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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 15 avril 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Modernisation du marché du travail

Discussion générale (suite)

M. Bernard Depierre

M. Bernard Gérard

M. Joël Giraud

M. Yves Albarello

M. Lionel Tardy

M. Christophe Sirugue

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Discussion des articles

Article 1er

M. Daniel Paul

Mme Sandrine Mazetier

M. Régis Juanico

M. Roland Muzeau

M. Patrick Roy

M. Maxime Gremetz

M. Philippe Folliot

Amendements nos 33, 97, 96, 34, 26, 3, 91, 98

M. Alain Vidalies

Amendements nos 4, 99, 92, 35, 36, 37, 124, 123, 5, 18, 93

Après l’article 1er

Amendement no 38

Article 2

M. Dominique Tian

M. Daniel Paul

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Amendements nos 39, 100, 28, 137, 40, 41, 42, 133 rectifié, 6, 134, 43, 44

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modernisation du marché du travail

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail (nos 743, 789).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Depierre.

M. Bernard Depierre. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis est issu pour l’essentiel de l’accord important conclu le 11 janvier 2008 entre le patronat et quatre syndicats de salariés représentatifs sur cinq, la CGT ayant refusé de le signer.

Ce texte est la première application de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. À ce titre, je me félicite qu’il prenne largement en considération les résultats d’une négociation et les équilibres auxquels les partenaires sociaux sont parvenus. D’ailleurs, cet accord rend compte de la volonté collective des représentants des salariés et des employeurs de notre pays d’avancer sur le sujet vers un engagement gagnant-gagnant.

Le projet pose d’abord deux principes de base. Le premier est que la forme normale de la relation de travail est le contrat de travail à durée indéterminée ; le second, que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et motivé.

D’autres mesures me semblent essentielles. L’une d’elles introduit dans le code du travail une durée maximale pour la période d’essai, qui varie selon la catégorie : deux mois pour les ouvriers et employés, trois pour les agents de maîtrise et les techniciens, quatre pour les cadres. Une telle clarification est bienvenue.

Une autre mesure tend à créer un nouveau mode de rupture conventionnelle du contrat de travail : la rupture amiable d’un CDI par commun accord entre l’employeur et le salarié, possible après un ou plusieurs entretiens, les deux parties disposant d’un délai de quinze jours pour se rétracter. Précisons que l’indemnité spécifique de rupture est, sous réserve de certains plafonds, exonérée de charges fiscales et sociales. Cette mesure permettra indéniablement de réduire le risque lié à l’embauche et facilitera automatiquement l’emploi.

Enfin, les contrats « nouvelles embauches » sont abrogés, les contrats de ce type étant requalifiés en contrats à durée indéterminée.

M. Régis Juanico. Paix à leur âme !

M. Bernard Depierre. Je reste cependant convaincu que le contrat « nouvelles embauches » a beaucoup contribué à l’embauche dans les très petites entreprises et les PME, et donc à la réduction du taux de chômage.

En outre, à titre expérimental, durant cinq ans, un nouveau contrat de travail à durée déterminée est créé pour les cadres et les ingénieurs. Il permet l’embauche pour une durée comprise entre dix-huit et trente-six mois afin de réaliser un projet particulier, sans possibilité de renouvellement.

Le projet de loi répond en fait à la demande de souplesse de la part des employeurs et de sécurité de la part des salariés, puisqu’il garantit les droits et la sécurité juridique des uns et des autres. À ce titre, je tiens à saluer votre efficacité, monsieur le ministre, qui a été décisive.

Grâce au projet de loi, le taux de chômage de la France doit baisser pour atteindre celui d’autres pays comme l’Angleterre, les États-Unis, le Japon, ou la Nouvelle-Zélande, qui oscille entre 4% et 5 %.

M. Roland Muzeau. Et si l’on parlait un peu des travailleurs pauvres ?

M. Patrick Roy. Le chômage baisse, mais les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux !

M. Bernard Depierre. En tenant compte des expériences concluantes de ces pays, mais aussi de l’évolution des mentalités, le monde du travail français doit retrouver confiance.

En introduisant la flexicurité et davantage de liberté dans les relations de travail, nous allons dans le bon sens. Cette évolution capitale, que je tiens à saluer en tant que professionnel de la gestion des ressources humaines, doit aboutir à une vraie modernisation du marché du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en plaçant le plein emploi au cœur de ses priorités, le Président de la République, relayé par l’action du Gouvernement, s’est engagé à opérer rapidement les réformes nécessaires à une adaptation de notre pays aux mutations économiques et sociales.

Parmi ces réformes, le projet de loi portant modernisation du marché du travail, qui fait l’objet de notre discussion, présente un caractère à la fois constructif et novateur, que je tiens à saluer. Il est constructif puisqu’il fait suite à un accord national interprofessionnel historique survenu le 11 janvier dernier : le compromis trouvé, matérialisation d’un véritable succès du dialogue social interprofessionnel, œuvre à mettre fin au conflit qui oppose bien souvent efficacité économique et protection des salariés. Mais le projet de loi est également novateur car, en trouvant un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, il donne naissance à la flexicurité à la française et ouvre la voie à une ère nouvelle, en France, pour les relations sociales et pour l’économie. Par là même, il marque une avancée considérable dans le processus de modernisation de l’organisation du travail, qu’il adapte davantage au monde économique d’aujourd’hui.

Fidèle traduction de cet accord, le projet de loi portant modernisation du marché du travail apporte des réponses concrètes pour dynamiser et moderniser l’embauche en France, en faisant sauter les craintes de l’employeur à l’embauche et en garantissant les sécurités nécessaires aux salariés. Il permet ainsi de concilier le développement des entreprises, la mobilité de l’emploi rendue nécessaire par les mutations économiques et la demande légitime des salariés, qui aspirent à plus de sécurité.

M. Patrick Roy. Voilà une vision idyllique et typiquement parisienne !

M. Bernard Gérard. La flexicurité répond à ces différents objectifs et s’inscrit dans une démarche proactive tournée vers la modernité. C’est de cette modernité qu’ont besoin nos entreprises qui rencontrent des difficultés pour embaucher en raison d’une certaine rigidité sociale et de procédures souvent trop contraignantes. Les avancées proposées par le texte apporteront la souplesse nécessaire pour favoriser l’emploi en dynamisant l’embauche.

Il faut en outre garder à l’esprit que l’équilibre trouvé entre la souplesse conférée aux entreprises et les garanties accordées aux salariés ne saurait être durable en l’absence du dialogue social. Saluons ici la méthode qui a présidé à l’élaboration du texte, lequel a pleinement pris en compte cette dimension. Il est en effet essentiel d’insister sur la concertation, qui permet d’avancer et de mettre notre société sur la voie de la modernité. Le dialogue social entre employés et employeurs est en effet un aspect important du modèle de flexicurité déjà adopté chez nombre de nos voisins européens, et qui a fait ses preuves.

Le dialogue ne doit pas se limiter à de simples négociations salariales. Il doit être au cœur de négociations plus larges et à plus long terme, afin de faire participer les partenaires sociaux à l’ensemble des projets au sein de l’entreprise. Dans ce sens, les négociations salariales doivent être dynamisées afin de valoriser pleinement le travail et le développement de l’emploi.

Demain, comme d’autre pays – l’Espagne, par exemple, avec le convenio –, il faudra aller encore plus loin pour que nos salariés soient davantage partenaires des projets des entreprises, lesquels dépassent bien souvent le cadre de négociations salariales annuelles. Les salariés doivent donc prendre part aux discussions sur le projet d’entreprise et sur sa compétitivité.

Ils pourraient être partenaires des pôles de compétitivité qui sont l’emploi de demain et partager ainsi, au sein de l’entreprise, la responsabilité de la réussite.

Grâce à l’action du Gouvernement, la France s’engage sur la voie de la modernité, et ce texte en est l’illustration. Nous donnerons la preuve, en le votant, que notre société refuse l’inertie et avance en tenant compte de tous les acteurs qui œuvrent à son dynamisme économique et social.

Certes, nous disons « oui » à la modernisation, mais nous approuvons d’abord la modernité. Il faut discuter du pourquoi autant que du comment, car la compétitivité mondiale pousse nos entreprises à toujours entreprendre si elles ne veulent pas disparaître demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Roland Muzeau. Vous avez raison, tout est parfait et les subprimes se portent bien !

Mme Martine Billard. Il n’y a pas de crise financière internationale !

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est particulier puisqu’il transpose un accord entre partenaires sociaux. On voit donc mal, a priori, comment voter contre, et pourtant…

Tout d’abord, la transposition est partielle. Des sujets majeurs, comme l’avenir de l’assurance chômage et la formation professionnelle, restent en suspens.

Par ailleurs, des ruptures de contrats individuelles pourront avoir lieu en échappant au droit collectif du licenciement puisque l’employeur et le salarié pourront négocier des ruptures individuelles de gré à gré. Or un lien de subordination juridique permanente caractérise le contrat de travail. Dans le cadre des relations d’employeur à subordonné, le salarié sera donc toujours dans un rapport de force défavorable.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. Joël Giraud. La séparabilité, comme on aime à le dire du côté de chez Mme Parisot, est un divorce à l’amiable, mais c’est toujours le même qui part avec les meubles !

M. Marc Dolez. Très juste !

M. Joël Giraud. Selon le projet de loi, quinze jours après la signature de l’accord de rupture, celui-ci sera homologué par les autorités administratives. Il n’y aura donc plus aucun recours : pas de prud’hommes, pas de regret, pas d’appel. Il s’agit d’un recul spectaculaire du droit des salariés !

Sur ces questions, les négociations en sont restées aux déclarations de bonnes intentions. Certains syndicats qui n’ont pas la chance – pour des raisons juridiques – de participer à la négociation n’ont pas eu l’occasion de faire avancer ce qui constituait pourtant leur revendication emblématique. Ainsi, pour l’UNSA, toute modernisation du marché du travail est indissociable d’une avancée en matière de compte individuel de formation – cette proposition, que nous approuvons, permettrait à tout individu d’accéder à la formation tout au long de la vie. Attacher certains droits aux salariés constituerait un premier pas sur le chemin de la sécurisation des parcours professionnels.

D’autres étapes sont nécessaires, notamment l’action efficace du service public unifié de l’emploi pour redonner une qualification aux personnes éloignées de l’emploi, et il faut aussi permettre l’accès à la formation des moins qualifiés et des salariés des petites et moyennes entreprises. La réforme de la formation professionnelle est plus que jamais d’actualité.

Le projet de loi ne dit pas explicitement que la rupture à l’amiable ouvre un droit à l’assurance chômage, alors que l’accord le stipule clairement. Le diable se cache souvent dans les détails.

Dans la perspective de la négociation sur l’assurance chômage qui s’ouvrira prochainement, cet accord annonce la dégradation des droits des chômeurs indemnisés et crée un nouveau palier de précarité pour les salariés, ouvriers et employés, et pour les saisonniers.

Or rien, en France, n’exige que nous subissions ces régressions : ni les nécessités de l’emploi, ni celles de la productivité, ni celles de l’économie. Notre pays n’a jamais été aussi riche, le taux de productivité horaire est le plus élevé au monde et les bénéfices n’ont jamais été aussi faramineux ! Ces mesures ont pour unique objectif de faire baisser le coût du travail en affaiblissant les capacités juridiques des salariés à se défendre.

Le projet de loi ne répond pas aux problèmes actuels, et aggrave la précarité.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Joël Giraud. Les problèmes principaux du marché du travail en France sont le fort chômage et le développement de la précarité, en particulier des jeunes et des saisonniers ; le développement du sous-emploi, des emplois précaires, de l’intérim à temps partiel ; l’augmentation du nombre de travailleurs et travailleuses pauvres ; les reculs du niveau de vie liés à l’instabilité de l’emploi. Ce projet de loi ne répond à aucun de ces problèmes. Il donne aux employeurs de nouveaux moyens de pression sur les salariés et ne crée pas de véritable sécurité de carrière, de revenus ou d’emplois pour ces derniers.

Parce que les saisonniers sont les premiers concernés, je conclurai mon intervention en évoquant la fragilité organisée de cette catégorie particulière de salariés. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la nécessaire renégociation de l’accord UNEDIC relatif aux saisonniers. Je le fais, ce soir, en qualité de président du groupe d’étude de l’Assemblée nationale sur la montagne. Monsieur le ministre, plutôt que de vous infliger un long discours, je vous lirai un extrait de la lettre qu’en 2006, pour la gauche, François Brottes, député de l’Isère, et, pour la droite, Martial Saddier, député de Haute-Savoie, ont adressée ensemble à votre prédécesseur :

« Nous souhaitons attirer votre attention sur le cas particulier des travailleurs saisonniers en zone de montagne au regard du régime d’assurance chômage tel que prévu par la convention UNEDIC dont les dispositions ont été agréées en février 2006, par arrêté du ministre de l’emploi.

« L’article 1er de cette convention, en son paragraphe 6 relatif à l’emploi saisonnier prévoit, notamment, la mobilisation renforcée, au bénéfice des intéressés, de l’ensemble des mesures d’aide au retour à l’emploi et en conséquence – et c’est là le problème – la limitation à trois du nombre de périodes successives de versement des allocations au titre du chômage saisonnier.

« Ce dispositif, parce qu’il ignore les réalités sociales et économiques des territoires de montagne, nous paraît présenter des inconvénients majeurs et regrettables,

« Il convient en effet de rappeler qu’en zone de montagne les rythmes de vie et l’économie sont déterminés par deux phénomènes liés au climat, au relief et à l’activité touristique : la saisonnalité et la pluriactivité. »

Dans cette lettre, François Brottes et Martial Saddier demandaient que soit reconsidéré le régime d’assurance chômage, préjudiciable aux travailleurs saisonniers, issu de cette dernière convention UNEDIC. Monsieur le ministre, le premier effet de cet accord, aura été le développement du travail au noir pour échapper à la règle du troisième contrat consécutif. Le phénomène déstabilise d’ailleurs tellement l’économie des petits départements touristiques que, dans mon département des Hautes-Alpes, le MEDEF et les organisations syndicales de salariés envisagent prochainement de demander conjointement une renégociation de la convention.

M. le président. Monsieur Giraud, veuillez conclure !

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre, au-delà de ce texte, comprenez que l’on ne peut précariser encore plus ceux qui subissent déjà la précarité, en particulier celle de la saisonnalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello . Monsieur le ministre, le projet de loi portant modernisation du marché du travail que vous nous présentez au nom du Gouvernement est un texte d’un genre très particulier. D’une part, vous nous demandez de confirmer, par la voie législative, un très important accord interprofessionnel signé par la majorité des organisations nationales représentatives des salariés et des employeurs. D’autre part, vous tirez les conclusions de l’expérience engagée en août 2005 avec la création des contrats « nouvelles embauches », dits CNE, lesquels ont donné lieu à des difficultés d’ordre juridique, tant devant les tribunaux que devant l’OIT, l’Organisation internationale du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci de le reconnaître !

M. Yves Albarello. Il est remarquable de constater que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, dont nous sommes amenés à examiner celles des stipulations qui nécessitent une transposition législative, est la première application positive de la loi du 31 janvier 2007 sur la modernisation du marché du travail.

Par ailleurs, il est clair que le projet de loi s’inscrit dans une démarche d’ensemble tournée vers le développement de l’emploi. Nous en avons déjà eu un aperçu au mois de janvier avec la réforme du service public de l’emploi. Nous serons amenés, dans les mois qui viennent, à examiner des textes complémentaires concernant, notamment, la formation professionnelle.

M. Marc Dolez. Ça promet !

M. Yves Albarello. Permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir de la continuité de pensée qui anime le Gouvernement, et de la persévérance dont il sait faire preuve en la matière.

M. Patrick Roy. S’il y a persévérance, c’est dans l’erreur !

M. Roland Muzeau. Ce sont les maîtres des dogmes !

M. Yves Albarello. J’en veux pour preuve que nous sommes saisis du présent projet de loi à peine trois mois après la signature solennelle de l’accord national interprofessionnel. Ce délai extrêmement court, et tout à fait inhabituel, il faut bien le dire, est à la mesure de l’événement exceptionnel qu’a constitué la signature de cet accord par les trois grandes organisations patronales – le MEDEF, la CGPME et l’UPA – ainsi que par quatre des grandes centrales syndicales reconnues comme représentatives au niveau national – la CFDT, Force Ouvrière, la CFTC, la CFE-CGC. Seul le syndicat CGT n’a pas signé cet accord, mais on peut considérer, qu’à défaut de l’approuver expressément, il ne lui est pas fondamentalement hostile.

M. Patrick Roy. Voilà une interprétation quelque peu audacieuse !

M. Yves Albarello. Nous examinons donc un texte de large consensus. C’est pourquoi je suis tout à fait favorable à son adoption. Toutefois, sans vouloir remettre en cause la qualité du travail fourni par les partenaires sociaux, ainsi que par vos services, monsieur le ministre, il me paraît nécessaire de vous faire part de remarques concernant les articles 6 et 9 du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

M. Roland Muzeau. Le ministre est très attentif !

M. Yves Albarello. Concernant l’article 6, qui crée des contrats à durée déterminée pour la réalisation d’un objet défini, il me semble qu’une meilleure protection du salarié pourrait être recherchée. L’expression « motif réel et sérieux » laisse ainsi la porte ouverte à une certaine incertitude juridique au détriment du salarié. Il serait préférable d’évoquer la faute grave, indépendamment de la force majeure qui doit être, en toutes circonstances, une raison suffisante de rupture. En outre, pour les contrats d’une durée maximale de trente-six mois, il serait sans doute souhaitable de porter de douze à dix-huit mois la durée à l’issue de laquelle la rupture peut être invoquée.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Mais là, vous modifieriez l’accord !

M. Yves Albarello. S’agissant de l’article 9, je comprends parfaitement qu’il ait été nécessaire de trouver une solution au problème des contrats « nouvelles embauches ».

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci !

M. Yves Albarello. Toutefois, comme l’a excellemment indiqué notre collègue Dominique Tian,…

M. Roland Muzeau. Au nom de la CGPME !

M. Yves Albarello. …la rédaction quelque peu abrupte de cet article implique un effet rétroactif à l’égard de contrats en cours régulièrement signés en application de la loi de 2005. Je me demande si une rédaction plus souple ne serait pas possible.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Peut-être, mais elle ne serait pas conforme aux décisions de l’OIT.

M. Yves Albarello. Monsieur le ministre, mes remarques ne remettent pas en cause la qualité de votre projet de loi. Celui-ci constitue une importante avancée en matière sociale et je serai heureux de le voter car il contribuera à améliorer les progrès réguliers que nous constatons en matière de créations d’emplois et de réduction du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci pour votre confiance !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le dit : le projet de loi qui nous est présenté, et que le Gouvernement nous demande d’adopter, serait historique.

Le fait qu’il repose sur un accord national interprofessionnel, signé par presque toutes les centrales syndicales est effectivement historique. C’est un signe que les syndicats en France commencent enfin à assumer leurs responsabilités, même si, dans un monde qui bouge, ils manquent encore beaucoup d’audace. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il a fallu les pousser un peu, les mettre au pied du mur, mais ils y sont arrivés.

M. Patrick Roy. Vos propos sont insultants pour le monde syndical !

M. Lionel Tardy. C’est une première étape vers la fin du ménage à trois, entre l’État, les syndicats patronaux…

Mme Marisol Touraine. Et eux, vous trouvez peut-être qu’ils s’assument !

M. Lionel Tardy. …et les syndicats salariés, au profit d’une vraie modernisation du dialogue social entre les seuls syndicats patronaux et salariés. Il y a donc de quoi être satisfait.

Je reconnais certaines avancées sur le contenu, même si elles s’opèrent souvent sur la base du plus petit dénominateur commun. Mais c’est toujours cela de pris, et je préfère encore les évolutions lentes et prévisibles aux réformes à fort impact qui nous tombent dessus sans prévenir.

Ce texte contient beaucoup de points positifs. Toutefois, une disposition me gêne : elle figure à l’article 9. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Roland Muzeau. Encore un délégué de la CGPME !

M. Lionel Tardy. Il s’agit de la disposition visant à requalifier tous les CNE en CDI, avec effet rétroactif. Cette proposition ne faisait pas partie de l’accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’était son point 8 !

M. Lionel Tardy. Elle a été ajoutée et pose un double problème juridique et politique. Juridiquement, est-il acceptable de modifier par la voie législative le contenu de stipulations contractuelles de droit privé légales au moment de leur conclusion ? Je pose la question et j’aimerais avoir quelques éclaircissements à cet égard.

Du point de vue politique, le caractère rétroactif de cette mesure est inadmissible aux yeux de milliers de patrons de TPE et de PME qui se sont engagés dans ce dispositif d’origine gouvernementale, validé, faut-il le rappeler, par la représentation nationale.

Je le dis à nouveau, les acteurs économiques ont avant tout besoin de stabilité juridique. Ils ont besoin d’avoir confiance en la parole de l’État. Faites attention aux mesures, certes pleines de bonne volonté et de bonnes intentions, mais techniquement alambiquées et parfois mal ficelées, qui donnent le tournis aux chefs d’entreprises et à leurs comptables ! Il nous faut en finir avec ce tango législatif.

Alors même que la disposition ne se trouvait pas dans l’accord que nous sommes censés ratifier sous la forme d’un projet de loi non amendable, le Gouvernement nous propose de transformer tous les CNE existants en CDI.

Le CNE est une forme de contrat de travail qui est amenée à disparaître, nous le savons tous. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En effet, il n’est pas conforme à la convention 158 de l’OIT, qui a été ratifiée par la France, en raison d’une période d’essai trop longue et de la non-justification de la cause du licenciement.

M. Roland Muzeau. Nous vous le disons depuis le début !

M. Lionel Tardy. Les chefs d’entreprise hésitant dorénavant à signer un CNE, du fait de son instabilité juridique, sa disparition se fera en douceur, dès la fin de la période d’essai de deux ans du dernier CNE conclu.

Je comprends donc parfaitement que, sur un plan strictement juridique, le Gouvernement souhaite faire disparaître ces contrats. Mais la rétroactivité qu’il propose ne présente aucun intérêt pratique, car l’expérience montre que, sur plus de 200 000 CNE en cours, très peu finiront devant les prud’hommes, contrairement à ce que certains disent.

En revanche, l’impact psychologique d’une telle mesure sur les chefs d’entreprise, notamment chez les dirigeants de PME, n’est pas mince. En effet, l’État s’est engagé en proposant une nouvelle formule de contrat de travail, il a fait le forcing pour qu’elle soit adoptée et, quelques mois plus tard, il s’aperçoit qu’elle n’est pas juridiquement viable. Belle preuve de sérieux dans la préparation et l’examen des textes ! Certes, il s’agissait du gouvernement précédent, mais il était tout de même soutenu par notre majorité. Et aujourd’hui, on annonce brutalement que tous les CNE conclus seront transformés unilatéralement en CDI, sans la moindre concertation ni le moindre aménagement.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je ne peux pas laisser dire cela !

M. Lionel Tardy. C’est autant la manière de faire que la décision elle-même qui heurte les chefs d’entreprise. Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’ils continuent à nous faire confiance ? Comment voulez-vous qu’ils s’approprient les textes que nous votons s’ils n’ont aucune garantie quant à leur pérennité ?

Une telle décision, alors que nous allons aborder dans moins d’un mois le projet de loi de modernisation de l’économie, n’est pas un bon signal adressé au monde de l’entreprise. Que penseront les chefs d’entreprise des mesures qui seront adoptées à ce moment-là ? Après tout, ils peuvent très bien décider de ne pas nous suivre, préférant ne pas prendre le risque d’être pris à revers, comme c’est le cas pour ceux qui, de bonne foi, ont conclu des CNE et qui se sentent aujourd’hui floués.

Monsieur le ministre, la confiance est chose fragile, c’est un état d’esprit, et je crains que cette mesure ne la mette à mal. Or, une fois la confiance évanouie, il est très difficile de la retrouver.

M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît, monsieur Tardy.

M. Lionel Tardy. Pourtant, sans cette confiance, tous nos efforts en faveur du pouvoir d’achat et de la croissance risquent d’être vains. Ce n’est pas ce que les chefs d’entreprise, principaux créateurs de richesse, souhaitent.

Un certain nombre d’amendements seront déposés à l’article 9. Nous espérons qu’ils bénéficieront d’un ferme soutien de nos collègues de l’UMP et du Nouveau Centre et, comme le Gouvernement s’y opposera, de la bienveillance de nos collègues des groupes SRC et GDR. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, dernier orateur inscrit.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, monsieur le ministre, contrairement à l’orateur précédent, je ne considère pas que l’accord du 11 janvier soit historique. À moins qu’il ne s’agisse de souligner l’apparition, à la faveur des différents échanges auxquels ont donné lieu ce projet de loi et l’accord du 11 janvier qu’il transpose, d’un nouveau maître mot, celui de « flexicurité ». À en croire certains, il s’agirait d’un remède miracle, d’une nouvelle potion qui permettrait de tout régler.

Si l’introduction d’outils de flexibilité peut parfois permettre une adaptation nécessaire – et, dans ce domaine, votre volonté est clairement affichée, comme en témoignent l’allongement des périodes d’essai, la rupture conventionnelle et le contrat de mission –, l’équilibre, en faveur duquel les partenaires sociaux ont clairement dit leur engagement, impose que le volet « sécurité » soit aussi bien traité. Or force est de constater que le compte n’y est pas, et les annonces faites pour nous rassurer devront être rapidement confirmées et développées.

Faut-il s’en étonner ? Vous êtes, par sensibilité, des libéraux attachés depuis longtemps à la volonté de libérer les entreprises. En outre, chacun sait qu’à l’origine des accords du 11 janvier, il y a un texte initialement rédigé de la main du MEDEF.

Si le dialogue social, sous haute surveillance, a permis d’aboutir à un accord, il vous a aussi permis d’éviter de transcrire un certain nombre de ses dispositions. Comme par hasard, ce sont surtout les éléments favorables à la sécurité des salariés qu’il faudra revoir plus tard.

Mon premier constat, c’est donc que le point d’équilibre n’a pas été atteint – c’est le moins que l’on puisse dire.

L’objectif majeur de ce texte est de lutter contre le fléau du chômage. Or Laurence Parisot elle-même reconnaît que le principal problème n’est pas tant celui des personnes qui sont déjà dans l’emploi que celui des personnes qui tentent d’entrer sur le marché du travail, qu’elles soient primo-entrantes ou qu’elles y reviennent après une période de latence.

Tout à l’heure, lors de son explication de vote sur la motion d’irrecevabilité défendue par notre collègue Roland Muzeau, le représentant du groupe UMP, M. Apparu, a dit que la « flexicurité » était indispensable pour parvenir au plein emploi. Mais alors, et c’est ce qui motive mon second constat, une véritable réforme du marché du travail, une modernisation – au sens d’une adaptation aux réalités et aux difficultés actuelles – aurait dû intégrer tous ceux qui souhaitent travailler, y compris ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail.

Mais, pour cela, il aurait fallu transposer, en même temps que les mesures de flexibilité, les éléments relatifs à la rémunération. Or on ne trouve rien, dans le texte, en faveur des travailleurs pauvres – et faut-il rappeler les incertitudes qui pèsent sur le RSA ? –, ni sur la répartition des bénéfices dans l’entreprise, ni sur les droits sociaux.

Alors que la lutte contre la précarité des jeunes, des femmes et des seniors passe par la formation continue, on nous renvoie, sur ce sujet, à une nouvelle négociation. Or le maintien des droits à la formation continue pendant une période de chômage aurait été un bon élément de sécurisation du parcours professionnel.

La lutte contre le sous-emploi des seniors, grâce à un conditionnement des aides aux entreprises, et contre la précarité des jeunes, grâce à la diminution de la durée de cotisation ouvrant droit à l’assurance chômage pour les moins de vingt-cinq ans, est également remise à plus tard.

Le texte ne contient rien non plus sur la précarité. Pourtant, il eût été important que le Gouvernement envoie un signal fort, que ce soit dans le domaine de la lutte contre les contrats subis les plus fragilisants – intérim, stages, temps partiel – et contre l’abus des renouvellements de CDD ou en matière de modulation des aides aux entreprises en fonction de leur comportement social et de lutte contre les licenciements abusifs décidés par des entreprises qui font des bénéfices.

Une conclusion s’impose : nous n’avons pas la même définition de la modernisation. Pour nous, elle peut être un équilibre réel entre les concessions faites à la flexibilité et la satisfaction de nouveaux droits dont chacun peut admettre la pertinence. Pour vous, elle consiste d’abord à engranger les avancées en termes de flexibilité et à repousser à plus tard ce qui était pourtant possible après l’accord du 11 janvier.

Tout à l’heure, certains d’entre vous semblaient nous donner des leçons en matière de dialogue social. Le dialogue, c’est bien. Mais le traduire dans les actes, c’est mieux, pour que la représentation nationale ait la capacité d’évaluer la portée générale des accords signés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vous avez souligné avec beaucoup de justesse que la « flexicurité » ne signifiait pas seulement et de manière univoque : flexibilité pour l’employeur et sécurité pour le salarié. Elle répond également au besoin de sécurité des entreprises, en leur offrant un cadre stable pour le développement de leur activité, et elle garantit au salarié la souplesse dont il a besoin pour gérer son parcours professionnel sur l’ensemble de sa carrière. Il n’y a pas de meilleur exemple à cet égard que la nouvelle rupture conventionnelle, contenue dans l’accord et reprise dans le projet de loi.

Monsieur le président de la commission, vous avez souligné que cet accord constituait une chance et un espoir. Une chance, parce qu’il démontre la vitalité du dialogue social, dont témoigne également la question de la représentativité, sur laquelle un certain nombre d’organisations ont adopté des positions communes – et nous attendons de savoir lesquelles ratifieront l’accord. Un espoir, parce qu’il constitue la première pierre d’un édifice qu’il nous faut construire ensemble, celui de la « flexicurité ».

Celle-ci fait aujourd’hui l’objet d’une démarche collective en Europe, où huit principes de « flexicurité » ont été adoptés. Portés par la présidence portugaise sur une initiative française, ils ont été repris par la Commission et les partenaires sociaux. Il existe actuellement une mission européenne de « flexicurité », présidée par Vladimir Spidla, le commissaire européen, et par Gérard Larcher, que vous connaissez bien. Tous les pays européens se sont engagés dans cette démarche,…

M. Patrick Roy. Ça ne nous rassure pas !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …qu’ils soient de droite ou de gauche, ce qui montre bien que la notion de « flexicurité » n’appartient ni à l’une ni à l’autre, mais qu’elle correspond à un besoin profond. Resituer nos débats hexagonaux dans un cadre européen permet parfois de les dépassionner. En tout état de cause, il y a là une exigence européenne et une exigence sociale, à laquelle je crois profondément.

Vous avez également évoqué l’impact de la rupture conventionnelle sur l’assurance chômage. Il convient de préciser qu’elle supposera l’accord des deux parties et qu’elle entraînera le versement d’une indemnité par l’employeur. J’ajoute qu’elle permettra d’adapter le droit à la réalité. En effet, le nombre des licenciements pour motifs personnels est trois à quatre fois plus important que celui des licenciements pour motif économique. Les ruptures conventionnelles sont de vraies ruptures de droit commun, conclues d’un commun accord, et elles permettent d’éviter l’utilisation de procédures à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont prévues. Auront-elles un impact financier significatif sur l’assurance chômage ? Nous étudierons cette question, tout comme nous suivrons l’action des négociateurs de la convention sur l’assurance chômage, qui seront, ainsi qu’ils nous l’ont déjà indiqué, particulièrement vigilants.

S’agissant du projet de loi, certains se sont félicités de la méthode – je pense à Dominique Dord, à Benoist Apparu, à Bruno Le Maire –, d’autres ont émis des critiques – M. Roland Muzeau, M. Jean Mallot, Mme Martine Billard –, en ont parlé de façon nuancée, comme Francis Vercamer, ou se sont interrogés, comme Mme Marisol Touraine, et certains auront à cœur d’intervenir au cours du débat, notamment Frédéric Lefebvre.

Mais s’il y a un mot, un seul, qui caractérise tant l’accord que le texte de loi, c’est bien celui d’équilibre.

Mme Martine Billard. Certainement pas !

M. Roland Muzeau. Non !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Si vous ne reconnaissez pas cet acquis au Gouvernement, reconnaissez-le au moins aux partenaires sociaux et respectez-les ! Votre réaction est un aveu, monsieur Muzeau, qui leur ira certainement droit au cœur…

M. Christophe Sirugue. Ce n’est pas le même texte !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Selon notre conception de la modernité, le rôle du politique n’est pas forcément de tout faire lui-même, mais de laisser les acteurs évoluer et prendre leurs responsabilités. C’est ce à quoi nous croyons. La société française doit se mettre en mouvement, et c’est pourquoi il nous faut faire confiance aux partenaires sociaux. Nous avons fait ce choix et nous ne le regrettons absolument pas. La signature de l’accord n’a été rendue possible que parce que les partenaires sociaux ont considéré qu’ils étaient parvenus à un équilibre et qu’ils ont su prendre leurs responsabilités.

M. Poisson, qui a soulevé un certain nombre de questions importantes, est attaché, comme beaucoup, au portage salarial. Je peux vous indiquer que les acteurs de celui-ci seront consultés et que leur spécificité sera bien prise en compte dans la négociation qui va s’ouvrir. Nous aurons également l’occasion d’apporter des éléments complémentaires car, ainsi que nous le lui avions demandé, le PRISME nous a confirmé que la préoccupation des acteurs du portage salarial serait bel et bien reconnue.

M. Gille a souligné que le projet de loi ne se suffisait pas à lui-même. Il doit être analysé au regard de l’accord du 11 janvier, c’est vrai, mais aussi en fonction des futures négociations auxquelles renvoie l’accord. En tout état de cause, nous avons bien conscience qu’il s’agit d’une première étape.

Il nous a, par ailleurs, livré une vision révélatrice d’une certaine conception du dialogue social, puisqu’il voit dans cet accord interprofessionnel, largement majoritaire, la seule image d’un orchestre mené à la baguette par son chef. Rassurez-vous, les partenaires sociaux sont suffisamment indépendants pour qu’on ne leur fasse pas jouer un rôle dont ils n’auraient pas voulu.

Francis Vercamer a également insisté sur le volet de sécurisation pour les salariés. Le projet de loi comporte d’ores et déjà plusieurs dispositions importantes voulues par les signataires de l’accord. Il en a cité certaines, comme l’accès aux indemnités légales de licenciement après un an d’ancienneté, et non plus deux ans comme auparavant. D’autres dispositions de sécurisation seront également mises en œuvre lors de l’application de l’accord. Si elles ne figurent pas dans le projet de loi, c’est tout simplement parce qu’elles ne relèvent pas toutes directement de la loi. Certaines seront prises par décret, comme la réduction du délai de carence d’indemnités conventionnelles de dix jours à sept jours, ainsi que cela figure dans le document que j’ai transmis à Jean-Marc Ayrault.

Pour ce qui est de la méthode, comme cela m’avait été demandé, je vous ai transmis le document. Vous souhaitez maintenant connaître le détail, et je vous le communiquerai également…

M. Jean Mallot. Quand ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …mais vous n’y trouverez aucune information supplémentaire par rapport à celles se trouvant déjà en votre possession. C’est un procédé quelque peu innovant que celui consistant à transmettre aux parlementaires ce qui relève du domaine réglementaire. Nous avons déjà communiqué aux partenaires sociaux ce qui pouvait l’être. L’un des projets de décret se trouve au conseil de la prud’homie ; en revanche, l’un des décrets n’a pu être transmis, n’étant pas finalisé – il y a encore des discussions sur le montant de l’indemnité. Si j’ai eu à cœur de répondre aussitôt, c’est pour jouer la transparence comme je m’y étais engagé lors de la réunion de la commission. Dès que possible, je transmettrai le détail des décrets aux présidents de groupe ainsi qu’au président de la commission, Pierre Méhaignerie, et au rapporteur, Dominique Dord.

Monsieur Vidalies, vous avez vous-même souligné que le contrat à objet défini était encadré par différentes garanties souhaitées par les signataires de l’accord, notamment un champ d’application strictement défini – les cadres et les ingénieurs – et la nécessité d’un accord collectif. Je voudrais ajouter que les partenaires sociaux suivront la mise en application de cette disposition instaurée à titre expérimental, et que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur le bilan de ce contrat après avis de la Commission nationale de la négociation collective.

Marie-Anne Montchamp et Bernard Perrut ont insisté sur le fait que l’enjeu était de fluidifier le marché du travail, ce qui doit contribuer au retour vers le plein emploi en favorisant la mobilité des salariés et en donnant de la sécurité aux uns et aux autres. Aujourd’hui, un licenciement sur cinq donne lieu à un recours judiciaire, ce qui n’est pas normal. Il est nécessaire de dépassionner un certain nombre de sujets en matière de droit du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Marisol Touraine a posé la question fondamentale de la place de la démocratie sociale, une question qui, à mon sens, doit échapper aux clivages. Les partenaires sociaux ont montré de manière éclatante qu’ils entendaient prendre toute leur place, ce qu’ils ont fait dans le cadre du document d’orientation transmis par le Gouvernement, conformément à ce que prévoit la loi du 31 janvier 2007 votée par le Parlement.

À la différence d’autres parlementaires parisiens qui ont évoqué la pression du Gouvernement sur les partenaires sociaux, Mme Hoffman-Rispal estime qu’ils se sont affranchis des orientations du Gouvernement. La vérité est entre les deux : comme je le disais tout à l’heure, nous sommes parvenus à une solution d’équilibre sur ce point.

Dominique Tian a insisté sur l’importance à ses yeux du respect de l’équilibre de l’accord. Ce respect ne me semble pas devoir revêtir l’aspect d’une contrainte – celle de la conformité de notre texte à l’accord –, mais résulte simplement du fait que ce texte est le résultat d’une négociation ayant abouti à des compromis entre les partenaires sociaux : entre les syndicats de salariés, mais aussi entre ces syndicats et les organisations d’employeurs. Il y a eu des discussions très serrées sur le choix de tel ou tel mot, de telle ou telle règle, et il nous paraît indispensable de respecter l’équilibre qui constitue le fruit du dialogue social. L’accord qui a été conclu n’est qu’une première étape. Rompre cet accord ou en modifier les termes rendrait difficiles les discussions qui se tiendront ultérieurement sur l’assurance chômage ou sur la formation professionnelle, car les partenaires sociaux n’auraient plus aucune raison de faire confiance au Gouvernement et de prendre leurs responsabilités comme ils l’ont fait sur ce texte. Soyez-en certains, nous allons être jugés sur pièces avec ce premier texte !

Outre qu’il se justifie par la nécessité de mettre la démocratie sociale en mouvement, le respect de l’équilibre des termes de l’accord est également le gage de la mise en œuvre de dispositions durables. J’ai bien compris que vous souhaitiez un débat sur la question du contrat « nouvelles embauches », et pour répondre à M. Tardy, qui s’est exprimé sur ce point avec beaucoup de passion, je veux dire ceci : si nous n’avions pas respecté la lettre et l’esprit de l’accord, il ne ferait aucun doute que les partenaires sociaux ne se seraient pas privés d’en faire état, dès la sortie de la Commission nationale de la négociation collective. Or, les quatre syndicats signataires – la CFDT, Force ouvrière, la CFTC et la CGC – viennent d’indiquer dans un communiqué qu’ils estiment que « les dispositions du projet de loi concernant l’abrogation du contrat “nouvelles embauches” sont conformes à l’esprit et à la lettre de l’accord ». Ils ont, de même, réaffirmé qu’il s’agissait de dispositions indispensables. Compte tenu des conditions dans lesquelles nous avons travaillé, il aurait été impossible que le Gouvernement manifeste la moindre intention de dénaturer l’accord sans que cela soit immédiatement relevé.

Le contrat « nouvelles embauches » comporte plusieurs questions, notamment celle de la motivation du licenciement et celle de la période d’essai. Dans sa décision de novembre, l’OIT a été particulièrement explicite sur ces deux points, faisant ainsi référence à un cas où la période d’essai était trop importante.

Je me félicite de la sincérité dont ont fait preuve de nombreux chefs d’entreprise lors du lancement du contrat « nouvelles embauches », et de l’engagement massif de la CGPME dans cette formule. Aujourd’hui, notre texte n’a pas pour objet d’abroger le CNE, mais de régulariser et de sécuriser les choses à la suite de la décision de l’Organisation internationale du travail, qui a prononcé l’abrogation de fait de ce contrat. Négliger de mettre les choses noir sur blanc entraînerait un risque d’incertitude juridique, par exemple pour le chef d’entreprise qui voudrait se séparer d’un salarié embauché sous CNE. Sans qu’il le sache forcément, le contrat de ce salarié est déjà régi par les règles s’appliquant au CDI – la jurisprudence sur ce point est constante, les cours d’appel de Bordeaux et de Paris ayant rendu des arrêts allant dans le même sens. Et en dehors de la situation de l’employeur désirant se séparer d’un salarié, me direz-vous ? Dans ce cas, je ne vois pas où est le problème ! En revanche, si l’on se sépare d’un salarié selon les règles du CNE, le salarié en question pourrait réagir plusieurs mois après la décision dont il a fait l’objet, en demandant la requalification de son contrat.

M. Francis Vercamer. Tout à fait !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est là une insécurité juridique à laquelle le législateur se doit de remédier. Qu’on le veuille ou non, la décision prise en novembre par l’OIT nous oblige à réagir – je n’invente rien, je reprends simplement les termes du point 11, page 11 de l’accord, où il est demandé aux pouvoirs publics de tirer toutes les conséquences de cette décision.

Jean-Charles Taugourdeau a évoqué un sujet qu’il connaît bien, celui des groupements d’entreprises, une forme d’emploi à laquelle il est attaché, car elle apporte de vraies réponses à la question de la sécurisation des parcours. Tout ce qui, dans l’accord, a trait à la mobilité, notamment la gestion prévisionnelle des emplois, sera évidemment couvert, ce qui sera l’occasion d’évoquer la question des groupements d’employeurs. Je m’engage également à faire part de votre intérêt pour ces questions à Laurent Wauquiez, qui les suit.

Bernard Depierre a souligné que le monde du travail devait retrouver confiance – une préoccupation également exprimée par Lionel Tardy. Je partage cette conviction : la confiance est effectivement le maître mot, qu’il s’agisse de celle que l’on doit avoir à l’égard des partenaires sociaux, qui ont su prendre leurs responsabilités, ou de celle qui doit régner entre les acteurs, en faisant diminuer la conflictualité des relations de travail grâce au nouveau mécanisme de rupture conventionnelle. Pour répondre à Dominique Tian, qui s’interroge sur les risques d’insécurité juridique, je dirai que c’est en appliquant la loi du 31 janvier 2007 que nous préserverons la confiance. Comme Bruno Le Maire l’a rappelé, cette loi a été mise en place afin qu’à l’avenir une décision relevant du code du travail donne lieu obligatoirement à une négociation entre les partenaires sociaux, au lieu d’être prise par le seul champ politique.

Bernard Gérard a également souligné l’importance du dialogue social dans la méthode d’élaboration des normes. Je pense qu’une société où les relations sociales sont marquées par un dialogue continu, par des compromis et des équilibres, règle plus facilement les problèmes qui se posent à elle.

Yves Albarello a souligné le délai très court compris entre la conclusion de l’accord et la présentation de ce projet de loi. Je vous remercie de votre confiance, monsieur le député. Nous avons voulu faire vite car, comme vous le savez en tant qu’élu local, une réforme n’existe pas aux yeux des Français tant qu’elle n’est pas entrée dans leur quotidien – et, sur ce point, je ne saurais leur donner tort.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Nos discussions sont sans doute passionnantes, mais la vraie question qui se pose pour nos compatriotes est de savoir à partir de quand les choses vont changer en matière d’indemnités de licenciement, de possibilité de recourir à la rupture conventionnelle, d’amélioration de la sécurité des parcours. Si nous avons voulu travailler vite, c’est pour que le Parlement puisse se prononcer rapidement, et que ce texte puisse entrer en vigueur cet été au plus tard.

S’agissant de l’article 6, la faute grave, la force majeure et le commun accord définissent déjà une possibilité de rupture en vertu des règles générales applicables aux CDD, mais nous reviendrons sur ce sujet.

Je voudrais dire à Joël Giraud que, contrairement à ce qu’il a affirmé, l’accord ne renforce pas la précarité des salariés, mais qu’il leur apporte des droits nouveaux. Pourquoi ne pas avoir parlé tout à l’heure de la réduction de l’ancienneté pour percevoir des indemnités conventionnelles de maladie, du maintien de la couverture complémentaire santé en cas de chômage – car tous les contrats d’assurance groupe ne sont pas assortis actuellement de garanties viagères –, ni de l’imputation des périodes de stage sur la période d’essai ? Tous ces apports font de l’accord conclu un accord équilibré signé par quatre syndicats sur cinq.

Christophe Sirugue a parlé de dialogue social « sous haute surveillance ». Mais où était le dialogue social lorsque les socialistes étaient au pouvoir ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Quant au point d’équilibre, il a été trouvé par sept organisations syndicales et patronales sur huit. Pour reprendre une image que chacun connaît, il est difficile, dans ces conditions, de considérer que le verre est à moitié vide !

Que le dialogue social retrouve toute sa vitalité est une bonne nouvelle pour la démocratie sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le ministre, l’article qui ouvre ce projet de loi, en réaffirmant la place du contrat de travail à durée indéterminée dans notre droit, s’inscrirait-il dans l’objectif de sécurisation de l’emploi affirmé dans l’exposé des motifs, et si cher à diverses organisations progressistes ? Ne serait-il pas qu’un trompe-l’œil, une nouvelle étape dans l’offensive globale pour le démantèlement des droits des salariés ? J’ai toutes les raisons de le croire.

L’article 1er ne reprend qu’une partie de l’accord conclu entre les partenaires sociaux. En effet, si l’exposé des motifs est fidèle aux termes exacts de l’accord, selon lequel « le CDI est la forme normale et générale du contrat de travail », la rédaction de l’article lui-même est différente, puisque celui-ci dispose que « le CDI est la forme normale de la relation de travail ». Difficile de croire que cette omission soit involontaire ! Une organisation syndicale vous a d’ailleurs interrogé à ce sujet, à ma connaissance sans réponse de votre part !

Pourquoi, dès lors, insérer un tel article, si ce n’est pour ouvrir une nouvelle brèche dans le CDI ? En effet, alors que cet article est consacré au CDI, il évite soigneusement de prendre la mesure des difficultés auxquelles est confronté le monde du travail et des attaques multiples dont ce contrat fait l’objet.

Ainsi, les contrats à durée indéterminée, mais à temps partiel, constituent une sorte de CDI « perverti » pour beaucoup de salariés dans les secteurs comme la grande distribution ou encore les sociétés de service de ménage. Citons aussi tous les emplois qui relèvent du secteur des services à la personne, les emplois d’assistante maternelle, la présence importante de temps partiels dans des secteurs comme l’hôtellerie et la restauration. Autant de secteurs très largement féminisés, dans lesquels le CDI à temps plein est tout, sauf la « forme normale de la relation de travail ».

Faut-il souligner que temps partiel signifie assurance chômage partielle, retraite partielle, droits sociaux partiels ? En fait, seule la précarisation est totale !

Lors de la grève de janvier dernier, la mobilisation importante dans les enseignes de la grande distribution témoigne du ras-le-bol des salariés face à ces situations inacceptables. Or, contrairement à ce que l’on entend encore trop souvent, dans leur grande majorité, ces contrats à temps partiels ne correspondent pas à des choix de vie. La plupart de ces salariés souhaiteraient en effet travailler à temps plein, ainsi que le souligne une récente étude de la DARES.

Loin donc des contrats choisis pour mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, le développement des contrats à temps partiel, depuis les années quatre-vingt, a accompagné une stratégie des pouvoirs publics visant à faire baisser les chiffres du chômage, mais au prix d’une précarisation d’une partie de plus en plus importante de la population active. Cela a alimenté le développement du phénomène bien connu des « salariés pauvres ».

Vous avez décidé d’accélérer et d’amplifier ce mouvement et pour cela de modifier le droit du travail. C’est d’ailleurs la même logique qui conduit l’offensive contre les chômeurs, que vous menacez de suppression de leurs droits, dès lors qu’ils refuseront deux offres d’emplois à moins de deux heures de trajet par jour et jusqu’à 70 % de leur dernier salaire. Dans mon département, cela signifie pour un Havrais aller tous les jours travailler à Rouen pour, éventuellement, 70 % du SMIC ! En fait, vous voulez peser aussi sur les salaires.

Ce vaste mouvement de précarisation du salariat va toucher également la fonction publique. Songeons en effet aux milliards d’euros d’économies annoncées dans le domaine social. Ainsi, ce sont les services de ménage et de technique qui seront sous-traités. À l’hôpital du Havre, par exemple, 550 suppressions de postes sont prévues. Ces fonctions ne seront évidemment pas toutes supprimées – il est difficile d’arrêter de faire le ménage dans un hôpital ! Elles seront externalisées vers les entreprises privées, avec des conditions de travail et des salaires à la baisse. La Fédération hospitalière de France vient d’ailleurs d’indiquer que 20 000 emplois hospitaliers sont aujourd’hui remis en cause, faute de financement.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Paul...

M. Daniel Paul. Cette précarisation épargne donc de moins en moins de secteurs professionnels et sociaux. En effet, pour ce qui concerne le temps partiel, si, depuis la fin 2002, les embauches à temps partiel n’ouvrent plus la porte à des exonérations de cotisations patronales, le dispositif d’exonération Fillon pour les embauches sur les salaires bas et moyens continue d’avoir comme conséquence l’embauche de personnels peu payés, sans aucune incitation à l’embauche à temps plein.

Pour ce qui concerne la transformation d’emplois statutaires dans la fonction publique, ce sont les restrictions budgétaires massives qui déclenchent l’accélération des externalisations de services vers le privé.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Paul !

M. Daniel Paul. Nous pensons, pour notre part, que moderniser le marché du travail devrait consister à sécuriser l’emploi et la formation tout au long de la vie. Compte tenu de ce que vivent plusieurs millions de salariés, il serait plus adapté d’appliquer des bonus-malus aux entreprises qui abusent du recours aux contrats précaires, par exemple sur les allégements de cotisations sociales dont elles bénéficient. Ce n’est là qu’une des dispositions que j’avais défendues, au nom des députés communistes, en novembre 2003, dans une proposition de loi visant à lutter contre la précarité de l’emploi.

M. le président. Il est vraiment temps de conclure !

M. Daniel Paul. Votre logique n’a pas changé. En fait, votre texte n’est qu’un nouvel outil pour franchir une nouvelle étape dans l’adaptation de notre pays aux exigences du capitalisme mondialisé ; c’est le nouveau sens que vous donnez au mot « modernisation ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je tiens d’abord à rendre hommage au rapport très équilibré de Dominique Dord. C’est suffisamment rare pour être souligné. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le président de la commission, Pierre Méhaignerie, nous a demandé de veiller à respecter l’architecture très équilibrée du texte, qui reprend celle de l’accord. Il nous a également invités à ne pas fragiliser les signataires de cet accord. Il appartient déjà aux signataires de l’ANI de ne pas se fragiliser eux-mêmes en lançant des pétitions à propos d’un accord dont ils sont signataires. J’incite tous les défenseurs de cette pétition présents dans l’hémicycle à consulter le rapport de M. Dord, et notamment sa page 59.

Monsieur Méhaignerie, ne fragilisez pas, ne fragilisons pas les termes et l’architecture de l’accord, s’agissant notamment de la rupture conventionnelle et des droits normalement ouverts par la nouvelle formule.

L’article 1er est un test : il s’agit d’exercer pleinement nos droits et nos devoirs de parlementaires dans le respect de nos histoires respectives. Je partage, pour ma part, le sentiment exprimé par Marisol Touraine, et ses interrogations sur la démarche engagée. Il faut prendre en compte les espoirs que cette dernière peut susciter et les risques qu’elle peut comporter. Si nous voulons respecter l’« architecture » et l’« équilibre » du projet, alors il faut respecter à la lettre le texte de l’accord. Mes collègues y reviendront dans la discussion des amendements.

L’article 1er prévoit que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. Nous avons envisagé de préciser qu’il devait s’agir d’un CDI à temps plein. Mais déposer un amendement de ce type aurait, d’une certaine façon, déséquilibré un peu l’accord. Nous nous sommes donc abstenus de le faire.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier. Nous souhaiterions que cette démarche « d’abstention constructive », pour reprendre l’expression de Jean-Patrick Gille, soit payée d’effet. Le ministre nous a appelés à la confiance. Mais, la confiance, c’est comme l’amour...

Mme Marisol Touraine. Quelle déclaration, monsieur le ministre !

Mme Sandrine Mazetier. Il n’y a pas d’amour, mais seulement des preuves d’amour. La confiance, cela se mérite ! Nous verrons comment seront traités les amendements que notre groupe a déposés Nous verrons quelles preuves de confiance et d’espoir vous donnerez dans cette démarche que vous présentez comme une innovation et que nous regardons avec circonscription.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Une remarque d’ordre général, tout d’abord.

M. le ministre vient de parler d’équilibre, rejoignant en cela le président Méhaignerie, qui lui aussi a évoqué « un équilibre à préserver ». Je nuancerai le propos, considérant, pour ma part, que l’équilibre reste à construire. Je suis plus proche de Jean-Patrick Gille, qui a estimé que ce texte était une version borgne de la transcription de l’accord interprofessionnel. En effet, le volet flexibilité apparaît très clairement. Le projet de loi reprend ainsi les mesures de l’accord national interprofessionnel qui sont les plus favorables aux travailleurs. En revanche, les dispositifs les plus importants pour les salariés sont systématiquement renvoyés aux décrets, aux négociations ultérieures et à l’extension de l’ANI. Dans les prochains mois, nous veillerons donc, aux côtés des organisations syndicales, à ce que le volet sécurité soit bien traduit, dans les faits, par de réelles avancées au profit des salariés.

Je veux souligner ensuite qu’il est paradoxal, alors que l’article 1er stipule que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail, de créer, à l’article 6, un CDD à objet défini. Certes, à l’article 9, on abroge le CNE – et c’est une très bonne chose. Convenez cependant que les quelque trente-sept ou trente-huit formes différentes de contrat de travail relativisent la notion de CDI comme forme normale de la relation de travail.

Il y a donc ce qu’on proclame dans les textes de loi et la réalité du marché du travail, qui, contrairement à ce que dit Benoist Apparu, n’est pas aussi rigide que cela. Au contraire ! Certes, 85 % des emplois sont des CDI. Mais on ne trouve que 25 % de CDI dans les nouvelles embauches. Cela signifie que les trois quarts des emplois créés aujourd’hui sont des contrats temporaires, des CDD ou de l’intérim. En outre, ce taux est passé, en vingt ans, de 5 % à 15 % de l’emploi salarié. Comme cela a été dit à l’instant, les premiers touchés sont les plus jeunes, les salariés les moins diplômés et les moins qualifiés. De plus, Daniel Paul l’a souligné, 17 % des salariés sont à temps partiel et, parmi ceux-ci, beaucoup souhaiteraient travailler davantage. Voilà la réalité du marché du travail ! Nous savons aussi que les transitions entre CDD et contrats temporaires et CDI se font très mal. Les taux de transition sont même parmi les plus mauvais en Europe.

Une étude de l’INSEE en date du début de l’année montre également l’accroissement du phénomène des travailleurs pauvres. Aujourd’hui, 1,2 million de salariés sont dans l’obligation de cumuler deux emplois pour pouvoir joindre les deux bouts. En outre, ce taux augmente de 15 %.

Au vu de tous ces chiffres, le présent texte aurait gagné à intégrer une forte dimension de lutte contre la précarité au travail. C’est ce qui manque dans l’équilibre général. On aurait pu imaginer, par exemple, que le projet de loi prévoie une modulation des aides aux entreprises ou des exonérations de cotisations sociales pour favoriser les entreprises qui embauchent davantage sous CDI et pénaliser celles qui abusent des CDD ou de l’intérim.

L’article 1er stipule que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. Dans l’accord national interprofessionnel, il était précisé que c’était la forme normale et générale. Nous allons donc défendre des amendements visant à ajouter le mot « générale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Nous en venons, avec l’article 1er, à la façon dont le Gouvernement a entendu transposer l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, les dispositions dont nous avons à connaître dans ce texte concernent au premier chef l’accord contractuel entre le salarié et l’employeur. L’accord précédent de 1990, accord interprofessionnel sur les CDD et l’intérim, avait déjà abordé cette question, en entérinant l’existence de formes de précarité. Il portait toutefois l’ambition de limiter les effets de cette dernière.

L’accord du 11 janvier dernier ne s’inscrit pas dans ce schéma. Il entend au contraire légitimer l’existence des emplois précaires au nom des prétendus impératifs économiques de la mondialisation.

C’est ainsi que l’article 1er de l’accord stipule que le contrat de travail à durée déterminée et le contrat de travail temporaire constituent des moyens de faire face à des besoins momentanés de main-d’œuvre. Leur utilité économique dans un environnement en perpétuelles fluctuations et dans un contexte de concurrence mondiale est avéré. En quoi est-il nécessaire de créer des contrats précaires pour faire face à ces besoins momentanés mais prévisibles ? Pourquoi a-t-on besoin d’une multiplicité de statuts précaires qui remplissent la même fonction ?

Nous attendons toujours les réponses à ces interrogations. La démonstration reste à faire, en effet, de l’utilité de maintenir et de développer les emplois précaires. C’est si vrai que, pendant la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy n’avait cessé d’appeler de ses vœux l’instauration du contrat unique de travail.

Aux termes de la transposition de l’accord que vous nous proposez aujourd’hui, force est de constater que, non seulement le Gouvernement et sa majorité entendent maintenir l’ensemble des différents types de contrats précaires existants, mais qu’ils parviennent à en créer de nouveaux, comme le contrat à durée déterminée à objet défini, et à précariser ainsi un peu plus le marché du travail, en portant atteinte au caractère protecteur du CDI. Un objectif central poursuivi par le patronat depuis des années est désormais atteint par le truchement de la nouvelle procédure de rupture conventionnelle.

Dans ce contexte, on se demande encore de quelle utilité est le rappel qu’on voudrait de principe selon lequel « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail ».

À la lecture du texte, le CDD et le contrat de travail temporaire apparaissent bel et bien comme des formes à vos yeux tout aussi « normales » de la « relation de travail ». Vous vous contentez en effet simplement de les soumettre à quelques nouvelles règles d’information, en recul sur le droit positif. Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur le contenu de l’article 1er à la faveur de l’examen des amendements. Mais sachez que nous ne sommes pas dupes de la manœuvre.

La rédaction de l’article 1er ne vise au fond qu’à faire perdre au CDI son caractère de généralité, et donc à normaliser de manière implicite le recours sans cesse plus important aux contrats précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Monsieur le ministre, votre projet de loi porte un nom sympathique : modernisation du marché du travail. Dans l’article 1er, vous indiquez très clairement que le CDI doit être la forme normale de la relation de travail. Jusque-là tout va bien, et Maxime Gremetz, assis près de moi, reste calme et approuve. C’est après que ça se corse.

Selon moi, un véritable emploi, comme l’ont notamment souligné Daniel Paul ou Régis Juanico, c’est un CDI de trente-cinq heures, payé au minimum au SMIC. Si ces trois conditions ne sont pas réunies, on se trouve dans la précarité. Or votre texte, qui aurait dû être un texte conçu pour lutter efficacement contre la précarité, n’en souffle mot.

Pourtant, monsieur le ministre, il existe dans notre pays en matière de travail de véritables zones de non-droit, où la République n’existe plus, où le temps partiel est imposé au plus grand nombre – on a évoqué le cas de la grande distribution –, où les CDD succèdent aux CDD, où l’on n’a pas d’autre choix que l’intérim et, plus grave, où les contrats aidés – belle expression que celle de « contrats aidés », contrats « d’avenir » pour les derniers d’entre eux – débouchent sur des contrats « no future », puisque certains de leurs bénéficiaires, après cinq, dix, quinze, vingt, voire vingt-cinq ans, ont cumulé périodes de chômage et contrat aidés sans jamais avoir décroché de vrai contrat de travail.

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Patrick Roy. Et je ne parle pas des difficultés d’insertion de nos jeunes dans la vie active, même quand ils sont diplômés.

De tout cela, votre texte et, en particulier, l’article 1er ne soufflent mot, sans doute parce qu’il s’agit d’un problème gênant pour le Gouvernement.

Dans mon secteur du Nord, le Denaisis, le chômage ne baisse pas. J’étais, vendredi matin, dans ma permanence municipale : sur quarante-deux personnes, trente-deux m’ont demandé du travail. Mais je n’ai pas de travail à leur proposer ! Il y a à Denain, ville de vingt et un mille habitants, mille cinq cents demandes d’emploi non satisfaites chaque année. Ce n’est pas le chômage qui baisse, c’est le sous-emploi qui monte !

Monsieur le ministre, vous avez déclaré il y quelques instants à cette tribune que, tant qu’une réforme n’était pas entrée dans le quotidien des Français, elle n’existait pas. Je suis au regret de vous dire qu’aujourd’hui, quand on parle de plein emploi et de CDI, mes électeurs et mes concitoyens ne peuvent que pleurer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. « Modernisation du marché du travail » : titre bizarre, on en conviendra ! Je croyais que le marché du travail était fait d’activités multiples, activités industrielles, technologiques ou services, mais j’ignorais que l’on pouvait « moderniser » le marché du travail en changeant les contrats. C’est une chose qui m’échappe, compte tenu du nombre de chômeurs dans notre pays.

Vous dites par ailleurs que la forme normale de la relation de travail est le contrat à durée indéterminée. Mais vous n’êtes pas sans savoir, monsieur Bertrand, puisque vous êtes comme moi picard, que notre région est la première par son taux de travailleurs précaires. Vous ne pouvez pas me démentir : ce sont les chiffres de votre ministère.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ce n’est pas très gentil pour le conseil régional socialiste !

M. Maxime Gremetz. Certaines entreprises aujourd’hui n’embauchent plus sous CDI. Dans la zone industrielle d’Amiens, on trouve des travailleurs – parfois qualifiés – embauchés sous CDD depuis des années et qui finissent par être licenciés après plusieurs renouvellements. C’est incroyable ! À chacune de mes visite là-bas, je suis obligé d’appeler le directeur départemental de l’emploi pour lui signaler le nombre de CDD dans les entreprises du site : trois cents chez Valeo, et autant, voire plus, chez Dunlop. Malgré vos dires, monsieur le ministre, le CDI n’est pas la règle pour ces gens-là.

J’attire votre attention sur ce que signifient un CDD ou un travail à temps partiel, car la précarité est un des maux et non le moindre de notre société, et pas seulement dans les quartiers. Être en CDD, c’est ne pas pouvoir faire d’emprunt !

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Maxime Gremetz. Être en CDD, c’est ne pas pouvoir se procurer de logement !

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Maxime Gremetz. C’est ne pas pouvoir construire sa vie de couple ou sa vie de famille !

Alors, « moderniser », comme vous dites, ce serait supprimer ce genre de contrats qui coûtent beaucoup moins cher aux grands groupes et leur permettent d’exploiter des travailleurs à qui l’on peut demander l’impossible tant qu’ils ne sont pas titulaires. Voilà la réalité de votre projet !

M. Patrick Roy. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Ce texte est particulièrement important, car il marque la première traduction dans la loi d’un accord interprofessionnel.

J’ai moi-même travaillé une douzaine d’années dans un organisme paritaire. J’ai pu y apprécier la qualité des relations entre employeurs et salariés, qui travaillaient ensemble, en l’occurrence dans le secteur du logement, pour faire progresser les droits des salariés et leurs possibilités en matière d’accès au logement.

Nous pouvons difficilement vouloir tout et son contraire, vouloir d’un côté un dialogue fructueux entre partenaires sociaux et, de l’autre, faire la fine bouche au moment de la traduction législative des résultats du dialogue social.

Cette discussion doit nous permettre d’enrichir l’accord interprofessionnel, et il est essentiel aux yeux du groupe Nouveau Centre que nous poursuivions dans le droit fil de ce qui a été discuté par les partenaires sociaux.

Nous avons trop souvent eu à déplorer que le droit du travail évolue, sous les gouvernements de droite comme de gauche, uniquement sous l’impulsion des politiques, les partenaires sociaux étant mis devant le fait accompli. Mais vous nous offrez ici, monsieur le ministre, l’occasion de traduire dans la loi un accord interprofessionnel. Cela va dans le bon sens et méritait d’être souligné.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 33.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. À l’heure actuelle, l’article L. 1221-2 du code du travail donne du contrat de travail la définition suivante : « Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée. » L’accord proposait d’y substituer la formule suivante : « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail. » Or la transposition dans le texte de loi dont nous commençons l’examen concret a fait disparaître l’adjectif « générale », pour ne garder que la formule : « Le contrat à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travail. » Outre qu’il ne s’agit plus d’une transcription à la virgule près de l’accord national interprofessionnel, cela laisse supposer que le CDI n’est plus la forme générale du contrat de travail, et cela nous ramène au débat sur la vraie nature du contrat de travail, sachant qu’il faut distinguer ce qui est écrit de la réalité.

Cela étant, il faut essayer de ne pas dégrader ce qui est écrit pour éviter que le taux de contrats de travail précaires, qui s’élève déjà à 15 %, ne continue d’augmenter. Car, aujourd’hui, dans un des pays les plus riches de la planète, nous en sommes arrivés à un stade où certains travailleurs n’ont plus les moyens de vivre décemment. Et à ces personnes, le Gouvernement ne propose pas d’autre solution que de prendre un second emploi pour boucler leurs fins de mois. C’est la dernière trouvaille, lorsque les heures supplémentaires, préconisées jusqu’ici, ne sont pas possibles parce que l’employeur n’en propose pas ! Nous régressons à la vitesse grand V vers des mœurs de pays pauvres qui n’ont ni notre stabilité ni notre richesse.

J’avais donc déposé cet amendement qui vise à revenir à la formule actuelle du code du travail. Or, lors de la réunion de la commission des affaires sociales dans le cadre de l’article 88 du règlement, un amendement a été adopté, qui tend à faire figurer dans le projet de loi la formule de l’accord. Celle-ci reste encore la moins pire, si je puis dire, bien que, dans la réalité, cette forme normale et générale de contrat de travail laisse souvent place à des contrats précaires, à temps partiel. Compte tenu de l’amendement adopté en commission, je retire donc l’amendement n° 33 et soutiendrai l’amendement de la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il faut croire que, pour certains collègues de l’UMP, il faudrait transposer tels quels les textes signés par les partenaires sociaux sauf s’ils portent sur le CNE. Il semblerait également qu’il faille se taire pour ne pas leur faire perdre de temps. Ne dépassons pas les bornes ! Il y a encore un Parlement élu et des citoyens qui ont le droit de s’exprimer en envoyant des représentants à l’Assemblée nationale. Il est normal que ces représentants puissent s’exprimer, à plus forte raison quand ils soutiennent une proposition qui a recueilli l’accord de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. L’amendement n° 33 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 97.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à apporter une précision indispensable : le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée, mais aussi « à temps plein ».

Loin de constituer de simples segments du marché du travail, les jeunes, les femmes, les travailleurs âgés, souvent à l’écart de la représentation syndicale, ont permis dans une large mesure aux transformations de l’emploi d’inspiration libérale de se frayer un chemin. Ils ont, en effet, plus que d’autres été exposés aux statuts les plus fragiles et ont participé malgré eux à la redéfinition de l’emploi dans son ensemble. Les femmes sont les principales cibles des contrats à temps partiel : 30 % des femmes de quinze ans à cinquante-neuf ans ayant un emploi, contre 5 % des hommes du même âge. Ajoutons qu’il s’agit d’un temps partiel rarement choisi puisqu’il concerne plus d’un million de Français qui souhaitent travailler plus.

Cette normalisation du temps partiel, qui va de pair avec le développement des autres formes de précarité que sont le recours accru aux CDD et à l’intérim, pénalise gravement les salariés qui y sont contraints, tant en termes de revenus que de déroulement de carrière et de pensions de retraite.

Le temps partiel contribue également, ce qui est tout aussi grave, à déstabiliser la fonction de garantie de revenu attachée au SMIC. Nous savons tous que ce dernier ne permet désormais plus d’éviter la pauvreté laborieuse, qui augmente même, touchant aujourd’hui plus de 3,5 millions de personnes, dont 80 % de femmes.

À l’heure où le Gouvernement se dit tellement attaché au pouvoir d’achat, nous comprendrions mal qu’il n’accepte pas de satisfaire à notre demande.

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 97.

M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le problème du temps partiel, qui fait l’objet de plusieurs amendements, est aujourd’hui au cœur de l’agenda social, notamment à travers les accords novateurs conclus le 13 mars dernier par les grandes enseignes de la distribution.

Toutefois – j’invoquerai cet argument au sujet de nombreux amendements, et je vous prie de m’en excuser par avance –, l’accord national interprofessionnel n’a pas prévu que la forme normale et générale de la relation de travail soit le contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein.

M. Daniel Paul. Nous pouvons en décider autrement !

M. Dominique Dord, rapporteur. Si vous aviez suivi nos débats, vous sauriez que nous avons souhaité rester le plus proches possible des termes de cet accord. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable à cette précision qui ne figure pas dans l’accord.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, comme je vous l’ai dit en commission, je vous ai connu meilleur que ça ! Mais vous étiez alors, me semble-t-il, à l’UDF. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Dolez. C’était le bon temps !

M. Maxime Gremetz. Oui, c’était le bon temps : vous souteniez mes amendements. Et j’espère que nous revivrons de tels moments.

Toujours est-il que vous ne pouvez pas à la fois soutenir notre démarche et refuser nos amendements. Si vous nous répondez à chaque fois que vous ne souhaitez pas vous éloigner des termes de l’accord – qui n’a d’ailleurs pas été signé par tous les syndicats –, autant faire une déclaration claire indiquant votre volonté de n’accepter aucun amendement et de reprendre intégralement le texte de l’ANI. Cela sera plus simple et cela nous fera gagner du temps. Point à la ligne !

Or vous n’avez pas hésité à supprimer des dispositions de l’accord, comme l’a montré Mme Billard en défendant son amendement…

M. Dominique Dord, rapporteur. Au contraire, nous les avons rétablies !

M. Maxime Gremetz. Eh bien, si les organisations syndicales ont accepté de telles dispositions, c’est bien dommage.

M. Benoist Apparu. Mais c’est leur droit !

M. Maxime Gremetz. Et le Parlement a toujours le droit et le pouvoir, sans dénaturer l’esprit du texte, de proposer de l’améliorer encore.

Alors, de grâce, monsieur Dord, faites comme si vous étiez encore à l’UDF et acceptez cet amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Nous comprenons l’esprit de cet amendement. Il serait souhaitable que le code du travail évolue de façon que le contrat à durée déterminée soit défini comme un contrat à temps plein. L’une des principales préoccupations dans notre pays aujourd’hui est en effet la précarité de l’emploi, dont l’une des causes majeures est le travail à temps partiel. Ce phénomène touche, nous le savons, principalement les femmes, qui subissent de plein fouet cette situation.

Toutefois, dans le cadre de la présente discussion, nous souhaitons transposer le plus fidèlement possible les termes de l’accord, tous les termes de l’accord, simplement les termes de l’accord. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 96.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. Au principe selon lequel un contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée, votre projet de loi substitue la formule : « Le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. » Pour nous, il ne s’agit de rien de moins que d’une façon habile de faire perdre sa généralité au CDI et de normaliser, de manière implicite, le recours aux contrats précaires, qui perdraient alors leur statut d’exception.

Admettez à tout le moins que la formule est incomplète et qu’elle ne rend pas justice à la forme juridique actuelle du contrat à durée indéterminée, qui est non seulement l’aboutissement d’une longue histoire sociale, mais qui a aussi, et surtout, contribué à donner un sens fort au statut salarial, en tant que socle de la cohésion sociale.

Que le plein emploi soit une responsabilité collective, assumée conjointement par les entreprises et par les politiques publiques, voilà au fond ce que vous entendez aujourd’hui remettre en cause, à l’invitation des organisations patronales. Pour ces dernières, l’évolution des systèmes techniques, l’instabilité des marchés, les normes concurrentielles acérées confortent les impératifs de flexibilité. Elles vous demandent depuis plusieurs années une modification en profondeur de notre droit du travail et la remise en cause du CDI pour mieux justifier le recours aux contrats de mission, aux contrats de travail à durée limitée et aux travailleurs indépendants, de façon à reporter sur un tiers, en l’occurrence le salarié, la partie ou la totalité du risque économique. C’est ce modèle que vous vous attachez à promouvoir depuis des années, et le texte dont nous discutons constitue une étape importante de sa mise en œuvre.

Or nous estimons qu’il est indigne de faire supporter l’essentiel du risque économique sur les salariés, et que les entreprises et l’État doivent assumer leur part de responsabilité dans la promotion du plein emploi. C’est pourquoi nous jugeons essentiel que soit érigée au rang d’objectif prioritaire la pérennité de la relation d’emploi, ou tout au moins la réelle sécurisation du parcours professionnel, dont on ne trouve nulle trace dans ce texte ou dans les projets actuels de décret.

Si le CDI représente à ce jour l’expression la plus aboutie de cette exigence, il convient de rappeler qu’il est non seulement la forme normale de la relation de travail, mais encore sa forme générale. Ce principe ne saurait être mieux affirmé que dans la rédaction actuelle de l’article L. 1221-2 du code du travail. Aussi proposons-nous d’y revenir à l’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi : « Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis défavorable également.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La qualification des contrats dans notre droit est indispensable, et pas simplement pour des questions juridiques. Je pense à des sujets que l’accord ne permet pas d’aborder, comme les dégâts sociaux qu’occasionne le recours aux CDD. Cela mérite une explication car cela renvoie à la question cruciale de la sécurisation des parcours professionnels. En ce domaine, nous l’avons dit dans la discussion générale, les avancées du texte sont extrêmement timides. Pourtant, il existe des marges de manœuvre, monsieur le ministre.

N’oublions pas que les contrats à durée déterminée, qui induisent une précarisation pour le salarié, ouvrent aussi des droits en matière d’indemnisation du chômage. Et si l’on compare les cotisations acquittées par les entreprises au titre des CDD aux sommes versées par l’UNEDIC à la fin de ces contrats, on constate que le rapport – d’ailleurs constant – est de un à sept. Autrement dit, ce type de contrat entraîne sept fois plus de dépenses pour l’UNEDIC qu’il ne génère de recettes.

M. Michel Vergnier. Très juste !

M. Alain Vidalies. En conséquence, les entreprises qui n’ont pas recours à cette forme de contrat payent d’une certaine façon pour les autres. Or ce sont souvent les grandes entreprises, dont la gestion du personnel est très pointue, qui ont recours aux CDD alors que les petites entreprises n’ont presque jamais à faire verser des droits à l’UNEDIC car elles conservent leur personnel.

Si l’on cherche des marges de manœuvre, notamment en vue d’améliorer la sécurisation des parcours professionnels, alors peut-être faut-il faire payer davantage les entreprises qui ont recours à cette facilité, dont on connaît les dégâts sociaux. Voilà une piste importante, monsieur le ministre.

M. Michel Vergnier. Absolument !

M. Alain Vidalies. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous êtes peut-être allé un peu trop vite lorsque vous avez pris la peine – et je vous en remercie – de répondre à chacun des orateurs de la discussion générale. Vous avez en effet oublié de répondre à une question qui vous a été posée à plusieurs reprises : pourquoi l’accord UPA n’a-t-il jamais été transcrit et pourquoi continuez-vous à vous y opposer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement propose également de préciser que le contrat à durée indéterminée est « à temps plein ».

Députée depuis 2002, j’interviens régulièrement sur les textes relatifs au droit du travail et j’entends régulièrement de grandes déclarations sur ces pauvres femmes salariées, victimes du travail à temps partiel. Nous avons droit à des lamentations constantes et répétées. Mais chaque fois que des amendements sont déposés pour tenter de trouver des solutions, ce n’est jamais le bon moment. Même à l’occasion de la loi sur l’égalité salariale, et malgré la tentative de la délégation aux droits des femmes de cette assemblée, il a été impossible d’améliorer la situation des salariées à temps partiel, que ce soit dans la grande distribution, dans le secteur du nettoyage ou des services à la personne. Pis, dans la loi relative aux services à la personne, alors que la question se posait de savoir si les diverses aides devaient être apportées pour l’ensemble des contrats ou uniquement pour les contrats passant par des structures collectives, les contrats de gré à gré ont été écartés alors que ce sont précisément ceux qui recourent davantage aux bas salaires et au temps partiel et qui offrent le moins de protection, comparés aux contrats passés par les structures collectives – associatives, mutualistes ou privées, appartenant au secteur commercial.

Cela n’a jamais été le moment et, aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le moment non plus puisque vous entendez transposer l’accord à la lettre. Et cela ne sera pas non plus le moment lors des prochains textes, j’imagine. La situation de ces femmes salariées à temps partiel continuera donc à se dégrader, et les lamentations, sur l’ensemble de ces bancs et sur les bancs du Gouvernement, iront de plus belle et rien ne sera fait.

Rappelons, en outre, que le Gouvernement a mis le couteau sous la gorge des partenaires sociaux en les priant d’accepter les échéances, les conditions et les objectifs fixés dans l’accord, au risque d’être confrontés à pire. Jamais il n’a tenté de mettre fin à ces contrats à temps partiel très précaires que subissent les femmes aujourd’hui. Alors, je veux bien entendre ces lamentations, mais il arrive un moment où elles deviennent insupportables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis défavorable.

Madame Billard, je sais combien vous êtes attentive à tout ce qui se passe en matière sociale. Vous savez donc que des décisions ont été prises lors de la conférence sur l’égalité professionnelle, notamment avec le rendez-vous de l’égalité salariale. À cette occasion, nous avons aussi abordé la question du temps partiel subi et éclaté.

Le temps partiel est parfois un choix assumé, mais, dans de nombreux cas, il est subi. Dans certains secteurs comme le nettoiement par exemple, où l’on travaille très tôt le matin et très tard le soir, quand le temps partiel est subi et éclaté, on rencontre deux fois les problèmes de garde d’enfants et de transport.

Les syndicats m’ont demandé d’organiser une table ronde sur la question ; elle aura lieu au mois de juin. En attendant, j’avais pris des engagements pour faire bouger les choses dans la grande distribution. Sous une amicale pression, trois enseignes, Auchan, Casino et Carrefour, ont décidé d’évoluer : le temps partiel subi et éclaté a laissé place au temps complet – c’est le cas à Melun par exemple. Les modalités ont déjà été présentées dans la presse. Je poursuivrai dans ce sens avec l’ensemble de la grande distribution mais aussi avec les autres secteurs, parce la grande distribution n’est pas la seule concernée. Et je sais bien que certaines personnes gagnent aujourd’hui moins que le SMIC alors que leur salaire de référence est au SMIC, tout simplement parce qu’elles ne travaillent pas 35 heures.

Le Gouvernement a pour objectif de parvenir au plein emploi, en ayant les yeux rivés sur le taux de travail précaire parce qu’il ne s’agit pas d’avoir l’un et l’autre, mais l’un sans l’autre, c’est-à-dire sans précarisation tout en travaillant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Encore un petit effort, monsieur le ministre ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Puisque nous nous faisons confiance, ne nous renvoyez pas à ce que demandent les syndicats sur cette question. Les parlementaires de l’opposition – mais pas seulement eux – ne vous demandent pas simplement une table ronde sur le temps partiel subi ou des engagements sur l’égalité salariale un jour, mais de prendre des engagements, de nous dire des choses plus claires sur la fin du temps partiel subi dans la grande distribution et dans d’autres secteurs. L’écart salarial chronique entre les hommes et les femmes est en grande partie dû au temps partiel subi par ces dernières dans leur écrasante majorité.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, votre réponse était plutôt sympathique, mais c’est en commission que vous nous avez révélé le fond de votre pensée. Quand on vous parle de temps partiel subi dans la grande distribution, secteur d’activité on ne peut plus révélateur de pratiques patronales, vous répondez qu’on va avancer en négociant des accords avec Auchan, Casino et Carrefour, mais que cela aboutira à la réduction du nombre d’emplois. En réalité, c’est à regret que vous avancez dans cette négociation plutôt timide. Reconnaissez qu’il a fallu des journées de revendications fortes dans la grande distribution pour que les choses commencent à se débloquer.

Par ailleurs, le Gouvernement fait preuve d’un parfait immobilisme en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. En vingt-cinq ans, nous avons légiféré à trois ou cinq reprises. Mais les deux derniers textes de lois sur ce sujet n’ont pas prévu d’obligation pour les employeurs de réduire cet écart entre les femmes et les hommes.

Enfin, vous ne parlez jamais des profits faramineux de la grande distribution, Carrefour et Auchan faisant partie des entreprises dont, chaque semaine, les bénéfices boursiers sont les plus élevés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le soutenir.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement vise à reprendre la première phrase de l’accord national interprofessionnel, à savoir que le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail. Si cette phrase avait été transcrite mot à mot, on aurait déjà gagné trois quarts d’heure de débat !

Chacun s’est félicité, depuis le début de la discussion, de la méthode, de la qualité du travail et du nécessaire respect de la négociation et des partenaires sociaux. Le ministre a indiqué pour sa part que c’était la bonne méthode et qu’il fallait transcrire l’accord. Mais, comme le demandait M. Vidalies, pourquoi faut-il parfois transcrire et parfois non, puisqu’on attend toujours la transcription de l’accord signé entre l’UPA et l’ensemble des organisations syndicales et alors que tous les recours ont été purgés ? Le ministre a promis de nous répondre tout à l’heure.

Chacun reconnaît qu’il serait dommage de ne pas respecter la volonté des partenaires sociaux, en tout cas son expression, en ne retranscrivant pas cette précision inscrite dans l’ANI.

Comme cela a déjà été souligné, les mots « contrat de travail » qui figuraient à l’article 1er de l’accord ont été remplacés par ceux de « relation de travail », euphémisme pour désigner une relation déséquilibrée car comprenant un lien de subordination. Je note que jusqu’à présent personne ne nous a fourni d’explication sur ce changement de termes. On nous expliquera peut-être qu’il s’agit d’éviter une redondance, mais cela nous a à peine convaincus.

En outre, la disparition, dans l’expression « forme normale et générale du contrat de travail » de l’adjectif « générale » me paraît nettement restrictive. Parler de « forme normale » revient à dire que c’est la règle presque banale ou usuelle. La qualifier de « générale » donne au CDI un caractère générique, en fait la matrice du contrat de travail, les autres contrats apparaissant dès lors comme des dérogations. J’en veux pour preuve le « II » de l’article 1er qui oblige l’employeur à informer les délégués du personnel des éléments qui l’ont conduit à faire appel, au titre de l’année écoulée ou à venir, à des CDD et à l’intérim, c’est-à-dire à des formes dérogatoires du CDI.

Voilà qui atteste que la durée est un caractère fondamental de ce contrat de travail. J’oserai même dire que c’est la contrepartie de la subordination, finalement une forme de sécurité du salarié. D’un côté, toute peine mérite salaire et, de l’autre, la subordination requiert une garantie sur son avenir. En fait, c’est la première forme de la flexisécurité : j’accepte de me plier aux contraintes de l’employeur pour autant qu’il me garantit dans le temps un revenu lié à mon travail. En sortir crée un déséquilibre, de la précarité. C’est la remise en cause du CDI et la multiplicité des dérogations qui requièrent aujourd’hui de créer des modalités de sécurisation plus complexes et plus difficiles à mettre en œuvre.

Ce serait un beau symbole d’inscrire au fronton de cette loi que le CDI est la forme normale et générale du contrat de travail. Ce serait reconnaître que c’est l’archétype de la flexisécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Gille, je ne sais pas si cette disposition méritait un discours aussi développé.

M. Patrick Roy. C’était remarquable !

M. Dominique Dord, rapporteur. On est vraiment là dans la sémantique pure.

Cela dit, la commission a accepté cet amendement, pour deux raisons, que vous avez du reste évoquées.

Premièrement, votre amendement reprend la première ligne de l’accord national interprofessionnel. On peut penser qu’en le transcrivant tel quel dans la loi, on lui rend clairement hommage. Si cette phrase figure au début de l’accord, c’est bien qu’elle a une signification importante pour ses signataires.

Deuxièmement, cette formulation reprend une directive européenne du 28 juin 1999 qui faisait suite à un accord-cadre conclu entre les partenaires sociaux européens, et qui précise que les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale des relations du travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, mais ce n’est pas pour faire plaisir à Mme Mazetier, qui demandait tout à l’heure des preuves ! (Sourires.)

Nous avions estimé qu’il n’y avait pas lieu d’apporter cette précision dans la loi, et les partenaires ne s’en étaient pas émus, loin s’en faut.

Monsieur Gille, l’accord signé avec l’UPA ne relève pas de la loi du 31 janvier 2007. En outre, vous savez bien que ce dossier ne faisait pas l’unanimité et que les procédures judiciaires et administratives qui ont été engagées sont maintenant derrière nous. Une discussion importante sur la représentativité et le financement a eu lieu, qui a abouti à une position commune. Nous attendons de savoir qui va la ratifier pour nous appuyer sur ce document et présenter un texte sur la représentativité et le financement. Nous prenons toutes nos responsabilités dès 2008 en espérant que les uns et les autres seront capables de dépasser les clivages politiques.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Enfin, le Gouvernement accepte ! Il est vrai que s’il n’avait pas souhaité reprendre la première phrase de l’accord, s’il avait donné d’emblée un coup de canif, cela n’aurait pas fait bon effet. Vous deviez donc céder, monsieur le ministre. Pour votre part, monsieur Dord, on vous a demandé de ne rien lâcher. (Sourires.) C’est donc au ministre de faire des petits gestes. Il a supprimé cette disposition du texte pour mieux la remettre ensuite – il savait bien qu’on ne laisserait pas passer cela !

Vous prétendez que les organisations syndicales n’étaient pas très attachées à cette phrase. Or, une note de la CFDT explique à ses adhérents que l’article 1er du texte reprend les termes de l’accord. Si vous modifiez les termes de l’accord, vous trahissez les partenaires sociaux. Monsieur le ministre, vous venez d’éviter une catastrophe !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il paraît raisonnable de reprendre mot pour mot le texte de l’accord, l’adjectif « générale » donnant une indication sur nos objectifs politiques en matière de réduction des contrats précaires, qu’ils soient à durée déterminée ou à temps partiel.

On nous objecte d’ailleurs habituellement qu’en France, 85 % des salariés travaillent en CDI. Certes, mais si l’on ajoute aux 15 % restants, qui travaillent en CDD ou en intérim, les 17 % qui sont à temps partiel, et bien que l’on ne puisse pas additionner exactement les deux chiffres, puisque certains peuvent relever des deux catégories, cela fait quand même environ 25 % des salariés – pour prendre l’estimation basse – qui se trouvent en situation de précarité, soit un sur quatre. C’est énorme – et ce n’est pas acceptable !

Cela l’est d’autant moins que, chaque fois qu’on publie les statistiques de l’emploi en France, on leur oppose l’exemple de pays qui affichent des taux de demandeurs d’emplois de 4 % ; mais, en Grande-Bretagne, 25 % des salariés travaillent à temps partiel, et 40 % aux Pays-Bas ! Il vous suffit de suivre ce modèle et vous n’aurez plus, dès ce soir, que 2 % de chômeurs ! Vous pouvez d’ailleurs utiliser le même système pour résorber la crise du logement : si vous en mettez huit par appartement, il n’y aura plus de problème ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Mme Michèle Delaunay et M. Jean Mallot applaudissent.)

M. Roland Muzeau. Ce sera bientôt le cas !

M. Alain Vidalies. Évidemment, si vous divisez le travail disponible en multipliant les temps partiels, vous aurez moins de chômeurs, mais davantage de travailleurs pauvres. C’est précisément le contraire que nous avons fait avec les 35 heures : nous avons essayé de mieux répartir la richesse. Cette référence au CDI comme devant être la forme de contrat de travail « générale » recouvre donc un véritable débat de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Dolez. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai été plus sensible à l’argumentation de M. Gille qu’à celle de M. Vidalies. Je ne veux pas rouvrir le débat sur les 35 heures, mais je vois mal ce qu’elles peuvent être d’autre qu’un partage du travail considéré comme une denrée rare !

Fermons la parenthèse. Je ne vois pas bien ce que l’adjectif « générale » apporte à la loi…

Mme Sandrine Mazetier. Vous n’avez pas écouté M. le rapporteur !

M. Jean-Frédéric Poisson. Toutefois, j’ai bien entendu l’argumentation de M. le rapporteur, la position de nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, ainsi que celle du Gouvernement, et j’invite donc mes collègues de l’UMP à adopter cet amendement.

M. Michel Vergnier. Tout ça pour ça !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Dominique Dord, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel. Je profite de l’occasion – car il n’y en aura pas d’autre – pour saluer le travail remarquable des services de la commission. Rien ne leur échappe, pas même les petits détails de ce genre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 91.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le soutenir.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Puisque beaucoup souhaitent réduire le temps partiel et augmenter le nombre de CDI, cet amendement tombe à pic : il suggère un moyen d’atteindre cet objectif, en encourageant le développement des groupements d’employeurs.

Les groupements d’employeurs permettent à plusieurs entreprises de mutualiser leurs employés afin de les faire travailler à l’année en accomplissant plusieurs activités. C’est plus sûr pour les salariés – citons l’exemple récent d’une entreprise qui a déposé le bilan, et dont treize salariés sur quinze ont été replacés dans des entreprises adhérentes au groupement – et cela permet de remédier à la précarité du travail saisonnier, en se rapprochant de la forme du CDI. C’est en outre un bon moyen d’augmenter le pouvoir d’achat, puisque, comme l’a dit M. Gremetz, les salariés sans CDI ont souvent du mal à accéder au crédit à la consommation.

Or de nombreux secteurs de l’industrie et des services ont aujourd’hui d’importants besoins de main-d’œuvre. Mon amendement vise donc à permettre aux entreprises de plus de 300 salariés d’adhérer elles aussi aux groupements d’employeurs. Actuellement, les grandes entreprises de transport, du nautisme, de l’hôtellerie ou de la grande distribution, ou même La Poste ou EDF, ne peuvent les rejoindre.

M. Roland Muzeau. Heureusement !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Leurs besoins de main-d’œuvre sont comblés grâce à des intérimaires ou à des saisonniers. Je propose qu’à terme, ils le soient par les salariés d’un groupement d’employeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Beaucoup de membres de la commission, si ce n’est la totalité, sont favorables au développement des groupements d’employeurs. Ce point ne présente donc pas de difficultés.

Cela dit, il ne me paraît pas scandaleux que l’on réglemente l’adhésion des entreprises de plus de 300 salariés, puisque les groupements d’employeurs s’adressent plutôt, à ma connaissance, aux petites entreprises. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La commission a donc repoussé cet amendement, non en raison de divergences sur le fond, mais parce que l’accord ne comporte aucune disposition sur ce sujet.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est bien dommage !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis et même argumentation. Il ne s’agit pas ce soir de se prononcer sur le fond – j’ai d’ailleurs dit à la tribune que je connaissais votre attachement aux groupements d’employeurs, monsieur Taugourdeau. Mais si nous voulons favoriser leur développement, choisissons un cadre adapté.

M. Alain Vidalies. Eh oui !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Votre assemblée examine aujourd’hui un texte sur le droit du travail, consécutif à l’accord du 11 janvier dernier. Je comprends que vous cherchiez à profiter de ce véhicule législatif, mais vous êtes bien d’accord qu’il n’y a aucun lien entre les deux !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et c’est bien dommage !

M. Roland Muzeau. Cet accord, vous le respectez, oui ou non ? Nous vous surveillons !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En revanche, l’accord prévoit deux discussions à venir, l’une sur la mobilité, l’autre sur la gestion prévisionnelle des compétences. Je pense que ce cadre-là serait plus adapté. Je vous propose donc de saisir directement les partenaires sociaux de votre position et de votre proposition de rédaction, afin qu’ils en discutent.

Il ne s’agit donc pas d’une fin de non-recevoir : sur le fond, votre amendement est bon et intéressant ; en revanche, il risque d’introduire dans le texte des choses qui n’ont rien à voir avec l’accord sur le marché du travail. Je comprends bien votre motivation – nous en avons déjà discuté la semaine dernière –, mais je vous fais une autre proposition : saisir directement – soit vous, soit moi, soit nous deux ensemble – les partenaires sociaux à l’occasion de l’une des deux discussions prévues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Si je comprends bien, monsieur le ministre, vous me proposez de retirer l’amendement ?

M. le président. Je crois que vous avez bien compris.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Soit. Je précise cependant à M. le rapporteur que les groupements d’employeurs ne sont pas réservés aux petites entreprises. Cela est faux. Les emplois concernés par les groupements d’employeurs ne sont pas uniquement ceux de manœuvre ou de manutentionnaire ; certaines entreprises de taille respectable – pouvant même dépasser les 300 salariés – ne peuvent pas toujours proposer des activités à temps plein à leurs cadres, qui pourraient donc profiter de tels groupements. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Monsieur Taugourdeau, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 91 est donc retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 98.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à supprimer le II de l’article 1er, qui prévoit que l’employeur informe les délégués du personnel ou le comité d’entreprise « des éléments qui l’ont conduit à faire appel au titre de l’année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l’année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ». Ce dispositif doit, selon les termes du rapporteur, « assurer l’effectivité de la primauté reconnue au CDI en renforçant l’information des institutions représentatives du personnel ».

Non seulement nous contestons que vous accordiez véritablement la primauté au CDI, la nouvelle rédaction de l’article L. 1221-2 du code du travail laissant planer une ambiguïté sur la pérennité du mécanisme de présomption, mais nous réfutons le caractère novateur de ces dispositions. Si le projet de loi accorde en effet aux délégués du personnel un droit à une information générale « dans l’ordre économique » qui n’était jusqu’à présent reconnu qu’au seul comité d’entreprise, l’avancée est, reconnaissez-le, bien modeste ! Information ne signifie pas consultation. Le vrai progrès serait de porter à leur connaissance non seulement les raisons de tels recours aux CDD, mais aussi le nombre et la durée des contrats, ainsi que les postes concernés. Il serait surtout de recueillir l’avis du comité d’entreprise sur la politique de l’entreprise, et de sanctionner avec davantage de rigueur les entreprises qui ont recours de façon systématique et parfaitement abusive aux contrats précaires.

M. Michel Terrot. Vive les kolkhozes !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Il s’agit en définitive, un peu comme tout à l’heure, de rétablir la définition actuelle du contrat de travail à durée indéterminée : vous nous dites, monsieur Muzeau, que ce qui existe déjà suffit.

Outre le fait que les nouvelles dispositions figurent en toutes lettres dans le texte de l’accord que nous essayons de transposer, je crois qu’elles constituent quand même une avancée, même modeste, par rapport à la situation actuelle. En effet, comme vous l’avez noté, l’information sera communiquée non seulement aux comités d’entreprise, mais aussi aux délégués du personnel, ce qui signifie que ces dispositions s’appliqueront non seulement aux entreprises de plus de cinquante salariés, mais aussi à celles de onze salariés et plus – et il y en a beaucoup ! En outre, cette information ne sera pas que rétroactive, mais aussi prospective. Pour toutes ces raisons – mais surtout parce qu’elles sont inscrites noir sur blanc dans l’accord national interprofessionnel – il me semble utile de maintenir ces dispositions, et donc de rejeter votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé plus que d’habitude, je ferai donc de même.

Je souhaite tout d’abord vous communiquer les chiffres publiés aujourd’hui par Eurostat : il y a en France 17,3 % des salariés qui travaillent à temps partiel, et non 8 % – sans parler des CDD !

Relisons ensuite l’exposé des motifs du présent projet de loi. Il y est dit que l’article 1er précise que la forme normale et générale de la relation de travail est le contrat à durée indéterminée. « En conséquence, les contrats à durée déterminée, les contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire, doivent faire l’objet d’une information renforcée du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel ». C’est la suite qui est intéressante : « Cette information sera délivrée lors du rapport annuel ou semestriel remis par l’employeur sur la situation économique de l’entreprise. Les éléments qui l’ont conduit au titre de la période considérée – c’est-à-dire avant – à faire appel à ces types de contrats devront être donnés. De même, dans le cadre des perspectives de l’année à venir, l’employeur fera ressortir les éléments qui pourraient le conduire à faire appel à ces mêmes contrats. » En d’autres termes, on ne demandera pas l’avis du comité ou des délégués : on ne les informera pas avant de passer les contrats, mais seulement une fois l’an, ou de façon semestrielle, bref à la fin, quand tout aura été réglé !

Avouez qu’en termes d’information et de possibilité de discussion, on fait mieux !

Je voulais vous le signaler, monsieur le rapporteur, parce que je vous sais attaché à la concertation et à la démocratisation, ainsi qu’au rôle des comités d’entreprise. La nouvelle rédaction constitue un recul puisque normalement, vous le savez, les comités d’entreprise doivent être informés en amont, seule condition pour qu’une discussion puisse s’instaurer entre la direction et le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, en vue d’expliquer les raisons pour lesquelles l’entreprise doit faire appel à de tels contrats de travail, alors même qu’on peut licencier dans la même entreprise des salariés en CDI. Le rejet de cet amendement ne nous ferait pas avancer en direction de la concertation réelle et de la prise de décision commune, contrairement à ce que vous dites souhaiter.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je ne partage pas l’avis selon lequel la nouvelle rédaction serait inutile, à plus forte raison qu’elle constituerait une régression par rapport au texte existant en matière d’information. En effet, l’ajout important dans la nouvelle rédaction ne concerne pas l’information sur l’existence des contrats mais sur les « éléments » qui ont conduit l’employeur « à faire appel au titre de l’année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l’année à venir », à de tels contrats de travail. Que signifie l’ajout du mot « éléments » dans le contexte de l’accord interprofessionnel ? L’obligation pour l’entreprise de préciser si elle a rempli les exigences posées par la loi pour recourir à ce type de contrats, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ce dont étaient convenus les signataires, c’était de ne viser qu’une des conditions de recours au CDD ou à l’intérim prévues par la loi : le surcroît temporaire d’activités, les autres motifs étant transparents – absence ou formation d’un salarié. Or jusqu’à présent l’information porte sur l’existence et le nombre de contrats, mais non sur les « éléments » ayant conduit à faire appel à ces contrats. De ce point de vue, la nouvelle rédaction ne doit pas être supprimée mais au contraire retenue puisqu’il appartiendra désormais à l’employeur, à la fois, de donner a posteriori des explications sur ces « éléments », à savoir sur les raisons ayant justifié le recours à ce type de contrat pour surcroît temporaire d’activités, et d’organiser en amont un débat sur l’évolution de l’entreprise, en matière d’activités et de charges, en vue de justifier éventuellement un nouveau recours à de tels contrats pour l’année à venir. Cette disposition est également importante sur le plan individuel : en effet, le compte rendu de ces débats servira au salarié comme à l’entreprise de preuve objective en cas de procédure de requalification pour non-respect des conditions de recours au contrat à durée déterminée.

Je le répète : loin de représenter une régression, cette nouvelle rédaction apporte une précision tout à fait utile.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Dominique Dord, rapporteur. Cet amendement de précision se justifie par lui-même et reprend du reste mot pour mot la rédaction de l’accord national.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 99.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. L’amendement n° 99 est un simple amendement de précision, dont la portée est toutefois à nos yeux importante.

Nous considérons en effet – nous venons de l’évoquer – que les droits attribués par l’article 1er aux représentants du personnel, loin de constituer une avancée significative, sont faibles. La rédaction proposée constitue même un recul par rapport à l’existant ! Rappelons en effet que les articles L. 2323-6 et L. 2223-56 précisent que le comité d’entreprise est notamment « informé et consulté sur les questions de structures d’effectifs ». Quant au droit communautaire, il définit ainsi le périmètre de la consultation : « l’information et la consultation sur la situation, la structure et l’évolution probable de l’emploi au sein de l’entreprise ou de l’établissement ».

Pourquoi ne pas s’être contenté de conserver ces formules plus rigoureuses et plus précises ? Nous sommes d’autant moins satisfaits que le texte du projet de loi utilise un mot curieux : « éléments », lorsqu’il précise que « l’employeur informe les délégués du personnel […] des éléments qui l’ont conduit » ou le conduiront à faire appel aux emplois précaires.

La question est de savoir si ce mot peut être utilement substitué au mot « motifs ». Nous pensons le contraire. Comme le souligne le rapporteur, les partenaires sociaux avaient explicitement visé dans l’accord les recours au travail temporaire motivés par un accroissement temporaire de l’activité dans le but de prévenir abus et contournements. La notion de « motifs » du recours nous paraît, dans une telle perspective, bien plus conforme à l’esprit de l’accord que celle d’« éléments », qui nous en éloigne, car, loin de permettre un contrôle plus large par les institutions représentatives du personnel, elle le rend plus flou. Cela nous paraît un motif suffisant pour proposer de substituer dans les alinéas 7, 9 et 11 de l’article 1er, au mot : « éléments » le mot : « motifs ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

Tout d’abord l’accord…

M. Maxime Gremetz. Encore !

M. Dominique Dord, rapporteur. …emploie le mot « éléments », et non le mot « motifs ».

Ensuite, si je ne suis pas assez fin juriste pour percevoir une différence sémantique éventuelle. Je pense toutefois qu’elle existe. En effet, « motifs » renvoie à une notion de justification de la décision du chef d’entreprise alors que celui-ci doit simplement informer les institutions représentatives et non se justifier.

M. Roland Muzeau. C’est bien le problème !

M. Dominique Dord, rapporteur. Par prudence, je propose donc d’en rester aux mots employés par l’accord.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 92.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le soutenir.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je vais retirer cet amendement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), puisque j’espère rencontrer les partenaires sociaux pour évoquer avec eux la question des groupements d’employeurs qui ont été créés en 1985 par Martine Aubry, membre du Parti socialiste. Or ces groupements sont aujourd’hui très mal connus, y compris du législateur.

Monsieur Vidalies, le surcroît d’activités peut être géré non seulement par l’intérim, mais également par le biais des groupements d’employeurs.

M. Alain Vidalies. Je ne suis pas de cet avis.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Si, par le recours à des CDI en groupements d’employeurs ! Je vous expliquerai comment cela fonctionne !

M. le président. L’amendement n° 92 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 35.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, je souhaite, avec votre accord, pouvoir soutenir ensemble les amendements nos35, 36 et 37, qui répondent à une même philosophie.

M. le président. Je vous en prie, chère collègue

Mme Martine Billard. Ces amendements concernent toujours l’alinéa 7 de l’article 1er.

Actuellement, l’article L. 2313-5 du code du travail précise que « les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats de mise à disposition conclus avec les entreprises de travail temporaire ainsi que des contrats suivants : 1° Contrats d’accompagnement dans l’emploi ; 2° Contrats d’avenir ; 3° Contrats initiative emploi ; 4° Contrats insertion-revenu minimum d’activité ».

Je rappelle que nous avons voté assez récemment une recodification du code du travail, qui visait à rendre celui-ci plus lisible.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’ai entendu dire durant tous les débats que la réforme était anticonstitutionnelle et que le texte serait censuré par le Conseil constitutionnel !

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, ne vous énervez pas ! Il faut savoir rester calme !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le rappeler est un devoir de mémoire !

Mme Martine Billard. Dans le même temps, la loi a renvoyé de nombreux points au domaine réglementaire. La rédaction actuelle de l’article L. 2313-5 est donc le fruit de cette recodification.

Or le présent texte ajoute un alinéa avec lequel je ne suis pas totalement en désaccord, bien que sa portée me paraisse limitée, puisque l’information par l’employeur des délégués du personnel ne porte que sur les contrats de travail à durée déterminée et les contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.

Je regrette tout d’abord que cet ajout de deux types de contrats ne soit pas intégré à la structure de l’article L. 2313-5 du code du travail : c’eût été préférable pour la lisibilité d’un code dont la nouvelle rédaction se voit déjà remise en cause – il aurait suffi de préciser les contrats qui ne pouvaient pas être inclus dans l’article.

Mais je tiens surtout à noter que l’article prévoit actuellement que « les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats » alors que l’alinéa 7 prescrit que « l’employeur informe », ce qui n’est pas la même chose. Nous nous retrouverons ainsi avec deux niveaux différents : pour les contrats déjà prévus à l’article L. 2313-5, les délégués du personnel pourront en « prendre connaissance » – ce qui est très précis –, tandis que pour les deux types de contrats qui figurent dans le projet de loi, il s’agira d’une simple information de la part de l’employeur, ce qui est plus vague ou plus flou. Je trouve regrettable, je le répète, cette divergence dans la rédaction alors même qu’on vient de récrire le code du travail !

C’est la raison pour laquelle les amendements nos 35, 36 et 37, prenant acte que le législateur vise à augmenter la liste des contrats pour lesquels les délégués du personnel sont informés, proposent que l’information soit également complète pour les contrats à temps partiel – amendement n° 35 –, pour les « contrats aidés non comptabilisés dans l’effectif » – amendement n° 36 –, ainsi que pour les stagiaires – amendement n° 37. Cela permettrait, je le répète, de disposer d’une information complète sur l’ensemble des contrats et des situations de travail qui ne relèvent pas de la forme normale de la relation de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 35, 36 et 37 ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

En effet, l’accord national interprofessionnel…

Mme Martine Billard. Encore !

M. Dominique Dord, rapporteur. C’est un peu répétitif, je le reconnais !

…n’a pas apporté ces précisions. C’est donc de façon très clair qu’il n’a pas inclus les temps partiels, les contrats aidés et les stagiaires. C’est pourquoi je vous propose de vous en tenir à l’accord.

M. le président. L’avis du Gouvernement est-il identique ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 124.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Alors que de trop nombreuses entreprises recourent irrégulièrement au contrat de travail à durée déterminée et que l’action des salariés en requalification de leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée a généralement lieu après la rupture du contrat, l’amendement n° 124 vise à permettre, grâce au contrôle des élus du personnel, une mise en conformité de l’ensemble des contrats de travail à durée déterminée conclus avec l’employeur. Cet amendement vise donc à donner aux délégués du personnel le droit non seulement de constater a posteriori que le recours à certains contrats à durée déterminée n’était pas justifié, mais de s’opposer à la conclusion de tout nouveau contrat de travail à durée déterminée jusqu’à la requalification en contrat de travail à durée indéterminée des contrats en cours auxquels l’employeur a fait appel irrégulièrement.

Cet amendement permettra d’exercer un tel contrôle, le projet de loi et le code du travail étant très clairs sur les conditions à remplir pour faire appel à des CDD. En effet, l’employeur ne peut y recourir en vue de remplacer des salariés, comme cela se fait habituellement, sur des pôles de travail aux tâches répétitives, mais en cas seulement de « bourre », comme dirait Dany Boon, ou de « pointes d’activités », comme le précise plus élégamment le code du travail, ou en cas de remplacement d’un salarié malade. Tel est l’objet de cet amendement. L’information a posteriori relative à des embauches dans le cadre de contrats aidés ne suffit pas : des sanctions doivent être prises en cas de contrats passés de façon illégale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable, non seulement, monsieur Gremetz, parce que votre amendement n’est pas conforme à l’accord national interprofessionnel, mais également parce qu’il ne l’est pas non plus aux principes généraux du droit du travail, qui, à aucun moment, ne prévoient qu’on puisse bloquer les décisions d’un chef d’entreprise, qui en est tout de même le seul responsable ! Elles peuvent par la suite être sanctionnées par des tribunaux, mais il n’existe pas, à mon sens, une seule disposition permettant à un délégué du personnel de bloquer une décision du chef d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis identique parce que si l’on suivait la démonstration de M. Gremetz, on finirait par croire qu’il en veut au pouvoir de direction du chef d’entreprise.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oh non, c’est impossible !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je ne voudrais donc pas qu’il y ait méprise.

M. Maxime Gremetz. On ne peut nier que, parmi eux, il y a beaucoup de truands !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Qui plus est, j’ai aussi le sentiment qu’il pourrait y avoir une contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la liberté d’entreprendre. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Maxime Gremetz. Je vous rappelle que c’est moi qui ai inventé la notion de « patron-voyou », reprise à son compte par le précédent Président de la République !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur Gremetz, vous ne pouvez pas substituer les délégués du personnel à l’employeur !

Par ailleurs, faire valoir que « la forme normale et générale de la relation de travail est le contrat à durée indéterminée », ainsi qu’il est écrit noir sur blanc dans l’exposé des motifs du projet, aura des conséquences importantes en matière de poursuites, dès lors que des délégués du personnel iront en justice pour requalifier des CDD en CDI.

Si le principe énoncé dans l’exposé des motifs recueille l’assentiment de l’Assemblée, l’adoption de l’amendement aurait donc une conséquence importante pour certaines entreprises qui utilisent nombre de contrats ne correspondant pas à « la forme normale et générale ».

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ils ont été deux à me répondre cette fois, ce qui constitue un progrès.

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne saurait dire dans quel sens…

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Pour donner l’avis de la commission et celui du Gouvernement, on ne peut aller au-delà de deux !

M. Maxime Gremetz. Monsieur Dord, vous ne m’avez pas bien lu ! Qui vous a dit que je demandais que les délégués du personnel puissent empêcher le patron de signer un contrat ? Je dis simplement que les délégués du personnel ont le pouvoir d’engager une procédure quand la loi n’est pas respectée. C’est le droit d’opposition ! Vous ne le connaissez pas ? Vous êtes pourtant un bon juriste. Vous faites donc semblant de ne pas savoir.

Vous avez volontairement mal lu mon amendement car je n’ai jamais rien indiqué d’autre à propos des délégués qu’ils disposent du pouvoir d’engager une procédure. On ne va tout de même pas permettre à certains de continuer à établir des contrats à durée déterminée, alors qu’ils se trouvent dans l’illégalité, qu’ils ne respectent pas les dispositions prévues !

J’espère que vous avez bien compris, monsieur le rapporteur, même si je sais bien que vous n’êtes pas d’accord.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 123.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le défendre.

M. Maxime Gremetz. Il est défendu. Il s’agit du même principe que précédemment. Je souhaite tout de même en dire un mot.

L’amendement n° 124 concernait les délégués du personnel tandis que celui-ci se rapporte au comité d’entreprise, les deux ne pouvant être l’objet d’un seul amendement. L’amendement n° 123 donne donc également au comité d’entreprise un droit d’opposition à la conclusion de nouveaux accords si les dispositions du code du travail ne sont pas respectées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Hélas, même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 5 et 18.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour défendre l’amendement n° 18.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement rédactionnel, adopté par la commission, est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5 et 18.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 93.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le soutenir.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 93 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 38, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir cet amendement.

Mme Martine Billard. L’accord du 11 janvier 2008 stipule que le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail, ce qui laisse supposer, a contrario, que tout autre contrat ne relève pas de la forme normale et générale du contrat de travail, et donc, notamment, les contrats précaires, les contrats à temps partiel.

Je sais bien que le moment n’est jamais venu, selon vous, – et voilà cinq ans que cela dure –, d’examiner nos propositions d’encadrement du travail précaire, sur lequel on pleure pourtant beaucoup. Ainsi, même si l’on me répond qu’il n’a pas de rapport avec l’ANI, le présent amendement propose que les entreprises employant au moins onze salariés – il ne s’agit pas, en effet, de sanctionner les petites entreprises – soient soumises à une taxe de précarité perçue sur celles qui emploieraient de manière permanente les autres contrats que les CDI à temps plein. Sont exclus bien sûr de ce dispositif les contrats à durée déterminée signés à l’occasion d’un remplacement en cas d’arrêt maternité, d’un arrêt longue maladie ou d’un travail momentanément supplémentaire.

Pour le reste, on sait très bien que, dans certains secteurs, on emploie constamment des salariés en CDD. Ainsi utilise-t-on un salarié pendant six mois ou un an, on le met à la porte au terme de son contrat et l’on embauche un nouveau salarié pour réaliser le même travail. Il s’agit d’un dévoiement de la philosophie du CDD. Or, comme l’a expliqué Alain Vidalies, ce sont les entreprises qui ont recours en masse aux CDD qui sont le plus avantagées en matière de paiements de cotisations et des différents assujettissements.

Cet amendement propose par conséquent d’assujettir ces entreprises – qui ne méritent pas le titre d’entreprises citoyennes et qui vivent en profitant des autres, lesquelles, pour leur part, respectent strictement la lettre du code du travail – à une taxe de précarité perçue au profit d’un fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Elle permettrait donc de subventionner des actions contre la précarité pour améliorer la situation des autres salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Mme Billard en a donné elle-même la raison : l’accord national interprofessionnel n’a pas du tout prévu la création de cette taxe de précarité. Même si on l’instituait, elle constituerait vraiment un facteur de déséquilibre de l’accord.

On comprend, par ailleurs, la volonté des signataires de l’amendement de sécuriser, de cadenasser à mort la situation. Seulement, madame Billard, l’accord prévoit des éléments de sécurisation. J’hésite à vous en dresser la liste à une heure aussi tardive.

Voici néanmoins quelques exemples : la réduction de trois ans à un an de l’ancienneté requise pour bénéficier de la garantie du salaire en cas de maladie, la réduction du délai de carence en cas d’indemnisation maladie, la réduction des périodes d’essai, la réduction de l’ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de licenciement, la conservation du bénéfice de la mutuelle d’entreprise pendant un certain temps après la rupture, la portabilité du droit individuel à formation, l’intégration des périodes de stage, l’accès facilité des jeunes à l’assurance chômage…

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Et encore, il ne vous énumère pas toutes les mesures parce qu’il est tard !

M. Dominique Dord, rapporteur. Nous avons là, tout de même, un dispositif suffisamment riche pour ne pas créer de nouvelle taxe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’admire l’enthousiasme du rapporteur sur les éléments de sécurisation prévus par l’accord. D’abord, je rappelle que le fameux article 14 de l’accord, relatif à la portabilité de certains droits, n’est pas transcrit dans la loi. On nous assure qu’on y viendra plus tard. Un vieux proverbe français dit qu’il vaut mieux tenir que courir. Pour ce qui est de tenir, pour l’instant, le texte offre toutes les garanties en matière de flexibilité. Pour ce qui est de la sécurité, en revanche, on renvoie à de futures négociations.

Ensuite, les petites mesures de sécurisation prévues par le texte, monsieur le rapporteur, ne justifient tout de même pas un tel enthousiasme. En effet, la durée de portabilité sur les contrats de prévoyance et sur les mutuelles dans les entreprises demeure assez limitée. N’exagérons donc rien. Pour les salariés qui retrouveront vite du travail, ce sera bien ; malheureusement, les autres seront toujours dans la même situation.

Quant aux autres avancées que vous avez énumérées, j’en avais moi-même fait la liste au cours de la discussion générale, rappelant que ces avancées existent dans les accords conventionnels et donc dans l’immense majorité des branches. Alors que, jusqu’à présent, vous nous expliquiez qu’il fallait surtout en rester aux accords et limiter les ajouts au code du travail, tout à coup vous défendez avec enthousiasme la transposition des accords dans la loi ! Je n’ai rien contre, mais ne venez pas ensuite soutenir qu’il s’agit de grandes avancées sociales puisque l’immense majorité des salariés avaient déjà la possibilité d’en profiter. Votre texte ne constitue donc une avancée que pour quelques-uns. Aussi, pas de quoi faire des déclarations enthousiastes !

Enfin, on argue souvent qu’instaurer une telle taxe découragerait les entreprises d’embaucher. Des études démontrent qu’en fin de compte la multiplication des CDD n’est pas non plus une solution pour augmenter l’emploi. D’ailleurs, depuis le temps que les CDD ont été créés, multipliés, l’emploi n’a pas réellement augmenté. On constate donc bien que ce n’est pas franchement la solution et qu’il doit en exister d’autres plus efficaces. On doit en effet se rappeler qu’un emploi n’est pas forcément la garantie de vivre dignement. En effet, un emploi à temps partiel et mal payé permet surtout de vivre dans la misère.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cette idée de bonus-malus n’est tout de même pas à rejeter ; elle est même bonne si elle implique que plus on a recours aux contrats précaires, plus on doit participer à l’effort de solidarité nationale et que, inversement, plus les entreprises utilisent des CDI, moins elles ont à participer à la solidarité nationale. Reste en effet qu’elle n’est sans doute pas la bienvenue dans ce texte.

Je pense en revanche qu’il serait bon, monsieur le ministre, que vous sollicitiez les partenaires sociaux sur ce genre de sujet. Le dispositif que prévoit l’amendement permettrait en effet aux entreprises citoyennes, celles qui utilisent des salariés en CDI, de payer un peu moins de charges sociales, pertes compensées par la contribution des entreprises qui n’utilisent que des contrats à temps partiel ou des contrats précaires. Une telle mesure ne serait pas complètement injuste ni inéquitable.

Je m’abstiendrai donc sur cet amendement. Je ne voterai pas contre parce que, si elle n’a pas sa place dans ce texte, l’idée me paraît intéressante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 16 avril 2008 à zéro heure quinze, est reprise à zéro heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 2

M. le président. Nous en venons à l’article 2.

La parole est à M. Dominique Tian, inscrit sur l’article.

M. Dominique TianCet article porte sur les périodes d’essai interprofessionnelles. Un point me semble devoir être éclairci. Le projet de loi prévoit que le renouvellement de la période d’essai ne sera possible que si l’accord de branche étendu qui est applicable le prévoit expressément. Par contre, le texte ne précise pas si la possibilité de ce renouvellement doit figurer expressément dans le contrat de travail, avec l’accord express du salarié. C’est actuellement le cas. Des arrêts de la Cour de cassation vont dans ce sens.

D’autre part, le texte prévoit un délai dé prévenance de 48 heures en cas de rupture à l’initiative du salarié, ce qui est tout de même assez nouveau. Par exemple, un salarié qui sera en période d’essai depuis six ou huit mois pourrait, en l’espace de 48 heures, quitter l’entreprise avec laquelle il est en contrat. Cela peut causer de nombreux soucis aux entreprises.

En outre, c’est toujours la disposition la plus favorable au salarié qui sera retenue. C’est là un principe assez constant en droit social. Je pense donc que des conflits peuvent intervenir entre les dispositions législatives actuelles et celles des conventions collectives en cours.

Peut-être faudrait-il préciser ce qui doit être considéré comme la clause la plus favorable au salarié. Est-ce la période d’essai la plus longue, ou au contraire la plus courte ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Je reviens rapidement à la discussion sur l’article précédent. Il est un terme qui, tout de même, pose problème. C’est celui de « partenaires sociaux ». L’idée semble prévaloir que, finalement, tout cela se serait réglé par des accords entre différents partenaires qui sont sur un pied d’égalité : d’un côté, les organisations syndicales, et de l’autre, les organisations patronales, qui ne sont pas des syndicats.

Deuxième observation, s’agissant de sanctionner ou de pénaliser des entreprises qui auraient recours de façon trop systématique à des contrats précaires, j’aimerais savoir quelle organisation s’opposerait à une telle avancée. Car il s’agirait bien d’une avancée. Cela a été dit tout à l’heure au cours du débat, et tout le monde le sait, certaines entreprises ne se cachent pas d’employer de façon systématique, permanente, continue, sur des postes précis, des personnes en contrat précaire. Je ne sais pas qui s’opposerait à ce que cette pratique soit sanctionnée. Peut-être le MEDEF, après tout. Mais je ne vois pas un syndicat qui s’y opposerait, y compris parmi les quatre qui ont pourtant signé l’accord, et qui, probablement, aimeraient bien qu’une telle avancée soit faite.

En lisant cet article 2, j’ai eu le sentiment qu’il s’agissait de faire rentrer par la fenêtre ce qui, il y a quelques temps, est sorti par la porte, à savoir le CPE et le CNE, et ce en instituant des périodes d’essai beaucoup plus longues.

M. Roland Muzeau. Exactement !

M. Daniel Paul. Quand il s’agit de rendre les pratiques moins favorables au droit des salariés, vous n’hésitez pas à recourir à la loi au détriment de la voie conventionnelle, alors même que vous savez, en d’autres occasions, dénoncer l’outil législatif comme un archaïsme français liberticide.

Rappelons en effet que la plupart des conventions collectives prévoient actuellement des périodes d’essai comprises entre une semaine et trois mois. Comment pouvez-vous affirmer, comme vous l’avez fait en répondant à M. Muzeau, que cet article 2 va dans le sens de plus de sécurité ? En fait, vous actez dans la loi un dispositif plus défavorable au salarié.

Comment ne pas voir dans cette disposition un instrument de flexibilisation du droit du travail au service des employeurs ?

Car enfin, chers collègues, s’il est tout à fait normal que l’employeur puisse vérifier les compétences et la motivation des salariés pendant une période d’essai, le texte que vous nous proposez ce soir ouvre la porte à de réels abus en la matière ! Convenez que deux mois, quand il s’agit de juger des compétences d’une personne pour des travaux d’exécution, c’est un peu long !

Qui plus est, ces périodes pourront être doublées, si un accord de branche le prévoit. Je m’en réfère pour cela à votre article 2.

Pour les cadres, on arriverait donc ainsi à huit mois de période d’essai ! Certes, le Conseil d’État a précisé, dans son avis sur le texte, que cette durée ne pourrait être qu’un plafond. Mais enfin, la porte est ouverte. Huit mois pendant lesquels il serait difficile pour les salariés d’espérer un logement, de contracter un prêt, de lancer un projet de long terme.

Au final, la période d’essai continuera-t-elle réellement à servir à ce pour quoi elle est conçue, à savoir l’évaluation générale des compétences et de la motivation du nouvel employé ?

En revanche, ces dispositions font sens si l’on se place du strict point de vue de l’employeur, qui pourra, pendant une période bien plus longue qu’auparavant, éviter l’application du droit du licenciement, élément pourtant central du droit du travail, qui impose certaines procédures, « liberticides » ou « protectrices », selon le point de vue auquel on se place...

Avec votre texte, cette période d’essai deviendrait en fait une période de validation économique. Elle permettrait une flexibilité plus grande dans la gestion du personnel.

On peut d’ailleurs imaginer des scenarii quelque peu machiavéliques : par exemple, l’embauche de personnes en CDI sur des durées pouvant aller jusqu’à huit mois, sans s’embarrasser du versement de la prime de précarité qui accompagne toute embauche de salariés en CDD...

On a en tête les modes de recrutement actuels de nombreuses entreprises, grandes ou petites, qui n’hésitent pas à faire passer les salariés par la voie de l’intérim, à renouveler des contrats d’intérim à deux ou trois reprises, avant de daigner accorder un CDD et de faire attendre ceux-ci pendant quatre mois au moins, avant l’hypothétique signature d’un CDI... Ainsi, si ce texte était adopté, pendant plus d’un an, les salariés seraient en situation précaire et incertains quant à leur sort !

Bref, cet article constitue bien un outil de « détricotage » supplémentaire du droit du travail.

M. Roland Muzeau. C’est vrai !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. L’intervention de M. Paul n’était pas à proprement parler une question. Je pense que nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur Paul, en examinant les amendements déposés par votre groupe.

Je voudrais répondre à M. Tian. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante : ce qui est le plus favorable au salarié, c’est la période d’essai la plus courte. C’est donc bien la référence à la période d’essai la plus courte qui continuera à s’appliquer.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 39 et 100.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 39.

Mme Martine Billard. Si vous le permettez, monsieur le président, je ferai une intervention assez globale, ce qui me permettra, pour la majorité des amendements, de ne pas reprendre la parole.

Cet article 2 transpose en droit les dispositions qui figurent actuellement dans les accords de branche. L’accord interprofessionnel qui a été signé prévoyait des minima et des maxima. Il prévoyait notamment une période d’essai comprise entre un et deux mois pour les ouvriers et employés.

À l’heure actuelle, la majorité des accords de branche – pas tous – prévoient une période d’essai d’un mois pour les emplois d’ouvriers ou employés non qualifiés, et parfois de deux mois pour des emplois qualifiés. Par exemple, un OS aura au maximum un mois d’essai. Par contre, un OP peut avoir deux mois d’essai.

Cela est codifié dans les accords de branche, en fonction de la classification : les métiers n’étant pas les mêmes dans chaque branche, on peut comprendre qu’il y ait des différences.

Ce qui m’étonne, d’ailleurs, c’est que jusqu’ici, l’UMP était en général la première à vanter cette possibilité de souplesse, en fonction des branches et des métiers. Or, avec cet article, on entre dans le droit codifié. Et du coup, on se retrouve avec des dispositions qui s’appliquent de manière générale aux périodes d’essai des ouvriers et des employés. Dans le texte de l’accord, je le répète, la période d’essai pouvait être d’un ou deux mois.

Le Conseil d’État a proposé de supprimer les planchers et de ne retenir que des maxima. Mais c’est là que, du coup, avec ces modifications, l’article devient un peu bancal.

Si l’on parle de maxima, c’est qu’il peut y avoir des durées inférieures. L’alinéa 15 n’en prévoit pas moins qu’il pourra y avoir des durées d’essai plus courtes que les maxima. Plus loin, l’alinéa 25 prévoit que les accords de branche qui fixent actuellement des durées d’essai plus courtes seront caducs le 30 juin 2009. Pourquoi, puisque nous sommes dans le cadre de maxima et non plus de planchers ? Cet article 2, tel qu’il devient rédigé, soulève bien des interrogations. On finit par se dire que si la possibilité d’avoir des durées d’essai plus courtes est tellement encadrée, si les branches sont obligées de renégocier les durées des périodes d’essai lorsqu’elles ne sont pas aux maxima, c’est qu’il y a une volonté d’arriver aux durées maximales proposées par la loi, y compris pour les accords de branche où elles ne sont encore que de trois mois pour les cadres.

En lisant l’accord pour la première fois, j’ai constaté que les durées augmentaient d’un mois pour chaque catégorie. Soit. Mais le texte du projet de loi et l’obstination du Gouvernement sur l’alinéa 25 m’incitent à penser que l’alignement de toutes les périodes d’essai sur les maxima proposés pour les trois catégories – deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les agents de maîtrise et techniciens, quatre mois pour les cadres – est bien le but poursuivi, probablement pas par les confédérations syndicales de salariés, mais par le patronat qui se bat depuis longtemps pour l’obtenir.

Voilà pourquoi, en désaccord avec cette rédaction, je propose la suppression de l’article 2 et d’en rester à ce qui existe aujourd’hui dans les accords de branche. Si le sens de l’accord avait été celui qui nous est proposé pour la transcription, il me semble que les partenaires sociaux auraient adopté cette formulation dès le début.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 100.

M. Roland Muzeau. L’article 2 du projet de loi transpose les stipulations de l’article 4 de l’accord. Lors des négociations sur la durée de la période d’essai, les organisations patronales ont été contraintes de reculer par rapport à leurs premières exigences : six mois pour les ouvriers et employés, douze mois pour les cadres. Il n’en reste pas moins que la durée de la période d’essai s’allonge – deux mois pour les ouvriers, deux à trois mois pour les agents de maîtrise et techniciens, quatre mois pour les cadres – alors que la plupart des conventions collectives prévoient actuellement des durées comprises entre une semaine et trois mois suivant les postes. De telles durées sont également bien au-dessus de ce qu’admet la jurisprudence de la Cour de cassation.

Pourquoi avoir prévu l’allongement des périodes d’essai, si ce n’est pour renouer avec la logique des CPE et CNE, en allongeant la période de précarité des salariés et en évitant aussi longtemps que possible l’application du droit du licenciement ? Rien d’autre ne peut justifier des durées aussi excessives au regard de la finalité des clauses d’essai : une première évaluation in situ du salarié embauché. Pour reprendre un exemple développé par M. Emmanuel Dockès, professeur à Lyon 2, qui peut soutenir la nécessité de disposer de deux mois pour évaluer si une personne est capable ou non de faire correctement la plonge dans un restaurant ? Un chef d’entreprise aussi lent dans sa capacité d’évaluation, souligne-t-il avec humour, mériterait sans doute d’être licencié pour incompétence !

M. Daniel Paul. Bravo !

M. Roland Muzeau. Pourtant, s’il souhaite obtenir un délai supplémentaire et si une convention de branche étendue le prévoit, les durées pourront être doublées. C’est surréaliste, sauf évidemment dans l’optique qui est la vôtre de satisfaire les desiderata les plus déraisonnables et fantaisistes des organisations patronales.

Pour notre part, nous ne pouvons que demander la suppression de l’article 2 pour en rester à la situation présente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous demandez cette suppression, puisque vous avez fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour définir par la suite ce qu’est la période d’essai. C’est donc que vous reconnaissez l’intérêt de cet article, dont, paradoxalement, vous demandez la suppression.

Vous n’avez cessé de nous reprocher de ne pas retranscrire toutes les dispositions de l’accord national interprofessionnel, et vous voulez supprimer son article 4 entièrement consacré à la période d’essai. C’est tout à fait contradictoire !

Enfin, je m’étonne, alors que notre philosophie nous porte plutôt à privilégier le contrat ou la convention, que ce soit nous qui plaidions pour une transcription dans la loi. Je rappelle que les seules dispositions qui régissent actuellement la période d’essai dans le code du travail tiennent sur une ligne, et encore viennent-elles a contrario de l’article L. 1231-1 : « Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai ». Point !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est bien vu !

M. Dominique Dord, rapporteur. Est-ce cela que vous considérez comme une sécurisation ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Il faut bien le dire !

M. Dominique Dord, rapporteur. Ceux que vous souhaitez défendre risquent de ne pas comprendre.

Enfin, monsieur Muzeau, ce n’est pas la thèse du MEDEF que nous transcrivons dans la loi, mais un accord interprofessionnel qui a recueilli les signatures de quatre centrales syndicales.

M. Daniel Paul. Elles ont été un peu poussées !

M. Dominique Dord, rapporteur. Que cela vous plaise ou pas, c’est la réalité. Vous ne pouvez pas dire non plus qu’il s’agisse d’un allongement de la durée de la période d’essai puisque seule une durée maximale est prévue et que toutes les situations sont encadrées.

Mme Martine Billard. Alors, supprimez l’alinéa 25 !

M. Dominique Dord, rapporteur. Même avec une durée maximale de quatre mois, je suis sûr qu’on pourrait trouver, dans des entreprises ou des accords, des durées aujourd’hui plus longues. Par conséquent, cette disposition contribuera, non pas à allonger, mais probablement à réduire, pour un certain nombre d’accords, la période maximale. Il faut donc rejeter ces deux amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. En général, dans les débats sur ces sujets ou lors des questions d’actualité, nous avons droit à des comparaisons internationales tendant à montrer que notre droit serait un carcan dont les entreprises françaises ne pourraient se sortir et qui expliquerait beaucoup de nos difficultés. Je voudrais vous remercier, monsieur le rapporteur,…

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Vous évoluez bien !

M. Alain Vidalies. …parce qu’il est assez rare de lire sous la plume d’un élu UMP que « les éléments de comparaison internationale, souvent incertains, dont on dispose, ne font pas apparaître le système français comme toujours le plus rigide, le plus coûteux et le plus défavorable aux employeurs ». C’est à la page 10 de votre rapport et nous ne manquerons pas une occasion de vous citer ce passage à l’avenir ! (Sourires.) Je vous remercie pour cette information aussi objective qu’intéressante.

S’agissant de la période d’essai, il n’est pas raisonnable de dire que le texte soit une régression par rapport au droit actuel. D’abord, la période d’essai ne peut être renouvelée que s’il existe un accord de branche étendu. Encore faudrait-il trouver des gens pour le signer, car si, en majorité, les organisations syndicales ne sont pas d’accord, il leur suffira de faire jouer leur droit d’opposition. Ce délai majoré a donc bien peu de chances d’entrer en application, sinon dans des circonstances tout à fait extraordinaires.

Ensuite, le texte introduit une deuxième avancée, qui n’est pas soulignée par les commentateurs. Si je ne me trompe – et M. le ministre me le dira –, la période d’essai peut être renouvelée aujourd’hui sur le seul fondement d’une précision figurant dans le contrat de travail individuel. Avec le présent texte, cette disposition, qui est probablement la plus précaire individuellement pour les salariés, n’existe plus puisque le renouvellement ne dépendra plus que de l’existence d’un accord de branche étendu.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est vrai !

M. Alain Vidalies. Ce seul point très positif mérite que l’on écarte les critiques adressées à cet article.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 39 et 100.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour le soutenir.

M. Jean-Patrick Gille. Cet amendement, dont nous avons la faiblesse de croire qu’il est meilleur que les autres allant dans le même sens, tend à introduire textuellement dans le code du travail la définition de la période d’essai inscrite par les partenaires sociaux dans l’article 4 de l’accord. Il paraît opportun de la faire intervenir le plus tôt possible, dès la première évocation de la période d’essai.

Je profite de l’occasion pour me féliciter que cet article prenne en compte les stages obligatoires effectués à l’issue de la dernière année étude d’un cursus pédagogique pour au moins la moitié de la durée de la période d’essai. J’ouvre une parenthèse pour dire qu’un problème se pose pour les étudiants des instituts régionaux de travail social, qui ne trouvent plus de stage parce que les organismes censés les accueillir n’ont pas les moyens de financer les gratifications correspondantes. De ce fait, l’issue de leur cursus est gravement compromise. Nous les avons reçus la semaine dernière et nous sommes en train de vous écrire à ce sujet, monsieur le ministre. Mais puisque vous êtes là, j’en profite pour vous dire de vive voix qu’il est urgent de résoudre ce problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, mais a adopté un peu plus tard l’amendement n° 6, que vous avez cosigné avec votre groupe et qui reprend également la définition de la période d’essai, à un emplacement du texte peut-être un peu moins approprié, il est vrai. Je vous suggère donc de retirer votre amendement n° 28 au profit du n° 6, qui a fait consensus au sein de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement s’apprête à donner un avis favorable à l’amendement n° 6 de la commission, qui est dans le même esprit, même s’il est rédigé un peu différemment.

Je vous demande donc, monsieur Gille, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Monsieur le rapporteur, nous avons déjà eu cette discussion en commission.

J’ai la faiblesse de croire que ma formulation est plus proche du texte et que mon amendement se situe à un meilleur endroit du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur Gille, je vais répondre à votre question sur la gratification des stages des étudiants futurs travailleurs sociaux, à laquelle je suis très attentif.

Il s’agit d’une disposition plus favorable aux étudiants et aux stagiaires. Mais différents chefs d’établissement se plaignent de ne pas avoir les moyens nécessaires au financement.

Si les jeunes étaient pénalisés hier, ils n’ont pas vocation à l’être aujourd’hui, alors que le dispositif se veut plus favorable.

La DGAS, à ma demande, a étudié la situation. Il faut savoir qui doit payer, mais, surtout, je le répète, les étudiants ne doivent pas faire les frais de la situation. Ils doivent trouver toute leur place dans les établissements.

Je ne veux pas que les jeunes soient pris en otages, qu’ils se trouvent placés entre le marteau et l’enclume. Il ne faut pas que les stages se tarissent. Les jeunes doivent pouvoir accomplir leur cursus dans de bonnes conditions.

Pour les stages, le dispositif vient un peu de la préhistoire, d’une période qui n’accordait pas toute leur place à ces jeunes. Nous avons pris un premier décret, mais nous n’avons pu aller au-delà, car la loi de 2006 ne nous permet pas de faire plus. Je crois savoir qu’il y aura des initiatives parlementaires sur ce sujet. Elles seront soutenues par le Gouvernement car les stages sont essentiels. C’est, en effet, le premier regard que le jeune porte sur l’entreprise.

L’accord du 11 janvier permet de prendre en compte les stages, pour diminuer la période d’essai. Je veux cependant me garder de tout excès. Si nous faisions n’importe quoi en matière de stages et de gratification des stages, les entreprises pourraient ne plus en accorder. Nous n’aurions alors rien gagné.

Il faut trouver un juste équilibre, tant pour les étudiants en cycle de formation de travailleur social que pour les entreprises. Valérie Pécresse, la DGAS et moi-même sommes mobilisés pour trouver une solution définitive.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 137.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Decool. Je propose d’améliorer la rédaction du texte en supprimant le mot « maximale » dans l’alinéa 4 de l’article 2.

Il ne s’agit pas d’une durée maximale, puisque celle-ci peut être renouvelée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Je pense, en fait, que nous sommes d’accord.

La période d’essai peut être renouvelée, mais, en supprimant le mot « maximale », nous nous retrouvons dans le cas de figure, fustigé tout à l’heure par l’opposition, où l’on ouvre la voie à l’allongement de la période d’essai.

Aujourd’hui, elle est de quatre mois – deux fois deux mois – au maximum. Vous ne pouvez réduire la période d’essai en deçà de deux mois. Mais, paradoxalement, on lit quelques lignes plus loin que les périodes d’essai peuvent être plus courtes.

Si l’on veut être cohérent, il faut maintenir la notion de « durée maximale ». Mais cela ne signifie pas que la durée maximale ne peut être renouvelée.

Je vous suggère, monsieur Decool, de retirer votre amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Compte tenu des explications du rapporteur, qui me convainquent presque, je retire l’amendement n° 137.

M. le président. L’amendement n° 137 est retiré.

Madame Billard, peut-on considérer que vous avez déjà défendu les trois amendements nos 40, 41 et 42 ?

Mme Martine Billard. Je retire ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos 40, 41 et 42 sont retirés.

Je suis saisi de trois amendements, nos 133 rectifié, 6 et 134, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 et 134 sont identiques.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour défendre l’amendement n° 133 rectifié.

M. Francis Vercamer. J’ai déposé deux amendements nos 133 rectifié et 134 qui concernent la définition de la période d’essai.

La définition de la période d’essai ne figure pas dans le projet de loi. J’ai proposé dans l’amendement n° 133 rectifié celle donnée par le Bureau international du travail : « Une période de formation ou de travail à un poste donné, destinée à permettre à l’employeur d’évaluer les aptitudes d’une personne pour cet emploi. » Selon cette définition, puisque la période d’essai est destinée au seul employeur, plus cette période est courte, plus elle profite au salarié.

La période de formation fait partie de la période d’essai. Cela signifie qu’un stage, qui est une période de formation, est bien une période d’essai, selon le droit international. Cette disposition doit s’appliquer en France.

Cependant, j’ai craint que le Gouvernement n’objecte que la définition du BIT n’est pas celle de l’accord national interprofessionnel. J’ai donc déposé un amendement, n° 134, reprenant les termes de l’ANI.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 6.

M. Dominique Dord. Je laisse à Mme Billard le soin de présenter l’amendement n° 6, dont elle est à l’origine.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. J’avais proposé de reprendre le texte de l’ANI. Cet amendement a ensuite été repris par la commission.

Monsieur le rapporteur, il ne s’agissait pas, en cosignant cet amendement qui reprend le texte de l’ANI, de renier mon amendement de suppression, qui se fondait sur une évolution dommageable de la transposition de l’accord, mais bien de chercher, n’étant jamais pour la politique du pire, à améliorer les dispositions existantes.

Je ne connaissais pas la définition du BIT, reprise par l’amendement de M. Vercamer. Je la trouve intéressante. Il convient de retenir la possibilité d’intégrer la période des stages dans la période d’essai. À cet égard, nous examinerons ultérieurement plusieurs amendements concernant la définition des stages.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Vercamer, la définition du Bureau international du travail me semble plus restrictive que celle trouvée par les partenaires sociaux, qui figure dans l’ANI, puisqu’elle ne mentionne que l’adaptation au poste de travail.

L’accord va plus loin et permet au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

M. Francis Vercamer. Soit !

M. Dominique Dord, rapporteur. La réciprocité trouvée par les partenaires sociaux dans l’ANI me paraît plus riche que celle du BIT.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. La rédaction proposée par l’amendement n° 6 ne modifie pas la jurisprudence équilibrée existante s’agissant de l’objet et du contenu de la période d’essai.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. La proposition de M. Vercamer ne saurait être écartée. Je crois que les amendements n°s 133 rectifié et 6 pourraient se compléter.

L’amendement n° 133 rectifié précise fort utilement que la période d’essai est à la fois une période de travail et aussi de formation, alors que l’amendement n° 6 ne traite pas de la période de formation. Ce défaut était déjà préexistant dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je retire l’amendement n° 133 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 133 rectifié est retiré.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6 et 134.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 43.

La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l’amendement n° 43

Mme Martine Billard. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 44.

M. le président. Je vous en prie, chère collègue.

Mme Martine Billard. L’amendement n° 43 précise que la résiliation du contrat de travail pendant la période d’essai ne peut intervenir pour un motif non inhérent à la personne du salarié. Un chef d’entreprise ne peut justifier, pour rompre le contrat de travail, d’un autre motif que l’inadéquation de la personne au poste de travail pour lequel elle est à l’essai.

L’amendement n° 44 vise à prendre en compte l’ancienneté et l’expérience du salarié dans des emplois similaires ou pour des compétences identiques. Il rejoint un peu la définition du BIT. Il s’agit en quelque sorte de la sécurisation du parcours professionnel du salarié, afin que ce dernier ne reparte pas de zéro lorsqu’il change d’entreprise. Cela répond aux exigences de notre société en mutation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique Dord, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, mais le problème est indéniable.

La Cour de cassation considère comme infondée toute rupture du contrat au cours de la période d’essai – notamment la suppression du poste – pour une raison économique.

On retrouve dans l’amendement n° 43 l’idée que le motif de rupture ne peut être qu’inhérent à la personne. Mais votre amendement, s’il était adopté, irait plus loin que la jurisprudence de la Cour de cassation, puisqu’il obligerait pratiquement l’employer à motiver la rupture.

Or, s’il est un fait bien établi, y compris par une convention de l’OIT, c’est que la période d’essai peut être rompue sans avoir à justifier d’un motif. Le caractère discrétionnaire de la rupture de la période d’essai est également posé par la jurisprudence nationale, sous réserve de la sanction d’abus de droit si l’on s’apercevait qu’il s’agissait d’une raison économique, avec, à ce moment là, une requalification en licenciement.

La commission n’a pas adopté l’amendement n° 43, même si le raisonnement paraît intéressant.

M. le président. Quel est votre avis, monsieur le rapporteur, sur l’amendement n° 44 ?

M. Dominique Dord, rapporteur. Même avis : défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui, mercredi 16 avril, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 16 avril 2008, à une heure.)