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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 22 novembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Stabilité des institutions et transparence de la vie politique en Polynésie française (nos 401, 402, 417)

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois.

Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi organique n° 401

M. Bernard Roman.

MM. le secrétaire d’État, Didier Quentin, Jean-Christophe Lagarde. – Rejet.

Question préalable sur le projet de loi organique n° 401

M. René Leroux.

MM. le secrétaire d’État, Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, Bernard Roman. – Rejet.

Question préalable sur le projet de loi n° 402

M. René Dosière.

MM. le secrétaire d’État, Bernard Roman. – Rejet.

discussion générale commune

MM. Jean-Christophe Lagarde,

Didier Quentin,

Bruno Le Roux

Michel Vaxès,

Pierre Frogier,

Michel Buillard,

Bruno Sandras.

Clôture de la discussion générale commune.

M. le secrétaire d’État.

Rappel au règlement

M. Bruno Le Roux.

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Stabilité des institutions et transparence de la vie politique en Polynésie française

Discussion d’un projet de loi organique et d’un projet de loi adoptés par le Sénat, après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion :

– du projet de loi organique, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (n°s 401, 417) ;

– du projet de loi, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française (n°s 402, 417).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. Christian Estrosi, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs, ces deux projets de loi, organique et ordinaire, dont le Gouvernement vous saisit aujourd’hui après leur adoption par le Sénat, sont nés d’un constat unanime : les institutions issues du statut d’autonomie de la Polynésie française mises en place en 2004 ne peuvent plus fonctionner avec l’efficacité et la légitimité suffisantes. L’équilibre des pouvoirs et le respect des valeurs républicaines ne sont plus garantis.

Je suis souvent allé à la rencontre des Polynésiens, de celles et ceux qui font cette terre d’exception au milieu du Pacifique ; j’en ai acquis la certitude qu’il fallait donner, dans ce territoire, un souffle nouveau à la démocratie locale.

J’ai ressenti une très forte attente dans l’opinion publique polynésienne, et cette attente, nous n’avons pas le droit de la décevoir. C’est le devoir de l’État impartial et respectueux de tous ses administrés de ne pas se soustraire à son obligation d’être le garant et le régulateur des institutions.

L’État est parfaitement dans son rôle en prenant l’initiative de cette réforme, puisqu’elle ne vise qu’à améliorer la gouvernance politique de la Polynésie française et donc la vie des Polynésiens.

Le statut du 27 février 2004 a fait le choix de l’autonomie renforcée de la Polynésie française dans la République. Ce pari était ambitieux : donner davantage de compétences à une collectivité qui a démontré, de statut en statut, son aptitude à se gouverner librement et dans la stabilité. La Polynésie française a d’ailleurs connu un formidable développement économique au cours de la période 1990-2004. Cette ambition, le Parlement français l’a faite sienne à plusieurs reprises, dans le sens d’une autonomie toujours plus étendue et toujours plus responsable : en 1977, en 1984, en 1990, en 1996 et en 2004.

Aujourd’hui, notre devoir est de répondre aux préoccupations de la population et de remédier aux dysfonctionnements avérés de leurs institutions.

C’est simplement pour assurer la stabilité et la transparence que nous présentons ces deux projets de loi. Envers la Polynésie française, le Gouvernement se sent tenu par une obligation de moyens.

Le constat est simple : la situation est bloquée. L’efficacité et la légitimité manquent désormais aux institutions de la Polynésie française pour remplir leur mission.

Notre objectif n’a pas changé. Nous souhaitons vivement persévérer dans la voie de l’autonomie librement choisie au sein de la République. C’est le statut le plus adapté à l’histoire de la Polynésie ; c’est celui que souhaitent majoritairement conserver tous ses habitants. Mais force est de constater que le statut de 2004 n’a pas tenu toutes ses promesses. Le mode de scrutin alors retenu a conduit à l’élection d’une assemblée de la Polynésie française, toujours en fonction,…

M. Bruno Le Roux. Qui n’était pas celle que vous souhaitiez !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. …sans réelle majorité claire et dans l’incapacité de se doter d’un exécutif stable.

Cette instabilité, qui sévit depuis déjà trois ans et demi, est désormais devenue un frein à la mise en œuvre des projets dont la Polynésie française a légitimement et objectivement besoin. Nos compatriotes polynésiens ne comprennent pas que tant de projets soient différés pour des raisons qui leur semblent mauvaises.

Ils n’ont cessé de me le dire à chaque fois que je me suis rendu à leur rencontre : les Polynésiens ne supportent plus la situation actuelle. Ils ne supportent plus les poisons et les délices d’une vie politique qui se résume à des censures à répétition, à la paralysie des institutions et à l’inaction d’une classe politique locale qui ne sait pas se remettre en question.

M. Bruno Le Roux. C’est vous qui l’avez fabriquée !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Ils ne supportent plus que la politique locale fonctionne sur elle-même et pour elle-même, sans résoudre les problèmes, et ils sont nombreux, de leur vie quotidienne : pouvoir d’achat, logement, éloignement des archipels, avec ce que cela induit en termes d’inégalité dans l’accès aux soins ou aux études, l’accès aux moyens modernes de communication à haut débit, et bien d’autres domaines.

Pendant ce temps, les dossiers stagnent.

Le simple exemple du contrat de projet, que le Gouvernement avait prévu de proposer à la Polynésie pour un montant de 416 millions d’euros et qui n’a toujours pu être signé, est éloquent. Ce contrat, préparé en concertation par l’État et le gouvernement polynésien, est prêt depuis des mois.

M. Bruno Le Roux. Faites-le !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il pose les bases d’un développement économique et social durable pour amener la Polynésie à répondre aux grands défis d’aménagement qui sont les siens : accès de tous les Polynésiens à un service public de distribution pérenne d’eau potable, préservation des lagons, création de réseaux d’assainissement adaptés au développement du tourisme, au logement social, à la rénovation urbaine.

Je ne veux pas croire que les élus polynésiens, dans leur diversité, ne puissent se saisir d’une telle opportunité afin d’améliorer le quotidien de nos concitoyens.

Les dossiers n’avancent pas, car l’État n’a pas en face de lui un partenaire assuré d’une longévité dans l’action : l’autonomie ne fonctionne donc plus comme elle le devrait. À quoi peut bien servir une autonomie condamnée à l’impuissance ? Quelles sont la crédibilité et la légitimité d’un statut qui reconnaît à la Polynésie française de très larges compétences si elle n’est pas en mesure de les exercer dans la durée ?

Il existe donc bien, pour l’État, une forme de devoir constitutionnel d’intervention, lorsque la situation institutionnelle et politique est à ce point instable, et même bloquée.

M. René Dosière. Dissolvez !

M. Bruno Le Roux. Après votre politique de déstabilisation, il faut bien faire autre chose !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur Le Roux, nous sommes à 22 000 kilomètres de Papeete, et plus loin encore des Tuamotu, des Gambier, des Australes, des Marquises, des îles Sous-le-Vent. Vous aurez l’occasion de vous exprimer. Tous ceux qui nous écoutent et qui savent que le blocage de leurs institutions ne permet pas de répondre au quotidien à leurs aspirations...

M. Bruno Le Roux. Le blocage, c’est vous !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. …ont envie que chacun écoute l’autre avec le respect qu’il mérite. Ce respect, nous le devons d’abord aux Polynésiens qui nous regardent et qui nous écoutent.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Donnez donc l’image d’un représentant de la nation qui sait se montrer à la hauteur de l’enjeu du débat, qui défend l’intérêt général de la Polynésie française sans discours idéologique ou philosophique, sans alimenter le débat de manière stérile et polémique comme vous avez si souvent l’habitude de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

L’intervention de l’État est très attendue par l’opinion publique locale.

J’ai pu constater d’ailleurs qu’après avoir entendu ce que leur disait la population, les voix qui s’élevaient contre le présent projet de loi organique ont faibli, sans doute parce qu’elles n’ont pas rencontré dans l’opinion publique locale un écho si favorable.

Si l’assemblée de la Polynésie française a émis un avis officiellement négatif sur le projet de loi organique, elle n’en a pas pour autant rejeté le contenu, loin de là. Elle a en effet approuvé la majorité de ses mesures, et en particulier la plupart de celles concernant la transparence de la vie politique.

L’État se devait donc d’agir. Il le fait ici, à l’Assemblée nationale, comme il l’a fait au Sénat, de façon impartiale, en tirant toutes les leçons du passé. Les lois votées depuis 1984 méritent d’être perfectionnées. Chacun a des leçons à tirer et je suis prêt à le faire avec humilité. Simplement, quand on a le sens des responsabilités politiques, chacun à son tour, on essaie de les assumer. Le passé est désormais révolu.

À deux reprises récemment – et même à quatre : aux deux tours de l’élection présidentielle et aux deux tours des élections législatives –, l’opinion publique s’est exprimée en faveur d’une rupture avec les habitudes anciennes. Pendant la campagne électorale devant tous nos compatriotes polynésiens, Nicolas Sarkozy a pris l’engagement de la mettre en œuvre.

M. Bruno Le Roux. Où est-elle, la rupture ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Les projets que nous présentons aujourd’hui ne font que répondre au choix qu’ont fait les Polynésiens. Nicolas Sarkozy a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés en Polynésie française à l’occasion du deuxième tour de l’élection présidentielle au mois de mai. En juin dernier, nos compatriotes de Polynésie française ont élu deux députés sur un programme de rupture, et je les salue dans cet hémicycle.

La dernière expression démocratique des Polynésiens s’est donc clairement prononcée en faveur d’un profond changement par rapport à l’ordre ancien, dans le respect de l’autonomie. Dans ces conditions, le retour aux urnes, avec l’abréviation du mandat de l’assemblée élue en 2004, répond au seul souci de relégitimer les institutions de la Polynésie française.

Stabilité et transparence, ce sont bien là nos deux objectifs, ceux qui rencontrent l’adhésion du plus grand nombre de nos concitoyens de Polynésie française, tous attachés aux valeurs de la démocratie et de la responsabilité.

Il ne faut pas s’y tromper, c’est parce que nous croyons en l’autonomie, c’est parce que nous faisons confiance aux Polynésiens que nous voulons d’abord leur rendre les clés d’une autonomie dont ils se croient aujourd’hui exclus et dépossédés. Ils ont le sentiment, en effet, que le statut de la Polynésie française ne leur appartient plus, entravé par quelques jeux politiciens plutôt médiocres.

Le renouvellement de l’assemblée de la Polynésie française est bien la première des conditions pour redonner confiance aux Polynésiens dans leurs institutions autonomes, mais, si cette condition est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Cela ne servirait à rien si l’on n’apportait pas au statut de 2004 des éléments de stabilité, de responsabilité et de transparence dont l’expérience récente montre qu’ils lui font défaut.

Stabilité car le renversement du gouvernement de la Polynésie française ne sera plus aussi facile qu’aujourd’hui. Il ne faudra pas seulement s’unir pour détruire, il faudra s’unir pour construire : telle est la définition de la motion de censure constructive.

La procédure budgétaire sera désormais accompagnée d’un mécanisme destiné à s’assurer que le budget sera toujours voté. Ce n’est pas parce que le problème ne s’est encore jamais présenté en Polynésie française qu’il ne faut pas prendre les dispositions nécessaires pour le prévenir.

C’est dans le même objectif de stabilité qu’est proposé un mode de scrutin à deux tours, qui assure la représentation de chacun des archipels et l’expression du pluralisme grâce à la proportionnelle. Les alliances se feront désormais au grand jour, devant les électeurs, et non dans leur dos.

Nous préférons ce système, clair et respectueux de la diversité géographique et politique de la Polynésie française, à toute autre transposition du mode de scrutin régional. La première raison en est que la réintroduction de la prime majoritaire ne serait pas comprise, surtout dans le cadre d’un scrutin à un seul tour, solution un temps envisagée. Deuxièmement, je crois à la représentation des archipels librement garantie par la loi : ce sont les électeurs des archipels, et eux seuls, qui doivent élire leurs représentants ; il n’appartient à personne de leur dicter ce choix.

Le même souci de stabilité préside enfin à la modification du mode d’élection du président de la Polynésie française et à l’allongement de la durée du mandat de président de l’assemblée de la Polynésie française.

La transparence est le deuxième objectif de ces textes. Les Polynésiens doivent pouvoir constater par eux-mêmes comment ils sont gouvernés par ceux qu’ils ont choisis, conformément à l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Exigées par tous, les dispositions de ce texte qui garantissent la transparence renforceront nécessairement la légitimité de l’autonomie : c’est parce qu’ils sauront que les règles du jeu ont changé que nos compatriotes polynésiens auront confiance en leurs représentants. À la différence de certains, je ne vois pas pourquoi renforcer la transparence de la vie politique polynésienne porterait quelque atteinte que ce soit à l’autonomie. La confiance des Polynésiens dans l’exercice de l’autonomie par leurs élus sera au contraire renforcée dès lors qu’ils sauront que chacun des actes de ceux-ci sera décidé en toute transparence.

C’est parce que ces règles nouvelles auront été établies, conformément aux engagements du Chef de l’État, que nos compatriotes de métropole auront eux aussi de la Polynésie française une image renouvelée, une confiance retrouvée.

En effet nous sommes tous ici tenus à une obligation de moyens, dans ce qui doit être une démarche de vérité, de transparence, et surtout dans un esprit de dialogue.

Les Polynésiens souhaitent de tout leur cœur que leurs élus reviennent à l’essence même de la politique : la gestion de la cité, au sein de la République et dans le respect de la Constitution et du droit qui en est issu.

L’exigence d’une moralisation de la vie publique en Polynésie française s’est imposée à tous. Et les derniers rapports de la Cour des comptes prouvent à quel point il y a urgence à agir en ce sens.

Aucune mesure de ce texte ne touche à la répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Que ceux qui, ici ou là, ont laissé entendre que ce texte remettrait en cause certains transferts de compétences à la Polynésie française me citent une seule des compétences transférées en 2004 ou par les lois précédentes à laquelle ce texte porterait atteinte !

Mais l’autonomie dans la République, cela ne signifie pas l’autonomie des élus par rapport aux règles constitutionnelles et aux lois. Cela suppose au contraire une plus grande responsabilité, car il n’y a pas d’extension de compétences sans extension de la responsabilité. Il n’y a aucune volonté d’ingérence dans le débat politique local. La seule volonté de l’État est de continuer à avancer avec la Polynésie française, en privilégiant l’intérêt général.

Stabilité, transparence et démocratie locale : tels sont les objectifs de ce projet de loi. Les Polynésiens décideront ensuite de confier les rênes de leur gouvernement à ceux qu’ils en jugeront dignes. Le Gouvernement de la République, quant à lui, travaillera loyalement avec les nouveaux élus, quels qu’ils soient, dans le respect des choix des Polynésiens.

M. Bruno Le Roux. Comme avant ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Je suis un homme profondément épris de démocratie et de liberté ; je suis extrêmement attaché à la diversité des territoires, qui font toute notre richesse humaine. C’est pourquoi je veux aussi tendre la main aux élus de la Polynésie française, afin qu’ils se réconcilient avec leurs électeurs et retrouvent leur légitimité politique.

Mais je pense aussi que lorsqu’on se prévaut d’une légitimité politique, il faut se donner les moyens, les ressources et les compétences pour exercer sa mission.

Le Gouvernement a donc décidé de doter les communes de Polynésie française de compétences renforcées dans certains domaines de proximité et des ressources correspondantes. J’ai, dans cette perspective, signé tout récemment une convention afin qu’elles disposent d’une fonction publique communale dans les sept ans à venir, sur le fondement de l’ordonnance de 2005, que le Parlement a ratifiée il y a quelques mois.

Par ailleurs, j’ai soumis récemment au Conseil des ministres une ordonnance étendant aux communes de Polynésie française le contrôle de légalité a posteriori, qui entrera en application après les élections municipales de mars prochain. Pourquoi en effet les communes de Polynésie française n’auraient-elles pas accès à un droit que les lois Defferre de décentralisation de 1982 ont ouvert à toutes les communes de métropole, et à certains départements d’outre-mer ? Cette ordonnance est un gage de confiance renforcée de l’État à l’égard des communes de Polynésie.

Je le dis clairement devant cette assemblée : le maire est à mes yeux le premier interlocuteur de chacun de nos compatriotes de Polynésie française. Dans les archipels les plus éloignés, c’est à lui qu’on s’adresse d’abord, et cela quel que soit le problème auquel on est confronté, que celui-ci relève de la compétence de l’État, de l’assemblée ou du gouvernement de Polynésie, ou de la commune, qu’il s’agisse d’un problème sanitaire ou social, qu’il s’agisse de soi-même, de ses parents âgés, de ses enfants, qu’il s’agisse d’éducation, d’assainissement, d’eau potable, que sais-je : c’est avec le maire qu’on s’entretient de ses difficultés, de sa détresse, voire de son malheur.

Voilà pourquoi je souhaite que, dans ce domaine aussi, nous avancions très vite. Nous démontrons ainsi qu’à travers les communes polynésiennes, c’est l’autonomie de la Polynésie française que nous voulons aussi renforcer ainsi que la confiance de sa population dans cette autonomie. C’est ce qui justifie, et cette convention relative à la fonction publique communale passée avec l’association regroupant les maires de Polynésie, et cette ordonnance qui, dès le mois de mars, étendra enfin le régime du contrôle de légalité a posteriori aux communes de Polynésie. Désormais les actes des exécutifs municipaux polynésiens ne seront plus soumis à un contrôle a priori.

Ceux-ci seront également autorisés à constituer des intercommunalités identiques à ce qui se fait déjà en métropole ou dans certains départements d’outre-mer, et dont certains archipels, comme les Marquises, sont particulièrement demandeurs.

Je vous annonce enfin, pour que chacun dispose de tous les éléments de contexte nécessaires, que le projet de loi organique que je défendrai devant le Parlement après les élections municipales, transférera lui aussi de nouvelles compétences aux communes et aux maires de Polynésie française. Il s’agit de leur donner la capacité d’affronter des difficultés liées à la gestion des cinquante pas géométriques, de leur patrimoine foncier ou de leurs infrastructures, quand celles ne leur font pas défaut, ou des problèmes d’assainissement. Je veux, non seulement leur transférer des compétences supplémentaires, mais aussi étendre les possibilités de partenariats directs avec l’État ou instaurer des mécanismes leur permettant de bénéficier de l’aide du Pays, de l’État, ou des deux ensemble. Ce texte proposera encore bien d’autres transferts de compétence, et nous veillerons à ce qu’ils s’accompagnent du transfert des ressources nécessaires aux communes pour les assumer pleinement. Je sais, mon cher Michel, maire de Papeete, combien l’attente des maires de Polynésie française est forte à l’égard de ce texte.

M. Bernard Roman. Merci, mon cher Christian !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Qui pourrait donc prétendre que le Gouvernement organise un recul de l’autonomie locale, au moment même où il accroît sensiblement celles des communes ?

Je tiens à réaffirmer de la manière la plus solennelle qu’en aucun cas l’autonomie de la Polynésie française ne saurait être remise en cause.

L’accusation qui nous est parfois faite de vouloir « départementaliser » le pays est profondément injuste et dénué du moindre fondement. Je m’en suis d’ailleurs longuement expliqué devant les membres de l’Assemblée de Polynésie lors de mon dernier déplacement.

M. René Dosière. Qui vous fait ce reproche, sinon un ami à vous ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Un ami de votre ami, vous voulez dire ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je reviendrai sur ces amendements au fil de leur discussion, mais je puis d’ores et déjà vous annoncer que le Gouvernement pourra exprimer un accord presque complet avec les propositions de votre commission des lois.

Le Sénat a déjà enrichi le texte de divers ajustements très pertinents, en particulier en ce qui concerne les élections à l’assemblée territoriale, avec le relèvement des seuils prévus pour l’admission à la répartition des sièges et pour être présent au second tour, en ce qui concerne également l’élection du président de la Polynésie française ou les communes ou les lois de pays, avec des dispositions concernant la transparence financière.

Le Gouvernement se montrera particulièrement ouvert dans sa recherche des meilleures solutions pour parvenir au but que nous partageons tous : conforter l’autonomie de la Polynésie française en lui donnant les moyens de fonctionner efficacement dans la durée, conformément à la volonté des Polynésiens eux-mêmes. Notre seul souci est d’assurer leur bien-être au sein de la République et de faire progresser un territoire qui le mérite et qui nous est si cher.

Je profite de cette occasion pour vous annoncer que, pour la première fois, nous veillerons à ce que la loi de programme pour l’outre-mer, qui devrait être adoptée au début de l’année 2008, consacre un volet spécifique à chaque département ou collectivité territoriale d’outre-mer, du moins à chaque territoire, afin que soit assuré le respect de sa diversité, de son histoire, de sa culture et de son authenticité.

Dans ce territoire grand comme l’Europe, au cœur du Pacifique, cette richesse humaine, ces ressources et ces talents attendent simplement pour s’épanouir que l’État mette modestement à la disposition de leur pays, de leur fenua ou leur commune les outils et les moyens nécessaires. C’est ainsi qu’on permettra à leur talent et leur intelligence d’assurer leur développement économique, et de répondre à leurs attentes quotidiennes. C’est ainsi qu’on assurera une véritable égalité des chances, ce que j’appelle l’équité, qui impose de donner plus à ceux qui ont moins, à ceux qui sont les plus éloignés, à ceux qui souffrent souvent d’un sentiment d’éloignement et d’isolement.

Eh bien ! Le seul objectif de ce texte de loi est de répondre à leurs attentes. Je suis allé à la rencontre de chacun, je les ai écoutés, je les ai entendus. Je connais leur cœur et leur attachement à la République, et je sais que nous n’avons pas le droit de les décevoir.

Tout au long de ce débat, Je serai attentif à vos remarques, de quelque banc qu’elles viennent, parce que je respecte la part d’expérience de chacun. Monsieur Leroux, monsieur Roman, monsieur Dosière, je sais combien vous avez toujours été attentifs aux débats qui concernent l’outre-mer, et je m’attacherai à recueillir le fruit de votre expérience.

Pour moi, l’outre-mer doit d’autant moins être l’objet de polémiques partisanes et de débats idéologiques que l’organisation politique de la Polynésie française n’a rien à voir avec les modèles que l’on peut trouver en métropole. Mais nous appartenons à la même communauté de destin et cela, nos compatriotes de Polynésie le ressentent très fortement.

Voilà pourquoi nous n’avons pas le droit de les mépriser ; voilà pourquoi nous n’avons pas le droit de leur donner, dans nos interventions, le sentiment de la moindre arrogance à leur égard. Voilà pourquoi je voudrais que ce débat soit respectueux de chacune et de chacun d’entre eux. Voilà pourquoi j’affirme avec force devant vous qu’il y a urgence à légiférer, urgence à redresser l’économie de la Polynésie française, urgence à retourner devant les urnes et rétablir un partenariat loyal et efficace avec l’État, pour construire un développement équilibré, équitable et respectueux de l’identité polynésienne.

C’est pourquoi le Gouvernement vous demande, mesdames et messieurs les députés, de bien vouloir adopter les deux projets de loi qui vous sont soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’outremer, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la Polynésie française, territoire d’outre-mer depuis 1946, devenue collectivité d’outre-mer en 2003 à la suite de la révision constitutionnelle, s’est vu reconnaître une autonomie croissante au fil de ses statuts successifs. L’histoire et les problèmes de cette collectivité du Pacifique, du protectorat de 1842 à l’autonomie actuelle, ne sont pas forcément de même nature que ceux de la métropole, compte tenu de l’insularité, de l’immensité du territoire et de l’éloignement. Cette réalité est prise en compte, puisque cette collectivité d’outre-mer dispose depuis 2004 de compétences étendues et d’institutions originales et qu’elle est soumise à un régime législatif qui déroge très largement au droit commun.

Les projets qui nous sont soumis aujourd’hui, qui ne remettent nullement en cause cette approche particulière. se fondent sur un constat simple : depuis 2004, trois motions de censure ont été adoptées et cinq présidents de la Polynésie française se sont succédé. Comment croire que cette instabilité pourrait ne pas porter fortement préjudice à l’économie polynésienne ? Ce serait vouloir du mal à la Polynésie que de le soutenir. La solution pour que la Polynésie puisse repartir d’un bon pied serait, au contraire, de s’efforcer de prévenir cette situation.

En 2006, la croissance économique s’est affaiblie et les échanges de la collectivité avec le reste du monde ont baissé, alors que cette partie du monde, le Pacifique, avance à un rythme extraordinairement rapide. La confiance des investisseurs est atteinte et de nombreux acteurs économiques sont aujourd’hui vulnérables et doutent, comme l’atteste l’augmentation du nombre des créances douteuses et des interdits bancaires. Comme vous l’avez relevé, monsieur le ministre, le contrat de projet considérable que l’État propose à la Polynésie, d’un montant de 460 millions d’euros, ne parvient pas à être mis à exécution, ce qui peut susciter quelque inquiétude.

M. René Dosière. Il y a un président !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Au cours des auditions auxquelles j’ai procédé en tant que rapporteur, j’ai reçu l’intersyndicale des fonctionnaires d’État de la Polynésie. Ces fonctionnaires, qui sont attachés à l’État et travaillent, dans les responsabilités qui sont les leurs, pour le bien de la Polynésie, m’ont dit l’inquiétude d’une partie de la population face à cette instabilité, qui nuit à la fois au développement économique et au moral des populations polynésiennes.

M. Jean-Christophe Lagarde. Surtout depuis que M. Flosse est pour l’indépendance !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces populations ont des raisons fortes d’attendre de l’État français qu’il permette aux affaires publiques de trouver la stabilité.

Pour assurer un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes, il est d’abord indispensable d’adopter un mode de scrutin permettant d’obtenir des majorités claires et stables à l’assemblée de la Polynésie française. Dans la plupart des collectivités, c’est l’assurance d’une prime majoritaire qui garantit cette stabilité.

M. Bruno Le Roux. C’est vous qui l’avez trouvée en 2005 !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’allais le dire. Si vous me laissiez parler, cher collègue, je pourrais m’expliquer. À deux reprises, en 1996 et 2004, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, au nom de la commission des finances, de textes relatifs au statut de la Polynésie. En relisant les paroles que j’ai prononcées en ces occasions et à propos desquelles, pour me mettre en difficulté, vous m’avez fait un procès d’intention lors de l’examen du texte en commission – sans avoir, semble-t-il, relu vous-même mes déclarations –, il m’a fallu reconnaître avec beaucoup d’humilité…

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est tout à votre honneur !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. … que je m’étais mépris au sujet du régime électoral. En 2004, en effet, je croyais, avec toute la bonne foi que je mets d’ordinaire à l’examen d’un dossier, que le mode de scrutin que nous proposions, qui prévoyait une prime majoritaire, serait de nature à donner de la stabilité aux institutions de la Polynésie. Je ne mesurais pas alors que, la prime majoritaire s’appliquant à chaque circonscription, ses effets risquaient de s’annuler, diminuant d’autant l’intérêt du système.

Ce système ayant échoué, il faut en trouver un autre. Le général de Gaulle disait que le meilleur système électoral est celui qui permet de gagner. Or on ne sait jamais, avant l’élection, quel est le système qui permettra de gagner, il faut en convenir avec beaucoup d’humilité. La proposition du Gouvernement, telle qu’amendée par le Sénat, aboutit à un dispositif équilibré qui devrait, si j’en crois l’esprit dans lequel nous devons essayer de pratiquer ce nouveau régime électoral, permettre de trouver une stabilité. En effet, la possibilité d’un second tour doit, le cas échéant, permettre aux partis de se regrouper. Le seuil de maintien a été fixé à 12,5 % des suffrages exprimés, ce qui permet à la fois d’assurer une bonne représentativité et d’éviter l’éparpillement. D’une manière générale, les formations polynésiennes pourraient être amenées à se regrouper, le relèvement à 5 % du seuil pour être admis à la répartition des sièges permettant, là aussi, une représentation des différents partis politiques.

Pour ce qui concerne les élections à l’assemblée de la Polynésie française, je tiens également à saluer l’initiative du Gouvernement, qui a proposé au Sénat un dispositif de remboursement partiel des frais de transport aérien des candidats. Compte tenu du nombre d’îles et de l’étendue des archipels polynésiens, le coût des voyages en avion peut représenter des sommes considérables. Jusqu’à présent, ces frais n’étaient pas inclus dans le plafond des dépenses électorales, ce qui limitait probablement la capacité de petites listes à être candidates. Le système proposé par le Gouvernement permettra de prendre en charge une partie de ces dépenses, sans pour autant limiter la capacité d’un candidat à parcourir l’ensemble de sa circonscription. Il s’agit là d’une évolution intéressante pour la vie politique polynésienne.

Les projets de loi qui nous sont soumis prévoient par ailleurs que l’élection du président de la Polynésie pourra désormais avoir lieu lors d’un troisième tour, auquel pourront seuls participer les deux candidats arrivés en tête au deuxième tour. Cette solution, proposée par le Sénat, me paraît pleine de bon sens, car la stabilité de l’exécutif pourra s’appuyer sur un président élu par une majorité absolue plutôt que par une majorité relative.

Pour ce qui est des mécanismes de responsabilité de l’exécutif local devant l’assemblée polynésienne, je me félicite, et la commission des lois avec moi, de l’instauration de motions de défiance constructives. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, contrairement aux anciennes motions de censure, ces nouvelles motions, combinées au nouveau scrutin, obligeront leurs signataires à s’accorder sur le nom d’un nouveau président, évitant ainsi une vacance institutionnelle. Il en sera de même pour les motions de renvoi, qui pourraient se révéler utiles si l’exécutif local peinait à faire adopter son budget par l’assemblée polynésienne.

La seconde grande ambition des textes qui nous sont soumis est ce que votre projet appelle la transparence. Celle-ci sera notamment assurée par une meilleure publicité des travaux de l’assemblée polynésienne, par le renforcement de la pratique actuelle des questions adressés par ses représentants au gouvernement polynésien, par l’institution d’un débat d’orientation budgétaire – exercice qui représente un moment important de la vie de toutes les collectivités métropolitaines – ou par l’instauration de règles d’incompatibilité inspirées du droit commun, tant pour l’exécutif que pour l’assemblée polynésienne. Ce qui est intéressant dans la démarche du Gouvernement n’est pas tant, malgré ce que veut parfois faire croire l’opposition – qui a sur ces sujets une vision plus ad hominem qu’orientée vers l’intérêt général de la Polynésie –, est précisément d’aider la Polynésie à franchir une nouvelle étape qui renforce son autonomie.

Vous avez été, chers collègues socialistes, et il faut vous en rendre justice (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), à l’origine de cette autonomie. C’est en effet en 1984, si je ne me trompe, qu’une première loi accordant l’autonomie a été voulue par vous.

M. René Dosière. Le premier pas est toujours le plus difficile !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Mais l’autonomie ne doit pas être une boîte vide, elle doit s’accompagner de progrès. Sans stabilité, l’autonomie ne signifie rien – ce qu’illustre le fait que la Polynésie, si elle a l’autonomie, n’en tire pas pour autant de profits sur le plan économique, faute de stabilité. En même temps, pour ne pas s’exposer au reproche, l’autonomie doit s’accompagner de transparence, d’une organisation de la vie publique qui soit celle de toutes les institutions démocratiques dans tous les grands pays du monde. En métropole même, nos réglementations ont évolué depuis des dizaines d’années, introduisant progressivement, par exemple, le financement de la vie publique, la transparence, la publication des documents ou la création des chambres régionales des comptes. Il s’agit là d’une évolution légitime, dans laquelle l’autonomie, garantie d’une liberté, ne signifie pas que l’on puisse faire n’importe quoi : elle s’inscrit dans un État de droit qui doit être librement consenti. L’autonomie n’est pas l’anarchie, mais, au contraire, la garantie pour les citoyens qu’au-delà de la liberté, les règles qui s’appliquent à un État républicain s’appliquent également en Polynésie.

Gardons-nous donc de stigmatiser les Polynésiens, quels qu’ils soient, individus ou catégories politiques. Les Polynésiens avancent, comme nous l’avons fait dans nos collectivités et nos institutions républicaines, vers une transparence vers laquelle nous devons les aider à progresser.

La loi organique permettra de mieux assurer la clarté et le respect du droit en Polynésie, grâce à un régime législatif plus cohérent et à un meilleur partage des compétences, notamment entre la collectivité et les communes. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, de l’annonce du renforcement du statut des communes, qui répond à l’attente des maires de Polynésie. Dès le statut de 1996, en effet, j’avais observé, en me rendant en Polynésie avec le président Mazeaud, combien les communes demandaient ce statut, qu’elles méritaient d’ailleurs et que vous allez leur donner, je l’espère, dès 2008.

Je me réjouis que le Gouvernement fasse un pas substantiel dans cette direction. Le projet de loi prévoit également l’extension à la Polynésie française de toute une série de règles de contrôle budgétaires et comptables qui s’appliquent aujourd’hui dans les collectivités territoriales de droit commun, ainsi qu’à Mayotte, à Saint-Barthélémy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains, ces mesures n’ont nullement pour objet de stigmatiser la Polynésie ou d’exprimer quelque méfiance envers les Polynésiens, mais d’appliquer des règles relatives au contrôle de l’État tel qu’il s’exerce partout sur le territoire de la République.

Nos amis polynésiens, qui nous regardent certainement aujourd’hui, sont légitimement inquiets de cette instabilité. Ils sont loin de la métropole et souhaiteraient que l’État, dans le partenariat qu’il entretient avec cette belle collectivité et que vous avez évoqué, lui apporte le moyen de sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve. Nous avons une occasion de donner un petit coup de pouce, sans rogner l’autonomie, mais, au contraire, en la confortant par la stabilité et la transparence, pour donner à la Polynésie un nouvel élan et lui permettre de poursuivre son développement, conformément aux attentes de la population.

Dans le monde global qui est le nôtre, le positionnement de la Polynésie dans le Pacifique, au cœur de richesses marines aussi considérables, est une véritable opportunité pour ce territoire. Il faut lui donner les moyens de mettre en valeur et d’exploiter toutes ces richesses, avec l’aide de la métropole et de tous les Français.

La commission des lois a, bien évidemment, émis un avis favorable à l’adoption du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

3. Exception d’irrecevabilité sur le projet de loi organique n° 401

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi organique n° 401.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, vous venez de nous présenter deux textes de loi pour la Polynésie française, l’une organique, l’autre ordinaire, visant non seulement à bouleverser là situation institutionnelle issue du statut voté en 2004, mais aussi – et ce n’est pas la moindre des mesures législatives que vous proposez aujourd’hui à notre assemblée – de mettre fin purement et simplement au mandat confié par les citoyens polynésiens, pour une durée de cinq ans, à leurs élus lors des précédents scrutins.

Si vous êtes conduit à une décision aussi radicale, vous devez avoir des raisons impérieuses. Qu’est ce qui peut justifier aujourd’hui une démarche aussi précipitée, à marche forcée, incohérente, partiale – et même, d’un certain point de vue, dangereuse pour la Polynésie française ?

Le climat serait-il à ce point tendu à Papeete et dans les archipels ? Y aurait-il une vacance du pouvoir, une absence de majorité, un immobilisme qui ferait reculer la Polynésie au point de lui faire courir les plus graves risques ? Qu’est ce qui vous conduit, monsieur le secrétaire d’État, à déclarer cette forme d’état d’urgence législatif, à saisir, dans le cadre d’un ordre du jour resserré, au Sénat il y a quelques jours, à l’Assemblée aujourd’hui, la représentation nationale de la question polynésienne ?

Vous pourrez naturellement me renvoyer à l’exposé des motifs ou à certaines de vos déclarations pour tenter de justifier la bonne foi d’un gouvernement qui voudrait, je vous cite : « donner enfin à la Polynésie française les moyens de son développement ». Mais nous ne pouvons vous croire, car la chronologie des événements des six derniers mois ne plaide pas en votre faveur.

En effet, tout se passait bien en Polynésie française pour la majorité Tahoera’a UMP. Au mois de juin dernier, les deux sièges de député ont été emportés par les candidats autonomistes du Tahoera’a Huiraatira investis au plan national par l’UMP – et que je salue au passage, car ils sont présents. Quelques semaines plus tard, vous receviez à Paris M. Tong Sang, alors président de la Polynésie française, et vous l’assuriez du soutien de la métropole pour la signature du contrat de développement sur cinq ans que vous avez évoqué tout à l’heure. Le Premier ministre confirmait lui-même cet engagement au président de la Polynésie, et le Président de la République lui ouvrait les portes de l’Élysée. Était-il alors question de mode de scrutin désuet, de dissolution nécessaire, d’instabilité menaçante ? Non, tout allait pour le mieux dans le meilleur des archipels. Même si, vous le sentiez bien, la majorité vacillait en Polynésie. Mais qu’à cela ne tienne : il n’y avait ni urgence, ni menace, et vous déclariez alors qu’il n’est « pas question d’organiser de nouvelles élections », vous appeliez même « chacun à faire le choix de l’intérêt général ». Le Président de la République lui-même, ne voulant pas réitérer l’erreur de son prédécesseur en 2004, faisait savoir qu’il s’opposait, lui qui a seul le droit de dissolution que vous nous demandez d’exercer aujourd’hui, à une dissolution de l’Assemblée de Polynésie Française.

Et puis, le 1er août 2007, vous annonciez le dépôt d’un projet de loi visant à « améliorer le fonctionnement des institutions polynésiennes et le mode de scrutin pour garantir une majorité stable à la Polynésie », mais en précisant parallèlement que « le Gouvernement ne prononcera pas la dissolution de l’assemblée territoriale » parce que, disiez-vous, vous vouliez « respecter le libre choix des hommes politiques de la Polynésie. »

M. René Dosière. Très bien !

M. Bernard Roman. Tout allait pour le mieux : l’un des vôtres présidait l’assemblée polynésienne, les remous au sein de votre majorité ne vous faisaient pas craindre son renversement, et vous affirmiez qu’il n’était donc pas question de dissoudre l’assemblée.

Patatras ! C’était préjuger du cours des événements et de ce que vous appeliez « le libre choix des hommes politiques de la Polynésie » : le 31 août, une motion de censure est votée contre le gouvernement de M. Tong Sang et conduit, deux semaines plus tard, à la réélection d’Oscar Temaru à la présidence de la Polynésie française. Et alors, tout change !

M. Jean-Christophe Lagarde. Hier, M. Flosse était à jeter aux orties, maintenant, il est devenu votre allié !

M. Bernard Roman. À partir de cette réélection, monsieur le secrétaire d’État, rien ne va plus : la stabilité devient instabilité, le respect du libre choix des hommes politiques de Polynésie sort de votre registre de pensée, le contrat de développement ne peut plus être mis en œuvre, il devient même urgent de changer le mode de scrutin. Qui plus est, puisque vous ne voulez pas le faire vous-même, vous enjoignez à l’Assemblée nationale et au Sénat, au Parlement français, de procéder par la loi à une dissolution qui ne dit pas son nom, et que vous-même et le Président de la République vous refusez à assumer.

Dans un tel cadre, ce projet de loi est inacceptable. Il constitue un acte législatif suspect au regard de la conception que nous devons avoir de la démocratie et de la République.

M. René Dosière. Très juste !

M. Bernard Roman. Vous réduisez à une forme de parodie, vous abaissez à une sorte de caricature, nos deux chambres, en demandant aux parlementaires français d’écourter le mandat d’élus qui détiennent leur pouvoir du vote, librement exprimé, de citoyens français. Vous vous moquez ainsi d’une troisième assemblée, celle de Polynésie, que vous considérez comme mineure et que vous voulez assujettir à un article de loi voté en catimini à Paris, et qui met fin à la légitimité de la fonction de ses membres. C’est d’ailleurs étonnant que dans vos interventions, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il n’y ait pas eu un mot sur l’article 20, qui amène notre parlement à décider de dissoudre une assemblée légitime de la République française !

M. René Dosière. Scandaleux !

M. Bernard Roman. On n’en a pas entendu un mot, ni dans votre intervention ni dans celle du rapporteur !

M. René Dosière. Parce qu’ils ne sont pas fiers de ce qu’ils proposent !

M. Bernard Roman. Il sera intéressant d’examiner les attendus du Conseil constitutionnel sur cette partie du texte, notamment sur l’article 20 de la loi organique que vous nous soumettez aujourd’hui.

Non, monsieur le secrétaire d’État, cette marche forcée et cette précipitation ne s’expliquent pas par la volonté, comme vous le prétendez, de donner une stabilité à la Polynésie française ; elles expriment d’abord le procès en illégitimité que vous faites à un Président de la République de la Polynésie…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il n’est pas Président de la République !

M. Bernard Roman. …élu dans des conditions indiscutables, le 13 septembre dernier, mais qui n’est pas de vos amis. Puis-je d’ailleurs vous faire remarquer, vous qui présentez comme un épouvantail l’instabilité qui régnerait en Polynésie française, que jamais ou presque les décisions de l’Assemblée de Polynésie, qu’il s’agisse de dispositions budgétaires ou de décisions politiques classiques, n’avaient été prises avec d’aussi larges majorités, voire des votes unanimes, que depuis le retour de M. Temaru à la présidence de cette assemblée ? Où est l’instabilité, sinon peut-être dans l’illégitimité que vous considérez être celle d’un président qui n’est pas dans votre camp ? Votre démarche est partiale. Lors de votre récente visite sur place, on a pu parfois se demander si vous étiez le représentant de l’État impartial ou celui de l’UMP.

M. René Dosière. Comme toujours !

M. Bernard Roman. Quant à la manière dont la minorité, conduite par M. Tong Sang, a été reçue par vous-même, dans votre cabinet, et par la commission des lois depuis que ce projet est à l’ordre du jour, sans que la même proposition ait été faite à la majorité de l’assemblée polynésienne, je trouve qu’un tel procédé n’est pas conforme à la tradition démocratique de notre pays.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république. C’est inexact ! Permettez-moi de vous interrompre…

M. Bernard Roman. Non, je ne le permets pas. Vous demanderez la parole quand j’aurai fini de défendre mon exception d’irrecevabilité.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas correct de mettre en cause le travail de la commission à laquelle vous appartenez, monsieur Roman !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Bernard Roman. Monsieur Warsmann, je suis ce texte depuis l’origine, avec MM. Dosière et Le Roux, et c’est en lisant la presse tahitienne que nous avons appris que M. Tong Sang se félicitait d’avoir été reçu par la commission des lois. Et c’est en lisant le rapport de M. Bignon que nous avons découvert que M. Tong Sang avait été auditionné. Nous avez-vous écrit pour nous le préciser ? Non, monsieur le président de la commission ! Je le regrette, eu égard au mode de fonctionnement habituel de notre assemblée, plus particulièrement de notre commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cette mise en cause est totalement injustifiée ! Elle ne vous rend pas hommage, monsieur Roman ! Je vous répondrai tout à l’heure !

M. Bernard Roman. J’en reviens à mon exception d’irrecevabilité : je trouve que c’est dans la manière partiale dont a été préparé ce projet que réside le premier paradoxe.

Mais, autre paradoxe, vous nous soumettez un texte, monsieur le secrétaire d’État, qui vise à lutter contre une instabilité devenue presque chronique en Polynésie française en excluant la prime majoritaire du mode de scrutin, ce qui installera de manière durable l’instabilité en Polynésie française. Pourquoi ce paradoxe ? Peut-être pour en éviter un autre. En effet, en 2004, le Président de la République avait proposé comme régime électoral – institué par la loi organique du 27 février 2004 – un scrutin de liste proportionnelle à un tour avec prime majoritaire dans chaque circonscription – M. le rapporteur vient de l’évoquer. Or ce régime avait conduit à des blocages et fait de son inspirateur, Gaston Flosse, la première victime, et d’Oscar Temaru, votre bête noire, le grand vainqueur. Vous avez modifié ce texte en février dernier, par le biais d’un amendement au Sénat, pour en exclure la prime majoritaire ; et, comble du comble, ce texte n’a même pas eu le temps d’être appliqué une seule fois que vous, la même majorité, pour la troisième fois en trois ans, nous proposez aujourd’hui un nouveau mode de scrutin !

M. Bruno Le Roux. Démonstration implacable !

M. Bernard Roman. En quoi consiste-t-il ? Il s’agit d’un dispositif à deux tours, avec une répartition à la proportionnelle à la plus forte moyenne dans chaque circonscription, des seuils dont on pourra discuter, et du maintien d’un découpage respectant la diversité géographique des archipels – seul point qui trouve grâce à nos yeux dans votre texte.

Quel est réellement votre objectif ? Comment voulez-vous assurer une stabilité si vous ne proposez pas un système d’amplification majoritaire, afin que la liste arrivée en tête – au premier ou au second tour, peu importe – soit assurée d’obtenir une majorité confortable de sièges à l’assemblée polynésienne ? Tous les observateurs de la vie politique polynésienne savent que si des majorités ont pu se faire et se défaire, c’est parce que des partis politiques dits « charnières » ou certains de leurs représentants ont pu, du fait de majorités toujours très faibles numériquement, inverser par leur seul comportement le sens des majorités qui se dégageaient. Vous le savez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, comme tous les observateurs, et vous nous proposez pourtant un régime électoral qui ne modifiera en rien la cause structurelle de cette instabilité.

Alors que cherchez-vous ?

On peut se le demander : le Gouvernement souhaite-t-il vraiment, au-delà des déclarations d’intention, la stabilité politique en Polynésie française ? Il aurait été si simple de s’inspirer des modes de scrutin qui existent dans la métropole, au niveau régional par exemple, et qui sont aujourd’hui quasi-unanimement appréciés par l’ensemble des partis démocratiques car ils permettent de dégager des majorités stables de gouvernement dans nos régions.

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais ils empêcheraient certaines régions de disposer d’une circonscription !

M. Bernard Roman. Je vais y venir, mon cher collègue. Il est vrai que maintenant que vous êtes député du Fetia Api, vous vous intéressez de près au mode de scrutin ! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Contrairement à vous, cela fait cinq ans que je parle de la Polynésie ! Je la connais ! Pour vous, elle reste une terra incognita !

M. Bernard Roman. Quelles sont les spécificités de la Polynésie en matière électorale ? La première, c’est son étendue géographique et la diversité de ses territoires. La Polynésie est grande comme l’Europe, et si les dispositions prises ne permettent pas que les archipels soient systématiquement représentés par leurs élus au sein de l’assemblée, cette diversité risque de disparaître.

C’est la raison pour laquelle il faut maintenir les sections électorales.

Deuxième spécificité : la diversité de l’offre politique, composée de nombreuses sensibilités, mouvantes d’ailleurs. Il faut permettre à toutes ces sensibilités d’exister, tout en les incitant à se regrouper pour constituer des blocs majoritaires de gouvernement. C’est la question des seuils, et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Enfin, la troisième spécificité tient au risque d’éclatement qui peut amener une mosaïque de formations politiques à l’assemblée territoriale, ce qui peut empêcher de constituer des majorités stables dans la durée.

Quand on se trouve, monsieur le secrétaire d’État, devant ces trois nécessités, ces trois spécificités, il est indispensable de chercher un mode de scrutin qui permette de répondre à toutes ces exigences, pour garantir cette stabilité que vous appelez de vos vœux.

Pourquoi exhumer un mode de scrutin qui n’existe plus nulle part, et dont on a la conviction, sinon la certitude, qu’il ne permettra pas de construire cette stabilité ?

Pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, ne pas vous être inspiré tout simplement de la loi électorale municipale ou régionale en place dans la métropole, quitte à la décliner en un tour ? Ce mode de scrutin permet l’expression de toutes les diversités, avec des seuils qui peuvent être adaptés à la Polynésie française.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous réclamez donc un retour au système Flosse !

M. Bernard Roman. Ce mode de scrutin permet, par la création de sections territoriales à l’intérieur des listes régionales, la représentation de tous les départements, quelle que soit leur taille, et on pourrait facilement les décliner au niveau des archipels en Polynésie.

Enfin, ce mode de scrutin, grâce à la prime majoritaire, permet de dégager dans toutes les régions, les majorités qui donnent les moyens de gouverner.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, si nous avons adopté ce mode de scrutin régional, si nous sommes sortis du scrutin proportionnel sans prime majoritaire, c’était pour empêcher le Front national de continuer à jouer les arbitres entre la droite et la gauche, à l’intérieur de ces assemblées, comme il le faisait avant 2002.

Nous avions même décidé en 2002, sans que vous vous y opposiez farouchement à l’époque, la « motion de censure constructive » et le « budget alternatif », des dispositions législatives appliquées de manière transitoires jusqu’à l’adoption du nouveau mode de scrutin en 2004.

M. René Dosière. Exactement !

M. Bernard Roman. Vous avez tellement la certitude que le mode de scrutin proposé conduira à l’instabilité, que vous présentez en même temps, de manière pérenne et préventive, cette forme de contre-poison que sont le budget constructif et la motion de censure alternative. Si vous êtes tellement sûr, monsieur le secrétaire d’État, de l’utilité de ces garde-fous, c’est que votre projet ne garantit pas la stabilité politique. Vous le savez !

Alors, pourquoi ne pas vous attaquer aux causes de cette instabilité ? Pourquoi ne pas proposer un mode de scrutin qui pourrait s’inspirer de ceux que j’évoquais à l’instant : une circonscription unique, des sections territoriales qui reprendraient les six circonscriptions électorales et, enfin, une prime majoritaire qui permettrait d’asseoir la stabilité de la liste arrivée en tête ?

Ce texte porte, dans son intitulé même, la contradiction qu’il incarne : il n’apportera aucune stabilité aux institutions de Polynésie, et il empêchera même qu’elle soit assurée !

La deuxième disposition, c’est l’article 20 que j’évoquais tout à l’heure. Cet article propose le renouvellement anticipé de l’Assemblée de Polynésie. Il soulève des problèmes d’inconstitutionnalité manifestes.

La procédure proposée est injustifiée, parce que ce dispositif de dissolution existe déjà. L’article 157 du statut modifié permet au Président de la République de dissoudre l’Assemblée de Polynésie dans deux cas, et dans deux cas seulement : s’il constate un blocage des institutions, après consultation de l’assemblée et du président de la Polynésie française, ou bien à la demande du gouvernement de Polynésie.

Évidemment, cela pose problème… Le premier cas ne peut être invoqué : les institutions fonctionnent. Quant au second, il est exclu : le gouvernement de Polynésie ne vous demande rien.

Qu’à cela ne tienne ! Tout problème doit avoir une solution ! Eurêka ! avez-vous dû penser, en imaginant cette sorte de dissolution pour convenance personnelle : vous demandez directement au Parlement de décider de la nécessité du renouvellement anticipé.

En second lieu, j’observe que le raccourcissement des mandats en cours, tel que vous le prévoyez, soulève bien des interrogations du point de vue constitutionnel. Le Conseil constitutionnel n’admet la modification des mandats électifs en cours par le législateur qu’au regard d’une évaluation des avantages et des inconvénients de la solution retenue. Cet examen permet de vérifier que le législateur a adopté, sinon la solution optimale du point de vue des exigences constitutionnelles et de l’intérêt général, du moins une solution non manifestement inappropriée aux objectifs légitimes qu’il poursuit.

Les conditions posées par le Conseil constitutionnel doivent s’examiner à la lumière d’une exigence et de trois arguments. Premier argument : les graves problèmes institutionnels, et notamment l’instabilité gouvernementale en Polynésie, depuis 2004. Deuxième argument : le constat de l’impossibilité de dégager une majorité dans les conditions actuelles. Troisième argument : une demande locale d’élections anticipées.

Malheureusement pour vous, s’il est vrai que cinq présidents se sont succédés depuis les élections de mai 2004, et que trois motions de censure ont été adoptées depuis trois ans et demi, il existe une majorité à l’Assemblée de Polynésie. Elle est stable, et les élus de Polynésie ne demandent pas d’accélération du calendrier électoral.

M. René Dosière. Ils y sont même opposés !

M. Bruno Le Roux. Eh oui !

M. Bernard Roman. Il est donc bien difficile de franchir l’obstacle constitutionnel de la procédure, bien que vous ayez imaginé de passer par le Parlement pour y parvenir. Vous vous appuyez sur une jurisprudence qui a fait largement débat au Conseil d’État, et qui concerne la Nouvelle-Calédonie : la décision du 23 mai 1979. Vous constaterez, en lisant les attendus de cette décision, qu’en aucun cas, elle ne s’applique aux conditions dans lesquelles vous nous proposez l’abréviation – puisque tel est le terme consacré – du mandat des élus de Polynésie française.

Je remarque – quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d’État – que votre projet remet en cause des éléments du statut de 2004, qui allaient vers une autonomie du territoire polynésien. Il n’est pas avéré que le Gouvernement soit légitime et n’outrepasse pas ses pouvoirs, en demandant au Parlement de voter la dissolution de l’assemblée nationale d’un territoire qui dispose d’un statut d’autonomie.

Une abréviation, dans les conditions prévues par votre texte, pourrait être considérée comme affectant les conditions d’exercice de la libre administration des collectivités territoriales, en l’occurrence d’un territoire qui, le premier, a obtenu un statut d’autonomie dans notre histoire.

Monsieur le secrétaire d’État, avant même que le débat parlementaire soit engagé, vous avez annoncé la date des élections anticipées pour l’Assemblée de Polynésie française : le 1er tour aurait lieu le 27 janvier, et le second tour le 10 février, moins d’un mois avant le 1er tour des élections municipales, qui se déroulera le 9 mars, comme en métropole.

Moins de deux mois s’écouleront entre l’adoption de ces textes et les élections. Le délai entre ce scrutin et l’échéance des municipales sera encore plus court. La succession de ces deux élections ne facilitera pas la transparence que vous prétendez rechercher. Elle suscitera, au contraire, la confusion la plus totale.

Il est à craindre, dans la mesure où les élections à l’Assemblée de Polynésie n’auront pas pu dégager de majorité absolue – hypothèse probable de l’avis même des élus polynésiens –, que les municipales ne se déroulent pendant les opérations électorales pour l’élection du président de l’assemblée.

Les élections à l’Assemblée de Polynésie vont donc interférer sur le vote des municipales. Il sera ainsi porté atteinte à l’objectivité et à la sincérité qui doivent présider à toute consultation. C’est une difficulté sur laquelle nous souhaiterions aussi connaître vos propositions.

Monsieur le secrétaire d’État, il est bien difficile de justifier cette réforme. En réalité, elle ne répond pas aux objectifs que vous lui assignez. Il s’agit seulement d’un texte d’opportunité pour le Président de la République et pour le Gouvernement. Mais, c’est un texte d’inopportunité pour le peuple polynésien.

Cette réforme improvisée s’apparente à un coup de force. Ces méthodes ont déjà existé. En 2004, la majorité était dans une stratégie purement politicienne. Aujourd’hui, elle essaie d’influer sur les urnes et sur le vote des Polynésiens, en jouant sur le calendrier électoral. C’est ce que l’on pourrait appeler une manipulation.

Le statut, taillé sur mesure pour Gaston Flosse, ne l’avait pas mené à la victoire. Les réformes ad hominem sont souvent des boomerangs. J’ai cru comprendre que vous refusiez d’assumer la continuité de la politique polynésienne et de l’équipe précédente. Pourtant, vous ne vous en écartez ni dans les principes ni dans les méthodes. Vous ne voulez pas prendre vos responsabilités et dissoudre vous-même l’Assemblée de Polynésie. Vous demandez donc au Parlement de prononcer une dissolution, tout simplement pour ne pas paraître tirer les ficelles et exercer une sorte de mise sous tutelle. C’est assez peu glorieux, monsieur le secrétaire d’État !

Au passage, j’observe vous ne vous inscrivez pas dans la rupture, mais plutôt dans la continuité de vos prédécesseurs. Vous cherchez à provoquer le retour au pouvoir de vos amis. Ces manipulations sont mal vécues, chacun le comprend, par le peuple polynésien sur lequel elles font peser une présomption d’immaturité.

Ces méthodes, mon groupe n’y souscrit pas. Nous n’avons aucune raison politique de procéder à cette ingérence, et aucun droit pour le faire. Je pense même avoir démontré qu’avec ces projets de loi, vous dérogez au droit constitutionnel.

La Polynésie est mûre pour vivre sa vie sans interférences de Paris. Du reste, j’imagine comment est appréciée la manoeuvre scélérate, dirai-je, que tente le Nouveau Centre avec le Fetia Api, pour assurer ses fins de mois, grâce à une petite OPA amicale, dont je n’imagine pas qu’elle ne soit pas avalisée par l’UMP.

M. Philippe Meunier. C’est cela, la pluralité !

M. Bernard Roman. L’une de vos collègues du Gouvernement affirme : « l’Afrique de papa, c’est fini ! ». Il serait judicieux de faire en sorte que ce soit vrai aussi de l’outre-mer, qui a atteint l’âge de raison depuis longtemps.(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. René Dosière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon. Je voudrais répondre d’un mot aux critiques concernant les auditions auxquelles a procédé la commission des lois par la voix de son rapporteur. Il me semble que ces auditions ont été complètes : j’ai entendu tous ceux qui m’en ont fait la demande, dans un délai relativement court, il est vrai. J’en aurai bien reçu d’autres ; tous les gens qui ont sonné à la porte de la commission des lois ont été bien accueillis par le rapporteur et les fonctionnaires qui l’ont assisté.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur le député Bernard Roman, permettez-moi de vous dire que vos vérités sont particulièrement restrictives et limitées, par omission volontaire.

D’abord, lorsque vous faites référence à ma communication du 1er août dernier en Conseil des ministres, vous indiquez bien mon souhait de proposer au Parlement une loi organique pour donner de la stabilité aux institutions. Mais, vous avez oublié de lire une partie dans cette intervention consultable sur Internet et sur le site de la Présidence de la République où j’indique : « le retour aux urnes, à brève échéance, apparaît aujourd’hui inéluctable. Mais celui-ci n’a de sens que s’il s’accompagne d’un fonctionnement stable des institutions de la Polynésie française ». Donc, tout a été annoncé le 1er août, et je n’ai jamais changé de voie. Vous aviez oublié de le préciser.

Ensuite, lorsque vous parlez du traitement que nous aurions accordé au précédent président de la Polynésie française, vous omettez de mentionner celui que nous avons accordé à son successeur : le Président de la République avait reçu M. Gaston Tong Sang lorsqu’il était président de la Polynésie française ; l’actuel Président de la République a reçu l’actuel président de la Polynésie française, M. Oscar Temaru.

À cette occasion nous avons clairement indiqué à ce dernier qu’il avait toute légitimité pour être l’interlocuteur du Gouvernement français et qu’il serait à ce titre traité comme il se devait et comme il le méritait. Je ne regrette qu’une chose : alors que nous avions négocié un contrat de projet pour la Polynésie française avec M. Tong Sang, pour l’heure, M. Temaru et son gouvernement n’ont toujours pas fait le choix d’en signer la totalité. Pour autant, je signerai les dispositions souhaitées par le président Temaru : cela prouve que notre attitude n’est nullement partiale.

Les élus, dites-vous, ne demandent pas d’élections. Là encore, vous oubliez que M. Temaru et M. Flosse n’ont cessé de demander la dissolution de l’assemblée et du gouvernement polynésiens.

M. Bernard Roman. Toujours à des moments différents : cela, vous ne le dites jamais !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Le gouvernement français a annoncé le 1er août dernier une abréviation du mandat qui visait précisément à éviter une dissolution précipitée – laquelle, je vous le rappelle, ne demande que 48 heures.

J’ai au contraire annoncé que nous prendrions tout notre temps. Mais nous ne changerons pas de cap. Pouvez-vous me garantir, monsieur Roman, que dans deux ou trois mois, après quatre motions de censure et cinq présidences différentes, nous ne serons pas confrontés à la même situation, compte tenu de la faiblesse des institutions polynésiennes ? Si vous avez des certitudes, je n’en ai aucune. Et si le Gouvernement ne cessait de changer d’attitude en fonction des changements de présidence, le peuple polynésien lui en voudrait beaucoup.

Vous soutenez que l’abréviation des mandats risque d’être inconstitutionnelle. Mais il y a des précédents, notamment en Nouvelle-Calédonie : en 1979, 1985, 1988 – deux fois – et 1999. À trois reprises, en 1985, 1988 et 1999, ce sont des majorités de gauche qui ont utilisé cette disposition. En 1985, la majorité de gauche a même supprimé le gouvernement présidé par M. Dick Ukeiwé. Le Conseil constitutionnel a toujours accepté les abréviations, comme le montre notamment sa décision du 23 mai 1979 : au regard de cette jurisprudence, le Conseil d’État a validé le texte sans la moindre difficulté.

Peut-être les mots ont-ils dépassé votre pensée – j’ai pour ma part le sentiment qu’ils en reflètent le fond –, mais à deux reprises, dans votre intervention, vous avez parlé du « Président de la République » de Polynésie française. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. C’était un lapsus !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Et vous êtes encore allé plus loin en évoquant la dissolution de « l’assemblée nationale » de Polynésie : double lapsus ou double vérité ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Lapsus romanus !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. C’est la confirmation, monsieur Roman, de votre engagement auprès de ceux qui voudraient qu’un jour la Polynésie soit indépendante. Mais ce n’est pas notre vision des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. C’est la romanitude !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Pourquoi donc mettre fin au mandat ? Vous avez parlé d’état d’urgence ou de tour de force. Mais vous confondez dissolution et abréviation. La dissolution, je le rappelle, est un acte politique dont la présidence de la République et le Gouvernement n’ont jamais voulu. Nous ne voulons en effet répondre ni à la demande de M. Temaru ni à celle de M. Flosse en prononçant un acte politique qui ne se justifierait pas. Rien, dans les institutions actuelles de la Polynésie française, ne saurait servir de motif valable pour prononcer une dissolution. Nous souhaitons un débat démocratique devant le Parlement, devant les représentants de nos compatriotes de la Polynésie française et de tous les Français : c’est à eux seuls de dire si un tel débat se justifie.

Vous évoquez mes prétendues certitudes à propos du mode de scrutin. Vous aussi en avez, puisque, en cette matière, votre proposition tient en un mot : la régionalisation. Pour ma part, monsieur Roman, je n’ai aucune certitude.

M. Manuel Valls. Ça c’est sûr !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. J’ignore le nouveau mode de scrutin assurera à coup sûr la stabilité nécessaire, mais l’État restera impartial. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Le Président de la République et la nouvelle Assemblée nationale élue en juin dernier ont reçu chez les Polynésiens une majorité absolue à l’issue des quatre tours de scrutin. Le Gouvernement exercera donc ses missions régaliennes, et seulement celles-ci, dans le strict respect du statut d’autonomie de la Polynésie française. Je le répète tranquillement devant vous : quelle que soit la majorité sortie des urnes en janvier prochain, nous la respecterons. Mais nous aurons alors un immense avantage par rapport à aujourd’hui : alors que le Gouvernement ne peut actuellement accompagner la Polynésie dans son développement économique et social, nous aurons un partenaire avec qui travailler dans la durée et la stabilité. Travailler avec nos compatriotes polynésiens est en effet la seule chose que nous souhaitons. Pour le reste, je le répète, nous respecterons le choix des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quant à vos propos sur le danger que représente le Front national dans certaines assemblées régionales, ils me donnent le sentiment que comprenez mal la Polynésie française. Les Polynésiens sont des gens tolérants : leurs choix politiques sont toujours des choix de respect, d’unité, qui témoignent de l’amour de leurs terres et de leur attachement à la République française.

M. Guy Geoffroy. C’est vrai !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il est des comportements que nous avons observé dans d’autres territoires de métropole, mais jamais en Polynésie française. Le parallèle que vous avez fait est donc regrettable. Nous souhaitons dans ce débat respecter tous les Polynésiens.

Au sujet de la date choisie et de sa proximité avec les élections municipales, vous avez évoqué un risque d’inconstitutionnalité. Mais permettez-moi de vous rappeler que vous ne vous êtes pas privé, en 1983, d’organiser l’élection des conseils régionaux dans les DOM en février alors que les municipales avaient lieu en mars !

Au terme d’une large consultation auprès de toutes les formations politiques, qu’elles soient polynésiennes ou nationales, nous respectons donc le choix majoritaire et les propositions qui nous sont faites. Nous respectons notamment la période de fêtes religieuses du 15 décembre au 15 janvier, auxquelles les Polynésiens sont particulièrement attachés. Nous avons consulté les chefs religieux polynésiens à ce sujet : pour eux, la date du 27 janvier ne pose aucun problème.

Quant au reste, les Polynésiens n’attendent qu’une chose : revenir devant les urnes pour décider enfin de leur destin, sans que d’autres le fassent dans leur dos, comme c’est aujourd’hui le cas en raison d’une instabilité qu’ils n’acceptent plus. Que les élus et les acteurs politiques de Polynésie fassent confiance aux Polynésiens ! Lorsque l’on est engagé dans la vie politique, qu’a-t-on à craindre de la souveraineté du peuple ? Ce sont les Polynésiens qui, le 27 janvier prochain, sauront, avec toute leur maturité, choisir les élus dignes de les représenter à l’Assemblée de Polynésie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de l’exception d’irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l'Assemblée nationale.

Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Nous devons bien garder à l’esprit qu’une exception d’irrecevabilité tend en principe à faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles.

Or nous n’avons pas toujours eu le sentiment que tel était le fondement de l’argumentation de M. Roman, hormis ce qu’il a dit au sujet de l’article 20. En tout état de cause, je rappelle que la transmission au Conseil constitutionnel d’un projet de loi organique est de droit : les sages pourront donc se prononcer au fond. Il convient aussi de préciser que, conformément à l’article 74 de la Constitution, et contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Roman, l’Assemblée de la Polynésie a été consultée sur ces projets de loi.

Par ailleurs, je ne vois pas en quoi, au nom d’une prétendue fragilité juridique, ce texte serait inconstitutionnel. Permettez-moi de vous dire, monsieur Roman, que les précédents néo-calédoniens que le secrétaire d’État vient de rappeler ne vont pas dans votre sens.

Vous dénoncez aussi un texte qui ne respecterait pas la population polynésienne et ne créerait pas les conditions nécessaires pour apporter davantage de stabilité. De même, vous estimez que la Polynésie française mérite mieux que ce que vous qualifiez de manipulation ou d’acte juridique suspect et improvisé. Or, comme vient de le rappeler M. Le secrétaire d’État, tout a été annoncé dès le 1er août. Loin de tout esprit polémique, force est de constater que le dysfonctionnement actuel des institutions de la Polynésie française nuit gravement au développement économique et social de cette collectivité. Il est étonnant d’entendre, dans la bouche de ceux qui s’autoproclament défenseurs du peuple, soutenir que le fait de redonner la parole aux électeurs polynésiens serait antidémocratique…

Enfin, les dates envisagées par le Gouvernement pour les prochaines élections – 27 janvier 2008 pour le premier tour et 10 février pour le second – sont pleinement légitimées par le souci d’éviter tout chevauchement avec les élections municipales prévues en mars 2008. L’actuelle opposition avait d’ailleurs fait de même il y a quelques années : votre argument, monsieur Roman, peut donc vous être retourné comme un boomerang, pour reprendre votre image. Il faut aussi rappeler que de nombreux représentants de la population polynésienne sont favorables à la tenue d’élections anticipées le plus rapidement possible.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP invite notre assemblée à rejeter l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bruno Le Roux. La démonstration par Bernard Roman de l’aspect partisan de la réforme et de l’inconstitutionnalité du texte était implacable : notre groupe votera donc l’exception d’irrecevabilité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Contrairement à Bruno Le Roux, je n’ai pas entendu de réels arguments en faveur de l’inconstitutionnalité du texte. Reconnaissez, chers collègues, que l’intervention de M. Roman s’articulait principalement autour de la question du mode électoral, tantôt défendu, tantôt rejeté – au prix, osons le dire, d’une relative fragilité dans l’argumentation…

Certes, l’annonce du scrutin public a subitement attiré dans notre hémicycle beaucoup plus de monde que d’habitude s’agissant d’un débat sur la Polynésie française, comme ceux que nous avons eus au cours des cinq dernières années.

M. Dosière, fin connaisseur du sujet, sait bien que nous n’avons pas toujours été aussi nombreux à défendre les principes républicains : en 2004, le groupe socialiste avait dénoncé fort justement la réforme électorale commanditée par le pouvoir polynésien en place, celui de M. Flosse, et nous avons tous en tête les déclarations de notre collègue.

Mais ce mode de scrutin, au grand dam de M. Flosse, s’est retourné contre son auteur en portant au pouvoir, grâce au soutien de la population, M. Oscar Temaru. Et voilà que le groupe socialiste, qui jusque là n’avait pas de mots assez durs, lui trouve subitement quelque vertu… Le procès que vous faites aujourd’hui au Gouvernement, chers collègues de l’opposition, que vous accusez d’instrumentaliser les processus électoraux, vous revient en boomerang. De fait, votre position change selon la personne qui se trouve à la tête du gouvernement de Polynésie française !

M. Guy Geoffroy. Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde. Et lorsque, quelques mois plus tard M. Temaru est à nouveau renversé, vous trouvez qu’il se passe quelque chose d’anormal, et les élus polynésiens deviennent à vos yeux des « tripatouilleurs » – sans aller jusque-là, je vous concède que certains d’entre eux ont tendance à changer au gré de leurs intérêts personnels.

M. Bernard Roman. Il devait parler cinq minutes, monsieur le président !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela dit, je ne me souviens pas avoir entendu un seul responsable socialiste protester contre l’occupation des institutions de la Polynésie française par M. Temaru et ses partisans pour empêcher physiquement le retour de M. Flosse au pouvoir – dont je n’ai jamais défendu, vous en conviendrez, ni la politique, ni les pratiques.

De même, après le renversement, au mois d’août, de M. Tong Sang et le retour de M. Temaru au pouvoir, nos collègues du groupe socialiste ne trouvent plus rien à redire et considèrent que la stabilité règne enfin en Polynésie française. Quelle inconstance !

Mais à l’inconstance, mes chers collègues, vous ajoutez l’incohérence. À vous entendre, le mode de scrutin régional de métropole pourrait être une piste pour la Polynésie française. Je ne suis pas convaincu que le système proposé par le Gouvernement garantira la stabilité – le secrétaire d’État lui-même l’admet. Reste que le mode de scrutin régional, assorti du maintien des circonscriptions électorales, créerait exactement la même instabilité puisque, par définition, le scrutin assorti d’une prime majoritaire ne dégage pas de majorité à coup sûr.

Non seulement vous demandez une chose et son contraire, mais vous en rajoutez : vous êtes tellement conscient que votre système générera l’instabilité que vous proposez d’introduire la motion de défiance constructive, qu’on appelle en métropole le « 49-3 régional »… Chers collègues, le scrutin régional, que vous trouvez si génial, n’apportera pas forcément de l’instabilité, mais le retour de la République en Polynésie française ne sera obtenu que grâce à des principes proches de ceux qui s’appliquent en métropole !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’exception d’irrecevabilité.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’exception d’irrecevabilité est rejetée.

4. Question préalable sur le projet de loi organique n° 401

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi organique n° 401.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés, comme vient de l’indiquer Bernard Roman, à examiner dans l’urgence, la précipitation et, quoi que vous en disiez, en l’absence de toute concertation, un texte qui prétend « renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ».

Cette urgence, cette impérieuse nécessité de sauver la République à 22 000 kilomètres de la capitale, devrait assurément, mes chers collègues, nous conduire à faire preuve de la plus grande responsabilité. L’urgence ne pourrait se justifer que par une crise grave et par un blocage des institutions entraînant une crise politique, économique et sociale grave. Et forcément, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrions que saluer le courage dont vous faites preuve en nous proposant un texte d’urgence pour la défense de la République mise en danger outre-mer. Cela pourrait même nous faire peur, si cela ne se passait pas si loin de nous…

Mais je ne vous crois pas sur parole, monsieur le secrétaire d’État, et connaissant les mauvaises habitudes de vos prédécesseurs sur tout ce qui touche à la Polynésie, j’ai décidé de lire avec attention, tous les soirs ici, tous les matins là-bas, la Dépêche et les Nouvelles de Tahiti pour comprendre l’ampleur de la crise et la hauteur des barricades. Cette lecture me prouve qu’il n’en est rien ! À Paris, on dissout, on abroge, on recentralise ; à Papeete, la vie suit son cours, le gouvernement gouverne, l’assemblée délibère. Quant au territoire, il attend simplement que l’État respecte ses engagements, signe le contrat de développement et marque son respect à l’égard du peuple polynésien !

J’ai la désagréable impression, sinon la terrible certitude, que la crise, à vos yeux comme à ceux de vos prédécesseurs, porte un sigle : l’UPLD ? et un nom : Oscar Temaru. Voilà ce qui vous incite à revenir une nouvelle fois devant l’Assemblée nationale. Vous ne supportez pas l’expression de la volonté du peuple polynésien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il ne s’est pas exprimé !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est pourquoi nous voulons organiser des élections !

M. Bruno Le Roux. Vous parlez d’élections, monsieur Bignon ? En effet, quoi de mieux, lorsqu’une majorité ou un président ne vous plaît pas, d’organiser de nouvelles élections ? Et si vous n’êtes pas sûrs de la façon dont les choses vont se passer, pourquoi ne pas modifier le mode de scrutin ? Pourquoi ne pas faire campagne auprès d’élus qui ont fait changer les majorités, les conforter dans leurs îles, avec un peu de déstabilisation ici, un peu de rentre-dedans là-bas ? N’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous ferez pendant la campagne, vous qui vous félicitez de vous rendre régulièrement en Polynésie, alors que le Président de la République, lui, s’est interdit d’intervenir ?

J’ai la désagréable impression, messieurs le secrétaire d’État, que cette crise porte un nom, celui de l’UPLD, et que tout ce que vous voulez obtenir aujourd’hui, c’est un mode de scrutin correspondant à vos désirs.

Tout cela m’amène à revenir quelques années en arrière pour vous conter l’histoire récente de l’État UMP en Polynésie. Déjà, en 2004, et plus récemment au mois de février 2007, vous avez imposé à la Polynésie une réforme du mode de scrutin, en prétextant vouloir agir pour favoriser la stabilité politique des institutions territoriales. Mal préparée, rédigée à la hâte, constituée de mesures de circonstances – voire de connivence –, votre réforme a conduit aux manœuvres et à la déstabilisation que l’on connaît : six motions de censure en trois ans…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Eh oui ! À quand la septième ?

M. Bruno Le Roux. …provoquant l’élection de six gouvernements et de cinq présidents avec, à chaque fois, un scénario identique : les lignes du ministère de l’outre-mer ou de l’Élysée ne fonctionnent que lorsqu’elles reconnaissent le numéro d’un ami… Caractéristique jamais démentie depuis 2004, et l’affichage désormais des numéros de téléphone est à cet égard des plus pratiques ! quand le nom de M. Flosse s’affichait, on décrochait et on invitait le président de la Polynésie ; mais quand c’était Oscar Temaru, plus personne, pas même un garde de nuit, ne répondait ! On déstabilisait sur le terrain et on ne reconnaissait aucune légitimité à celui qui avait été le candidat du peuple polynésien !

Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, alors que la stabilité est totale, vous voulez réformer une nouvelle fois le mode de scrutin territorial et provoquer des élections anticipées. Pourtant, même l’Assemblée de Polynésie, au service de tous les Polynésiens, s’y oppose. Comment osez-vous prétendre favoriser la stabilité politique en Polynésie, alors que vos réformes ne reposent que sur des convenances politiques et partisanes ?

Vous devriez savoir que ce n’est pas en réformant un système électoral – qui d’ailleurs n’a jamais été mis en œuvre – et en procédant à une scandaleuse dissolution que vous obtiendrez la majorité que vous appelez de vos vœux. Vous vous apprêtez à répéter les mêmes erreurs qu’en 2004. En effet, la loi organique du 27 février 2004 a instauré un nouveau statut d’autonomie consacrant la Polynésie comme un pays d’outre-mer se gouvernant librement et démocratiquement : très bien, même si nous savons tous que cette réforme, rédigée à la demande de M. Flosse, sans véritable concertation avec l’Assemblée de Polynésie, n’était finalement destinée qu’à favoriser le maintien au pouvoir de sa majorité et à renforcer ses pouvoirs. Ce nouveau statut d’autonomie n’était qu’un cadeau personnel des parlementaires UMP pour le remercier de sa fidélité politique au Président Jacques Chirac.

La loi organique de 2004 a institué un mode de scrutin à un tour pour les élections territoriales, assorti d’une prime majoritaire d’un tiers des membres de l’assemblée pour la liste arrivée en tête dans chacune des six circonscriptions électorales. Cette prime majoritaire était officiellement censée favoriser la stabilité politique – on invoquait déjà cet argument alors même que la continuité régnait depuis plusieurs décennies… Mais on sentait germer le mécontentement : il fallait donc adopter préventivement un nouveau statut et mettre en place un mode de scrutin favorisant la stabilité politique, en évitant les changements d’alliance et les retournements de majorité. Ce système électoral était surtout destiné à assurer une large victoire au parti Tahoera’a Huiraatira de M. Flosse.

Après la promulgation de la loi organique du 27 février 2004, M. Flosse obtint de son ami Jacques Chirac la dissolution de l’Assemblée de Polynésie, afin d’accélérer la mise en place du statut et de permettre au futur président d’exercer au plus vite ses nouvelles prérogatives. Ce qui se produisit alors fut tout l’inverse de ce souhaitaient M. Flosse et le Gouvernement, puisque le dispositif sur mesure et le système électoral à la demande se sont retournés contre leurs instigateurs. Ce qui n’était qu’une reforme de complaisance à l’égard de M. Flosse et de sa majorité s’est soldé par un échec retentissant ! En effet, à la grande stupéfaction de la majorité nationale et du Président de la République de l’époque, c’est le leader du parti indépendantiste Tavini Huiraatira, Oscar Temaru, qui fut élu président de la Polynésie le 23 mai 2004, mettant fin à vingt ans de règne sans partage de l’État RPR et de son allié Gaston Flosse !

Impensables, inadmissibles, dangereux, l’UPLD et Oscar Temaru seront combattus avec acharnement, sans respect pour le vote démocratique du peuple polynésien. Quatre mois plus tard, le 9 octobre, le gouvernement d’Oscar Temaru sera renversé par l’adoption d’une motion de censure et Gaston Flosse élu le 22 octobre à la présidence de la Polynésie française.

Le 15 novembre 2004, le Conseil d’État statue sur le recours déposé par Gaston Flosse au mois de mai, avant qu’il ne récupère son siège, pour faire annuler les élections aux Îles du Vent. Nouvelle manœuvre destinée à fragiliser l’UPLD, mais qui, malheureusement pour lui, se retourne une fois de plus contre son auteur... En effet, les élections territoriales partielles du 13 février 2005 donnent une nouvelle majorité, fragile, à Oscar Temaru, qui est réélu président de la Polynésie française en mars 2005, ce qui constitue une confirmation et une forme de revanche sur ce qui était considéré comme une victoire volée au peuple polynésien. Je passe, monsieur le secrétaire d’État, sur les manœuvres, à Paris comme à Papeete, sur les blocages, sur les déstabilisations : ces dernières années, tout cela est malheureusement devenu classique, à défaut d’être républicain.

J’en arrive au 26 décembre 2006 où, après une nouvelle motion de censure, M. Tong Sang, issu du parti de M. Flosse, devient le quatrième président de Polynésie depuis l’instauration de la nouvelle assemblée en mai 2004. Reçu par le Président Chirac dès janvier 2007 – il a beaucoup de chance, le standard de l’Élysée reconnaît son numéro ! –, il émet le souhait, l’exigence peut-être, de revenir sur le mode de scrutin établi en 2004 en supprimant la prime majoritaire et en relevant de 3 à 5 % des suffrages obtenus le seuil pour qu’un parti puisse obtenir des sièges à l’Assemblée de Polynésie.

Naturellement, l’oreille présidentielle, sélective, est attentive, et M. Tong Sang obtiendra rapidement gain de cause avec la suppression, par un simple amendement, de la prime majoritaire à l’occasion de la loi organique du 21 février 2007. Il suffit que les représentants, amis du pouvoir, demandent une modification du mode de scrutin pour qu’on la soumette, sous forme d’amendement ou de projet, à l’Assemblée nationale... Voilà ce qu’il faut souligner quand nous parlons aujourd’hui d’un nouveau mode de scrutin : il faut bien comprendre que celui-ci vise à obtenir une nouvelle majorité, puisque le précédent, dont je viens de parler, n’a toujours pas été appliqué.

Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous souhaitez revenir sur le mode de scrutin que vous aviez vous-même modifié au mois de février dernier. Pouvons-nous continuer à vous laisser légiférer à tort et à travers, au gré des exigences de vos amis politiques ? Le dispositif proposé aujourd’hui est une nouvelle fois fabriqué sur mesure pour les acteurs locaux de la majorité que vous souhaitez. En Polynésie, il y a toujours eu un leader protégé par le gouvernement central, grâce auquel celui-ci entend contrôler le territoire. Les ministres affichent souvent, d’ailleurs, une attitude qui présume l’immaturité des élus polynésiens. Cela vous sera reproché !

Nicolas Sarkozy n’a pas failli à la tradition établie par MM. Flosse et Chirac, en prenant immédiatement le parti de M. Tong Sang. Ce dernier a fait publiquement part, en juillet dernier, de sa volonté de dissoudre l’Assemblée de Polynésie et de procéder à de nouvelles élections. Certes, il était alors président et pensait, avec votre soutien, obtenir rapidement une majorité qui lui permettrait d’échapper au délitement et au clientélisme ambiant et de répondre au souhait des élus de mettre fin à cette politique dans les archipels. Une fois de plus, monsieur le secrétaire d’État, vous cédez à la volonté de vos amis politiques, en espérant sans doute encore rassembler anciens et nouveaux compagnons pour construire enfin une majorité à votre convenance et reprendre le contrôle de ce qui n’aurait jamais dû sortir de la « famille ». Le peuple polynésien appréciera la façon dont on se partage à Paris le pouvoir sur son territoire !

Mais entre-temps, se produit pour vous une nouvelle catastrophe : l’adoption, le 31 août dernier, d’une motion de censure par une coalition inédite, rassemblant les autonomistes de Gaston Flosse et les indépendantistes d’Oscar Temaru, permet à ce dernier de retrouver pour la troisième fois la présidence de la Polynésie le 13 septembre 2007. Mais ce qui est pour vous une catastrophe politique va, dialectique oblige, vous servir à renforcer vos arguments. Puisque M. Temaru est à nouveau président, c’est qu’il y a instabilité, et s’il y a instabilité, il faut adopter un mode de scrutin. Et quel meilleur mode de scrutin que celui proposé par les amis ? Là, vous devriez quand même vous méfier, car les modes de scrutin proposés par vos amis ont rarement conduit au résultat escompté ! Enfin, puisque c’est la crise, il faut dissoudre ! Et vous vous servez du retour du président Temaru pour faire valoir des arguments que vous appelez de bon sens, alors qu’ils ne sont que partisans et politiciens et n’ont pour seul objectif que de retrouver une majorité à votre convenance.

Le problème, c’est qu’il y a à présent une majorité stable en Polynésie. Et je veux ici, parce que la question est très sérieuse, en donner la preuve. J’ai pris le temps d’aller chercher, à l’Assemblée de Polynésie, les feuilles de suivi d’examen de l’ordre du jour de la session budgétaire de ces dernières semaines, pour voir précisément ce qui s’y est passé, observer le travail qui y est fait et examiner les délibérations qui ont été prises. Je tiens ces feuilles de suivi à la disposition de chacun d’entre vous. Elles concernent les séances des jeudi 30 août, mardi 25, jeudi 27, vendredi 28 septembre, des mercredi 3, jeudi 4, jeudi 18, vendredi 19 et mardi 30 octobre et des mercredi 7 et jeudi 8 novembre 2007. Tout au long de ces journées, l'Assemblée de Polynésie a débattu et délibéré sans aucune difficulté. J'ai noté, monsieur le rapporteur, plus d'une trentaine de votes unanimes avant le débat du jeudi 4 octobre concernant l'avis de l'Assemblée de Polynésie sur les deux projets de loi que nous examinons aujourd’hui. Je regrette que M. le rapporteur ne soit pas là, car je suis très surpris que, dans son rapport, il mentionne à peine l’Assemblée de Polynésie et son vote. Comme si cet avis ne signifiait rien et devait être totalement oublié ! En introduction à son rapport, il écrit : « le jeu des récentes alliances politiques conclues dans cette COM n'a toutefois pas permis à son assemblée délibérante, consultée conformément à l'article 74 de la Constitution, de les approuver dans son avis du 4 octobre 2007 ». Quelle considération pour nos collègues polynésiens que de renvoyer leur propre avis, ensuite totalement ignoré dans le reste de ce rapport, à un simple jeu politicien ! Cela tient en trois lignes dans le rapport de l’Assemblée nationale, alors qu’il s’agit d’une procédure obligatoire, prévue par l’article 74 de la Constitution ! Le rapport adopté par l’Assemblée de Polynésie ne figure même pas en annexe.

M. René Dosière. C’est honteux ! Il faut lire le rapport du Sénat !

M. Bruno Le Roux. N’est-ce pas là le signe d’un profond mépris pour nos collègues de l’Assemblée de Polynésie ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission. Vos assertions sont scandaleuses !

M. Bruno Le Roux. Je tiens cet avis à la disposition de chacun de nos collègues, puisque vous n'avez pas crû utile de l'annexer au rapport, à défaut d'y faire référence. Je souligne qu’il a été adopté à une très forte majorité, avec 44 voix pour et 13 contre. Il montre le travail de fond mené à Papeete sur ce texte.

J’évoquerai maintenant le travail effectué par l’Assemblée de Polynésie. Avant ce débat, trente délibérations ont été adoptées à l’unanimité. Depuis, sont encore intervenus plus de trente votes importants, acquis presque tous à l'unanimité, qui montrent le travail effectué par l'assemblée. C'est le cas, par exemple, des décisions modificatives au budget général de la Polynésie française pour 2007 ; s’agissant d’une question aussi importante que le budget, où est l’instabilité ? La proposition de délibération portant approbation du contrat de projet 2008-2012 a, elle aussi, été votée à l’unanimité, ce qui montre l’importance du travail effectué et la stabilité des institutions. Une assemblée instable aurait-elle pris le risque d’adopter une délibération qui l’engage pour quatre ans ?

Pour prouver l’instabilité, il eût fallu trouver des motifs bien plus importants, sauf à penser que ces projets ne vous conviennent pas… Je souhaite pour ma part démontrer que l’Assemblée de Polynésie fonctionne normalement et qu’elle adopte des délibérations importantes pour l’avenir du peuple polynésien, mais vous ne voulez pas les entendre !

M. René Dosière. Elles ne conviennent pas à M. le secrétaire d’État !

M. Bernard Roman. C’est vrai ! Ils veulent la peau du président !

M. Bruno Le Roux. En outre, cette majorité se donne les moyens de durer, en organisant la collaboration des deux principales formations politiques de la collectivité, par la création d’un « comité de majorité » qui prépare le budget 2008 et travaille sur les dossiers fondamentaux. Je comprends que cela vous pose problème, monsieur le secrétaire d’État : vous avez le sentiment que le pouvoir vous échappe ! Je m’interroge, moi aussi, sur le fait de voir travailler ensemble deux anciens ennemis, Oscar Temaru et Gaston Flosse. Mais lorsque je vois des délibérations porter sur l’avenir du territoire, envisager le meilleur pour le peuple polynésien et, à 22 000 kilomètres de la métropole, des élus tenter de mettre fin à des querelles historiques et réapprendre à travailler à des projets communs sur lesquels le peuple peut se retrouver, dans l’intérêt de la Polynésie, je me dis que nous serions bien obtus en condamnant à Papeete l’ouverture que vous prônez à Paris ? Vous devriez être plus prudent sur ce sujet.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

Jean-Christophe Lagarde. Et vous dites cela sans rougir ?

M. Bruno Le Roux. Rien, dans le contexte actuel, ne justifie l'examen en urgence d’une énième réforme du mode de scrutin territorial et du renouvellement anticipé de l'Assemblée de Polynésie. Nous voici donc devant un texte flou, rédigé à la hâte, et qui risque d'aggraver un peu plus l'instabilité des institutions polynésiennes. Ce que vous proposez est en fait l'organisation du désordre par un émiettement délibéré des forces politiques, comme l’a montré Bernard Roman dans son exception d’irrecevabilité. Tout cela semble relever d'un nouveau bricolage institutionnel hasardeux, voire dangereux. L'Assemblée de Polynésie l’a d'ailleurs souligné dans un avis, dont on se demande bien à quoi il peut servir, compte tenu du sort que vous lui avez réservé… La Constitution a bon dos, monsieur le secrétaire d’État : je ne vous ai pas entendu parler de cet avis, dont vous n’avez tenu aucun compte. Pourtant, il existe, et je constate que nombre de nos collègues sur ces bancs feuillettent le rapport de notre assemblée pour savoir s’il est bien mentionné. « Tout est amendable », proclame-t-on à coup de dépêches et de gros titres. Reste que toutes les propositions de l’Assemblée de Polynésie ont été rejetées. Cela montre bien le caractère partisan de ce projet de loi !

Je souhaite donner lecture de quelques passages généraux de cet avis : « Son projet de loi ne permettra pas d'atteindre l'objectif de stabilité des institutions, mais au contraire constitue une prime à l'instabilité », ou encore «Sous couvert de moralisation de la vie politique, l'État reprend certaines compétences et s'immisce dans le fonctionnement des institutions de la Polynésie française ». Et l'Assemblée de Polynésie de conclure en émettant un avis défavorable. Comment pourrait-on dès lors admettre aujourd'hui l'adoption d'un nouveau mode de scrutin, censé être appliqué dès le mois de janvier 2008 ? Car vous avez préjugé le résultat du débat pour donner la date des prochaines élections. Je rappelle que nous débattons d’un mode de scrutin qui s’appliquera dans le territoire concerné moins de cinquante jours après la promulgation de la loi, alors que je viens de montrer qu’il n’y a pas d’urgence. S’il ne s’agit pas d’une manipulation, qu’est-ce donc ?

Il ne nous appartient pas, monsieur le secrétaire d’État, de mettre fin au mandat des élus de l’Assemblée de Polynésie alors qu’une majorité s’est dégagée et que les institutions polynésiennes ne sont pas bloquées. Ce n’est pas parce que la majorité actuelle déplaît à vous-même et à M. Tong Sang que vous devez dissoudre l’assemblée ou « abréger son mandat », pour reprendre vos propres termes. Nicolas Sarkozy avait fait savoir qu’il s’opposait à une dissolution sans exclure pour autant un renouvellement anticipé. Nous l’avons connu plus clair, moins joueur dans le choix de ses mots.

M. Bernard Roman. Il vieillit !

M. Bruno Le Roux. Et même si votre calcul vous conduit à vouloir cette dissolution de circonstance, respectez au moins le rythme du débat démocratique en assurant le bon déroulement des scrutins prévus, élections municipales et cantonales, et faites ensuite un choix, après un débat clair, pour les élections territoriales.

Lorsque vous affirmez que le peuple polynésien souhaite s’exprimer, je peux partager cette analyse. Tout comme vous en effet, j’ai senti cette volonté d’en finir avec les manœuvres et les manipulations, quitte à retourner aux urnes si nécessaire, afin de confirmer ou d’infirmer la majorité en place. Mais encore faut-il, pour qu’il y ait des élections, qu’il y ait une campagne électorale et respect du calendrier fixé par nos institutions. En agissant dans l’urgence, vous vous situez dans la manipulation, pas dans le débat démocratique.

Qui plus est, et vous le savez pertinemment, le mode de scrutin proposé n’est en aucune façon susceptible d’assurer la stabilité politique en Polynésie. L’Assemblée de Polynésie le qualifie même dans son avis de « prime à l’instabilité ». Alors pourquoi l’avoir choisi ? Avez-vous, monsieur le secrétaire d’État, un mandat, une feuille de route qui vous conduirait à rechercher l’instabilité, à susciter les désordres ? S’agit-il de créer une situation qui conduirait ensuite l’État à faire constater la nécessité à remettre de l’ordre, à reprendre les choses en main, à recentraliser ? On est obligé de se poser la question. Dans cette hypothèse, la nouvelle loi organique annoncée par le Gouvernement pourrait ne pas être, comme promis, un nouveau pas vers l’autonomie, mais plutôt un retour vers la centralisation, au prétexte que rien ne marche en Polynésie. Quand on ne parvient pas à placer ses amis au pouvoir, il vaut mieux le reprendre directement à Paris !

Ce nouveau projet de loi apparaît donc tout à fait inopportun, voire dangereux. En tout cas, il n’est manifestement pas apte à remplir l’objectif affiché. Le Gouvernement peut-il s’obstiner à vouloir légiférer sur le système électoral de la Polynésie en méprisant l’avis de son assemblée ? Peut-il revenir sans dégâts sur des dispositions du statut de 2004 ? « Méfiez-vous de la radicalisation politique que risquent d’engendrer des élections territoriales hâtives et bâclées » déclarait récemment Oscar Temaru.

M. Guy Geoffroy. Est-ce une menace ?

M. Michel Buillard. Avec lui, c’est toujours la menace !

M. Bruno Le Roux. Il est donc préférable de mener une réflexion plus approfondie. Vous croyez constater une instabilité et vous voulez y mettre fin : réfléchissons ensemble à des solutions, mais à l’échéance des mandats en cours ! Mais demander aux parlementaires présents de mettre fin à la vie d’une assemblée territoriale qui fonctionne et délibère dans des conditions totalement démocratiques ne peut que poser à chacun d’entre eux, en conscience, la question de la responsabilité.

M. René Dosière. C’est vrai.

M. Bruno Le Roux. L’article 20 change la nature du texte. De réflexion sur les causes de l’instabilité qu’a connue la collectivité territoriale, il devient un texte partisan, un texte de connivence. Vous voulez, au début du mandat présidentiel, retrouver un point d’appui en Polynésie pour vous en servir plus que pour servir le peuple polynésien.

Votre réforme est partisane, monsieur le secrétaire d’État. Vous n’avez aucune certitude, dites-vous. Pour notre part, nous sommes certains que vous êtes ici en service commandé, afin de ramener la Polynésie dans le giron de l’UMP, après le RPR. Nous préférons faire confiance au peuple polynésien, qui est avide de s’exprimer et souhaite le faire dans de bonnes conditions. Il souhaite que l’État central reconnaisse le Taui, qu’il a, à deux reprises, porté à la présidence du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. À vous entendre, monsieur Le Roux, nous n’aurions pas respecté l’avis de l’Assemblée de Polynésie. Je pense au contraire l’avoir respecté plus que d’autres. J’ai en effet été le premier membre d’un gouvernement, quel qu’il soit, à avoir accepté son invitation à venir débattre en son sein. J’ai discuté pendant plus de quatre heures avec les représentants du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Chantal Berthelot. Et alors ?

Mme Claude Greff. Cela méritait d’être souligné !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais M. Temaru n’était pas là…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il se trouve effectivement que le président du gouvernement de Polynésie a eu besoin de convoquer son conseil des ministres en urgence pour éviter de me rencontrer et de débattre à cette occasion.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il doit être extrêmement occupé !

M. Guy Geoffroy. Vous devriez mieux choisir vos amis, monsieur Le Roux !

M. Bruno Le Roux. Ne vous fiez pas aux apparences !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Qui a fait le choix du débat, de la concertation, de la rencontre loyale, des regards droit dans les yeux ? Le ministre de la République française ou le président du gouvernement de Polynésie ?

M. Bernard Roman. Le président de la Polynésie française ! Vous avez un statut de retard, monsieur le secrétaire d’État !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. C’est ce qui fait la différence entre lui et moi. J’ai, moi, fait preuve de respect à l’égard des élus de Polynésie.

Vous n’hésitez pas à omettre tout ce qui vous gêne. Vous avez ainsi oublié de dire que sur les cinquante-quatre avis que l’assemblée a donnés sur ce texte, vingt-neuf étaient favorables et vingt-cinq défavorables. Les dispositions ayant reçu un avis favorable sont donc les plus nombreuses.

M. René Dosière. Mais sont-elles les plus importantes ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. En outre, plusieurs suggestions qui figuraient dans les avis défavorables ont été reprises par le Conseil d’État, et le Gouvernement a souhaité les conserver dans le projet de loi. Ainsi, entre les dispositions qui ont reçu un avis favorable et celles qui ont ensuite été reprises, l’Assemblée de Polynésie peut être parfaitement satisfaite du texte présenté aujourd’hui.

M. Bruno Le Roux. C’est faux !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Vous commettez en outre une erreur majeure en disant que l’Assemblée de Polynésie a critiqué les dispositions concernant la prime et la circonscription d’élection. La seule critique qu’elle a formulée sur le mode de scrutin portait sur les seuils.

M. Bernard Roman. Et sur la date !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Or, au Sénat, le Gouvernement a accepté des amendements proposés par l’allié de M. Temaru au sein de l’Assemblée de Polynésie française, M. Flosse, tendant à remonter les seuils.

M. Bernard Roman. Qu’en est-il de la date ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Les observations de cette assemblée sur le mode de scrutin ont donc été entendues.

M. Bernard Roman. Pas la résolution sur la date !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. L’assemblée a donc approuvé le scrutin proportionnel à deux tours.

Je suis d’ailleurs surpris par vos critiques à ce sujet. En effet, le 24 janvier 2007, M. Dosière disait ceci : « Pour ma part, je pense qu’un scrutin à deux tours serait sans doute préférable. (…) Le premier tour permet en effet l’expression de chaque sensibilité politique ; le deuxième oblige à créer une majorité devant les électeurs et non pas une fois que l’élection est passée, car certains en profitent, nous l’avons vu, pour retourner leur veste. » Monsieur Dosière, votre demande est satisfaite par le projet de loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. C’est cela, l’ouverture !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Vous êtes donc en pleine contradiction.

En quoi, monsieur Le Roux, l’examen de ce projet de loi est-il une catastrophe politique ? Est-ce une catastrophe politique que le Gouvernement, le 1er août dernier, pour satisfaire à la demande de M. Temaru et de M. Flosse, ait indiqué au gouvernement de M. Tong Sang qu’il serait obligé de se présenter à nouveau devant les électeurs avant la fin de son mandat ? Cet engagement ne s’adressait ni à M. Temaru, ni à M. Flosse, mais au président alors en place, et qui a été reçu en cette qualité par le Président de la République.

Je partage à la virgule près l’historique que vous avez dressé de ces dernières années.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Vous avez rappelé les heures noires qu’a vécues la Polynésie française. Mais la différence fondamentale entre nous est que nous avons décidé, dès l’élection du Président de la République, et surtout à partir du 1er août, de tourner la page, alors que de votre côté, vous voulez revenir au système que vous dénonciez il y a trois ans.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Je suis d’ailleurs étonné que ni vous, ni M. Roman – mais peut-être que M. Dosière le fera-t-il dans un instant – n’ayez évoqué les mesures qui touchent à la transparence. Elles répondent pourtant à ce qui est devenu une exigence des Polynésiens.

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Les Polynésiens veulent que leurs élus rendent des comptes sur la manière dont est utilisé l’argent du contribuable. En 2004, vous réclamiez des mesures fortes dans ce domaine. Je surpris que vous n’en disiez mot aujourd’hui alors qu’elles forment l’essentiel du corps de notre texte ! Si nous voulons que les Polynésiens puissent choisir à nouveau leur destin, nous voulons, avant toute chose, leur garantir que ce destin s’inscrira dans le respect d’une parfaite transparence, en renforçant le rôle de la chambre territoriale des comptes et en assurant le contrôle de l’État sur les actes et documents de comptabilité publique – ce qu’il fait pour toutes les collectivités territoriales de notre pays, mais qu’il n’avait jusqu’à présent pas les moyens de faire en Polynésie. Je suis vraiment très surpris que vous n’ayez pas dit un seul mot de cette préoccupation majeure.

Vous n’avez cessé de parler de majorité stable. Depuis deux ou trois mois, vous trouvez qu’il y a une majorité stable.

Il se trouve que depuis trois ans, durant les trois ou quatre mois qui suivent une motion de censure, on a toujours eu une majorité stable ; le problème, c’est qu’au bout de six mois, elle devient instable… Comment puis-je avoir aujourd’hui l’assurance qu’il n’en sera pas de même d’ici à deux ou trois mois ? Ce serait bien la première fois depuis trois ans… Je ne peux plus prendre ce risque. La Polynésie a perdu trois ans et les Polynésiens en souffrent ; elle n’a plus de temps à perdre.

Si vous avez, d’ores et déjà, fait le choix – à cette tribune et lors de vos déplacements – de vous engager dans le camp de ceux qui souhaitent l’indépendance de la Polynésie, le Gouvernement, pour sa part, n’en fait aucun…

M. René Dosière. Le Gouvernement serait-il impartial ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. … si ce n’est celui de la stabilité. Nous faisons confiance à tous les Polynésiens. Le moment venu, ils sauront choisir leur propre destin. Quel que soit leur choix, le Gouvernement de la France leur fera confiance ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je voulais m’élever une nouvelle fois, comme l’a fait notre rapporteur tout à l’heure, contre les mises en cause du travail de la commission. On prétend qu’elle n’aurait ainsi pas reçu tous les élus qui l’avaient demandé.

M. Bernard Roman. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous avons en effet reçu, M. Bignon et moi-même, M. Gaston Tong Sang. Quelques semaines auparavant, le nouvel ami de votre ami M. Temaru a voulu me rencontrer et je l’ai reçu.

M. Bernard Roman. Entre-temps, il y a eu un projet de loi !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Il était d’ailleurs accompagné du président de l’assemblée territoriale. Comme l’a précisé Jérôme Bignon, tous les élus qui ont demandé à être reçus par la commission des lois l’ont été.

J’ai écouté avec attention M. Bruno Le Roux qui a mis en cause notre rapporteur qui n’aurait fait allusion à l’avis de l’assemblée territoriale qu’en trois phrases, faisant ainsi preuve de son mépris.

Mme Claude Greff. Oh !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Effectivement, dans l’introduction d’une page et demie du rapport, l’avis de l’assemblée territoriale est cité en trois phrases.

M. René Dosière. Où est l’avis ? Il n’y en a pas !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Sans doute, monsieur Le Roux, vous êtes-vous arrêté à l’introduction au lieu de lire tout le rapport ! Ainsi, à l’article 1er, il y a, page 49, tout un développement sur l’avis de l’assemblée territoriale.

M. Bruno Le Roux. Où est l’avis ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. À l’article 3, page 56, tout un paragraphe lui est consacré.

Mme Claude Greff. Mais oui !

M. Bruno Le Roux. Où est l’avis ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je cite : « L’assemblée de la Polynésie française, dans son avis du 4 octobre 2007, s’est déclarée défavorable au mode de scrutin proposé, au motif qu’il ne serait pas susceptible de mettre fin à l’instabilité institutionnelle : l’assemblée de la Polynésie française préconisait de retenir le seuil de 5 % des suffrages exprimés… » Je peux continuer : cet avis a été cité page 61…

M. Bruno Le Roux. Où est l’avis ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. … page 66, page 69…

M. Bernard Roman. C’est l’avis qui manque !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. …page 98, page 119, page 120, page 124, page 138 et page 141 !

Le plus triste, monsieur Le Roux, n’est pas que vous n’ayez pas lu le rapport,…

M. Guy Geoffroy. Il ne connaît pas le rapport !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. … mais que vous essayiez de faire croire que la commission des lois méprise l’assemblée territoriale. Nous avons le plus grand respect pour cette assemblée…

M. Georges Colombier. Eh oui ! Ce sont eux qui sont méprisants !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. …dont nous avons reçu les membres chaque fois qu’ils le souhaitaient. Nous avons étudié l’avis de l’assemblée territoriale comme il le méritait et nous en avons tenu compte dans chaque article. Je voulais rétablir cette vérité. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour une explication de vote.

M. Bernard Roman. Monsieur le président, je souhaiterais que la conférence des présidents se penche sur l’organisation des scrutins publics, et que l’on puisse regarder les images d’un scrutin, qui sont disponibles grâce à la chaîne parlementaire.

M. Guy Geoffroy. Chacun passe son temps comme il peut !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ce n’est pas un match de foot !

M. Bernard Roman. J’en viens à mon explication. Nous pouvons, monsieur Estrosi, jouer au chat et à la souris et multiplier les arguties, mais il faudra bien que vous nous répondiez : où est le blocage en Polynésie ? Qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de signer avec le gouvernement polynésien, qui a toute légitimité, le contrat de développement aujourd’hui suspendu à l’organisation d’une nouvelle élection avec un nouveau mode de scrutin ? Qu’est-ce qui vous permettait, il y a quelques mois, de signer avec M. Tong Sang et d’investir 414 millions d’euros et qui vous interdit désormais de le faire, si ce n’est le fait que l’actuel président ne vous convienne pas ? Y a-t-il une autre raison ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Roman ?

M. Bernard Roman. Naturellement, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur Roman, le fait que vous m’interrogiez prouve donc que nous abordons ce sujet de manière totalement impartiale. Le contrat de projet, qui s’élève à 414 millions d’euros et négocié avec le gouvernement de M. Tong Sang, comportait quatre volets : la politique d’assainissement, la politique de santé publique, la politique de rénovation urbaine et l’enseignement supérieur. Tout était bloqué parce que l’on ne parvenait pas à dégager de majorité sous le gouvernement de M. Tong Sang, et que M. Temaru s’y opposait. Devenu président de la Polynésie française, M. Temaru vient de demander à l’Assemblée de Polynésie de délibérer pour donner son accord sur deux des quatre volets. Je lui ai donc répondu la semaine dernière, alors que l’assemblée s’est prononcée voici seulement quinze jours, que j’étais prêt à signer là-dessus dans les trois semaines. Je regrette évidemment qu’il n’y ait pas eu d’accord sur les quatre volets, mais seulement sur deux. Par conséquent, il n’y a pas lieu à polémique. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Roman.

M. Bernard Roman. J’ai bien fait d’avoir accepté d’interrompre mon explication de vote pour que vous m’apportiez la réponse, monsieur le secrétaire d’État : vous venez en effet de reconnaître que cela fonctionne ! En effet, le Gouvernement donne lui-même son accord à la mise en œuvre du contrat de développement, par ailleurs, vous fondez toute l’argumentation de ce projet de loi sur le fait que cela ne fonctionne pas. Il y a donc une véritable contradiction. Je le répète, évitons de jouer au chat et à la souris. Vous nous dites qu’il y a toujours une majorité stable dans les quelques mois qui suivent l’élection et qu’elle devient instable ensuite. Mais lorsqu’il s’agit de celle de M. Tong Sang, vous signez un contrat de développement ; lorsque c’est avec M. Temaru, la chose devient impossible ! Cela pose tout de même un problème de justice, d’équité et de vie démocratique ! Comme l’a expliqué M. Le Roux, il n’y a donc plus lieu à délibérer puisque, de l’aveu même du ministre, la question de la capacité de l’Assemblée de Polynésie à gérer ses propres affaires est réglée !

Monsieur Warsmann, nous avons trop de considération pour la commission des lois, dont nous sommes membres depuis des années que nous trouvions dans l’opposition ou dans la majorité, pour critiquer son travail. Cela dit, permettez-nous de trouver étrange que, dans une procédure où l’avis de l’Assemblée de Polynésie est requis, celui-ci ne soit pas joint au rapport parlementaire afin que les députés qui ont à débattre de ces projets puissent en prendre connaissance ! Le Sénat l’a fait !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Tous les députés l’ont !

M. Bernard Roman. En outre, il ne s’agit pas de recevoir ou non les élus, mais d’être équitable. Lorsque M. Tong Sang, représentant de la minorité de l’assemblée polynésienne, demande à être reçu alors que les projets sont discutés par les commissions des assemblées – ce n’était pas le cas lorsque vous avez reçu M. Temaru – il est normal qu’il le soit par le rapporteur, M. Bignon. Mais il aurait été parallèlement normal qu’on le fasse savoir au président de l’assemblée polynésienne et qu’on lui propose d’être auditionné à son tour !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je l’ai reçu !

M. Bernard Roman. Vous l’avez reçu avant que les projets ne viennent en discussion, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je l’ai reçu quand il l’a demandé !

M. Bernard Roman. Ne jouez pas au chat et à la souris ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Calmez-vous un peu, monsieur Roman !

M. Bernard Roman. Il y a, de ce point de vue, un fonctionnement irrégulier de la commission des lois !

M. le président. Votre temps de parole s’achève, monsieur Roman !

M. Bernard Roman. Enfin, faut d’avoir publié cet avis, un certain nombre de données échappent à l’Assemblée nationale. Vous nous assurez, monsieur le secrétaire d’État, que l’Assemblée de Polynésie a donné son accord sur les mesures relatives à la transparence de la gestion en Polynésie française ; c’est bien, nous nous en félicitons. Elle a, en revanche, dans une résolution, fait part de son désaccord manifeste sur l’ensemble du processus électoral proposé et la date retenue pour les élections, qu’elle proposait de reporter après les municipales. Un des deux parlementaires de la Polynésie, pourtant élu du Tahoera’a, a soutenu cette proposition. La démonstration de notre collègue Bruno Le Roux est sans ambiguïté. Nous voterons donc cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

5. Question préalable sur le projet de loi n° 402

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi n° 402.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, durant tous ces débats, ma pensée ira aux habitants de la Polynésie, tout spécialement aux jeunes, qui sont l’avenir de ce pays et qui sont trop souvent à la recherche d’un emploi, et à tous ceux qui souffrent de ne pas avoir de logement ou de revenus. La Polynésie n’est, en effet, pas le rêve que l’on essaie de vendre à l’étranger : c’est aussi pays qui connaît des difficultés économiques importantes. C’est justement parce que nous souhaitons qu’elles s’atténuent que nous devons légiférer avec sérieux.

Monsieur le secrétaire d’État, comme tous ceux qui siègent dans cette assemblée, je suis un élu de la nation. Même si j’ai été élu dans un territoire donné, une circonscription, j’ai le droit et même le devoir de m’exprimer sur tous les problèmes qui se posent dans l’ensemble des territoires de notre République. Si je fais cette remarque, c’est parce que j’ai été choqué par la manière dont vous avez répondu à notre collègue Lesterlin qui a posé une question sur la Nouvelle-Calédonie et à qui vous avez dénié le droit de s’occuper des affaires de la province Nord de la Nouvelle-Calédonie,…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Pas du tout !

M. René Dosière. …en arguant qu’il y a des parlementaires de Nouvelle-Calédonie. Cela m’a rappelé les paroles prononcées par certains parlementaires de Polynésie, en particulier le sénateur Flosse, lors de mes voyages en Polynésie en 2004 et 2005 : « Qu’il rentre chez lui et qu’il nous laisse nous occuper de nos affaires ! », disaient-ils. Il n’est pas admissible de contester à un parlementaire de la République le droit de s’exprimer sur tous les territoires de la République. Je suis aussi chez moi en Polynésie, tant autant que dans mon département !

Mme Chantal Berthelot et M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. René Dosière. Je tiens à m’exprimer sur la Polynésie, avec mes collègues socialistes métropolitains,…

M. Michel Buillard. Je suis d’accord avec toi !

M. René Dosière. …tout comme mes collègues élus de Polynésie, qui ne manqueront d’ailleurs pas d’exprimer leur point de vue.

M. Bruno Le Roux. Et les collègues rattachés ! (Sourires.)

M. René Dosière. En effet, il y a aussi, maintenant, des collègues qui sont apparentés à la Polynésie ! N’est-ce pas, monsieur Lagarde ?

M. Jean-Christophe Lagarde. En quoi serait-ce honteux, monsieur Dosière, étant donné la déclaration que vous venez de faire ?

M. René Dosière. Je n’ai pas dit que c’était honteux, je constate à quel point la Polynésie est attirante ! (Sourires.) !

M. Jean-Christophe Lagarde. Venant de vous, cela revient à des félicitations, et je vous en remercie !

M. René Dosière. Il y a quatre ans, nous avions discuté un texte statutaire sur la Polynésie dont l’objectif était, déjà, d’assurer la stabilité de ce territoire. À l’époque, pourtant, une majorité existait, mais on a considéré, peut-être, qu’elle n’était pas suffisamment forte et qu’il fallait la conforter. D’où un texte proposant un mode de scrutin un peu particulier. Je dois dire, pour rétablir la vérité des choses, que le projet du gouvernement ne comportait pas le mode de scrutin qui a été retenu. Il a fallu un amendement du sénateur Flosse, déposé en séance au Sénat, pour décider du mode de scrutin qui, finalement, a été retenu. Le rapporteur du Sénat n’avait pas d’avis et il s’en était remis à l’avis du gouvernement, et comme le gouvernement était favorable – il s’agissait de Mme Girardin, dont j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne reniez pas l’action –, c’est ce mode de scrutin un peu particulier qui a été retenu. On connaît le sort que les électeurs de Polynésie ont réservé à ce dernier !

Puisque vous aimez les citations, voici la conclusion de mon intervention dans les explications de vote sur le projet : « Le texte est un projet Chirac-Flosse, et l’on peut se demander combien de temps il survivra à ses auteurs. » On ne saurait être plus prémonitoire ! Quant au porte-parole de l’UMP, Éric Raoult, il déclarait : « Vous avez conçu un texte équilibré, madame la ministre. Vous devez savoir que les meilleures pièces de piano se jouent à plusieurs mains. Eh bien, que Brigitte Girardin, Gaston Flosse et Jacques Chirac aient chacun mis la main à ce projet, c’est l’assurance des plus belles mélodies ! » Rappelons que la majorité qui a voté ce texte de 2004 est la même que l’actuelle majorité ; aujourd’hui, elle est, pour l’essentiel, composée des mêmes parlementaires, même si elle est un peu moins nombreuse.

Les leçons du passé n’ont malheureusement pas été tirées. Le mode de scrutin qui devait assurer sinon la stabilité, du moins le maintien au pouvoir du Tahoera’a a échoué, et a permis à l’UPLD d’Oscar Temaru – allié à l’époque, monsieur Lagarde, au Fetia Api – d’arriver démocratiquement au pouvoir. Mais, ensuite, le Gouvernement n’a eu de cesse de s’opposer, par tous les moyens, au maintien au pouvoir d’Oscar Temaru et de ses amis.

Après les remarques précises et rigoureuses de Bruno Le Roux et Bernard Roman,…

M. Bruno Le Roux. Merci.

M. René Dosière. …je voudrais simplement résumer comment la ministre de l’époque a contesté le résultat électoral. Elle n’a cessé, pendant des mois, de dire que ce résultat était sujet à caution, entretenant l’incertitude sur la majorité et sur la solidité de celle-ci. Des déclarations, ici même, dans l’hémicycle, ont été reprises. Il y a eu – appelons les choses par leur nom – le débauchage d’un élu pour pouvoir redonner la majorité au Tahoera’a de Gaston Flosse. Cela a créé une situation complexe, car la population polynésienne a eu le sentiment qu’on essayait de lui voler sa victoire.

Le 16 octobre 2004, plus de 30 000 Polynésiens ont alors défilé à Papeete pour réclamer le respect du suffrage universel que contestait la ministre du gouvernement de la République. 30 000 personnes, soit l’équivalent de 6 à 7 millions de personnes manifestant dans les rues de la métropole ! C’était la manifestation la plus importante qu’on n’ait jamais vue en Polynésie ! La population polynésienne voulait montrer qu’elle n’acceptait pas qu’on méprise son choix.

Puis l’élection complémentaire du mois de mai confirma de façon éclatante la victoire électorale d’Oscar Temaru. Mais après cette nouvelle victoire électorale, qui était, cette fois-ci, sans contestation possible – en voix, sinon en sièges, en raison du mode de scrutin abracadabrant –, une milice, le groupement d’intervention de la Polynésie, a envahi l’Assemblée de la Polynésie française et le Palais du Gouvernement, sans que l’État ne bouge et sans que la justice elle-même ne fasse la moindre observation !

Pourriez-vous imaginer que des forces politiques ou des milices privées envahissent l’Élysée et l’Assemblée nationale ? La police interviendrait immédiatement pour les en empêcher. En Polynésie, non ! C’est tout juste si on n’encourageait pas le GIP à occuper les bâtiments pour créer une situation particulièrement difficile et provoquer le renversement d’Oscar Temaru !

Il faut avoir présent à l’esprit tous ces épisodes pour bien comprendre que l’instabilité qui a régné en Polynésie n’était pas seulement liée au mode de scrutin : elle était une instabilité liée au comportement, à la mainmise sur ce territoire d’une force politique, en l’occurrence le Tahoera’a et sa milice privée, le GIP. M. Le Roux a du reste évoqué la nature des communications téléphoniques de l’époque entre l’Élysée ou le ministère de l’outre-mer et les responsables polynésiens, tout au moins l’un d’entre eux.

Aujourd’hui, il se trouve qu’Oscar Temaru est revenu au pouvoir où il dispose d’une majorité forte ; notre collègue Sandras pourra nous en parler. Bruno Le Roux a démontré que les textes budgétaires soumis à l’Assemblée de la Polynésie française sont votés dans des conditions satisfaisantes. On peut même dire que depuis pratiquement trois ou quatre ans, il n’y a jamais eu une majorité aussi forte à l’Assemblée de la Polynésie française. Est-elle solide, est-elle durable ? Chacun peut avoir son sentiment, mais c’est un fait : il y a une majorité très forte en Polynésie.

Face à cette majorité forte, face à ce président de la Polynésie qu’est Oscar Temaru, que nous proposez-vous ? Un nouveau mode de scrutin !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Le vôtre !

M. René Dosière. Non, monsieur le secrétaire d’État, et lorsque vous faites des citations, il faudrait qu’elles soient complètes. Je n’ai pas avec moi le détail de nos débats de février 2007,…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Moi, je l’ai !

M. René Dosière. …mais je me rappelle parfaitement le contexte. Nous examinions, après le Sénat, un texte sur l’outre-mer, qui faisait l’objet d’une déclaration d’urgence – comme toujours s’agissant de l’outre-mer, auquel on ne consacre jamais le temps nécessaire à la réflexion.

Mme Chantal Berthelot. C’est bien vrai !

M. René Dosière. Le texte avait été adopté au Sénat sans la disposition concernant le mode de scrutin en Polynésie. C’est à l’Assemblée nationale que nos collègues ont proposé un amendement pour modifier le mode de scrutin qui existait, afin de revenir à l’ancien mode de scrutin. Je suis intervenu pour m’opposer à cette disposition, non pas pour défendre – comme le dit notre collègue Lagarde – le mode de scrutin de 2004 que j’avais combattu en 2004, mais pour dénoncer une manière de légiférer à nouveau en urgence sur ce thème : nous avions vu ce que cela donnait en 2004 et il était hors de question, là encore, d’improviser. Cette improvisation était d’autant plus dommageable que la détermination du mode de scrutin, sur lequel le Sénat n’avait pas statué, revenait à la commission mixte paritaire. C’étaient les plus mauvaises conditions qu’on ait jamais connues pour modifier un mode de scrutin. J’avais même déposé une exception d’irrecevabilité, jugeant particulièrement absurde de vouloir à nouveau, dans un texte qui ne concernait aucunement la Polynésie, modifier le mode de scrutin, et espérant que le Conseil constitutionnel, saisi de ce texte, prendrait en compte mes arguments. J’ai naturellement suggéré d’autres solutions.

Alors ne dites pas que j’étais favorable à tel ou tel mode de scrutin. Je note d’ailleurs que ce mode de scrutin – qu’il était si important de modifier en février 2007 au cas où des élections se produiraient –, vous ne le reprenez même pas à votre compte ! C’est pourtant vous, chers collègues de la majorité, qui l’avez voté !

Aujourd’hui, au moment où vous voulez de nouvelles élections, vous n’avez même pas recours à ce mode de scrutin : c’est dire, une fois de plus, que les manipulations des modes de scrutin n’aboutissent jamais à rien.

Vous avez toutefois oublié, monsieur le secrétaire d’État, de faire référence au débat qui s’est tenu ici, le 23 novembre 2004, sur la proposition de résolution déposée par le groupe socialiste et tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics en Polynésie française. Nous anticipions, d’une certaine manière, votre argumentation sur ce que vous appelez la « transparence de la vie politique », et dont je reparlerai tout à l’heure en défendant la motion de renvoi en commission. Ce jour-là, alors que nous réclamions un meilleur contrôle de l’usage des fonds publics en Polynésie, la majorité essayait de démontrer qu’il n’y avait aucun problème, que tout se passait de la manière la plus transparente qui soit, qu’il existait une chambre territoriale des comptes, qu’il y avait un contrôle des dépenses engagées, bref, que nous étions complètement hors sujet. Nous verrons bien, lorsque je rappellerai certaines analyses de la chambre territoriale des comptes, qui de nous avait alors raison.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Justement, approuvez !

M. René Dosière. Nous n’en sommes pas encore à la discussion générale. Nous verrons cela le moment venu.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Vous demandez le rejet !

M. René Dosière. On peut parfaitement approuver une partie limitée d’un texte et considérer que, globalement, il comporte beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Au demeurant, il serait un peu curieux que le gouvernement de la République présente un texte dont toutes les dispositions seraient inadmissibles.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Ce serait incohérent !

M. René Dosière. Nous pouvons, je crois, travailler différemment.

Au fond, ce que vous souhaitez, c’est écarter Oscar Temaru.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est obsessionnel, chez eux !

M. René Dosière. C’est une constante de la politique de votre ministère et de votre majorité, mais il y a aujourd’hui une difficulté supplémentaire, car j’ai cru comprendre que vous voulez également éliminer Gaston Flosse.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est donc pour cela que vos amis se sont alliés à Gaston Flosse ! Quel aveu !

M. René Dosière. Il n’est plus reçu dans les ministères. C’est sa créature, Gaston Tong Sang – « Gaston le petit », comme on dit en Polynésie –, qui est reçue. On a pu voir, lors de la discussion au Sénat, que les amendements forts de Gaston Flosse étaient rejetés : vous n’avez accepté que ceux qui étaient de moindre importance. Aujourd’hui, les choses sont un peu plus compliquées. L’un de nos collègues vient d’évoquer « l’ami de l’ami » : je me permets de rappeler, sous le contrôle de mes collègues de Polynésie, que Gaston Flosse est toujours président du Tahoera’a,…

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. René Dosière. …qui n’est pas un petit parti, et que, par conséquent, il représente une force politique importante en Polynésie. Malgré les divisions, l’UMP locale est toujours placée sous sa présidence, puisque, jusqu’à nouvel ordre, le Tahoera’a est la déclinaison polynésienne de l’UMP – mais nos collègues pourront peut-être démentir cette information.

Au fond, ce que vous demandez au Parlement, c’est de régler les conflits internes du Tahoera’a : avouez que c’est un peu choquant, voire inadmissible. Cette attitude trahit un paternalisme qui est dépassé. Je vous suggère de laisser les Polynésiens…

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Choisir !

M. René Dosière. …gérer eux-mêmes leurs affaires et de respecter l’autonomie dont cette collectivité dispose. Encore une fois – mais il n’est pas inutile de se répéter, compte tenu des précisions que vous avez apportées –, respectez donc la vie de l’Assemblée de la Polynésie française sur les points essentiels, sans prétexter qu’un accord est intervenu sur des points consensuels ou secondaires. Je constate d’ailleurs que c’est au moment où se met en place, en Polynésie, une majorité solide autour de ce que les forces politiques locales appellent les « accords de Tahiti Nui », que vous souhaitez à nouveau modifier le statut.

Nous, les socialistes, nous avons quelque raison de savoir ce qu’est l’autonomie : c’est nous qui l’avons mise en place en Polynésie en 1984. Nous avons donc toujours été partisans de l’autonomie. En réalité, je crois que vous ne recherchez pas la stabilité des institutions. Le mode de scrutin que vous proposez ne me paraît d’ailleurs pas capable de dégager une majorité : instruit par l’expérience, le rapporteur lui-même a des doutes sur ce qu’on peut en attendre. Même s’il s’agit d’un scrutin proportionnel à deux tours, nous sommes en Océanie, où les alliances les plus solides, les plus stables, sont celles qui se nouent après l’élection, quand on connaît le vainqueur. Mais dès lors qu’il y aura un décompte des voix dans chacune des six circonscriptions, vous courrez le risque considérable de ne pas avoir de majorité.

Vous croyez si peu à votre majorité que vous avez introduit dans ce texte quelques dispositions particulièrement contraignantes : l’une renforce le dispositif de la motion de censure – ce qui n’est peut-être pas complètement inutile, car cela évitera sa banalisation – ; une autre, parfaitement inadmissible, prévoit l’adoption du budget sans vote et la possibilité de provoquer une nouvelle élection du président. Permettez-moi de dire quelques mots de cette disposition : je connais particulièrement bien le contexte, ayant été rapporteur de la proposition de loi et du projet de loi dans lesquels elle est apparue. Bernard Roman y faisait allusion tout à l’heure : c’était à une époque où le mode de scrutin pour l’élection des conseils régionaux, qui était également proportionnel, ne permettait pas de dégager des majorités stables. Je me demande si cela n’était pas aussi le cas en Provence-Alpes-Côte d’Azur,…

M. Bernard Roman. Un peu, quand même !

M. René Dosière. …sauf dans les cas où la droite et l’extrême droite s’étaient alliées – mais vous avez sûrement meilleure mémoire que moi, monsieur le secrétaire d’État. Il a donc fallu mettre d’abord en place une procédure permettant le vote du budget, préciser que cette disposition ne valait que tant qu’il n’y avait pas de majorité et qu’elle disparaîtrait dès qu’on passerait au scrutin majoritaire. J’y ai veillé particulièrement, car il faut reconnaître que faire adopter un budget sans vote dans une assemblée locale n’est pas très démocratique. L’urgence était d’éviter un blocage des institutions. Le fait même que vous repreniez une disposition que, à l’époque, vos amis combattaient montre que vous n’avez qu’une confiance très relative dans l’efficacité du mode de scrutin.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Non, c’est qu’elle était bonne !

M. René Dosière. Mais elle n’a d’intérêt qu’en l’absence de majorité. Quand il y a une majorité, on n’a pas besoin de faire adopter des textes, et a fortiori un budget, sans vote. La règle, en démocratie, c’est le vote.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il n’y a pas de majorité en Polynésie depuis 2004 !

M. René Dosière. Un mode de scrutin ne suffira pas à créer la stabilité en Polynésie, car le malaise qui y règne est beaucoup plus important et il aurait mérité que l’on travaille sur un texte plus approfondi.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. M. Le Roux vient de nous expliquer que tout va bien, et vous dites à présent qu’il y a un profond malaise !

M. René Dosière. Laissez-moi décrire la situation.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’essaye de comprendre !

M. René Dosière. Monsieur le rapporteur, ne cessez pas d’être attentif et j’espère vous démontrer la profondeur de ce malaise, qui n’est pas simplement conjoncturel.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je prends des notes !

M. René Dosière. La France a mis en place en Polynésie une économie de type colonial, reposant sur des transferts financiers massifs, dont bénéficie une minorité. Sans doute est-ce une minorité importante, en tout cas significative, mais ce n’en est pas moins une minorité de privilégiés bénéficiant de hauts revenus et d’un bon train de vie. Les productions locales ont disparu au profit de produits importés de métropole, ce qui fait d’ailleurs le bonheur des sociétés commerciales et le malheur des Polynésiens, qui supportent une fiscalité indirecte, et donc injuste, alors qu’un impôt sur le revenu, progressif et donc solidaire, demandant plus à ceux qui ont beaucoup, serait bien mieux adapté.

Dans une société où l’argent règne en maître, et même en dieu, où la recherche de l’enrichissement maximum est l’objectif souvent unique, comment s’étonner de voir fleurir des pratiques clientélistes ? Après tout, la Polynésie n’est pas seule dans ce cas de figure. On a connu la même situation à Nice, du temps de Jacques Médecin : les rapports de la chambre des comptes l’ont prouvé, et vous connaissiez particulièrement bien cette situation, monsieur le secrétaire d’État, étant donné les liens qui, à l’époque, vous unissaient à Jacques Médecin.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Quelle délicatesse !

M. Benoist Apparu. C’est élégant, cela !

M. René Dosière. Si le clientélisme fleurit un peu partout…

M. Patrick Verchère. La gauche en sait quelque chose !

M. René Dosière. …ce qui est plus contestable, c’est la corruption et les pratiques parfaitement illégales dont je citerai tout à l’heure des exemples.

Au fond, ce qui manque à la Polynésie, ce n’est pas un statut de plus, c’est de retrouver les idées fondatrices des premiers autonomistes – je pense à Pouvanaa Oopa, à Francis Sanford, pour n’en citer que deux –, qui avaient à la fois l’exigence de la rigueur, le souci de la modestie et de la défense de l’identité polynésienne. Sans doute était-il plus facile de prôner les vertus de l’ascèse et du partage à une époque où l’argent ne coulait pas à flots, comme le disait d’ailleurs Francis Sanford, le 7 juin 1977, dans son discours d’investiture : « Si nous voulons être solidaires des plus défavorisés, nous ne pouvons prétendre, pour nous-mêmes et pour nos familles, des revenus toujours en hausse […] ; il nous faut consentir à partager, donc choisir entre la satisfaction de nos appétits égoïstes et la solidarité à laquelle nous convient les immenses besoins de la communauté polynésienne. » Aujourd’hui, c’est beaucoup plus difficile à réussir : Oscar Temaru en sait quelque chose, lui qui a dû subir les demandes intéressées de nombre de ses alliés.

Il est vrai que la Polynésie a connu un important développement ces trente dernières années, notamment en matière d’infrastructures et sanitaire, mais on voit bien la fragilité – c’est-à-dire la dépendance – de cette économie et les inégalités qu’elle suscite en matière de travail, de logement, de revenus, de répartition équilibrée de la population. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que, en 2003, le PIB par habitant était, en termes réels, au même niveau qu’en 1986, selon Christian Montet, professeur de sciences économiques à l’université de Polynésie. Ce qui importe en Polynésie, ce n’est pas un nouveau débat théorique entre indépendance et autonomie – après tout, en tahitien, il n’existe qu’un seul mot pour désigner les deux réalités –, mais un vrai débat sur les conditions d’un développement économique durable, solidaire : bref, autonome.

On voit bien que, dans les îles du Pacifique, les conditions économiques et sociales conduisent naturellement à des pratiques qui sont peu favorables au développement. Il est nécessaire de prendre des mesures adaptées. La loi organique de 2004, qui a affaibli les équilibres de pouvoirs à l’avantage du président et de son entourage, a eu une influence néfaste sur ce développement. Les corrections que vous tentez d’y apporter sont bien modestes et partielles. Il aurait fallu un texte plus complet.

Pour terminer, je laisserai la parole à un économiste local qui expose clairement les mesures à prendre : « Mettre en place les bases d’un capitalisme entrepreneurial, dynamique et concurrentiel, passe par une réforme donnant moins de pouvoir aux politiciens et laissant plus de place aux intérêts privés. La véritable réforme des institutions devrait contribuer à enclencher un vaste mouvement de suppression des tarifs douaniers et autres protections de rentes et de stimulation de la concurrence à tous les niveaux de la vie économique. » Autant d’aspects que votre projet n’aborde pas.

M. Jean-Christophe Lagarde. Faites une assemblée stable avec M. Témaru.

M. René Dosière. Même si vous proposez, pour contrôler plus efficacement la gestion des fonds publics, quelques dispositifs, sur lesquels d’ailleurs l’Assemblée de la Polynésie fraçaise s’est prononcée favorablement, ce qui est un signe positif,…

M. le président. Merci de conclure, monsieur Dosière.

M. René Dosière. …on voit bien que l’essentiel de votre projet n’est pas là. Votre vision de la Polynésie est éminemment politicienne, clientéliste et pour tout dire coloniale.

M. Yves Nicolin. Caricature !

M. René Dosière. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur Dosière, je voudrais, moi aussi, faire référence à ce que vous avez pu dire par le passé.

En 2004, défendant plusieurs motions de procédure, vous dénonciez un « bricolage juridico-administratif » et « une dérive présidentialiste ». Vous aviez même parlé de « risque monarchique », et vous aviez vu en cela, comme Jean-Christophe Lagarde, un risque de dérive vers l’indépendance.

M. Didier Quentin. Ah !

M. Yves Nicolin. Toujours dans la nuance !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. L’un comme l’autre, vous dénonciez dans le texte de 2004 ce qui vous apparaissait comme des dérives.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je persiste et signe !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Et votre position était renforcée par l’ancien secrétaire d’État socialiste à l’outre-mer, Christian Paul, qui, lui aussi, avait prédit un risque monarchique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il parlait d’or !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Un grand quotidien de l’époque avait écrit : « Seul René Dosière, député socialiste de l’Aisne, dans une longue motion de procédure, a dénoncé le système de gouvernance mis en place en Polynésie et souhaité ouvertement une censure prochaine du Conseil constitutionnel, ainsi que Jean-Christophe Lagarde ».

Je me demande pourquoi, monsieur Dosière, vous refusez de soutenir les correctifs que ce projet de loi apporte à un statut que vous dénonciez en 2004.

M. Jean-Christophe Lagarde. Exact !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. M. Lagarde, lui, est cohérent avec la position qu’il avait prise en 2004, puisque, aujourd’hui, il défend clairement la volonté qui est la nôtre de mettre un terme à toutes ces dérives. Vous, vous ne faites que soutenir les dérives que vous dénonciez en 2004 en souhaitant la préservation du statut de 2004 dont nous ne voulons plus parce que nous considérons qu’il ouvrait la porte à une véritable dérive. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Bravo !

M. René Dosière. Vous ne changez pas le statut de 2004 ! Vous faites du bricolage !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. En réalité, votre attitude ne m’étonne pas, monsieur Dosière : vous êtes tellement engagé en faveur d’un camp alors que nous, nous avons choisi le camp de tous les Polynésiens.

M. Bernard Roman. Oh !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. N’est-ce pas vous qui, entre le 11 et le 16 octobre 2004, aviez dit, à l’occasion de nombreuses interventions : « J’entends dire que le PS souhaite l’indépendance pour la Polynésie » ?

M. René Dosière. Non, je n’ai pas dit les choses comme ça !

M. Yves Nicolin. Alzheimer !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Mais si, monsieur Dosière, ce sont vos propos. D’ailleurs, vos liens restent les mêmes. En effet, vous reprochez toujours au Président de la République d’avoir reçu le Président Tong Sang, mais vous oubliez de dire qu’il a reçu quelques semaines plus tard le Président Temaru – le Président de la République a en effet une haute vision de la fonction présidentielle et du respect qu’il doit à tous les représentants de toutes les institutions de la nation française.

M. Benoist Apparu. C’est sûr !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Du reste, M. Temaru a eu la délicatesse, après la visite qu’il a rendue au Président de la République, de vous rencontrer au mois de septembre dernier, rencontre que la presse rapporte de la façon suivante : « Après s’être entretenu la veille à Paris avec le Président de la République Nicolas Sarkozy, le Président de la Polynésie française, Oscar Temaru, a eu l’occasion de rencontrer mercredi deux figures de la gauche, Ségolène Royal et le député de l’Aisne René Dosière ». Cette entrevue entre Oscar Temaru et la candidate malheureuse des dernières élections présidentielles montre bien que vous n’avez pas changé de vision depuis votre déclaration d’octobre 2004 : « J’entends dire que le PS souhaite l’indépendance pour la Polynésie ».

M. René Dosière. Je suis fidèle en amitié !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Vous parlez ensuite des montants des transferts de la métropole vers la Polynésie. Ceux-ci s’élèvent, je le rappelle, à 1 370 millions d’euros.

M. René Dosière. C’est important !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Mais la majeure partie de ces crédits sont consacrés aux salaires des fonctionnaires de l’État. Ces derniers sont-ils un petit nombre de nantis à vos yeux ? J’aimerais que vous puissiez vous expliquer sur ce sujet. En tout cas, contrairement à ce que vous semblez penser, le Gouvernement français a le plus grand respect pour tous les fonctionnaires de l’État qui exercent de nobles missions en Polynésie française.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Très bien !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Sur votre blog, monsieur Dosière, je lis, à la date du 21 mars 2007, sous le titre : « Rendre la vie politique plus transparente »,…

M. Yves Nicolin. Ah !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. …la déclaration suivante :« J’ai également réussi à faire voter plusieurs dispositions concernant le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes sur les dépenses publiques. » Vous vantez la politique que vous conduisez ici à l’Assemblée nationale. C’est tout à votre honneur d’avoir défendu, au plan national, une telle position. Je me demande pourquoi, alors que vous avez défendu plusieurs dispositions concernant le contrôle exercé par les chambres régionales des comptes sur les dépenses publiques, vous ne voulez pas aujourd’hui que nous donnions à la chambre territoriale des comptes pour la Polynésie française le même pouvoir d’action.

Ensuite, vous parlez d’assurer la paix outre-mer, et vous rappelez qu’à la demande de François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste, vous avez « contribué activement en 2004 et 2005 à la défaite en Polynésie française d’un système, aux côtés des Polynésiens qui refusaient le clientélisme et la corruption ». Eh bien, lutter contre le clientélisme et la corruption, c’est l’objet même du texte qui est proposé aujourd’hui.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. René Dosière. Là, vous abusez !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Finalement, je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas nous retrouver, monsieur Dosière. Nous pouvons tourner une page et entrer enfin dans une période d’accord. En tout cas, le choix que fait le Gouvernement, et la majorité qui le soutient, c’est de mettre un terme au clientélisme et à la corruption en Polynésie française, c'est-à-dire à ce que vous avez dénoncé je ne sais combien de fois dans cet hémicycle. Pour une fois, vous pourriez nous rejoindre. Mais non, vous préférez, une fois de plus, défendre un système que vous avez pourtant dénoncé en 2004.

Enfin, vous parlez des difficultés économiques de la Polynésie française. C’est bien parce que le Gouvernement souhaite mettre un terme à ces difficultés qu’il veut donner à la Polynésie française cette stabilité qui lui fait tant défaut, qu’il veut lui apporter l’égalité des chances qu’elle mérite.

Monsieur Dosière, le 13 février dernier, vous dénonciez la distribution des crédits du fonds intercommunal de péréquation telle qu’elle se pratiquait et recommandiez le respect de l’objectif d’égalité entre les communes. Il se trouve que j’ai ordonnancé les choses. J’ai d’abord veillé à ce qu’il y ait une fonction publique communale. Ensuite, j’ai pris une ordonnance en conseil des ministres pour placer les communes de Polynésie en position d’égalité des chances avec celles de la métropole. Enfin, je présente ce texte de loi organique et j’annonce d’ores et déjà que, en avril 2008, je proposerai un nouveau texte de loi organique qui renforcera les compétences et qui augmentera les ressources au bénéfice des communes de Polynésie.

S’il y a aujourd’hui tant de Polynésiens qui souffrent, c’est justement parce que trop de politiques ont été conduites au bénéfice de simples privilégiés. Le Gouvernement veut mettre un terme à cette situation et introduire plus de justice, plus d’équité, plus d’égalité des chances au bénéfice de ces Polynésiens, qui vivent souvent sur les archipels les plus éloignés ou dans les quartiers en difficulté de Faa’a ou en cours de réhabilitation, quartiers pour lesquels le député-maire de Papeete, M. Michel Buillard, manque quelquefois de moyens en provenance du pays ou de l’État, parce que nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur la signature de certains volets du contrat de projet.

Tout à l’heure, monsieur Roman, j’ai bien dit que j’acceptais de signer les volets pour lesquels l’actuel président et l’actuelle Assemblée de la Polynésie française s’étaient prononcés, mais j’ai également précisé que je regrettais qu’ils ne soient pas allés plus loin, notamment sur le volet assainissement. En effet, l’assainissement constitue un véritable drame pour le chef-lieu de la Polynésie française, la grande ville de Papeete, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur son littoral, qui ne bénéficie pas des mêmes ressources touristiques que d’autres archipels.

Il est temps de mettre un terme à tout cela pour améliorer le pouvoir d’achat, pour créer les conditions de la richesse, pour faire en sorte que nous puissions créer des emplois, notamment pour la jeunesse polynésienne qui représente près de 55 % de la population polynésienne actuelle. Et c’est bien parce que le Gouvernement a cette volonté qu’aujourd’hui, il veut créer toutes les conditions nécessaires pour répondre à cette attente profonde des Polynésiens. Il est regrettable que vous vous y opposiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, radical citoyen et divers gauche, la parole est à M. Bernard Roman, pour une explication de vote.

M. Bernard Roman. Je soutiens bien entendu la motion présentée par M. Dosière.

Et si l’on vous croyait monsieur le secrétaire d’État ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Il faut le croire !

M. Bernard Roman. On peut chercher à se donner une nouvelle virginité par rapport aux pratiques qui ont été condamnées avec force en 2004 par M. Lagarde et par M. Dosière.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Eh oui !

M. Bernard Roman. Ces pratiques, que vous condamnez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont-elles ? On a parlé de masses d’argent – on les connaît, elles ont été citées. Qui peut dire qu’elles sont injustifiées ? Il s’est passé dans le Pacifique des choses dont la France a porté la responsabilité. Le développement du territoire de la Polynésie française est une problématique qui nous concerne tous.

Ce qui est en cause, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, ce sont des pratiques clientélistes, des moyens d’utiliser l’argent qui n’ont pas toujours été au niveau des règles éthiques que souhaite défendre la République. La chambre territoriale des comptes a dit des choses très dures sur la gestion des années d’avant 2004, qui était assurée, à l’époque, je le rappelle, par le Tahoera’a et par M. Flosse. Or la gestion que l’on veut mettre en œuvre aujourd’hui, et que vous semblez soutenir, monsieur le secrétaire d’État, c’est celle qui se fait avec les enfants de M. Flosse, avec M. Tong Sang, le petit Gaston – il y avait un grand Gaston et il y a un petit Gaston. Certes, peut-être fait-il amende honorable, peut-être regrette-t-il les pratiques auxquelles il a contribué à une place pas anodine. Mais alors pourquoi travailler avec d’autres qui sont aujourd’hui dans les mailles de la justice ? Il faut le dire ici.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils ont été élus sur la liste de M. Temaru !

M. Bernard Roman. Oui.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut le dire.

M. Bernard Roman. M. le secrétaire d’État à l’outre-mer est allé en Polynésie, quelques jours après nous. Il a rencontré un certain nombre d’élus. Nous, nous y sommes allés quatre fois avec M. Le Roux depuis quatre ans, et, à chaque fois, les élus en question appartenaient à une majorité différente. C’est leur droit. En revanche, par rapport à l’esprit du texte que nous examinons ici, ce qu’ils ne doivent pas, c’est être dans les mailles de la justice pour des pratiques répréhensibles.

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Temaru savait tout cela !

M. Bernard Roman. Or, aujourd’hui, ces élus sont aux côtés de M. Tong Sang. Je ne les citerai pas tous, mais vous connaissez bien M. Vernaudon ou M. Bouissou. L’ensemble de ceux qui participent à ce type de gouvernement du futur, soutenu par un texte que vous présentez, monsieur le secrétaire d’État, ne méritent peut-être pas tant d’égards de la part de la République.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera la question préalable défendue par M. Dosière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Trois ans, cinq présidents ! Ces deux chiffres, qui ont été rappelés par les uns et les autres, suffisent à rendre totalement inutile le débat sur l’instabilité en Polynésie française. Aucune autre collectivité territoriale de notre république n’a connu autant de bouleversements, de rebondissements, de coups d’éclat – de coups d’État –, les uns ou les autres changeant d’appartenance politique, de majorité, dans des conditions que M. Dosière a souvent stigmatisées, expliquant qu’elles n’étaient pas toujours financièrement désintéressées. Monsieur Roman, vous avez fait allusion à des élus qui ont aujourd’hui quitté l’UPLD, vos alliés politiques, et vous avez cité M. Vernaudon, surnommé « le shérif », surnom dont on n’affuble heureusement pas tous les maires de notre république ! Il est vrai que sa versatilité politique est hallucinante et qu’elle peut inquiéter pour l’avenir, je l’ai d’ailleurs dit à M. Tong Sang. Mais de là à affirmer qu’il est infréquentable, c’est oublier un peu vite qu’il a permis à M. Temaru de bénéficier de la prime majoritaire qui lui permet d’avoir la majorité dont vous parlez dès le début bien qu’elle soit relative et instable. C’est indécent et caractéristique des regrettables revirements du parti socialiste depuis 2004. Je trouve cela déplorable.

Nous avons, ensemble, dénoncé des pratiques qui n’étaient pas saines. Aujourd’hui, le Gouvernement et la majorité veulent mettre un terme à ces pratiques indignes de la République.

M. Bernard Roman. Et vous soutenez les mêmes !

M. Jean-Christophe Lagarde. Mais, au lieu de vous en satisfaire, vous voulez à tout prix que votre allié politique reste au pouvoir, fût-il minoritaire, quitte à ce que la vie économique et sociale polynésienne en soit paralysée ! Tout cela remonte à l’élection présidentielle de 2002, lorsqu’un spécialiste de l’outre-mer, en l’occurrence M. Dosière, a constaté que l’absence d’un soutien outre-mer avait coûté 200 000 voix à Lionel Jospin. Vous êtes donc allés chercher le Tavini, le parti indépendantiste, sans d’ailleurs vous prononcer en faveur de l’indépendance. Vous préférez, dites-vous, que les Polynésiens choisissent eux-mêmes. Là-dessus tout le monde est d’accord. Vous avez pris la précaution de conseiller à votre ami M. Temaru, pour les élections de 2004, de faire de grandes déclarations expliquant que l’enjeu n’était absolument pas l’indépendance de la Polynésie française, ce qui lui a permis d’augmenter de beaucoup son score habituel de 20 % environ, de récupérer quelques élus, dont M. Vernaudon que vous récusez aujourd’hui, monsieur Roman,…

M. Bernard Roman. Vous étiez avec lui à l’époque !

M. Jean-Christophe Lagarde. …d’où l’instabilité politique actuelle. Il est vrai que cette curieuse alliance est due à un mode d’élection, que j’avais déjà dénoncé à l’époque, qui pousse à des alliances contradictoires – c’est le cas de la liste UPLD prétendument majoritaire en Polynésie.

Aujourd’hui, le Gouvernement et la majorité souhaitent que l’on revienne sur le chemin républicain. Je le dis sans flatterie, monsieur le secrétaire d’État, vos passages en Polynésie ont été appréciés par une partie très importante de la population, parce que, pour la première fois depuis longtemps, un ministre a pris le temps de comprendre la Polynésie française et qu’enfin, il a exposé la position de la République et non celle de tel ou tel petit copain, contrairement à ce que certains cherchent à faire croire aujourd’hui. Vous avez annoncé que vous souhaitiez des élections. En effet, dans un contexte de paralysie économique et sociale dû à toutes ces circonvolutions, à tous ces accidents politiques, la population polynésienne souhaite reprendre la parole, car elle pense que, sur tous les bancs de l’Assemblée polynésienne, il y a des gens qui ont failli à leur mission et au mandat qui leur a été donné. Sans cette proposition d’élections, M. Tong Sang serait toujours le président de la Polynésie française, car il aurait pu se contenter de la majorité de l’époque ! C’est parce que vous avez fait cette proposition que M. Temaru et M. Flosse, les prétendus adversaires de toujours, se sont subitement réconciliés pour empêcher qu’une autre voie soit possible, une voie qui fasse tomber le faux-nez sous lequel se cache la Polynésie française depuis maintenant plus de vingt ans. M. Flosse demande à Paris de lui donner toujours plus de pouvoirs et de le contrôler de moins en moins pour que les indépendantistes n’arrivent pas un jour au pouvoir. Quant à M. Temaru, il profite des écarts autocratiques, pour ne pas dire plus, de M. Flosse, des « dysfonctionnements » et des mélanges d’intérêts, y compris financiers, qui caractérisent l’exercice de son pouvoir ! D’ailleurs, l’augmentation des voix qui se sont portées sur M. Temaru traduit non pas une volonté d’indépendance, mais le rejet du pouvoir institué et organisé par M. Flosse, ce pouvoir autocratique clientéliste qui, financièrement, était pour le moins obscur.

M. René Dosière. Qui était celui de M. Tong Sang !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je m’attendais à ce que la majorité actuelle ne change rien. Je vous donne acte de cette volonté de réforme, et je ne boude pas mon plaisir. La République gagnera à ce que la Polynésie retrouve son rang de collectivité territoriale, avec la possibilité de transmettre ses actes pour contrôle administratif. Et si d’aucuns se plaignent d’ingérence, d’atteinte à l’autonomie, qu’ils en tirent les conséquences : les masques doivent tomber !

Avec la municipalisation de la Polynésie, c’est un grand pas que vous vous apprêtez à faire. M. Flosse obtenait du pouvoir de Paris au titre de l’autonomie, mais, vous l’avez rappelé, la Polynésie c’est grand comme l’Europe. Que faisait-il de ce pouvoir ? Le décentralisait-il ? Permettait-il aux maires de Papeete, des Marquises ou de Rangiroa de développer leur commune ? Certainement pas ! Pas une seule fois le pouvoir polynésien en place n’a souhaité en quoi que ce soit renforcer le rôle des maires, qui sont les plus proches de la population, mais qui n’ont même pas d’administration. Lorsque nous l’avons auditionné, c’est une telle réforme qu’attendait M. Tong Sang, alors maire de Bora-Bora et président des maires de Polynésie française. Peut-être ne dénonçait-il pas le système comme il le fait aujourd’hui, mais c’est tout à son honneur de vouloir rompre avec, d’avoir le courage politique de dire que, plutôt que de vivre confortablement installé dans cette situation politique, il va se battre pour son territoire, pour ce que l’on appelle en Polynésie le Fenua. Ce sera la plus grande progression que l’on pourra faire accomplir à la Polynésie.

Qu’a fait le pouvoir central, qu’il s’agisse de M. Temaru ou de M. Flosse, de l’argent de la République ? Il a toujours distribué des prébendes et fait du clientélisme. En redonnant du pouvoir aux maires, vous allez permettre à la Polynésie française de se développer. Je vais vous faire part d’une anecdote qui m’a frappée. Lorsque les députés de la commission des lois se sont rendus aux Marquises, à Hiva-Oa, le maire du village où sont enterrés Paul Gauguin et Jacques Brel leur a expliqué qu’en raison d’un désaccord avec le pouvoir central qui durait depuis plus de sept ans, il ne pouvait pas construire de musée ! Il est invraisemblable d’avoir tenu des élus de la République dans une telle dépendance ! Vous allez les libérer et, ce faisant, vous allez libérer les citoyens de la Polynésie française. C’est pour moi une avancée majeure.

Quant au contrôle et à la transparence de la vie publique, il serait temps de les favoriser, après tout ce que l’on a entendu ou lu dans les rapports des chambres régionales des comptes. Nous proposerons d’autres avancées aujourd’hui ou dans le prochain projet de loi, mais je trouve que c’est significatif.

Si vous n’aviez pas annoncé de nouvelles élections, le débat ne serait pas si virulent. Mais M. Flosse et M. Temaru, les adversaires de toujours, ont préféré se réconcilier pour empêcher qu’une autre voie s’ouvre, et ils l’ont fait au risque du ridicule.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ça c’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Flosse accepte désormais la perspective de l’indépendance, alors qu’il l’avait refusée toute sa carrière durant. Peut-être la sagesse lui est-elle venue avec l’âge, mais je crains que cela ne soit plutôt par crainte de la sanction que les Polynésiens lui ont déjà infligée à deux reprises par les urnes, parce qu’ils ne veulent plus de ce leader politique dont ils ont trop soupé.

Quant à M. Temaru, qui était, paraît-il, l’homme qui ne transigeait sur rien, qui était droit dans ses bottes, il a accepté de s’allier avec le diable ! Et pourquoi donc ? Pour récupérer le palais de la présidence de la Polynésie française, très beau d’ailleurs, qu’il refusait de quitter alors même qu’il avait été sanctionné par l’Assemblée de la Polynésie française, ce que vous n’aviez pas cru bon de dénoncer – vous étiez sans doute trop occupés à regarder ailleurs ! M. Temaru, lui, obtient une avancée : la perspective de l’indépendance. Mais il accepte de fricoter avec les gens que vous dénonciez tout à l’heure, monsieur Roman, en concédant la présidence de quelques sociétés d’économie mixte en échange d’un accord électoral. Quand on accepte cela, on ne vient pas jouer les redresseurs de torts !

M. Bernard Roman. C’est totalement faux, et vous le savez parfaitement !

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, M. Dosière a eu raison sur un point en citant l’économiste polynésien. Oui, il faut la municipalisation. Dans le prochain statut, abandonnant les hypocrisies qui ont meurtri la Polynésie française pendant tant d’années, il faudra laisser plus de libre champ aux acteurs économiques, aux créateurs d’entreprises, aux partenaires sociaux, pour qu’ils soient moins dépendants de la sphère politique. Le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie a de vrais atouts. Les personnes qui appartiennent à la société civile sont bien plus utiles à la collectivité que la majorité de leur classe politique. Pour éviter le clientélisme et la paralysie de la vie économique et sociale, il faudra faire en sorte que les acteurs économiques soient plus présents. En effet, nous parlions d’instabilité institutionnelle, mais l’économie polynésienne est aujourd’hui en panne. J’ai entendu les beaux discours à la tribune de ceux qui disent penser d’abord à ceux qui souffrent de manquer de travail, de logement, voire parfois tout simplement de perspectives éducatives. Si l’économie est en panne, il faut redonner la parole au peuple. Si la politique n’est pas capable de répondre à ce problème, il faut libérer les énergies.

Les Polynésiens veulent un vote. Parce que le Gouvernement aura fait un acte courageux, y compris au regard du passé, j’espère qu’ils sauront saisir cette occasion pour se débarrasser définitivement de ce prétendu duel Flosse-Temaru, qui n’était qu’un duo infernal dont ils ont bien trop souffert ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons d’un projet de loi organique et d’un projet de loi ordinaire destinés à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française. Qui pourrait contester d’aussi louables objectifs ?

Force est de constater, avec l’honnêteté intellectuelle de notre rapporteur Jérôme Bignon, que l’autonomie toujours plus grande de la Polynésie française – qu’il n’est pas question de remettre en cause aujourd’hui – s’est accompagnée d’un accroissement des dysfonctionnements. Les institutions actuelles, issues du statut de 2004, ne permettent plus aux Polynésiens de bénéficier d’un cadre institutionnel capable de répondre à leurs préoccupations et à leurs aspirations. Depuis l’élection de son assemblée, le 23 mai 2004, la Polynésie française connaît une situation d’instabilité majeure. On peut parler d’un zapping permanent : cinq présidents se sont succédé en trois ans, et pas moins de quatre motions de censure visant à renverser le pouvoir en place ont été adoptées, sur les six qui ont été déposées. Aucun gouvernement n’est assuré d’une majorité suffisamment solide. Dans ces conditions, la conduite d’une politique de développement économique et social, pourtant nécessaire, est difficile. On ne le répétera jamais assez : cette instabilité nuit au développement de la Polynésie française confrontée, comme vient de le rappeler Jean-Christophe Lagarde, à une situation économique et sociale difficile.

Parallèlement, la Cour des comptes a publié en 2006 un rapport soulignant la nécessité d’aller vers plus de transparence et de rééquilibrer les pouvoirs publics. Face à un tel constat, une réforme est nécessaire, sinon indispensable, pour restaurer la confiance de la population et favoriser une reprise de la croissance économique. C’est dans ce cadre qu’interviennent les deux projets de loi soumis aujourd’hui à notre examen.

Les mesures proposées répondent à une triple exigence : améliorer la stabilité des institutions, accroître la transparence de la vie politique et renforcer les contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires.

Pour améliorer la stabilité des institutions, les nouvelles dispositions favoriseront l’émergence d’une majorité stable et cohérente à l’Assemblée de la Polynésie française et conforteront la stabilité gouvernementale en introduisant des mécanismes inspirés du parlementarisme rationalisé. Ainsi, le mode de scrutin de l’Assemblée de la Polynésie française, mis en place par le projet de loi organique, limitera l’émiettement de la représentation, en favorisant les alliances entre les différents partis de la Polynésie française. De même, le projet de loi met en place des dispositifs permettant d’éviter les crises politiques qui ont, à maintes reprises, gangrené la vie politique polynésienne. Ainsi, la responsabilité de l’exécutif polynésien pourra être mise en jeu devant l’Assemblée de la Polynésie française dans des conditions plus favorables à la stabilité institutionnelle. La création de motions de défiance constructives dont l’adoption, en même temps qu’elle met fin au gouvernement en place, conduit à déclarer élu un nouveau président, va incontestablement dans le bon sens. Cette obligation évitera la formation de majorité négative d’opposants n’ayant pour but que de renverser le gouvernement en place, mais totalement dépourvus de projets communs. Il s’agit d’éviter des crises sans perspective et de responsabiliser l’opposition.

Deuxièmement, les projets de loi vont dans le sens d’un accroissement de la transparence des activités politiques en Polynésie française. Les nouvelles dispositions proposées vont permettre d’assurer plus de transparence dans le fonctionnement des institutions. Elles précisent les règles d’octroi des subventions et renforcent le régime d’incompatibilités et d’inéligibilités applicable aux membres du gouvernement et de l’Assemblée de la Polynésie française. Elles permettent ainsi de mieux lutter contre les conflits d’intérêt. Il est également prévu un renforcement des règles relatives au contrôle des actes et des comptes de la Polynésie française et un encadrement des activités économiques et financières. Ainsi, entre autres, les aides ou garanties d’emprunt ne pourront être accordées aux sociétés d’économie mixte que si elles sont justifiées par un « but d’intérêt général lié au développement de la Polynésie française ».

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Didier Quentin. Je vous en donne acte.

Grâce à ces nouvelles dispositions, la population elle-même voit son information accrue. Elle sera davantage associée à la vie politique de la Polynésie. Alors que la publication du compte rendu de chaque séance de l’Assemblée de la Polynésie française au Journal officiel de la Polynésie française n’est actuellement enfermée dans aucun délai, le texte fixe un délai de publication de dix jours.

En troisième lieu, il est proposé de renforcer les dispositions relatives au contrôle juridictionnel, financier et budgétaire. Il est ainsi tiré les conséquences des observations de la Cour des comptes sur la nécessité d’accroître la sécurité juridique. À ce titre, le projet de loi organique prévoit une harmonisation des règles budgétaires et comptables avec le droit commun du code général des collectivités territoriales. Le contrôle du Haut-commissaire et de la chambre territoriale des comptes s’appliquera désormais à la Polynésie française, comme à d’autres collectivités d’outre-mer comme Mayotte, Saint-Barthélemy ou Saint-Martin.

Enfin, dans le but de remédier le plus rapidement possible à l’instabilité institutionnelle, qui sclérose les réformes en Polynésie française, le mandat en cours de l’Assemblée de la Polynésie française est abrégé et des élections seront organisées au début de l’année 2008.

Ainsi, ces projets de loi organique et ordinaire devraient permettre de donner à la Polynésie française et à sa population le nouveau souffle dont elles ont tant besoin. Ils devraient aussi créer les conditions d’une bonne gouvernance, dans le respect de l’autonomie. C’est la raison pour laquelle le groupe de l’UMP votera ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Constitution ne permettant que je m’exprime en maohi à cette tribune, je résiste au plaisir de le faire. Je vous souhaite néanmoins, puisque le temps est venu, une très bonne année maohi. Sous ces auspices, la deuxième partie de notre débat atteindra peut-être les objectifs que nous nous sommes fixés : stabilité, renouvellement et meilleures pratiques, puisqu’il ne s’agit pas de reproduire les errements du passé.

À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite revenir dans cette discussion générale sur quelques points que j’ai déjà soulignés. Observons la politique que vous avez suivie au cours des dernières semaines et celle que vous vous préparez à mettre en œuvre. Les textes que l’Assemblée adoptera très certainement ce soir donneront probablement lieu à une CMP, avant d’être examinés par le Conseil constitutionnel. Ils ne pourront pas être promulgués avant la mi-décembre, pour fixer des élections qui auront lieu le 27 janvier. En tout, cinq semaines nous séparent de ce scrutin, à l’intérieur desquelles intervient la période de Noël. Savez-vous seulement ce qu’elle représente en Polynésie ? C’est un temps de grande ferveur, peu propice aux élections ou au déroulement d’une campagne électorale, une période familiale, où la politique, bien plus qu’en France métropolitaine, est mise en sommeil, parce que chacun se recentre sur sa famille et ses amis. Jugez-vous raisonnable qu’une campagne électorale se déroule dans de telles conditions pendant cinq semaines, au lendemain de la promulgation de ces textes, si tant est qu’ils soient promulgués dans leur intégralité ? Je rappelle en outre que d’autres élections locales interviendront aussitôt après : les cantonales...

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Il n’y a pas d’élections cantonales en Polynésie !

M. Bruno Le Roux. Certes, mais les élections municipales interviendront à la même date qu’en métropole, c’est-à-dire cinq semaines après le premier scrutin. On mesure à quel point le calendrier que vous avez fixé est incohérent.

En fait, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement nous propose une nouvelle réforme du mode de scrutin territorial de la Polynésie chaque fois que M. Temaru est sur le point d’accéder au pouvoir ou qu’il a une chance de s’y maintenir, au détriment de vos amis politiques. C’était déjà le cas en 1996, alors que le parti indépendantiste poursuivait sa progression et obtenait 30 % des voix. C’était encore le cas en 2004, quand il s’agissait pour vous d’empêcher le Tavini Huiraatira d’accéder au pouvoir. L’instauration d’une prime majoritaire devait en effet assurer la suprématie du Tahoera’a, parti de M. Flosse, qui représentait vos intérêts en Polynésie. J’ai décrit longuement le contre-effet produit par cette décision sur le peuple polynésien. Votre manœuvre fut couronnée de succès dans les archipels mais pas à Tahiti, où Oscar Temaru avait appelé à un rassemblement des partis d’opposition, autonomistes et indépendantistes.

Vous nous avez accusés de soutenir quelqu’un qui souhaitait mener la Polynésie à l’indépendance. Mais je rappelle que M. Temaru considère que l’indépendance doit non seulement faire l’objet d’un référendum d’autodétermination, mais en tout état de cause être différé jusqu’au moment où les conditions économiques et sociales la rendront possible, au terme d’une période qu’il estime devoir être de dix à quinze ans.

Pour avoir eu à ce sujet de nombreuses discussions avec lui, moi qui respecte trop le peuple polynésien pour être indépendantiste, je pense que tout dépend de nous. Si nous savons conduire dans les prochaines années une politique qui rende à la Polynésie la fierté d’appartenir à la République, si celle-ci fait tout son travail, qu’elle se serve dans le Pacifique de la formidable culture maohi, si nous savons déléguer de véritables pouvoirs et respecter les choix démocratiques, nous pourrons discuter avec les Polynésiens d’un avenir commun et leur faire oublier leur actuel rejet de certaines pratiques auquel l’État a cédé durant ces dernières années. Ce n’est pas sans raison que, en Polynésie plus qu’ailleurs, élus et électeurs refusent ce qu’il a incarné, et la façon qu’il a eue d’agir et de considérer, voire de soutenir des pratiques locales insupportables. Si l’État montrait au contraire une image irréprochable et faisait tout ce qu’il faut pour le développement, nous pourrions évacuer – je l’espère en tout cas et je serai peut-être à vos côtés pour l’expliquer à mes amis – une indépendance qui ne me semble pas aujourd’hui un processus possible, maîtrisable, à même d’assurer le développement de la Polynésie tel que nous l’imaginons.

Pour revenir aux élections, je remarque que, curieusement, chaque fois qu’Oscar Temaru est élu président de la Polynésie française, l’État agit de la même manière. Quand M. Temaru est arrivé à la tête de la Polynésie, la première déclaration de votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État, fut d’affirmer que les opérations électorales n’étaient pas terminées et que les robinets seraient fermés ! Ces paroles se sont vérifiées : dès le lendemain de l’élection, il n’y avait plus personne au standard du ministère de l’outre-mer ni de l’Élysée pour répondre au nouveau président de la Polynésie.

La situation se reproduit en 2007, puisque, immédiatement après la censure du gouvernement Tong Sang, vous annoncez une énième modification du mode de scrutin et « l’abréviation du mandat ».

Il paraît évident que ce nouveau mode de scrutin est destiné à favoriser l’émergence d’une majorité autour d’un homme, grâce à un rassemblement de petits partis prêts à apporter leur soutien à votre protégé du moment en Polynésie.

M. Bernard Roman. Mais bien sûr !

M. Bruno Le Roux. Je ne pense pas que cela favorise la stabilité sur le territoire.

Par ailleurs, ce que vous appelez « l’abréviation du mandat », et qui n’est rien d’autre qu’une dissolution déguisée, aura pour conséquence d’écourter légalement de deux ans le mandat des élus de l’Assemblée de la Polynésie française et de l’actuel Président de Polynésie, Oscar Temaru. Je souhaite dire de façon solennelle, à cette tribune, que c’est bien l’État français, que c’est bien votre gouvernement, et non l’Assemblée de la Polynésie française, qui s’apprête à censurer Oscar Temaru, au mépris des suffrages du peuple polynésien puisque son gouvernement s’appuie sur une majorité. C’est l’Assemblée nationale qui va censurer ce président.

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Bruno Le Roux. Dans un deuxième temps, j’aimerais vous faire remarquer que la paix historique conclue entre les adversaires de trente ans, Gaston Flosse, le champion de l’autonomie, et Oscar Temaru, le champion de la souveraineté, a permis le retour à la stabilité au sein des institutions de Polynésie.

Si votre constat concernant l’instabilité des institutions pouvait prévaloir au mois de juillet ou d’août, cela n’est plus le cas depuis que M. Flosse et M. Temaru ont décidé de mettre de côté leurs désaccords idéologiques pour travailler ensemble sur des projets de développement économiques et sociaux. Oscar Temaru avait lancé, en langue tahitienne, un appel à une « paix des braves », lors d’une séance à l’Assemblée de la Polynésie française, auquel le Tahoera’a a été le seul à répondre. Il s’agissait de travailler ensemble au bien du pays plutôt que de se complaire dans les divisions de partis. Les travaux de l’Assemblée de Polynésie française ont, depuis, gagné en qualité, comme je l’ai montré précédemment. Le respect des élus entre eux s’est également amélioré sans pour autant que le Tahoera’a perde son sens critique, ce qui est d’ailleurs un autre point positif.

Cependant, vous semblez refuser d 'admettre 1’avènement d’une nouvelle unité, là où régnaient les divisions. Dans tous les pays qui ont connu l’instabilité, la formation de gouvernements d’unité nationale a ramené la stabilité. Pourquoi une telle démarche serait-elle interdite aux Polynésiens ? Pourquoi condamneriez-vous a priori une formule qui n’a jamais été mise en pratique ces trente dernières années en Polynésie ? Vous vous apprêtez à dissoudre l’Assemblée de la Polynésie française, non pas à cause de l’étroitesse de la majorité, qui empêche celle-ci de diriger, mais parce qu’il s’agit d’une démarche politique inédite. Avant d’ouvrir les portes à de nouvelles formes d’instabilité, vous devriez tout de même vous demander si la situation actuelle n’est pas porteuse d’avenir, malgré son caractère transitoire !

M. Bernard Roman. Il a raison !

M. Bruno Le Roux. Enfin, une dernière raison – elle n’en est pas moins importante – explique votre souhait d’avancer la date des élections territoriales Il n’est que de lire la presse tahitienne pour constater que certains de vos amis semblent être en difficulté. Si j’en crois ces analyses locales, vous pourriez avoir envie de faire en sorte que des élections territoriales se tiennent avant les élections municipales pour éviter à ces amis quelques difficultés dans le renouvellement de leurs mandats, et leur donner une légitimité grâce au scrutin de liste avant qu’ils n’aillent affronter les élections municipales.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez consacré l’essentiel de votre dernier déplacement en Polynésie aux archipels éloignés pour y faire la promotion de votre projet de loi. Vous vous êtes rendu aux Marquises, à Hiva Oa, le fief de M. Jean-Alain Frébault, et à Rangiroa, sur les terres de M. Teina Maraeura. Or ces deux élus ont à plusieurs reprises changé de majorité ces dernières années…

M. Bernard Roman. Quatre fois en quatre ans !

M. Bruno Le Roux. …et ont souvent été responsables de l’instabilité politique de la Polynésie.

D’un côté vous condamnez donc l’instabilité politique et, de l’autre, vous rencontrez en ami les responsables de cette instabilité !

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à l’heure, vous appeliez les changements de vos vœux ! Ce qui est bon pour M. Flosse et M. Temaru le serait moins pour d’autres ?

M. Bruno Le Roux. Monsieur le secrétaire d’État, avant de quitter la Polynésie, vous avez annoncé que vous y reviendrez avant Noël alors que le Président de la République a clairement déclaré à Oscar Temaru, et devant vous, que vous ne vous rendriez pas en Polynésie afin de ne pas troubler le vote des Polynésiens. Entre votre déclaration, faite avant de quitter la Polynésie, et l’affirmation du Président de la République,…

M. Bernard Roman. Qui faut-il croire ?

M. Bruno Le Roux. …y a-t-il une position officielle sur le sujet ? Qui devons-nous croire ? Ferez-vous en sorte que ce scrutin se déroule dans la plus parfaite impartialité, ou allez-vous à nouveau mobiliser les moyens de l’État au service d’un candidat, comme vous l’avez fait lors de votre précédent déplacement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, déjà en 2004, le gouvernement avait déposé un texte, adopté par la majorité, proposant de nouvelles règles électorales pour la Polynésie française. Il n’y avait pourtant pas, alors, de problème d’instabilité politique sur ce territoire. Seules les considérations électoralistes du président du gouvernement polynésien de l’époque, le sénateur Gaston Flosse, dictaient ces évolutions législatives. Souvenons-nous : d’importantes modifications du code électoral furent décidées en séance publique au Sénat, alors que ni le Conseil d’État, ni l’Assemblée de la Polynésie française, ni les Polynésiens n’avaient été consultés. Ces modifications contrevenaient pourtant à l’esprit de démocratie participative promu par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et par le projet de loi organique lui-même. Les amendements de M. Flosse, approuvés par la majorité de l’époque – la même que celle d’aujourd’hui –, visaient, par le jeu de la prime au parti dominant, à garantir la réélection du président Flosse au mépris de la représentation démocratique de ses oppositions.

Sitôt les modifications des règles électorales promulguées, une dissolution de convenance de l’Assemblée de la Polynésie française fut décidée. Mais, contre toute attente, Gaston Flosse et sa majorité UMP furent battus par les indépendantistes du Tavini. Le 14 juin 2004, Oscar Temaru était élu président de la Polynésie française.

La Polynésie connut alors une instabilité institutionnelle jamais vue jusqu’alors, caractérisée par une succession de motions de censures et une alternance de présidences. Cette situation nouvelle démentait les certitudes définitives exprimées, à peine un mois plus tôt dans cet hémicycle, par d’éminents députés de votre majorité : « Cette modification du mode de scrutin manifeste objectivement un souci de recherche d’efficacité et de pragmatisme » avait ainsi affirmé une parlementaire UMP, promue depuis à d’importantes responsabilités ministérielles.

M. Bernard Roman. C’est une devinette ?

M. Michel Vaxès. En mai 2004, vous légifériez pour asseoir, selon vos dires, une majorité homogène, mais vous avez hérité de la majorité que vous ne souhaitiez pas. C’est peut-être là qu’il faut chercher les véritables causes de l’instabilité qui s’en est suivie !

Chers collègues de la majorité, vos attentes ne sont pas celles que vous affichez ! La majorité de l’Assemblée de la Polynésie française et la présidence ne vous agréeront que si elles ne viennent pas, si peu que ce soit, bousculer votre conception de l’ordre économique et social mondial, autrement dit, si vous pensez qu’elles ne menacent pas la pérennité de la présence française sur un territoire qui revêt des enjeux géostratégiques considérables.

Dès janvier 2007, les mêmes élus, qui avaient pourtant adopté dans l’enthousiasme les modifications du mode de scrutin que j’évoquais, demandaient un retour aux règles qui prévalaient avant 2004. Or voilà qu’aujourd’hui, il nous est à nouveau proposé d’en changer !

Les motivations profondes du pouvoir que vous représentez sont restées les mêmes : ne pas laisser les Polynésiens et la Polynésie s’éloigner politiquement de Paris. En d’autres termes, au couple Chirac-Flosse devrait impérativement succéder un autre couple présentant pour vous les mêmes garanties.

Fidèles à nos principes nous considérons qu’il appartient aux citoyens polynésiens eux-mêmes de décider librement de leur destin. C’est à eux, à eux tous, mais à eux seuls de décider des évolutions institutionnelles qu’ils considèrent nécessaires à l’amélioration de la très difficile situation économique et sociale dans laquelle se trouve leur territoire. Les inégalités sociales y sont, en effet, criantes. À cet égard, je ne citerai que deux exemples : 30 % d’une classe d’âge seulement arrive au baccalauréat, et l’espérance de vie d’un Polynésien est de dix ans inférieure à la moyenne nationale.

Notre responsabilité est d’aider les Polynésiens, sans décider à leur place, car notre conviction est faite : ce qui sera bon pour la Polynésie et les Polynésiens ne se décrétera pas d’en haut et de loin, mais d’en bas et dans la proximité de chacune des communes que compte ce territoire.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai apprécié que vous ayez dit vouloir offrir aux communes de Polynésie française des compétences renforcées avec les ressources correspondantes, et je me réjouis de l’annonce d’un nouveau projet de loi organique pour 2008 en vue d’accroître sensiblement les compétences et les moyens des communes de Polynésie. En effet, et vous le dites vous-même, il n’y aura pas de stabilisation politique durable en Polynésie sans une véritable autonomie des communes par rapport aux autorités de Papeete. Je vous rejoins sur ce point mais, évidemment, nous jugerons sur pièce en 2008.

La France a une dette considérable à l’égard de ces populations, elle doit s’en acquitter. Elle ne peut le faire qu’en continuant de les accompagner jusqu’à ce qu’ils accèdent à une pleine autonomie économique, financière, sociale et administrative. Il reviendra ensuite aux Polynésiens de dire le statut qu’ils souhaitent pour leur territoire et la nature des liens qu’ils voudront maintenir avec la France.

Si la France apporte son aide sans arrière-pensées mais avec le seul souci du bien-être des populations de chacune des îles de cet archipel, j’ai la conviction que ses intérêts et ceux de la Polynésie se rencontreront ; que les liens entre nos deux territoires se raffermiront ; qu’une coopération durable et mutuellement avantageuse pour nos peuples s’établira pour sur longue période, quel que soit le statut que les Polynésiens choisiront.

La seule exigence que nous ayons à formuler aujourd’hui concerne l’aide de la France : il faut qu’elle profite, de façon égale, à chaque citoyen polynésien et à chacune des îles de tous les archipels.

Au-delà de la réforme électorale, ces deux projets de loi, nous proposent de renforcer la transparence de la vie politique en Polynésie. Nous souscrivons à cet objectif car nous sommes depuis longtemps convaincus que le manque de transparence nuit non seulement au bon fonctionnement des institutions, mais également au développement économique et social de ce territoire. Cette transparence est partout d’une impérieuse et urgente nécessité, peut-être là-bas plus qu’ailleurs. Elle ne devrait inquiéter personne.

Une grande partie des dispositions du titre II du projet de loi organique ne suscite pas de notre part de remarques particulières. Nous estimons qu’elles vont plutôt dans le bon sens. Il en va de même pour celles qui concernent le contrôle juridictionnel financier et budgétaire ainsi que celles contenues dans le projet de loi simple. À cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds publics en Polynésie française – réquisitoire cinglant contre la gestion du président Gaston Flosse alors en exercice – est tout à fait convaincant quant à la nécessité d’un meilleur contrôle de l’utilisation des fonds publics.

Certaines de ces mesures sont contestées par l’Assemblée de la Polynésie française, qui estime que « sous couvert de moralisation de la vie politique, l’État reprend certaines compétences et s’immisce dans le fonctionnement des institutions de la Polynésie française ». Cette préoccupation exprimée par la majorité des représentants élus des Polynésiens ne peut être ignorée et, quoi qu’il en soit, les citoyens polynésiens, dans leur ensemble, doivent être rassurés sur ce point.

Nous ne reprendrons pas à notre compte l’avis formulé par l’Assemblée de Polynésie française lorsqu’elle estime que le système électoral retenu est une prime à l’instabilité, mais nous ne sommes pas du tout convaincus, vous l’avez compris, qu’un changement de mode de scrutin puisse mettre un terme à l’instabilité politique dans ce territoire. Vous l’avez d’ailleurs dit vous-même dans le débat il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d’État, vous ne savez pas « si avec ce mode de scrutin nous aurons la stabilité en Polynésie ».

Avant de conclure, permettez-moi de formuler quelques remarques à propos de la décision du gouvernement de retenir la date du 27 janvier 2008 pour l’organisation du premier tour de scrutin aux fins de renouvellement anticipé de l’Assemblée de Polynésie française. J’avoue ne pas comprendre cette précipitation.

Vous avez fait remarquer, monsieur le secrétaire d’État, que les fêtes de fin d’année sont des moments particulièrement importants pour les Polynésiens. Elles suscitent une mobilisation intense des familles et des églises. La date retenue pour les élections ne laissera donc pas le temps nécessaire à un vrai débat, ni à une véritable campagne. Pour ces raisons très légitimes, la majorité des représentants des Polynésiens demande que les élections pour le renouvellement intégral de l’Assemblée soient organisées après qu’auront eu lieu les élections municipales de mars 2008. Pourquoi ne pas accéder à cette demande ?

Comment les Polynésiens peuvent-ils croire que Paris veuille favoriser la stabilité de leurs institutions si l’on commence par leur refuser ce qu’ils souhaitent majoritairement ?

Monsieur le secrétaire d’État, les députés de notre groupe ne croient pas que ces textes permettront de garantir un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes – et pourtant, c’est ce que nous souhaitons les uns et les autres. Ainsi que vous le dites vous-même, les citoyens polynésiens ne supportent plus de voir ces querelles politiques l’emporter sur l’action concrète. Ils ne supportent plus cette instabilité qui nuit au développement d’un territoire confronté à une situation économique et sociale difficile. Or nous redoutons que la portée limitée des dispositions de ce texte ne réponde pas à leurs attentes.

J’ai évoqué précédemment la loi organique promise pour 2008. À condition de ne pas manquer d’audace dans l’élaboration de son contenu, c’est cette loi qui permettra de donner à la Polynésie les moyens de la stabilité politique et du développement, et non ces textes. Nous le regrettons et, pour cette raison, notre groupe ne votera pas ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour des raisons historiques, géographiques – même si la Polynésie française est située à quelque 5 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie – et personnelles, rien de ce qui se passe en Polynésie ne m’est indifférent, et n’est indifférent à la Nouvelle-Calédonie.

Grâce à son dynamisme, à son enthousiasme et à sa joie de vivre, la très importante communauté tahitienne qui vit en Nouvelle-Calédonie a contribué à bâtir la Nouvelle-Calédonie moderne que nous connaissons aujourd’hui. Or cette communauté, qui reste très attentive à ce qui se passe en Polynésie, est inquiète aujourd’hui. La réforme que vous proposez est nécessaire et urgente, monsieur le secrétaire d’État.

Que mes amis polynésiens pardonnent mon impertinence, mais ma conviction est que la cause réelle du dysfonctionnement des institutions et de la vie politique polynésiennes réside dans l’hypertrophie de la présidence de la Polynésie française. Une présidence qui, par son standing, sa toute-puissance, est devenue le seul enjeu politique. En effet, la seule question que se posent aujourd’hui les acteurs de la vie politique locale, c’est celle de savoir qui accédera au pouvoir suprême. C’est la dérive ultime du pouvoir personnel que l’on a vu à l’œuvre ces dernières années.

Aussi ma seule ambition est-elle, ce soir, de contribuer à donner un peu d’air à la vie politique polynésienne. Pour ce faire, il convient, me semble-t-il, de mettre en œuvre à l’échelon local une forme de décentralisation afin de rééquilibrer ce pouvoir central. L’autonomie des communes va dans ce sens, mais il faut aller au-delà.

Depuis 1989, la provincialisation a été instituée en Nouvelle-Calédonie pour restaurer la paix civile, favoriser le rééquilibrage et la répartition des pouvoirs. Certes, la situation est bien différente en Polynésie, mais ne serait-il pas raisonnable de prendre en considération la contrainte géographique pour réorganiser son équilibre institutionnel ?

Celle-ci est une étendue d’eau qui couvre la distance séparant Barcelone de Moscou, et les îles qui s’y trouvent ont une âme. Marquises, Gambier, Tuamotu, Îles-du-Vent : chacun de ces archipels a sa tradition, sa cohérence culturelle, ses spécificités et ses exigences. Il y a un peu moins de vingt ans, une initiative a été prise pour installer un conseil des archipels, mais celui-ci est, hélas ! resté à l’état de projet. L’un des moyens de retrouver la stabilité et la sérénité du débat politique serait certainement de confier à chaque archipel le soin de gérer ses propres affaires.

Ce débat est aussi pour moi l’occasion d’exprimer ma détermination à défendre la place de la France dans le Pacifique. Je souhaite qu’y soit menée une politique dynamique, confiante, plus cohérente et organisée autour des territoires français que sont Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ces dernières ayant d’ailleurs chacune leur cercle d’influence : l’une dans le Pacifique polynésien, l’autre dans le Pacifique mélanésien. C’est dans cet esprit que la France pourra mener une ambitieuse politique de coopération régionale économique, sportive, scientifique et culturelle, en s’appuyant notamment sur nos universités et nos instituts de recherche.

Mais pour atteindre cet objectif, il faut que l’État adopte une attitude cohérente vis-à-vis de ces collectivités et que l’on reconnaisse que la course effrénée à l’évolution statutaire a trouvé ses limites. À cet égard, les mesures proposées qui visent à accroître la transparence de la vie politique et à renforcer les contrôles juridictionnels, financiers et budgétaires sont incontestablement des avancées. En effet, l’autonomie à laquelle je suis attaché n’a de sens que si l’autorité de l’État s’exerce sans faiblesse. C’est à cette condition qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, l’État sera le partenaire impartial qui accompagnera nos collectivités dans le Pacifique, dans le respect de leur autonomie et dans la mise en œuvre d’un projet commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en février 2004, l'Assemblée nationale et le Sénat dotaient la Polynésie française d'un nouveau statut en application du nouvel article 74 de la Constitution. Ce statut modifiait notamment les règles du mode d'élection des représentants à l'Assemblée de la Polynésie française, en instituant une prime majoritaire en faveur de la liste arrivée en tête. Cette disposition visait à assurer une majorité suffisante au sein de l'Assemblée de la Polynésie française, afin de garantir le bon fonctionnement des institutions du pays. Or force est de constater que ce nouveau mode de scrutin n'a pas eu les effets escomptés, bien au contraire. En trois ans et demi, cinq présidents se sont succédé. Six motions de censure ont été déposées, dont quatre ont été adoptées.

Cette instabilité gouvernementale ne peut que porter préjudice au développement économique et social auquel aspirent les Polynésiens, ainsi qu’à l'image de la classe politique et de la Polynésie française. Les priorités économiques et sociales d’un gouvernement sont en effet systématiquement remises en question par le gouvernement suivant.

Notre population aspire à un gouvernement dont la légitimité ne pourra être garantie que par l'organisation de nouvelles élections. La date de cette consultation fait l'objet d'un débat, dont je ne souhaite retenir qu'une chose : à un moment ou à un autre, tous les partis politiques polynésiens, qu'ils soient autonomistes ou indépendantistes, ont demandé un retour aux urnes anticipé.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Michel Buillard. Monsieur le secrétaire d’État, je suis favorable à l'échéance que vous proposez, au scrutin à deux tours, ainsi qu'aux seuils prévus pour accéder au second tour. J'avais toutefois une prédilection pour le seuil de 10 % des suffrages exprimés initialement proposé, plus respectueux encore du pluralisme.

Nous devons répondre à l'attente de nos électeurs, qui peuvent, à juste titre, se sentir dépossédés de leurs votes lorsque, après les élections, leurs représentants font des choix opposés à leurs programmes de campagne et aux principes de leur parti.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très juste !

M. Michel Buillard. Certains basculent d'un camp à l'autre pour faire partie de la majorité ou pour renverser un gouvernement. En tant qu'autonomiste convaincu, ministre puis vice-président de tous les gouvernements autonomistes issus du premier statut d'autonomie de 1984 jusqu'à mon élection en tant que député, je déplore ces reniements idéologiques opérés au mépris de nos électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

La seule alliance possible pour l'autonomie, c'est celle de tous les autonomistes. Nous devons avant tout penser au bien-être de notre population et savoir mettre de côté les querelles de personne et de parti. Tel est le message que nos électeurs nous enverront lors des prochaines élections territoriales. Nous devons proposer aux Polynésiens un avenir en Polynésie française. Nous leur devons la stabilité politique, une gouvernance transparente.

Le premier objectif des projets de loi que nous examinons aujourd'hui est d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française en assurant la constitution d'une majorité de gouvernement stable, cohérente et durable. Les représentants à l'Assemblée de la Polynésie française seront donc désormais élus au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à deux tours, le second tour permettant aux électeurs d’effectuer un choix plus clair, en toute connaissance des alliances qui se noueront à cette occasion.

Le deuxième objectif de ces projets de loi est de créer les conditions d'une meilleure gouvernance pour que les Polynésiens reprennent confiance en leurs institutions. Ainsi, le Président de l'Assemblée de la Polynésie française sera élu pour la durée du mandat de l'Assemblée. Les projets de loi prévoient également une modification de la mise en œuvre de la responsabilité du Président de la Polynésie française et de son gouvernement, ainsi que des dispositions tendant à renforcer la transparence de la vie politique en Polynésie française.

Ce dernier point constitue l'un des principaux éléments de ces projets de loi. J'avais déjà eu l'occasion de rappeler ici même en novembre 2004 que, en matière de contrôle de l'utilisation des fonds du pays ou de l'État, les règles doivent être identiques à celles de la métropole. La succession des gouvernements et les accusations mutuelles de gaspillage des fonds publics ont jeté la suspicion sur l'ensemble de la classe politique locale, et les Polynésiens s'en émeuvent à juste titre. Nous avons un devoir d'intégrité dans la gestion des fonds du territoire et des fonds qui nous sont versés par l'État. Devoir d'intégrité envers l'État, qui contribue de manière essentielle au développement économique et au bien-être social des Polynésiens, et envers nos compatriotes de métropole, qui participent à l'effort de réduction des déficits budgétaires de la France et auxquels nous devons montrer que nous sommes dignes de la solidarité nationale.

L'Assemblée de la Polynésie française a émis un avis favorable sur la majeure partie des articles relatifs à la transparence de la vie politique. Cela démontre notre volonté de ne plus donner prise aux accusations de mauvaise gestion des fonds publics. Nous devons également faire preuve de constance dans nos engagements politiques.

Nos différends idéologiques ou statutaires ne doivent pas ralentir ou gêner l'attribution des crédits de l'État, comme l’illustre l’épisode tragi-comique de la signature des contrats de projet. La nouvelle mouture du contrat de projet finalement adoptée par l'Assemblée de la Polynésie fait l'impasse sur 142 millions d'euros budgétés par l'État et prévus pour l'enseignement supérieur et les grands équipements structurants. Or, parmi ceux-ci, figuraient des projets, coûteux mais indispensables, d'adduction d'eau potable, de traitement des déchets et d'assainissement des eaux usées. En tant que maire, je ne peux que déplorer le retard ainsi pris dans le financement de ces grands projets.

M. Bernard Roman. Et le retard de l’hôpital ?

M. Michel Buillard. Je soutiens également votre volonté, monsieur le secrétaire d’État, de partager davantage le pouvoir entre le pays et les communes. Il n’y a là nulle atteinte à l’autonomie du pays. L'autonomie s'exprime aussi au tout premier échelon de la démocratie locale : la commune. Plus l'autonomie communale sera développée, plus celle du pays sera forte et respectée. En effet, le manque de ressources propres des communes facilite les recompositions politiques d'opportunité et ternit l'image de l'autonomie.

Il importe également d'établir des critères objectifs d'attribution des concours financiers de la Polynésie française aux communes, afin de respecter la dignité des maires, qui ne doivent plus être tenus de quémander les moyens de réaliser leurs projets d'intérêt général, et des populations qui, où qu'elles soient et quelle que soit la couleur politique du maire, ont droit à la solidarité publique.

J’ai bien noté votre volonté de renforcer les compétences des communes. Je pense que les maires peuvent accepter ces transferts s’ils sentent un État fort à leurs côtés pour les conseiller. Mais ce qui importe au premier chef, c’est que ces transferts ne s’opèrent pas, comme en 2004, sans un transfert simultané de moyens. L’autonomie financière des communes polynésiennes est quasi inexistante. Elle ne supporterait pas de nouveaux transferts de compétences qui ne s’assimileraient qu’à de simples transferts de charges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Polynésie ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de son autonomie. Un nouveau Président de la République a été élu. Une nouvelle équipe gouvernementale a été mise en place, qui a rapidement prouvé son attachement à l’outre-mer et à la Polynésie française.

Monsieur le secrétaire d’État, depuis votre prise de fonctions, vous êtes venu à quatre reprises à la rencontre des Polynésiens – de tous les Polynésiens. Vous les avez écoutés et vous avez compris qu’ils aspiraient à un renouveau de leurs perspectives d’avenir. Vous êtes venu présenter vos projets de loi. Quelle meilleure preuve de démocratie, de transparence, de bonne foi, pouvons-nous donner à notre population, à tous les Français et à l’État, que l’organisation de nouvelles élections ?

Je souhaite réfuter ici les affirmations de certains qui nous reprochent – qui vous reprochent, monsieur le secrétaire d’État – d’organiser ces élections dans le but de renverser un gouvernement indépendantiste. Faut-il rappeler que les deux derniers rendez-vous des indépendantistes avec les électeurs se sont soldés par deux échecs : aux élections présidentielles, malgré une mobilisation sans précédent du parti indépendantiste pour soutenir la candidature de Mme Royal ; aux élections législatives, qui ont vu, comme vous le savez, monsieur Le Roux, la défaite de M. Temaru dans la circonscription ouest – la mienne ! Je m’interroge, dès lors, sur la prétendue légitimité démocratique de ce gouvernement.

La Polynésie a dit non au programme de campagne de M. Temaru et aux accords de Tahiti Nui mentionnés par M. Dosière. La quête de légitimité, essentielle dans une démocratie, justifie l’urgence d’organiser de nouvelles élections. Faisons preuve de courage politique, n’ayons pas peur de redonner la parole au peuple polynésien. Les nouvelles règles qui entreront en vigueur lors des prochaines élections devraient, nous l’espérons tous, garantir à la fois le pluralisme des partis et la stabilité du gouvernement.

Je suis fermement convaincu que l’autonomie est le meilleur mode de gouvernance pour la Polynésie française. Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, mais bien une certaine pratique des institutions.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Buillard. Je pense, par exemple, à l’acquisition dans des conditions obscures du Rocklands Hotel en Nouvelle-Zélande – acheté à un prix très supérieur au prix du marché pour des besoins jusqu’à présent non justifiés –, à l’affaire des bus chinois, à l’utilisation abusive de l’avion présidentiel à des fins électorales, ou encore aux conditions d’attribution des subventions aux communes. Nous devons changer nos méthodes, gérer les deniers publics en bons pères de famille et respecter la parole donnée.

Monsieur le secrétaire d’État, les projets de loi que vous soumettez aujourd’hui à notre assemblée constituent une étape indispensable pour notre pays. Je voterai donc ces deux textes au nom de l’avenir de la Polynésie française au sein de la république française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sandras.

M. Bruno Sandras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des projets de loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française me donnent, pour la première fois, l’honneur et le plaisir de prendre la parole devant notre assemblée.

À la suite de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la Polynésie française est devenue, après l’adoption de la loi organique du 27 février 2004, la première collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie. Ce nouveau statut d’autonomie a donné de grandes satisfactions aux Polynésiens, et les larges transferts de compétence opérés permettent désormais aux élus de cette collectivité de détenir tous les outils nécessaires pour réussir son développement.

Cependant, les élections qui ont eu lieu le 23 mai 2004 ont mis en évidence la difficulté de la Polynésie française à se doter d’un gouvernement stable. De fait, en l’espace de trois ans, quatre gouvernements ont été renversés. Les projets de loi qui nous sont soumis visent à remédier à ce dysfonctionnement grâce à un certain nombre de dispositions tenant compte des suggestions des divers rapports de la chambre territoriale des comptes ou de la Cour des comptes et visant à rendre plus transparente la vie politique.

Je suis d’accord pour l’essentiel avec les modifications que vous souhaitez apporter à notre statut, monsieur le secrétaire d’État, car il est certain que le mode de scrutin retenu doit contribuer à stabiliser les institutions. À cet égard, je me félicite que les seuils retenus pour les élections à l’Assemblée de la Polynésie française soient de 5 % des suffrages exprimés pour que les listes puissent participer à la répartition des sièges et, dans l’hypothèse où aucune liste n’obtiendrait la majorité absolue au premier tour, de 12,5 % des suffrages exprimés pour que les listes puissent se maintenir au second tour. En effet, ces seuils qui permettront de dégager une majorité forte contribuent ainsi à poursuivre le dessein attendu par toute notre population.

Je vous invite toutefois à aller plus loin en adoptant un dispositif visant à moraliser le comportement des élus. En effet, l’un des facteurs contribuant à rendre instables nos institutions résulte du comportement critiquable de certains qui, sitôt élus, quittent le parti politique sous l’étiquette duquel ils se sont présentés pour s’allier à un autre groupe, n’hésitant pas à nouer des accords de circonstances en fonction des événements. Au total, 12 représentants sur 57 ont trahi leur formation politique, donc les électeurs, depuis 2004. Ces allers-retours entre les différentes formations politiques constituent d’inadmissibles errements, auxquels il convient de mettre un terme en permettant aux électeurs eux-mêmes de les sanctionner. Il faut en effet rendre la parole aux électeurs lorsque l’élu adopte une attitude aussi choquante.

Je précise qu’il ne s’agit pas, mes chers collègues, d’introduire certains effets du mandat impératif que prohibe notre Constitution : l’élu doit pouvoir continuer d’agir en son âme et conscience et n’être lié par aucune consigne donnée par les électeurs.

Je vous propose de faire en sorte que la Polynésie constitue un laboratoire institutionnel intégrant à titre de test un mécanisme destiné à moraliser le comportement politique de l’élu. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Si comme je viens de l’indiquer, ces textes me semblent devoir être adoptés, ils comportent toutefois quelques dispositions inutiles qui viennent heurter la conception que les Polynésiens ont de l’autonomie. Je pense tout particulièrement au nouvel alinéa de l’article 166 de la loi organique du 27 février 2004 permettant au Haut-commissaire de se substituer aux autorités polynésiennes dès lors qu’elles négligeraient de prendre les décisions qui leur incombent dans le cadre de leurs attributions.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a raison !

M. Bruno Sandras. Il faut souligner le fait que cette substitution est générale, puisqu’elle concerne toutes les autorités polynésiennes et vise toutes leurs attributions. Cette nouvelle tutelle, que l’on croyait disparue depuis la loi statutaire du 6 septembre 1984, permettrait au représentant de l’État d’agir à la place des autorités élues « afin de rétablir le fonctionnement normal des institutions ».

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est excessif !

M. Bruno Sandras. Or, dans la loi statutaire de 2004, le pouvoir de substitution du Haut-commissaire n’est possible que dans deux cas : lorsque le Président de la Polynésie néglige de publier ou promulguer une loi du pays, et lorsque le président de l’Assemblée refuse de convoquer celle-ci en session.

Qu’ont fait les élus polynésiens qui puisse justifier un tel retour en arrière ? Ont-ils négligé leurs responsabilités au point qu’il soit nécessaire que le Haut-commissaire puisse, à tout moment, et pour chacune de leurs décisions, se substituer à eux ? Assurément non. En supposant même qu’une autorité ne prenne pas un acte qu’elle serait tenue de prendre, il existe des mécanismes et des procédures qui peuvent l’obliger à agir. En tout état de cause, il revient au juge, autorité impartiale, d’intervenir pour prononcer une injonction d’agir éventuellement assortie d’une astreinte.

Vous réintroduisez en fait un dispositif rappelant « le temps des gouverneurs » ! Dans les communes, le pouvoir de substitution du préfet n’est actuellement possible que dans une hypothèse : lorsque le maire néglige de prendre les mesures qui s’imposent en matière de police administrative. Vous proposez de généraliser ce dispositif en l’appliquant à tous les domaines d’intervention des autorités polynésiennes. Mais ce n’est pas parce que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont dotés d’un tel dispositif qu’il est utile d’en faire autant pour la Polynésie ! Notre organisation particulière diffère de celle de ces autres collectivités d’outre-mer et nous tenons à ce que notre autonomie soit préservée. D’autant que, malgré les crises qu’a traversées notre collectivité, les responsables – qu’il s’agisse des autorités de l’État ou des élus polynésiens – ont toujours su trouver les outils juridiques propres à dénouer les blocages.

Avant de prendre l’avion pour Paris, j’étais en tournée dans les Tuamotu. Les habitants m’ont chargé de vous remercier de votre visite, monsieur le secrétaire d’État. Mais s’ils sont favorables dans l’ensemble à vos propositions, ils sont plus réservés quant aux dates retenues. L’avis rendu par l’Assemblée de la Polynésie française, à une très forte majorité de 44 sur 57, aurait dû vous inciter à reporter l’élection des membres de cette institution après les élections municipales.

M. Jean-Christophe Lagarde. Justement non !

M. Bruno Sandras. Tout le monde est d’accord pour que des élections soient organisées le plus vite possible, mais un report de seulement deux mois ne changerait pas grand-chose : l’État a bien su, l’an dernier, reporter les élections municipales d’un an en raison des élections présidentielles et législatives ! Vous êtes le seul à pouvoir décider, monsieur le secrétaire d’État, mais vous devez être conscient du fait que la précipitation dans laquelle ces élections vont avoir lieu risque d’intensifier l’instabilité que nous déplorons tous vivement.

Mes chers collègues, si je vous invite à voter les textes tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, c’est aussi en espérant que vous voterez les amendements qui contribuent à maintenir ou renforcer l’autonomie dont jouit la Polynésie française depuis son statut de 1984.

Dès lors que les amendements relatifs au pouvoir de tutelle et à la date des élections seront adoptés, ces lois sauront redonner confiance à la Polynésie française et ses élus. C’est le meilleur choix pour la Polynésie française, et pour son maintien dans la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous voici arrivés au terme de la discussion générale d’un débat dont j’ai apprécié la qualité et la hauteur de vues. Je vous remercie d’avoir préservé cet état d’esprit qui correspond à l’image que je souhaitais donner à l’ensemble des Polynésiens.

Je salue l’intervention de Jean-Christophe Lagarde, qui a eu le mérite, dès 2004, d’adopter une position contraire à la majorité de l’époque et de s’y être constamment tenu depuis. Je le remercie d’avoir rappelé toutes les questions qu’il avait posées à l’époque et de mettre en regard de chacune de ces questions la réponse que nos textes lui apportent aujourd’hui.

M. Lagarde a évoqué, non sans émotion, certains symboles tels que l’île d’Hiva Oa, où se trouvent les tombes de Paul Gauguin et Jacques Brel. C’est avec émotion que je pense aujourd’hui à Guy Rauzy, maire d’Hiva Oa, qui m’a confié un soir qu’il avait passé son bac au lycée Masséna de Nice. Eh bien oui, mon cher Jean-Christophe, ce maire, qui a maintenant cinquante ans de mandat, a mené pendant près de trente ans un véritable combat pour trouver les moyens d’aménager un musée dédié à la mémoire de Gauguin et de Brel, pour commémorer leur passage sur l’île. Et s’il a fallu attendre toutes ces années pour parvenir à la réalisation de ce musée, qui est évidemment un élément d’attractivité touristique et donc de soutien à l’activité économique et à l’emploi, c’est que les maires de Polynésie n’ont pas les moyens de leur action. Alors qu’ils ont une capacité d’inventivité et de créativité très forte, ils n’ont pas les moyens de prendre l’initiative. Voilà pourquoi ce maire est arrivé à ses fins après avoir été confronté à des rapports de force très difficiles. J’ai moi aussi été très ému par cette histoire, monsieur Lagarde.

Nous allons donc faire en sorte de résoudre, dans la loi organique, les problèmes que vous avez soulevés. La confiance que nous devons déléguer aux maires de Polynésie doit se traduire clairement dans le texte. Je vous remercie pour la contribution que vous nous apporterez sur ce point.

De même, vous souhaitez que nous apportions plus de liberté et de capacité d’initiative aux acteurs économiques, aux talents, à la matière grise, à l’intelligence, que nous savons si présente dans l’ensemble de la Polynésie française. Cela me paraît en effet fondamental. Je tiens donc à ce que, dans le prochain projet de loi de programme, un volet soit consacré à ce problème. Nous sommes d’accord avec vous pour renforcer le rôle que peut jouer le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, dont le sérieux des avis et des études doit d’ailleurs être salué. Un amendement du Sénat y contribue déjà. Je souhaite que vous le confirmiez.

En matière de liberté d’entreprise, vous avez évoqué, en filigrane, les monopoles, qui, dans le statut actuel, ne favorisent pas cet épanouissement et cette libre concurrence qui pourraient apporter des services de plus grande qualité à l’ensemble des populations et des offres tarifaires plus attractives dans un certain nombre de domaines.

Pour confirmer votre propos, je prendrai un exemple qui éclairera l’Assemblée nationale. Il porte sur un domaine qui m’est cher, et qui m’était déjà cher lorsque j’étais ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’objectif était alors de faire passer de 60% à près de 95 % le nombre de foyers ayant accès à internet sur l’ensemble de la métropole. Aujourd’hui, je voudrais que nous parvenions au même résultat pour l’ensemble de l’outre-mer. Alors que le câble, cher Pierre Frogier, cher Gaël Yanno, arrive désormais à Nouméa depuis Sidney, je souhaiterais que nous apportions une desserte de qualité à Tahiti mais aussi à l’ensemble des archipels.

Je rappelle à cet égard que l’arrivée de l’internet haut débit par le câble sous-marin dépend du pays. Certes, l’État peut apporter sa contribution pour accompagner le pays. J’en serai tout à fait d’accord. Mais seul le pays peut prendre l’initiative en la matière. Dans un de ses avis, le Conseil économique, social et culturel avait précisément souhaité que les services découlant de l’arrivée du câble soient ouverts à la concurrence. Il est vrai que les chiffres résultant du manque de concurrence sont éloquents : 19 000 abonnés sur une population de 260 000 habitants, soit un ratio de un pour treize, avec un tarif de 4 950 francs pacifiques, c’est-à-dire 41 euros par mois pour un débit extrêmement limité, 128 kilobits, et à 14 850 francs pacifiques, ou 125 euros par mois, pour un débit plus rapide mais restant très limité, 512 kilobits. En métropole, nous comptons 14 millions d’abonnés à internet sur une population de 60 millions d’habitants, soit un ratio de un pour quatre. Quant au tarif, le plus bas est à 30 euros pour un débit limité mais beaucoup plus élevé que celui proposé à 40 euros en Polynésie française. Il donne en outre un accès illimité à internet et comprend la téléphonie et la télévision.

Or cette différence est inéquitable. Je vois là une injustice sociale. En Guadeloupe, par exemple, chère Gabrielle Louis-Carabin, où, vous aussi, vous avez pris des initiatives importantes en la matière, nous comptons déjà 11 000 foyers connectés par l’ADSL sur une population de 440 000 habitants, ce qui nous donne un ratio de un sur quarante. En outre, le câble sous-marin qui relie la Guadeloupe à Porto Rico permet désormais, avec 39 euros par mois, de bénéficier d’un forfait apportant quasiment les mêmes services qu’en métropole.

En fait, traiter cette question, c’est s’attacher à la stabilité qu’on veut apporter au pays.

M. Bruno Le Roux. Le Conseil a délibéré sur cette question le 7 novembre dernier !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Cette question est totalement liée aux objectifs et aux enjeux sous-tendus par ce texte : stabilité, durée, justice pour un meilleur développement économique.

Cher Bruno Le Roux, dans votre intervention, qui était du reste, et je le salue, beaucoup plus modérée que celles que vous avez prononcées pour défendre vos motions, j’ai d’ailleurs retrouvé les mêmes objectifs : stabilité, transparence et développement. Cette loi doit précisément nous permettre de les atteindre. S’agissant du délai entre la promulgation de la loi et le premier tour des élections, je vous rappelle que le retour aux urnes est annoncé depuis longtemps. Du reste, à l’issue de son entretien avec le Président de la République, M. Temaru, a déclaré, dans la cour de l’Élysée, il y a à peine quelques semaines, qu’il respectait la date choisie et la décision. Voilà ce qu’a dit le Président de la Polynésie française !

M. Bruno Le Roux. Que pouvait-il faire d’autre ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Il aurait pu dénoncer la décision, monsieur Le Roux !

M. Bernard Roman. Il l’a fait !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. M. Sandras et vous-même, monsieur Le Roux, avez fait allusion à la compatibilité entre calendrier électoral et fêtes religieuses. On peut considérer que celles-ci s’étalent du 15 décembre au 15 janvier. L’évêque et le président des associations protestantes m’ont tout deux indiqué que le délai de respect pour l’ensemble des familles de Polynésie prenait fin au 15 janvier. À titre anecdotique, je rappellerai que les élus de l’Assemblée de la Polynésie française ont voté une motion de censure le 22 décembre 2006, soit trois jours avant Noël. C’est à se demander si l’invocation des fêtes religieuses ne serait pas qu’un faux prétexte.

Vous nous dites qu’à l’occasion de visites précédentes en métropole, on aurait posé des lapins à M. Temaru. C’est plutôt M. Temaru qui a posé un lapin au Président de la République d’alors, Jacques Chirac, en ne se rendant pas au rendez-vous qu’il lui avait proposé.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout à fait !

M. Bruno Le Roux. C’était un rendez-vous humiliant !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. En l’occurrence, c’est le Président de la Polynésie française qui a fait preuve de manque de respect à l’égard du Président de la République française.

M. Bruno Le Roux. C’était un rendez-vous humiliant !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Par ailleurs, et cela m’a blessé, monsieur Le Roux, vous avez dénoncé mes nombreux déplacements, alors que d’autres, tels Jean-Christophe Lagarde, Michel Buillard ou Bruno Sandras, les ont salués. On ne peut pas considérer que le ministre de la santé pourrait aller tous les jours dans un hôpital ou un service de santé public sur le territoire de la métropole, que le ministre de l’intérieur serait à sa place en visitant quotidiennement des commissariats ou des postes de gendarmerie, que le ministre de l’éducation serait fondé à se rendre tous les matins dans des écoles, des collèges, des lycées et le ministre de l’enseignement supérieur dans des facultés, mais qu’il serait interdit au ministre de l’outre-mer de visiter en permanence les territoires relevant de la responsabilité qui lui a été confiée par le Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas le problème !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Faites-moi la grâce d’entendre que, si j’en suis à mon quatrième ou cinquième tour du monde en quelques mois, c’est que j’ai la volonté d’aller vers tous nos compatriotes ultramarins. Je veux être auprès d’eux, dans leur détresse, leurs épreuves, leurs difficultés. Je veux les écouter pour mieux les comprendre, avant de proposer des dispositions au Parlement ou de prendre des décisions qui pourraient aller à l’encontre de leurs espérances. Alors, oui, j’y retournerai avant Noël.

M. Bernard Roman. Pendant la campagne ?

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Non, pas pendant la campagne, qui s’ouvrira précisément dès le début du mois de janvier, d’abord pour les élections territoriales et ensuite pour les élections municipales. J’irai donc avant Noël car je m’applique un strict devoir de réserve. De la sorte, je pourrai également finir d’accomplir les tâches que je juge nécessaires, en allant à la rencontre de toutes les populations, de tous les maires, quelle que soit leur appartenance philosophique ou idéologique, notamment au sein des archipels les plus éloignés. J’ai encore à donner à la Polynésie française avant que nous n’entrions dans la période électorale. Vous ne pouvez pas me faire le procès d’aller au contact de chacun et d’écouter nos compatriotes de Polynésie. Lors de ma prochaine visite, je rendrai aussi compte des engagements que j’ai pris précédemment en ce qui concerne tant l’université ou la sécurité que d’autres domaines régaliens relevant de la compétence de l’État. Votre critique ne traduit pas une attitude très républicaine de votre part.

M. Bruno Le Roux. Croyez-vous que nous soyons dupes ?

M. Bernard Roman. Nous ne sommes pas des zozos !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Monsieur Vaxès, vous avez évoqué, quant à vous, les enjeux stratégiques de Polynésie française. Je vous remercie pour la qualité de votre intervention, même si je ne partage pas tout. En tout cas, vous avez démontré votre volonté, et celle de votre groupe, d’apporter des réponses aux problèmes que connaît la Polynésie française depuis quelques années. Oui, il appartient aux Polynésiens de prendre leur destin en main. C’est ce que nous faisons en leur rendant la parole.

Vous avez parlé de la dette de la France. Nous en sommes parfaitement conscients. L’effort aujourd’hui consenti vise à favoriser l’épanouissement de la Polynésie. Vous voulez que l’aide profite à tous les Polynésiens : c’est aussi le souhait du Gouvernement, c’est d’ailleurs l’objet du contrat de projets, qui vise le logement, l’assainissement, la protection des populations face aux risques, c’est aussi l’objet de l’allocation logement, dont j’ai annoncé la mise en place si le territoire en décide également ainsi.

Vous avez indiqué que vous adhériez totalement aux mesures de transparence de ce texte. Vous m’avez fait cependant savoir que vous ne le voteriez pas parce que vous désapprouvez la date retenue pour les élections. Mais nous avons fait ce choix pour aller précisément plus vite dans la relance du territoire et pour résoudre tous les problèmes que vous avez soulevés. En tout cas, je respecte votre décision et je vous remercie pour la modération de votre intervention. Elle était conforme à l’attitude que vous avez traditionnellement au sein de cet hémicycle.

Je tiens également à remercier Pierre Frogier, président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et député de la Nouvelle-Calédonie à l’Assemblée nationale. Je le sais, monsieur le député, Gaël Yanno s’est associé aux propos que vous avez tenus à cette tribune. Vous avez évoqué l’histoire partagée du Pacifique, vous qui êtes si attaché aux îles Loyauté, à cette circonscription du nord que vous représentez avec tant de dignité et d’honneur dans cet hémicycle, vous qui êtes si attaché à l’ensemble des trois provinces dans leur grande diversité. Vous avez rappelé ce que chacun pouvait ressentir aussi bien aux Tuamotu, aux Marquises qu’aux îles Loyauté, à Ouvéa ou à Nouméa. L’esprit du Pacifique, c’est cette histoire partagée, la volonté de défendre un héritage et un patrimoine, et la transmission, de génération en génération, de coutumes et de traditions qui définissent une identité et une culture authentique.

Vous avez fait mesurer à la représentation nationale combien il était important de donner à chacun sa chance, comme cela a été fait avec les provinces, en Nouvelle-Calédonie.

Vous avez évoqué l’opportunité de créer des conseils des archipels en Polynésie française. Je suis ouvert à cette proposition, défendue par certains depuis plusieurs années et dont m’ont déjà entretenu un grand nombre de maires des archipels. J’étudierai la question avec l’ensemble des parlementaires et des maires de la Polynésie française pour la prochaine loi organique que je proposerai au printemps 2008.

Vous avez beaucoup insisté – c’est, en effet, un sujet fondamental – sur ce que peut représenter pour la France, donc pour la Polynésie française, pour la Nouvelle-Calédonie mais aussi pour Wallis-et-Futuna, une grande politique régionale dans le Pacifique, aux côtés de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, du Chili, mais aussi des îles Fidji, des Samoa ou des îles Tonga – où, pour la première fois, la France était l’invitée d’honneur du forum du Pacifique et où, m’exprimant au nom de l’État français et du Président de la République, j’ai mesuré combien grandes était les attentes à l’égard de la France.

Tout ce qui peut être délégué doit l’être, monsieur le député, et la présidence française de l’Union européenne, en 2008, doit nous y aider. Pourquoi ne pas déléguer à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie la mission de mener des politiques régionales avec nos partenaires dans l’espace Pacifique ? C’est primordial en matière de compétitivité, d’innovation industrielle, mais aussi pour l’enseignement supérieur, domaine où doivent être mis en place des partenariats.

Je souhaite que nous bâtissions ensemble, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, un grand pôle de compétitivité qui fédère l’université et les laboratoires de recherche publics et privés, pour travailler notamment sur la biodiversité, l’une des plus riche de notre espace national.

Vous défendez de toutes vos forces l’inscription du lagon de Nouméa, votre récif corallien, au patrimoine mondial de l’Unesco, tout comme nous défendons, cher Bruno Sandras, celle des îles Marquises.

Vous avez rappelé la place que l’État doit occuper à vos côtés, dans le respect de l’autonomie, tant en Polynésie qu’en Nouvelle-Calédonie. C’est dans cet état d’esprit que le Gouvernement entend agir.

Je veux aussi remercier Didier Quentin, grand connaisseur de nos outre-mers. Rapporteur d’un grand nombre de textes, il a participé aux débats, en commission et dans l’hémicycle, de manière constructive, soutenant la position du Gouvernement et la complétant par ses propositions. Il est précieux qu’un député de métropole, attaché comme il l’est à la défense des outre-mers, soit présent lorsque de tels textes sont en discussion.

À tout seigneur tout honneur, je terminerai par nos deux députés de Polynésie française, qui, l’un et l’autre, ont fait honneur à leur territoire à cette tribune.

Cher Michel Buillard, merci d’avoir approuvé à la fois le calendrier que nous proposons et le mode de scrutin à deux tours ; merci pour votre soutien sur l’ensemble des textes. Autonomiste convaincu depuis de longues années, vous avez dénoncé les reniements idéologiques qui ont fragilisé le rôle des élus au sein de l’Assemblée de la Polynésie française, compromis la stabilité politique comme la prospérité de la Polynésie, et jeté la suspicion sur l’ensemble de la classe politique polynésienne. Il est injuste, en effet, que, par la faute d’un seul, tous deviennent suspects. Je tiens donc à saluer ici l’immense majorité des élus de Polynésie et à dire ici aux Polynésiens que leurs parlementaires, comme la plupart de leurs représentants à l’Assemblée de la Polynésie française et de leurs maires – qu’ils soient de gauche ou de droite –, font honneur à la Polynésie française.

S’ils sont victimes de la suspicion, c’est que les institutions de la Polynésie française ne disposaient pas jusqu’à présent des outils permettant de garantir la transparence, cette transparence que vise à instaurer notre réforme. Grâce à elle, demain, la suspicion sera levée, chaque élu pourra agir avec honneur et dignité devant l’ensemble de ses compatriotes, dans la confiance retrouvée.

Vous avez dénoncé des retards, notamment en matière d’assainissement de l’eau potable. Je sais le travail considérable que vous avez accompli, et je sais à quel point la tâche est ardue lorsque l’on est maire de Papeete, qui a vu affluer ces dernières décennies la foule venue des archipels en quête d’un logement, d’un travail, d’une université pour ses enfants. Dans un tel contexte d’explosion démographique, l’aménagement du territoire et la gestion des équipements publics sont d’autant plus difficiles qu’on manque d’outils et de soutiens, que l’on n’a ni les compétences ni les ressources nécessaires.

Malgré cela, vous avez relevé des défis qui ont démontré ce dont vous étiez capable dans l’adversité. Si vous soutenez notre réforme, c’est parce qu’elle renforce la compétence des maires. Je partage avec vous l’idée qu’il faut pour cela que, à côté d’un État fort, l’autonomie financière des communes soit assurée pour qu’elles puissent assumer les transferts de compétences. Avec l’ensemble des maires de Polynésie, et à leur écoute, nous bâtirons en 2008 un nouveau texte pour que cela soit possible.

Je vous remercie enfin d’avoir dénoncé si courageusement certains comportements.

M. Roman nous a interpellé sur l’hôpital. Savez-vous, monsieur Roman, que l’hôpital relève entièrement des compétences de la collectivité territoriale ?

M. Bernard Roman. Qui l’a décidé ? M. Chirac et M. Flosse !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. C’est précisément parce que nous souhaitons que tous les citoyens français aient un égal accès aux soins que nous entendons corriger ces déséquilibres.

Il en va de même pour le versement de la DGDE, suspendu car le gouvernement de Polynésie refuse pour l’heure de nous fournir des éléments d’information sur son affectation, alors que Gaston Tong Sang s’était engagé dans la voie de la transparence. Il est impératif de remettre bon ordre dans ces pratiques.

Cher Bruno Sandras, merci pour le soutien que vous apportez aux mesures de transparence et à la réforme du mode de scrutin que nous proposons. Vous dénoncez les revirements de certains élus et vous avez déposé un amendement visant à les empêcher. Si je souscris moralement à votre proposition, nous prendrions un grand risque constitutionnel en l’adoptant. Je suis prêt, quoi qu’il en soit, à réfléchir avec vous à la question.

Vous me faites part de votre désaccord sur les dates de scrutin. J’ai déjà répondu. Vous étiez avec moi lors de mon déplacement dans votre circonscription et vous avez, comme moi, entendu l’accueil que nous a réservé l’ensemble des maires, à Reao, à Rangiroa ou à Hiva Oa. Tous ont dit qu’ils ne fallait pas écouter les autres, qu’ils ne voyaient pas d’inconvénient à ce que les élections territoriales soient organisées au mois de janvier, avant les élections municipales de mars.

Je mets sans doute les pieds dans le plat en disant cela,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez raison !

M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. … mais si les maires ont cette attitude, c’est que les dispositions que nous proposons permettront de mettre fin au système actuel, dans lequel les subventions accordées par le Gouvernement à une commune, à une société d’économie mixte ou à un organisme de droit moral le sont sur simple signature du Président ou d’un ministre, sans le moindre débat ni le moindre contrôle de l’Assemblée de la Polynésie française. Les maires ne veulent plus avoir à passer sous ces fourches Caudines ; ils souhaitent que les choses aillent le plus vite possible car ils ne veulent pas que le système actuel perdure – et je les comprends. Le respect de ce calendrier permettra à la démocratie locale de mieux s’exprimer lors du renouvellement de l’Assemblée de la Polynésie française.

Voilà ce que je souhaitais répondre à l’ensemble des intervenants. Je vous remercie, les uns et les autres, pour la qualité de nos débats, qui a révélé chez tous une grande hauteur de vue. J’espère que cela présage bien de la suite de nos discussions – nous en jugerons un peu plus tard dans la soirée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Bruno Le Roux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour un rappel au règlement.

M. Bruno Le Roux. Mon rappel au règlement concerne tant nos travaux que l’organisation de notre assemblée.

Il y a quelques semaines, nous avons débattu dans cet hémicycle d’un texte de loi sans rapport avec la Polynésie mais qui visait à réformer le financement des partis politiques. Depuis, nous avons lu dans la presse polynésienne que M. Schyle, président du parti Fetia Api, avait appris par la lecture du Monde l’apparentement à sa formation, pour des raisons d’accès au financement, des députés du Nouveau Centre qui siègent à l’Assemblée nationale. C’est bien la première fois que des députés siègent dans notre hémicycle en s’apparentant à un parti dont ils ne sont même pas membres et qui ne les a pas soutenu lors des élections législatives !

Toujours d’après M. Schyle, cela aurait eu pour contrepartie le versement d’une commission de 20 000 euros au parti. Il s’agit là d’un véritable détournement des lois électorales. Au nom de mon groupe, je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Bernard Roman. Très juste !

M. le président. La suite de la discussion des deux projets de loi est renvoyée à la prochaine séance.

2

ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi organique, no 401, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, et du projet de loi, no 402, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française :

Rapport, no 417, de M. Jérôme Bignon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

(Ces deux derniers textes faisant l’objet d'une discussion générale commune)

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)