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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 21 novembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au gouvernement

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

MM. Philippe Vigier, André Santini, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

Sabotages de lignes SNCF

MM. Christian Ménard, François Fillon, Premier ministre.

Pouvoir d’achat

M. Michel Liebgott, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Prix des carburants

MM. André Gerin, le président, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Protection du consommateur

MM. Alain Suguenot, Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

Dossier médical personnel

M. Jean-Pierre Door, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Situation budgétaire des communes

MM. Michel Vergnier, Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Grenelle de l’insertion

MM. Michel Herbillon, Martin Hirsch, Haut-Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Violences faites aux femmes

M. Guy Geoffroy, Mme Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité.

Carte judiciaire

MM. Michel Vauzelle, Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Europe et régions d’outre-mer

MM. René-Paul Victoria, Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

Mme Chantal Berthelot, M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Développement de la concurrence au service des consommateurs

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Exception d’irrecevabilité

M. Jean Gaubert, Mme la ministre, MM. le rapporteur, Christian Jacob, Jean Dionis du Séjour, André Chassaigne, Olivier Dussopt. – Rejet.

Question préalable

MM. André Chassaigne, le secrétaire d’État, Lionel Tardy, Jean Dionis du Séjour, Patrick Roy, Yves Cochet. – Rejet.

Discussion générale

MM. Yves Cochet,

Jean Dionis du Séjour,

Jean-Paul Charié,

François Brottes,

Philippe Folliot,

Daniel Fasquelle.

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Pouvoir d'achat des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Ma question s’adresse à M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. Patrick Roy. Et des cigares ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Roy, vous nous avez manqué durant quelques semaines : ce n’est pas une raison pour vous faire immédiatement remarquer ! Un peu de calme, je vous prie !

M. Philippe Vigier. La réforme de l’État est un des chantiers majeurs du quinquennat ouverts par le Président de la République. L’État doit devenir, comme dans les grands pays européens, plus efficace, plus productif et mieux adapté aux besoins et aux attentes des usagers.

C'est pourquoi le Nouveau Centre soutient le Gouvernement quand il décide de ne pas remplacer poste par poste les fonctionnaires partant à la retraite, ce qui permettra, dès 2008, d’économiser quelque 350 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Yves Bur. Très bien !

M. Philippe Vigier. En contrepartie de ces réductions d'effectifs, le Président de la République a pris l'engagement d'améliorer le pouvoir d'achat des fonctionnaires en leur reversant sous forme de primes la moitié des économies ainsi réalisées. Cette proposition est une vraie réponse à la question légitime du pouvoir d'achat dans la fonction publique. En effet, il est indispensable que les fonctionnaires soient tout à la fois mieux payés et mieux considérés.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous prendre en vue d'honorer cet engagement indispensable à la modernisation et à une meilleure efficacité de la fonction publique ? Et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, la question du pouvoir d'achat, préoccupation majeure des Français, notamment des fonctionnaires, bloque depuis trop longtemps les relations sociales dans la fonction publique puisque aucun accord salarial n’a été signé depuis 1998. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et moi-même avons proposé aux organisations syndicales représentatives de la fonction publique une conférence sur le pouvoir d'achat. Notre objectif est de traiter à froid et de manière approfondie cette question, au-delà de toute querelle de chiffres sur les différents instruments de mesure du pouvoir d'achat. Associant à cette approche, qui se veut ouverte, les représentants des fonctions publiques territoriale et hospitalière, nous entendons procéder avec sérieux et méthode, en restant à l’écoute des arguments des partenaires sociaux – gage du respect que nous leur portons. Nous sommes prêts à discuter avec elles des moyens permettant de maintenir le pouvoir d'achat dans la fonction publique, ce qui implique à la fois…

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. …de prendre des mesures générales relatives au point et de tenir compte de l’avancement automatique. Nous sommes également prêts à entamer une discussion sur la progression du pouvoir d'achat, dont la distribution aux fonctionnaires de la moitié des économies réalisées par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – 225 millions d’euros en 2008, 500 millions en 2009 –,…

M. Maxime Gremetz. Cela fait six euros par mois !

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. …n’est qu’un des éléments.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Enfin, la progression du pouvoir d'achat passe par une juste rémunération des heures supplémentaires. Cette question sera également évoquée lors de la conférence sur le pouvoir d'achat qui se déroulera le 3 décembre prochain.

Sabotages de lignes SNCF

M. le président. La parole est à M. Christian Ménard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Ménard. Monsieur le Premier ministre, des actes de sabotage, manifestement coordonnés,…

M. Yves Bur. Lamentables !

M. Jérôme Chartier. Scandaleux !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Christian Ménard. …ont été commis ce matin sur plusieurs voies ferrées. Des incendies volontaires…

M. Maxime Gremetz. C’est vous qui les allumez !

M. Christian Ménard. …ont ainsi endommagé les systèmes électriques ou de signalisation des voies à grande vitesse sur les réseaux Atlantique, Nord, Sud-Est et Est. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), faisant subir de nouveaux retards à de nombreux usagers auxquels la grève, depuis une semaine déjà, interdit de se rendre sur leur lieu de travail.

À l’heure où s’engagent des négociations sur la nécessaire réforme des régimes spéciaux – ce matin à la RATP et cet après-midi à la SNCF –, les députés du groupe de l’UMP condamnent avec la plus grande force ces actes irresponsables et dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Yves Bur. Très bien !

M. Christian Ménard. De tels agissements de la part d'une minorité d'activistes qui visent à gêner la majorité de nos concitoyens relèvent de l'intimidation !

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Christian Ménard. Ils ne sauraient constituer une méthode en vue de défendre des idées ou d’exprimer des convictions !

Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures le Gouvernement compte prendre à la suite de ces agissements, tant pour punir leurs auteurs que pour garantir la sécurité des passagers empruntant ces lignes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Maxime Gremetz. Augmentez le pouvoir d'achat !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, des actes de sabotage coordonnés ont été commis ce matin sur toutes les grandes lignes TGV – Atlantique, Est, Nord et Sud-Est.

M. Thierry Mariani. C’est une honte !

M. Jacques Myard. Un scandale !

M. Maxime Gremetz. Jamais un ouvrier ne ferait cela !

M. le Premier ministre. Ces actes criminels ont du reste été immédiatement condamnés par les organisations syndicales (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, puis sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) et, j’en suis certain, par l’immense majorité des cheminots qui n’acceptent pas que l’on détruise ainsi leur outil de travail.

Mais les auteurs de ces actes ne s’en tireront pas comme cela ! La justice est saisie, des enquêtes sont en cours et les sanctions seront très sévères. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les auteurs de ces actes de sabotage…

M. André Chassaigne. Ce sont des provocations !

M. le Premier ministre. …ont sans doute cru pouvoir interrompre les négociations prévues et la reprise du travail qui est en cours à la SNCF. Je le dis clairement : ils se sont lourdement trompés, parce que leur stratégie irresponsable rend au contraire encore plus nécessaires les négociations et cette reprise du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mesdames et messieurs les députés, les Français n’en peuvent plus de cette galère : pour eux, il est urgent que cessent ces grèves,…

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Au boulot !

M. le Premier ministre. …et que le travail reprenne sur les réseaux de la SNCF et de la RATP, à l’heure où, je le répète, les négociations s’engagent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Pouvoir d'achat

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Liebgott. Monsieur le Premier ministre, ici même, hier, vous avez, dans votre réponse à François Hollande, reconnu qu’il existe en France un problème de pouvoir d'achat. Vous avez ajouté que la réhabilitation de l’impôt n’est pas une solution. Pourtant, n’est-ce pas votre Gouvernement qui vient de créer de nouvelles taxes, appelées franchises, sur les malades ? Aux malades de payer pour les malades : voilà qui est pire que l’impôt ! N’est-ce pas encore votre Gouvernement qui vient de créer une taxe sur 780 000 personnes âgées de plus de soixante-cinq ans non imposables sur le revenu, qui devront désormais payer 116 euros de redevance audiovisuelle alors qu’elles en étaient jusque-là exonérées, ce qui, là encore, est pire que l’impôt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Gérard Bapt. C’est scandaleux !

M. Michel Liebgott. On n’ose imaginer ce qui attend la majorité des Français après les élections municipales, alors que, dans le même temps, votre gouvernement, donnant la preuve qu’il ne se soucie que des grosses, voire des très grosses fortunes, rembourse dans le cadre du bouclier fiscal que vous avez fait voter 121 millions d’euros à 2 398 contribuables, soit un chèque moyen de 55 000 euros par contribuable !

M. Gérard Bapt. Scandaleux !

M. Michel Liebgott. Non seulement ceux qui travaillent dur, mais également la très grande majorité des retraités, qui ont travaillé dur, et qui nous regardent, attendent de nous, socialistes, que nous les défendions ! Aussi ne soyez pas surpris si, chaque semaine, comme hier après-midi François Hollande, nous vous demandons de répondre à nos très concrètes propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Oui à des accords salariaux visant à augmenter le pouvoir d'achat ! Oui à un chèque transport financé sur les superprofits des compagnies pétrolières ! Oui à un encadrement des loyers en 2008, puisque, vous le savez, le transport et le logement représentent aujourd'hui la part la plus importante du budget des ménages.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous étudier nos propositions ? Hier, vous n’avez pas répondu à la question de François Hollande et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si vous avez évoqué les profits des entreprises, c’est pour vous en féliciter, mais sans indiquer à qui ils seront distribués en dehors d’une petite minorité. Aujourd'hui, nous attendons votre réponse. Si vous ne la donnez pas, nous reviendrons à la charge la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député, le pouvoir d'achat est bien la principale préoccupation du Président de la République, du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Démagogue !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et je me réjouis que vous nous rejoigniez sur le sujet – si j’en juge par la répétition de vos questions.

Depuis dix ans en effet, en raison de la mise en œuvre des 35 heures, vous avez clairement démontré qu’en travaillant moins on ne saurait gagner plus ! Le Gouvernement et la majorité souhaitent au contraire démontrer qu’en travaillant plus on peut gagner plus,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Autant que Sarkozy ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …car c’est, en termes économiques, le premier moyen d’améliorer le pouvoir d’achat.

Vous avez du reste la mémoire sélective, puisque c’est notre majorité qui a également décidé de défiscaliser les 35 heures, d’instituer un crédit d’impôts sur les intérêts d’emprunts et de supprimer les droits de succession pour 95 % des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je suis enfin heureuse que vous rejoigniez également le Gouvernement sur le fait qu’il ait décidé, à l’occasion de la conférence sur l’emploi, les revenus et le coût du travail, d’engager le débat sur la conditionnalité des aides en le subordonnant à l’ouverture de négociations sur les salaires. Je n’ai qu’un regret : que vous n’ayez pas voté en leur temps l’ensemble de ces mesures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Prix des carburants

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Gerin. Ma question s’adresse au Premier ministre.

M. Jean-Marc Roubaud. À M. le Premier ministre !

M. André Gerin. À M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est mieux !

M. le président. Poursuivez, monsieur Gerin : d’ordinaire vous ne vous laissez pas aussi facilement déstabiliser. (Sourires.)

M. André Gerin. Les grévistes ont raison de se battre pour défendre les régimes spéciaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi en effet ne pas parler des régimes spéciaux de l'armée, du clergé, des députés et des sénateurs (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) ainsi que de ceux des dirigeants des grandes entreprises ? Selon la rubrique économique du Journal du Net, grâce à leurs régimes spéciaux, seize grands dirigeants touchent de 40 000 euros à 175 000 euros par mois. Que fait-on à propos de ces retraites en or massif ? Est-ce là l'équité prônée par le Président de la République ? Quand vous parlez d’équité, les Français entendent austérité ! Oui, les Français sont exaspérés, car vous leur volez leur pouvoir d'achat ! Le niveau de vie des salaires et des pensions de retraites diminue et nous entrons dans une impasse.

C’est pourquoi les députés communistes proposent une baisse de 10 % du prix des carburants. Ce croquis, que j’ai réalisé moi-même, vous prouve que c’est possible, si on tient compte du paquet fiscal de 15 milliards d’euros que vous avez fait voter en juillet. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Gerin, mais vous n’avez pas à montrer de croquis !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Surtout qu’il le tient à l’envers !

M. André Gerin. En 2006, 19 milliards d’euros de racket fiscal par l’État ! Total réalise 1 milliard d’euros de bénéfices mensuels ! Je propose, avec les députés communistes,…

M. le président. Posez votre question, monsieur Gerin !

M. André Gerin. …de réduire les taxes de huit centimes et de taxer les superprofits pétroliers de cinq centimes, soit treize centimes par litre, ce qui représente une réduction immédiate des prix à la pompe de 10 %.

M. le président. Venez-en à votre question, monsieur Gerin.

M. André Gerin. Il est temps de prendre des mesures contre la vie chère ! (Bruit prolongé sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Posez votre question ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Gerin. Monsieur le président, je propose une réduction du prix du litre d’essence à la pompe de 10 % ! (Brouhaha.)

M. le président. Mes chers collègues, il se trouve que, cette semaine, de nombreux élus locaux viennent nous voir. Or on a toujours tendance à comparer l’Assemblée nationale et les assemblées territoriales. C’est pourquoi je vous invite à montrer qu’ici aussi nous savons nous parler, nous interroger et nous écouter les uns les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député Gerin, vous évoquez en particulier le prix des carburants. En guise d’avant-propos, laissez-moi vous donner deux chiffres : au troisième trimestre, la croissance de l’économie française a été de 0,7 %, et le taux de chômage, en baisse, atteint 8,1 % sur un an à la fin du troisième trimestre.

M. Jacques Desallangre. Et alors ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et alors ? C’est la croissance qui alimente le pouvoir d’achat en permettant une meilleure répartition des richesses créées par le travail des Français. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

J’en viens à la question des produits pétroliers. Le Gouvernement, sous la direction du Premier ministre, n’est pas resté les mains dans les poches.

M. Jacques Desallangre. Il les a plongées dans les nôtres !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous avons doublé la prime à la cuve pour les ménages les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous avons convoqué, sur mon initiative, l’ensemble des sociétés productrices de carburants qui ont pris l’engagement de lisser les hausses des prix des matières premières sur des périodes de quatre semaines, et de répercuter les baisses immédiatement. Voilà deux mesures concrètes qui permettent la diminution du coût des produits pour ceux qui ont besoin de fioul domestique pour se chauffer et de carburant pour circuler. Nous allons veiller très attentivement au respect de ces engagements.

Je signale, par ailleurs, que nous mettons constamment à jour un logiciel consulté chaque jour par plus de 20 000 de nos concitoyens, destiné à leur permettre d’économiser jusqu’à 20 % sur le prix d’un plein d’essence.

Toutes ces mesures, nous entendons les mettre en œuvre et tous les services de l’État, j’insiste, veillent au respect des engagements pris par les producteurs pétroliers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jacques Desallangre et M. Maxime Gremetz. C’est nul !

Protection du consommateur

M. le président. La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Suguenot. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme, le pouvoir d’achat est la préoccupation première des Français…

M. Jean-Paul Bacquet. Ça, c’est vrai !

M. Alain Suguenot. …et du Gouvernement.

Dans cette perspective et dans un contexte de hausse du coût des matières premières, une action volontariste est nécessaire pour rendre possible une baisse des prix qui soit rapidement perceptible par nos concitoyens.

Restaurer la confiance implique également l’amélioration des conditions de mobilité et le renforcement de la transparence, en particulier dans le secteur des communications électroniques. Je suis, comme certains de nos collègues, saisi de nombreuses plaintes concernant la mise en service de plateformes téléphoniques avec des numéros surtaxés commençant par 08, à l’origine de très nombreux abus.

Les opérateurs téléphoniques ont largement recours à ces numéros et certains semblent même les concevoir comme une véritable source de profit. Les personnes les plus exposées sont, vous le savez, les plus fragiles. Très souvent, au surplus, le délai d’attente de plusieurs minutes ne débouche même pas sur une communication. Ces personnes paieront donc très cher pour ne rien obtenir du tout.

Une autre pratique abusive résulte de la durée d’engagement auprès des fournisseurs. Vous savez qu’elle est habituellement de vingt-quatre mois, un délai beaucoup trop long. Il convient d’assouplir les conditions d’entrée et de sortie des contrats de téléphonie – je vous renvoie aux exemples canadiens, finlandais ou danois. La durée des contrats de téléphonie devra donc être plus raisonnable, à l’instar de ce qui se pratique chez de nombreux voisins européens.

En outre, l’obligation, pour les opérateurs, de fournir annuellement un bilan d’information détaillé de l’usage de chaque ligne permettrait également de favoriser la concurrence.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez pris la mesure de ces enjeux pour nos concitoyens avec le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, que nous examinerons cet après-midi. Les Français attendent beaucoup de nous, beaucoup de vous et beaucoup de ce texte…

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il n’y a rien dedans !

M. Alain Suguenot. …qui concerne directement leur pouvoir d’achat. Aussi, pouvez-vous nous dire très précisément quelles vont être vos réponses ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le député Suguenot, le projet que le Gouvernement va présenter à l’Assemblée sous l’égide de Christine Lagarde, touche très directement et très concrètement au pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ce texte concerne en effet des postes de dépense représentant 30 % du budget des ménages, qu’il s’agisse de l’alimentaire, de la grande consommation, des banques, de la téléphonie, autant de secteurs qui relèvent du quotidien de nos compatriotes.

J’apporte cette précision utile, mesdames et messieurs les députés : ce projet ne coûtera pas un centime à l’État. Grâce à la réforme de la loi Galland, les distributeurs pourront répercuter sur le consommateur final les avantages commerciaux obtenus au cours des négociations avec leurs fournisseurs. Vous savez que la loi Galland avait « isolé » ces négociations commerciales en en excluant le consommateur – le grand oublié. Cela avait entraîné une inflation des prix des produits de grande consommation. À partir du 1er janvier, le consommateur sera de nouveau au cœur de cette négociation commerciale et il pourra bénéficier de ces avantages promotionnels.

Cependant, vous l’avez rappelé, monsieur Suguenot, défendre le consommateur, c’est aussi le protéger contre des pratiques abusives. Aujourd’hui, 65 % des Français se sentent insuffisamment protégés dans les secteurs de la téléphonie et de l’Internet. La direction de la concurrence et de la répression des fraudes constate d’ailleurs que le secteur des communications électroniques se classe en tête des plaintes avec plus de 34 000 plaintes déposées par an.

Je suis d’accord avec vous, monsieur le député : lorsque le client appelle un service d’assistance, il ne doit plus avoir à payer pour écouter la musique d’attente. Il s’agit souvent pour le consommateur d’une sorte de double peine : on appelle parce que le service ne fonctionne pas et l’on doit payer pour le dire ! Pour les services de téléphonie de l’Internet, le projet que nous présenterons imposera la gratuité du temps d’attente et imposera également que les prestations de service des hotlines ne soient plus surtaxées. Cette mesure est très attendue par nos concitoyens.

M. le président. Je vous remercie.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je souhaite également mentionner les mesures que vous avez évoquées concernant les durées minimales d’engagement dans la téléphonie. Le consommateur pourra changer plus facilement d’opérateur car fidélité ne doit pas signifier captivité !

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Le consommateur doit être libre de pouvoir faire jouer la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Dossier médical personnel

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, ma question a trait au dossier médical personnel.

M. Jean-Paul Bacquet. Bon sujet !

M. Jean-Pierre Door. Considéré à raison comme un des outils devant favoriser la qualité et la continuité des soins, le DMP a été à de multiples reprises freiné dans son développement. Des écueils se sont succédé, qu’ils soient juridiques, pratiques, techniques ou liés aux expérimentations. Cela vous a conduit, madame la ministre, à demander, à juste titre, un rapport d’expertise auprès de l’Inspection générale des affaires sociales, de l’Inspection générale des finances et du Conseil général des technologies de l’information. Ce rapport vous a été remis il y a quelques jours. De son côté, la mission d’information parlementaire sur le DMP,…

M. Yves Bur. S’est montrée très sévère !

M. Jean-Pierre Door. …créée à la demande du président de la commission des affaires sociales, a auditionné les inspecteurs de ces organismes il y a une semaine.

Nous pouvons avancer que, sur le fond, il n’y a aucune ambiguïté, le rapport affirmant nettement l’intérêt du DMP et donc la nécessité de poursuivre sa dynamique de réalisation.

M. Pascal Terrasse. Oui, mais quand ?

M. Jean-Pierre Door. Néanmoins, sur la forme, il émet clairement une série de recommandations. Pouvez-vous donc, madame la ministre, dire à la représentation nationale quelles sont ces recommandations, quel est le calendrier de leur mise en œuvre, et comment vous envisagez l’avenir de ce dossier médical personnel qui, je le rappelle, reste indispensable pour améliorer la qualité des soins et de la santé publique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Monsieur le député Door, vous avez eu raison de rappeler que le dossier médical personnel était un outil majeur de qualité des soins et je vous remercie d’ailleurs pour le travail que vous effectuez à la tête de la mission d’information sur le sujet.

Les conclusions de la triple revue de projets confiée par Éric Woerth et moi-même à l’Inspection générale des affaires sociales, à l’Inspection générale des finances et au Conseil général des technologies sont claires.

M. Jean-Paul Bacquet. La conclusion, c’est que Douste-bla-bla est un nul !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Les retards qu’on a pu constater dans la réalisation du projet tiennent à des difficultés de pilotage et à un calendrier trop ambitieux.

M. Pascal Terrasse. Eh oui !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Néanmoins, l’utilité du DMP est nettement affirmée par ce rapport.

Qu’allons-nous faire ? D’abord, je vais renoncer à l’appel d’offres sur l’hébergeur de références, ce projet n’étant pas mûr techniquement. Ensuite, je vais recentrer la démarche autour de ceux à qui le DMP est destiné, c’est-à-dire les praticiens médicaux et les clients qui seront associés à la réflexion devant aboutir à un séminaire chargé de fixer une feuille de route pour le mois de janvier environ. Ensuite, nous allons élaborer des prototypes opérationnels avant de nous livrer à une expérimentation à destination des publics et des médecins pour lesquels ce sera le plus utile.

M. Jérôme Cahuzac. Houlà ! Pas si vite !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. De plus, j’ai demandé à une mission resserrée de définir des préconisations afin que l’État retrouve toute son influence sur le pilotage de ce projet.

C’est en suivant cette feuille de route, monsieur le député, que nous pourrons disposer d’un DMP opérationnel.

M. Pascal Terrasse. En quelle année ? 2017 ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cela prendra sans doute plusieurs années mais je me félicite que vous ayez voté l’article de loi du PLFSS qui nous permet de poursuivre le projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Situation budgétaire des communes

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vergnier. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, je souhaite revenir rapidement sur les craintes que les maires de France manifestent à l’occasion de leur 90e congrès, le congrès du centenaire.

Ce que je retiens des premiers débats, c’est que les sujets d’inquiétude sont beaucoup plus nombreux que les sujets de satisfaction. Craintes sur les services publics à propos desquels, malgré les engagements que vous avez pris, les tentatives de passage en force persistent, la concertation promise et garantie par la charte des services publics étant trop souvent réduite à sa plus simple expression.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux !

M. Michel Vergnier. La décision d’abord, le débat après… C’est vrai pour l’hôpital public, c’est vrai pour la carte judiciaire, c’est vrai pour la réforme du code de l’urbanisme.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Michel Vergnier. Les craintes se manifestent surtout à propos de la disparition programmée de l’autonomie financière des collectivités locales. La loi de finances pour 2008 y porte une nouvelle atteinte et, sans la pression des associations d’élus, cela aurait pu être pire.

M. Yves Bur. Conservateur !

M. Michel Vergnier. Alors que l’État continue à accroître sa dette publique à cause de vos choix non financés, vous proposez que les collectivités participent à l’effort national en pratiquant une drôle de péréquation – une péréquation à l’envers. On enlève en effet un peu plus aux moins favorisés et on enlève un peu moins aux autres, étranglant ainsi complètement certaines collectivités.

M. Jean Leonetti. C’est faux !

M. Michel Vergnier. C’est la politique du garrot : on serre toujours un peu plus jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je ne plaisante pas ! Il faut venir au congrès des maires, il faut les entendre dans leur diversité et écouter ce qu’ils vous disent : ce qu’ils réclament, c’est de pouvoir exercer leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Ils ne veulent ni diminuer les investissements, ce qui condamnerait les entreprises locales, ni augmenter la pression fiscale, ce qui pèserait sur le pouvoir d’achat. Drôle de façon d’agir ! Comment espérer, dans ces conditions, que la croissance puisse redémarrer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Posez votre question, monsieur le député !

M. Michel Vergnier. Mais écoutez-les, chers collègues ! On le répétera autant de fois qu’il le faudra.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Michel Vergnier. Madame la ministre, j’ai entendu hier le Président de la République, il ne m’a pas rassuré. J’attends donc aujourd’hui que vous nous apportiez les précisions nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, vous n’avez pas le monopole de la compréhension des difficultés rencontrées par les maires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Tous ceux qui siègent sur ces bancs ont évidemment, comme le Gouvernement dans son ensemble, la volonté de travailler avec les maires ruraux, lesquels participent à l’aménagement du territoire.

Nous savons combien il est aujourd’hui difficile de gérer une collectivité locale ou une commune rurale, qu’elle soit riche ou qu’elle soit pauvre. Selon que l’on se trouve dans une zone urbaine ou dans une zone de campagne, les difficultés sont de nature différente, mais tout aussi réelles et sérieuses.

Face à la volonté de nos concitoyens de disposer de meilleurs services et, mais également aux difficultés financières auxquelles se heurtent l’ensemble des collectivités, le réseau des services publics, particulièrement en milieu rural, est l’objet de toute notre vigilance. J’ai pris l’engagement, en tant que ministre des comptes, que le réseau des trésoreries sera préservé dans les zones rurales. Je l’ai dit devant l’association des maires de France comme devant l’association des maires ruraux de France. C’est un sujet très important. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Chassaigne. C’est le contraire qui se passe !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Du point de vue financier, dans le contrat de stabilité que le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et moi-même proposons à l’ensemble des collectivités locales, nous avons préservé la dotation globale de fonctionnement, qui progressera de plus de 2 % l’année prochaine.

M. Patrick Roy. C’est du blabla !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. La dotation de solidarité rurale progressera, quant à elle, de 9 % entre 2007 et 2008.

Bien évidemment, un chemin très important reste encore à faire. Nous devons revoir de fond en comble la fiscalité locale. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés avec le Premier ministre, c’est ce que nous sommes en train de faire, en concertation avec l’ensemble des représentants des élus locaux, qu’il s’agisse de l’association des maires de France, de l’assemblée des départements de France ou de l’association des régions de France. J’espère vous avoir rassuré, monsieur le député (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Grenelle de l'insertion

M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Herbillon. Ma question s’adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Le Président de la République a fixé comme objectif de réduire la pauvreté dans notre pays d’un tiers en cinq ans.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est mal parti !

M. Michel Herbillon. Le 2 octobre dernier, à Dijon, lors d'une table ronde sur la lutte contre l'exclusion et les freins à l’emploi, il vous a chargé d'organiser un « Grenelle de l'insertion ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Il est tout de même dommage que lorsqu’on parle de lutte contre la pauvreté, on entende les membres du groupe socialiste vociférer…

Monsieur le haut-commissaire, ce matin, en Conseil des ministres, vous avez présenté une communication sur l'organisation de cette grande concertation nationale, dont l'objectif est, vingt ans après la création du RMI, de s'interroger sur les réussites et les échecs de notre modèle d'insertion, et de repenser ainsi les fondements de nos actions dans ce domaine.

À la veille du lancement officiel de cette grande mobilisation nationale que vous allez engager, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer votre définition de cette grande concertation, et notamment son articulation avec les autres chantiers que vous ont confiés le Président de la République et le Premier ministre, à savoir la réforme des minima sociaux et celle des contrats aidés dont les caractéristiques devraient être mieux adaptés aux besoins du public visé.

M. Frédéric Cuvillier. Parlons-en, des contrats aidés ! On les réduit de 60 000 !

M. Michel Herbillon. Je souhaiterais également que vous nous éclairiez sur les objectifs du Grenelle de l'insertion, ainsi que sur la façon dont vous souhaitez conduire votre réflexion. Quelle sera la part des nombreux acteurs qui luttent contre l’exclusion : associations, acteurs institutionnels, entreprises et collectivités locales ?

Enfin, monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous nous préciser les modalités et le déroulement du Grenelle de l’insertion, le calendrier selon lequel vous souhaitez engager les réflexions, et la façon dont vous entendez y associer le Parlement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le député, nous donnerons effectivement le coup d’envoi du Grenelle de l’insertion vendredi et samedi prochains, à travers un forum qui se tiendra à Grenoble et auquel participeront l’ensemble des acteurs concernés.

Le Grenelle de l’insertion a été demandé par l’ensemble des acteurs de l’insertion, notamment les associations, et sera évidemment conduit avec eux. Il sera organisé autour de collèges qui permettront aux différentes institutions et aux différents acteurs de réfléchir, de négocier, confronter leurs points de vue et trouver des solutions.

Ces collèges rassembleront bien sûr les employeurs, les syndicats, les associations, les acteurs de l’insertion par l’activité économique, ainsi que les élus et les collectivités territoriales. J’ai d’ailleurs pris contact avec les grandes associations regroupant ces dernières afin qu’elles désignent leurs représentants.

De la même façon, nous avons tenu à ce que le Parlement soit associé dès le départ à ce processus. J’ai écrit à chacun des présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat pour qu’ils désignent des représentants pour participer aux groupes de travail, lesquels seront pilotés par des syndicalistes, des chefs d’entreprise et des élus.

Quels sont les objectifs de cette démarche ? Depuis que l’on parle de l’insertion, les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes qui ont pu être formulées. Cinq grands objectifs doivent être poursuivis.

La première chose à faire, c’est remettre de l’ordre dans des prestations dont la dégressivité, vous le savez, constitue un problème : à chaque fois que l’on croit franchir une marche, on en descend une !

M. Marcel Rogemont. Le problème n’est pas là ! Le problème, c’est le chômage !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Deuxième objectif : de donner accès à la formation professionnelle à ceux qui en sont le plus éloignés. Vous savez que les sommes consacrées à la formation professionnelle ne vont que très marginalement à celles et à ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Troisièmement, faire des contrats aidés non des impasses mais des passerelles vers des emplois pérennes.

M. Maxime Gremetz. Vous les avez réduits !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Il n’est pas possible de demander à une personne de cinquante-huit ans de revenir à l’ASSEDIC sous prétexte que le contrat aidé s’arrête au bout de deux ans.

M. Frédéric Cuvillier. Vous les réduisez ! C’est scandaleux !

M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Voilà pourquoi nous devons aller vers le contrat unique d’insertion.

Quatrième objectif : rétablir un lien entre l’accompagnement social des personnes les plus en difficulté et leur accompagnement professionnel.

Cinquièmement, impliquer les entreprises qui ont aujourd’hui besoin que l’on mobilise les personnes qui sont en insertion.

En 1988, souvenez-vous, le Parlement s’ était retrouvé pour créer le RMI et garantir à tout un chacun un minimum de ressources. Dix ans après, en 1998, le même Parlement s’est retrouvé pour voter une loi contre les exclusions, afin que chacun se voie ouvrir des droits. En 2008, j’espère qu’il se retrouvera de nouveau pour faire en sorte que l’insertion devienne une réalité pour l’ensemble de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Violences faites aux femmes

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Cent trente. Cent trente, et peut-être plus. Ce nombre, qui nous est régulièrement rappelé, nous glace, comme il glace l’ensemble de nos concitoyens. C’est le nombre de toutes celles – car il s’agit très majoritairement de femmes – qui, chaque année, meurent des suites des violences qu’elles subissent au sein de leur couple.

Ce nombre, terrifiant, ne résume pas l’intégralité de la problématique. Car celle-ci va plus loin. Les études les plus sérieuses font apparaître de manière incontestée que ce sont en fait près de 10 % de nos concitoyennes qui sont, chaque année, victimes de violences de toutes sortes au sein de leur couple. Le numéro de téléphone national qui a été installé au mois de mars dernier a reçu plus de 50 000 appels de femmes en profonde détresse, demandant aide et soutien.

Face à cette terrible réalité, la représentation nationale n’est pas restée inactive. En 2005, 2006 et 2007, trois lois importantes ont rappelé l’urgence qu’il y avait à réagir, et en particulier la loi de 2006, que j’ai eu l’honneur de rapporter ici même, votée à l’unanimité par le Parlement. Fruit du travail, notamment, de la mission d’information sur la famille et de la délégation aux droits des femmes, elle a aggravé la qualification des infractions et les peines encourues, et brisé un peu plus le mur du silence.

Le travail que nous avons entrepris, au sein de la commission des lois, pour vérifier et valider la mise en application de cet ensemble législatif montre que nous sommes sur la bonne voie. Mais cela est-il suffisant ? Je ne le crois pas. (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)À l’approche du 25 novembre, date de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes,…

M. le président. Posez votre question, monsieur Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. …je crois important, pour moi comme, pour l’ensemble des députés, de savoir comment le Gouvernement entend permettre non seulement la meilleure application des lois, mais également leur prolongement.

M. le président. Merci !

M. Guy Geoffroy. Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : qu’entend faire le Gouvernement, dans les jours et les mois qui viennent, pour faire en sorte qu’une fois la loi du silence enfin brisée, la situation de toutes ces femmes et de leurs familles soit enfin sérieusement améliorée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le député, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative prise par le groupe UMP de créer un groupe de travail sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Je l’en remercie, car nous ne serons jamais assez nombreux pour travailler sur ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous l’avez rappelé : un premier plan de lutte contre les violences, qui s’est étalé sur trois ans, a posé des jalons et renforcé, à travers trois lois pénales, le cadre juridique dans lequel nous pouvons accompagner la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais cela n’est pas suffisant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 330 000 femmes déclarent vivre avec un conjoint qui a porté la main sur elles au cours des années 2005 et 2006. Ces 330 000 femmes représentent en fait 8,8 % des victimes de violences intrafamiliales qui ont porté plainte. Autant vous dire que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, et que le chemin est encore long.

Qu’allons-nous faire ? Nous allons, ces trois prochaines années, engager un plan qui mobilisera largement l’ensemble des ministères, au travers de plusieurs priorités. Et je remercie pour leur participation active à ce plan nombre de mes collègues : Xavier Darcos, Christine Boutin, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot et bien d’autres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Ce plan prévoit la mise en œuvre d’une campagne d’information très importante, sur trois ans, qui va mobiliser tous les médias.

Il prévoit également un référent unique pour simplifier le véritable parcours du combattant auquel doivent se livrer les femmes victimes de violences. Car il ne suffit pas de sortir de chez soi pour porter plainte : il faut ensuite cinq ou six autres démarches pour trouver les solutions. Le financement de ce référent unique permettra, au travers des politiques intercommunales de prévention, une meilleure prise en compte des problèmes, et évitera que tant de femmes abandonnent en cours de procédure.

Cent familles d’accueil seront désignées, à titre expérimental. Car si les structures d’accueil et d’hébergement d’urgence sont une solution, si le logement social en est une autre, les familles d’accueil constituent également une réponse, sur laquelle il va falloir nous appuyer, en développant nombre d’initiatives.

La prévention est une autre priorité…

M. Jean-Paul Lecoq. Vous allez donc lutter contre la misère !

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité. Avec le soutien de Xavier Darcos, des actions de sensibilisation – dont les associations de femmes ont fortement souligné la nécessité – seront menées dans les écoles.

Un important travail de formation des professionnels de la justice et de la défense sera entrepris. Enfin, une meilleure articulation entre les réponses civiles et pénales est nécessaire.

Ce sont autant de pistes sur lesquelles 10 millions d’euros seront mobilisés en 2008 pour renforcer la lutte contre les violences conjugales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Carte judiciaire

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Vauzelle. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Si elle n’est pas là, nous tous, élus républicains, irons tout à l’heure, dans une demi-heure, place Vendôme pour lui expliquer ce que nous avons à lui dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Chacun reconnaît la nécessité de la révision de la carte judiciaire.

M. Jean-Marc Roubaud. Et c’est vous qui dites ça ? C’est bouffon !

M. Michel Vauzelle. En revanche, personne n’imaginait que la représentation nationale serait tenue à l’écart d’une réforme fondamentale pour le respect du plus sacré des droits du citoyen, le droit au droit. Garantir cet accès au droit, c’est éviter ce qu’un journal du soir appelle « le danger de désert judiciaire ».

Même les chefs de cour et les bâtonniers ont travaillé cet été, et fait des propositions argumentées, sans avoir été, semble-t-il, entendus.

Sans aucune concertation digne de ce nom (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), au mépris des élus du peuple, du monde judiciaire et des justiciables, la ministre de la justice a annoncé son verdict ici ou là – par exemple, à Montpellier pour parler du sort des cours d’Aix et de Nîmes ! Si elle était ici, je lui demanderais quels critères objectifs ont présidé à ses choix souverains. (« Il n’y en a pas ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nul ne le sait, à l’exception peut-être de certains de ses amis politiques. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Comme il le fait dans d’autres domaines – éducation nationale, santé publique, sécurité, affaires étrangères –, le Gouvernement décharge peu à peu l’État de ses devoirs en matière de justice. Or il n’y a pas de justice démocratique sans justice de proximité. Pour alléger la charge de l’État, on supprime, par un simple diktat (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), des centaines de tribunaux et de conseils de prud’hommes et on charge les collectivités locales d’une part de la gestion des maisons de la justice et du droit. Après le lapsus sur l’instauration d’une « franchise » en matière d’aide juridictionnelle, le bruit court au ministère de la justice de la suppression du service d’accès au droit à la justice et de la politique de la ville. Où s’arrêtera le Gouvernement dans sa politique d’abandon à la charge des collectivités locales des fonctions de l’État républicain, y compris des fonctions régaliennes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Vauzelle, je ne doute pas que vous vous rendrez place Vendôme, mais je vous rappelle que, la semaine dernière, votre assemblée a voté le budget de la justice, en hausse de plus de 4 %.

M. Jean-François Copé. Eh oui !

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Dans ce contexte, parler de désengagement de l’État en matière de justice me semble erroné. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je voudrais également excuser l’absence – dont votre groupe avait été informé – de Mme la garde des sceaux, retenue au Sénat par l’examen d’une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Depuis vingt ans, plusieurs gardes des sceaux éminents, de gauche comme de droite, ont essayé de réformer la carte judiciaire, vous le savez. (« Ce n’est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Si, c’est la question ! Et le cœur de cette question, c’est de regrouper 1 200 tribunaux actuellement répartis sur 800 sites pour les rendre plus efficaces (« Non ! » sur les mêmes bancs), avec plusieurs juges sur plusieurs instances et des greffes spécialisés et renforcés. (« Ce n’est pas vrai ! » sur les mêmes bancs.) Mme la garde des sceaux a fait courageusement (Exclamations sur les mêmes bancs) le tour des régions de France et rencontré les chefs de cour et les parlementaires. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jérôme Lambert. Elle ne nous a pas entendus !

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Ne dites pas que vous n’avez pas été consultés, tout le monde l’a été ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cette réforme, c’est un acte de courage (« Non ! » et brouhaha sur les mêmes bancs) pour une justice mieux rendue, plus proche des citoyens, à la disposition des justiciables. Je suis sûr que les Français sauront l’apprécier au cours des mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Ça va être un désert judiciaire !

Europe et régions d’outre-mer

M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. René-Paul Victoria. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État à l’outre-mer. En 2008, la France présidera l’Union européenne pour la première fois depuis son élargissement à vingt-sept pays. L’Europe est une chance pour les régions ultrapériphériques, qui sont elles-mêmes autant de portes de l’Europe dans leurs zones respectives. La création d’une Maison de l’Europe dans chaque région d’outre-mer permettrait à nos compatriotes de mieux connaître l’Union et de renforcer la notion de citoyenneté européenne. La première pourrait être installée à Saint-Denis de La Réunion, la plus grande ville française et européenne de l’outre-mer. La ville est en mesure de mettre à disposition les locaux nécessaires à ce projet. Cette Maison de l’Europe conforterait également la présence de la France et de l’Union européenne dans la zone de l’océan Indien, qui abrite plus d’un tiers de l’humanité.

Monsieur le secrétaire d’État, que pensez-vous de la création d’une maison de l’Europe dans chaque région d’outre-mer et en premier lieu à Saint-Denis de La Réunion ? Seriez-vous favorable à ce que, durant la présidence française, des rencontres importantes soient organisées par les institutions européennes à Saint-Denis de La Réunion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur le député, oui, vous avez raison (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), l’Europe est une chance pour nos outre-mer. Je rappelle que, d’ici à 2013, l’Union européenne nous apportera 3,3 milliards d’euros en faveur du développement économique, du partenariat avec les entreprises, des politiques d’environnement conduites par les communes – notamment dans les domaines de l’assainissement, de l’eau potable et du développement durable – ou de la formation professionnelle. Quand l’outre-mer souffre, comme ce fut le cas avec les cyclones Gamède à La Réunion et Dean aux Antilles, l’Europe est présente. Lorsque nous avons besoin d’accords de partenariat économique, elle est présente. Dans quelques semaines, je vous présenterai le grand projet présidentiel pour l’outre-mer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), avec les zones franches globales d’activité. L’Union européenne sera aussi à nos côtés, comme elle le sera lorsque nous nouerons des partenariats régionaux avec les pays limitrophes des trois océans.

Bien évidemment, monsieur Victoria, nous ne pouvons qu’être favorables aux initiatives présentées par les élus ultramarins, sur quelque banc qu’ils siègent. Vous me proposez d’ouvrir une Maison de l’Europe à Saint-Denis de La Réunion, en lien avec la Commission qui a lancé des appels à projets. J’y suis d’autant plus favorable que Saint-Denis est jumelée avec Nice ! Je souhaite même qu’une maison de l’Europe sensibilise la population à la citoyenneté européenne dans toutes les collectivités d’outre-mer.

Si l’Europe est une chance pour l’outre-mer, l’outre-mer est une chance pour l’Europe et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vuilque. C’est beau ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Forts de leur authenticité, de leurs richesses humaines – historique, culturelle, identitaire – et de leurs ressources naturelles, les outre-mer offrent une vitrine exceptionnelle de la France sur tous les océans, et participent ainsi à son attractivité et à sa compétitivité. Je souhaite que durant la présidence française, ils apportent une contribution considérable au projet présidentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Chantal Berthelot. Je vous remercie, chers collègues, de vos encouragement au moment où je pose ma première question au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, un puissant mouvement de grève dans la fonction publique a témoigné hier, une fois de plus, du refus du Gouvernement d’entretenir un véritable dialogue social et de sa volonté de rechercher l’épreuve de force avec les salariés. Depuis des mois, les fonctionnaires revendiquent le maintien de leur pouvoir d’achat par l’augmentation du point d’indice et la sauvegarde de l’emploi public. Votre seule réponse, ce sont des mesures ciblées, peu importantes en volume et ne concernant qu’une infime partie des agents. À cela s’ajoute la suppression en 2008 de 23 000 postes sur les 80 000 prévues sur le quinquennat.

La modernisation et la refondation de la fonction publique ne peuvent avoir pour préalable la réduction des effectifs, selon le postulat que moins d’agents c’est plus de pouvoir d’achat. La fonction publique doit avoir les moyens correspondant à ses missions pour répondre aux besoins des usagers : garantie de la qualité et de la proximité du service public, garantie de l’égalité territoriale et sociale. C’est à ce prix qu’elle demeurera une composante essentielle du pacte républicain et de la cohésion sociale.

Cet enjeu crucial pour le territoire national, l’est aussi pour la Guyane et l’outre-mer, qui souffrent de handicaps structurels, où le secteur marchand est dans l’incapacité de créer des emplois en nombre suffisant, où le chômage et la pauvreté sont endémiques, et qui accusent des retards importants dans maints domaines. Quel que soit le secteur public considéré – éducation, santé, justice –, l’insuffisance des effectifs est criante, comme dans l’hexagone d’ailleurs.

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

Mme Chantal Berthelot. L’évolution du coût de la vie et les blocages dans le déroulement des carrières ont entraîné une dégradation importante des conditions de vie des agents, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels.

M. le président. Merci de poser votre question, madame Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le Premier ministre, que compte faire l’État employeur pour donner l’exemple dans le domaine du dialogue social et répondre aux revendications légitimes de ses agents ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la députée, le Gouvernement entretient avec la fonction publique un dialogue probablement plus riche et soutenu que jamais. Nous avons engagé un travail de fond sur tous les sujets, que ce soit le pouvoir d’achat, les conditions du dialogue social ou les parcours professionnels. Nous avons étendu la réflexion à une question qui n’était plus posée depuis longtemps : quelles sont les valeurs qui incitent, dans la France d’aujourd’hui, à se mettre au service du public ? Nous y réfléchissons avec l’ensemble des organisations syndicales depuis le mois d’octobre. Comme celles-ci, je le pense, j’attends de ce dialogue des résultats très constructifs pour les mois et les années qui viennent.

S’agissant du pouvoir d’achat, il faut d’abord se mettre d’accord : or nous ne mesurons pas les choses de la même manière.

M. Patrick Roy. C’est bien là le problème !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Les organisations syndicales limitent la mesure du pouvoir d’achat à la seule évolution du point d’indice. Le Gouvernement, pour sa part, considère qu’il faut regarder l’ensemble de la feuille de paie pour avoir une vision exacte. Je suis d’accord pour maintenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires, mais en prenant en compte l’ensemble des mécanismes d’augmentation automatique de la fonction publique, et non le seul point d’indice tel qu’il est construit aujourd’hui. Mais nous pouvons discuter de tout, aucun sujet n’est tabou.

Enfin, la croissance du pouvoir d’achat passe par les heures supplémentaires.

M. Maxime Gremetz. Par les salaires !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Les fonctionnaires, comme les salariés du privé, auront la possibilité de faire plus d’heures supplémentaires et d’avoir 14 % de plus sur leur feuille de paie, compte tenu de l’exonération des charges sociales. Les fonctionnaires de catégorie B pourront également en profiter et on peut aller beaucoup plus loin.

En réduisant les effectifs de la fonction publique d’État, nous permettrons aux fonctionnaires d’être mieux rémunérés et d’avoir des parcours professionnels plus diversifiés. Le service public pourra s’organiser différemment et gagnera en efficacité et en équité. Voilà le travail que nous sommes en train d’accomplir. Vous voyez que les fonctionnaires ont beaucoup de raisons de regarder l’avenir avec optimisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions aux Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Développement de la concurrence au service des consommateurs

Discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (nos 351, 412).

La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames messieurs les députés, on lit souvent des statistiques réconfortantes qui indiquent que le pouvoir d’achat des Français augmente de plus de 2 % par an.

Pourtant, chacun a le sentiment que le coût de la vie , lui, augmente bel et bien. Selon le baromètre SITECO, une étude TNS SOFRES qui sera officiellement présentée après-demain et que je vous livre en avant-première, 58 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat a diminué depuis un an.

Un tel résultat ne peut évidemment que nous interpeller. On sait aussi que l’on ne peut bien évaluer que ce que l’on mesure bien.

Les chiffres que nous fournissent les instituts ne sont pas faux, mais ce ne sont probablement pas les bons... Nous ne voyons pas ceux qui seraient les mieux à même de refléter le vécu de nos concitoyens. Nous ne pouvons pas nous contenter d’indicateurs identiques pour tout le monde, qui transforment une réalité que nous savons complexe en une moyenne arithmétique froide comme les statistiques.

Pour cette raison, j’ai demandé il y a un mois au nouveau directeur général de l’INSEE, au moment de sa nomination, de développer de nouveaux indicateurs de pouvoir d’achat.

Une commission composée de statisticiens et de représentants d’associations de consommateurs réfléchit en ce moment sur les moyens de prendre en compte, dans la mesure du pouvoir d’achat, des données telles que les dépenses contraintes ou la disparité des situations individuelles suivant que l’on est locataire ou propriétaire de son logement. Cette commission devrait fournir ses premières propositions dès le début de l’année prochaine et nous permettra de mieux mesurer ce que l’on est en train d’évaluer actuellement et ce que nous tentons d’améliorer. Car c’est aujourd’hui le devoir du Gouvernement de tout mettre en œuvre pour renverser la conviction de ces 42 % de Français qui pensent que leur pouvoir d’achat va encore diminuer dans les douze mois à venir.

Chacun s’accorde sur les deux éléments qui permettent d’améliorer le pouvoir d’achat, puisque c’est de cela que nous parlerons aujourd’hui : la hausse des salaires d’un côté ; la baisse des prix de l’autre. En revanche, les moyens d’y parvenir sont évidemment discutés, notamment dans cet hémicycle. Certains voudraient que l’État distribue l’argent public, contraigne les entreprises et fixe les prix d’autorité. Autres temps, autres politiques ! Ce n’est pas la nôtre.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bravo !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous faisons le choix inverse : celui de la responsabilité individuelle, celui de la liberté, évidemment dans un cadre de bonne régulation des échanges économiques.

M. André Chassaigne. Le renard libre dans le poulailler libre !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Pour obtenir la hausse des salaires, nous misons sur la revalorisation du travail, car, nous le savons, avant de redistribuer la richesse, il faut commencer par la produire.

M. Jean Gaubert. Il ne fallait pas faire le paquet fiscal!

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Il faut ensuite que les acteurs sociaux responsables répartissent les fruits de ce travail, et nous en parlerons.

Par ailleurs, pour obtenir la diminution des prix, nous misons, non pas sur des prix administrés, qui sont d’un autre temps, mais sur les vertus de la concurrence bien régulée.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Car nous mettons avant tout la concurrence au service des consommateurs.

Avant que Luc Chatel ne vous présente en détail le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, sur lesquels les rapporteurs et l’ensemble des députés des deux commissions ont fait un extraordinaire travail, j’aimerais vous exposer brièvement, mesdames et messieurs les députés, les principes qui sous-tendent notre politique en faveur du pouvoir d’achat. Celle-ci consiste à mieux encourager le travail et sa juste rémunération et à renforcer la concurrence pour que les acteurs économiques eux-mêmes soient en mesure de peser sur les prix, et enfin – c’est un volet nécessaire et indispensable – à entreprendre des actions spécifiques en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables.

Quelques principes concernant l’encouragement du travail, plus précisément de ceux qui travaillent plus et de ceux qui tout simplement veulent travailler. On ne doit pas éluder cette partie-là du débat. C’est avec ceux-là que commence la création de richesses.

Travailler plus, améliorer par son travail les résultats de l’entreprise, reprendre un travail dans des conditions difficiles, ce sont les trois sujets que je voudrais rapidement évoquer.

Nous avons mis en place pour ceux qui travaillent plus un dispositif, en vigueur depuis le 1er octobre. Il vise à encourager le recours aux heures supplémentaires par leur défiscalisation, l’exonération de charges et la rémunération à plus 25 %.

M. François Brottes. Succès mitigé !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je citerai un exemple. Un salarié payé au SMIC qui décide de travailler quatre heures de plus par semaine touchera plus de 2 000 euros supplémentaires par an, soit l’équivalent d’un treizième et d’une partie d’un quatorzième mois.

M. François Brottes. Ce n’est pas le salarié qui décide !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Cette mesure fonctionne depuis le 1er octobre et 60 % des chefs d’entreprise disent qu’ils veulent l’utiliser. Nous nous attachons à l’améliorer et à communiquer autant que nous pouvons.

Je le répète à cette tribune : ce mécanisme marche. Je le constate sur le terrain chaque fois que je me rends dans les entreprises.

Ce mouvement ne fait pas beaucoup de bruit, il ne fait pas la une des journaux. Mais c’est un mouvement discret, qui fonctionne et sur lequel un gros effort de communication a été engagé. Vous en entendrez des bruits dès le début de la semaine prochaine, puisqu’une campagne de publicité sera lancée à cet effet.

J’ai également nommé un « monsieur heures supplémentaires »…

M. François Brottes. Cela a créé au moins un emploi ! (Sourires.)

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …qui fera le tour des vingt-deux régions et réunira à chaque fois tous les acteurs économiques pour expliquer le mode de fonctionnement des heures supplémentaires.

Je sais que certains comptables éprouvent des difficultés ; elles seront bientôt résolues. Je tiens à réaffirmer que le Gouvernement est à l’écoute des simplifications que nous pourrions apporter, en particulier pour ce qui concerne le relevé hebdomadaire d’heures supplémentaires, dont je sais qu’il soulève des difficultés.

Deuxième principe : encourager la logique travail. Ce n’est pas seulement travailler plus, comme je viens de l’évoquer, c’est aussi la juste rémunération. Je veux viser par là la participation.

M. Jean-Paul Charié. C’est vrai !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à vouloir remettre à l’honneur toujours et davantage la logique de la participation, cette troisième voie magnifiquement imaginée par le général de Gaulle. Un capitalisme populaire, c’est un capitalisme qui offre une chance à tous, et qui donne sa part à chacun.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est vrai !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Nous y reviendrons dès l’année prochaine.

Je suis donc favorable, dans cet esprit, à ce que la distribution de stock-options soit à l’avenir subordonnée à l’engagement pour l’entreprise d’associer davantage les salariés à ses performances.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. François Brottes. N’est-ce pas du dirigisme !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Autrement dit, il faudra que l’entreprise mette sur la table un accord de participation ou d’intéressement, s’il n’y en a pas encore, ou, lorsqu’il en existe, qu’elle l’améliore soit par des suppléments, soit par une distribution d’actions gratuites, chaque fois qu’un programme de stock-options doit être envisagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. Il faut bien donner un os à ronger !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Encourager le travail, c’est évidemment aussi soutenir les bénéficiaires des minima sociaux, qui reprennent un emploi. Le Gouvernement veut les encourager dans leur volonté de s’en sortir. C’est pourquoi nous avons lancé, sous le pilotage de Martin Hirsch, l’expérimentation du revenu de solidarité active.

Cette expérimentation est manifestement très populaire. De plus en plus de départements se portent candidats. La dotation budgétaire consacrée à cet exercice a été augmentée de 10 millions d’euros. Martin Hirsch a volontairement choisi un programme expérimental, pour démontrer que le RSA peut marcher et apporter du pouvoir d’achat à ceux qui en bénéficient et, surtout, qu’il leur enseigne le souhait d’aller plus loin.

C’est avec la même volonté d’aider les travailleurs les moins favorisés que nous avons proposé, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2008, de revaloriser de 1,3 % les seuils et limites de la prime pour l’emploi, qui s’ajoute, comme vous le savez, aux salaires les plus bas.

J’aimerais ajouter que nous travaillons en parallèle à revaloriser l’ensemble des salaires. J’ai présidé, le 23 octobre, avec Xavier Bertrand et Martin Hirsch, la conférence inaugurale d’une série de tables rondes sur l’emploi et le pouvoir d’achat, qui associent tous les partenaires sociaux.

Dès le 23 octobre, l’une des priorités de ce cycle fut de poser la question de la conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation annuelle de négocier avec les partenaires sociaux sur les salaires.

M. Jean-Paul Charié. De la croissance !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Ce sera une manière pour l’État de dire aux entreprises : si vous voulez faire baisser votre coût du travail et continuer à bénéficier des allégements de charges, il faut mener une politique salariale exemplaire.

Sur ce sujet et sur bien d’autres liés au pouvoir d’achat, comme le mode de fixation du SMIC, je présenterai au printemps prochain avec Xavier Bertrand, sur la base de l’avis du Conseil d’orientation pour l’emploi, actuellement saisi de ces questions, un projet de réforme globale devant la commission nationale de la négociation collective.

Encourager le travail, c’est aussi faciliter la transmission des fruits du travail. En exonérant 95 % des foyers fiscaux de droits de succession, la loi du 21 août 2007 permet une injection de pouvoir d’achat. Le nombre de donations entre vifs recensé au cours du mois d’octobre a été en considérable augmentation. Cela prouve bien qu’en ce domaine les Français, eux, lisent bien notre action.

Nous avons évoqué l’augmentation du pouvoir d’achat qui résulte simplement de l’augmentation du salaire et de la création de valeurs par le travail. Je voudrais rapidement évoquer l’autre versant du pouvoir d’achat : les prix.

L’État réglemente encore certains prix, comme ceux du gaz et de l’électricité, et continue à le faire dans le contexte actuel de l’ouverture des marchés. En revanche, pour tous les autres produits, les choses, et c’est heureux, ont bien changé. Les prix sont libres. Nous croyons que le vecteur de la concurrence peut les faire baisser. Elle passe par la levée de certains blocages réglementaires et par la promotion d’un marché efficace, c’est-à-dire transparent et régulé.

Je ne reparlerai pas du site Internet concernant les prix du pétrole, qui permet aux 20 000 de nos concitoyens qui le consultent chaque jour d’économiser jusqu’à 20 % sur leurs dépenses d’énergie. En revanche, je mentionnerai l’accord que nous avons passé avec les producteurs de pétrole qui se sont engagés à lisser les hausses de produits pétroliers sur quatre semaines et à répercuter les baisses de ces produits sans aucun délai.

Voilà deux manières de soutenir la baisse des prix par l’encouragement de la concurrence et par un dialogue intelligent avec les producteurs de pétrole.

De la même manière, dans le domaine de l’immobilier, nous avons considéré qu’il fallait favoriser une plus grande transparence afin de clarifier le marché. Le projet de loi transposant diverses dispositions du droit communautaire, que j’ai présenté à cette tribune hier soir et que vous avez adopté, a également renforcé les moyens de contrôle des agents de la DGCCRF pour que, dans ce secteur, particulièrement tendu et sensible, nos concitoyens ne soient pas victimes d’abus commis par certains agents immobiliers.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est entièrement destiné à développer la concurrence au service des consommateurs. Celle-ci sera renforcée entre les grandes surfaces grâce à la baisse du seuil de revente à perte, entre les opérateurs de communications électroniques, et, enfin entre les banques. Luc Chatel reviendra, avec talent – comme il l’a démontré pendant la préparation de ce projet – sur chacune de ces dispositions.

À la double logique du pouvoir d’achat centré sur le travail et la concurrence, s’ajoutent les mesures d’urgence que nous prenons en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables. Un exemple : suite à la hausse brutale du fioul domestique, j’ai annoncé, ici, il y a moins de quinze jours, le doublement de la prime à la cuve pour les ménages les plus modestes, qui ne sont pas imposables. Cette prime passe ainsi de 75 à 150 euros.

La loi du 21 août 2007 sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat est, par anticipation, venue en aide à deux catégories particulièrement vulnérables : les étudiants et les futurs propriétaires, qui consacrent une partie importante de leur pouvoir d’achat à l’acquisition d’un logement. Les étudiants bénéficient désormais pour leurs petits boulots d’une exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à l’âge de vingt-six ans et à concurrence de trois SMIC. Quant à nos concitoyens qui doivent s’endetter pour acheter leur résidence principale, ils se voient accorder un crédit d’impôt de 20 % sur les intérêts d’emprunts, les cinq premières années. Nous avons même proposé, dans le budget pour 2008, de doubler la mise en portant le crédit d’impôt à 40 % la première année.

Pourquoi, me direz-vous, rappeler l’ensemble de ces mesures qui appartiennent déjà, en quelque sorte, au passé ? C’est parce qu’elles montrent que depuis six derniers mois, le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, François Fillon, s’est appliqué, dans tous les secteurs d’activité, à améliorer le pouvoir d’achat des Français. Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, cette question, que le Président de la République avait placée au cœur de sa campagne électorale, correspond à une préoccupation légitime des Français. Et nous l’avons sans cesse à l’esprit lorsque nous proposons des mesures.

Je suis heureuse aujourd’hui que nous puissions, ensemble, examiner les dispositions relatives au pouvoir d’achat qui ont plus particulièrement trait à la concurrence. Si l’amélioration du pouvoir d’achat ne dépend pas uniquement de celles des dispositions relatives à la concurrence, elle ne repose assurément pas, dans un contexte de contraintes budgétaires, sur un mode de redistribution automatique de l’argent public ; c’est avant tout le fruit du travail des Français, que nous n’avons eu et n’aurons de cesse de faciliter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord, au nom du Gouvernement, de saluer l’ensemble des députés qui ont participé aux travaux préparatoires de ce texte.

Je tiens plus particulièrement à rendre hommage au travail rigoureux, complet et acharné du rapporteur Michel Raison, avec lequel nous avons noué un dialogue constant et constructif. Votre rapporteur est un fin connaisseur de ce dossier, puisqu’il occupait déjà des fonctions éminentes au sein de la mission d’information parlementaire, que vous aviez nommée, il y a deux ans, monsieur le président Ollier. La qualité de ce travail a permis d’enrichir ce texte sans en dénaturer la philosophie.

L’intitulé du projet de loi n’est pas neutre : « Développer la concurrence au service du consommateur ».

M. Jean Dionis du Séjour. Quel bonheur !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. J’insiste volontairement sur ce « au service ». Comme l’a rappelé le Président de la République à l’occasion de la rédaction du mini-traité européen, cet été, la concurrence n’est pas une fin en soi, encore moins un dogme. C’est un moyen, qui se justifie pleinement lorsqu’il est au service du consommateur et de son pouvoir d’achat.

Le projet de loi aurait tout aussi bien pu s’intituler « Développer la concurrence au service de tous les consommateurs », tant il est vrai qu’il touche de manière directe et concrète la vie quotidienne de chacun de nos concitoyens.

À l’heure où le pouvoir d’achat est la préoccupation majeure des Français, cette loi aura des effets sur des postes de dépenses qui représentent plus de 30 % du budget des ménages – grande consommation, alimentation, services téléphoniques et bancaires –, et cela, sans coûter un centime au budget de l’État.

Chose précieuse, l’impact de cette loi sera visible et mesurable. Chaque Français pourra juger par lui-même du succès des mesures que nous mettons en oeuvre.

Le titre Ier du texte introduit un bouleversement majeur dans le secteur de la grande distribution en réformant profondément l’encadrement des relations commerciales. En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avait dressé un constat simple : la France était l’un des pays européens où les prix à la consommation étaient les plus élevés. La conjugaison d’intérêts entre les industriels et les grands distributeurs avait permis une telle situation en faisant une grande victime : le consommateur final, grand oublié des négociations.

La réforme de la loi Galland, entreprise à la suite des travaux menés par Nicolas Sarkozy et concrétisée par la loi d’août 2005 préparée par Christian Jacob et présentée par Renaud Dutreil a démontré de manière éclatante les vertus pour le consommateur d’une plus grande concurrence entre les distributeurs.

En effet, en redéfinissant le seuil de revente à perte pour le faire baisser et en permettant aux distributeurs de répercuter dans le prix final des produits une partie des avantages financiers accordés par leurs fournisseurs au titre des coopérations commerciales, la loi a permis aux enseignes de se livrer à une véritable concurrence sur les prix.

Cela s’est traduit concrètement dans les chiffres : en deux ans, moins 3, 4 % sur le prix des produits de grande marque. Cela correspond à 2,5 milliards d’euros par an de pouvoir d’achat directement restitués aux consommateurs,…

M. André Chassaigne. Et les producteurs ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. …soit une économie moyenne de 200 euros par famille.

M. François Brottes. Personne n’y croit !

M. Jean Gaubert. Il faudra leur dire !

M. Jean-Marc Roubaud. C’est déjà fait !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. La spirale inflationniste qui prévalait depuis le début des années 2000 a donc été brisée net.

Aucun impact négatif, monsieur Chassaigne, n’a été constaté, ni sur l’emploi dans la distribution et le commerce, ni sur la place des PME dans les linéaires, bien au contraire. Le secteur du commerce a créé 20 000 emplois l’année dernière. La part des PME dans les linéaires a augmenté puisque le poids de leurs produits dans le chiffre d’affaires des grandes et moyennes surfaces est passé de 56,2 % à 57,3 % depuis l’entrée en vigueur de la loi.

Si la réforme de 2005 a été un franc succès, elle n’est cependant à mon sens qu’un premier pas.

Avec le projet de loi que nous vous soumettons aujourd’hui, nous franchissons une nouvelle étape : les distributeurs pourront désormais – à partir du 1er janvier prochain – répercuter sur le prix de vente au consommateur l’intégralité des fameuses marges arrière, c’est-à-dire la totalité des sommes versées par le fournisseur au distributeur pour la promotion de ses produits. Les distributeurs auront toute latitude pour déterminer plus facilement les prix au consommateur, qui pourront faire l’objet d’une concurrence entre enseignes. Ces dernières seront libres de mener des politiques de prix différenciés, possibilité qui leur avait été retirée depuis les années 2000.

Changer en profondeur les relations commerciales, c’est également mettre fin au mécanisme pervers de surenchère qui voyait d’un côté, les industriels augmenter leurs tarifs et, de l’autre, les distributeurs augmenter les marges arrière.

Dans un souci de simplification et de transparence, l’ensemble de la relation commerciale entre fournisseurs et distributeurs sera désormais défini dans un contrat unique.

Naturellement, le régime spécifique dédié aux agriculteurs sera maintenu – nous en avions longuement débattu en 2005 – et le contrat type réservé aux produits agroalimentaires sera modifié pour tenir compte des situations de forte variabilité des cours des matières premières agricoles. Votre commission des affaires économiques a, sur proposition de son rapporteur, présenté d’importantes modifications au texte sur cette question.

Enfin, le régime de sanction de la non-communication des conditions générales de vente sera dépénalisé au profit d’une procédure d’amende civile, plus appropriée.

Une question se pose néanmoins : faudra-t-il aller plus loin encore en révisant totalement le cadre des relations commerciales et en libérant la croissance dans l’économie comme le suggère la commission présidée par M. Attali ?

Je le dis clairement, mesdames et messieurs les députés : il nous faut désormais aller plus vite et plus loin.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement souhaite ouvrir le débat sur les relations entre distributeurs et industriels, notamment en matière des conditions générales de vente et des tarifs afin, là encore, de favoriser la concurrence au bénéfice des consommateurs. Cependant, compte tenu des enjeux, nous devrons le faire avec discernement, pour évaluer le plus clairement possible l’impact des différents scénarii possibles, pour en étudier précisément les modalités juridiques, et pour réfléchir à des mesures d’accompagnement en direction du petit commerce et des petites et moyennes entreprises.

M. François Brottes. Après les élections municipales !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le débat, l’écoute, la concertation auront toute leur place dans cette réflexion : c’est l’engagement que je prends aujourd’hui devant vous. Une mission a d’ores et déjà été confiée à Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du conseil de la concurrence, afin d’étudier et d’écrire, avec l’appui de quelques experts, et de vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, les modalités que pourrait prendre une réforme de la négociabilité.

Celle-ci se fera dans le cadre plus global de la modernisation économique de notre pays, des implantations commerciales, de la révision des dispositifs anticoncurrentiels qui bloquent notre croissance, et tiendra compte des travaux de la commission présidée par Jacques Attali.

Je vous le dis tout net, et j’espère que vous me pardonnerez ma franchise : on entend dire à peu près tout et n’importe quoi sur ce sujet, sur la base d’arguments, qui sont, il faut bien le reconnaître, très souvent de mauvaise foi.

M. François Brottes. Comme les affiches Leclerc !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. À la lecture des réactions des uns et des autres, on pourrait dresser un véritable catalogue des idées reçues, un florilège des plus belles caricatures sur le sujet.

Première caricature : notre réforme serait une réformette. N’ayons pas la mémoire courte, mesdames et messieurs les députés ! Souvenez-vous de la publication du rapport Canivet, qui recommandait la mise en place du triple net que nous vous proposons aujourd’hui. Que n’ai-je entendu ? Impossible à mettre en place, beaucoup trop audacieux estimaient ceux-la même qui aujourd’hui considèrent qu’il faudrait aller plus loin !

M. Jean Dionis du Séjour. En effet, il y a des conversions bizarres !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Pourtant, nous y sommes ! Et nous vous proposons une formule audacieuse qui doit permettre de remettre de la concurrence entre les distributeurs et davantage de transparence dans les relations entre fournisseurs et distributeurs.

Le présent projet de loi va deux fois plus loin que la première réforme de 2005. Rappelons-le tout de même : les distributeurs pourront basculer 15 % des marges arrière restantes dans les prix. C’est là une avancée considérable.

Deuxième idée reçue : dans le système actuel, il serait impossible pour les distributeurs de négocier les prix avec leurs fournisseurs. Vous, élus de terrain, qui connaissez bien la réalité des relations commerciales, notamment au sein des petites et des moyennes entreprises, savez que tout cela est pure plaisanterie ! Iriez-vous soutenir devant un petit patron de PME, dans le secteur de la charcuterie ou de la salaisonnerie par exemple, qui se voit facturer des marges arrière de 70 quand il lui vend ses produits à un prix de 100, que son distributeur n’a pas de possibilité de négociation ?

M. Antoine Herth. Très bon exemple !

M. Jean Gaubert. Il faut changer cela.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Certes, les conditions de la négociation appellent aujourd’hui des améliorations, notamment en matière de transparence. Et je suis le premier à les souhaiter. Mais ne faisons pas croire pour autant que les distributeurs ne peuvent pas négocier leurs prix d’achat aux petites et moyennes entreprises.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. La troisième idée reçue que je voudrais combattre est l’affirmation selon laquelle la loi empêcherait de supprimer les marges arrière. Curieux aveu de faiblesse, car ceux qui veulent supprimer les marges arrière peuvent parfaitement le faire dès à présent.

M. Jean-Paul Charié. Eh oui, grâce à la loi Galland !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. La preuve en est que dans de nombreux secteurs économiques qui relèvent de la loi relative aux relations commerciales, on ne constate aucun excès. D’autre part, le principe de coopération commerciale existe dans de nombreux pays. Le problème en France provient avant tout du fait que les grands industriels et les grands distributeurs pratiquent des marges excessives, qui ne correspondent plus à la réalité des prestations rendues.

M. Jean-Paul Charié. Eh oui !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Quatrième idée reçue sur laquelle j’appelle particulièrement votre attention, compte tenu des débats actuels : une hausse des tarifs liée à l’augmentation des matières premières doit se traduire automatiquement par une hausse équivalente du prix des produits finis, d’où une inflation galopante. Je vous le dis clairement, certaines hausses de tarifs annoncées sont à mes yeux abusives : elles ne sont nullement justifiées par la hausse du prix de certaines matières premières.

Mme Laure de La Raudière. Très juste !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Élu d’un département rural, je peux vous dire que lorsque le prix du lait augmente de 10 %, la répercussion sur le prix du produit fini vendu dans les rayons devrait être seulement de 2 % pour un yaourt et de 3 % pour un camembert. Nous sommes donc bien loin des augmentations à deux chiffres que certains brandissent.

Par ailleurs, je crois qu’on joue sciemment de la confusion possible dans l’esprit du public entre la hausse des tarifs proposés par l’industriel au distributeur et la hausse du prix de vente en magasin.

M. Jean-Paul Charié. Très juste !

M. Philippe Folliot. Sans oublier la hausse des marges !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Chaque année ont lieu des négociations entre industriels et distributeurs, au cours desquelles les producteurs proposent des hausses de tarifs, souvent élevées, du reste : ainsi, en 2006, les fournisseurs ont-ils annoncé une hausse de 8 % environ ; mais l’augmentation effective n’a été que 4 %.

La deuxième partie du projet de loi instaure des mesures spécifiques en vue de garantir le bon exercice de la concurrence dans deux secteurs emblématiques, qui suscitent des fortes attentes de la part des consommateurs : les communications électroniques – internet, téléphonie, télévision numérique – et le secteur bancaire. Secteurs où, il faut bien le reconnaître, l’exercice de la concurrence se révèle plus problématique qu’ailleurs, du fait de la spécificité de leurs offres mais aussi de certaines pratiques en vigueur, auxquelles il convient de mettre bon ordre.

Pour que le consommateur puisse véritablement faire jouer la concurrence, nos efforts doivent s’orienter dans deux directions.

Celle d’abord de la transparence : les offres doivent être suffisamment lisibles, en termes de contenu et de prix, afin que le client puisse les comparer et choisir son prestataire en parfaite connaissance de cause.

Celle ensuite de la mobilité : certains secteurs, comme la téléphonie mobile, dressent indéniablement de fortes barrières à la sortie pour les clients sous contrat ; le rapport Nasse l’avait souligné en 2003. Or, pour que la concurrence s’exerce, il faut que le consommateur soit libre de contracter avec qui bon lui semble.

Les communications électroniques ont connu une progression fulgurante depuis une dizaine d’années. Et il ne s’agit pas pour moi de stigmatiser un secteur qui a créé beaucoup d’emplois et d’activité dans notre pays. Entre 1997 et 2007, le nombre d’abonnés à des services de téléphonie mobile a été multiplié par dix, passant de 5 millions à 53 millions. Par ailleurs, avec plus de 15 millions de foyers équipés en haut débit, la France a l’un des taux de pénétration les plus élevés d’Europe.

La médaille a cependant son revers. La relative complexité des produits entraîne des taux de panne élevés. Le rythme soutenu des innovations déstabilise des publics qui, peu familiers des nouvelles technologies, sont totalement désemparés dès qu’un incident se produit. La multitude des types d’offres et de packs rend les prix peu lisibles, d’autant que le coût des services d’assistance n’est pas inclus dans le prix de l’abonnement. Enfin, les difficultés liées à la résiliation des contrats achèvent de détériorer la relation de confiance entre clients et opérateurs. D’après une étude récente du CREDOC, 65 % des consommateurs s’estiment insuffisamment protégés en matière de communications numériques. C’est le secteur pour lequel la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes reçoit le plus de plaintes : plus de 34 000 en moyenne chaque année, comme je l’indiquais lors des questions au Gouvernement.

La table ronde organisée en 2005 avec les opérateurs et les associations de consommateurs, à l’initiative de Patrick Devedjian puis de François Loos, avait dressé la liste des vingt et un engagements que devaient prendre les opérateurs et fournisseurs d’accès pour améliorer la relation avec les consommateurs, en particulier en matière d’information et de qualité de service. Deux ans plus tard, force est de constater qu’il reste beaucoup de progrès à accomplir. La table ronde que Hervé Novelli et moi-même avons organisée en septembre dernier a permis de faire le point sur ces engagements. Les résultats sont en dessous de nos attentes : seulement sept sur vingt et un ont été parfaitement tenus par l’ensemble des opérateurs.

Le quart des plaintes enregistrées par la DGCCRF est lié à des difficultés de résiliation de contrat. De nombreux consommateurs se plaignent, par exemple, de ne pouvoir obtenir le remboursement des sommes payées d’avance sur leur consommation ou des dépôts de garantie au moment de la résiliation de leur contrat. Cette situation est d’autant plus regrettable que je suis persuadé qu’il n’y a pas meilleur régulateur que le client final. Encore faut-il qu’il ne soit pas captif, ou pieds et poings liés…

Le projet de loi que nous vous proposons répond doublement à cette exigence : d’abord, en plafonnant à dix jours les délais de préavis de résiliation du contrat ; ensuite en contraignant les professionnels à effectuer le remboursement des dépôts de garantie et des sommes versées d’avance dans un délai de dix jours à compter du paiement de la dernière facture. En cas d’inexécution de la part du professionnel, une sanction civile permettra d’indemniser le consommateur.

Mais il nous faut aller plus loin, car les durées d’engagement représentent également un véritable obstacle à l’exercice de la concurrence, comme l’a souligné l’Autorité de régulation des télécommunications. L’amendement de Michel Raison adopté par la commission des finances, en prévoyant la possibilité pour le client de se libérer des mois de contrats restant dus en contrepartie d’un dédit raisonnable, va tout à fait dans le sens de la mobilité que j’appelle de mes vœux.

Le message que je souhaite adresser aux opérateurs est très clair : la fidélité ne doit pas être la captivité.

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Il faut que le client reste fidèle parce qu’il est satisfait des prestations offertes et pas uniquement parce qu’il est prisonnier d’un contrat.

L’article 7 du texte introduit deux mesures extrêmement attendues par les consommateurs : la gratuité des temps d’attente pour les appels aux services d’assistance technique et leur non-surtaxation. Dans le système actuel, le consommateur est souvent victime d’une double peine : non seulement la prestation n’est pas assurée par l’opérateur, mais en plus le client doit payer pour obtenir la remise en service… La loi récompensera désormais les bons élèves : ceux qui auront le moins de problèmes avec leurs clients auront logiquement moins d’appels. Ils subiront les coûts de services les plus faibles. Jusqu’à présent, le système récompensait au contraire les mauvais élèves, ceux qui enregistraient le plus d’appels de clients mécontents et pratiquaient les temps d’attente les plus longs : un comble ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Dans le cadre de la mesure proposée, les coûts du service après-vente seront réintégrés dans la facture d’abonnement : la même règle s’appliquera à tous. La transparence et la concurrence joueront alors entre les opérateurs de façon à favoriser les plus vertueux.

Le même impératif de concurrence s’impose dans un secteur ô combien important pour la vie quotidienne des Français : le secteur bancaire. Comme me le disait un de vos collègues ici présent : « De nos jours, il est plus facile de changer de conjoint que de banque ou d’opérateur téléphonique ». (Rires.)

M. François Brottes. Ça reste à prouver !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Pour être en mesure de faire pleinement jouer la concurrence, les consommateurs doivent aussi pouvoir répondre à une question simple : « combien me coûte ma banque ? ». C’est une autre grande innovation de cette loi : les clients recevront désormais un récapitulatif annuel des frais bancaires qu’ils payent au titre de la gestion de leur compte de dépôt. Ce relevé distinguera, pour chacun des produits ou services, leur nombre et le sous-total des frais perçus.

Dans le même esprit d’amélioration des relations entre les banques et leurs clients, la loi étendra le champ de la médiation bancaire, en élargissant l’obligation pour les établissements bancaires de prévoir un médiateur pour tous les litiges relatifs aux opérations bancaires, qu’il s’agisse de crédit, d’épargne ou de gestion de comptes.

M. François Brottes. Quel rapport avec le pouvoir d’achat ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Car si les méthodes de règlement amiable des litiges entre les consommateurs et les distributeurs se sont développées au cours des dernières années, si elles sont appréciées par les clients et les banques qui épargnent ainsi un temps et un argent précieux, les champs de la médiation excluaient jusqu’à présent la plupart des réclamations de consommateurs liées au crédit ou à l’épargne. Le texte corrigera cette anomalie.

Enfin, pour garantir la sérénité des rapports entre consommateurs et professionnels, il est indispensable que le droit régissant leurs relations soit le plus lisible possible. C’est pourquoi l’article 11 de ce projet de loi propose une recodification du code de la consommation, afin de tenir compte des évolutions récentes et d’anticiper les évolutions futures du droit de la consommation.

Mesdames et messieurs les députés, personne ne peut nier, M. le Premier ministre l’a rappelé hier, que les Français sont particulièrement attentifs à la question du pouvoir d’achat. Au contact de vos électeurs, vous le constatez tous les jours. Et nous avons la conviction que le projet de loi que nous vous proposons, parce qu’il touche à la vie quotidienne de nos concitoyens, à des postes de dépenses importants dans leur budget – alimentation et autres produits de grande consommation, services bancaires, téléphonie –, aura un impact sur leur pouvoir d’achat. Il contribuera également à fluidifier les relations entre consommateurs, distributeurs et producteurs et à les moderniser. Pour préparer ce texte, Christine Lagarde et moi-même avons procédé depuis le mois de juillet à de larges concertations avec l’ensemble des acteurs et travaillé de concert avec votre commission. Et je tenais à vous remercier, mesdames, messieurs les députés, pour votre mobilisation en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. À mon tour, je veux remercier M. Luc Chatel pour la qualité du travail que nous avons réalisé ensemble, ainsi que ceux de nos collègues qui nous ont aidés à travailler le plus sereinement possible sur un certain nombre d’amendements.

Le projet de loi que notre assemblée examine aujourd’hui constitue le deuxième pilier de l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat, le premier étant celui de la revalorisation du travail dont vous avez si bien parlé tout à l’heure, madame la ministre. Au mois de juillet dernier, nous avons en effet adopté la loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, qui vise à augmenter les revenus disponibles des Français, grâce notamment à la mesure phare de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Le présent projet affectera concrètement le quotidien de nos concitoyens, dont 53 % estiment que la question du pouvoir d’achat doit être traitée en priorité. Et je suppose qu’il en va ainsi depuis des siècles ! Certes, je n’ai pas réussi à trouver sur Internet de sondages datant du XVIe siècle (Sourires), mais j’imagine que le panier de la ménagère de l’époque devait être constitué à 80 % par la nourriture...

Il est important de souligner que les Français sont très attentifs à la défense du pouvoir d’achat, et plus encore ceux disposant des plus faibles revenus parce qu’ils ne bénéficient pas de la même panoplie d’achat que les autres. Le Président de la République les a entendus, puisqu'il a fait du pouvoir d'achat l’un des axes forts de son mandat. Ces difficultés, nous les percevons bien sur le terrain, et chacun de nous sur ces bancs, avec sa sensibilité, a à cœur d'y apporter des réponses.

M. François Brottes. Cela ne suffit pas !

M. Michel Raison, rapporteur. Afin que notre action soit efficace, il convient de garder à l’esprit qu'il peut exister un décalage entre l'inflation ressentie et l'inflation réelle, et que les augmentations enregistrées sur tel ou tel poste budgétaire doivent être appréciées au regard de leur part dans le total. Ainsi, les dépenses alimentaires, dont la hausse est hautement symbolique et fortement stigmatisée, ne représentent finalement que 11 % du budget des ménages en moyenne, 14 % si l’on inclut l’alcool et le tabac.

La hausse des dépenses de logement, qui occupent par ailleurs une part croissante dans le budget des ménages, est moins fortement médiatisée. Les frais de logement représentent pourtant 31 % du panier de la ménagère – si tant est que l’on puisse faire tenir le logement dans un panier ! – et le transport 15 %. Certains postes sont en constante évolution : on observera que les dépenses de téléphonie ont augmenté de 47,3 % ces dix dernières années. C’est dire s’il est important d’y consacrer un chapitre entier. Dans le même temps, la part des produits alimentaires a baissé de 66 %.

Ce serait donc une erreur de se focaliser sur les seuls produits de grande consommation. Il convient donc d'avoir une approche globale, ce que fait le texte. Ne nous laissons pas confondre par les messages alarmistes abondamment diffusés par certains distributeurs. Ces messages entretiennent la confusion entre la hausse des tarifs payés par le distributeur au fournisseur et la hausse des prix de revente au consommateur. Sous couvert de protéger les droits des consommateurs, ils sont animés d'arrière-pensées, de stratégies économiques dont nous ne devons pas être dupes.

Mme Laure de La Raudière et M. Philippe Folliot. Très juste !

M. Michel Raison, rapporteur. Le titre 1er du projet de loi, vise à mener à son terme l'évolution vers le triple net, amorcée dans le cadre de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Rappelons que cette loi était l’aboutissement d’une mission d’information décidée par le président Patrick Ollier – toujours président pour notre plus grand bonheur – et que le ministre des finances de l’époque n’était autre que l’actuel Président de la République. Le président de la mission était M. Luc Chatel, devenu depuis secrétaire d’État, et les trois co-rapporteurs Jean-Paul Charié, porte-parole du groupe UMP aujourd’hui, Jean Dionis du Séjour, porte-parole du groupe Nouveau Centre, et moi-même.

M. François Brottes. On ne vous dérange pas ? Il s’agit peut-être d’une réunion UMP ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. C’est une affaire de famille !

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Brottes, je vous rappelle que nous avions également eu la chance de compter parmi nous Jean Gaubert !

Je souhaitais faire ce rappel pour monter que les acteurs de l’époque avaient déjà le souci de faire aboutir ce dossier.

Le bilan de la loi de 2005 est à plusieurs égards positif, notamment s'agissant de la baisse des prix des produits de grandes marques et de l’augmentation de la part des PME dans les linéaires.

Le passage au triple net donnera aux distributeurs les moyens de baisser leurs prix en leur permettant de vendre à prix coûtant, donc à perte puisque les charges sont de 25 % environ. La totalité des avantages financiers versés par le fournisseur au distributeur pourra être intégrée dans le seuil de revente à perte, ce qui constitue une avancée pour le consommateur, tout en gardant une protection pour le fournisseur.

Ainsi que j’ai eu l'occasion de l'affirmer à plusieurs reprises, si je suis favorable au triple net, je suis en revanche plus hostile à la négociabilité des conditions générales de vente et à l'intégration de la coopération commerciale dans le tarif du fournisseur. Présentées fort habilement comme des mesures de simplification et de clarification des relations commerciales, elles n'auront d'autre effet que de consacrer le rapport de force extrêmement déséquilibré entre fournisseurs et distributeurs, alors que le droit actuel s'efforce de l'encadrer.

M. Jean Gaubert. Très bien !

M. Michel Raison, rapporteur. Elles pénaliseront tout d'abord les petites et moyennes entreprises, contraintes d'accepter des tarifs abusivement bas, compromettant gravement leur survie. Aucun consommateur n'a intérêt, me semble-t-il, à ce que les prix baissent en grande surface au point que l'entreprise dont il est l’employé soit obligée de fermer ses portes…

M. Serge Poignant. Absolument !

M. Michel Raison, rapporteur. Les PME seront également pénalisées car contraintes de verser au distributeur la rémunération d'une coopération commerciale dont la réalité ne pourra plus être contrôlée, ni le caractère fictif dénoncé. Cette fameuse coopération commerciale, qu’on appelle marge arrière, sera introduite dans le prix, à ceci près que le fournisseur la paiera comptant…

M. Jean-Paul Charié. Exactement !

M. Michel Raison, rapporteur. …sans pouvoir ensuite vérifier que le service est bien fourni. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je reste persuadé que la coopération commerciale réelle est indispensable aux PME qui fabriquent des produits non marquetés, alimentaires ou non, afin qu’elles puissent s’assurer un minimum de notoriété. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question au cours de la discussion. Attention donc aux fausses bonnes idées !

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Michel Raison, rapporteur. Enfin, les PME ne seraient pas les seules victimes collatérales de la guerre des prix entre distributeurs, à laquelle la négociabilité des conditions générales de vente conduirait immanquablement. N'oublions pas le commerce de proximité !

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

M. Michel Raison, rapporteur. Nous sommes tous attachés à la richesse que constituent nos petits et moyens commerces et au travail formidable qu'ils accomplissent au quotidien.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dans les centres-villes et les villages !

M. Michel Raison, rapporteur. On dit trop souvent qu’il n’y en a plus, alors qu’ils représentent près de 500 000 emplois. Le seul secteur de l’artisanat et du commerce alimentaire – bouchers, boulangers – représente 25 % des parts de marché du secteur alimentaire, soit deux fois plus que la plus importante des enseignes alimentaires.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai proposé à notre commission, qui l'a adopté, un amendement pérennisant le dispositif créé par la loi Jacob en faveur des petits commerçants indépendants qui se fournissent chez des grossistes, amendement qui avait été cosigné par le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur de la mission de l’époque.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est exact !

M. Jean-Paul Charié. Tous les grossistes sont contre !

M. Michel Raison, rapporteur. Pas tous !

Notre commission a également adopté un amendement à l'article 2, qui prévoit que la totalité de la relation d'affaires est encadrée dans une convention unique signée au plus tard le 1er mars. Lorsqu'il est débarrassé de ses excès, le formalisme est une garantie forte destinée à empêcher des dérives qui conduisent à la loi de la jungle plutôt qu’à celle du code du commerce.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Michel Raison, rapporteur. Mais je crois aussi que le droit doit pouvoir accompagner les évolutions de la vie économique et de la relation commerciale. C'est pourquoi notre commission a adopté un amendement…

M. le président. Monsieur le rapporteur, veuillez conclure.

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur le président, je dépasse mon temps de parole car j’ai quelques messages à faire passer au nom du président de la commission des affaires économiques, qui a renoncé à son temps de parole.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est la bouteille à la mer !

M. Michel Raison, rapporteur. La commission, disais-je, a adopté un amendement permettant aux parties de faire le choix d'un contrat cadre décliné en cours d'année sous forme de contrats d'application, afin que tout ne soit pas figé pour un an à partir du mois de mars. N’oublions pas en effet qu’il existe des produits saisonniers.

Enfin, soucieuse de veiller à la richesse et à la diversité de notre agriculture, notre commission a également adopté un amendement qui renforce l'interdiction des enchères inversées pour certains produits agricoles.

Le titre II comporte des mesures relatives au secteur de la téléphonie. Ce secteur a été marqué, tant en ce qui concerne la téléphonie fixe que la téléphonie mobile, par un certain monopole des opérateurs et M. le secrétaire d’État a bien expliqué tout à l’heure pourquoi. La commission proposera un amendement relatif à la durée d’engagement de vingt-quatre mois.

Je passerai rapidement sur la téléphonie,…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est dommage !

M. Michel Raison, rapporteur. …Luc Chatel ayant détaillé les mesures contenues dans le projet de loi, monsieur Dionis du Séjour.

Le titre III vise à renforcer la concurrence dans le secteur bancaire. Il élargit pour ce faire le champ de la médiation à tous les litiges relatifs au crédit et à l'épargne.

En outre, il renforce la transparence sur les tarifs pratiqués dans le secteur par les établissements de crédit. En effet, si les consommateurs bénéficient déjà d'une information quant à la grille tarifaire pratiquée par leur banque et si leurs frais bancaires sont déjà portés sur leur relevé de compte et marqués d'un pictogramme, en revanche ils ne sont pas véritablement en mesure de faire des comparaisons de tarifs. Or on sait que la mobilité bancaire reste très faible. En d'autres termes, la plupart de nos concitoyens restent toute leur vie dans le même établissement de crédit. La concurrence ne joue donc qu'à la marge sur ce segment du marché. C'est pourquoi ce texte prévoit un récapitulatif annuel des frais bancaires des consommateurs. Nous présenterons un amendement visant à inclure dans ce récapitulatif les agios versés par le client.

La concurrence dans ce cas peut être aussi dissuasive. Quand le Crédit agricole a perdu le monopole des prêts bonifiés, il n’a pas perdu ses clients agriculteurs ; il est simplement devenu meilleur en offrant des services plus performants et moins coûteux, d’où l’utilité de cette concurrence.

M. François Brottes. Séquence promotion ! (Sourires.)

M. Christian Jacob. C’est le bon sens près de chez nous !

M. Michel Raison, rapporteur. Par ailleurs, la commission a adopté un amendement du président Patrick Ollier, qui s'inscrit dans le droit fil des contributions de notre commission au Grenelle de l'environnement. Il s'agit ainsi de créer un étiquetage informant les consommateurs sur la qualité environnementale des produits qu'ils achètent.

Mme Laure de La Raudière. C’est très important !

M. Michel Raison, rapporteur. Nous devons avoir en permanence le souci de l’équilibre. La multitude d’acteurs qui œuvrent avant que le consommateur ne prenne possession de son produit nous impose une certaine sagesse afin de ne pas déstabiliser la société tout entière. Si nous pouvons être en désaccord avec certains des acteurs de toute cette filière, nous devons aussi les respecter. Voilà l’esprit dans lequel je souhaite que les débats puissent se dérouler.

En conclusion, comme nous sommes à l’heure de l’ouverture, je citerai le poète Charles Péguy – un homme d’ouverture : …

M. Jean Dionis du Séjour. Il n’était pas de gauche !

M. Michel Raison, rapporteur. … « Il est mauvais que les uns travaillent contre les autres ; les hommes doivent travailler les uns avec les autres ; ils doivent travailler à faire de leur mieux leur travail, et non pas à se servir de leur travail pour vaincre d’autres travailleurs ».

M. André Chassaigne. Il a écrit bien d’autres choses !

M. Michel Raison, rapporteur. Ce texte aidera le consommateur et favorisera la consommation. C’est pourquoi la commission l’a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Monsieur le président Ollier, si j’ai bien compris, M. Raison s’est exprimé également en votre nom…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Effectivement. Je renonce en effet à la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la commission des lois s’est saisie pour avis des principales dispositions du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, comme elle l'avait fait pour la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adoptée en juillet dernier. Le texte qui nous est soumis vise surtout à améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs dès le 1er janvier 2008, une ambition qui est loin d’être négligeable.

La démarche du Gouvernement, qui consiste à aller au bout de la logique de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, comporte plusieurs avantages. En premier lieu, elle permet une évolution progressive du cadre juridique des pratiques commerciales, dans un évident souci d'équilibre entre les acteurs.

En deuxième lieu, elle donne du temps à la concertation. L’amélioration durable du pouvoir d'achat des Français passe par la libre concurrence, la libre négociabilité des tarifs des fournisseurs, la suppression des marges arrière des distributeurs et la révision de la législation sur l'équipement commercial. Ce dernier sujet étant sensible, nous devons parvenir à des accords entre tous les acteurs, ce qui sera possible à condition de prendre un peu de temps.

Enfin, en troisième lieu, elle offre des avancées immédiates et concrètes aux ménages, spécialement aux plus modestes, qui apprécieront de ne pas devoir attendre un an avant de voir jugulée la hausse annoncée des prix des biens ou des services de grande consommation.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois adhère à la méthode retenue par le Gouvernement. Elle s'est donc contentée d'améliorer de manière concrète les mesures prévues par ce projet de loi. Je citerai, à cet égard, le maintien de l'obligation faite aux distributeurs de faire connaître à leurs fournisseurs le montant total des services rendus l'année écoulée avant de conclure la nouvelle convention annuelle déterminant leur relation commerciale, ainsi que l'élargissement aux petites entreprises du bénéfice du relevé annuel de frais bancaires dans lequel devront également figurer les agios.

La commission des lois a également apporté des précisions utiles. Elle a ainsi rendu leur cohérence rédactionnelle aux articles du titre IV du livre IV du code de commerce, oubliés par le toilettage auquel procède le projet de loi, opération rendue nécessaire par la suppression, en 2004, du principe de spécialité de la responsabilité des personnes morales. Elle a également précisé que les relevés de frais bancaires devront porter sur une année civile et être communiqués au plus tard à la fin du mois de janvier de l’année suivante.

Mais l’apport le plus fondamental de la commission des lois réside certainement dans son initiative visant à transposer la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. Pour ce faire, la commission avait, dans un premier temps, adopté un amendement reprenant les dispositions de l'article 1er du projet de loi en faveur des consommateurs, déposé sous la précédente législature mais jamais examiné. Je dois convenir que cette technique n'était pas la plus appropriée, en raison des réserves exprimées en 2006 par le Conseil d'État. J'ai donc remis l'ouvrage sur le métier, consulté des experts et je vous proposerai, de concert avec le président de notre commission des lois, un amendement alternatif qui tient compte des préoccupations du Conseil d'État et des impératifs juridiques liés à la nécessité de ne pas complexifier à l'infini notre régime des pratiques commerciales réglementées.

Je crois résolument au bien-fondé de notre initiative. La France, qui se veut exemplaire à l'approche de sa présidence de l’Union européenne, ne peut retarder plus longtemps la transposition d'un texte qui aurait dû intervenir il y a cinq mois déjà. Mais surtout, la transposition de la directive du 11 mai 2005 répond à un réel besoin. En adoptant l'amendement que nous vous proposons, Jean-Luc Warsmann et moi-même, vous permettrez aux consommateurs d'être beaucoup mieux protégés face à la tromperie, à la dissimulation et au harcèlement commercial. C'est donc, me semble-t-il, faire œuvre utile que de voter cet amendement.

Sous réserve des modifications qu'elle a adoptées et que je proposerai, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Certains trouveront peut-être que les dispositions prévues ne vont pas assez loin. Comme beaucoup de parlementaires, je suis convaincu que les consommateurs ont un rôle essentiel à jouer dans la gouvernance économique et j’appelle de mes vœux de grandes réformes afin de leur donner une place et des pouvoirs à la mesure de cet impératif. Je suis ainsi favorable à l’action de groupe, à un meilleur financement des associations de consommateurs et au renforcement de la médiation.

Mais, si ces réformes sont nécessaires, elles n'ont pas leur place dans le projet de loi d'aujourd'hui. Elles n’interviendront qu’à l'issue des concertations lancées en vue de l'élaboration du projet de loi de modernisation de l'économie. Chercher à brûler les étapes, au mépris de la possibilité pour les intéressés de donner leur point de vue, n'aboutirait à rien. Alors, ne boudons pas notre plaisir d'agir concrètement en faveur des Français. Votons ce projet de loi et réfléchissons ensuite ensemble aux réformes structurelles dont notre économie a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.

M. Jean Gaubert. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il y aura au moins un point sur lequel nous serons d’accord :...

Mme Laure de La Raudière. Ah !

M. Jean Gaubert. ...c’est qu’il est temps de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Si vous partagez ce constat, vous conviendrez que, depuis cinq ans, on ne leur en a pas donné beaucoup, ce qui constitue déjà une mise en cause des politiques que vous avez menées, madame la ministre, ou approuvées, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez député. Cela étant, je me réjouis de cette initiative puisque nous la partageons, surtout que, chacun le sait, la hausse des prix est bien réelle.

Vous qui faites la différence entre la hausse des prix ressentie et la hausse des prix effective, allez donc demander au consommateur quand il cherche au fond de sa poche à la fin du mois ! La hausse des prix, c’est du réel. C’est vrai, les matières premières ont augmenté et je suis d’accord avec le rapporteur Michel Raison qui vient de déclarer qu’elles avaient bon dos. Certes, les produits agricoles ont augmenté, mais cela ne justifie pas les augmentations constatées dans la grande distribution. Le pétrole aussi a augmenté, j’y reviendrai. À ce sujet, nous avons beaucoup de reproches à vous faire, madame la ministre. Mais il n’y a pas que cela : il y a aussi le logement, les charges, les transports. Je pourrais continuer l’énumération car de nombreux produits de première nécessité ont beaucoup augmenté pendant que d’autres baissaient, contribuant à contenir l’indice des prix. Sans doute est-ce pour cette raison que votre première décision au mois de juillet dernier aura été de redonner du pouvoir d’achat à quelques pauvres consommateurs qui en avaient bien besoin. Je veux parler du fameux paquet fiscal : 15 milliards d’euros ont été rendus à quelques milliers de privilégiés. Et, maintenant, vous prétendez qu’il n’y a plus de sous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous savez que vous ne dites pas la vérité !

M. Jean Gaubert. Vous commencez par vous délester des moyens que vous aviez, et ensuite vous voulez faire pleurer sur la situation budgétaire de notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Il faudrait de la hauteur de vue, de l’impartialité !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ces propos sont purement politiciens !

M. Jean Gaubert. Monsieur le président de la commission, vous aurez le temps de me répondre. Pour le moment, il me semble que c’est à moi que le président de l’Assemblée a donné la parole.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. Jean Gaubert. Vous vous abritez derrière les fameuses heures supplémentaires et vous avez refait la démonstration que M. Chatel a déjà faite en commission l’autre jour. Vous nous avez expliqué la situation enviable du nouveau Stakhanov du monde libéral, celui qui travaille...

M. François Brottes et M. Olivier Dussopt. Qui décide de travailler…

M. Jean Gaubert. ...quatre heures de plus par semaine, soit dix-huit heures de plus par mois, et reçoit 182 euros de plus par mois. J’aimerais bien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous le présentiez. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Donnez-nous au moins ses coordonnées et aussi, pendant que vous y êtes, son ADN ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Lezeau. N’importe quoi !

M. Philippe Folliot. C’est facile !

M. Jean Gaubert. Ce serait intéressant, parce que la réalité est tout autre. D’ailleurs, Mme Parisot l’a reconnu ce matin puisqu’elle a déclaré que le dispositif des heures supplémentaires concernait 30 % des entreprises. Ce qui signifie a contrario que 70 % ne sont pas intéressées... Ensuite, tous les salariés ne feront pas d’heures supplémentaires, et pas toute l’année. Autrement dit, il est faux, sinon malhonnête de faire un calcul mécanique et de déclarer que le problème est réglé… Les smicards sauront vous le rappeler. N’oubliez pas non plus que beaucoup d’entreprises pratiquent l’annualisation, laquelle gomme très largement le recours aux heures supplémentaires.

M. Jean-Paul Charié. C’est vrai.

M. Jean Gaubert. Pour en revenir au pouvoir d’achat, vous avez refusé de donner un coup de pouce au SMIC, vous n’avez augmenté les retraites que de 1,1 % et les allocations familiales ont été logées à la même enseigne. La redevance télé viendra grever les revenus modestes et la réponse qui nous a été donnée hier était tout à fait erronée – je préfère ce qualificatif à celui de malhonnête. En tout état de cause, plus de 700 000 de nos concitoyens seront concernés par cette amputation de leur pouvoir d’achat.

Par ailleurs, nous dénonçons votre inertie, sinon votre mauvaise volonté sur certains dossiers. Je pense au prix du pétrole. Madame la ministre, vous nous avez dit que vous aviez courageusement rencontré les patrons des industries pétrolières. Ils ne sont pourtant pas très nombreux : ils ont dû tenir dans un seul bureau !

M. Jean-Paul Charié. Mais ils pèsent lourd !

M. Jean Gaubert. Vous vous êtes contentée de les inviter à la modération. N’avons-nous décidément aucun autre moyen d’action ? En gros, vous leur avez demandé d’étaler les hausses sur quatre semaines… C’était la moindre des choses : il leur en faut largement autant pour répercuter les baisses de prix ! Rappelons tout de même que Total a réalisé 12,5 milliards d’euros de bénéfices l’année dernière et qu’il en fera sans doute autant cette année. Une convocation le week-end pour s’entendre dire qu’il faudrait être plus raisonnable, ce n’est vraiment pas cher payé !

Au-delà, se profile la question plus globale de l’énergie. Au cours de la précédente législature, la majorité a voté plusieurs lois de libéralisation. Nous vous avions alors expliqué que la situation du marché ne s’y prêtait pas. En effet, la loi de l’offre et de la demande ajuste les prix en fonction des rapports de force. Si l’offre est forte et la demande faible, les prix baissent ; mais si l’offre est faible et la demande forte, les prix montent. Or, pendant une dizaine d’années au moins, les prix de l’énergie continueront de monter parce que la demande sera plus forte que l’offre. Nous avons eu l’occasion de le dire et de le répéter devant le ministre de l’époque, M. Loos. Vous ne nous avez pas crus, ou vous préfériez agir autrement. Alors, vous avez inventé des mécanismes de plafonnement dont nous savons bien qu’ils ne résisteront pas, ne serait-ce qu’au courroux des institutions européennes.

Autre inquiétude : la modération des salaires. J’ai été content de vous entendre parler, madame la ministre, d’une conférence sur les salaires, parce que l’heure est plutôt à la « modération », pour ne pas dire au blocage des salaires dans le public comme dans le privé. Il faudra en parler car, en vingt ans, la part des salaires dans le produit fini a baissé de dix points dans notre pays. Sont-ce vraiment eux qui sont responsables des faibles marges de nos entreprises ? N’est-ce pas plutôt le manque d’investissement de certains entrepreneurs, ou encore les profits éhontés de quelques-uns ? Vous avez évoqué, mais il faudra aller beaucoup plus loin pour les limiter, les parachutes dorés, les stock-options et autres... C’est là que se trouvent les marges que les salariés et les ouvriers ont perdues.

M. André Chassaigne. Très juste !

M. Jean Gaubert. La situation pousse beaucoup de nos concitoyens au surendettement, car la tentation est forte puisque l’accès au crédit à la consommation est trop facile aujourd’hui. Nous vivons dans une France du paradoxe : d’un côté, ceux qui ont les moyens, qui sont à l’aise, et à qui l’on donne encore plus et qui peuvent faire étalage de leur richesse en passant leurs vacances sur un yacht, ou en s’affichant au Fouquet’s ; de l’autre, la France gagnée par la précarité, l’insécurité, en particulier celle des salariés. Dans un pays qui possède tant de richesses, ne pourrait-on, pour plus de justice, essayer de rapprocher les deux catégories ?

Puisque vous renoncez à la hausse des revenus – du moins, à celle des plus faibles d’entre eux –, vous essayez de nous « vendre » la baisse des prix. Cela mérite analyse. Déjà, vous ne parlez pas réellement de « baisse des prix », mais de « modération de la hausse », ce qui est très différent : en commission, je n’ai entendu aucun de mes collègues de l’UMP évoquer une « baisse des prix ».

Il est d’ailleurs paradoxal que, comme vous l’avez vous-même constaté, nous possédions le système de distribution le plus concentré, la grande distribution la plus répandue, et que notre pays soit celui où les prix ont le plus augmenté. Il convient de se demander pourquoi un système de ce type, dont on vante l’efficacité et la performance, conduit à augmenter davantage les prix.

Il suscite de surcroît un autre phénomène. Mme Parisot a noté que la hausse de la consommation avait été de 23 % sur les sept dernières années, pour une hausse de la production de 9 % et une hausse des importations de 66 %. Tout le monde n’en tirera pas nécessairement les mêmes conclusions, mais je pense que le fait que le secteur de la grande distribution soit aussi concentré, et qu’il puisse réaliser des appels d’offre sur d’aussi grandes quantités, favorise l’afflux de produits importés, notamment de Chine. Si l’on compare la situation de la France à celle de nos voisins allemands, on voit bien que le taux de pénétration de ces produits est beaucoup plus élevé chez nous. Il faut s’interroger sur la responsabilité de la grande distribution en ce domaine.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est le résultat de la loi Galland !

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas la première fois qu’on essaie de régler ce problème : il y a déjà eu les lois Royer, Raffarin, Galland, la loi NRE, la loi Dutreil, et les tentatives de M. Sarkozy en 2004, lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances. Toutes ces tentatives de réforme, bien que partagées, n’ont eu aucun effet.

M. Céleste Lett. Il faudrait donc ne rien faire ?

M. Jean Gaubert. Ce n’est pas ce que je dis, mon cher collègue.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Il faudrait réglementer et taxer toujours plus !

M. François Brottes. Vous, c’est la méthode Coué !

M. Jean Gaubert. Non, il faut simplement comparer ce qui a marché et ce qui n’a pas marché.

Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit que les prix des produits de la grande distribution avaient diminué de 3,5 % l’année dernière. Or j’ai eu beau chercher, je n’ai pas retrouvé ce chiffre dans les documents de l’INSEE. Mais j’ai dû me tromper de ligne.

Par ailleurs, j’ai eu connaissance en tout début d’année – comme vous-même, sans doute, monsieur le secrétaire d’État – d’une étude – et non d’un sondage – réalisée par « Familles rurales » à partir d’un panier type pour l’ensemble de la France – ou peut-être pour le seul milieu rural, mais celui-ci est particulièrement important dans notre pays. En 2006, la hausse était de 7,5 % pour les premiers prix, de 6,3 % pour les marques de la grande distribution, de 4,96 % pour le hard discount et de 3,93 % pour les grandes marques. On a dit tout à l’heure, avec raison, qu’il fallait avoir les bons chiffres ; en l’occurrence, le ressenti des Français se fonde sur de tels phénomènes, ainsi que sur le fait que les conséquences de la hausse des prix ne sont pas les mêmes pour tous. Comme chacun le sait, l’indice des prix est en effet calculé à partir d’un panier constitué de produits de première nécessité, achats obligés pour les plus faibles de nos concitoyens, et de produits de haute technologie, réservés à d’autres ; si bien que l’augmentation du prix des premiers se trouve masquée par la baisse du prix des seconds. Par exemple, il est vrai que le prix des écrans plats a chuté ces dernières années ; mais, comme le disait récemment un sociologue, on ne mange pas un écran plat tous les jours,…

M. François Brottes. Et tout le monde ne peut pas s’en payer !

M. Jean Gaubert. …tandis qu’on achète quotidiennement des produits d’alimentation. C’est ce qui justifie le « ressenti » – comme on dit – des Français les plus fragiles concernant la hausse des prix – qui est une réalité !

Telle est la situation qu’à votre tour, vous essayez de réformer. Passons donc à l’étude des principales dispositions de ce projet de loi.

Et commençons par les marges arrière, un système que je croyais être illégal. Il semble l’être moins que je le pensais, puisqu’on en vient à distinguer les « vraies » marges arrière des « fausses » – lesquelles, au moins, devraient en toute logique être déclarées illégales, sans même avoir besoin de légiférer ! Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé : en 2004, suite à la mission d’information déjà mentionnée, on avait voulu limiter les marges arrière ; résultat, elles ont continué d’augmenter ! Un système aussi opaque, sinon mafieux, ne se réforme pas : il faut l’interdire, parce qu’il est incontrôlable et qu’il donnera toujours lieu à des dérives. (Applaudissements sur les sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

MM. François Brottes et Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Et la libre concurrence ?

M. Jean Gaubert. Il y a quelques semaines seulement, tout le monde était d’accord pour le supprimer. Aujourd’hui, certaines PME réalisent qu’en fait, il leur est utile ! Comme je l’ai dit à un patron de ma connaissance, le téléphone a dû bien marcher ces derniers jours ! Les mêmes qui réclament leur suppression appellent dans le même temps leurs fournisseurs pour les menacer de mesures de rétorsion s’ils ne les acceptent pas. Ce double langage doit être condamné. Pourquoi ne pas aller jusqu’à renégocier les conditions générales de vente, comme l’a suggéré le nouveau porte-parole de l’Élysée – provoquant, si l’on en croit les dépêches, le juste courroux du rapporteur ?

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Ce n’était qu’une discussion !

M. Michel Raison, rapporteur. Ai-je l’air courroucé ?

M. Jean Gaubert. Il faut savoir ce que l’on veut : si l’on supprime les marges arrière, il ne faut pas toucher aux conditions générales de vente, parce que c’est le seul moyen de préserver la réalité des prix.

D’autres sujets importants brillent par leur absence, comme le référencement. Pour ceux d’entre vous qui ne le sauraient pas – mais ils sont rares –, le référencement est une pratique totalement illégale. Pour faire référencer un produit, vous devez d’abord aller à Genève.

M. Jean-Paul Charié. Oui : en Suisse ou en Belgique.

M. Jean Gaubert. Pourquoi ? Parce que la fiscalité n’y est pas la même et qu’on ne risque pas de passer sous les fourches caudines des règles européennes. Il est inutile d’amener le produit ; ce qui les intéresse, c’est votre carnet de chèques. Le chèque que vous ferez, ou que vous vous engagerez à faire – à vos risques et périls… –, permettra aux grandes enseignes de se développer dans d’autres pays – aux frais donc des consommateurs français. Genève quittée, vous devez aller à Créteil – en France, cette fois ! Là encore, inutile d’apporter votre produit, qui n’intéresse personne : seul le carnet de chèques est indispensable. Ensuite, vous gagnez le droit d’aller présenter votre produit dans une centrale régionale : enfin, vous pouvez en parler ! Mais ce n’est pas fini : si votre produit, cette fois, est bien référencé, vous devez encore faire le tour des grandes surfaces pour les convaincre de l’acheter à la centrale régionale !

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Cela n’est valable que pour les franchisés !

M. Jean Gaubert. Voilà ce qu’est le système du référencement. Il nous faut en interdire le paiement : parce que c’est, n’ayons pas peur de le dire, du racket ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C’est vrai !

M. André Chassaigne. C’est un système mafieux !

M. Jean Gaubert. Pourtant, je n’ai rien entendu à ce sujet.

M. Jean-Paul Charié. Attendez un peu !

M. Jean Gaubert. Je sais bien, monsieur Charié, que nous nous retrouvons dans ce combat.

D’autres méthodes encore sont à interdire. Ainsi celle, tout aussi illégale, qui consiste à se faire livrer des quantités importantes de marchandises tout en exigeant du fournisseur qu’il vienne chercher les invendus. Quand M. Leclerc dit : « Laissez-nous faire du commerce », il est tentant de lui répondre que faire du commerce, c’est prendre le risque d’acheter des produits, de les présenter en magasin et de ne pas les vendre – mais ce n’est pas tout à fait sa situation... Et lorsque M. Leclerc – qui nous a abreuvés de bonnes paroles ces derniers temps – nous explique qu’il ne peut répercuter son bénéfice sur le consommateur, on peut penser qu’il pourrait le distribuer à ses salariés – lesquels en seraient, j’en suis persuadé, très satisfaits ! (« Très bien ! », applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis Démagogie !

M. Pascal Terrasse. Ce n’est que la réalité !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il suffit de voir combien il les paye !

M. Jean Gaubert. Mais il n’y a sans doute pas pensé.

Le système des marges arrière, dont je parlais tout à l’heure, possède en outre un effet pervers et paradoxal : le fournisseur augmente son tarif parce que le distributeur va réclamer des marges, et le distributeur réclame des marges plus importantes parce que le fournisseur va augmenter son tarif. Résultat : comme le fournisseur a augmenté son tarif, le petit commerçant qui achète chez lui doit payer le prix fort – qui n’est pas le prix réel, dont il aurait dû pouvoir bénéficier. Le commerçant doit ensuite intégrer la différence dans ses marges avant, ce qui accroît encore l’écart de prix entre la grande distribution et le petit commerce. Il faut avoir aussi ce mécanisme à l’esprit pour appréhender le système dans lequel nous vivons.

Il faut aussi évoquer les délais de paiement : ils ont déjà été réduits sur les produits frais, mais il convient d’aller encore plus loin. M. Leclerc – comme il cause beaucoup, je suis obligé de le citer sans cesse – nous a avoué que leur coût serait de 11 milliards d’euros par an ; encore était-ce avec des taux d’intérêt à 2 ou 3 %, ceux-ci étant désormais de 5 % au moins – du moins les taux bancaires, car je ne parle même pas des crédits à la consommation !

S’agissant des conditions générales de vente, nous souhaiterions avoir l’assurance que la position défendue aujourd’hui par le rapporteur demeure valable jusqu’à la discussion du futur projet de loi, après les élections municipales.

C’est une bonne idée que de définir un seuil de revente à perte ; encore faut-il savoir à quel niveau il doit être fixé. Si l’on ne prend en compte que le prix d’achat minoré des marges arrière, sans y ajouter les frais de structure, de personnel et d’amortissement du magasin, cela revient de fait à entériner une revente à perte, au risque de provoquer le « nettoyage » de zones de chalandise entières par la grande distribution. Pour reprendre un exemple déjà évoqué en commission, si le patron d’un hypermarché comportant 120 000 références décide d’attaquer un commerce voisin, de 1 000 m², spécialisé en articles de sport, il lui suffit de proposer 5 000 articles au prix du seuil de revente à perte, et son concurrent fermera ses portes six mois après, le laissant seul « caïd » du secteur ! Voilà ce qu’il faut éviter,…

M. Jean-Paul Charié. Eh oui !

M. Jean Gaubert. …mais ce que vous proposez ne le permettra pas.

S’agissant des communications téléphoniques, vous avez fait de grandes avancées, et il faut vous en féliciter. Mais je crois qu’il faudrait encore aller plus loin. Je ne vais pas démonter le système, vous avez vu vous-même la façon dont on a « arnaqué » le consommateur avec des pratiques de lignes surtaxées. Vous proposez d’y mettre fin et vous avez raison. Mais il serait normal que les services après-vente intègrent aussi le coût de la communication, parce que si on les appelle, c’est parce que le travail n’a pas été réalisé correctement au départ.

L’accès aux services après-vente devrait donc être gratuit et pas simplement le temps d’attente jusqu’au premier opérateur. Après, vous pouvez êtes baladé à un deuxième, troisième, quatrième et, au bout de vingt minutes, vous entendre dire que vous devez revenir au point de départ. Même si cette communication est facturée au prix d’un appel local, le temps du consommateur a de la valeur ! Il m’arrive de dire qu’aujourd’hui, pour être un bon consommateur, il vaut mieux être un retraité capable de rester le temps nécessaire au téléphone. Si j’avais le temps, je vous raconterais comment on fait pour s’abonner à EDF ces jours-ci : ce n’est pas très simple !

Avant dernier sujet que je voudrais aborder : le problème du surendettement, absent de ce texte. Pourtant, vous savez que c’est l’une des plaies de notre société. On parle de responsabiliser le consommateur. Mais, ne devrait-on pas s’interroger sur la manière dont fonctionne le crédit ? Quelles garanties obtient le consommateur ? Comment s’arrange-t-on pour le tenter ? Quels sont les mécanismes du surendettement ?

Il ne s’agit pas tant du crédit bancaire – même s’il y aurait des choses à en dire – accordé avec un peu plus de précautions. Mais vous savez tous comment fonctionne le crédit à la consommation. Vous savez tous que des établissements s’affranchissent d’un certain nombre de règles déjà inscrites dans la loi. En plus, dans certains magasins, les salariés qui vendent de l’électroménager sont intéressés aux crédits à la consommation qu’ils font souscrire.

Dans la presse locale de ma région, il y a quelques jours, un ancien vendeur qui a quitté récemment le métier, expliquait : en principe, le vendeur touche 3 %, ce qui laissent une bonne marge aux organismes de crédits qui pratiquent des taux de 18 %. Le vendeur touche directement 3 % du crédit souscrit par l’acheteur d’une machine à laver ! Est-ce normal ?

Est-il normal de pousser les gens dans cette direction ? Ensuite, ils vont se retrouver dans une situation inextricable ! Le crédit à la consommation, le surendettement c’est la peine perpétuelle pour nos concitoyens ! La seule qui reste dans ce pays ! Quand vous tombez dans le surendettement, vous mourrez probablement surendetté ! Et encore, vous risquez d’aller voir ceux qui restructurent les crédits qui vont vous en rajouter une dose supplémentaire !

Au risque de freiner la consommation – parce que j’ai déjà entendu cet argument –, il faudra mettre un peu d’ordre dans ces systèmes qui finissent par coûter très cher à notre économie, mais aussi à beaucoup de familles. Dans nos permanences, nous recevons des gens qui balancent sur le bureau sept, huit, dix cartes qu’ils ne savent plus gérer. Ils ont souvent amorcé l’engrenage en prenant un deuxième crédit pour renflouer le premier. Au motif qu’il ne faudrait pas freiner la consommation, on ne ferait rien ! Nous allons vous faire des propositions sur ce sujet, parce qu’il est temps de responsabiliser complètement ces établissements qui, aujourd’hui, font leur bonheur sur le malheur des autres.

Sur le dernier sujet, je voudrais m’adresser à M. Luc Chatel, ancien député. Monsieur Chatel, vous avez commis, en 2003, un excellent rapport que nous avions salué les uns et les autres.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Merci !

M. François Brottes. C’était un bon député ! (Sourires)

M. Jean Gaubert. Mais ce qui est extraordinaire, c’est que le secrétaire d’État Chatel se situe très en retrait du député Chatel ! Très en retrait !

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est toujours pareil !

M. Jean Gaubert. Mais il n’est pas le seul dans cette situation. On en a vu d’autres !

M. François Brottes. C’est la rupture !

M. Jean Gaubert. Il était même peut-être le plus qualifié pour se mettre en retrait dans cette affaire. Monsieur Chatel, qu’en est-il de l’action de groupe ?

M. Jean Dionis du Séjour. Elle arrive !

M. Jean-Yves Le Déaut. Elle s’est évaporée !

M. Jean-Paul Charié. Pas du tout ! Elle est reportée !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Aux calendes ?

Mme Laure de La Raudière. Que vous êtes impatients !

M. Jean Gaubert. Celle que vous aviez préconisée, où est-elle ? Elle s’est évaporée ! Elle est reportée ? La méthode on la connaît : je fais des annonces, puis une loi. Il n’y a pas tout dans la loi ? Rassurez-vous, j’en ferai une autre !

M. Pascal Terrasse. On forme des groupes de travail et des commissions !

M. Jean Gaubert. On a eu six lois sur la sécurité entre 2002 et 2007, trois ou quatre lois sur l’énergie.

M. Serge Poignant. Excellents textes !

M. Jean Gaubert. C’est une méthode. Mais à chaque fois, c’est la fuite en avant : on fait des annonces qu’on ne peut pas assumer ! Eh bien, nous allons vous obliger à parler de l’action de groupe, pendant ce débat. C’est complètement nécessaire, cela ne peut pas être sans cesse reporté.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On ne refuse pas d’en parler !

M. Jean Gaubert. Vous aviez bien pointé les petites arnaques qui pèsent « peu » sur chaque consommateur, en tout cas pas assez pour le conduire à faire un procès. Mais elles rapportent beaucoup à ceux qui les pratiquent.

Imaginons qu’un opérateur prélève quinze euros de trop, tous les mois, à un consommateur. S’il a 2,5 millions de consommateurs, et que cette pratique dure depuis deux ans… ça fait déjà une belle somme !

M. Pascal Terrasse. Les services bancaires !

M. Jean Gaubert. Il aurait été utile que vous nous proposiez d’y réfléchir. En tous les cas, nous allons poser ce problème.

D’autres sujets auraient mérité d’être abordés, mais j’ai compris que mon temps de parole touchait à sa fin. Nous aurons d’autres occasions, au cours de ce débat, pour revenir sur un certain nombre d’entre eux. Mais, parce que vous ne manquerez pas de me poser la question, je voudrais indiquer en quoi ce texte est irrecevable.

Il est irrecevable d’abord, parce que – et je crois vous l’avoir démontré – il y a rupture d’égalité dans notre société, entre ceux qui ont beaucoup et à qui on donne plus encore, et ceux qui n’ont rien, à qui on promet sans donner.

Il est irrecevable parce qu’il ne répond pas à l’un des textes fondateurs de notre République : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Que disait-elle ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Audacieux !

M. Jean Gaubert. Je suis un peu étonné que vous en souriez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne l’avez pas lue pour dire ça, monsieur le député !

M. Jean Gaubert. Si je ne l’ai pas lue, on va la lire ensemble ! Je ne vais pas vous infliger toute sa lecture, rassurez-vous ! Je voudrais simplement citer une fin de paragraphe : « afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».

Alors, est-ce que votre texte fait le bonheur des Français ? Il ne fera pas le bonheur des consommateurs comme je l’ai déjà dit : votre seule ambition est de freiner la hausse plutôt que d’enclencher la baisse. Il ne fera pas le bonheur des salariés de la grande distribution, car il se pourrait même que leurs patrons s’en servent pour leur rendre la vie encore plus difficile. Il ne fera pas plus le bonheur des producteurs et des PME : ils ont peur de ce rapport de force très inégal avec la grande distribution, et ils savent que si l’on s’attaque aux conditions générales de vente, ce sera encore plus dur pour eux. Il ne fera pas, non plus, le bonheur des surendettés dont je rappelais qu’ils seront toujours condamnés à la peine perpétuelle.

C’est parce que ce texte ne fera pas le bonheur des Français, que je crois qu’il serait plus utile de le renvoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Pascal Terrasse. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le député Gaubert, vous allez avoir des éléments de réponses sur les divers points techniques que vous avez abordés pendant la présentation de votre exception d’irrecevabilité.

Mais, en avant-propos, je voudrais revenir sur la loi travail, emploi, pouvoir d’achat. À longueur d’interventions, j’entends dire qu’il s’agit d’une loi…

M. Pascal Terrasse. Et ce n’est pas fini !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je m’en réjouis, mais c’est pourquoi je vous apporterai toujours la réponse. J’entends dire que c’est une loi qui est consacrée, pour l’essentiel de ses ressources, à une infime minorité de gros patrimoines.

M. Pascal Terrasse. Et qui a coûté très cher.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Regardons la réalité des choses. De quoi parlons-nous ? D’un montant total de 15,5 milliards d’euros en année pleine, consacré à 80 % à trois mesures : la défiscalisation et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires, à hauteur de 6 milliards d’euros ; le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts de ceux qui souhaitent acquérir une résidence principale ; et enfin, l’exonération sur les droits de succession.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. D’une infime minorité !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Sommes-nous là en train de parler d’une infime minorité de gros patrimoines ? Bien sûr que non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le député Gaubert, je voudrais revenir sur les heures supplémentaires. Tout à l’heure, vous disiez qu’en commission, Mme Parisot avait indiqué qu’elles concerneraient 30 % des entreprises.

M. François Brottes. Des petites entreprises !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Merci de cette précision, monsieur Brottes. Pourquoi dit-elle 30 % ? Parce qu’aujourd’hui, on sait que 33 % des salariés effectuent d’ores et déjà des heures supplémentaires. L’enveloppe budgétaire dont je vous parlais tout à l’heure – à peu près 6 milliards d’euros en année pleine – a bien été calibrée sur les heures supplémentaires effectuées actuellement par les salariés. Compte tenu des mesures incitatives, il n’y a aucune raison pour que ce pourcentage diminue.

M. Pascal Terrasse. Et pour qu’il augmente non plus !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Donc, ce sont bien tous ces salariés qui effectuent déjà des heures supplémentaires qui en bénéficieront.

M. Pascal Terrasse. Vous le reconnaissez vous-même : les heures supplémentaires ne vont pas augmenter !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et nous espérons par ailleurs, monsieur le député, que grâce à la défiscalisation, à l’exonération de charges et à la remise de charges patronales, davantage d’entreprises souhaiteront faire effectuer des heures supplémentaires à leurs salariés.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C’est bientôt les fêtes. On peut toujours croire au Père Noël !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Sans compter que lorsque l’on injecte 6 milliards d’euros dans l’économie, c’est avec l’espoir de stimuler l’activité.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n’est pas le cas !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Mais cette mesure est en vigueur depuis le 1er octobre ! Soyez raisonnables !

M. François Brottes. Vous étiez au pouvoir avant !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Je voudrais revenir maintenant sur la question du pétrole, sur quelques constats que nous pouvons tous faire.

Toutes les énergies fossiles se raréfient. Dans ces conditions, que doit faire un gouvernement responsable qui agit pour le futur, et pas seulement pour les trois mois à venir ? Investir dans les énergies renouvelables, et encourager dans cette voie les sociétés qui, dans la production du pétrole, réalisent des profits importants. Que nous disent les dirigeants de Total, aujourd’hui ?

M. Pascal Terrasse. Qu’ils ont beaucoup d’argent !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Que m’ont-ils déclaré, ainsi qu’à Luc Chatel, lorsque nous les avons reçus longuement, comme les autres producteurs de pétrole ? Ils nous ont dit : 12 milliards d’euros de profits, 12 milliards d’investissements ; nous nous y engageons et nous le ferons, sans négliger les énergies alternatives.

M. Jean Gaubert. Et les rachats d’actions ? Et les hausses de dividendes ?

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. C’est un engagement important, de même que leur promesse de lisser les hausses sur quatre semaines. Cela paraît peut-être dérisoire ? C’est important aussi pour le pouvoir d’achat des ménages, tout comme leur engagement de répercuter immédiatement toute baisse des produits pétroliers. À cet égard, j’attire aussi votre attention sur le fait que les tarifs de l’électricité – qui comptent beaucoup pour nos concitoyens – restent encadrés, en dépit de l’ouverture des marchés. Nous nous y sommes engagés jusqu’en 2010.

Voilà ce que je voulais vous dire sur la relation que nous essayons d’entretenir avec les producteurs de pétrole, dans un climat de dialogue et de concertation, tout en sachant que nous devons impérativement changer nos modes de consommation. Cela passera par une période de transition. Nous devons tous y encourager nos concitoyens, et nous devons tous, par des actes citoyens au quotidien, modifier nos comportements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je voudrais finir sur certaines de vos déclarations que, en conscience, je ne peux pas accepter. Ainsi, vous avez évoqué la rémunération. Qui a réglementé ce que vous appelez les parachutes dorés ? C’est notre majorité qui a décidé que les parachutes dorés n’étaient acceptables que s’ils étaient assortis d’obligations de performance mesurée et révisée des dirigeants. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Qui a mis en place le revenu de solidarité actif, destiné à ramener vers l’emploi, le travail et l’intégration sociale, ceux de nos concitoyens qui en sont le plus éloignés ? C’est notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Avec 25 millions sur 15 milliards !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Qui essaie de remettre en cause une durée du travail véritablement récessionniste, compliquée, qui comportait trois SMIC, dix modes d’organisation du travail ? C’est encore notre majorité ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, en ce qui concerne le crédit à la consommation et les situations de surendettement. Qui propose aujourd’hui à la Banque postale d’entrer sur le marché du crédit à la consommation, pour exercer une pression à la baisse sur les taux d’intérêt consentis aux consommateurs, par le jeu de la concurrence ?

M. François Brottes. Pas avant 2010 !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. C’est notre gouvernement ! Pour toutes ces raisons…

M. Jean Gaubert. C’est vous qui êtes au Gouvernement, pas nous malheureusement !

M. Jean-Marc Roubaud. Vous y avez été !

M. Christian Jacob. Les Français ne veulent plus de vous ! On n’y peut rien !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Quand vous y étiez, vous n’avez pas pris toutes ces mesures !

Dernier point, en ce qui concerne l’action de groupe, monsieur le député Gaubert, nous y reviendrons. Nous devons poursuivre la réflexion sur deux niveaux : national et communautaire. Nous devons aussi le faire dans un esprit de concertation, dans une optique de soutien à l’économie, et non pas encourager un comportement de prédateur qui serait tout à fait néfaste à nos entreprises. C’est l’excellent Luc Chatel qui avait initié cette réflexion et, je vous rassure, il est tout aussi excellent comme secrétaire d’État qu’il l’a été comme député. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je serai bref.

Je ne doute pas de la bonne foi de M. Gaubert et de ses collègues s’agissant des crédits à la consommation.

M. Jean Gaubert. Merci !

M. Michel Raison, rapporteur. Cependant, je mets en garde le législateur quant au risque de déresponsabiliser la société en voulant protéger tous les Français indifféremment. Comme vous le savez, près de 75 % des surendettés le sont à la suite d’aléas de la vie que l’on ne peut par définition pas prévoir. Faut-il légiférer pour une petite minorité incapable de bien gérer ses affaires ?

M. Jean-Marc Roubaud. C’est toujours comme ça !

M. Michel Raison, rapporteur. J’ajoute que les plus endettés ne sont pas forcément les plus démunis.

Cela fait cinq ans que je suis parlementaire, et je vois des lois pour protéger les parents qui ne savent pas garder leurs enfants ou les quelques personnes incapables de gérer leur endettement : on verrouille tout au nom d’un principe de précaution appliqué à bien d’autres domaines qu’à celui de l’environnement.

Voilà ce que je voulais dire pour éclairer nos deux jours de débats.

M. Jean Gaubert. Deux, seulement ? Plutôt quatre !

M. Michel Raison, rapporteur. Au Danemark, une ville vient de supprimer les feux rouges et les stops pour les remplacer par des pancartes où est inscrit un message adressé aux automobilistes : vous êtes les responsables ! Résultat : il y a moins d’accidents dans cette ville que dans les autres. Méditons cet exemple pour nos débats à venir ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. M. Raison a toujours raison ! (Sourires.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Je veux d’abord vous féliciter, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour la présentation de ce texte d’équilibre.

M. François Brottes. D’équilibriste !

M. Christian Jacob. S’il est un domaine où il faut sortir des dogmes et avancer avec pragmatisme, c’est bien celui qui nous occupe aujourd’hui. On évoque l’accumulation des textes, de la loi Royer à la loi Galland, mais, en la matière, il convient d’avancer étape par étape : les comportements des consommateurs, comme ceux des distributeurs et des fournisseurs, évoluent.

Je suis donc étonné par votre argumentation, monsieur Gaubert : on vous a connu meilleur ! Invoquer, dans votre conclusion, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour plaider l’irrecevabilité….

M. Jean Gaubert. Et alors ?

M. Jean-Marc Roubaud. C’est ridicule !

M. Christian Jacob. …signifie tout simplement que le débat vous gêne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Gaubert. Pas du tout ! Vous aurez bientôt l’occasion de vous en rendre compte !

M. Christian Jacob. L’exception d’irrecevabilité vise à empêcher que le texte soit débattu. Cela m’étonne de votre part. Mais je soupçonne que la motion sera repoussée.

M. François Brottes. On dirait du Patrick Ollier !

M. Christian Jacob. Ces interventions nous offrent toutefois l’occasion d’évoquer certains sujets : comme Mme la ministre l’a indiqué, nous aurons par exemple l’occasion de revenir sur la question des actions de groupe.

À la suite du rapporteur, j’invite notre assemblée à être particulièrement attentive sur les conditions générales de vente : je considère pour ma part qu’elles sont de l’entière responsabilité du vendeur. Ouvrir la porte à la négociabilité peut offrir deux opportunités aux distributeurs : baisser la qualité du service ou en négocier le prix. Restons dans une logique d’équilibre, donnons la possibilité au fournisseur de pouvoir bloquer le paiement du service s’il estime que celui-ci n’est pas de qualité. Je suis donc, je le répète, très réservé, comme le rapporteur, quant à l’ouverture d’un débat sur la négociabilité des conditions générales de vente.

S’agissant du texte qui nous est présenté, il est équilibré, pragmatique et réaliste. Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir le Gouvernement et à repousser l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Pascal Terrasse. On va entendre exactement la même chose !

M. Jean Dionis du Séjour. Pas tout à fait, mon cher collègue.

Le texte n’est évidemment pas irrecevable, malgré l’évocation des droits de l’homme – c’est la règle du jeu ! La défense de la motion nous a toutefois permis d’entendre trente minutes de Jean Gaubert, ce qui est toujours intéressant.

M. André Chassaigne. C’était un grand cru !

M. Jean Dionis du Séjour. Certaines idées qu’il a défendues ne manquent d’ailleurs pas d’intérêt, et méritent d’être creusées : je pense par exemple à la définition d’un pouvoir d’achat alimentaire par opposition au pouvoir d’achat global, l’alimentation étant le poste de dépenses qui conditionne le plus le pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes. Je pense aussi au « référencement-racket », au problème des délais de paiement – nous avons en effet entendu en commission le chiffre de 11 milliards d’euros – et à la suppression des marges arrière.

Reste qu’avec le parti socialiste, le problème est toujours le même : le constat est très bon, les propositions un peu moins ! (Sourires.)

M. Jean Gaubert. Nous y viendrons, soyez patient !

M. Jean Dionis du Séjour. Je n’ai rien entendu d’extraordinaire jusqu’à présent !

M. Jean Gaubert. Je n’avais qu’une demi-heure !

M. Jean Dionis du Séjour. On peut dire beaucoup de choses en une demi-heure !

Pour une bonne idée – intégrer le SAV dans le forfait de base –, que de contradictions ! C’est d’ailleurs normal, tant l’idée de la concurrence vous déplaît, chers collègues socialistes.

Vous voulez supprimer la pratique des marges arrière tout en gelant les conditions générales de vente. Mais cela ne marche pas : entre 2005 et 2007, les marges arrière sont passées de 37 % à 39 % !

Plus fondamentalement, quel modèle économique proposez-vous pour contenir l’inflation ? Voilà la question !

M. Pascal Terrasse. La régulation !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est l’administration des prix et des tarifs ! Loi après loi, qu’il s’agisse des télécommunications, de la poste ou de l’énergie, vous voulez toujours administrer, comme en 1955 ! C’est la seule réponse du parti socialiste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Notre groupe est favorable à l’esprit du texte, qu’exprime bien son titre : « concurrence au service des consommateurs ». Voilà pourquoi il a hâte d’entrer dans le débat et ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Puisque M. Jacob s’est exprimé depuis le banc des ministres, j’interviendrai depuis celui des commissions ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. C’est promis, je ne recommencerai plus.

M. le président. Monsieur Chassaigne, revenons à nos usages : veuillez regagner votre place.

M. André Chassaigne. Je constate, monsieur le président, qu’il y a deux poids, deux mesures, entre l’orateur du groupe de l’UMP, « ex-futur » ou « futur ex-ministre », et les autres orateurs ! (Rires.)

M. le président. Je voulais en effet faire la leçon à M. Jacob sur ce point, mais excusez-le : il a gardé ses anciennes habitudes. (Sourires.)

M. Christian Jacob. On efface tout et on recommence ! (Sourires.)

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je serai bref, selon mon habitude, afin de ne pas réduire à néant l’époustouflante démonstration de Jean Gaubert, dont je suis sûr qu’elle a convaincu nos collègues de la majorité.

Je veux malgré tout souligner quelques points. En premier lieu, Jean Gaubert a bien mis en évidence le leurre selon lequel la réduction du coût du travail passerait par une hypothétique augmentation du pouvoir d’achat, laquelle résulterait de la baisse des prix. Que cache en réalité une telle logique ? Afin de ne pas augmenter les salaires, de ne pas toucher au SMIC, de ne pas augmenter les pensions, de ne pas donner un peu plus de bonheur et de mieux vivre aux habitants de notre pays, on feint de vouloir baisser les prix. Chacun sait que cela ne se passera pas ainsi : vous pouvez toujours expliquer ce que vous voulez, le système libéral ne connaît que la règle du profit sans limites, et ceux que vous soutenez dans cette logique ne se laisseront pas intimider par votre projet de loi.

Par ailleurs, notre assemblée est composée d’élus de territoires où l’on trouve des petites et moyennes entreprises et des exploitants agricoles, lesquels sont les fournisseurs de la grande distribution. Vous parlez beaucoup, madame la ministre, monsieur le rapporteur, des consommateurs : vous en parlez tant que cela cache peut-être une certaine vacuité. Mais vous ne parlez presque jamais des fournisseurs de la grande distribution !

M. Michel Raison, rapporteur. J’en ai parlé !

M. André Chassaigne. Or, au final, ceux sont bien eux, PME et agriculteurs, qui seront les grands perdants : quand on laisse le renard libre dans un poulailler libre, ce sont toujours les petits qui trinquent ! La grande distribution, elle, continuera d’engranger des profits faramineux.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est pour cela qu’il faut réformer, camarade !

M. André Chassaigne. Je me méfie d’une réforme venant des adeptes d’un libéralisme à tous crins !

Le troisième point concerne l’arnaque quotidienne à laquelle se livrent les grands distributeurs auprès des consommateurs. Le projet de loi permet-il d’y porter un coup fatal ? Nous aurons l’occasion d’y revenir lors du débat sur les amendements. Toutefois, si l’on donne aujourd’hui une satisfaction maigre et provisoire aux consommateurs, chacun sait qu’à long terme, lorsque la grande distribution jouira d’un monopole total et que les actionnaires réclameront toujours plus de profits, ce sont les consommateurs qui paieront.

Je termine par un reproche à mon ami Jean Gaubert (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui, s’agissant de l’inconstitutionnalité du projet de loi, a oublié la Charte de l’environnement, laquelle figure pourtant dans la Constitution. Je vous invite, mes chers collègues, à relire ce texte dont on a beaucoup parlé lors du Grenelle de l’environnement. Quand nos produits alimentaires viendront d’Amérique du Sud ou d’Europe de l’Est, que nos PME auront mis la clé sous la porte et que les productions seront délocalisées, les transports s’accroîtront en conséquence et les émissions de gaz à effet de serre en seront démultipliées.

M. Jean-Marc Roubaud. C’est du Zola !

M. André Chassaigne. Pas du tout : chacun connaît cette réalité.

M. Jean-Marc Roubaud. Caricature !

M. André Chassaigne. Cet aspect, malheureusement oublié par Jean Gaubert, justifie cette exception d’irrecevabilité, que les députés communistes, et plus largement la Gauche démocrate et républicaine, voteront évidemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Olivier Dussopt. Je ne reviendrai que rapidement sur les arguments développés par Jean Gaubert et André Chassaigne en faveur de l’irrecevabilité du texte : j’y souscris pleinement.

Grâce à ces échanges, nous avons pu constater que la majorité, à en croire l’orateur qui est intervenu pour l’explication de vote, adhère aux dogmes défendus par la Commission européenne et par certains économistes, qui estiment que la seule solution, pour assurer le bonheur et l’émancipation des individus, est le marché, le libéralisme et la concurrence à outrance. Une telle confirmation est intéressante ; elle nous permet en tout cas de défendre notre position en faveur de la régulation des activités marchandes. Nous acceptons l’économie de marché, mais pas la société de marché. Cela exige des textes, des autorités, des institutions.

Le présent texte, qui ne protège les consommateurs que par son nom, ne propose aucun véritable outil de régulation. Comme l’indiquait M. Gaubert, ce projet de loi manque d’ambition : il se contente d’appeler à la modération des prix sans recourir à leur encadrement, notamment pour les produits de première nécessité, que les Français ont de plus en plus de mal à payer.

Il manque aussi d’ambition en matière de référencement, lequel est insuffisamment pris en compte. Je salue à cet égard la démonstration époustouflante de Jean Gaubert sur les bakchichs, qui s’apparentent à un véritable trafic visant à faire payer toujours davantage les fournisseurs pour assurer la promotion de leurs produits.

Le texte manque également d’ambition car il n’évoque pas assez les pratiques consistant à acheter beaucoup pour payer moins cher, puis à retourner les invendus – je pense en particulier aux produits agricoles, comme les fruits, qui présentent un défaut quelconque, esthétique par exemple.

Enfin, le texte manque d’ambition sur la question des délais de paiement, ces 11 milliards d’euros évoqués par Michel-Édouard Leclerc, qui s’apparentent à une trésorerie des grossistes sur le dos des producteurs.

À ce manque d’ambition s’ajoute une certaine confusion : lorsque le rapporteur a évoqué tout à l’heure les « vraies » et les « fausses » marges, j’avoue que j’étais un peu perdu. Pour ma part, je ne connais que les marges arrière, que nous devons encadrer pour que les Français qui souffrent aient plus facilement accès aux produits de consommation.

Je ne reprendrai pas tous les arguments développés par Jean Gaubert, mais j’ai cru un instant qu’ils pourraient convaincre les membres de la majorité par leur clairvoyance et la clarté avec laquelle ils ont été exposés. Nous pourrions en ajouter encore quelques-uns, mais je n’aurai pas la cruauté de revenir sur les actions de groupe – qui figuraient dans le rapport d’un député devenu ministre mais qui n’ont pas trouvé leur place dans ce texte – ni sur les télécommunications, encore moins sur le surendettement, qui frappe durement un grand nombre de Français modestes qui, tentés par des appels incessants à la consommation, souscrivent des crédits à des taux d’intérêt proches de l’usure et mettent des années, voire leur vie entière, à sortir de ce piège aux conséquences dramatiques qu’est le surendettement.

Ce texte est parfois présenté comme le complément de la loi sur l’emploi et le pouvoir d’achat, adoptée au mois de juillet. À ce propos, madame la ministre, je vous indique que le nombre d’heures supplémentaires n’augmentera pas. Une chose est sûre : en vous référant sans cesse au slogan « travailler plus pour gagner plus », vous prétendez responsabiliser les travailleurs, mais j’aimerais que l’on me présente le salarié qui osera demander à son employeur de lui payer en heures supplémentaires un surcroît de travail quotidien qu’il effectuerait parce qu’il aurait besoin d’argent !

M. Pascal Terrasse. Les conseillers de votre ministère, madame, font-ils des heures supplémentaires ? Sont-elles défiscalisées ?

M. Olivier Dussopt. Ce texte manque d’ambition, parce qu’il ne répond pas aux questions que se posent les Français, et c’est pourquoi nous voterons cette exception d’irrecevabilité.

Mesdames et messieurs de la majorité, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, depuis six ans que vous êtes au pouvoir,…

M. Christian Jacob. Que voulez-vous, les Français ne veulent pas de vous ! (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Olivier Dussopt. …vous avez étouffé le pouvoir d’achat des Français et vous n’avez eu de cesse de démanteler le service public et de porter atteinte au code du travail ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Roubaud. Bla-bla-bla !

M. Olivier Dussopt. Mon cher collègue, c’est ce que ressentent les Français !

M. Jean Dionis du Séjour. Avez-vous des solutions, camarade ?

M. Olivier Dussopt. Ainsi êtes-vous parvenus à construire une société sans plaisir, où de plus en plus de Français travaillent à temps plein…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Dussopt. …sans réussir à boucler leurs fins de mois ni à accéder aux produits de première nécessité, en somme à préserver leur dignité.

Pour toutes ces raisons, qui s’ajoutent à celles évoquées par Jean Gaubert, vous ne serez pas surpris, mes chers collègues – et je vous invite à nous imiter – que nous votions l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, disons-le sans ambages : ce projet de loi – qui doit être suivi, après les élections du printemps prochain, d’un texte plus vaste sur le même sujet – vise à donner plus de pouvoir encore aux enseignes de la grande distribution pour leur permettre de racketter l’immense majorité de leurs fournisseurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Censi. On vous a connu meilleur !

M. Michel Piron. Tout en nuances !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela commence bien !

M. André Chassaigne. Et puisque notre question préalable concerne essentiellement l’agriculture et l’alimentation, permettez-moi de vous rappeler les paroles fortes qu’a prononcées le Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) dans son discours de Rennes sur l’agriculture.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Bravo !

M. André Chassaigne. « Je veux, disait-il, préparer à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne un nouveau cadre politique pour notre agriculture en Europe, basée sur des principes fondamentaux : assurer l’indépendance et la sécurité alimentaire de l’Europe, contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux, préserver les équilibres de nos territoires ruraux…

M. Yves Censi. Excellent !

M. André Chassaigne. …et participer à la lutte contre les changements climatiques et à l’amélioration de l’environnement ».

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Il a raison !

M. André Chassaigne. Je ne suis pas certain que Nicolas Sarkozy ait mesuré la portée et les implications concrètes de ses propos (« Mais si ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) car ce qui perçait dans son discours, c’était surtout le souci d’être en phase avec le monde agricole !

En effet, ces quatre principes sont incompatibles avec le texte de loi que vous nous présentez aujourd’hui comme avec l’orientation actuelle de la politique agricole commune et les termes mêmes des négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce.

C’est d’autant plus vrai qu’une loi plus libérale encore est déjà annoncée pour le printemps, après les élections municipales de mars 2008 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. C’est Mme Soleil !

M. André Chassaigne. Pire encore, selon Le Figaro (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) du 17 novembre, les choses pourraient encore aller plus vite. Je cite ce journal : « Nicolas Sarkozy réfléchit à accélérer la réforme des règles qui encadrent les relations commerciales entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs ». « Il suffirait », ajoute le journaliste, « d’un amendement à la loi Chatel pour y intégrer des éléments nouveaux qui ne devaient être abordés qu’au printemps avec la loi sur la modernisation de l’économie ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas d’amendement en ce sens, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. On nous propose de légiférer à deux reprises en l’espace de quelques mois pour libéraliser le droit du commerce, alors même que l’Europe a déjà consenti, dans le cadre des discussions de l’Organisation mondiale du commerce, à baisser ses tarifs douaniers agricoles de plus de 50 % en moyenne – voire beaucoup plus sur des produits sensibles comme les viandes, notamment bovine et ovine.

Dans les secteurs de l’industrie et des services, le commissaire Mandelson continue, dans le cadre de son mandat, de négocier pour tenter de parvenir à un accord sur la baisse des tarifs douaniers. Si un compromis est finalement obtenu, cette forte baisse sera soumise à la ratification des membres de l’OMC. La publication du texte de compromis, nous l’avons appris hier, est même annoncée pour février 2008 !

Quel rapport, me demanderez-vous, avec le présent projet de loi ?

M. Jean Dionis du Séjour. C’est une bonne question ! (Rires.)

M. André Chassaigne. En effet, et je peux vous apporter la réponse : la baisse des tarifs douaniers agricoles et la libéralisation accrue des échanges permettront aux enseignes de la grande distribution, par le biais des importations spéculatives à la baisse, de faire encore davantage pression sur leurs fournisseurs hexagonaux.

Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le secteur économique des bovins à viande, vital pour l’aménagement du territoire – mes collègues élus du Massif central le savent bien – sera mis en difficulté et risque de perdre très rapidement l’essentiel de son potentiel de production.

Plus généralement, comme le montre la flambée que subissent depuis quelques mois les prix de certaines matières premières agricoles, nos agricultures ont besoin de régulation, de réserves de sécurité s’agissant de produits vitaux comme les céréales, mais aussi de productions de proximité afin de dépendre le moins possible des importantes fluctuations de prix sur les marchés internationaux. Quant à nous, consommateurs, voulons être assurés de trouver dans nos assiettes des produits sains, dont nous connaissons l’origine et le mode de production.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Mes chers collègues, nous sommes des élus du peuple, qui nous a investis, dans nos circonscriptions respectives, de la mission de légiférer au service de l’intérêt général. Je vous le dis avec solennité : nous ne serions pas dignes de sa confiance si nous laissions les adeptes du « tout marché » spéculer sur les produits alimentaires comme ils spéculent sur le cuivre, sur l’or ou sur l’euro. Nous sommes en train de changer d’époque et l’alimentation humaine est désormais en concurrence avec les agro-carburants, ce qui risque de faire fluctuer les prix et de relancer le productivisme agricole et la déforestation.

Notre responsabilité en tant que décideurs politiques n’en est que plus lourde. Nous qui avons des comptes à rendre aux citoyens qui nous ont élus, allons-nous laisser des technocrates irresponsables, déconnectés du réel, qui se conduisent déjà comme d’inconscients criminels de guerre économique qui s’ignorent, décider à notre place dans des instances comme l’OMC ou la Commission européenne ?

Comment ces gens-là peuvent-ils négocier en faisant mine d’ignorer que plus de deux cents ans ont passé depuis la théorie des avantages comparatifs de l’économiste anglais David Ricardo, qui affirmait que la spécialisation des nations dans leurs secteurs les plus productifs, dans le cadre d’une libre concurrence, était nécessairement bénéfique ?

M. Jean Dionis du Séjour. Tiens, vous ne citez que des libéraux !

M. André Chassaigne. Mais à l’époque, la planète comptait un milliard d’habitants, contre plus de six milliards aujourd’hui et plus de neuf milliards dans moins de cinquante ans ! N’avons-nous rien à dire à ce propos ? Si nous laissons faire cela, nous serons jugés sévèrement par les citoyens de nos territoires respectifs, et nous l’aurons bien mérité !

Nous ne pouvons pas légiférer sur le commerce en France sans prendre en considération ce que préparent les autres instances ! Et ce qui me préoccupe, c’est qu’alors que nous discutons d’un projet de loi, en novembre, vous nous en annoncez un autre pour le printemps prochain sur le même sujet. Vous-même, madame la ministre de l’économie et des finances,…

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et de l’emploi ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Et du chômage, plutôt !

M. André Chassaigne. …avez déclaré au journal Le Monde, le 15 novembre, pour en quelque sorte vendre la mèche…

M. Jean Dionis du Séjour. Ne lâchez rien, madame la ministre !

M. André Chassaigne. …que ce projet de loi n’était qu’une première étape.

M. Michel Raison, rapporteur. Vous êtes le porte-parole du Gouvernement ?

M. André Chassaigne. Je vous cite : « Il y en aura une deuxième ensuite, le Président de la République s’y est engagé. Le principe de la négociabilité totale de vente et des tarifs va être examiné ». Quel aveu !

M. Jean Dionis du Séjour. Cela ne fait trembler personne !

M. André Chassaigne. Et vous ajoutez, à propos de cette seconde étape : « Cela devrait nous permettre, dans une conjoncture de hausse du prix de l’énergie et des matières premières, de soutenir le pouvoir d’achat ». En somme, vous cherchez à faire passer votre libéralisme sans limite en contrebande – une goutte par-ci, une goutte par-là – pour que tous s’y habituent.

Si je comprends bien la stratégie du Président de la République et de son gouvernement, ce projet de loi a pour but de rassurer les consommateurs, bien sûr, mais aussi les paysans, les PME de l’agro-industrie et leurs salariés, ainsi que les petits commerçants, avant les élections municipales, et avant que votre loi, madame Lagarde, n’ouvre totalement les vannes, donnant les pleins pouvoirs à la grande distribution pour qu’elle puisse noyer les fournisseurs trop petits pour se défendre contre la force de frappe des centrales d’achat !

Mes chers collègues, je vous le dis avec gravité : quel que soit le groupe parlementaire au nom duquel vous allez voter, n’approuvez pas ce qu’il me faut malheureusement appeler une forme de forfaiture (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre)…

M. Jean Dionis du Séjour. Du calme !

M. André Chassaigne. Ouvrez le dictionnaire, mes chers collègues, et vous constaterez que le mot « forfaiture » a des sens différents ! Je le prends, pour ma part, dans un certain sens,…

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Lequel ?

M. Michel Raison, rapporteur. Un sens de gauche !

M. Michel Piron. Un sens allégé !

M. André Chassaigne. …celui d’une tromperie en deux épisodes, le prochain étant l’arrivée d’un autre projet de loi au printemps.

Car la seconde loi doit servir, je le répète, à donner les pleins pouvoirs à la grande distribution, conformément aux recommandations de la commission Attali,…

M. Michel Piron. Vous allez gêner vos camarades socialistes !

M. André Chassaigne. …lesquelles s'inspirent surtout des objectifs affichés par l'ancien ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy, qui prétendait, lorsqu’il était à Bercy, faire baisser les prix de 4 % en quelques mois.

Cette « commission pour la libération de la croissance française » – quelle belle expression ! –, que le Président de la République a fait piloter par un ancien conseiller de François Mitterrand toujours en quête de notoriété, prétend qu'il suffirait de promouvoir le développement anarchique des grandes surfaces en France pour que les prix à la consommation baissent, comme par miracle. Or la France compte 223 mètres carrés de centres commerciaux pour 1 000 habitants, contre une moyenne de 192 mètres carrés pour l'ensemble de l'Union européenne. Et les nouvelles ouvertures, comme les nouveaux agrandissements, ont lieu en permanence, en dépit des lois Galland, Raffarin ou Royer. Décidément, le développement de la grande distribution est, dans notre pays, un long fleuve tranquille !

Je n'ai pu assister à l'audition de Jacques Attali, le 14 novembre,…

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est dommage !

M. André Chassaigne.…mais je sais que plusieurs de nos collègues ont émis de sérieuses réserves sur certaines préconisations de cette commission concernant la libéralisation du commerce. C'est notamment le cas de Jean-Paul Charié, Jean Gaubert, Serge Poignant, Christian Jacob, François Brottes ou encore Jean-Louis Gagnaire,…

M. Michel Piron. Tous gens raisonnables !

M. André Chassaigne.…et j’en oublie sans doute. Prétendre qu'il suffirait d'ouvrir demain de nouveaux grands magasins pour faire baisser les prix…

M. Jean-Paul Charié. Ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. André Chassaigne. Je m’appuie précisément sur ce que vous avez dit ! Essayez de suivre !

Mme Marie-Louise Fort. Vous êtes trop long !

M. André Chassaigne. Prétendre, disais-je, qu’il suffirait d’ouvrir demain de nouveaux grands magasins pour faire baisser les prix, c’est ne pas vouloir regarder ce qui se passe aujourd’hui en France, du fait du comportement prédateur des grandes enseignes de la distribution. Outre les marges arrière, dont Jean Gaubert a longuement parlé tout à l’heure, celles-ci disposent de moyens de pression considérables sur leurs fournisseurs. Elles en usent et en abusent à l’encontre des producteurs de fruits et légumes frais, comme nous l'observons chaque été et, comme nous l'avons vu durant toute l'année 2007 sur des produits aussi basiques que les salades.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Pour des fruits et des légumes aussi variés que la fraise, la pêche, la poire, la pomme, le melon ou la tomate,…

Mme Marie-Louise Fort. Ou les scoubidous ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …les centrales d'achat des grandes enseignes recourent à l'importation et au stockage préventif pour faire chuter les cours des produits de l’Hexagone dès leur mise sur le marché. Or je ne vois rien dans ce projet de loi qui soit susceptible de mettre fin à ce racket.

Prenons un autre sujet au cœur de l'actualité : depuis plusieurs mois, les éleveurs de porcs se ruinent, car les prix des aliments composés qu'ils achètent pour produire de la viande ont augmenté de plus de 40 %, alors que celui du porc ne cesse de baisser. Cette baisse, favorisée par une légère surproduction européenne, permet aux grands distributeurs de faire pression sur les abattoirs, en jouant sur les importations intracommunautaires pour gonfler leurs marges. Cette politique prédatrice s'accompagne de quelques opérations de promotion aux effets souvent pervers, dans la mesure où elles détournent certains consommateurs de la viande porcine quand les prix promotionnels disparaissent. Ce qui se passe à propos du porc donne une idée de ce qu'il adviendrait des prix payés aux producteurs français en cas d’accord de réduction des tarifs douaniers agricoles à l’OMC pour d’autres produits.

Si l'on veut la transparence des prix, il faut se donner les moyens de contrôler les marges de chaque intervenant, d'un bout à l'autre de la chaîne. Bien que nous ayons voté un texte permettant d'instituer un coefficient multiplicateur en cas de chute des prix à la production, cette mesure n'a pas été mise en œuvre l'été dernier, parce que Bercy craignait de déplaire aux grandes enseignes ! Votre projet de loi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ne donne aucun moyen pour contrôler les marges des distributeurs, et celui, à venir vise bien au contraire à leur donner encore plus de pouvoir, alors qu'ils en ont déjà trop.

Dans une tribune récente, publiée par un excellent journal, L'Humanité (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dans le cadre d'un débat contradictoire sur les prix à la consommation, le président de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution, M. Bédier, déclarait à propos de la réforme dont nous débattons aujourd'hui et de celle qui doit lui succéder : « peut-être n'empêcherons-nous pas certaines hausses de prix, mais les acteurs auront la capacité de négocier les prix les plus compétitifs du marché ». Jérôme Bédier ajoutait que la réforme de la loi Galland « faciliterait la négociation avec les industriels des grandes marques, qui jouissent souvent d'une rentabilité élevée ». C’est exactement ce que vous venez de dire, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et messieurs les rapporteurs. Mais, comme vous, Jérôme Bédier omet de dire que les distributeurs ont réalisé en 2006 une marge moyenne de 34 % sur les produits achetés à ces fournisseurs puissants et que cette marge s'est élevée à 35 % en 2007 si l'on en croit Olivier Desforges, le président de l'ILEC, l'association de ces gros fournisseurs, à laquelle adhèrent notamment Danone, Nestlé et L'Oréal. En occultant cette dimension, celle du profit maximal, celle de l’argent roi, vous me faites penser à cette expression populaire : « Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles de Courson et M. Yves Censi. C’est du Lao-Tseu !

M. André Chassaigne. Pourtant, on aimerait croire au plan de la négociation facilitée ! Mais les choses ne se passent pas ainsi. Le mois dernier, Danone faisait savoir à ses actionnaires que toutes les hausses proposées par la multinationale de l’agro-alimentaire avaient été acceptées par les distributeurs, tout simplement parce que les volumes de produits estampillés Danone rendent celui-ci incontournable pour des distributeurs comme Auchan, Carrefour ou Leclerc. Durant la même période, Danone a vendu son pôle biscuits, dont la rentabilité a toujours été bonne, mais plus faible que celle des pôles boissons et produits laitiers, en raison de la concurrence des PME dans le créneau des biscuits. Cette vente lui sert à renforcer sa position sur les créneaux les plus juteux pour lui. Le géant anglo-néerlandais Unilever, mot que je ne prononce pas très bien, madame la ministre, n’ayant pas une expérience suffisante de la langue anglaise.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis et M. Jean-Charles Taugourdeau. Dites-le donc en Russe !

M. André Chassaigne. Le géant anglo-néerlandais Unilever, disais-je, vient de faire la même chose en vendant les fromages Boursin pour se consacrer plus sûrement aux produits qui le placent dans une position de leader indiscutable, tels Knorr ou Amora. On pourrait dire la même chose de Nestlé, dont le PDG, Peter Brabeck-Letmathe, est membre de la commission Attali et n'est sûrement pas là pour travailler contre les intérêts de son groupe ! Je note d'ailleurs que, sur quarante-trois membres, cette commission compte plus de 50 % de PDG et une « flopée » d'avocats d'affaires. Mais on n'y trouve pas un seul paysan, commerçant ou syndicaliste en activité. Pas le moindre parlementaire non plus, d'ailleurs.

M. Michel Piron. Hélas !

M. Yves Censi. Ce n’est pas une discussion sur la commission Attali !

M. André Chassaigne. Plutôt que de vous en gausser, cela devrait vous faire réfléchir, mes chers collègues.

Dans ce contexte, je crains vraiment que cette loi et celle à venir ne soient, pour reprendre une phrase de Balzac, dans La Maison Nucingen, « des toiles d’araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites ». Car les multinationales que je viens de citer pèsent lourd sur le marché. Elles ont, de ce fait, les moyens de résister, et vous le savez, aux diktats des distributeurs, avec ou sans loi Galland, Chatel ou Lagarde. Il n'en va pas de même pour les 10 000 PME de l’agro-alimentaire qui créent de l'emploi sur l’ensemble du territoire national. Donner plus de pouvoir aux distributeurs revient à fragiliser ces entreprises, à conduire certaines d'entre elles à la cessation d'activité, à en obliger d'autres à se lancer dans des politiques d'économies tous azimuts en modifiant, au détriment de la qualité, la composition de leurs produits, par l'achat d'ingrédients moins coûteux. Cela se pratique déjà, comme en témoignent les récents propos de Béatrice de Reynal,…

M. Yves Censi. Cette fois-ci, c’est du Stendhal ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …présidente de Nutrimarketing, dans le journal Le Monde, qui déclare qu’on peut faire beaucoup de choses en écartant les matières nobles : « des yaourts sans lait, des steaks avec 50 % de soja et, si le soja est trop cher, on mettra autre chose ».

Donner les pleins pouvoirs aux distributeurs, dans un bras de fer inégal avec leurs fournisseurs, c'est aussi prendre le risque de voir se détériorer la qualité de nos aliments. C'est également choisir délibérément de durcir les conditions de travail des salariés de l'industrie agro-alimentaire. C'est ce que pointe la fédération CFDT de l'agroalimentaire – comme vous le voyez, pour une fois, je cite la CFDT et non la CGT ! –…

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est l’ouverture !

M. André Chassaigne. …dans un communiqué publié le 7 novembre dernier. Elle redoute que les salariés employés dans les petites entreprises du secteur agro-alimentaire ne fassent les frais du tour de vis qui sera inévitablement demandé par la grande distribution. Elle constate déjà que, lors des promotions lancées périodiquement par la grande distribution, les conditions de travail et de vie des salariés se dégradent. Elle craint par ailleurs que la grande distribution ne fasse appel à plus de produits d'importation en provenance de pays à faibles exigences environnementales. Aucune de ces craintes n'est anodine, et surtout pas la dernière, au moment ou nous sortons à peine du Grenelle de l'environnement ! Et là, je pense plus particulièrement aux nombreuses productions de légumes de conserves – petits pois, haricots verts, choux de Bruxelles, choux-fleurs, maïs doux et autres.

La liberté donnée aux distributeurs pour imposer les prix les plus bas débouchera, là aussi, sur de nouvelles délocalisations de ces cultures dans les pays récemment entrés dans l'Union européenne, ou ailleurs, à l'exemple des cornichons de Bourgogne produits en Inde !

Mme Marie-Louise Fort. Très juste !

M. André Chassaigne. Prenons la mesure des pertes d'emplois induites au cœur de nos circonscriptions rurales, dans les champs comme dans les usines de conditionnement, mais aussi des émanations de gaz à effet de serre dues au transport et à la conservation.

M. Yves Cochet. Bien sûr !

M. Jean Gaubert. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Que faut-il enfin penser de l'ultime argument selon lequel il est possible de faire baisser les prix en donnant aux distributeurs la liberté du renard libre dans le poulailler libre ?

M. Yves Censi. Ça, ce n’est pas du collectivisme !

M. André Chassaigne. Non, c’est Jaurès !

Cet argument n'est utilisé que par le Président de la République, certains membres de son gouvernement, comme vous, madame la ministre et monsieur le secrétaire d’État, et, bien sûr, M. Jacques Attali, à la tête de cette commission pour la libéralisation de la croissance. Les grands distributeurs ne prennent pas d'engagement à cet égard. Tout au plus concèdent-il qu'il est possible de contenir l'augmentation du prix des matières premières si on leur donne une plus grande liberté de négociation.

Je récuse également l’idée selon laquelle la baisse des prix rendrait du pouvoir d’achat aux ménages. À qualification égale, dans les entreprises du privé comme dans celles du secteur public, la tendance est à l’alignement des salaires sur la hausse des prix mesurée par l’indice contestable – et contesté – de l’INSEE.

M. Jean Gaubert. Eh oui !

M. André Chassaigne. La démonstration, je pense, est irréfutable.

M. Michel Piron. La démonstration ? C’est beaucoup dire !

M. André Chassaigne. La baisse des prix, quand elle a lieu, ne sert pas à rendre du pouvoir d’achat aux salariés, mais à réduire indirectement le coût du travail pour les employeurs. Il en résulte une situation de plus en plus intenable pour les ménages modestes, dont les dépenses contraintes sont toujours plus élevées. Pour preuve, Bercy demande à la Caisse nationale d’assurance vieillesse de limiter à 1,1 % l’augmentation des pensions des retraités du privé en 2008, au prétexte que l’augmentation des pensions aurait été supérieure de 0,5 % aux prix mesurés par l’INSEE en 2006. Se fonder sur l’année 2006 permet de passer sous silence la flambée des prix de l’énergie et des produits de base depuis la fin de l’été 2007 et la baisse des remboursements de soins médicaux.

Je terminerai comme j’ai commencé : en insistant sur le droit à une alimentation de qualité pour tous à des prix stables et raisonnables. Dans ce monde de plus en plus instable auquel nous sommes confrontés en matière de production agricole et d’alimentation, il est urgent d’offrir un cadre sécurisé et des perspectives à long terme aux agriculteurs et aux entreprises agroalimentaires qu’ils fournissent. Or le texte va à l’encontre de cet objectif. Quant au projet que vous préparez, madame Lagarde, il apparaît encore plus dangereux.

C’est pourquoi, persuadé de vous avoir convaincus, je propose à notre assemblée d’adopter cette question préalable, que je viens de présenter conformément à l’article 91 de notre règlement. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, il n’y a, en effet, pas lieu de délibérer sur ce projet de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Bref, tout va bien !

M. André Chassaigne. J’insisterai plus particulièrement sur deux de ces raisons : d’une part, il est nécessaire, avant de légiférer en cette matière, de connaître les décisions que l’OMC prendra début 2008 ; d’autre part, le projet de loi que nous examinerons au printemps aborde la même thématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Nous débattons d’un sujet à la fois très « grand public » – puisqu’il concerne la vie quotidienne de nos concitoyens – et très technique. Pour conserver à nos échanges un niveau suffisant de clarté, nous gagnerions, les uns et les autres, à ne pas tomber dans la caricature.

Je vous ai entendu, monsieur Chassaigne, parler de « racket » et « d’arnaques » à propos de la grande distribution.

M. Patrick Roy. Il sait de quoi il parle !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Ce n’est pourtant pas notre fait si les Français plébiscitent ce secteur, se ruent en masse dans ses magasins le week-end et classent ses entreprises parmi les dix premières qu’ils préfèrent ! Ce n’est pas notre fait non plus si la France a inventé un système de distribution largement reproduit à travers le monde, qui représente 500 000 emplois et qui comprend des groupes figurant parmi les dix premiers employeurs mondiaux !

M. Jean-Paul Charié. Oui, mais…

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. L’année dernière, en Chine, j’ai visité un de ces magasins, et j’y ai trouvé des produits de PME françaises que je n’aurais sans doute pas pu acheter si des enseignes françaises ne s’étaient pas installées dans ce territoire.

M. Jean-Paul Charié. C’est trop d’éloges !

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Faut-il pour autant tout accepter ? La réponse est non. D’ailleurs, la législation encadre déjà la grande distribution et permet d’empêcher certaines pratiques. Les autorités compétentes, comme la DGCCRF, ne manquent pas de signaler les abus aux parquets ; certains sont sanctionnés, ou visés par des avis du Conseil de la concurrence.

Si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est bien pour faire avancer le droit de la distribution et de la consommation, pour le faire évoluer vers plus de transparence et le mettre au service de nos concitoyens.

J’en viens à la situation de l’agriculture française, que le Gouvernement a toujours mise en avant lors des négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Comme le Président de la République s’y est engagé devant les chefs d’entreprise réunis au MEDEF à la fin du mois d’août, ce projet contient des dispositions spécifiques pour la filière agricole. À ces avancées importantes s’ajoutent les amendements déposés par la commission des affaires économiques, qui vont dans le bon sens, comme celui qui prohibe les prix abusivement bas en situation de fortes variations des cours de matières premières.

La loi de 2005, je le rappelle, avait déjà permis des avancées sur les enchères inversées et sur l’encadrement de certains rabais, remises et ristournes. Avec ce texte, nous allons plus loin.

À propos de la négociabilité, monsieur Chassaigne, j’avoue que j’ai du mal à comprendre cette accusation de « forfaiture ». Si nous procédons par étapes, c’est pour nous donner le temps de la réflexion et éviter les dommages collatéraux. Il y a quelque contradiction à rejeter cette démarche tout en exigeant que soient pris en compte les besoins et les inquiétudes des petites entreprises qui fournissent la grande distribution.

Si en 2005, déjà, nous avions choisi d’appliquer la réforme de façon progressive, c’était justement parce que nous étions attentifs à l’impact qu’aurait le basculement des marges arrière sur ces petites entreprises. Or on s’aperçoit, avec le recul, que la part des PME a augmenté dans les linéaires, ce qui prouve que nous avons bien fait. Confortés par cette première étape, nous sommes prêts, aujourd’hui, à aller plus loin et à vous proposer la réintégration totale des marges arrière dans les prix.

Mais nous souhaitions aussi une refonte globale des relations entre l’industrie et le commerce, ce qui implique de débattre de la négociabilité, de l’implantation des grandes surfaces ou des moyens consacrés aux autorités de concurrence. Ce sera l’objet de la loi sur la modernisation de l’économie.

Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, je vous invite naturellement à rejeter la question préalable de M. Chassaigne et à poursuivre l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’UMP.

M. Lionel Tardy. Ne disposant pas du même temps de parole que M. Chassaigne, je ne reviendrai pas sur chacun des points abordés par notre collègue. Mais je tiens d’emblée à le rassurer : l’État a conservé bon nombre de ses compétences, l’Europe ne lui a pas tout pris. M. Chassaigne est bien défaitiste ! Par ailleurs, s’il fallait toujours attendre le résultat des négociations internationales, plus rien ne se ferait ! Enfin, pourquoi s’interdire de légiférer à nouveau sur le même sujet ou sur des sujets connexes ? À propos du futur projet de loi sur la modernisation de l’économie, notre collègue semble mieux informé que nous sur son contenu – mieux informé, même, que les auteurs du projet eux-mêmes !

Contrairement à ce que l’on vient de nous expliquer, il me paraît nécessaire de légiférer et d’intervenir dans le domaine de la consommation. En effet, les relations y sont parfois tellement asymétriques que seule l’intervention d’une autorité supérieure peut rétablir un équilibre qui ne se fait pas spontanément. Une telle intervention s’inscrit parfaitement dans la logique du libéralisme, lequel n’est pas, comme la gauche se plaît à le dire, la loi de la jungle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Brottes. Cela reste à prouver !

M. Patrick Roy. Si, c’est la loi de la jungle !

M. Lionel Tardy. Nous croyons profondément aux bienfaits de la concurrence, notamment pour les consommateurs et pour leur pouvoir d’achat. Ce dernier est au cœur de nos préoccupations et au cœur de ce texte.

Certains parlent de réformette et prétendent que ce projet ne changera pas grand-chose. Seul l’avenir nous le dira. Ce qui est sûr, c’est qu’en ne faisant rien, on est certain de ne rien changer. Et moi, je serai toujours du côté de ceux qui veulent avancer !

Dans le domaine des relations commerciales, les relations entre fournisseurs et distributeurs sont particulièrement déséquilibrées et la concentration très importante : dans la grande distribution, 80 % des achats sont le fait de seulement cinq centrales d’achat, en position de force face à des myriades de fournisseurs. Plusieurs lois ont déjà été votées sur le sujet. S’il est nécessaire de légiférer à nouveau, c’est que la situation a évolué, tant sur le plan économique que dans les esprits. Ainsi, en 2005, certains n’étaient pas prêts à accepter le « triple net ». Depuis, les choses ont mûri et on peut progresser sur ce dossier.

De même, il est nécessaire d’intervenir au sujet des hotlines et des services après vente dans la téléphonie mobile et la fourniture d’accès à l’Internet. Là encore, l’asymétrie caractérise les relations commerciales. Les trois grands groupes qui se partagent le marché de la téléphonie mobile font peu de cas de la libre concurrence. Il est temps de réglementer certaines pratiques.

Ainsi, il est anormal qu’un consommateur doive payer le temps d’attente pour un service d’assistance téléphonique, ou que le service après vente, dont le coût est parfois inclus dans le prix du produit, soit facturé une deuxième fois par le biais d’appels surtaxés. Tout cela suscite une forte insatisfaction des consommateurs à laquelle nous nous devons de répondre.

Les consommateurs sont également mécontents de leurs relations avec leur banque et réclament davantage de transparence. Nous avons laissé aux banques le temps nécessaire pour améliorer le taux de satisfaction de leur clientèle. Des efforts ont été accomplis – il faut le souligner –, mais de manière trop inégale. Il paraît donc nécessaire d’obliger, par voie législative, les banques à fournir à leurs clients un relevé des frais bancaires et des agios, la transparence étant la condition d’une meilleure concurrence. Il faut également étendre le champ de la médiation bancaire, afin d’offrir aux consommateurs une voie de recours en cas de conflit.

M. François Brottes. La discussion générale aurait-elle déjà commencé ?

M. Lionel Tardy. Comme vous le voyez, mes chers collègues, cette loi propose des solutions concrètes aux consommateurs et contribuera à améliorer leur pouvoir d’achat. C’est pourquoi le groupe de l’UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. André Chassaigne. C’est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. François Brottes. Le distributeur de bons points !

M. Jean Dionis du Séjour. M. Chassaigne est un conteur remarquable, et c’est toujours un plaisir de l’écouter, surtout lorsqu’il parle d’agriculture. Je suis en effet élu dans le Lot-et-Garonne – un territoire rural –, fils d’agriculteur et ancien agriculteur moi-même, et pour avoir négocié pendant de longues années les poires familiales, j’ai subi le système de la grande distribution. Et c’est précisément pour cette raison que je veux le voir bouger. Je suis profondément convaincu qu’il n’est rien de plus néfaste pour le monde agricole que le statu quo.

Or votre message, c’est « Ne touchez à rien, tout va bien ! ».

M. Patrick Roy. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jean Dionis du Séjour. André Chassaigne, c’est Jules Méline, ce ministre très populaire qui fermait les frontières et distribuait les subventions afin de protéger l’agriculture. Au moins, le marxisme, lorsqu’il avait encore du souffle, se faisait le défenseur d’une division internationale du travail ! (Sourires.)

Sur le fond, quelle diabolisation ! Quand j’avais trente ans, on me disait : dans l’informatique, IBM, c’est terrible ! Son budget est comparable à celui de l’État ! C’est l’ennemi de l’intérêt général ! Quand j’avais quarante ans, le diable n’était plus IBM, mais Microsoft. Aujourd’hui, j’ai cinquante ans et on me dit : c’est Google ! Quant à mon fils, il en est déjà à Facebook…

Dans la grande distribution aussi, certains peuvent rester sur le carreau : ce fut le cas, par exemple, de la Ruche Méridionale, à Agen. Que sait-on du modèle économique en train de naître ? Sera-t-il dominé par les grandes enseignes spécialisées ? Par le commerce en ligne ? Où ira-t-on faire nos courses dans dix ans ? Le savez-vous ? Pas moi !

M. André Chassaigne. Changer pour ne rien changer !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous avez un problème, monsieur Chassaigne, avec le mouvement, avec la vie. Pour notre part, nous, nous aimons le mouvement et la réforme.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce sont des hommes de progrès ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. C’est pourquoi nous voulons débattre. Nous ne voterons donc pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les conservateurs sont à gauche !

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Roy. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je suis toujours très étonné quand la droite nous propose un nouveau projet de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Et le Nouveau Centre !

M. Patrick Roy. Le centre, c’est la droite !

Il faut dire que les titres de vos projets de loi sont toujours très sympathiques.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai ! C’est beau !

M. Patrick Roy. Ce titre de « Projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs » est formidable !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est beau !

M. Patrick Roy. Mais quand on lit plus attentivement, on se rend évidemment compte que le contenu n’a rien à voir et qu’il y a toujours tromperie sur le titre, donc sur la marchandise. On aurait dû appeler ce projet de loi « projet de loi pour le développement de la concurrence au service des grandes surfaces » ! En effet, à entendre le secrétaire d’État, les grandes surfaces sont créatrices d’emplois : j’aimerais bien savoir ce qu’il pense, par exemple, de l’arrivée massive des caisses automatiques dans ces grandes surfaces.

M. André Chassaigne. C’est le mouvement !

M. Patrick Roy. Certes, c’est le mouvement ! Je n’ai donc pas bien compris quel sera l’impact sur l’emploi. Mais, là, le secrétaire d’État reste très silencieux.

Alors qu’un projet de loi pourrait être utile pour le pouvoir d’achat, ce texte ne défend, à l’évidence, pas les consommateurs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Patrick Roy. On parle depuis longtemps, et encore plus aujourd’hui, de ce pouvoir d’achat, objet du grand mensonge de la campagne présidentielle. En effet, un candidat nous avait alors dit : « Vous allez voir, si je suis élu Président, il y aura des sous… » La réalité est évidemment tout autre, puisque les petites retraites, par exemple, augmentent de 1,1 % – on est loin des 25 % annoncés – et que des impôts nouveaux votés ici même handicaperont forcément fortement le pouvoir d’achat – je pense aux franchises médicales. Il est vrai qu’une catégorie de la population française voit son pouvoir d’achat augmenter avec le renforcement, cet été, du bouclier fiscal : il s’agit des grandes familles, notamment celles de la grande distribution.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux, et vous le savez bien !

M. Daniel Fasquelle. Ce sont des mensonges inadmissibles !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous dites des contrevérités !

M. Patrick Roy. C’est faux ? Non, c’est la réalité ! Je suis un élu du Nord. Dans cette région, il y a de la grande distribution et c’est à elle que profitera ce bouclier fiscal !

M. Chassaigne a insisté avec raison sur trois questions principales : la qualité de l’assiette – à notre époque, nous voulons savoir ce que nous mangeons ; le pouvoir d’achat, que ce texte ne réglera en rien ; enfin, les conditions de travail dans les PME. Notre collègue s’est montré excellent, quoique peut-être un peu modéré. (Sourires.) Il pensait qu’il ne pouvait pas tout dire, aussi s’est-il retenu alors qu’il aurait pu aller nettement plus loin. Il a en tout cas montré que les grandes surfaces allaient, dans un proche avenir, accroître leur pression sur leurs fournisseurs et que rien ne nous garantirait, bien au contraire, la possibilité de vérifier l’innocuité du contenu de notre assiette. C’est une question essentielle. Aujourd’hui, nous voulons savoir ce que nous mangeons, mais tel n’est pas le cas et ce le sera assurément de moins en moins.

Autre élément très surprenant, il a signalé – et c’est une pratique courante de ce gouvernement – que nous discutons, comme en matière d’immigration, d’une énième loi et que nous recommencerons encore dans quelques mois. Cette frénésie électorale consiste à faire voter rapidement des projets de loi pour montrer que l’on porte un intérêt à tout.

M. André Chassaigne. C’est le marteau-piqueur !

M. Patrick Roy. C’est en effet le marteau-piqueur, comme me le souffle l’excellent M. Chassaigne qui se libère enfin et qui en dira encore plus quand il aura de nouveau l’occasion de s’exprimer !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela fait cinq minutes que vous vous exprimez, il faut conclure, monsieur Roy !

M. Patrick Roy. Tous les fournisseurs ont, vous le savez, beaucoup de difficultés à lutter contre les centrales d’achat, mais ce texte ne comporte aucune nouveauté pour les protéger. J’aurais, pour ma part, voté un texte qui leur serait venu en aide !

Enfin, je suis très inquiet sur les conditions de travail des 10 000 PME françaises de l’agroalimentaire, conditions qui vont, à l’évidence, encore une fois se dégrader, mais c’est le cas dans tout le monde industriel.

Pour toutes ces raisons, nous voterons avec enthousiasme et détermination la question préalable de l’excellent André Chassaigne ! (Applaudissements sur les sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour la Gauche démocrate et républicaine.

M. Yves Cochet. Notre collègue André Chassaigne a parfaitement démontré les lacunes du projet de loi qui ne fait rien pour lutter contre la rente financière considérable – on pourrait même parler de prédation financière – prélevée par les grands distributeurs. Dans le secteur agroalimentaire, les géants font la loi en Europe. On compte environ 480 millions de consommateurs en Europe et soixante-deux millions en France. Comme vous le savez, 80 % de notre alimentation provient de ces grandes chaînes mondialisées qui nourrissent des centaines de millions de personnes, mais à quel prix !

Le projet de loi ne répond pas à la principale question de la qualité et de la proximité de l’alimentation. En effet, la France a des PME, des agriculteurs et une richesse de production agroalimentaire, mais ce ne sont pas nos propres produits que nous consommons. Je citerai des noms que chacun d’entre vous peut connaître. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si, on peut citer des noms, ce n’est pas de la publicité. Nous devons être très précis lorsque nous argumentons ! Savez-vous, chers collègues, qu’à la cantine de l’Assemblée nationale, que je fréquente de temps en temps, on nous propose parfois de la perche du Nil venue du lac Victoria en Tanzanie par avion-cargo réfrigéré ? Peut-être avez-vous vu le magnifique film Le cauchemar de Darwin qui soulève ce problème. C’est cette perche du Nil que l’on trouve d’ailleurs chez Picard et dans les grandes surfaces. Ce n’est pas un mode alimentaire très soutenable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. Il ne fallait pas en manger ! (Sourires.)

M. Yves Cochet. Je reprendrai d’ailleurs un terme cher au Président de la République, qui a indiqué que, à la suite du Grenelle de l’environnement, les grands projets devraient être désormais examinés à l’aune du développement soutenable. J’évoque la perche du Nil, distribuée par Picard et Carrefour, mais il n’y a pas qu’elle ! Prenons, par exemple, le cas Bonduelle, le plus grand conserveur européen. Vous connaissez sans doute sa publicité, madame la ministre : « Quand c’est bon, c’est Bonduelle. » Dans sa fricassée (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), Bonduelle a mis des petits pois, des choux-fleurs, des haricots verts, etc.

M. Michel Piron. Quelle salade !

M. Yves Cochet. Eh bien, ces légumes ne proviennent pas de la plaine picarde, mais du plateau tibétain (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et d’Afrique centrale ! Cela ne profite absolument pas à nos agriculteurs et à nos producteurs, mais aux grandes chaînes alimentaires mondialisées qui fournissent 80 % de notre alimentation. Vous me répondrez que quelques producteurs « bio » font du fromage de chèvre assez intéressant, mais les grandes chaînes ne le distribuent pas et cela demeure marginal dans notre économie.

Pour toutes ces raisons et d’autres brillamment développées par André Chassaigne, il faut voter cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, laissez-moi tout d’abord vous exprimer mes impressions générales sur ce projet de loi. Il a le mérite, mais aussi le défaut d’être un immense fourre-tout où l’on retrouve des secteurs d’activités éparses : la téléphonie mobile, les banques et la distribution. Ce texte se voudrait une première réponse aux problèmes du pouvoir d’achat et de hausse des prix, grandes préoccupations de nos concitoyens, qui se sont traduites à travers le tout récent mouvement social. Il ne propose, à mon avis, que des dispositions cosmétiques et des mesurettes consensuelles sans véritable rupture, hélas ! Si j’en crois les propos récents de M. Yves Jego, porte-parole du groupe de l’UMP : « Le pouvoir d’achat doit être le fil rouge du quinquennat. » Je ne m’attarderai pas sur l’antagonisme entre cette déclaration et les mesures antisociales votées par la même majorité au mois de juillet : ces fameux 15 milliards en faveur de la consommation des riches ! (« Démagogie !» et protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Nicolas. C’est une contrevérité !

M. Yves Cochet. Leurs bénéficiaires vont-ils acheter une troisième Ferrari ou un quatrième téléphone mobile ? Ce n’est pas sûr ! Je ne pense pas que ce soit une aide à la consommation et au pouvoir d’achat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela s’adresse aux ultra-favorisés. D’ailleurs, vous employez les grands mots – pouvoir d’achat, droits des consommateurs, service des consommateurs ou encore bénéfice du consommateur –, mais on ne sait pas très bien qui sont ces consommateurs standards mentionnés dans le projet de loi. Cela illustre l’état d’esprit du Gouvernement qui réduit souvent l’individu au seul échange marchand !

À quelques semaines de Noël et de ses réjouissances consuméristes, je me contenterai de souligner plusieurs faiblesses de ce texte en revenant sur certaines de ses dispositions.

Concernant la distribution, dont nous avons beaucoup parlé avec l’excellent collègue Chassaigne, vous souhaitez, semble-t-il, poursuivre l’assouplissement de la loi Galland de 1996, qui imposait un seuil de revente à perte très restrictif dans la grande distribution, en réintégrant l’ensemble des marges arrière dans le calcul de ce seuil. Mais les organisations professionnelles, elles-mêmes, ne vous suivent pas. L’Union professionnelle artisanale, notamment, dénonce « l’imposture » qui consiste à « faire croire que la grande distribution va rendre aux consommateurs les dizaines de milliards d’euros de marges arrière qu’elle recueille chaque année. » L’Association nationale des industries alimentaires va dans le même sens lorsqu’elle évoque « un risque considérable pour la survie et l’emploi des 10 000 PME du secteur alimentaire. »

Les petits commerces sont déjà affaiblis et en pleine raréfaction. Que fait ce texte pour favoriser le maintien en centre-ville des petites épiceries, des marchands de fruits et légumes, des crémiers, des fleuristes, entre autres ? Aujourd’hui, les rues ne sont qu’une succession de banques et de magasins de vêtements. Les abords des villes comptent d’immenses complexes commerciaux qui contribuent très peu à l’intégration sociale et beaucoup à la rurbanisation des grandes périphéries, ce qui est catastrophique d’un point de vue écologique, je m’en expliquerai plus précisément dans un instant.

Nous sortons du Grenelle de l’environnement où nous avons entendu beaucoup de belles paroles et vu la conviction de M. Borloo et de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais en favorisant les bénéfices déjà énormes de la grande distribution, vous ne faites qu’accentuer le secteur déjà en perdition des petits commerces de proximité et vous augmentez de surcroît les émissions de gaz à effet de serre. C’est ce qu’a démontré clairement une agence de l’État, l’ADEME. J’ai imprimé deux pages web de son site.

Mme Laure de La Raudière. Il ne faut pas les imprimer, ce n’est pas bien pour l’écologie !

M. Yves Cochet. Il n’a pas été démontré que la dématérialisation de notre économie, notamment le « cyberespace » et autre Internet, permettait de dépenser moins de papier, mais qu’un effet pervers veut que ce soit le contraire ! Quel mystère !

L’ADEME propose trois scénarios à propos de la distribution agroalimentaire. L’agence prend l’exemple de 200 familles françaises faisant leurs courses de trois façons différentes.

Si elles vont dans un grand centre commercial de périphérie, cela représente 773 kilogrammes de CO2, 29 kilos de polluants autres que les émissions de gaz à effet de serre, comme les oxydes d’azote, l’ozone ou les particules fines, et l’impact acoustique équivaut au bruit de 200 voitures, ce qui a des conséquences considérables sur l’environnement et donc notre santé.

Si ces 200 familles vont faire leurs courses à pied avec un cabas dans un magasin de proximité, cela représente la consommation de 4 kilos d’équivalent pétrole, le rejet de 12 kilos de CO2 et de 0,3 kilo de polluants, et l’équivalent acoustique de seulement dix voitures, ce qui est beaucoup moins.

Je vous épargne le détail des chiffres, que vous pourrez retrouver sur le site de l’ADEME, mais ces résultats indiquent bien que le moins polluant, c’est de se rendre dans les commerces de proximité qui, dans les centres-villes, hélas, que ce soient les grandes villes ou les petites, disparaissent de plus en plus au profit de banques et de magasins de textile et d’habillement.

Il ne faut plus construire d’hypermarchés, il ne faut pas développer les grandes surfaces de périphérie. Je m’étonne d’ailleurs que M. Attali, qui, une fois sur deux, a une bonne idée, ait appelé au développement des grandes surfaces et des hypermarchés de périphérie. C’est totalement idiot, à la fois du point de vue économique et du point de vue écologique. Cela va tout à fait dans le sens contraire du Grenelle de l’environnement.

Autre aspect de votre projet, la téléphonie mobile.

Le secteur des communications électroniques était encore très largement en tête pour le nombre de plaintes reçues à la direction générale à la concurrence. En 2007, 34 000 plaintes devraient être déposées au niveau national. Il était donc temps de faire quelque chose à ce sujet.

Le projet met fin aux numéros surtaxés pour les numéros d’assistance téléphonique et impose la gratuité du temps d’attente. Cette disposition qui nous est présentée comme nouvelle est une pratique déjà en vigueur chez tous les opérateurs sauf Free.

La question du plafonnement des durées d’engagement reste ouverte. Il n’y a encore que quelques mois, M. Chatel, rapporteur du projet de loi Breton, pour répondre à une demande de l’ARCEP, l’Autorité de régulations des communications électroniques et des postes, avait proposé un strict plafonnement à douze mois des durées d’engagement pour libérer les 76 % d’abonnés captifs de leurs opérateurs, qui imposent plutôt des durées de deux ans. Cela nous convenait. Cette solution était même soutenue par l’UFC-Que Choisir, les représentants patentés des consommateurs.

Je ne sais pas pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, mais peut-être qu’en changeant de fonction, on change d’opinion, vous avez été frappé d’amnésie puisque vous proposez maintenant autre chose qu’un plafonnement strict à douze mois, comme le font les Européens.

Dernier point, la class action.

Il est regrettable que, dans un texte de loi visant à assurer la protection des consommateurs, on ne retrouve aucune mention du recours collectif.

M. Arnaud Montebourg. C’est incroyable !

M. Yves Cochet. Absolument !

Nous devons faire face à une absence totale de procédure adaptée au contentieux de masse. Les consommateurs et les associations qui les représentent ne disposent pas de moyen de recours efficace. L’accumulation d’actions individuelles contribue à l’engorgement des tribunaux, l’action en représentation conjointe ne fait que juxtaposer des dossiers particuliers.

En aucun cas, l’ensemble des personnes directement pénalisées par une disposition abusive ou une pratique illicite ne sont actuellement indemnisées. Le fait de faire une action conjointe, un recours collectif serait une grande avancée ; or, en ce domaine, et il y a une totale lacune dans votre texte.

Le 10 novembre 2005, à l’occasion d’un colloque organisé par l’UFC-Que Choisir, favorable depuis longtemps à l’instauration d’une action de groupe à la française, le président de la Cour de Cassation avait admis que son introduction dans notre droit, bien que délicate, n’était pas impensable. Il a précisé que le recours collectif était envisageable sous la forme de l’opting out, c’est-à-dire l’option d’exclusion, qui permet à une association de consommateurs d’agir en justice pour le compte de toutes les victimes d’un même préjudice sans qu’elles aient à se manifester. Les professeurs de droit favorables à cette position soulignent que cette option d’exclusion serait bel et bien la seule capable de mettre en acte le principe constitutionnel d’accès au droit et au juge, qui reste pour l’instant simple lettre morte, faute de système adapté.

Au vu des faiblesses actuelles de ce texte, qui ne propose aucune réelle solution pour le pouvoir d’achat, et de ses graves lacunes, que je n’ai fait qu’effleurer, nous appellerons à voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. André Chassaigne. Excellent !

M. Arnaud Montebourg. Et qu’en dit M. Chatel ? J’aimerais bien savoir.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est le bienvenu. Franchement, rien que pour le titre, « projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs », qui, en lui-même, est une petite révolution culturelle, nous, centristes, avons envie de le voter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Malheureusement, il n’y a que le titre !

M. André Chassaigne. L’habit ne fait pas le moine !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous sommes heureux de travailler ce projet de loi avec vous, madame la ministre, et avec Luc Chatel, dont l’engagement pour la promotion des droits des consommateurs est reconnu de tous.

Votre projet est important. Il est lié à l’un des engagements de la campagne présidentielle et, effectivement, les Français attendent des propositions concrètes et efficaces pour faire baisser les prix.

Ce projet de loi a trois grands axes : la modernisation des relations commerciales, la téléphonie et le secteur bancaire. Je n’interviendrai que sur le premier, mon collègue Philippe Folliot complétera mon intervention.

Le constat est unanime, la loi Galland n’a pas empêché des dérives aux effets ravageurs, et d’abord l’inflation à la française.

La fixation des prix s’est progressivement transformée en une opération d’entente entre les grands industriels et les grands distributeurs, au détriment des consommateurs mais aussi des PME. S’il faut s’engager contre les marges arrière, c’est d’abord parce que ce sont les PME qui en souffrent.

M. Philippe Folliot. C’est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. Bloquée pour le prix par la non négociabilité des conditions générales de vente, la négociation commerciale a été ainsi progressivement concentrée sur la coopération commerciale sous la forme de marges arrière.

Ce système était malsain, avec un prix du produit qui n’avait plus de place dans la négociation, avec des services facturés bien souvent fictifs et sans réelle contrepartie de la part du distributeur. Osons le dire, mes chers collègues, les marges arrière ont été et sont encore l’un des nids de la corruption à la française.

Beaucoup de monde s’accommodait de ce système, il faut bien le reconnaître, mais, récemment, sous la pression inflationniste et la hausse du prix des matières premières, il est devenu fou, et cela explique la prise de distance spectaculaire de la grande distribution par rapport à un système dont elle a bien profité.

La loi Dutreil de 2005, qui autorisait les distributeurs à réintégrer une partie des marges arrière, allait dans le bon sens. Elle n’a pas suffi à enrayer la croissance des marges arrière : 37 % avant la loi, 39 % aujourd’hui.

La position de notre groupe n’a pas changé depuis 2005. Nous étions alors bien seuls à demander leur suppression totale.

M. André Chassaigne. C’est faux !

M. Jean Dionis du Séjour. Peut-être avec vous, monsieur Chassaigne, mais nous étions bien seuls. Nous sommes donc ravis de voir aujourd’hui tous ces nouveaux convertis et laissez-nous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, le plaisir de dire que nous avions eu raison les premiers. Nous l’avons dit en 2005, nous le redisons aujourd’hui avec la même obsession que le sénateur romain Caton le vieux demandant inlassablement à chaque réunion la destruction de Carthage. Pour les centristes, retrocommissio delenda est. (Rires et applaudissements.)

Ce projet de loi revient donc sur le compromis boiteux de 2005. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai le souvenir moi aussi du jeune et brillant rapporteur que vous fûtes et qui avait subi un arbitrage élyséen peu glorieux en la matière, je dois le dire. Alors, s’il vous plaît, ne reproduisons pas les mêmes erreurs.

Oui, l’article 1er fixant le seuil de revente à perte au triple net va dans le bon sens, nous le soutiendrons. Soyons clairs, nous craignons qu’il n’ait peu d’impact sur le portefeuille et le caddy des Français tant que nous n’aurons pas recentré la négociation commerciale sur le prix du produit en supprimant la non négociabilité des conditions générales de vente et en réintégrant la coopération commerciale dans le contrat unique de négociation.

Alors, oui, nous, centristes, nous nous prononçons en faveur de la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente. Cela dit, et il faut être très clair avec la grande distribution, oui à la négociabilité, non, trois fois non à l’opacité du contrat unique. Nous sommes farouchement opposés à l’allégement du contrat unique, et l’allégement, c’est pudique comme nom. On voit très bien ce que cela peut devenir. Nous souhaitons que ce contrat contienne de manière précise et claire tous les éléments de négociation, en particulier ceux de la coopération commerciale, afin qu’il soit contrôlable, notamment par la DGCRF si besoin.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que le débat sur la négociabilité des conditions de vente serait renvoyé à la loi de modernisation qui sera examinée au printemps 2008. Cela va dans la bonne direction, mais j’ai tout de même une question sur le cœur. Pourquoi attendre, pourquoi étaler ce débat dans le temps ? C’est l’ensemble du dispositif qui permettra au consommateur de bénéficier pleinement de cette mesure. Il faut donc aller au bout de la réforme.

Mes chers collègues, le texte va dans la bonne direction. Nous avions trois solutions : tout faire aujourd’hui, tout faire en avril, couper les choses en deux comme cela est proposé ce soir. Notre solution à nous, centristes, ce sera de vous inviter à de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. Quel révolutionnaire ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’aurai pas deux discours, un devant vous et un différent ailleurs. Compte tenu de mon honnêteté, je vais donc pondérer un certain nombre de mes propos. C’est un peu difficile, en effet, d’être le porte-parole des députés UMP puisque certains sont persuadés que les marges arrière vont disparaître et que d’autres pensent que le meilleur moyen de les supprimer aurait été de les interdire.

Des sanctions ont été prononcées, 23 millions d’euros pour un distributeur, mais elles n’ont jamais été réclamées ni versées.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Jean-Paul Charié. Au sein du groupe de l’UMP, certains pensent qu’il faut changer la loi mais d’autres qu’il faudrait d’abord la faire appliquer.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très juste !

M. Jean-Paul Charié. Sur les marges arrière, il y a différentes convictions.

M. Yves Cochet. La majorité se fissure !

M. Jean-Paul Charié. Les marges arrière n’ont pas augmenté à cause de la loi Galland. Si c’était le cas, elles auraient augmenté dans tous les secteurs. Or elles n’ont augmenté que là où il y a cinq centrales d’achat à dominante alimentaire.

Il faut aussi savoir, monsieur le secrétaire d’État, que certains distributeurs ont dit à leurs fournisseurs qu’ils pouvaient augmenter leurs tarifs pour mieux payer les sommes qui leur seraient demandées. C’est peut-être là où il y a une confusion. Les marges arrière n’ont pas augmenté à cause de la loi Galland, elles ont augmenté à cause des pratiques, que vous-même dénoncez, de certains distributeurs.

Bref, il n’est pas toujours facile d’avoir un discours consensuel au nom de l’UMP et de faire une synthèse.

Ma troisième série de remarques a trait au pouvoir d’achat. Certains pensent que ce sont les grandes surfaces qui vont permettre de faire baisser les prix en France.

Mme Delphine Batho. Sarkozy le pense !

M. Arnaud Montebourg. Il est bien le seul !

M. Jean-Paul Charié. Cela a été vrai dans le passé, et j’ai toujours salué ici ces deux inventions françaises de l’après-guerre et des années 60 que sont le libre-service et le concept « tout sous le même toit », qui ont constitué une véritable valeur ajoutée. En effet, ces deux inventions ont permis des progrès considérables en matière de diversification des produits et de baisse des prix.

Mais cela n’est plus le cas, du moins pas autant que certains l’affirment. Les grandes surfaces sont parfois même, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, source d’augmentation des prix, comme cela a été reconnu sur tous les bancs. Ainsi, les grandes surfaces vendent plus cher les fruits et légumes. Aujourd’hui que les pompistes indépendants ont pratiquement disparu, les grandes surfaces ne font plus baisser les prix de l’essence.

M. Jean Gaubert. C’est juste !

M. Jean-Paul Charié. Maintenant qu’il n’y a plus de petits distributeurs d’électroménager, vous n’entendez plus parler de baisse des prix de l’électroménager.

M. Yves Cochet. Exactement !

M. Jean-Paul Charié. Il est quand même étonnant que le pays qui compte la plus grande densité de grandes surfaces, et de loin, connaisse de tels problèmes de pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Sandrine Mazetier. Excellent !

M. Jean-Paul Charié. Arrêtons donc de dire que les grandes surfaces ne seraient source que de baisse des prix, d’autant qu’on sait que c’est à cause des grandes surfaces que les fournisseurs ont été obligés d’augmenter leurs tarifs, ce qui entraîne des prix à la consommation beaucoup plus élevés.

À en croire les représentants des grandes surfaces entendus par la commission, à l’initiative de M. Ollier, cette loi ne servira à rien parce qu’elles ne peuvent plus baisser leur prix. Un tel discours peut surprendre dans la bouche de ceux qui reconnaissent par ailleurs qu’ils touchent 25 % des marges avant : ajouté aux 35 à 40 % de marges arrière qu’elle pratique, cela fait au total une marge de 70 % pour la grande distribution : et elle ne pourrait pas réduire ses prix de 5 ou 10 % ! J’ai toujours affirmé, mesdames et messieurs, que supprimer les marges arrière ferait baisser les prix de 5 ou 10 %, tout en redonnant du pouvoir aux marques de grande consommation.

Le dernier sujet sur lequel il est très difficile de faire la synthèse des différents points de vue de l’UMP, c’est celui de l’emploi. On ne peut pas dire, monsieur le secrétaire d’État, que les grandes surfaces sont source de créations d’emplois quand leurs techniques de vente ont pour objectif de réduire au minimum le nombre de vendeurs !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il a raison !

M. Jean-Paul Charié. On ne peut pas dire que les grandes surfaces sont synonymes d’emplois quand on sait que le petit commerce emploie 3,5 fois plus de salariés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Yves Cochet. Excellent !

M. Jean-Paul Charié. On ne peut pas dire qu’elles sont source d’emplois alors qu’à cause d’elles les pompistes indépendants ont disparu, au profit de distributeurs de carburants automatiques, évidemment destructeurs d’emplois. Et ce sera demain, madame la ministre, monsieur le ministre, au tour des caissières de disparaître de nos supermarchés. Ce n’est pas ainsi qu’on créera de l’emploi !

Je pourrai développer, mais je me contenterai d’une observation, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État : le terme de racket, que j’ai employé ici, avec d’autres, pour décrire certaines pratiques, MM. Bédier, Leclerc et Mulliez, patron d’Auchan, ont reconnu qu’il était justifié. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Yves Cochet. Quel aveu !

M. Jean-Paul Charié. Il ne faut pas se cacher la vérité : ces pratiques minent la puissance économique de notre pays, sa capacité d’innovation et de croissance, au détriment de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Je voudrais apporter une précision qui m’apparaît très importante. Ce que j’ai toujours combattu, au nom de l’UMP, et auparavant du RPR, ce ne sont pas les grandes surfaces en tant que telles. Les grands magasins de centre-ville, quand il y en avait encore, étaient bien des grandes surfaces de vente. Le problème n’est pas celui de la taille ni de la forme des magasins ; le problème est celui de certaines pratiques commerciales.

Mais aujourd’hui, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, tout est possible. Aujourd’hui, en effet, tout le monde reconnaît que la succession de lois destinées à améliorer le système n’a abouti qu’à le compliquer. De plus, grâce à l’autorité et à la détermination du Président de la République, que je salue ici,…

Mme Delphine Batho. C’est superflu !

M. Jean-Paul Charié …la grande distribution envisage la possibilité de négocier les barèmes et les conditions générales de vente et de ne plus facturer ses services à ses clients. J’ai fait savoir à Michel-Édouard Leclerc à M. Bédier et à M. Mulliez que si nous obtenons cela, ils devront demain être tenus par les commandes qu’ils auront passées avec leurs fournisseurs, sans possibilité de leur retourner les invendus ; ils n’auront plus la possibilité de leur infliger des pénalités, ni d’étendre indéfiniment leurs délais de paiement.

Pour ma part, je n’entrerai pas dans des débats politiciens, que Mme Lagarde a bien fait de condamner : mon seul point de vue, en tant que porte-parole de l’UMP, est celui de l’intérêt, ô combien fondamental, que notre pays trouvera dans une bonne loi de la concurrence. Eh bien, je vous le dis, madame la ministre, et je le dis aussi à tous les collègues avec lesquels nous allons travailler, et au-delà à tous les acteurs : tout est aujourd’hui possible, à la condition qu’on profite de cette occasion pour tout remettre tout à plat. Reconnaissons que toutes les réformes tentées en la matière depuis vingt-cinq ans, par la gauche comme par la droite, ont malheureusement échoué, en dépit de toute notre bonne volonté et de toute notre honnêteté, et consacrons-nous, comme vous l’avez dit, monsieur Chatel, à cette remise à plat.

La liberté de négociation est aujourd’hui possible dans les rapports avec les fournisseurs industriels ; elle est possible avec les marques de distributeurs ; elle est possible dans les autres pays.

Aujourd’hui, puisque les principaux acteurs, dont je me suis permis de dénoncer les pratiques tout à l’heure, acceptent de tout remettre à plat et de changer complètement leurs pratiques, comme cela s’est passé dans les autres pays, notamment en Allemagne, qu’on cite toujours en exemple, eh bien ! allons-y. Si d’autres pays y sont arrivés, je ne vois pas pourquoi la France n’y parviendrait pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, sur les bancs du groupe Nouveau Centre, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, j’ai été tenté de laisser mon temps de parole à Jean-Paul Charié, tant je partage certains de ses points de vue, même si je ne suis pas d’accord avec la totalité de ses propos.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de m’étonner que Michel-Édouard Leclerc ne soit pas sur les bancs des conseillers du Gouvernement. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Il arrive !

M. Arnaud Montebourg. En tout cas, il n’est pas loin !

M. François Brottes. J’avais cru comprendre en effet que le principe de la négociation des tarifs, évoqué à l’instant et que les centrales d’achat souhaitent officialiser en échange de la disparition annoncée des marges arrière, dans le but – pourquoi le cacher ? – de permettre aux grandes surfaces de faire toujours plus de profits, avait été négocié entre la grande distribution et le Gouvernement, voire l’Élysée, sur le dos des fournisseurs semble-t-il, en tous les cas sans concertation avec notre collègue M. Raison, rapporteur de ce texte pour notre assemblée et homme de conviction et de rigueur. « Aimer à perdre la raison » nous chantait le poète. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Excellent !

M. François Brottes. En la circonstance, votre attitude risque de vous faire perdre et l’un et l’autre.

Vous savez bien d’ailleurs, comme Jean-Paul Charié vient, après Jean Gaubert, de le démontrer de façon remarquable, tout est lié : les marges arrière, le seuil de vente à perte, les conditions générales de vente, le référencement et les bakchichs auxquels il donne lieu, ou encore les délais de paiement. Le seul fait que votre texte se refuse à traiter de l’ensemble de ces aspects, totalement liés les uns aux autres, montre à quel point les intentions que vous affichez ne sont en la circonstance que gesticulations.

Votre texte est apparemment fait pour nous convaincre que plus il y a de concurrence, meilleur est le service rendu au consommateur. C’est la thèse, voire la religion, de Jean Dionis du Séjour.

Cela reste pourtant à démontrer, et je peux vous donner, cher Jean Dionis du Séjour, deux exemples d’évolution exactement inverse : celui des tarifs de l’électricité, produite en grande partie par l’énergie nucléaire, ou celui des renseignements téléphoniques, sujets que vous connaissez bien. Dans ces deux cas, un plus grand nombre d’opérateurs concurrents aura signifié des prix toujours plus élevés pour les clients, pour un service de moindre qualité – c’est le cas notamment des renseignements téléphoniques. Et qu’on ne vienne pas dire que c’est à cause du prix du baril de pétrole, qui n’a aucune incidence dans ces deux cas.

M. Jean Dionis du Séjour. Le problème, ce sont les prix administrés !

M. François Brottes. Monsieur le secrétaire d’État, on peut débattre à perte de vue de la réalité de la baisse du pouvoir d’achat des familles, mais personne ne pourra raisonnablement prétendre que celui-ci a augmenté pour la majorité de nos concitoyens. Les faits parlent d’eux-mêmes : près d’un million de dossiers de surendettement en cinq ans, une flambée des prix de l’alimentation, de l’énergie et des carburants, des loyers et des charges, des cotisations d’assurance, une hausse vertigineuse de la part des dépenses incompressibles dans le budget des ménages, à quoi s’ajoutent vos taxes sur les malades et sur les soins, la baisse en euros constants des allocations familiales et la stagnation des salaires : tout cela est au cœur de la vie quotidienne des Français et, pour beaucoup d’entre eux, générateur de souffrance et d’angoisse du lendemain. Cette souffrance est réelle, et elle ne concerne pas que les chômeurs et les RMIstes.

Près de 40 % des salariés gagnent entre 1 000 à 1 350 euros par mois, soit le SMIC ou à peine plus. Ces dernières années, 90 % des foyers ont vu leurs revenus augmenter de 4,5 %, soit quasiment moins que l’inflation : on peut donc même parler de régression. Dans le même temps, les 3 500 foyers les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 42,5 %, soit quasiment dix fois plus ! Ce sont ceux-là mêmes à qui votre gouvernement a fait cet été plusieurs milliards de cadeaux fiscaux.

Vous aurez remarqué, madame la ministre, que je n’ai pas dit quinze milliards d’euros et que j’ai tenu compte des quelques milliards d’euros que vous avez déduits tout à l’heure. Mais il reste le bouclier fiscal, qui ne concerne strictement que ces foyers-là. À chacun d’eux, comme cela a été démontré, tout à l’heure encore par Patrick Roy et récemment par Christian Bataille, les services fiscaux viennent de rembourser de 80 000 à 100 000 euros, à temps pour les fêtes de Noël !

M. Jean Gaubert. Ça, c’est du pouvoir d’achat !

M. François Brottes. C’est d’ailleurs parce que les riches deviennent de plus en plus riches, que vous pouvez présenter une évolution favorable du pouvoir d’achat et des revenus moyens. Mais retirez les ménages les plus riches de cette moyenne et vous saisirez l’ampleur de la baisse du pouvoir d’achat.

Mis à part quelques mesures « cosmétiques » relatives à la téléphonie mobile – et encore, puisque votre majorité compte les édulcorer par voie d’amendements –, il n’y a strictement rien dans ce texte, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, susceptible d’avoir un impact favorable sur le pouvoir d’achat des ménages. Il n’est pas étonnant dans ces conditions, monsieur Chatel, que votre projet ne coûte rien, comme vous vous en êtes vanté. Ce texte est là pour donner l’illusion que le Gouvernement agit. En fait, il ne fait qu’« agiter » le mot « consommateur » sans oser exprimer votre véritable objectif pour une majorité de français, qu’on pourrait résumer par le slogan tout à fait opportun « Gagner moins pour payer plus ! »

Dans votre texte, il n’y a rien sur les loyers et les charges, rien pour prévenir le surendettement, rien pour lutter contre la surenchère des assurances, rien pour pallier le renchérissement des soins qu’entraîneront vos taxes sur les malades appelées « franchises », rien pour neutraliser les effets de l’assujettissement de 800 000 personnes âgées supplémentaires à la redevance télévision.

Il ne dit rien non plus des tarifs de l’énergie, alors même que l’État vient de récolter plus de deux milliards d’euros de dividendes sur EDF et GDF, payés directement par les consommateurs, à raison de près de 150 euros cumulés prélevés sur la facture de chaque foyer.

Dans ce domaine, chacun doit savoir que le Gouvernement pouvait décider de facturer l’énergie moins cher au consommateur, mais qu’il ne l’a pas fait parce qu’il avait besoin de renflouer les caisses de l’État après avoir fait cet été aux plus riches les cadeaux déjà évoqués.

M. le président. Monsieur Brottes, veuillez conclure, je vous prie.

M. François Brottes. Je me hâte, monsieur le président.

Parce que, pour nous, le logement, l’énergie, le crédit à la consommation et la santé, sont au centre des problèmes de pouvoir d’achat que rencontrent des millions de Français, nous formulerons, tout au long des débats, des propositions pour vous permettre de donner de la substance à votre texte et de la pertinence aux objectifs annoncés.

Monsieur le secrétaire d’État, où sont donc passées l’audace du parlementaire Chatel – qui était, on l’a déjà dit, un excellent parlementaire – ou la promesse du Président de la République à propos de l’action de groupe, qui consiste, lorsqu’un même préjudice est subi par de nombreuses personnes, à permettre à celles-ci de regrouper en une seule action la défense de leurs intérêts ? Non seulement vous y renoncez, mais Mme la garde des sceaux a même évoqué maladroitement la possibilité d’instaurer une franchise sur l’aide judiciaire, ce qui signifie que, plutôt que de mutualiser les actions de défense pour qu’elles coûtent moins cher et soient plus efficaces, vous faites tout pour décourager les gens de défendre leur droit à la réparation des préjudices subis.

Monsieur le secrétaire d’État, face à l’ampleur et à l’urgence des enjeux, votre texte n’est finalement en rupture qu’avec vous-même, avec vos convictions personnelles – que nous apprécions pourtant tous, sur tous les bancs de cet hémicycle –, notamment à propos de l’action de groupe.

Permettez-moi donc, pour conclure, un mot de synthèse : plutôt que d’un texte sur les marges arrière, l’histoire retiendra de vos propositions qu’il aura plutôt été question d’un texte sur la marche arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs de la gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la problématique du pouvoir d’achat, qui est l’une des préoccupations principales des Français, se situe à deux niveaux essentiels : d’une part, la maîtrise des prix à la consommation, que le passage à l’euro et certaines pratiques commerciales ont fait exploser et, d’autre part, le maintien d’un commerce de proximité, avec des emplois très locaux et une juste rémunération des producteurs, notamment des PME et des agriculteurs, ces deux secteurs étant victimes de certains comportements de la part de la grande distribution, qu’il s’agisse de la concurrence déloyale par rapport au commerce de détail ou des dérives des marges arrière pour ce qui est des relations avec les producteurs.

Avant d’analyser le texte plus en détail, je tiens à évoquer l’un des problèmes majeurs de la société française. Depuis des décennies, on a favorisé la concentration dans la distribution, en théorie au bénéfice du consommateur, mais, en réalité, au détriment des producteurs – et, plus particulièrement, des plus petits d’entre eux. Ainsi, nous avons, plus qu’ailleurs, favorisé les délocalisations.

Élu de l’agglomération de Castres, qui a perdu en quinze ans 6 000 emplois industriels, principalement dans le textile, je sais bien ce qu’il en coûte socialement. Si cette implacable logique se poursuit jusqu’au bout, c’est tout notre tissu industriel – PME d’abord, puis prestataires de services – qui sera sacrifié sur l’autel d’une mondialisation désordonnée. Rappelons-nous que chaque producteur est consommateur, et vice versa, que leurs intérêts sont liés et qu’il est irresponsable de sacrifier le premier au profit du second. Nous avons besoin de rééquilibrer la situation et mon intime conviction est que ce texte y contribue. Ce projet de loi est donc crucial, car il aborde ces enjeux avec des mesures précises et claires.

Nous approuvons la suppression des marges arrière par le passage au triple net comme calcul du seuil de revente à perte, pour faire apparaître la vérité sur les prix, et surtout sur les marges des différents acteurs.

Les consommateurs et les fournisseurs-producteurs attendent cette réforme, les premiers pour juger la crédibilité des campagnes publicitaires des grandes enseignes, les seconds pour pouvoir y voir plus clair au niveau de leur comptabilité – c’est d’ailleurs l’objet d’un sous-amendement que j’ai déposé, qui vise à faire apparaître sur la facture des produits le pourcentage de la négociation commerciale – et pour mieux orienter leur stratégie commerciale et leurs moyens de production sur le long terme.

Nous soutenons, bien entendu, la disposition du titre II visant à une meilleure protection des consommateurs, en regrettant toutefois le temps perdu, notamment sur le chapitre « Nouvelles technologies et service après vente » – je rappelle en effet qu’au cours de la précédente législature, lors de l’examen des lois sur les télécommunications, le groupe UDF avait formulé, sans succès, des propositions. Malgré la victoire remportée avec le passage à la facturation à la seconde, et ce grâce à la pugnacité de M. Jean Dionis du Séjour, contre les lobbies des télécoms, que de temps perdu !

En dépit de ses aspects très positifs, il faut bien reconnaître que le projet de loi s’inscrit dans un contexte français très particulier, où la libre concurrence est souvent faussée par des positions d’oligopole, dans le domaine des NTIC comme dans celui de la grande distribution. Le fait, par exemple, que la grande distribution représente en France près de 70 % des débouchés des filières agricoles lui donne carte blanche pour décider entre oligopoles, unilatéralement et sur tout le territoire, du prix à payer aux producteurs pour les marchandises. Dans aucun autre pays du monde sans doute le rapport de forces entre production et distribution n’est à ce point déséquilibré. Les pactes sur les prix des opérateurs de téléphonie mobile, récemment dénoncés par la DGCCRF en sont une illustration.

Pour faire face à cette situation, il ne faut pas déréglementer à tout va dans ces secteurs, comme le propose à certains égards le rapport Attali, mais plutôt créer de véritables outils de pilotage de l’économie des territoires et de contrôle ou de sanction des abus et des dérives.

Pour le premier volet, je crois à la capacité des acteurs locaux de jouer un rôle d’équilibre et de prospective en matière tant commerciale qu’économique.

Élu dans le Tarn, deuxième département de France en nombre de mètres carrés de grande surface par habitant, je suis convaincu qu’il faut par tous les moyens préserver un schéma d’équilibre commercial, dans nos villes et périphéries, entre le développement des grandes surfaces et le maintien d’un commerce de proximité – petites et moyennes surfaces – des centres-villes, des quartiers et du secteur rural. À cet égard, il faudra à l’avenir réfléchir sur l’adaptation du système des commissions départementales d’équipement commercial – ou CDEC –, dans l’intérêt certes des consommateurs, mais aussi dans celui de l’aménagement du territoire, en veillant à la complémentarité avec les schémas de développement du commerce au niveau des agglomérations, voire des pays, mais en gardant un principe de régulation, de contrôle et d’équilibre.

Toujours dans ce cadre, je ne pense pas que les perspectives d’ouverture généralisée des magasins le dimanche soient une bonne chose. Au-delà des éléments sociétaux plus généraux, tant pour le salarié que pour l’équité entre les différents modes de distribution, la situation actuelle d’un principe de fermeture assorti d’exceptions et de dérogations est un point d’équilibre qu’il ne faut pas remettre en cause.

M. Jean Dionis du Séjour et M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. Philippe Folliot. Pour le deuxième aspect, je constate, monsieur Chatel, que le projet de loi n’a pas repris votre proposition de loi sur les recours collectifs des consommateurs.

M. le président. Monsieur Folliot, veuillez conclure, je vous prie.

M. Philippe Folliot. La vigilance et les campagnes de communication que mènent les associations de consommateurs pour dénoncer les pratiques anticoncurrentielles des oligopoles et la mauvaise qualité des produits ne peuvent suffire. Il faut leur donner des moyens juridiques efficaces pour faire valoir les droits des consommateurs.

Il me semblerait, enfin, important de dispenser dès le collège une véritable éducation à la consommation. Les contrats et le droit des consommateurs sont devenus si complexes qu’il faut aider les futurs consommateurs à décrypter l’ensemble des conditions générales de vente, les étiquettes sur le produit et les clauses générales des contrats. Tel est l’objet d’un amendement que j’ai déposé. On pourra intégrer dans cet enseignement, outre la question des prix, les notions principales du développement durable, de la qualité, du service et des choix des consommateurs, et cela nous paraît essentiel.

En conséquence, le groupe Nouveau Centre votera ce texte qui, même s’il n’est pas parfait, va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne répéterai pas ce qui a été excellemment dit par le porte-parole du groupe de l’UMP et me contenterai de développer brièvement deux idées.

En premier lieu, si la réforme dont nous débattons ce soir est utile, elle est aussi une réforme qui en appelle une autre.

Utile, elle l’est pour trois raisons. La première est que le texte qui nous est proposé simplifie le droit existant, grâce au contrat unique qui donnera une idée exacte de la relation commerciale là où il fallait jusqu’à présent consulter une multitude de documents, grâce aussi au nouveau mode de calcul de la revente à perte, qui met fin à un système transitoire et complexe.

Le texte qui nous est soumis est également utile parce qu’il va redonner du pouvoir d’achat aux Français tout en maintenant un cadre indispensable dans la relation entre fournisseur et distributeur. Je tiens, à cet égard, à souligner le titre du projet de loi, consacré à « la concurrence au service des consommateurs ». La France apprivoise peu à peu l’économie de marché et a compris que la concurrence était au cœur de la croissance, qu’elle était un moteur indispensable dont il fallait savoir se servir avec, pour finalité, la satisfaction des besoins du consommateur.

Troisième raison : ce texte est utile parce qu’il adapte le droit français de la consommation à des techniques nouvelles que vous avez à très juste titre dénoncées dans le domaine de la téléphonie mobile ou dans le domaine bancaire.

Encadrement simplifié des relations commerciales, augmentation du pouvoir d’achat, meilleure protection des consommateurs : vous avez compris que je voterai pour ce texte, comme l’ensemble de mes collègues du groupe de l’UMP.

Cela étant, cette réforme en appelle une autre, et j’émettrai à cet égard trois vœux.

Le premier est qu’il conviendra d’aller beaucoup plus loin dans la simplification engagée avec ce projet de loi. Quand on ouvre le titre IV du livre IV du code de commerce, on ne peut que pousser des cris d’effroi (Sourires) et plaindre les PME qui doivent appliquer des textes redoutablement complexes. En la matière, en effet, un empilement de réformes rend l’ensemble si indigeste et difficile que les meilleurs avocats et les meilleurs spécialistes de la matière peinent à le maîtriser.

M. Louis Giscard d'Estaing. Très juste !

M. Daniel Fasquelle. S’il doit y avoir une réforme d’ensemble du titre IV, mon deuxième vœu est celui de l’efficacité. Une réforme de fond est absolument nécessaire pour ce qui est des sanctions. On mélange en effet les sanctions pénales et civiles et on confond parfois aussi sanction et réparation. Il faut mener, sur cette question, une réflexion de fond.

Je suis, pour ma part, favorable à la dépénalisation. Nous la commençons ce soir, mais il faut aller plus loin. Il faut savoir ensuite utiliser mieux qu’aujourd’hui l’amende, la sanction civile – nous pourrions, par exemple, déverrouiller le plafond de 2 millions d’euros qui s’applique actuellement. Il faut également cesser de confondre sanction et réparation. Cela n’a pas de sens que de demander au ministère public de réclamer des dommages et intérêts à la place des entreprises : une fois la condamnation prononcée, les entreprises, qui n’ont rien demandé, n’exigent pas le paiement de ces sommes. Une remise à plat s’impose donc.

Mon troisième vœu est celui de la stabilité. Notre pays n’est pas loin, en effet, d’atteindre un record inverse en la matière. Après l’ordonnance du 1er décembre 1986 codifiant le droit français de la concurrence – dont certaines dispositions étaient d’ailleurs relativement anciennes – est intervenue en 1996, soit dix ans plus tard, une première retouche, puis nous avons adopté en 2001, soit cinq ans plus tard, la loi NRE qui a modifié le titre IV du livre IV du code de commerce, avant de voter, quatre ans plus tard, une nouvelle réforme, et de nous en voir proposer une autre en 2007, soit deux ans plus tard. On ne cesse, avec des délais de plus en plus courts, de réformer, de modifier la matière. S’il doit y avoir une remise à plat, qu’on la fasse pour une longue durée : pensons aussi à ceux à qui appliquent ces textes complexes qui ne cessent de changer.

Je voterai, bien évidemment, pour le texte qui nous est proposé ce soir, qui va dans le bon sens et représente un premier pas vers une réforme de fond que nous saurons, je l’espère, entreprendre ensemble et qui, je l’espère aussi, saura satisfaire les trois vœux que je viens de formuler.

Je tiens également, pour conclure, à remercier notre rapporteur pour son excellent travail et pour la façon dont il a éclairé nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ordre du jour
de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heure trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 351, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Rapport, n° 412, de M. Michel Raison, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Avis, n° 408, de M. Bertrand Pancher, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)