rendez-vous est prévu pour 2008. Si certains souhaitent l’anticiper, j’y suis prêt ; manifestement, vous l’êtes aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Réforme de la carte judiciaire

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, vous avez initié, dès votre arrivée à la Chancellerie, l’indispensable réforme de la carte judiciaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est une preuve supplémentaire de votre courage et de votre volonté d’entreprendre enfin les réformes difficiles, car cela fait vingt ans que nous en parlons.

M. Albert Facon. Qu’avez-vous fait ?

M. Georges Fenech. En effet, différents gardes des sceaux ont lancé des réflexions sur ce sujet, qu’il s’agisse de M. Nallet, de M. Toubon ou de Mme Guigou.

M. François Lamy. Et Clément ?

M. Georges Fenech. D’importants rapports parlementaires y ont également été consacrés. Enfin, notre collègue Patrick Devedjian, qui a conduit, en 2001, une mission d’évaluation de la justice, appelait déjà de ses vœux une réforme de la carte judiciaire.

Merci, madame la ministre, de préciser devant la représentation nationale la méthode que vous avez retenue et le calendrier des options que vous présenterez. Ces décisions, vous le comprendrez, intéressent tous les élus siégeant dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Albert Facon. Allô !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Fenech, je rappelle que, le 27 juin dernier, j’ai installé un comité consultatif sur la réforme de la carte judiciaire. Des contributions m’ont été remises. Depuis cette date, les chefs de cour ont procédé, sur le terrain, à des consultations et à des concertations intégrant la qualité de la justice et les réalités locales, notamment en termes d’aménagement du territoire. Ils ont également participé à des réunions avec les préfets pour recevoir et consulter les élus sur ce sujet.

Depuis le 30 septembre, tous les chefs de cour m’ont remis des propositions, des suggestions sur la réforme de la carte judiciaire, et j’irai sur le terrain pour en discuter avec l’ensemble des acteurs concernés. Mon premier déplacement aura d’ailleurs lieu jeudi. Je me rendrai, avec le Premier ministre, à Lille, dans le ressort de la cour d’appel de Douai, pour discuter de ces nouvelles propositions. J’irai ensuite dans toutes les régions, pour mener à bien cette réforme de la carte judiciaire à laquelle nous ne voulons pas renoncer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Fromion. Très bien !

EADS

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Bapt. Madame la ministre de l’économie et des finances, le 22 octobre prochain, aura lieu une assemblée générale extraordinaire d’EADS à Amsterdam. Sera notamment discutée une résolution – la huitième – concernant le renouvellement du mandat d’administrateur de M. Arnaud Lagardère.

M. Albert Facon. Encore un Rmiste…

M. Gérard Bapt. Il y a quelques mois, celui-ci avait argué de son incompétence pour expliquer son ignorance des difficultés de production rencontrées par Airbus.

L’État est aujourd’hui actionnaire de 15 % du capital d’EADS. Des milliers de suppressions d’emplois sont programmées et des milliers de familles de salariés d’Airbus et de ses sous-traitants, amenés à délocaliser, vivent dans l’angoisse du lendemain. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, ma question est simple et nos concitoyens seront attentifs à votre réponse : dites-nous si, le 22 octobre à Amsterdam, l’État actionnaire, sur instruction du Gouvernement et de l’Élysée, va voter pour ou contre le renouvellement du mandat d’administrateur de M. Lagardère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, je voudrais d’abord préciser un certain nombre de points relatifs à la situation que vous évoquez, et avant tout réaffirmer que le Gouvernement veut impérativement la transparence sur toute cette affaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je me réjouis que le Parlement – par l’intermédiaire des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat – participe à cet exercice de transparence. Ainsi le directeur général de l’Agence des participations de l’État, le directeur du Trésor et l’ensemble de l’état-major de la Caisse des dépôts et consignations ont-ils été auditionnés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Henri Emmanuelli. Répondez sur Lagardère !

M. Christian Bataille. Nous avons posé une question simple !

M. Arnaud Montebourg. Parlez-nous du « frère » de M. Sarkozy !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Par ailleurs, les deux commissions sont venues inspecter les bureaux des services de l’État à Bercy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Arnaud Montebourg. La réponse !

M. le président. Allons, monsieur Montebourg !

M. Richard Mallié. Montebourg, taisez-vous !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …afin d’examiner l’ensemble des documents relatifs à cette affaire.

Ces travaux suivent leur cours et j’ai demandé à l’inspection générale des finances d’examiner tous les agissements des services de l’État, de l’APE et du Trésor (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Maxime Gremetz. Et Lagardère ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …ainsi que leurs relations avec la Caisse des dépôts et consignations. Un rapport me sera remis jeudi en fin de journée et je me suis engagée à ce qu’il soit mis à la disposition de chacun d’entre vous ainsi qu’à la disposition de tous les Français qui voudront le consulter car, je le répète, nous souhaitons la vérité et la transparence sur cette affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Par ailleurs, en ce qui concerne EADS, je rappelle que le groupe Airbus est dans une situation de concurrence acharnée avec un autre fabricant d’aéronefs et qu’il serait sans doute préférable de laisser la direction et les salariés de cette société faire leur travail et construire des avions de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – « Lagardère ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Allons, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Enfin, en ce qui concerne la composition du conseil d’administration d’EADS (« Ah ! sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), je vous rappelle que l’État n’y est pas directement présent, et pour une raison bien simple : le pacte d’actionnaires négocié sous l’égide du Premier ministre Lionel Jospin ne le prévoyait pas. Ce n’est donc pas l’État qui désignera le conseil d’administration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Emploi des seniors et préretraites

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Monsieur le ministre, la France se caractérise par un taux d’emploi des seniors de cinquante-cinq à soixante-quatre ans qui reste très inférieur à la moyenne européenne : 37,6 % contre 45,3 % pour l’Europe des Quinze en 2006. Le précédent gouvernement a mis en place un plan d’emploi des seniors qui constitue une première étape essentielle pour un changement des mentalités dans notre pays. Toutefois, il semble aujourd’hui indispensable d’aller plus loin pour mettre un terme définitif à cette particularité française. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, il semble que le Gouvernement ait l’intention d’assujettir les indemnités de préretraite et de mise à la retraite d’office aux cotisations sociales et à la CSG. Pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est, notamment pour les personnes qui n’ont pas forcément choisi de se retrouver dans cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le député, s’il est une exception française dont nous aimerions nous passer, c’est bien celle-ci : aujourd’hui, seulement une personne de plus de cinquante-cinq ans sur trois est en activité dans notre pays…

M. Maxime Gremetz. Vous les mettez au chômage !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. …contre 70 % en Suède. Face à ce gâchis économique, social et surtout humain, il est grand temps de passer aux travaux pratiques : nous n’allons pas nous contenter de tenir un énième discours à l’adresse des entreprises qui ne jouent pas le jeu vis-à-vis des salariés âgés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Premièrement, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale – qui, si j’en juge par les réactions sur les bancs de la gauche, sera certainement voté à l’unanimité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – nous allons taxer massivement les préretraites d’entreprises ainsi que les mises à la retraite d’office, et nous l’assumons ! Quel gâchis, en effet, que de ne pas permettre à un salarié qui voudrait continuer à travailler de le faire ! La France s’était émue du cas de Guy Roux ; si ce cas n’est plus vraiment d’actualité, puisque Guy Roux n’entraîne plus de joueurs de football, il se pose à l’identique pour des milliers d’autres personnes en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pourquoi empêcher une personne de soixante-cinq ans, capable et désireuse de travailler encore, de le faire ? Si les entreprises ne jouent pas le jeu dans ce domaine, nous allons changer les règles du jeu.

Deuxièmement, nous travaillons avec Christine Lagarde sur le dossier de l’emploi des seniors et, là encore, nous entendons bien dépasser la simple déclaration d’intention : en nous inspirant de ce qui se fait dans certains pays, nous réfléchissons à un système de bonus-malus en matière d’emploi des seniors, qui inciterait les entreprises à garder leurs salariés âgés ou même à en embaucher, tout en taxant celles qui ne jouent pas le jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Soins palliatifs

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Decool. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, vous étiez aux côtés du Président de la République, quelques jours après son élection, à l’hôpital maritime de Zuydcoote, dans le Nord, pour visiter l’unité de soins palliatifs. À cette occasion, Nicolas Sarkozy et vous-même avez tenu à rencontrer le personnel soignant, les familles des malades et les bénévoles. Vous avez constaté les difficultés du personnel soignant face à ce douloureux problème de l’accompagnement de fin de vie : services de soins saturés, poids psychologique du côtoiement quotidien de la souffrance et de la mort, difficile communication avec le patient. Vous vous êtes imprégnés du dévouement des professionnels et des bénévoles, qui méritent la plus grande considération. Chacun a également compris la tristesse mais aussi la dignité des familles, confrontées chaque jour aux plus grandes peines.

Conscient des épreuves endurées par les malades et de la détresse de leurs proches, le Président de la République avait alors annoncé le doublement du nombre de places en soins palliatifs. À titre d’exemple, le Nord-Pas-de-Calais disposait en 2006 de cinq lits pour 100 000 habitants, ce qui en fait une région plutôt mieux équipée que la moyenne (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Michel Lefait. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Decool. …tout en restant largement en dessous des besoins.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître les modalités et le calendrier d’application de cette proposition attendue par les professionnels de santé et par les familles des malades en fin de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le député, vous avez rappelé que les soins palliatifs constituaient l’une de nos priorités de santé publique, avec l’action contre le cancer et la maladie d’Alzheimer. Le rapport du professeur Régis Aubry, qui vient de m’être remis, est d’abord un fantastique message d’espoir : au cours des cinq années qui viennent de s’écouler, le nombre de places en soins palliatifs, que ce soit dans les unités de soins palliatifs ou dans les lits identifiés, a été porté de 700 à 3 000, tandis que celui des équipes mobiles passait de 200 à 350 et que les réseaux se multipliaient – on en compte désormais une centaine.

Toutefois, comme nous l’avons constaté lors de la visite de l’hôpital maritime de Zuydcoote, qui fut un grand moment d’émotion, il faut plus de formation, plus d’information, plus de places, plus de soutien aux aidants – nous avons entendu le message des familles. L’engagement du Président de la République est clair : nous allons doubler le nombre des lits en soins palliatifs d’ici à la fin de la mandature. D’ores et déjà, 30 millions d’euros vont être dégagés à cette fin dans le cadre du PLFSS – nous aurons l’occasion d’en reparler –, ce qui viendra compléter les efforts consentis, par exemple, au profit des soins de suite et de réadaptation. Je vais m’attacher à étoffer les réseaux, au plus près des malades, les équipes mobiles pluridisciplinaires et la recherche, en particulier sur les programmes hospitaliers de recherche clinique, en donnant la priorité aux soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Tests ADN

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme George Pau-Langevin. Monsieur le président, monsieur le Premier Ministre, mes chers collègues, je note tout d’abord que Mme la ministre de l’économie n’a pas répondu à la question posée par notre collègue Bapt (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) au sujet du conseil d’administration d’EADS. Je me demande si cette question gêne quelqu’un au Gouvernement, voire le Président de la République. Pourrions-nous avoir une première réponse sur ce point ?

M. le président. Veuillez poser votre question, madame ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme George Pau-Langevin. Par ailleurs, le groupe socialiste a exprimé, récemment, l’inquiétude et le rejet que lui inspirent certaines dispositions contenues dans le projet de loi sur la maîtrise de l’immigration, qui ne lui paraissent pas respecter les valeurs essentielles fondant notre « vivre ensemble ».

Les nouvelles entraves à la venue des conjoints de Français, les études intégrant des variables ethniques et surtout l’imposition de tests ADN pour vérifier la filiation biologique lors du regroupement familial ont suscité dans toutes les familles de pensée de notre pays un trouble persistant.

En ce qui concerne les tests ADN, les précautions introduites au Sénat n’enlèvent rien au caractère inacceptable de cette intrusion dans la vie familiale, contraire aux règles d’établissement de la filiation dans notre droit civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Après la conférence des évêques, c’est le Comité consultatif national d’éthique qui vient de vous adresser une sévère mise en garde contre cette disposition prévue pour les seuls étrangers et qui s’affranchit du cadre posé par les lois sur la bioéthique. Une ministre de votre gouvernement a même qualifié de « dégueulasse » cette instrumentalisation de l’immigration. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier Ministre, cet amendement fait honte à la France, pays des droits de l’homme. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Quand allez-vous le retirer purement et simplement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Madame la députée, permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à la qualité du travail parlementaire sur ce débat, auquel vous avez pris une part active. Peut-être avez-vous observé que j’ai moi-même écouté vingt-quatre orateurs avant d’exprimer la position du Gouvernement sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Philippe Vuilque. Et alors ? C’est normal !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. La disposition relative aux tests ADN ne figurait pas dans le projet que j’ai présenté, mais résulte d’une initiative parlementaire qui, en tant que telle, me paraît devoir être respectée. Vous aurez cependant observé que, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, j’ai souhaité apporter des garanties supplémentaires afin que cette mesure soit la plus protectrice possible.

M. Henri Emmanuelli. Lamentable !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Je vous les rappelle très brièvement. Premièrement, ces tests seront-ils obligatoires ? Non, ils seront facultatifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Deuxièmement, s’agit-il d’une mesure définitive ? Non, puisqu’un bilan de l’expérimentation sera effectué au bout de dix-huit mois. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. le président. Écoutez la réponse du ministre !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. Troisièmement, cela conduira-t-il à un fichage génétique ? Non. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Quatrièmement, ce test constituera-t-il un obstacle financier ? Non, puisqu’il sera gratuit. Cinquièmement, le dispositif sera-t-il différent de celui qui est appliqué aux Français ? Non, puisque, là aussi, c’est le juge qui décidera. Sixièmement, enfin, la filiation par le test ne pourra être prouvée qu’avec la mère afin de la protéger, par exemple, de la révélation publique d’un viol.

Au total, six garanties supplémentaires de transparence, de lisibilité et de respect de la personne ont ainsi été apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Retirez l’amendement !

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. En outre, comment négliger le fait que douze pays européens, et notamment la Grande-Bretagne travailliste,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?

M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement. …aient pratiqué l’année dernière 10 000 tests ? La Grande-Bretagne, terre de l’habeas corpus ! Comment négliger le fait que, dans une note de mai 2007, le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés ait rappelé que « les tests sont de plus en plus utilisés comme moyen d’établir les liens de parenté » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Comment négliger le fait que, le 4 octobre dernier, la Commission européenne ait validé ce dispositif ?

Alors, madame la députée Pau-Langevin, évitons les caricatures, les excès et la stérilité des faux procès ! Les Français nous demandent d’affirmer et de respecter le principe selon lequel la France a le droit de choisir qui elle veut et qui elle peut accueillir sur son territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Fusion DGI-DGCP

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huygue, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, vous avez annoncé jeudi dernier la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. Cette réforme très importante engagera l’avenir des 130 000 agents qui travaillent dans ces deux administrations financières. Elle est aussi essentielle pour la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment dans leurs relations avec les administrations. Enfin, cette réforme est emblématique de la capacité de l’État à se moderniser. Je rappelle d’ailleurs qu’une réforme similaire n’avait pas abouti il y a sept ans, sous le gouvernement Jospin. Il est donc important que l’actuel gouvernement réussisse aujourd’hui cette fusion nécessaire et attendue.

Monsieur le ministre, vous avez fixé plusieurs objectifs à cette fusion : améliorer le service rendu aux usagers, renforcer l’offre de conseil aux élus locaux, améliorer l’efficacité et la performance de l’État et, enfin, donner des perspectives professionnelles élargies aux agents de ces administrations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

S’agissant de la méthode, la fusion se fera de façon progressive avec la création, en 2008, de la nouvelle direction générale et les premiers tests de guichets fiscaux uniques. Elle se fera également dans un esprit d’équilibre entre les deux directions générales et dans le cadre d’un dialogue social approfondi.

Monsieur le ministre, quel sera l’impact de cette réforme, notamment en milieu rural et dans les zones périurbaines, sur les services publics auxquels, vous le savez, nos concitoyens sont très attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Deux mille suppressions d’emplois !

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, pourquoi cette fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique ? Et comment va-t-elle intervenir ? Comme vous l’avez indiqué dans votre question, il s’agit d’abord de faciliter la vie des usagers, qui ne comprennent rien à cette distinction entre, d’une part, les guichets de la direction des impôts, et, d’autre part, ceux de la comptabilité publique. Huit Français sur dix plébiscitent la fusion et souhaitent un guichet unique. Nous allons précisément créer un service des impôts des particuliers, au même titre que nous avons mis en place, voilà quelques années, un service des impôts des entreprises. Cette mesure facilitera les choses, permettra un gain de temps et témoignera du respect des administrations pour les usagers.

Cette réforme constituera ensuite un bienfait pour l’État et pour les 130 000 agents qui travaillent dans ces deux directions. La possibilité de travailler sur plusieurs métiers élargira les perspectives professionnelles et permettra une mobilité géographique accrue.

M. Patrick Roy. Ce n’est pas leur avis !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Par ailleurs, cette fusion se fera dans le respect le plus complet des services publics de proximité. La charte des services publics en milieu rural sera appliquée à la lettre. Les 2 000 trésoreries situées dans des zones dépourvues de centres des impôts intégreront dans leurs nouvelles compétences l’ensemble du traitement des impôts, du calcul jusqu’au recouvrement. C’est donc un service supplémentaire qui sera dispensé à l’ensemble de celles et ceux qui habitent à proximité de ces 2 000 trésoreries.

Les agents travaillant dans des villes disposant à la fois d’un centre des impôts et d’une trésorerie, et qui relèvent de la trésorerie, rejoindront en général le centre des impôts pour créer le service des impôts aux particuliers.

Enfin, cette réforme est très exemplaire de ce que peut faire l’État en termes de réorganisation de ses services. Contrairement à la caricature souvent répandue, les agents vont montrer qu’un fonctionnaire sait s’adapter aujourd’hui dans son métier – et s’agissant de la comptabilité publique et des impôts, ce n’est pas évident – et pour répondre aux souhaits des usagers cette réforme, nous l’avions annoncée et nous la faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Pas un mot sur les 2 000 licenciements !

Installation des médecins en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Raison. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, en milieu rural, l’accès aux soins est le plus important des services publics. L’attachement des français à leur médecin de famille en est la démonstration. Or la désertification médicale prend une ampleur inquiétante dans de nombreuses régions. Beaucoup de mes collègues sont sensibles à cette question. Je pense notamment à Jean-Pierre Door, avec lequel j’en discute régulièrement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais j’ai également une pensée pour notre regretté collègue Jean-Claude Lemoine, qui vient de nous quitter et qui avait montré son attachement à ce dossier.

La Haute-Saône compte plusieurs cantons classés en situation déficitaire, dans lesquels les professionnels de santé sont déjà très isolés, ce qui rend particulièrement difficile leur renouvellement. Nos concitoyens sont inquiets, de même que les élus locaux. Les professionnels de santé commencent également à s’alarmer sur leur propre avenir et sur le suivi de leurs patients. La pyramide des âges nous indique que cette situation risque de perdurer, voire de s’aggraver.

Dans le même temps, certaines régions de notre pays attirent un nombre excédentaire de médecins généralistes, voire de spécialistes. Ces disparités doivent nous interpeller alors même que le Parlement a déjà voté plusieurs mesures dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, dans la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et, tout récemment encore, dans les lois de finances pour 2006 et 2007 : relèvement du numerus clausus, majoration des actes, meilleure reconnaissance de la spécialité en médecine générale, soutien au regroupement en maisons médicales pluridisciplinaires – cette dernière disposition semble la plus efficace.

Malheureusement et comme la Cour des Comptes vient de le souligner dans son rapport du 12 septembre dernier, l’ensemble de ces mesures n’a pas encore eu l’impact attendu sur la répartition des installations de médecins.

Le Gouvernement a-t-il pris la mesure de ce phénomène ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les mesures incitatives suffiront-elles à inverser la tendance ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est à la ministre de la santé de répondre, pas aux socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Peut-on avoir rapidement une influence sur le rééquilibrage des installations de médecins sans prendre le risque de fragiliser des vocations ?

Madame la ministre, quelles réponses comptez-vous apporter à cette question majeure de santé publique mais aussi d’aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le député, oui, il y a des problèmes de démographie médicale dans notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et pas seulement dans les zones rurales : certaines zones urbaines en connaissent également.

Est-il normal que d’ores et déjà 4 millions de nos concitoyens aient des difficultés à trouver un généraliste ? Est-il normal qu’il n’y ait plus de pédopsychiatre en Lozère, alors qu’il y en a trente et un dans l’Hérault, département limitrophe ? Est-il normal qu’il y ait dix fois plus de cardiologues en Loire-Atlantique qu’en Mayenne, alors que le rapport de population n’est pas de un à dix ? Je pourrais continuer à égrener ainsi les exemples.

Face à cette véritable difficulté, certains veulent des mesures contraignantes et coercitives. Telle n’est pas la philosophie du Gouvernement. Pour notre part, nous sommes résolument attachés à la liberté d’installation des professionnels médicaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je tiens à le redire ici solennellement. Nous allons prévoir des mesures en ce sens dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous voulons ouvrir un dialogue conventionnel avec les médecins, pour réfléchir ensemble aux conditions de l’installation. Nous souhaitons en outre que les jeunes, qui ne sont jamais appelés à discuter de ces choses avec leurs aînés, soient associés à cette négociation. Nous voulons discuter avec eux de tout, non seulement des conditions financières, mais également des conditions concrètes de leur installation. Nous n’avons fixé aucune date butoir afin que la discussion soit totalement libre. Nous voulons avancer, mais dans le dialogue et la concertation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Carte judiciaire

M. le président. La parole est à M. Bernard Lesterlin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Lesterlin. Madame la garde des sceaux, à l’issue de la consultation de l’ensemble des professions judiciaires et des élus, vous avez demandé à vos magistrats de faire des propositions dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. Vous vous étiez engagée à conduire cette réforme dans la transparence. Or, nous apprenons que vous avez donné instruction de ne plus publier leurs recommandations sur Internet.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et voilà !

M. Bernard Lesterlin. Vous vous apprêtez à supprimer, par décret et dans l’obscurité la plus totale, plus de 200 tribunaux d’instance, plus d’une centaine de conseil de prud’hommes, une cinquantaine de tribunaux de grande instance.

M. Jean-Marc Roubaud. Menteur !

M. Bernard Lesterlin. Vous allez donc demander à des millions de justiciables de faire des heures de route pour rencontrer le juge avec des délais de jugement beaucoup plus longs et une absence totale de proximité du service public de la justice.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est vrai !

M. Bernard Lesterlin. Avec quels moyens allez-vous reloger tous ces juges qui seront délocalisés d’autorité ? Avec quels moyens allez vous indemniser ces milliers de fonctionnaires du greffe, aux revenus modestes. qui eux aussi se retrouveront déplacés d’autorité ?

De nombreuses voix se sont élevées, tant sur les bancs de la majorité que sur ceux de l’opposition, pour souhaiter une autre méthode dans la réforme de la carte judiciaire.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Pas la vôtre !

M. Bernard Lesterlin. Notre collègue Max Roustan, député UMP du Gard, dont nous soutenons l’initiative, a entrepris une enquête d’envergure et fera des propositions que nous tenons à examiner ici même.

Madame la ministre, nous vous remercions de répondre enfin aux questions de la représentation nationale. Entendez-vous, conformément à votre promesse, nous communiquer les propositions des magistrats qui vous ont été transmises ? Avez-vous l’intention d’attendre la publication du rapport Roustan avant d’annoncer toute mesure sur la carte judiciaire ? Enfin, vous engagez-vous à organiser un débat avec un vote devant le Parlement sur cette question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Lesterlin, comme je l’ai dit tout à l’heure, un comité consultatif a été installé le 27 juin dernier. Au terme de trois mois de consultations, des projets de schémas de la nouvelle carte judiciaire m’ont été proposés.

La consultation et la concertation continuent. Les magistrats et les chefs de cour m’ont fait des propositions qui intègrent les réalités locales et la nécessité de l’aménagement du territoire. Dans un souci de totale transparence, tous les rapports ont été mis en ligne.

M. Arnaud Montebourg. Nous ne les avons pas !

Mme la garde des sceaux. Ces contributions seront en ligne, comme je m’y suis engagée. J’irai sur le terrain. Chaque fois que je me déplacerai dans une région, je débattrai des schémas proposés. Le résultat des discussions, région par région, sera en ligne le soir même.

Mon premier déplacement aura lieu à Lille, dès vendredi prochain, pour rencontrer les acteurs concernés. Le rapport et les nouvelles propositions seront, je le répète, mis en ligne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pollution par les pesticides aux Antilles

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Remiller. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

Mon collègue Alfred Almont, député de la Martinique, n’a pas pu être présent aujourd’hui dans cet hémicycle. Retenu à Bruxelles par une séance plénière du Conseil des régions de l’Union européenne, il m’a demandé, monsieur le ministre, de vous poser sa question.

Représentant d’une circonscription de la Martinique où l’agriculture représente une part importante de l’activité économique, notre collègue tenait à évoquer devant vous l’extraordinaire campagne médiatique qui, au cours de ces dernières semaines, a frappé la Martinique et la Guadeloupe, et qui concerne les conséquences de l’utilisation d’un pesticide entre 1981 et 1993 dans les exploitations bananières.

Des affirmations très graves ont été avancées ; bien qu’apparemment sans véritable fondement scientifique, elles font encore aujourd’hui la une de la presse locale et nationale, surtout à la Martinique et en Guadeloupe.

Les conséquences de ces affirmations sont déjà pénalisantes et dommageables pour la Martinique et sa population : elles se traduisent notamment par des annulations de séjours touristiques, mettant à mal les efforts considérables des professionnels pour augmenter l’attractivité de cette destination, mais aussi par une diminution – catastrophique pour les exploitants locaux – des ventes d’une production agricole pourtant issue de sols soumis à des contrôles périodiques. Elles suscitent enfin chez les personnes – et c’est le pire – de sérieuses craintes quant à leur santé.

M. le président. Merci de poser votre question, monsieur Remiller.

M. Jacques Remiller. Je n’ai pas tout à fait fini, monsieur le président. Il est, dans ces conditions, indispensable que l’État communique et fournisse des informations, tant à la Martinique qu’en métropole. Il est nécessaire, en effet, que les populations connaissent la vérité sur les nombreux travaux de recherche qui seraient déjà réalisés ou en cours, ainsi que sur les mesures prises ou prévues. Il est également nécessaire qu’elles soient informées avec précision des dispositions que vous entendez mettre en œuvre pour que, quelles que soient les conclusions des études sanitaires en cours, une totale transparence de la gestion du risque sanitaire soit assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur Remiller, Alfred Almont, comme bon nombre de parlementaires et de présidents des collectivités régionales ou départementales de la Martinique et de la Guadeloupe, a fait part de son inquiétude au Premier ministre et aux différents membres du Gouvernement concernés.

À peine leur plaies pansées, après le dramatique cyclone Dean, qui a ravagé une grande partie des cultures, voilà que la Martinique et la Guadeloupe essuient une nouvelle tempête, médiatique celle-ci.

M. Lucien Degauchy. Très juste !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Nous nous devons de répondre à toutes les inquiétudes de nos compatriotes de Martinique et de Guadeloupe. Il s’agit d’une exigence de vérité, d’abord, sur les conditions dans lesquelles, jusqu’en 1993, l’utilisation du chlordécone a été autorisée.

Toujours au nom de cette exigence de vérité en matière sanitaire, des enquêtes épidémiologiques conduites sous l’autorité de Roselyne Bachelot sont en cours. Plusieurs nous sont déjà parvenues. Certaines sont rassurantes ; d’autres devront préciser les diagnostics.

Nous avons ensuite une exigence de rigueur. Nous allons, à la demande du Premier ministre, tripler le nombre de contrôles sur les fruits et légumes, qui sont commercialisés en grande surface, sur les étals ou destinés à l’exportation. Les poursuites les plus lourdes seront par ailleurs engagées à l’encontre de ceux qui auraient contrevenu aux règles et aux normes en vigueur.

Nous voulons ouvrir de véritables perspectives pour la Guadeloupe et la Martinique, dire notamment aux agriculteurs qui sont dans l’inquiétude et rencontrent des difficultés économiques que, pour ceux qui ont des produits de qualité – et il en est de très grande qualité –, nous veillerons avec Michel Barnier à ce qu’ils puissent disposer d’un label qui garantisse cette qualité.

Quant à ceux dont les terres ont été contaminées, nous veillerons, au-delà des mesures de solidarité liées à la contamination, à accompagner leur reconversion, notamment vers la filière des biomasses, dans le domaine des énergies renouvelables.

Il nous faut enfin rétablir la confiance dans le secteur du tourisme. Alors que la haute saison va commencer, nous souhaitons assurer, avec Luc Chatel, une grande campagne de promotion. La Martinique est belle, la Guadeloupe est belle ! Elles sont accueillantes et offrent aujourd’hui des produits de qualité que nous voulons garantir. Jamais nous ne transigerons avec la santé de compatriotes et de tous ceux qui consomment les produits martiniquais. Telle est la priorité de notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Franchises médicales

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le Premier ministre, vous voulez instaurer, dès le 1er janvier 2008, de nouvelles franchises médicales, afin, dites-vous, de financer les investissements consacrés à la lutte contre la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs et les efforts de la lutte contre le cancer.

Mais les Français ne sont pas dupes. Ils ont compris que le vrai but de ces franchises est de combler le déficit de l’assurance maladie, qui ne cesse de croître et atteindra cette année plus de 6 milliards d’euros. Même les victimes de la maladie d’Alzheimer devront s’acquitter de ces nouvelles franchises puisque, comme tous les patients en affection de longue durée, elles n’en seront pas exonérées.

Cette politique est hypocrite, monsieur le Premier ministre. Vous reprenez d’une main ce que vous donnerez de l’autre. En effet, l’annonce d’un plan Alzheimer par le Président de la République a été largement médiatisée, mais qu’en reste-t-il ?

L’instauration de ces nouvelles franchises va coûter 50 euros à certains malades, et ce dès les premiers mois de l’année, voire dès le mois de janvier. Songez que le reste-à-vivre de certaines personnes âgées accueillies en maisons de retraite médicalisées n’est que de soixante-dix euros par mois. Les franchises médicales vont donc peser très lourdement sur les personnes âgées les plus modestes et les plus malades, celles qui vivent avec le minimum vieillesse.

Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : Avez-vous décidé de tourner le dos au principe de solidarité entre malades et bien-portants, qui est le fondement de notre système de sécurité sociale et du pacte républicain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame Hoffman-Rispal, il y a au moins un point sur lequel nous sommes d’accord : la maladie d’Alzheimer est bel et bien un drame pour les personnes qui en sont victimes ainsi que pour leurs familles et ceux qui les accompagnent.

Face à ce drame, il faut mobiliser des moyens supplémentaires. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité que la maladie d’Alzheimer figure, avec les soins palliatifs et le cancer, parmi nos trois priorités en matière de santé publique. Il faut mobiliser des moyens considérables pour la prise en charge des soins, mais aussi dans le secteur médico-social. C’est la raison pour laquelle Xavier Bertrand a ouvert l’important chantier de la cinquième branche.

Valérie Pecresse va pouvoir dédier une partie de l’augmentation des crédits de la recherche à la maladie d’Alzheimer. Mais il faudra dégager des moyens supplémentaires, et les franchises vont permettre de générer 850 millions d’euros, qui permettront une meilleure prise en charge des soins.

Des garanties existent pour les plus fragiles. Quinze millions de nos concitoyens sont exonérés des franchises, et celles-ci sont plafonnées : limitées à 50 euros par an et à 4 euros par mois. Quant aux malades dont vous avez parlé, ceux atteints de la maladie d’Alzheimer, du cancer ou placés en soins palliatifs, ils sont évidemment exonérés du ticket modérateur, puisqu’ils sont pris en charge dans le cadre des affections de longue durée.

Le reste-à-charge sera donc extrêmement faible, et les malades les plus fragiles seront protégés. En revanche, les sommes importantes générées par les franchises vont permettre de progresser dans la prise en charge des soins. Voilà une vraie politique de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

2

Éloge funèbre de Paul-Henri Cugnenc

M. le président. Madame, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent), c’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris la mort, le 3 juin dernier, de notre collègue et ami Paul-Henri Cugnenc.

Député, professeur de médecine, viticulteur, Paul-Henri Cugnenc était un homme de talent, de passion, de fidélité. Il était de ceux dont la vaillance et le cœur élèvent tout ce qu’ils font et honorent tous ceux qu’ils croisent.

C’est à sa juste mesure qu’il était estimé et respecté sur tous nos bancs ; c’est à sa juste mesure qu’il nous manquera et qu’il nous manque déjà.

Paul-Henri Cugnenc, c’était d’abord un grand médecin. Professeur en chirurgie digestive et générale, chef de service à l’hôpital Georges-Pompidou, président du pôle Cancérologie de ce même hôpital, président du syndicat des chirurgiens des hôpitaux de Paris, il était l’une des hautes éminences de sa spécialité.

Grand médecin par ses titres, ses responsabilités et ses compétences, il l’était encore par le dévouement exceptionnel avec lequel il exerçait son magistère. Il travaillait sans relâche. Il portait à ses malades une remarquable attention, pleine de bonté et de délicatesse. Il soignait les corps sans oublier les âmes. Combien de fois l’avons-nous vu quitter cet hémicycle, tard dans la nuit, pour retourner à l’hôpital, prendre soin d’un de ses patients ?

C’est avec le même dévouement et la même excellence que Paul Henri Cugnenc s’engagea en politique. D’abord à Béziers, où étaient ses racines, puis aux côtés de son ami et collègue Bernard Debré, au ministère de la coopération, parmi nous enfin.

Élu député dans la sixième circonscription de l'Hérault en 2002, il fut brillamment réélu quelques jours seulement avant de mourir.

C'est toujours une chance et un honneur pour la politique que de grands professionnels tels que Paul-Henri Cugnenc décident de servir leur pays en plus de leur métier, que de grands médecins, au service de chacun par l'exercice de leur art, veuillent encore être au service de tous pour l'intérêt général au sein de la représentation nationale.

À l'Assemblée, Paul-Henri Cugnenc fut le même travailleur acharné qu'il l’était à l'hôpital. Il ne concevait son mandat pas autrement que son métier : tous deux l'obligeaient avec la même ardeur. Jamais il ne délaissa l'un pour l'autre. Tel il était, allant sans cesse d'une salle d'opération à une réunion de commission, d'un colloque à une séance publique, jusqu'à en négliger sa propre santé.

Il était l'un des membres les plus assidus de la commission des affaires sociales.

Il nous éclairait de son expérience, de son intelligence, toujours avec sa délicatesse, son ouverture au dialogue et son respect pour les opinions qui n'étaient pas les siennes.

Nous lui devons l'enrichissement de nos travaux. Son concours sur les questions de santé et d'éducation nous fut précieux.

Président du groupe d'études parlementaire sur le cancer et la santé publique, Paul-Henri Cugnenc a largement contribué à la création et à l'installation de l'Institut national du cancer, voulu par le Président Chirac. Ce cancer qui, par une terrible ironie du sort, devait l'arracher à la vie – la vie qu'il aimait tant – à l'âge de soixante et un ans seulement, comme si ce mal terrible avait voulu se venger de celui qui l'avait si souvent vaincu par la pratique de son art pour sauver les autres.

Mais Paul-Henri Cugnenc, c'était aussi la terre, sa terre, ce beau pays de l’Hérault, où il était né, et auquel il restait profondément attaché.

Sa terre et ses vignes. Car non content d'être un grand médecin et un homme politique, Paul-Henri Cugnenc était aussi un viticulteur – ou un vigneron plutôt, comme on disait jadis et comme il aimait le dire lui-même.

Médecin, député, viticulteur : Paul-Henri Cugnenc l'était tout à la fois.

Il fut celui – comment l'oublier ? – qui défendit les bienfaits du vin. « Consommé de façon raisonnable, il fait plus de bien que de mal », répétait-il sans cesse, indifférent aux critiques. Il parlait en médecin, mesurant les vertus des plaisirs, quand d'autres ne croient qu'à leurs vices.

Chaque mort laisse un bien, un petit bien, sa mémoire, et il demande qu'on la soigne, disait Michelet.

Soignons la mémoire de Paul-Henri Cugnenc, comme il a soigné ses patients, comme il a servi son pays. Nous ne l'oublierons pas !

À son épouse, à sa mère, à sa famille et à ses proches, je renouvelle, au nom de notre Assemblée, l'expression de notre peine et de notre profonde sympathie.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens, en ce jour, à associer le Gouvernement à l'hommage que l'Assemblée nationale rend à Paul-Henri Cugnenc, député de l'Hérault, qui nous a quittés dans la nuit du 3 juillet dernier.

L'annonce de ce départ subit nous a tous laissés interdits, tant l'image de cet homme dans la force de l'âge, à l'activité débordante et engagé, nous habitait tous.

Être un enfant de la Libération prédestine, diront certains, à l'engagement et à la dévotion à une noble cause. Paul-Henri Cugnenc en aura été l'exemple éclatant : jouant sa vie sur des scènes bien différentes, avec un égal succès, il a toujours été mû par une seule volonté et animé par une seule passion qui firent de lui un gaulliste de cœur et d'actes : le service de son pays. Pour lui, cela ne signifiait rien d'autre que le service des autres.

Passionné, Paul-Henri Cugnenc l'était d'abord par ses vignes et par sa terre, celle des ceps noueux du Languedoc et du village qui l’a vu naître, Thézan-lès-Béziers. C'est pour défendre cet héritage que ce viticulteur s'était engagé dans le Syndicat des vignerons vinifiant en cave particulière et s'était illustré comme membre de la délégation à l'agriculture de la ville de Béziers.

Il y acquit dans ce premier combat une certaine idée de la France : celle de sa grandeur, l'idée d'une France éternelle, et l'idée qu'il n'est de grandeur ni d'éternité sans terre.

Pour défendre ces valeurs à la manière de celui qui les porta si haut et qu'il admira tant, le général de Gaulle, son engagement fut inlassable : conseiller municipal, puis adjoint au maire de Béziers, il devint finalement conseiller technique auprès de Bernard Debré, alors ministre de la coopération.

En 2002, il est élu député de l'Hérault. Ses dernières heures furent marquées par son éclatante réélection à ce poste : les près de 58 % de voix qu'il recueillit forcent encore l'admiration de ses collaborateurs, de ses amis députés, des médias, et ont une ultime fois témoigné de l'immense sympathie et de l'absolue confiance que lui vouaient ses électeurs.

Passionné, Paul-Henri Cugnenc l'était enfin par son métier. Professeur des universités en chirurgie digestive, il était dans sa spécialité un expert reconnu, un chef de service estimé et un incomparable président du pôle cancérologie de l'Hôpital européen Georges-Pompidou. Il profita de son mandat de député pour se montrer particulièrement actif au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, et consacra temps et énergie à la cause des enfants malades.

Et voilà qu'après avoir combattu sans relâche le cancer qui le rongeait, après avoir sauvé tant de vies que menaçait cette maladie, il finit par lui donner la sienne.

Sa présence manquera à sa famille, à ses proches, à sa terre, à ses amis politiques, à son groupe, à tous ses amis au-delà de son groupe.

Son amitié manquera à ses collaborateurs de la commission des affaires sociales et à toutes celles et tous ceux qui l’ont fréquenté ici. Je dois dire personnellement qu'elle me manquera aussi, ayant eu le grand honneur d'être son ami et compagnon d'armes de nombreuses années durant.

Sa voix manquera à l'Assemblée nationale.

Permettez-moi, au nom du Gouvernement tout entier, d'adresser à sa famille, à ses proches, à ses collègues et amis mes plus sincères condoléances.

M. le président. Mesdames et messieurs ; je vous demande maintenant d’observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Accords France-Émirats Arabes Unis
relatifs au musée universel d’Abou Dabi

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d’Abou Dabi (nos 180, 239).

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, cher Patrick Balkany, mesdames et messieurs les députés, le 6 mars 2007, la France et les Émirats Arabes Unis ont signé un accord qui scellait la coopération entre nos deux pays pour la création d’un musée universel à Abou Dabi.

À l’automne 2005, les autorités de l’émirat d’Abou Dabi sollicitaient l’appui de la France et du musée du Louvre pour la conception et la mise en œuvre d’un musée national du niveau des plus grandes institutions au monde. En attendant que cet objectif de longue haleine soit atteint, elles demandaient aussi que la France les aide à réaliser un musée de renommée internationale, qui aurait pour nom le Louvre Abou Dabi.

En cela, l’Émirat témoignait à la fois de la priorité qu’il accorde aujourd’hui à la culture et au dialogue des civilisations et de son ambition de devenir, pour l’art et l’enseignement supérieur, l’acteur-clé de la vaste zone qui couvre le Golfe, le Moyen Orient et le sous-continent indien, à mi-chemin entre l’Asie et l’Europe. Ainsi l’île de Saadiyat, dédiée à la culture et au tourisme, accueillerait également le musée Guggenheim, des théâtres et salles de concert, le musée maritime et le musée du patrimoine émirien.

En ayant recours à la France pour cette opération d’un caractère inédit dans cette région du monde, l’Émirat rendait hommage au prestige de nos institutions muséales et témoignait du crédit exceptionnel dont disposent notre expertise et notre savoir-faire au niveau international.

Le Gouvernement a décidé de répondre favorablement à la demande de l’Émirat. La proposition de partenariat qui nous était faite illustrait en effet de manière exemplaire à la fois la dimension d’ouverture sur le monde que nous voulons donner à notre politique culturelle et notre volonté de promouvoir le dialogue des cultures entre l’Orient et l’Occident.

La négociation qui a suivi a porté, dans une large mesure, sur les points suivants : quel serait le rôle du musée pour promouvoir le dialogue des cultures ? Comment garantir de la qualité scientifique et artistique du futur musée ? Sur quelle base assurer la juste rémunération des musées français fortement sollicités pour la réalisation de ce projet ?

En accord avec ses partenaires, la France a posé comme principe que ce musée devait être un « musée universel » dont les collections couvriraient toutes les périodes, y compris la période contemporaine, et toutes les aires géographiques. Il se devait de répondre aux critères de qualité et de déontologie les plus exigeants, qu’il s’agisse de la pertinence du discours scientifique et culturel ou de la conception et de la réalisation du bâtiment : un comité scientifique de très haut niveau est ainsi chargé de définir précisément ces critères et d’en assurer le respect. Quant aux contreparties financières − cet accord représente un montant de l’ordre de 1 milliard d’euros sur trente ans −, elles doivent bénéficier, dans leur totalité, aux musées de France, le musée du Louvre en tête, pour des projets scientifiques nouveaux.

Pour accompagner cet ambitieux projet jusqu’à sa réalisation, une agence a été créée, l’Agence France-Museums, émanation de douze établissements publics patrimoniaux, dont le Louvre est membre de droit. L’État y est représenté par deux censeurs, l’un du ministère de la culture et de la communication, l’autre du ministère des affaires étrangères et européennes, qui sera garant de la bonne exécution des obligations prévues par l’accord intergouvernemental et des intérêts de la France lors de la conclusion des nouveaux projets de nature muséale et patrimoniale d’ampleur internationale.

L’agence aura pour tâche de mettre en œuvre et d'accompagner ce projet jusqu'à sa réalisation. Le temps que le musée constitue ses propres collections, elle coordonnera une politique de prêts d'œuvres issues des collections du Louvre, de l'ensemble des musées nationaux et des autres musées français qui souhaiteront participer au projet. Par ailleurs, elle concevra et mettra en place une programmation d'expositions temporaires pendant quinze ans.

Pour accompagner la formation de la collection émirienne, des experts français indépendants proposeront une stratégie d'acquisition.

Enfin, la France conseillera Abou Dabi pour la mise en place de la future structure de gestion du musée, participera à la formation de ses cadres et, de manière générale, accompagnera pendant une durée de vingt ans le fonctionnement du musée afin de lui permettre de conforter sa place dans le paysage des institutions internationales.

L'ampleur et la nature du projet, totalement inédit en France comme à l'étranger, a évidemment suscité de nombreuses inquiétudes et interrogations.

Celles-ci concernaient particulièrement les risques d'entorse au principe d'inaliénabilité des collections publiques, de dépouillement des musées français de leurs œuvres majeures, de censure et de marchandisation.

Le principe de l'inaliénabilité des collections publiques n'a jamais été remis en cause depuis la Révolution. Il est inscrit dans la loi. Il n'est question ni de louer, ni de vendre des œuvres du patrimoine national. Là-dessus, la réponse est claire. Le public français et les touristes qui viennent en France ne seront pas privés de la contemplation de nos chefs-d'œuvre. Je rappelle que le nombre d'œuvres prêtées par an sera de l'ordre de 200 à 300, pour des durées allant de six mois à deux ans, et ce pendant dix ans. Or, chaque année, la France prête environ 30 000 œuvres dont 1 400 par le Louvre seul.

Il n'y aura ni censure ni interdit dans le choix des œuvres. Le choix sera défini par l'équipe scientifique française qui gardera le contrôle du contenu et de l'intégrité du programme des expositions.

Les contreparties financières sont probablement le point qui aura suscité le plus de critiques, notamment dans certains milieux artistiques. Le principe n'est pourtant pas nouveau : il est même couramment pratiqué quand il s'agit d'opérations d'envergure allant au-delà du simple prêt. Mme Christine Albanel, que je remercie pour sa présence qui témoigne de l'attachement du ministère de la culture à ce projet, a eu l'occasion de rappeler, lors de la séance au Sénat du 25 septembre dernier, que les travaux de l'Orangerie ou encore l'exposition « Mélancolie » au Grand Palais, ont ainsi bénéficié de dotations générées par le prêt de collections à l'étranger. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que certains ont pu dire un peu vite, d'un dévoiement de l'art dans un monde dominé par les puissances de l'argent, mais bien d'un partenariat de long terme qui permet à la France d'obtenir une juste rémunération pour service rendu.

M. Olivier Dassault. Très bien !

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Ces fonds, en revanche, vont permettre d'achever ce que ni l'aide de l'État, ni les ressources propres des musées n'étaient en mesure de faire, comme la création d'un centre pour accueillir les réserves du Louvre et des autres musées de la capitale, l'achèvement du grand Louvre, l'enrichissement des collections des musées participants.

Quant à la crainte qu'ils puissent suppléer à l'engagement de l'État, elle est totalement infondée. L'accord est clair sur ce point : les fonds versés ne feront que s'ajouter aux actions déjà menées en faveur des œuvres, des collections et du public. L'État continuera à jouer son rôle aux côtés des musées, Mme Albanel le rappellera tout à l’heure.

Enfin, lors de la séance du 25 septembre au Sénat, des critiques ont également été exprimées à plusieurs reprises sur les conditions de secret qui auraient présidé à l'élaboration du projet du musée et à la création de l'Agence France-Museums. Mme Albanel a rappelé que cette extrême discrétion avait été souhaitée par les Émiratis eux-mêmes mais que la poursuite du projet se ferait dans la plus totale transparence. Le Parlement sera tenu informé de tous les développements de l'opération.

Au-delà de la controverse, la coopération que nous entamons avec les Émirats Arabes Unis représente un défi sans précédent.

Notre pays dispose de formidables atouts pour le relever et pour s'imposer dans le contexte très concurrentiel de la mondialisation de l'univers de l'art : l'expertise et la richesse de nos musées ; la prise en compte dans la stratégie à l'international de nos institutions de la place dévolue aujourd'hui aux musées, lieux de rencontre des citoyens du monde ; la volonté politique, enfin, d'accompagner ce mouvement et d'en faire un instrument puissant du dialogue des civilisations et de l'universalité de la culture.

Mme Albanel apportera tout à l'heure les éclaircissements nécessaires pour répondre aux interrogations de votre assemblée. Pour ma part, je voudrais conclure ce propos liminaire en indiquant que ce projet est un défi que notre pays se devait de relever, au nom de la diversité culturelle et du rapprochement des civilisations.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les observations qu’appelait de ma part l’accord entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement des Émirats Arabes Unis relatif au musée universel d’Abou Dabi, qui fait l’objet de ce projet de loi, adopté par le Sénat et aujourd’hui soumis à votre discussion et à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Patrick Balkany, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui vous est soumis vise à approuver trois accords signés le 6 mars 2007 entre la France et les Émirats Arabes Unis.

L'accord principal fixe pour trente ans et six mois les conditions de la participation de la France à la création d'un musée universel à Abou Dabi. Deux accords additionnels précisent le régime de responsabilité et le régime fiscal de ce projet.

La France, plus particulièrement le musée du Louvre, va jouer un rôle prépondérant dans cette aventure culturelle qui va faire appel à l'excellence des acteurs français de la politique muséale, qui recevront pour toute la période de validité de l'accord environ un milliard d'euros de la part des autorités émiriennes.

Au cours des négociations, les autorités émiriennes ont évolué et l'on est passé de l'ouverture d'une simple antenne du Louvre à la création d'un musée universel, c'est-à-dire à un lieu où des œuvres de toute nature, de tout style, de toute époque et de tout format seront présentées au public le plus large possible.

Les Émirats Arabes Unis, et plus particulièrement l'Émirat d'Abou Dabi, sont un partenaire particulièrement important pour la France puisqu'ils constituent la première destination de nos exportations dans la région. Or ces derniers souhaitent diversifier leur économie et, parmi les secteurs qu'ils ont choisi de développer, la culture et le tourisme figurent en première place. Les liens déjà étroits qui unissent nos deux pays ne peuvent donc qu'être renforcés par un tel projet qui contribue au rayonnement de la culture française dans la région.

La France participe en effet à la conception du musée, à sa construction et au lancement de son activité. Ces missions seront réalisées par une agence spécialisée, l'Agence France-Museums, société par actions simplifiée dont le musée du Louvre et onze autres établissements publics sont actionnaires.

S'agissant des bâtiments, l'agence est consultée en amont et à chaque étape d'avancement du chantier.

Pour ce qui est de la conception muséographique, l’agence garantit le respect par le musée d'Abou Dabi des critères très sévères de qualité et d'exigence scientifique applicables au musée du Louvre. L'agence s'assure également que les conditions de transport, de sécurité, de conservation et d'exposition des œuvres sont conformes aux normes que se sont imposées les musées français les plus exigeants en la matière.

L’agence dispose, pour faire respecter ces principes, d'un instrument juridique puissant : la possibilité de mettre les autorités émiriennes en demeure de prendre des mesures sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à la résiliation de l'accord. Protection supplémentaire, les œuvres issues des collections de musées français présentées à Abou Dabi sont insaisissables sur le territoire des Émirats Arabes Unis.

M. Patrick Bloche. Heureusement !

M. Patrick Balkany, rapporteur. C’est déjà pas mal.

Le musée universel d'Abou Dabi disposera en effet d'oeuvres françaises, du moins au cours de ses premières années d'activité. La participation de l'Agence France-Museums à l'activité du musée est sans doute la partie la plus originale du projet de création d'un musée universel à Abou Dabi.

À ce titre, il faut bien situer la portée des trois accords du 6 mars 2007. Ceux-ci n'organisent pas un partenariat pérenne entre le Louvre et l'Émirat d'Abou Dabi. Ils ne sont pas non plus un simple contrat de service entre une agence française et les Émirats Arabes Unis. Ce à quoi la France s'est engagée, c'est à aider un pays à réaliser ses ambitions culturelles, parmi lesquelles la création d'un musée de renommée internationale figure en première place.

Pour ce faire, l'Agence conseillera les autorités émiriennes dans 1’élaboration d’une stratégie d’achat d'œuvres pour les collections permanentes du musée universel. En attendant que celles-ci ne soient définitivement constituées, l'ouverture progressive des galeries du musée est rendue possible grâce aux prêts consentis par l'Agence France-Museums : 300 œuvres pendant trois ans, puis 250, puis 200 au bout de sept ans d'activité du musée seront ainsi prêtées par l'agence au musée universel. Aucun prêt ne pourra durer plus de deux ans.

Les autorités émiriennes ont apporté la preuve tangible de l'importance qu'elles attachent à la réalisation de ce musée : le budget annuel consacré à l'acquisition d'œuvres sera de 40 millions d'euros.

En plus des prêts, l'agence devra organiser, pendant quinze ans, quatre expositions par an.

En contrepartie de cette aide au développement initial du musée, les Émirats Arabes Unis se sont engagés à verser environ 550 millions d'euros à l'agence. Sur cette somme, 165 millions serviront à rémunérer ses prestations tandis que 190 millions d'euros seront reversés par l'agence aux musées qui ont accepté de participer au système de prêts d'œuvres. L'organisation des expositions précédemment évoquées donnera lieu à un versement annuel de 13 millions d'euros pendant quinze ans. Sur cette somme, 8 millions seront destinés à couvrir les frais occasionnés par les expositions ; le reste, soit 5 millions d'euros, reviendra aux musées français.

Le projet de musée universel d'Abou Dabi permettra donc aux musées qui y participent de bénéficier d'une somme de plus de 250 millions d'euros. Inutile d'insister sur les perspectives de développement de notre politique culturelle et les projets qu'autorise un tel transfert qui représente une fois et demie le budget hors rémunérations alloué à nos musées dans le projet de loi de finances pour 2008…

J'ai évoqué au début de mon intervention le rôle du musée du Louvre. Le musée du Louvre est un actionnaire important de l'Agence France-Museums et il sera sollicité pour participer à ses missions.

Mais il a souhaité apporter une aide renforcée aux autorités émiriennes. Il les a donc autorisées à utiliser le nom du « Louvre » dans l'appellation du musée universel, afin de le faire bénéficier d'une renommée mondiale. Conscient toutefois que cette association ne devrait pas nuire à ses intérêts, le musée du Louvre s'est assuré que le droit ainsi conféré serait suffisamment encadré pour interdire toute dérive. La convention passée avec les autorités émiriennes apporte des garanties suffisantes dans ce sens.

En contrepartie du droit d'utiliser le terme « Louvre » dans l'appellation du musée universel, les Émirats Arabes Unis se sont engagés à verser 400 millions d'euros au musée du Louvre.

Le Louvre recevra également 25 millions d'euros au titre du mécénat. Les salles d'un étage du pavillon de Flore se verront attribuer le nom d'une personnalité éminente des Émirats Arabes Unis.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, chers collègues, le Louvre à Abou Dabi a suscité quelques inquiétudes qui, je l’espère, auront trouvé matière à s’apaiser dans mon exposé.

Le Louvre à Abou Dabi permet d’augmenter considérablement les ressources de tous les musées de France. Il peut donner à notre politique culturelle une nouvelle envergure, y compris en matière de démocratisation d’accès à la culture.

Ce projet est une chance pour la France, un bel exemple de dialogue des cultures et de rapprochement des civilisations. Je me félicite donc que la commission des affaires étrangères ait émis, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la création d’un musée universel à Abou Dabi représente une chance pour notre politique culturelle et l’ensemble de nos musées. Ce projet exceptionnel, qui garantit l’intervention pendant trente ans de nos meilleurs experts, apportera une ressource financière d’environ un milliard d’euros qui permettra le développement et le financement sur notre territoire de nouvelles actions culturelles.

Ce projet a déclenché de très vives critiques et de violentes réactions qui, je dois vous l’avouer, suscitent de ma part une certaine incompréhension. En effet, la création d’un musée universel à Abou Dabi ne se fait pas au détriment du public français ; elle ne fait peser aucune menace sur la sécurité des œuvres de nos musées ; elle est suffisamment encadrée pour garantir que le nom du Louvre ne soit pas associé à une institution à l’ambition culturelle défaillante. Aussi, afin d’apaiser les dernières inquiétudes, je souhaite revenir sur certains points des accords du 6 mars 2007.

Pour commencer, la création du Louvre d’Abou Dabi contribuera à renforcer l’influence de la culture et de la langue françaises dans le monde. Ce musée sera réalisé conformément aux conceptions françaises et les œuvres exposées seront issues des collections de tous les musées français.

Le musée universel sera par ailleurs un moyen pour des artistes français de faire connaître plus largement leurs œuvres puisque l’accord du 6 mars 2007 stipule explicitement que les œuvres présentées devront inclure des œuvres contemporaines. Des artistes contemporains français seront donc sollicités pour présenter leur travail à un public nouveau et jusqu’alors inaccessible.

Certains jugeront peut-être que la participation de la France aux ambitions culturelles des Émirats Arabes Unis n’était pas une nécessité, que nos liens avec ce pays auraient pu être renforcés plus efficacement. Je rappellerai à ceux-là que nos échanges économiques et commerciaux sont déjà très développés avec les Émirats Arabes Unis, puisque nos exportations à destination de ce pays dépassent les 3 milliards d’euros. La coopération culturelle viendra très opportunément compléter et intensifier cette relation. Je voudrais également faire justice aux efforts qu’il a fallu déployer pour que la France parvienne à convaincre, face à des concurrents redoutables, de l’intérêt d’un tel projet. Au départ, les autorités émiriennes avaient choisi de prendre pour modèle les accords que passe la Fondation Guggenheim lorsque celle-ci apporte son aide à la construction d’un musée. Cette dernière participe d’ailleurs à la construction d’un musée d’art moderne sur l’île aux musées d’Abou Dabi.

La participation de tous les acteurs de la politique muséale française et les talents combinés de plusieurs négociateurs ont permis de susciter, chez nos partenaires émiriens, une ambition véritablement nouvelle. Sans l’implication de Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture à l’origine de cette initiative, le musée universel d’Abou Dabi n’aurait été qu’une simple antenne du Louvre.

Pour un projet d’une telle ampleur, la création d’une agence spécifique s’imposait comme le meilleur moyen de combiner un développement de l’activité internationale de nos musées et la protection des plus petits musées de France. A cet égard, la critique consistant à présenter l’Agence France-Museums comme l’instrument de la domination du Louvre sur les autres musées de France manque singulièrement son but. Sans l’Agence France-Museums, comment les plus petits musées de France pourront-ils renforcer leur présence hors de nos frontières ? En effet, l’Agence pourra par la suite conclure sur le plan international d’autres accords et mener d’autres projets qui seront bénéfiques non seulement aux trente-trois musées nationaux, mais aussi aux musées décentralisés, dont plus de mille bénéficient déjà de l’assistance de la direction des musées de France. Imagine-t-on un musée régional d’importance moyenne négocier avec les autorités chinoises pour associer ses collections à la création d’un musée en Chine ? Peut-on sérieusement croire que le musée français aura la logistique et les moyens de défendre ses intérêts et de faire valoir ses conditions avant la conclusion d’un accord ?

L’Agence France-Museums permet de résoudre ces difficultés. En sa qualité d’interlocuteur unique clairement identifié, elle offre aux autorités gouvernementales étrangères qui souhaiteront bénéficier d’une coopération française la garantie de notre savoir-faire. L’Agence sera dotée de moyens suffisants pour défendre tous les musées français qui souhaitent développer leur activité à l’étranger. Nous avons là une véritable « force de frappe » culturelle.

Il me semble enfin que les musées français doivent considérer l’Agence France-Museums comme leur alliée pour le développement de leurs ressources financières. Les sommes que l’Agence reçoit, et redistribue aux musées de France, pourront servir à relancer une politique d’acquisition d’œuvres et d’enrichissement des collections.

Positive pour la culture et la langue françaises, avantageuse pour nos artistes, preuve de la qualité de notre savoir-faire comparé à celui des grandes institutions américaines, facteur d’accroissement du tourisme à destination de la France, aide et encouragement au développement international de nos musées, élément de diversification de leurs ressources, la création d’un musée universel à Abou Dabi renforce la place de la France dans le monde de la culture.

Nos musées vont trouver dans cette aventure culturelle une source nouvelle de financement qui constituera la juste contrepartie de leur participation et les incitera à plus de dynamisme. L’équilibre trouvé dans cet accord est bénéfique pour tous les acteurs français et émiriens. La commission des affaires étrangères ne s’y est pas trompée en demandant à l’unanimité son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Olivier Dassault.

M. Olivier Dassault. Retiendra-t-on, pour figurer au fronton du musée d’Abou Dabi, cette belle affirmation d’André Malraux : « La vérité que cherche l’oeuvre d’art, c’est la vérité universelle de ce qui est singulier » ?

A n’en pas douter, le musée qui est en train de naître des sables, sur la presqu’île luxuriante d’Abou Dabi, est en tout cas une aventure singulière à plus d’un titre, et remarquable à bien des égards.

Singulière et remarquable, car ce musée est une manifestation de ce que peut accomplir la volonté politique lorsqu’elle s’accompagne d’une amitié solide et sincère et qu’elle se double d’une vision éclairée.

Synonyme de dialogue des cultures et de rayonnement international de nos savoir-faire, l’établissement du musée d’Abou Dabi, rendu possible par la coopération culturelle exemplaire imaginée avec le musée du Louvre, renforce et prolonge les liens politiques et culturels entre la France et les Émirats Arabes Unis. Ce musée, conçu par la France, sera universel, car ouvert à toutes les périodes – y compris l’art contemporain –, à toutes les aires géographiques et tous les domaines de l’histoire de l’art.

Des critiques se sont effectivement élevées contre ce projet. Sans doute convient-il, cet après-midi, d’apporter des réponses, au moins a des fins pédagogiques, car je crois, comme Montaigne, que « les belles âmes, ce sont les âmes universelles, ouvertes et prêtes à tout, si non instruites, au moins instruisables ».

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Olivier Dassault. Cette coopération est marquée par l’aide de la France aux Émirats Arabes Unis pour concevoir le futur musée qui devrait être inauguré vers 2013. L’architecte en est Jean Nouvel.

D’une surface totale de 24 000 mètres carrés, le musée comprendra 2 000 mètres carrés d’espaces d’expositions temporaires et 6 000 mètres carrés de galeries permanentes, qui ouvriront par tranches successives.

Par ailleurs, durant les dix premières années à partir de l’ouverture du musée, la France prêtera des œuvres issues de l’ensemble des collections nationales, par rotation, à raison de 300 œuvres au début et 200 à la fin. Ce nombre est très raisonnable : les musées français prêtent chaque année environ 30 000 œuvres en France ou à l’étranger – 1 500 pour le seul Louvre.

Chaque œuvre sera prêtée entre six mois et deux ans maximum. Les prêts des musées français se feront exclusivement sur la base du volontariat, en conformité avec les règles des musées nationaux en matière de prêts, et sous le contrôle d’une commission scientifique. Pendant ce temps, les Émirats Arabes Unis acquerront des œuvres afin de constituer leur propre collection nationale.

Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, il a été convenu que les équipes françaises n’interviendraient pas dans le processus d’acquisition d’œuvres. Au-delà de cette période de dix ans, seules les œuvres des collections émiriennes seront exposées dans les galeries permanentes du musée.

Enfin, la France organisera pendant quinze ans quatre expositions temporaires par an.

L’engagement de la France ira donc en décroissant jusqu’à ce que ce musée universel acquière une totale autonomie.

Cette coopération culturelle, mes chers collègues, prévoit des contreparties financières sans précédent. Que ceux qui y sont opposés réfléchissent à la finalité de ces contreparties ! Ces ressources bénéficieront entièrement au Louvre et aux musées participant à ce partenariat, et viendront en surcroît, et non en compensation, de l’effort budgétaire de l’État, qui sera maintenu. Je suis certain que Mme la ministre nous le confirmera tout à l’heure.

M. Marcel Rogemont. Paroles verbales !

M. Olivier Dassault. L’accord intergouvernemental est par ailleurs assorti d’une convention fiscale qui prévoit l’absence d’imposition des sommes versées par les Émirats Arabes Unis.

Un mot sur ces contreparties, en écho aux précisions apportées avec limpidité et éloquence par notre rapporteur, M. Patrick Balkany.

M. Patrick Roy. Voilà des flatteries qui ne volent pas haut !

M. Olivier Dassault. Le Louvre bénéficiera directement de 400 millions d’euros pour le droit d’usage de son nom, qui se fera dans des conditions strictement encadrées sur lesquelles je reviendrai. Le paiement de cette somme sera étalé sur vingt ans. Le premier versement a été effectué avant l’été.

Par ailleurs, les institutions participant aux prêts d’oeuvres dans les galeries permanentes bénéficieront de 190 millions d’euros sur dix ans.

Les musées participant à l’organisation des expositions recevront, quant à eux, 195 millions d’euros sur une période de quinze ans.

Enfin, l’Agence internationale des musées de France, désormais baptisée France-Museums, filiale commune des établissements publics muséaux, créée pour porter ce projet, bénéficiera d’une somme de 165 millions d’euros en contrepartie de l’expertise qu’elle va fournir tout au long de l’opération.

Les sommes ainsi recueillies bénéficieront au Louvre et à l’ensemble des musées participant aux prêts et aux expositions. Elles serviront exclusivement à des projets scientifiques et culturels nouveaux, actuellement non financés. J’insiste sur ce point – comme j’avais eu la douloureuse mission de le faire sous la précédente législature lorsque j’étais rapporteur spécial du budget de la culture.

Il s’agira de projets d’investissement, de restauration, d’acquisition, ou d’opérations permettant d’améliorer les conditions d’accueil et d’information du public. Tout cela est nécessaire et urgent.

Comme vous vous en réjouissiez récemment, madame la ministre, de nouvelles perspectives de développement pour le Louvre sont ouvertes, sur le plan tant scientifique que culturel, ou en matière d’amélioration des capacités et conditions d’accueil des publics, comme le retour au musée du Louvre du Pavillon de Flore, évoqué par votre prédécesseur Renaud Donnedieu de Vabres, qui permettra de rendre aux publics du musée l’un des plus beaux espaces du Palais.

Signe supplémentaire de coopération, l’accord que nous allons ratifier prévoit que l’une des galeries du Pavillon de Flore réaménagé porte le nom d’une personnalité éminente des Émirats Arabes Unis, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

L’accord intergouvernemental que nous souhaitons ratifier prévoit, vous le savez, que le musée puisse s’appeler « Louvre Abou Dabi » jusqu’en 2037. Que n’avons-nous entendu à ce sujet !

Il convient donc, avant de refermer mon propos, de rappeler que ce nom de « Louvre », porté pendant les trente prochaines années, soulignera de façon visible l’ambition universelle de ce projet. Le rôle de l’expertise française dans la conception du nouveau musée est ainsi réaffirmé.

Je rappelle enfin que l’usage du nom s’opère dans le respect de conditions très strictes, précisées par une licence d’utilisation du nom signée entre l’établissement public du Louvre et les autorités d’Abou Dabi.

Retenez, mes chers collègues, que l’utilisation du nom devra toujours être en tous points conforme au prestige et à la réputation internationale du musée du Louvre et préserver son image et son héritage culturel.

À cette fin, nos partenaires s’engagent à demander l’autorisation du musée du Louvre avant toute utilisation du nom, y compris pour les opérations de communication et de promotion du futur musée. L’obligation vaut également pour la charte graphique et, le cas échéant, pour toute exploitation commerciale. Le droit français s’appliquera dans tous les cas, ainsi que la juridiction des tribunaux français compétents.

Interrogé sur cette question polémique, M. Henri Loyrette, directeur de l’établissement public du musée du Louvre, auquel nous devons rendre hommage pour son travail, son imagination, son courage et sa ténacité, a donné la plus complète des réponses. Je vous en livre un extrait : « Les Émiriens ont fait le choix que la Révolution a fait en 1793, celui d’un musée universel, privilégiant, à l’heure du repli identitaire, les intérêts de ce qu’on appela la République des Lettres. Le nom du Louvre, l’expertise du Louvre en sont le garant et le symbole. Le Président de la République Jacques Chirac l’a souligné dans une lettre envoyée à l’occasion de la signature de l’accord intergouvernemental : “En choisissant le Louvre, l’Émirat d’Abou Dabi a fait le choix d’un musée dont la vocation, depuis l’origine, est d’atteindre l’universel, c’est-à-dire l’essence de l’homme, à travers la contemplation des œuvres d’art.” »

M. Michel Françaix. J’ai bien fait de venir ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Olivier Dassault. Certainement, mon cher collègue ! Écoutez donc la suite : « Avec ce projet, qu’il doit pouvoir contrôler dans son avancement et son déploiement, le Louvre est fidèle à sa vocation initiale et à ses missions bicentenaires.

« Il proposera à ce carrefour des peuples et d’abord au monde arabe, si proche, si lointain, le contenu de “ce grand livre” – celui-là même où Cézanne disait que nous devions tous apprendre à lire car, ajoutait-il, “il y a tout dans le Louvre, on peut tout aimer et tout comprendre par lui...

M. Michel Françaix. Holà ! Ça part en rafale !

M. Olivier Dassault. …« car là est bien l’essentiel ; définitivement, sans hésitation, par ce Louvre que nous allons élever ensemble sur ces terres lointaines, dans le commerce d’estime égale, d’intelligence, de compréhension, d’entente mutuelle, tout ce qui naît de l’artiste revient à nous par la considération de ses œuvres. »

Référence à la réputation et au savoir-faire du musée, le Louvre Abou Dabi participera au rayonnement international de la France et de notre politique culturelle, et représentera, pour reprendre la formule du président de la commission des affaires étrangères, M. Poniatowski,…

M. Michel Françaix. Ah ! Là, c’est autre chose ! (Sourires.)

M. Olivier Dassault. …une « force de frappe culturelle ».

M. Michel Françaix. Après cela, il n’y a plus rien à ajouter !

M. Patrick Roy. C’est du plagiat !

M. Marcel Rogemont. Monsieur Dassault sait de quoi il parle !

M. Olivier Dassault. J’aime beaucoup cette expression. N’y voyez aucun clin d’œil de ma part ! (Sourires.)

S’il fallait encore un argument, mes chers collègues, pour vous convaincre de voter le projet de loi, j’ajoute que notre politique culturelle n’est pas neutre ; elle est le reflet de notre âme et, de manière concomitante, l’un de nos meilleurs atouts de singularité et d’identité, à l’épreuve d’une concurrence mondiale ouverte et accélérée.

En nous appuyant sur la force de l’amitié sincère et profonde qui nous unit aux Émirats arabes unis, je vous invite à voter ce projet de loi. Vous donnerez ainsi votre approbation à l’acte de naissance de ce grand musée universel qui, sur les rives du Golfe persique, portera témoignage de notre engagement commun de rapprocher les hommes, car, pour faire nôtre la formule de Jules Michelet, « Chaque homme est une humanité, une histoire universelle ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Quelle rafale de citations !

M. André Schneider. On ne regrette pas d’être venu !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, mes chers collègues, avoir entendu autant d’avocats de la défense avant d’intervenir m’amènerait presque à regretter la modération de mon propos.

Autant le déclarer d’emblée : pour les élus du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui ne saurait donner lieu à un énième épisode de la querelle des Anciens et des Modernes. Non, il n’y a pas, d’un côté, les Anciens conservateurs, égoïstes, protectionnistes, repliés sur leurs trésors et, de l’autre, les Modernes, forcément généreux, ouverts sur les autres et prêts à faire profiter le monde entier de nos œuvres éclairantes.

La question du Louvre d’Abou Dabi est certainement plus complexe. Elle mérite un débat lucide et approfondi, qui sache faire l’économie des caricatures et des affirmations simplistes, d’autant qu’il s’inscrit dans un contexte préoccupant d’où l’indispensable refondation de notre politique culturelle n’aura jamais été aussi absente. Jamais cette grand-messe qu’est la conférence budgétaire du ministre de la culture n’aura ressemblé, autant qu’il y a deux semaines, à une oraison funèbre.

Alors, de grâce, ne rejouons pas dans cet hémicycle une vieille querelle, car nous sommes bien évidemment favorables à la circulation des œuvres. La coopération entre les grands musées internationaux est d’ailleurs une tradition relativement ancienne. Depuis de nombreuses années, nos musées – qu’il s’agisse des grands et moyens musées nationaux ou des musées en régions – sont largement engagés dans des collaborations internationales. Des expositions de premier plan mobilisant œuvres, talents et compétences scientifiques d’institutions françaises ou étrangères sont présentées non seulement à Paris, Rouen, Villeneuve-d’Ascq, Strasbourg ou Lyon, mais aussi à Tokyo, Chicago, San Salvador, Rome ou Londres.

M. Olivier Dassault. Mais oui !

M. Patrick Balkany, rapporteur. Très bien !

M. Patrick Bloche. Les échanges internationaux sont donc déjà une réalité qui anime au quotidien un grand nombre de musées français et fait même leur fierté, tant ils sont le signe évident de leur vitalité et de la volonté de leurs responsables de maintenir la présence forte de la France sur le théâtre de la mondialisation culturelle. Outre que le fait de disposer de professionnels et d’un patrimoine artistique que le monde entier nous envie soit un honneur pour nos musées, cette politique ambitieuse de coopération internationale doit également être interprétée comme une pierre apportée à l’édifice du dialogue si nécessaire entre les cultures. Elle représente à ce titre une opportunité unique de rencontres et d’échanges entre les civilisations.

D’ailleurs, le Louvre est déjà engagé dans plusieurs grands projets hors les murs, sans que ces échanges aient jamais suscité aucune polémique. Le Louvre-Lens a permis la réalisation d’un musée de 22 000 mètres carrés financé par les collectivités locales et l’Union européenne, au cœur d’une région qui connaît de lourdes difficultés économiques. Un partenariat étroit s’est noué par ailleurs pendant plusieurs années avec le High Museum of Art d’Altanta, puis autour d’expositions. Enfin, à Tokyo, le Louvre fait également preuve d’innovation, autour d’un projet inédit d’expérimentation des techniques muséographiques les plus en pointe, le Museum Lab. Ces excellents projets s’inscrivent dans une volonté de développement maîtrisé de l’institution pilotée par elle-même, ce qui constitue le gage de leur réussite, et dans une dynamique plus large de rayonnement international des musées français.

M. Marcel Rogemont. Oui !

M. Patrick Bloche. En cela, ce projet du Louvre d’Abou Dabi est particulièrement ambitieux pour les Émirats arabes unis, qui souhaitent se positionner comme le centre culturel du monde arabe, et préparer ainsi leur entrée dans l’ère post-pétrolière. Mais il soulève de nombreuses questions qui restent encore sans réponse et sur lesquelles nous attendons aujourd’hui des éclaircissements de la part du Gouvernement.

Notre première inquiétude concerne les dérives marchandes du projet.

M. Marcel Rogemont. En effet !

M. Patrick Bloche. Il est prévu que la France, par le biais de l’Agence France-Museums, personne morale spécialement créée pour l’occasion, apporte son expérience et son savoir-faire dans les domaines touchant à l’activité muséale. Cette agence sera notamment chargée de fournir à la partie émirienne des prestations d’assistance et de conseil en matière de stratégie d’acquisition des collections permanentes du musée, de programmation des expositions temporaires, ou de recrutement et de formation du personnel.

Dans le cadre de cette aide globale, le musée portera le nom de Louvre d’Abou Dabi pour une durée – rendez-vous compte ! – de trente ans et six mois. En attendant que le musée universel dispose de ses propres collections, la France s’engage à l’aider à ouvrir progressivement ses galeries au public en prêtant, sur dix ans, d’abord 300 œuvres, puis, après trois ans d’activité, 250, puis, à partir de la septième année, 200. Cette opération promet d’être pour le moins lucrative, puisque, en contrepartie, notre pays doit récupérer pas moins d’un milliard d’euros sur trente ans. Mais je pose la question sans polémique aucune : peut-on raisonnablement recevoir une telle somme sans que l’Assemblée nationale soit éclairée sur des points pourtant essentiels ?

M. Jean-Marc Roubaud. Oui !

M. Patrick Bloche. Bel aveu sur votre conception du rôle du Parlement, mon cher collègue, et sur la place que vous voulez lui réserver. Je vous propose de présenter cette suggestion au comité Balladur !

Les interrogations de notre groupe sont aussi celles des conservateurs du patrimoine, des acteurs de nos musées nationaux et régionaux et, plus largement, d’une grande partie de ceux qui font vivre la culture au quotidien dans notre pays. J’en veux pour preuve la pétition signée par 3 000 conservateurs, archéologues, historiens de l’art, personnels des musées ou amis de l’art, qui ont revendiqué « le maintien de l’intégrité des collections des musées français » et se sont inquiétés de ce projet. Au-delà du milieu des conservateurs du patrimoine, il suscite, au mieux, de la réserve.

Notre deuxième inquiétude porte sur les moyens de mise en œuvre du projet et sur ses conséquences. Malgré les éclaircissements apportés ici ou là, toutes nos craintes n’ont pas été dissipées. Une de nos interrogations porte sur la manière dont notre plus grand musée pourra faire face à cette nouvelle décentralisation en termes non seulement d’œuvres, mais aussi de personnel qualifié.

Il semble en effet que les réserves du Louvre, contrairement à ce que certains veulent faire croire, ne disposent plus guère d’œuvres représentatives, c’est-à-dire de ce qu’on appelle communément des chefs-d’œuvre. Dès lors, nos partenaires se contenteront-ils de pièces considérées comme mineures mais disponibles dans les réserves ou, à l’inverse, Français et touristes seront-ils privés, pour des périodes relativement longues, des quelques-unes des œuvres majeures de notre patrimoine ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les personnels, si aucun conservateur, restaurateur ou régisseur n’est disponible à Abou Dabi, comment y garantir un accueil convenable du public, ainsi que la conservation et la diffusion des œuvres prêtées par la France ?

S’ajoute la question de la sécurité matérielle des œuvres, notamment lors des transports, et plus largement celle de l’impact écologique du projet. Je tenais à appeler votre attention sur ce point qui n’a pas encore été évoqué, alors qu’on nous annonce, à grand renfort de médias, un Grenelle de l’environnement.

M. Marcel Rogemont. En effet !

M. Patrick Bloche. Que penser, à ce titre, de la destruction d’une grande partie de la réserve naturelle de vingt-sept kilomètres carrés, sur laquelle doit être implanté ce projet ?

Enfin, le contexte social et politique d’Abou Dabi soulève la question du choix des œuvres qui composeront le parcours du musée. En témoigne la réponse de notre rapporteur en commission des affaires étrangères, confirmant que l’accord des organes de direction du musée universel est prévu – donc requis – avant qu’on puisse y présenter des œuvres. Par conséquent, rien ne garantit qu’elle pourront toutes y être exposées.

M. Marcel Rogemont. L’Origine du Monde, par exemple !

M. Patrick Bloche. En effet !

Notre troisième inquiétude a trait aux finalités mêmes du projet, notamment à ses retombées pour la France et à sa signification, compte tenu du fait qu’il associe des contreparties industrielles et financières à un partenariat culturel.

À nos yeux, ce projet de musée universel est nouveau. Il ne constitue pas, comme dans le cas de Lens ou d’Atlanta, le simple déploiement d’une antenne du Louvre en région ou à l’étranger. Comme Catherine Tasca l’a rappelé lors de l’examen du projet de loi au Sénat, il opère de fait un tournant préoccupant de notre politique d’échanges culturels internationaux en ne s’inscrivant qu’en apparence dans le processus séduisant du déploiement hors les murs des grandes institutions culturelles françaises. En effet, il émane non de l’institution elle-même, mais d’une impulsion présidentielle, car c’est bien l’Élysée qui a demandé au Louvre de concevoir, de construire et d’organiser la muséographie d’un musée généraliste de 30 000 à 40 000 mètres carrés à Abou Dabi. Nous nous trouvons donc dans le cadre d’une négociation d’État à État qui, au-delà du rayonnement culturel de la France, pose la question de l’autonomie des institutions culturelles dans la définition de leur projet d’établissement, en lien avec leurs objectifs de service public.

De plus, contrairement à d’autres projets culturels, comme celui du centre Georges-Pompidou à Shanghai, nous sommes ici confrontés au fait du prince, un prince qui décide en fonction non de considérations culturelles, mais d’intérêts financiers ou industriels.

M. Jean-Marc Roubaud. Comme Mitterrand !

M. Patrick Bloche. L’importance de la somme en jeu suscite de nombreuses questions, notamment sur les contreparties accordées, surtout quand on songe au contexte budgétaire préoccupant des musées en régions, marqué notamment par la pauvreté des moyens financiers, le sous-effectif, ainsi que la marginalisation des compétences, des qualifications et des recrutements.

De fait, les questions soulevées par notre groupe portent sur le sens et la finalité du projet de Louvre à Abou Dabi. En quoi contribue-t-il au rayonnement culturel de la France ? Au-delà de la simple aubaine financière qu’il représente, quel en est l’intérêt et quels en sont les risques ? Ses fondements sont-ils économiques et culturels ou sont-ils la contrepartie de projets industriels ?

Je l’ai rappelé au début de mon intervention, l’internationalisation des institutions culturelles françaises est souhaitable. Elle concourt au rayonnement culturel de notre pays dans le monde. Cependant, elle doit intervenir dans un cadre défini, qui assure un partenariat équilibré et exigeant, tant sur le plan scientifique qu’environnemental.

Or, à l’évidence, ce projet pèche précisément par manque d’équilibre et ne peut donc recevoir notre approbation. Pire, l’opacité dans laquelle cette opération a été menée, depuis sa genèse, jusqu’à son examen par le Parlement, a inévitablement créé le soupçon et suscité la crainte d’une marchandisation de nos collections nationales. Ce manque de transparence a nourri une polémique qui ne pouvait que porter préjudice à ce projet, fût-il bon.

Vous l’aurez compris, l’insuffisance des garanties apportées sur l’ensemble de ces questions et le manque de transparence qui a caractérisé l’élaboration du projet nous conduirons à nous abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Olivier Dassault. Comme d’habitude !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accord passé entre la France et les Émirats arabes unis relatif à la création d’un musée universel à Abou Dabi, dit « Louvre d’Abou Dabi », donne une figure inédite à la notion d’échanges culturels, traditionnelle dans la politique de coopération culturelle internationale de la France.

Cet accord s’appuie, en effet, sur une interprétation entièrement nouvelle de l’idée de diffusion – chère aux initiateurs de la politique culturelle depuis André Malraux. Par ailleurs, il remet en question les traditions qui gouvernaient jusqu’à présent la conservation des œuvres d’art dans les musées français. Aussi a-t-il soulevé dans les milieux de l’art des réactions contrastées, certains craignant que les remises en cause des principes établis, induites par la création du nouveau musée, n’aient des inconvénients supérieurs aux avantages escomptés.

La très grande discrétion qui a entouré les négociations préalables à la signature de l’accord a sans doute, pour partie, son origine dans l’ampleur des bouleversements qu’il paraît impliquer. Il est permis de regretter que l’information du Parlement sur un accord aussi peu banal et aussi lourd de répercussions sur notre politique culturelle nationale et internationale, ait été déterminée par la seule nécessité pour l’exécutif d’obtenir une autorisation législative nécessaire à l’approbation et à l’application d’un traité.

En adoptant ce projet de loi, le Parlement est appelé à prendre une part de responsabilité politique dans une aventure qui a été conçue et qui se poursuivra en dehors de lui. Je souhaite donc que, dans les mois à venir, le Parlement soit pleinement informé du déroulement ultérieur de l’opération et qu’il soit ainsi à même d’évaluer les conséquences des innovations de cet accord – je ne citerai que l’une des plus controversées : la possibilité d’aliéner ou de louer à titre durable des éléments du patrimoine artistique national.

Le Gouvernement a fait sienne, et je m’en réjouis, la grande cause du rayonnement culturel de la France dans le monde. Parmi les moyens nouveaux qu’il propose pour atteindre cet objectif, le projet Abou Dabi figure en bonne place. Mais s’il est novateur, il est aussi risqué, et notre responsabilité de parlementaires est de prendre la mesure de cette innovation et de ses risques, sans exagération, mais avec précision.

Le développement d’une politique culturelle ambitieuse et l’encouragement au rayonnement de la culture française au-delà de nos frontières font, je crois, l’unanimité dans notre Assemblée. En tant que rapporteur de la mission rayonnement culturel et scientifique du programme action extérieure de la France du projet de loi de finances pour 2007, j’ai eu l’occasion de constater, dans ces domaines, une diminution certaine de l’influence de notre pays dans le monde au cours des dernières décennies. C’est pourquoi j’éprouve un préjugé favorable envers les initiatives qui vont dans le sens d’un renversement de cette tendance et du développement de notre présence culturelle au niveau international. Comme de nombreux secteurs d’activité, la culture peut faire un bon ou un mauvais usage de la mondialisation, entendue ici comme la circulation élargie des idées autant que des produits.

La culture française est, à travers le monde, l’image de marque de notre pays. Le projet du Louvre d’Abou Dabi est porté par cette ambition. II donne une occasion de premier plan de faire valoir sur la scène internationale le savoir-faire unique de la France dans le domaine des musées et de l’ingénierie culturelle et patrimoniale. Il contribue à l’effort de notre diplomatie pour le développement de notre influence dans cette région du monde et plus largement au Moyen-Orient et en Asie. Il introduit les valeurs propres de la politique culturelle française dans les circuits d’échanges culturels amplifiés par la mondialisation.

La qualité de l’architecture française contemporaine, l’expérience de la gestion scientifique des collections, la longue pratique de l’expérience artistique française : autant de qualités françaises que ce projet, établi pour une durée de trente ans, permettra de valoriser concrètement. Il sera une porte d’entrée pour la découverte de notre patrimoine, de notre histoire et de notre création artistique dans sa diversité et sa richesse.

Ainsi, l’expérience acquise dans les techniques de conservation et de mise en valeur des œuvres d’art a influencé la nature des indispensables garanties prévues par les accords. Garantie quantitative d’une part : le nombre d’œuvres d’art qui feront l’objet de prêts au musée d’Abou Dabi est limité à trois cents par an les premières années, ce qui équivaut à un pour cent du total des œuvres d’art prêtées annuellement par les collections françaises. D’autre part, les œuvres d’une importance particulière pour l’histoire culturelle de la France, comme la Joconde ou la Vénus de Milo, ne pourront être prêtées. Il en sera de même des œuvres dont la fragilité interdit le déplacement. Une commission scientifique contrôlera les modalités des prêts envisagés, qui suivront les règles habituellement définies par les musées nationaux.

Des dispositions particulières ont été prévues afin de permettre le rapatriement sans délai des œuvres prêtées, en cas de menace pour la préservation de leur intégrité, et afin d’en garantir l’insaisissabilité.

L’appellation donnée au nouveau musée, « Louvre Abou Dabi », est un hommage rendu au prestige international du premier des musées français. Corrélativement, l’usage de cette appellation, prévu pour une période de trente ans et six mois, doit être protégé contre des utilisations préjudiciables ou dévalorisantes. Ce point fait l’objet d’une convention d’application spécifique pour protéger la qualité d’utilisation du nom et de la marque « Louvre ».

Ce projet, est aussi une véritable opportunité financière. Environ un milliard d’euros sera versé sur trente ans directement par les autorités émiriennes aux musées français participant au projet. Il apportera à ces musées un supplément de ressources bienvenu alors que leur attrait pour nos concitoyens ne se dément pas.

Le projet d’Abou Dabi représente un saut quantitatif considérable. S’il engage le nom du Louvre pour trente ans et donne lieu à des contreparties financières d’un montant sans précédent, il n’en est pas moins soumis aux contraintes de toute opération comportant un prêt d’œuvres d’art, à plus ou moins long terme. Nous en avons l’expérience, car beaucoup de musées français participent à des projets internationaux en organisant des expositions ou en prêtant des œuvres dans le monde entier. Leurs responsables le savent bien : les œuvres d’art sont par nature fragiles et chacun de leur déplacement reste dangereux. Pouvez-vous madame la ministre, nous indiquer comment cette donnée a été prise en compte dans la conception du nouveau musée ?

Par ailleurs, les réserves de nos musées n’ont malheureusement pas d’œuvres cachées qu’il serait facile de prêter. Plus de six mille tableaux du département des peintures du Louvre ont été déposés dans les musées de région ; il en reste autant au Louvre, pour la plupart exposés, et les réserves ne contiennent plus que des œuvres secondaires ou en mauvais état.

M. Marcel Rogemont. Voilà !

M. François Rochebloine. On a parlé de centaines de milliers d’œuvres ; mais il s’agit de dessins, de gravures et de séries archéologiques d’étude. Or, le versement par nos partenaires d’une contribution financière importante justifiera qu’ils exigent le dépôt temporaire et le prêt d’œuvres de premier ordre, qui seront, dès lors, absentes des salles de nos musées. Madame la ministre, quelles dispositions comptez-vous prendre pour répondre aux attentes des partenaires du musée du Louvre d’Abou Dabi, sans amoindrir l’intérêt des collections du musée du Louvre pour ses visiteurs ? Ceux-ci sont attirés par la qualité des œuvres exposées et pour de multiples raisons, ils ne pourront pas, ou ne voudront pas, faire le déplacement à Abou Dabi pour admirer les chefs-d’œuvre nouvellement prêtés.

Des interrogations subsistent également sur l’utilisation qui sera faite des crédits obtenus de l’étranger en échange du prêt des collections. Nous souhaitons obtenir toutes les garanties nécessaires afin que ces sommes ne constituent pas un substitut aux dotations budgétaires des institutions culturelles, notamment dans les collectivités territoriales, mais bien un complément de ressources spécialement affecté aux opérations d’investissement, en particulier aux acquisitions et à la restauration d’œuvres. Madame le ministre, quelles garanties le Gouvernement peut-il donner à ce sujet ?

Sur le marché de l’art, comme entre les grands musées à travers le monde, la concurrence internationale est forte. Notre pays dispose de formidables atouts dans ce domaine, avec un patrimoine d’une richesse exceptionnelle et une expertise reconnue. Il semble pertinent de permettre à nos grands musées nationaux, en particulier au musée du Louvre qui, avec plus de huit millions de visiteurs, est le plus grand musée du monde, de développer des coopérations internationales et de valoriser ses richesses tout en contribuant à la diffusion du modèle de musée universel.

Bien entendu, cela ne doit pas se faire dans n’importe quelles conditions. Le cas de la Fondation Guggenheim illustre les dérives qu’une approche strictement commerciale peut engendrer.

Cette coopération culturelle d’une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l’Orient et l’Occident, dans une région du monde où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer un important vecteur du dialogue politique.

Toutefois, ce projet représentant certains risques, il serait bon, comme l’a préconisé le rapporteur du Sénat, que l’Agence France-Museums, prestataire de services en matière d’expositions temporaires, rende compte de sa gestion chaque année au Parlement.

Pour conclure, si dans le principe, le groupe Nouveau Centre est favorable à ce projet, il insiste sur la nécessité de veiller à ce qu’il ne mette pas à mal l’exception culturelle française, si jalousement défendue et pour laquelle nous luttons depuis des années jusque dans les enceintes de l’OMC.

La volonté des pouvoirs publics de ne pas traiter la culture comme une marchandise identique aux autres doit rester un objectif primordial. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Madame la ministre, en début d’année, la polémique battait son plein entre votre prédécesseur et des professionnels du monde des musées inquiets à l’idée que l’expérience d’Abou Dabi puisse aboutir à la création d’une nouvelle race de musées : les musées que l’on vendrait !

Quelques mois plus tard, il semble que les inquiétudes se soient apaisées, même si certaines questions demeurent, comme en témoignent les propos de nos collègues Bloche et Rochebloine. En effet, votre prédécesseur puis vous-même avez exercé une pédagogie qui a pu faire évoluer les mentalités face à la réalité de ce projet. On a suffisamment décrit ses modalités, je n’ai pas à y revenir. En revanche, il n’est pas inutile de redire ici qu’il s’agit bien de créer un musée universel, destiné à oeuvrer au dialogue entre l’Orient et l’Occident. Un musée qui présentera des objets majeurs dans les domaines de l’archéologie, des beaux-arts et des arts décoratifs. Une œuvre en quelque sorte « mutualisée » puisque, même si ce futur musée portera le seul nom prestigieux du Louvre, les musées français qui le souhaiterons pourront y participer.

À ceux qui, légitimement, craignaient que la France aille, culturellement, se jeter dans un guêpier, nous devons rappeler que, récemment, la Sorbonne a créé une antenne à Abou Dabi dans un esprit de laïcité, de mixité et de liberté qui fait honneur au pays d’accueil et nous renforce dans cette idée que culture et éducation peuvent faire beaucoup pour la compréhension entre les civilisations. N’est ce pas, pour nous Français, également important ? N’est-ce pas là, la mission universelle de la France ?

C’est bien le cas, car nous considérons que le rayonnement culturel international de notre pays est un enjeu majeur, d’autant que la France a la chance de disposer d’un vaste patrimoine artistique et de talents humains exceptionnels. Plusieurs d’entre nous, ici, ont eu l’occasion de rendre hommage à nos conservateurs ou à nos restaurateurs d’œuvres d’art dont les talents font la fierté de la France.

Pourquoi, à l’heure de la mondialisation, n'exporterions-nous pas ce savoir-faire artistique « à la française » ? Au nom de quoi devrions-nous le garder en nos seuls murs ? Oui, il nous est agréable de constater que ce savoir-faire est réclamé par le monde. Qu'aurions-nous pensé si, plutôt qu’à la France, on avait fait appel au talent d'autres pays à fort potentiel patrimonial ?

À ceux qui redoutaient que le Louvre s'exporte à l'étranger au lieu d'irriguer la France, rappelons que, de tout temps, les équipes de ce musée ont voulu mettre les œuvres d'art à la disposition du plus grand nombre. C'est bien ce que le Louvre a fait en implantant une de ses antennes à Lens et ce qu'il se propose de poursuivre en exposant dans les musées de nos régions les œuvres conservées dans les musées d'Île-de-France.

Ne redoutons pas que le monde envie la France et en appelle à son histoire ! Notre patrimoine est sollicité à l'étranger ? On nous demande à Shanghai à Atlanta, à Abou Dabi ? Tant mieux ! Nos musées n’exposent qu’une faible part de nos collections. Il y a de la marge. Les prêts – gratuits ou rémunérés – ne les videront pas.

Pour autant, bien sûr – nous avons bien compris la préoccupation de nos collègues –, il n'est pas question de remettre en cause le caractère inaliénable de notre patrimoine. Il s’agit seulement de le faire rayonner dans le monde, soit par des expositions temporaires, comme c'est déjà le cas, soit par des projets d'implantation comme celui-ci, véritable cas d'école puisqu'il sera situé dans un site exceptionnel, au carrefour de l'Orient et de l'Occident, et qu'au-delà de sa vocation artistique, il aura l'ambition de barrer la route à certaines dérives ou tentations.

Auteur d’un rapport parlementaire sur la conservation et la restauration des œuvres d'art et du patrimoine, comment resterais-je insensible au fait que les recettes tirées de ce projet n’iront pas se fondre dans le budget de l'État, mais seront consacrées à une politique de conservation préventive des collections, à la restauration des œuvres ou à des acquisitions supplémentaires ? Ce sont précisément des opérations pour lesquelles nous cherchons en permanence des fonds publics ou privés, à travers des partenariats ou du mécénat, qui vient souvent de l'étranger ! Juste retour des choses, c'est la France qui devient aujourd'hui un partenaire privilégié à l'étranger. L'image nous plaît.

Nos collègues sénateurs ont souhaité que le Parlement participe au suivi de l'opération. Nos deux commissions des affaires culturelles, celle ad hoc du Sénat et celle, pour quelque temps encore, plus large de l'Assemblée nationale, me semblent particulièrement bien placées, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour vous accompagner, sous une forme qui reste à définir, sur cette voie nouvelle de valorisation du capital patrimonial de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je voudrais, s’agissant de ce projet de loi, souligner certains aspects et questions et vous faire part de réticences, espérant les voir dissipées à l’issue du débat.

Notre commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait diligenté, en 1999 et 2000, une mission d'information sur les musées. Cette dernière avait notamment insisté sur la nécessité d’accroître l’autonomie de gestion des musées et sur leurs capacités de rayonnement international. Il serait souhaitable que nous puissions considérer le projet à l'aune de ces deux préconisations et que, dans le même temps, nous nous interrogions sur les objectifs que nous assignons à nos politiques culturelles.

La mission diligentée par notre commission sur les musées souhaitait étendre à chacun des musées nationaux une autonomie à la fois juridique et de gestion, qui devait permettre une responsabilisation à la fois culturelle et économique ainsi qu’une meilleure affirmation de la singularité du projet culturel de chacun des musées. Qu'en est-il aujourd'hui avec la proposition qui nous est faite ?

S’agissant de la responsabilisation culturelle, le projet trouve son origine dans une négociation entre États, qui aborde en rafale (Sourires) la construction d’une île pour touristes fortunés, avec hôtels, golfs et musées, au nombre desquels le musée Guggenheim, dont, au passage, la mission a pu « apprécier », lors de sa visite à Bilbao, l’exposition de mobylettes, ainsi que la moto de James Dean ! Pourquoi pas, en effet, le musée du Louvre à Abou Dabi ? Tout cela n’est probablement qu'un aspect mineur d'une négociation plus ample. Ce qui me gêne, c’est que le projet soit imposé au Louvre. Si encore il l’était par son ministère de tutelle, ce serait une limite tout à fait acceptable à l'autonomie souhaitée pour les musées, pour autant que ce projet s’inscrive dans une politique clairement identifiée. L'est-elle en l'espèce ? Rien n'est moins sûr.

S’agissant de la responsabilité économique, les chiffres évoqués pourraient justifier l’intérêt de participer à un tel projet. Rappelons tout de même que le capital qui intéresse au premier chef la culture est le capital humain. Si argent il y a, il doit être au service de l’homme et de son édification. Il ne faudrait pas que l’outil argent supplante tout le reste. Une action culturelle peut-elle n’être que financière, reportant la question du sens à plus tard, l'aspect culturel devenant ainsi un argument subsidiaire ?

Cela me conduit à aborder les objectifs que nous assignons à nos actions culturelles. Celles-ci sont souvent mesurées à l’aune de la démocratisation culturelle, de l’égal accès de tous aux œuvres. Ce projet répond-il à ces objectifs ? Compte tenu des informations dont nous disposons, ce point est problématique. Les «petites mains » qui sont au service des classes sociales cibles de ce complexe touristique seront-elles invitées au musée ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l'égal accès de ce musée à tout un chacun sachant que l'accès à l'île sera sans doute soumis à des règles contraignantes ? Le musée sera-t-il réservé aux seuls touristes qui fréquenteront cet espace touristique de luxe ? Si oui, les œuvres présentées en France garantiraient mieux cet égal accès à tous !

J’en viens au rayonnement à l’étranger de nos musées. Je suis favorable à ce qu'un musée comme le Louvre agisse comme il le fait dans une ville de France, et pourquoi pas à l’étranger. Il peut être une tête de réseau dans des formes multiples, dont celle d'une collaboration intense à l'édification et à la vie d'un musée. Cela dit, les réserves du Louvre ne foisonnent pas d’œuvres majeures, lesquelles sont exposées. Une telle action risque donc d'appauvrir la tête de réseau. Mais je crois à ce rayonnement pour autant que l'action soit inscrite dans une démarche clairement voulue et assumée par le musée lui-même. On ne peut pas vouloir la responsabilisation des acteurs culturels et accepter, au détour d'une négociation, une telle initiative. Si vous aviez ouvert le débat de la présence des musées nationaux à l'international et sollicité auprès des principaux musées des initiatives dites « Musées de France », la question aurait été différente. D'ailleurs, il n’est pas anodin que ce projet soit présenté par le secrétaire d’État chargé de la francophonie et non par vous-même, madame la ministre. C’est dommage.

En conclusion, et en attendant votre intervention pour dissiper mes réticences, je vous poserai trois questions. D’abord, sur le fonctionnement de l'Agence : quel sera son coût ? Parrainera-t-elles d'autres projets ? Dans ce cas, de quelle autonomie disposeraient les musées ? Il ne faudrait pas que la création de cette agence les prive de liberté d’action. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle Réunion des musées nationaux pour l’international !

S’agissant du projet culturel, nous avons besoin d'en suivre l'élaboration et son évolution dans le temps. Pouvez-vous vous engager à en informer régulièrement la commission des affaires culturelles ? Enfin, que préconisez-vous pour que le musée assume effectivement sa mission de démocratisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d’abord remercier tous les orateurs qui ont contribué à éclairer largement ce projet de loi. Cependant, des questions demeurent, auxquelles je vais m’efforcer de répondre.

M. Balkany a souligné avec force le choix de développement qu’a fait Abou Dabi. Ce n’est pas évident, quand d’autres émirats s’orientent vers la finance ou le commerce, d’opter résolument pour la culture. D’ailleurs, Christian Kert a très justement rappelé le projet de la Sorbonne, qui vient compléter l’ensemble de musées qui va prendre place dans l’île de Saadiyat. Il y a donc véritablement un souhait de mettre l’accent sur la culture, qui mérite d’être salué. Certes, monsieur Rogemont, il y aura des golfs et des hôtels, mais il y aura d’abord cinq musées qui, comme une main tendue, créeront un lien fort entre les civilisations.

M. Balkany a également indiqué les garanties juridiques et scientifiques qui entourent ce projet : un comité scientifique réunissant des conservateurs de très haut niveau, présidé par Henri Loyrette et un directeur scientifique de projet qui n’est autre que Mme Laurence des Cars, actuellement conservateur au musée d’Orsay. C’est dire l’exigence scientifique qui présidera à l’ensemble du projet.

M. Dassault a insisté sur l’encadrement strict de l’usage du nom du Louvre pendant trente ans. Il ne s’agit en rien d’une perte pour le Louvre, qui continuera à rayonner là où il est. Ce musée ne sera pas non plus une antenne du Louvre, mais bien un musée à part entière qui va constituer ses collections et prendre progressivement son autonomie. Ce nom de Louvre est d’abord un très bel hommage rendu à notre plus grand musée. C’est ainsi qu’il faut le comprendre.

Le président Poniatowski a très justement souligné que ce projet ne se faisait pas du tout au détriment de nos musées. Au contraire, il vient renforcer le rayonnement de notre culture et de notre langue, alors même que nous cherchons des moyens de les affirmer puissamment. Je pense qu’Abou Dabi s’inscrit exactement dans cette ambition. Il permettra à des petits musées de s’exporter également, ce qui est important. Pour le musée Toulouse-Lautrec d’Albi, par exemple, il n’est pas toujours évident de faire connaître ses œuvres, ses peintres. En contactant l’agence, en participant à des projets d’exposition, il aura, comme l’ensemble de nos musées, la possibilité de participer à cette belle aventure.

Ce rayonnement sera évidemment renforcé par le choix de l’architecte. M. Olivier Dassault a évoqué l’esquisse de Jean Nouvel. Le projet scientifique sera précisé, d’ici à la fin décembre. Ensuite, le projet prendra architecturalement sa forme définitive. Nul doute, qu’après cela, au-delà même du Louvre, nous portions là également un beau projet architectural.

Le volontariat est un élément important. L’effort de l’État a été évoqué à plusieurs reprises. Une des premières idées qui vient à l’esprit est la crainte que cela ne permette à l’État de se désengager.

M. Patrick Bloche. C’est déjà fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Non, bien entendu.

M. Marcel Rogemont. Il n’y avait pas besoin de cela !

Mme la ministre de la culture et de la communication. L’État maintient son effort. Monsieur Bloche, je n’ai pas du tout l’impression d’avoir prononcé l’oraison funèbre du ministère de la culture en présentant mon budget. Ce dernier augmente de plus de 3 %...

M. Patrick Bloche. Nous verrons !

Mme la ministre de la culture et de la communication. …dans des temps où nous réfléchissons sur les nouvelles pratiques de l’intervention de l’État et où nous devons mener des réformes différées depuis vingt ans. C’est tout de même un bel effort !

Les fonds très considérables versés – cela figure dans l’accord – viendront en supplément pour restaurer, acquérir et financer des projets très importants pour les musées, notamment pour le Louvre. Aujourd’hui, on peut avoir le sentiment que le Louvre est complètement achevé. Mais, en permettant au centre de recherches de se retirer du pavillon de Flore, des espaces seront ainsi rendus au musée. Cela rendra également possible la création d’un centre de réserves, et tout le monde sait combien nous en avons besoin. Ces fonds nous permettront aussi d’améliorer les conditions d’accueil de la pyramide, conçue pour accueillir 3 millions à 4 millions de visiteurs, alors que leur nombre a doublé. Ce sont des éléments importants. Ces fonds iront aux musées pour les musées.

Monsieur Bloche, vos critiques, vos réserves étaient tout de même modérées. Vous avez reconnu – je m’en suis réjouie – que les échanges internationaux n’étaient évidemment pas en cause et que cette pratique était constante, tout comme les échanges d’exposition assortis de contreparties. Cela a été aussi souligné par Jean-Marie Bockel. De nombreux projets ont été facilités grâce à des prêts d’œuvres d’art. L’envoi d’une exposition des œuvres de l’Orangerie au Moyen-Orient et en Australie a procuré 7 millions d’euros, pour les travaux de ce musée. Des œuvres de Picasso envoyées au musée de Berlin ont permis de contribuer à la réalisation de l’exposition « Mélancolie ». Lorsque j’étais à Versailles, certaines expositions sont parties vers le Japon, les contreparties nous ont permis de mener à bien des restaurations et des acquisitions. Il s’agit d’une pratique déjà bien entrée dans les mœurs et qui ne peut en aucun cas être qualifiée de dérive marchande. Nous apportons au-delà des œuvres un savoir-faire muséographique, une expertise. C’est tout cela qui donne lieu à des contreparties.

Vous avez indiqué que les musées pilotaient jusqu’à présent, eux-mêmes ce type de projet et que là résidait la grosse différence avec le projet que nous examinons. Je ne peux souscrire à cette analyse, car l’Agence présidée par M. Marc Ladreit de Lacharrière et dirigée par Bruno Maquart réunit les musées, lesquels sont les moteurs de tout le projet. Les institutions portent vraiment ce projet.

J’ai entendu, à de nombreuses reprises, que ce projet avait été imposé de l’extérieur par une sorte d’oukase. De fait, c’est parti de la volonté d’Abou Dabi de bâtir un projet culturel. Il y a eu certes une négociation d’État à État, mais ce n’est pas en soi blâmable, …

M. Jean-Marc Roubaud. Bien entendu !

Mme la ministre de la culture et de la communication. …dès lors que ce projet porte notre rayonnement culturel et bénéficie entièrement à nos musées.

Les Émirats nous avaient demandé une grande discrétion, car ils menaient d’autres négociations avec cinq autres musées qui s’installeront sur cette île. Toutefois, dès que cela a été possible. M. Donnedieu de Vabres, mon prédécesseur, a été auditionné au Sénat par la commission des affaires culturelles et il a réuni tous les directeurs de musée pour leur exposer le projet. Il n’y a eu bien évidemment aucune volonté d’opacité.

Je m’engage d’ores et déjà, très clairement, à ce que l’Agence réponde à toutes les invitations du Parlement et travaille dans la plus totale transparence sur tout ce qui sera fait au cours des prochaines années sur le projet d’Abou Dabi.

Les personnels seront recrutés par les Émiratis. Nous exporterons nos experts, nos spécialistes. Nous formerons des scientifiques, cela fait également partie de l’accord.

Quelqu’un a suggéré que, en bâtissant sur cette île, on porterait atteinte à une réserve naturelle. À moins de considérer que tout projet dans cet environnement est en soi une catastrophe pour la nature ! Il ne s’agit pas, je souhaite le préciser, d’une réserve naturelle, mais d’une île déserte, couverte de sable.

Plusieurs orateurs ont déploré que les visiteurs de nos musées français soient privés de nos chefs d’œuvre exportés. Il convient de revenir à la réalité. Chaque année, 30 000 prêts sont réalisés, tant en France, qu’à l’extérieur, par nos musées. Le Louvre expose environ 35 000 œuvres sur 170 000, auxquels il faut ajouter tous les dessins. Nous parlons là du prêt de 300 œuvres par an, puis de 250 et enfin de 200. C’est donc très limité. Ces prêts sont accordés pour une période courte de six mois à deux ans, plus brève que celle des dépôts entre nos musées français, qui peut durer jusqu’à cinq ans. Les visiteurs ne ressentiront donc pas, je crois, un sentiment de perte, de privation. Si, d’aventure, on ne pouvait pas voir le tableau que l’on voulait admirer, on le retrouverait assez vite. En revanche, cela permettra aux 150 millions de visiteurs potentiels de cette région, sans compter les touristes, de découvrir des œuvres. Nous sommes très contents de recevoir des touristes dans nos musées. J’étais ravie d’en accueillir à Versailles.

Monsieur Bloche, il ne s’agit pas de 40 000 mètres carrés, mais de 6 000, sachant que le Louvre de Lens fait 22 000 mètres carrés, cela permet de relativiser ce projet.

Monsieur Rochebloine, vous avez également souligné l’excès de discrétion. Par ailleurs, s’agissant du prêt des œuvres, il est évident qu’il ne se fait pas contre l’avis des conservateurs – je parle en présence de Mme la directrice des musées. J’ai vécu cette situation à Versailles. Des clauses prévoient que les œuvres les plus emblématiques ne seront pas prêtés, il en est de même pour les œuvres fragiles. Les œuvres seront prêtées dans des conditions de sécurité totale, laquelle fera l’objet d’une très grande attention. J’ajoute que le musée sera climatisé.

M. Rogemont a souligné son attachement à la notion d’autonomie des musées. Je ne crois pas que ce projet y soit contraire. Aujourd’hui, tous nos plus grands musées participant au conseil d’administration sont partie prenante. Ils sont très intéressés. Ce projet a suscité au départ de nombreuses interrogations, mais il est aujourd’hui très largement porté.

Je me suis rendue, cet été, au musée Guggenheim de Bilbao. J’ai admiré l’exposition de Richard Serra et la magnifique exposition Kiefer.

M. Marcel Rogemont. Nous n’avons pas eu de chance !

Mme la ministre de la culture et de la communication. Certainement ! Je ne pense pas du tout que Guggenheim rime avec médiocrité.

M. Bockel a présenté le projet. S’agissant d’une convention internationale, il est normal qu’elle soit portée par le ministère des affaires étrangères.

En ce qui concerne l’accès du public, il n’existe aujourd’hui, aucune restriction. Rien ne prévoit que seuls les riches pourront entrer dans ce musée.

M. Patrick Roy. Ce sera gratuit ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. Nous souhaitons bien entendu que le plus grand nombre de personnes soit convié à y entrer.

M. Patrick Bloche. Et pour aller dans l’île ?

Mme la ministre de la culture et de la communication. Je suppose que des moyens seront prévus pour se rendre sur cette île et que le coût n’en sera pas dissuasif.

L’Agence a été reformatée pour garder une dimension légère, afin que ce ne soit pas une usine à gaz et pour qu’elle puisse se concentrer sur ses missions, et, dans un premier temps, sur le projet du Louvre, qui en vaut la peine.

Lorsque le projet sera très avancé, il est possible – mais ce n’est pas actuellement à l’ordre du jour – que l’Agence s’occupe aussi d’autres projets internationaux, sachant que les musées sont des établissements publics et ont vocation à porter eux-mêmes des projets bipartites. L’Agence pourrait apporter une expertise intéressante si plusieurs pays étaient parties prenantes.

Je pense qu’il s’agit d’un projet très beau, très intéressant, qui sera l’occasion d’un dialogue des cultures et d’une découverte mutuelle. Il assurera le rayonnement culturel de la France, …

M. Jean-Marc Roubaud. Tout à fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication. …et on ne peut que s’en réjouir. Enfin, il procurera des ressources très considérables, qui ne donneront pas lieu, je le répète, à un désengagement de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. Cet article ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

M. Patrick Bloche. Abstention du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche !

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Cet article ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix.

M. Patrick Bloche. Abstention !

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. Cet article ne fait l’objet d’aucun amendement.

Je le mets aux voix

M. Patrick Bloche. Abstention !

(L'article 3 est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Roy. Nous sommes dans cet hémicycle pour examiner l’accord de ce musée universel d’Abou Dabi, du Louvre d’Abou Dabi.

Le projet est présenté comme une nouvelle étape du rayonnement de la France, des musées français à travers le monde.

M. Patrick Bloche a rappelé précédemment que le fait de garantir, d’élargir l’influence française, nous tenait, toutes tendances confondues, particulièrement à cœur. C’est encore plus vrai pour lui, qui a tenu personnellement à étendre l’influence française, notamment en Nouvelle-Zélande. (Sourires.) Ce trait d’humour mis à part, je pense que nous avons là un texte qui touche à quelque chose d’essentiel.

La France a manifestement – nous le savons depuis longtemps – des choses à dire, une culture à exporter.

Ce redéploiement culturel n’est pas une nouveauté. Le rapporteur a rappelé que, environ 30 000 œuvres étaient exportées chaque année et qu’il existe des partenariats avec de nombreux pays, je citerai le Cambodge, le Brésil, la Chine, l’Afghanistan ; M. Patrick Bloche, lui, a cité : Tokyo, Chicago, San Salvador et Atlanta. En tant qu’élu du Nord-Pas-de-Calais, je suis très sensible aux collaborations en France : je pense en particulier au beau projet du Louvre à Lens. Bref, voilà un accord qui renforcera cette belle coopération.

Les Émirats arabes unis sont en pleine expansion. Même si Abou Dabi n’est pas Dubaï, leur destin est un peu similaire. Il y a un quart de siècle, Dubaï n’était qu’un gros village alors qu’aujourd’hui, elle est l’une des métropoles les plus novatrices du monde. La France, bien évidemment, doit accompagner cette mutation, et participer ainsi au dialogue entre les cultures, les Émirats arabes unis étant au carrefour de l’Occident et de l’Orient. Ceux qui connaissent cette région savent que l’aspiration à des échanges culturels est réelle.

Ce projet est également un instrument de défense de la francophonie comme le disait Marc Dolez, homme de conviction s’il en est et fidèle à son engagement en matière de promotion de la francophonie. Cela aussi va dans le bon sens.

Néanmoins, nous émettons plusieurs réserves. Patrick Bloche vous en a fait part, notamment sur la relative opacité qui a entouré cet accord et qui ne pouvait que susciter des soupçons, même si Mme la ministre a démenti.

M. Jean-Marc Roubaud. Mais non ! Il n’y a pas d’opacité ! La ministre vous a répondu !

M. Patrick Roy. Notre deuxième désaccord concerne les supposées réserves du Louvre, car lorsqu’on y regarde de plus près, l’on s’aperçoit que ces réserves ne sont, en fait, pas si importantes qu’on a bien voulu le dire. Se pose donc la question de savoir si le musée d’Abou Dabi se satisfera d’œuvres mineures, notre crainte étant de voir partir des pièces majeures.

Notre troisième désaccord porte sur la question du transport et de la conservation des œuvres. Par définition, une œuvre est unique. Il s’agit donc de prendre toutes les précautions afin qu’elle ne se dégrade pas au cours de son transport, d’où une certaine appréhension de notre part.

S’agissant de l’accès du musée à tous, j’imagine sans mal que les habitants aisés des Émirats pourront facilement accéder au musée comme, du reste, les touristes qui sont nombreux dans la région. Mais qu’en sera-t-il pour les autres ? Qu’en sera-t-il pour les travailleurs immigrés, notamment asiatiques, qui vivent dans des conditions difficiles, voire précaires. Connaissant le pays, je ne suis pas sûr qu’ils puissent y accéder. Pourtant la France devrait y veiller.

Enfin, les dérives marchandes du projet – évoquées par Patrick Bloche – ne sont pas pour nous rassurer. C’est la raison pour laquelle que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s’abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe de l’ UMP.

M. Christian Kert. Si j’étais à la place de nos collègues socialistes, il me semble que je réfléchirais à deux fois ! On a, en effet, le sentiment qu’ils ont vraiment envie de voter ce texte, mais que, pour des raisons éminemment politiques, ils s’interdisent de le faire !

M. Marcel Rogemont. Pas du tout !

M. Patrick Bloche. Ce n’est pas juste de dire cela. Certaines de nos interrogations sont restées sans réponse !

M. Christian Kert. Les réserves excellemment exprimées par notre collègue Roy ne nous paraissent pas en effet de nature à entraver un vote positif.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. Christian Kert. Pour notre part, nous nous réjouissons, madame la ministre, que le débat se soit déroulé dans un climat apaisé, ce qui n’était pas – reconnaissons-le – le cas en début d’année. Par ailleurs, vous avez apporté un certain nombre d’assurances de nature à rassurer les quelques rares inquiétudes exprimées avec talent par notre collègue Bloche. Je pensais donc qu’au cours du débat, la raison l’emporterait. Ce sera peut-être pour une autre fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Madame la ministre, je profite de l’occasion pour vous remercier, avec Mme la directrice des musées, de la façon dont vous avez réagi à l’acte de vandalisme commis au musée d’Orsay, en vous rendant sur place et en proposant des mesures pour éviter que de tels actes se reproduisent.

Vous aurez compris, à la suite de l’excellente intervention d’Olivier Dassault, notre porte-parole, que nous nous apprêtons à voter ce texte avec un enthousiasme certain.

Ce beau projet est fidèle à la vocation de la France d’œuvrer pour le rapprochement des cultures. Nous avons tous rendu hommage à un texte dont l’ambition est de favoriser la compréhension entre les civilisations. À cet égard, la situation stratégique des Émirats, au carrefour de l’Orient et de l’Occident, est des plus propices. L’autre volet de ce projet, et non des moindres, est de permettre l’accès de tous aux œuvres du génie humain.

Vous nous avez dit que c’était une belle idée : en effet, madame la ministre. « Adore l’idée » écrivait Gustave Flaubert « car elle seule est vraie, elle seule est éternelle ». Comment pourrions-nous ne pas voter pour une idée porteuse d’éternité ? Nous voterons donc volontiers ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe du Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. J’ai, au cours de mon intervention, soulevé plusieurs interrogations. Je vous remercie donc pour les précisions que vous avez bien voulu nous apporter, madame la ministre, et c’est bien volontiers que le groupe du Nouveau Centre votera ce projet de loi, permettant d’exporter la richesse culturelle française à Abou Dabi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Patrick Bloche. Abstention du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche !

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

4

Répression du terrorisme

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme.

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme adopté dans le cadre du Conseil de l'Europe et signé par la France le 15 mai 2003.

Comme vous le savez, la France, qui peut se prévaloir d'un dispositif législatif complet en matière de prévention et de répression du terrorisme, a toujours voulu compléter son action nationale par une coopération bilatérale, européenne et multilatérale constante et résolue. C'est dans cet esprit que notre pays est partie à la convention pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977, que vient amender le présent protocole.

Ce texte vise essentiellement à élargir le champ d'application de la convention initiale en incluant les infractions établies dans le cadre des conventions universelles et protocoles additionnels adoptés depuis cette date par l'Organisation des Nations unies, qui s'est investie de façon croissante dans la lutte contre ce phénomène.

La convention de 1977 visait principalement à faciliter la répression du terrorisme en complétant et modifiant les accords d'extradition et d'entraide en vigueur entre les États membres du Conseil de l'Europe. L'une des difficultés majeures dans le cadre de l'application de ces accords tenait à la possibilité pour les États, possibilité régulièrement inscrite dans les conventions internationales, de refuser l'extradition ou l'entraide en matière judiciaire sur la base de la nature politique de l'infraction ou des mobiles de son auteur. Afin de lever cet obstacle, la convention initiale prévoyait un mécanisme original de dépolitisation des infractions incriminées visant à en limiter la portée. De la sorte, les infractions considérées comme des actes de terrorisme ne peuvent être qualifiées d'infractions politiques.

Le protocole amendant cette convention vient élargir le champ d'application de la dépolitisation prévue par cette dernière afin d'inclure l'ensemble des infractions établies par les conventions des Nations unies, ratifiées par la France, et étend le champ d'application de la convention à la tentative et à la complicité des infractions de cette nature.

Il prévoit la mise en œuvre d'une procédure simplifiée permettant l'ajout de nouvelles infractions à la liste de celles pouvant entrer dans le champ de la dépolitisation. Cette procédure accélérée, qui permettra aux futures révisions de la convention de ne pas nécessairement prendre la forme d'un protocole, est par ailleurs inspirée des conventions onusiennes en vigueur en matière de lutte contre le terrorisme.

Ce texte prévoit également l'ouverture de la convention aux États observateurs auprès du Conseil de l'Europe et à d'autres États, dès lors qu'il sera entré en vigueur.

Enfin, ce protocole encadre plus étroitement la possibilité pour les États d'émettre et de faire usage de réserves à la dépolitisation des infractions énumérées, la possibilité de réserve n'étant, en tout état de cause, pas applicable en matière d'entraide pénale. Ainsi, chaque État doit précisément indiquer les infractions pour lesquelles il souhaiterait émettre une réserve et prévoit que cette dernière soit renouvelée tous les trois ans, dûment motivée et prise en tenant compte d'un ensemble de circonstances de nature à évaluer le degré de gravité de l'infraction.

Il instaure, en outre, la règle « extrader ou punir » et l'obligation de faire part des décisions prises à l'État requérant et au comité conventionnel chargé du suivi du protocole – le COSTER – et susceptible d'émettre un avis en cas d'absence de décision formelle ou de refus d'extradition.

Si, en 1987, la France avait assorti le dépôt de son instrument de ratification de la convention de 1977 de déclarations visant à garantir le respect du droit d'asile et d'empêcher l'usage de la convention à des fins de répression politique ou idéologique, il paraît désormais que le protocole que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous n'appelle pas les mêmes réserves. En effet, la convention ainsi révisée garantit indirectement le droit d'asile en empêchant son utilisation à des fins de répression politique ou idéologique.

Ce protocole s'inscrit dans la logique des conventions des Nations unies en matière de lutte contre le terrorisme, conventions soutenues par la France. Il marque une nouvelle étape dans la mise en cohérence des normes internationales en vigueur en matière de lutte contre un phénomène qui, parce qu'il continue de menacer l'ensemble de nos sociétés, ne peut être combattu que par un effort commun, renforcé.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle le protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les récentes attaques terroristes en Afghanistan, en Algérie ou les attentats manqués de Londres et Glasgow, au début du mois de juillet, démontrent – s'il en était encore besoin – que la lutte contre le terrorisme reste une priorité pour la communauté internationale.

Dans son rapport annuel sur le terrorisme, publié le 30 avril 2007, le département d'État américain estime que le nombre des actes de terrorisme a augmenté de 25 % en 2006. Se référant à une analyse du Centre national de lutte contre le terrorisme destinée au Congrès, le rapport recense 14 338 actes de terrorisme dans le monde, qui ont frappé 74 543 civils et tué 20 498 d'entre eux. Le Centre observe que la violence en Irak serait la cause de 45 % des actes de terrorisme recensés et de 65 % de tous les décès dus au terrorisme dans le monde. Le nombre des actes de terrorisme a, en outre, augmenté de 50 % en Afghanistan, passant de 491 en 2005 à 749 en 2006. La majorité des actes de terrorisme continuent d'avoir lieu au Moyen-Orient et en Asie du Sud, région où leur nombre a toutefois diminué de 10 %.

Les attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005, ainsi que les projets déjoués en Allemagne, au Royaume-Uni et au Danemark durant l'été 2006, montrent, par ailleurs, que le territoire de l'Union européenne constitue une cible pour les groupes terroristes et que notre pays n'est pas à l'abri de projets d'attentats.

L’élaboration du protocole que nous examinons fait suite aux attaques terroristes qui ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001, attaques que le comité des ministres du Conseil de l’Europe a immédiatement condamnées avec la plus grande vigueur. Préparé par un comité d'experts gouvernementaux, ce protocole a été ouvert à la signature des États membres du Conseil de l'Europe signataires de la convention de 1977 le 15 mai 2003 et la France l’a signé le jour même.

Après M. le secrétaire d’État, je soulignerai deux aspects essentiels de ce texte.

En premier lieu, il vient élargir le champ d’application de la convention européenne de 1977 en incluant dans les infractions dépolitisées, la tentative de commettre un acte de violence dirigé contre la vie ou l'intégrité corporelle des personnes, la complicité, l'organisation de telles infractions ou l’ordre d’en commettre. Le protocole vise, par ailleurs, à augmenter l'efficacité de la convention en encadrant plus strictement la possibilité, pour un État partie, d'émettre une réserve. Il oblige ainsi l'État qui émet une réserve à indiquer précisément les infractions auxquelles elle s'applique.

En second lieu, le protocole permet d'inclure dans le champ de la convention de 1977 les infractions établies par dix conventions des Nations unies. Grâce à cette articulation, ne pourront ainsi plus être considérées comme des « infractions politiques », les infractions liées à des attentats terroristes à l'explosif et au financement du terrorisme, les actes illicites dirigés contre la sécurité de la navigation maritime ainsi que contre la protection physique des matières nucléaires. Cette liaison entre conventions européennes et conventions à vocation universelle traduit une volonté forte de mise en cohérence, qui devrait contribuer à renforcer l'efficacité des efforts collectifs de lutte contre le terrorisme.

Enfin, je souhaiterais préciser que le présent protocole ajoute à la convention de 1977 des dispositions relatives à la possibilité, pour l'État, de refuser l'extradition d'une personne au motif qu'elle risque d'être exposée, dans l'État requérant, à la torture, la peine de mort ou à une peine privative de liberté, sans possibilité de remise de peine.

Ce protocole doit ainsi contribuer à renforcer l'efficacité de la convention européenne pour la répression du terrorisme, en empêchant que les auteurs d'actes terroristes échappent aux poursuites pénales et aux sanctions prévues pour de tels actes. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite, au nom de la commission des affaires étrangères, à voter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, mes chers collègues, il y a quelques semaines, nous examinions le traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la migration illégale. Aujourd'hui, nous avons à ratifier le protocole portant amendement à la convention européenne pour la répression du terrorisme. Le groupe socialiste, radical et citoyen votera ce texte. Mais en son nom, je souhaiterais accompagner cette approbation de trois réflexions.

La première concerne le terrorisme : ce type de crime doit-il être combattu ? Oui, cent fois oui ! Nous avons tous en mémoire les images d'attentats dévastateurs et meurtriers en Afghanistan, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Colombie, en Inde, en Indonésie, en Irak, au Pakistan, en Russie, aux États-Unis. Hélas, dans notre pays, ce type de crime n’est pas nouveau. Au cours de son histoire, la France en a déjà souffert : pendant la guerre d'Algérie, elle a connu les attentats du FLN et de l'OAS et, quelques années plus tard, des bombes posées par des criminels originaires du Proche-Orient, dans les années 80, et d'Algérie, en 1995, ont tué plusieurs dizaines de personnes.

La convention anti-terroriste que l'on nous demande aujourd'hui d'amender, ne l'oublions pas, date de 1977. Simplement, s’agissant de lutte anti-terroriste comme d'autres questions, il convient d'éviter, dans l'enceinte du Parlement comme au sommet de l'État, les emballements médiatiques. Les moyens ciblés pour gagner cette bataille doivent être les meilleurs, les mieux adaptés, les plus efficaces. Ce ne sont donc pas nécessairement les plus spectaculaires et les plus immédiatement répressifs.

Ma deuxième remarque concerne la définition du crime : qu'est ce que le terrorisme ? qui est terroriste ? Ici encore, il convient d'être le plus précis possible. Dans nos sociétés, l’exigence d'efficacité a partie liée avec le respect du cadre démocratique, ce qui suppose une homogénéité de critères et donc un partenariat entre pays ayant en partage des valeurs démocratiques compatibles. Je vous rappelle que la convention européenne pour la répression du terrorisme va bien au-delà de la Communauté européenne puisqu’elle engage, avec le Conseil de l’Europe, 47 pays, dont la Russie et la Turquie. Est-on bien sûr que certains choix politiques ne seront pas qualifiés de terroristes par les autorités de ces pays ? Ou d'autres ?

Ma troisième et dernière réflexion concerne le défi lancé par les terroristes à ce qui fait notre identité : la démocratie. Est-on bien sûr que l'accumulation de lois internationales limitant le champ du politique pour élargir celui du crime, en matière d'extradition et de coopération policière internationale, ne nous fait pas entrer dans une spirale qui, à terme, si nous n'y prenons pas garde, peut dénaturer l'esprit de nos lois ? Le phénomène n'est pas seulement français mais le risque de la dérive par amalgame est réel. Le traité concernant le terrorisme que nous avons adopté il y a quelques jours, en juxtaposant dans son intitulé « terrorisme » et « immigration clandestine », mêle dangereusement les genres. Il y aurait d'autres exemples concernant le contrôle a priori des citoyens par les moyens technologiques les plus sophistiqués. La prévention, doit-elle, peut-elle se faire au prix d’une atteinte à nos libertés individuelles ou d’une intrusion contraire à notre droit à la vie privée ? Prenons garde à ne pas dériver vers une société orwellienne gérée par un Big Brother informatique.

L'objet de mon propos vise à alerter sur notre double obligation en matière de combat pour la sécurité citoyenne. Oui, nous avons le devoir de protéger les Français : tout doit être fait pour anticiper, prévenir, lutter, punir, en coopération avec d'autres pays. Mais nous devons aussi éviter de tomber dans le piège moral et politique tendu par les terroristes : privilégier les mesures les plus expéditives au nom de l'efficacité, au prix de l'oubli de nos valeurs, de leur mise entre parenthèses et de leur érosion progressive. La répression du terrorisme doit à tout moment et en toutes circonstances, y compris les plus dramatiques, respecter les principes et les règles qui sont les nôtres, celles de la démocratie. Nos amis américains qui, après le 11 septembre, disposaient d’un soutien quasiment universel, avaient-ils vraiment besoin de Guantanamo pour exorciser les attaques effrayantes du World Trade Center ?

Ces réserves ayant été exprimées et, je l'espère, prises en compte, le groupe socialiste, radical et citoyen confirme son approbation du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mignon.

M. Jean-Claude Mignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un mot d’abord pour saluer l’intervention de M. Loncle : je souscris pleinement à ses propos et partage les réserves qu’il a exprimées.

Ce projet de loi revêt une importance toute particulière. En effet, il s'agit d'offrir aux 47 États membres du Conseil de l'Europe, les outils nécessaires pour faire face aux nouvelles menaces terroristes. Le Conseil de l'Europe porte une attention très vive à ce sujet depuis longtemps. La convention européenne pour la répression du terrorisme de 1977 conjugue avec équilibre les impératifs de la lutte contre le terrorisme et la protection des droits de l'homme. Elle laisse ainsi aux États membres une appréciation assez large dans la qualification des infractions commises. C'est pourquoi, l'usage de la catégorie des infractions dites « politiques » est courant et permet souvent de se soustraire à toute procédure d'extradition. Si ce principe est sain dans certaines circonstances, force est de constater que les temps ont changé. Depuis la chute du mur de Berlin et la disparition du bloc soviétique, les mouvances terroristes ont pris une ampleur parfois insoupçonnée. Souvenons-nous de l'attentat dans le métro parisien en 1995. Souvenons nous aussi de la force destructrice inouïe de l'attaque des tours jumelles à New York, le 11 septembre 2001. Peu de temps après, de nouveaux attentats ont frappé Londres, Madrid et d’autres pays encore.

Dans ce contexte, le droit international a dû s'adapter, mais il faut le reconnaître, pas toujours de manière très pertinente. Toutefois, dans le domaine judiciaire, une réelle volonté d'améliorer la coopération internationale s'est imposée. C'est justement cet aspect qu’il nous est demandé de favoriser aujourd'hui. La ratification du présent protocole amendant la convention de 1977 est une absolue nécessité pour renforcer la coopération judiciaire entre les États membres du Conseil de l'Europe, notamment en matière d'extradition. Trop souvent, en effet, les terroristes se cachent derrière des motifs politiques ou sont protégés par des États peu scrupuleux utilisant ces mêmes motifs. Or, nous devons toujours veiller à examiner la nature de l'acte commis et non les motifs fabriqués après-coup. Les déclarations sont une chose, la nature de l'acte en est une autre. Les victimes et les familles des victimes des attentats de Paris, de Londres ou encore de Madrid en savent malheureusement quelque chose.

Il ne s'agit cependant pas de porter atteinte aux droits de l'homme et de « dépolitiser » toutes les infractions. Comme vous le savez, et comme je le mesure moi-même en tant que président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le souci des droits de l'homme est au cœur des travaux de cette institution. Mais protéger les droits de l'homme ne signifie pas pour autant protéger abusivement les responsables d'attentats.

Aussi ne puis-je que saluer la pertinence des travaux du Conseil de l'Europe qui ont permis d’apporter une réponse des plus judicieuses à ce problème. Ils ont conduit à actualiser la convention en prenant appui sur les conventions signées dans le cadre des Nations unies et, de ce fait, reconnues par la communauté internationale. Ils ont contribué à assouplir la procédure d'amendement de la convention afin de lui permettre de s'adapter aux évolutions rapides des menaces terroristes. En outre, ils autorisent les États ayant le statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe à adhérer à cette convention. Enfin, ils prévoient un mécanisme de suivi pour assurer une application efficace du texte.

Vous le comprendrez donc aisément, chers collègues, je ne peux que vous appeler à voter en faveur de ce projet de loi, afin que la France montre clairement son attachement à la coopération judiciaire internationale et européenne, sa détermination à lutter contre les auteurs des actes terroristes et son attachement aux valeurs qui ont fait le Conseil de l'Europe, la plus ancienne des institutions paneuropéennes, que la France a contribué à créer. Nous avons toute notre place dans cette noble instance et nous nous devons de nous montrer exemplaires, afin de convaincre les nouveaux pays ayant rejoint le Conseil de l’Europe de ratifier de nouveaux protocoles. C’est une telle occasion qui nous est offerte ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Loncle. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Tout d’abord, je tiens à remercier Jean-Marc Roubaud pour avoir illustré de façon convaincante les motifs de notre démarche et évoqué le contexte international, les faits extrêmement graves qui, au-delà même des attentats de 2001, nous amènent à être particulièrement sensibles et parties prenantes de cette démarche. Je remercie également M. Jean-Claude Mignon pour sa bonne pédagogie sur l’utilité de ce texte et le bon usage qui devra en être fait.

Je sais que certains d’entre vous connaissent de l’intérieur – ce fut mon cas il y a peu – le rôle irremplaçable du Conseil de l’Europe et tout particulièrement de son assemblée parlementaire. À ce sujet, je remercie M. Loncle pour le soutien de son groupe à la fois sur la définition du crime et les questions qu’elle peut poser et sur la manière dont certains pays, membres du Conseil de l’Europe, pourront être amenés, le jour où ils signeront la convention, à interpréter les évolutions qui peuvent avoir lieu.

Je sais comment fonctionne le Conseil de l’Europe, comment se déroulent les réunions des représentants des États, et sa capacité à marquer le coup très fortement devant l’opinion publique internationale. Certains nouveaux adhérents n’y sont pas insensibles. Je sais aussi que vous ne sous-estimez pas le rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe pour éviter tout risque d’amalgame, car un amalgame peut toujours être fait même si le texte apporte des garanties extrêmement claires. Par ailleurs, monsieur Loncle, nous ne sommes pas dans le domaine des emballements médiatiques puisque ce travail a été engagé après les attentats du 11 septembre 2001.

Vous avez évoqué la question de la définition du crime, du terrorisme. Nous savons tous que le débat n’est pas encore tranché au sein des Nations unies. Certains États en effet mettent en avant la dimension de la lutte de libération nationale tandis que d’autres, et c’est la majorité, insistent sur le fait qu’aucune lutte de libération nationale ou démarche politique ne peut justifier certains crimes. Certes, aux Nations unies se dégage un consensus très large sur les faits particulièrement graves, comme le détournement ou la destruction d’aéronefs ou encore les attentats à l'explosif, mais la question n’a pas encore été définitivement réglée. Ce texte montre que l’Europe a une certaine avance et qu’elle donne le ton. Je pense que cela pourra inspirer d’autres instances.

Enfin, je me réjouis qu’il n’y ait pas en France, sur ce sujet, de débat démagogique ou d’amalgame. Nous avons conscience de l’intérêt supérieur de notre pays. Cette discussion, certes brève mais d’une grande qualité, est un beau message que nous adressons tant à nos concitoyens qu’aux autres États signataires. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. J'appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article unique

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

5

Modification de l’accord
instituant une Commission internationale
pour le Service international
de recherches

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole sur la modification de l’accord instituant une Commission internationale pour le Service international de recherches (nos 183, 250).

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, le protocole sur la modification de l'accord de Bonn de 1955 instituant la Commission internationale pour le service international de recherches, que je soumets à votre approbation, nous ramène aux crimes du régime nazi. Il a pour objet l'accès à la connaissance de la documentation relative aux personnes détenues dans les camps créés par ce régime – camps de travail, de détention, de concentration ou d'extermination – et aux civils déplacés du fait des opérations militaires, puis des conséquences de la guerre.

Plus de trente millions de documents avaient été saisis par les Alliés, qui, à la fin de la guerre, avaient créé un bureau de recherches destiné à aider les familles à retrouver leurs proches ou à être informées de leur décès. Le 1er janvier 1948, la création d'un service international de recherches, installé à Bad Aroslen dans la région de Hesse, avait formalisé cet objectif : « rechercher les disparus, rassembler, classer, conserver et rendre accessibles aux gouvernements et aux individus intéressés toute documentation relative aux Allemands et non-Allemands » détenus dans les camps nazis, ainsi que les documents concernant les non-Allemands déplacés en raison des opérations militaires.

Le 6 juin 1955, un accord intergouvernemental créant la Commission internationale pour le Service international de recherches, la CISIR, afin d’assurer la coordination entre les États signataires et de donner au SIR, le Service international de recherches, des directives de travail, a été signé à Bonn. Le même jour, un accord avait été conclu entre le président de la CISIR et le Comité international de la Croix-Rouge, chargeant celui-ci de la direction et de l'administration du SIR.

Aujourd'hui, la CISIR est constituée par notre pays et dix autres membres : l'Allemagne, la Belgique, la Grèce, Israël, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et les États-Unis.

La portée du protocole signé à Berlin le 26 juillet 2006 modifiant l'accord de Bonn de 1955, que le Gouvernement soumet à la ratification du Parlement, est double : d’une part, il permet l'accès des chercheurs aux archives conservées à Bad Arolsen ; d'autre part, il autorise la numérisation de ces documents et la transmission d'une copie unique de ces archives à chacun des onze États membres qui le souhaitent, afin que ces États puissent les rendre accessibles dans un dépôt situé sur leur territoire et selon les règles nationales de communication des archives, fixées en France par le code du patrimoine.

Notre relation à ces archives a changé depuis la constitution du bureau de recherches en 1945, ou depuis la constitution du SIR en 1948 ou encore de la CISIR en 1956. À la fonction première qui était celle de l'information des familles s'est ajouté le besoin de l'ouverture des archives à la recherche historique. Par ailleurs, l'autorisation accordée au SIR de remettre aux États membres une copie numérisée du fonds de Bad Aroslen pourra permettre aux derniers survivants et à leurs familles de se rapprocher d'une information jusqu'ici difficilement accessible.

Jusqu’à présent, les historiens avaient tant bien que mal accès à certains documents, parfois en se débrouillant du mieux qu’ils pouvaient. Dorénavant, ils ont à leur disposition un nouvel outil. C’est donc une très bonne mesure pour les familles mais aussi pour les historiens.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les principales dispositions du protocole qui fait l'objet du projet de loi proposé aujourd'hui à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Tony Dreyfus, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos sera nécessairement limité, M. Bockel nous ayant fait un rapport exhaustif.

Lors de l'effondrement de l'Allemagne nazie en 1945, les troupes alliées sont entrées en possession de nombreuses archives et documents témoignant des persécutions subies par les peuples d'Europe.

Ces archives ont été rassemblées au sein du Service international de recherches, le SIR, créé le 1er janvier 1948 et installé à Bad Arolsen, en Allemagne, dans l'objectif d'aider les familles séparées pendant la guerre à se retrouver.

Aujourd’hui, il s’agit de clarifier une situation juridique confuse dans la mesure où les accords de Bonn de 1955 n’ont jamais été soumis à une autorisation parlementaire ni publiés au Journal officiel. Le protocole soumis à votre examen permettra de régulariser cette situation et pourra être ratifié.

Le Service international de recherches de Bad Arolsen exerce un mandat humanitaire au service des victimes de l'Holocauste. Il est issu du Bureau central de recherches installé à Londres dès 1943 auprès de la Croix-Rouge britannique par le quartier général des Forces alliées.

La migration massive des peuples dans toute l'Europe, conséquence des persécutions et des troubles de la guerre, avait en effet provoqué la dispersion d'innombrables familles.

Conformément aux accords passés, le gouvernement fédéral allemand s'est engagé à assumer la responsabilité financière du SIR, tandis que la direction et l'administration ont été confiées au Comité international de la Croix-Rouge, le CICR.

Les accords de Bonn placent le SIR sous la surveillance d'une commission internationale, aujourd'hui composée de onze États membres : l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grèce, Israël, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et les États-Unis. Cette Commission internationale est chargée d'assurer la coordination entre les gouvernements des États parties et fournit, en accord avec le CICR, les directives pour le travail du SIR.

On dénombre plus de 50 millions de dossiers concernant 17,5 millions de personnes : victimes juives du régime nazi, travailleurs forcés, résistants, Tziganes et autres groupes de la population. Les documents archivés occupent quelque 25 000 mètres linéaires d'étagères et l’on compte près de 225 000 mètres de microfilms.

Le fonds de Bad Arolsen peut se diviser en trois groupes de documents : ceux relatifs aux camps de concentration et d'extermination ; ceux ayant trait aux camps de travail, qui concernent tant les déportés que les travailleurs volontaires ; et, enfin, ceux concernant les mouvements de populations civiles non allemandes liés aux opérations de guerre pour la période 1944-1945 et aux suites du conflit.

Depuis sa création, et malgré les années, le SIR demeure très sollicité par les victimes de l'Holocauste et leurs ayants droit. Il détient en effet des documents qui peuvent ouvrir droit à des indemnisations.

En 2005, 150 828 requêtes, émanant de personnes directement concernées ou de leurs ayants droit, ont été enregistrées et 226 535 réponses ont été fournies. Le nombre de demandes en attente de traitement s'élève à près de 400 000.

En fait, le protocole soumis à notre examen vise à permettre l'ouverture des archives de Bad-Arolsen à la recherche historique. Cette ouverture participe d'un indispensable devoir de mémoire. Depuis 1996, une infime partie du fonds – à peine 2 % – est ouverte aux chercheurs. Il s'agit des documents non nominatifs qui contiennent notamment des informations générales sur les lieux de détention, sur les camps nazis, sur le travail forcé, sur les mesures de persécution en Allemagne et dans les territoires occupés par les Allemands. Ce matériel, dit « à caractère général », contenant parfois des noms de persécutés, ceux-ci sont occultés avant la consultation par des tiers.

Aujourd’hui, le protocole qui vous est soumis va permettre un élargissement des possibilités de consultation. Jusqu’ici, seules les personnes très directement concernées avaient accès aux documents. Mais, vous avez pu le constater, au cours des dernières années, des procédures ont été engagées à fin d’indemnisation. Elles ne sont pas faciles à mener à bien car les informations disponibles étaient finalement assez limitées, les avocats, les chercheurs n’y ayant pas accès. Avec l’ouverture des archives à des tiers, les efforts de ces personnes pourront aboutir, sinon à mettre en cause, du moins à rechercher la responsabilité d’établissements publics, de banques, de compagnies d’assurances, voire de pays qui ont été impliqués directement ou indirectement. Il ne faudrait évidemment pas que le devoir de mémoire se conjugue avec des préoccupations pécuniaires qui ne seraient pas du meilleur goût. Mais le nombre de procédures qui ont été diligentées dans les pays occidentaux, notamment aux États-Unis, donnent à penser que le protocole qui vous est soumis aura une importance pratique et juridique non négligeable.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir de vous demander d’approuver ce protocole. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire les bancs.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme notre ami M. Dreyfus vient de l’expliquer, de nombreuses archives témoignant des persécutions subies par les peuples d'Europe ont été rassemblées au sein du Service international de recherches – le SIR –, créé le 1er janvier 1948 et installé en Allemagne, en vue d'aider les familles séparées pendant la guerre à se retrouver. Ce service a trouvé sa forme actuelle en vertu des accords de Bonn du 6 juin 1955, et l’on peut saluer l’effort important de mémoire accompli par l’Allemagne sur son histoire, fût-elle la plus sombre.

Depuis soixante ans, le Service international de recherches de Bad-Arolsen fournit des renseignements permettant d'élucider le sort de nombreux disparus et persécutés. Malheureusement, la consultation des archives est uniquement réservée à celles et à ceux qui sont directement concernés par les informations collectées. La question se pose maintenant depuis plusieurs années d'élargir l'accès à l'ensemble des archives du fonds de Bad-Arolsen, dans l'intérêt de la recherche historique.

Tel est l'objet du présent projet de loi visant à autoriser l'approbation du protocole sur la modification de l'accord de Bonn instituant une commission internationale pour le Service international de recherches. Compte tenu de l'intérêt historique de ces archives, ce protocole permet d'en ouvrir l'accès aux chercheurs, tant sur le site de Bad-Arolsen où elles sont actuellement conservées, que dans les différents États parties qui pourront en recevoir une copie numérisée.

Il s'agit également de clarifier une situation juridique confuse dans la mesure où l'accord de Bonn de 1955 n'a jamais été soumis à autorisation parlementaire, ni même publié au Journal officiel de la République française. L'approbation du présent protocole est donc l'occasion d'en autoriser la ratification.

Le Service international de recherches dénombre près de 50 millions de dossiers concernant plus de 17,5 millions de personnes : victimes juives du régime nazi, travailleurs forcés, résistants, Tziganes et autres groupes de la population. Aujourd'hui encore, plus de soixante ans après la fin de la guerre, de nombreuses demandes de recherches continuent à parvenir au SIR. Depuis sa création, et malgré les années, le SIR demeure très sollicité. On relève même ces derniers temps une augmentation des demandes, du fait de la création par le gouvernement allemand d'une fondation visant à fournir une indemnisation aux personnes victimes de la persécution sous le régime nazi.

La question de l'ouverture à la recherche historique de l'intégralité des archives du SIR se pose avec acuité depuis plusieurs années. La France, qui a constamment plaidé en faveur d'un plus large accès au fonds de Bad-Arolsen, a joué un rôle déterminant dans les négociations qui ont abouti à la signature, le 26 juillet 2006 à Berlin, du présent protocole. L'entrée en vigueur du présent protocole est conditionnée à l'achèvement des procédures d'approbation ou de ratification de tous les États contractants. Or la France est l'un des derniers pays à ne pas avoir encore approuvé cet accord, ce qui empêche la transmission de la copie des archives aux États parties qui en font la demande.

Mes chers collègues, l’ouverture des archives à la recherche scientifique est un moyen de contribuer pleinement à l’exercice du devoir de mémoire et, au-delà, d’apporter l’une des réfutations les plus incontestables au négationnisme. C’est la raison pour laquelle le groupe de l’UMP votera ce protocole. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Un mot seulement, monsieur le président, pour remercier le rapporteur Tony Dreyfus pour avoir illustré son propos de façon aussi concrète. Ce texte offrira en effet de réelles possibilités, que Martine Aurillac a également soulignées, en ouvrant les archives avant qu’il ne soit trop tard s’agissant notamment du fonds d’indemnisation. Vous avez eu raison, madame la députée, de mettre en exergue les effets concrets du texte pour les historiens. Il ne faut pas sous-estimer la dimension du texte dans ce domaine. Le Parlement, en ratifiant le protocole sur la modification de l’accord instituant une commission internationale pour le Service international des recherches, contribuera au devoir de mémoire qu’il faut accomplir sur les pages noires de notre histoire. Je vous remercie pour le message que l’Assemblée nationale délivrera en adoptant ce projet de loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J’appelle maintenant l’article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article unique

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

6

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mercredi 10 octobre 2007, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi n° 171, relatif à la lutte contre la corruption :

Rapport, n° 243, de M. Michel Hunault, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)