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Congrès du Parlement
Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 22 juin 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Déclaration de M. le Président de la République

2. Débat sur la déclaration du Président de la République

3. Clôture de la session du Congrès

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Déclaration de M. le Président de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 18, alinéa 2, de la Constitution, la déclaration de M. le Président de la République. Le Bureau du Congrès a décidé, conformément à ce même article, que cette déclaration sera suivie d’un débat. Après la déclaration de M. le Président de la République, la séance sera suspendue.

J’informe le Congrès que le Conseil constitutionnel, saisi de la résolution modifiant le Règlement qui a été adoptée ce matin m’a fait parvenir le texte de sa décision, rendue en application de l’article 61 de la Constitution, déclarant cette résolution conforme à la Constitution. Cette décision sera annexée au compte rendu de la présente session du Congrès.

J’invite Mmes et MM. les membres du Congrès à accueillir M. le Président de la République.

(M. le Président de la République entre dans la salle des séances – Applaudissements.)

Monsieur le Président de la République, au nom du Congrès du Parlement, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Nicolas Sarkozy, Président de la République. Monsieur le président du Congrès, Monsieur le président du Sénat, Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les ministres, en m’adressant à vous aujourd’hui, j’ai conscience d’inaugurer un changement profond dans notre tradition républicaine. Depuis 1875, le Chef de l’État n’avait pas le droit de venir parler devant les assemblées. Il ne pouvait communiquer avec elles que par des messages écrits qu’on lisait à sa place. Cette règle avait été posée dans un climat de méfiance, où la République se sentait fragile et menacée. Cette époque est révolue depuis longtemps. La République est solidement ancrée dans notre pays. Le temps était donc venu que s’établissent entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif des rapports plus conformes à l’esprit d’une démocratie apaisée.

Une démocratie apaisée, ce n’est pas une démocratie où tout le monde est d’accord, mais une démocratie où tout le monde s’écoute et où tout le monde se respecte.

Si j’ai voulu m’exprimer devant vous aujourd’hui, c’est pour montrer l’importance que j’attache au Parlement, à son rôle, à son travail.

C’est un moment important, je le sais. Je l’aborde avec gravité, avec humilité, tant la situation que nous vivons est sans précédent. Nul, dans ces circonstances, n’est assuré de détenir la vérité.

J’ai voulu venir vous dire les conséquences que je tire de la crise. J’ai déjà eu l’occasion de parler de la politique européenne de la France et de ce que celle-ci souhaitait pour réguler la mondialisation. Aujourd’hui, c’est de notre pays, de l’avenir qu’il peut se construire, que je suis venu vous parler.

La crise n’est pas finie. Nous ne savons pas quand elle se terminera. Nous devons tout faire pour que ce soit le plus rapidement possible. En attendant, nous devons continuer à soutenir l’activité, nous devons continuer à garantir la stabilité de notre système bancaire, nous devons protéger nos concitoyens les plus fragiles, ceux qui souffrent le plus – et il y a beaucoup de souffrance dans notre pays.

Nous devons tout faire pour éviter que les victimes de la crise ne deviennent des exclus que nous ne pourrions plus, ensuite, réinsérer dans l’économie et dans la société.

L’exclusion, c’est sans doute ce que la crise peut engendrer de plus grave.

Relâcher notre vigilance, nos efforts pour conjurer ce danger au prétexte que la crise serait finie, ce serait irresponsable. Ce ne serait pas seulement compromettre la reprise, ce serait surtout hypothéquer lourdement notre avenir.

L’idée selon laquelle nous pourrions nous en sortir en laissant une partie des Français sur le bord du chemin, c’est une idée injuste et par-dessus tout une idée fausse.

L’idée selon laquelle nous pourrions nous en sortir en abandonnant une partie de nos territoires et de nos quartiers, c’est une idée fausse.

L’idée selon laquelle, parce que la crise serait prétendument terminée, nous ne devrions plus nous préoccuper de ses conséquences sociales, de ses conséquences humaines, c’est une idée dangereuse.

Je vais aller plus loin.

Considérer la crise comme une parenthèse qui sera bientôt refermée, faire comme si tout devait recommencer comme avant, comme si nous allions pouvoir penser comme avant, nous comporter comme avant, avec les mêmes critères, les mêmes méthodes, serait une erreur fatale.

Rien ne sera plus comme avant.

Une crise d’une telle ampleur appelle nécessairement une remise en cause profonde. On ne peut pas assister à une telle catastrophe sans remettre en cause les idées, les valeurs, les décisions qui ont conduit à un tel résultat.

En nous obligeant à tout remettre à plat, en ébranlant les dogmes et les certitudes, la crise nous rend plus libres d’imaginer un autre avenir.

Depuis la fin de la guerre froide, la mondialisation semblait imposer à tous l’idée qu’il n’y avait qu’une seule voie à suivre, qu’il n’y avait qu’un seul modèle possible, qu’il n’y avait qu’une seule logique. La crise ayant fait la démonstration que cette voie était une impasse, nous voici désormais tous ensemble contraints de trouver d’autres chemins.

Je l’ai dit il y a quelques jours à la tribune de l’Organisation internationale du travail, il y a en définitive deux types de mondialisation : celle qui privilégie la croissance externe, chacun cherchant par tous les moyens à prendre les emplois et les marchés des autres, et celle qui privilégie la croissance interne, c’est-à-dire un modèle de développement dans lequel chacun, produisant plus et consommant davantage, contribue au développement de tous.

La première mondialisation pousse à l’extrême la logique de la compétitivité à tout prix en recourant à toutes les formes de dumping, à des politiques commerciales agressives, à l’écrasement du pouvoir d’achat et du niveau de vie.

La deuxième s’appuie sur l’augmentation de la productivité, l’élévation du niveau de vie, l’amélioration du bien-être.

La première est conflictuelle, la deuxième est coopérative.

La première oppose le progrès économique et le progrès social. La deuxième, au contraire, lie l’un à l’autre.

Tout l’enjeu aujourd’hui est de faire passer la mondialisation de la première logique à la seconde.

La crise va y contribuer parce qu’elle annonce un monde où la demande de justice, de régulation et de protection sera plus forte. Qui peut croire que les peuples subiront sans rien dire les conséquences douloureuses de la crise, qu'ils ne réclameront pas plus de protection, plus de justice, qu'ils supporteront de nouveau, comme si de rien n'était, les parachutes dorés et les gains mirobolants des spéculateurs ?

Le monde d'après la crise sera un monde où le message de la France sera mieux entendu et mieux compris.

Ce sera un monde dans lequel, compte tenu de sa culture, de ses valeurs, la France sera mieux armée que beaucoup d'autres pour réussir.

Le modèle de la croissance interne dans lequel le progrès social, le progrès humain vont de pair avec le progrès économique, c'est celui qui a toujours permis à la France de remporter ses plus beaux succès.

Fonder sa compétitivité, non sur des politiques sacrificielles qui dégradent le niveau de vie, mais sur la recherche d'une productivité globale par la qualité de son éducation, de sa santé, de sa recherche, de ses services publics, de sa protection sociale, de ses infrastructures, par sa qualité de vie, par la mobilisation de toutes ses ressources matérielles et humaines, par une complémentarité réussie entre l'initiative privée et l'action publique, c'est au fond ce que la France a toujours voulu faire.

C'est ce qui correspond le mieux à son génie.

C'est ce qui correspond le mieux à son idéal.

C'est ce qu'au fond nous voulons tous, au-delà des divergences que nous avons sur les moyens à mettre en œuvre, sur les réformes nécessaires pour y parvenir, sur l'importance de la responsabilité individuelle ou sur la définition de l’égalité.

Nous aimons tous notre pays.

Nous partageons les mêmes valeurs fondamentales.

Nous voulons que chacun ait les mêmes droits et les mêmes devoirs, que chacun se sente respecté, que chacun ait sa place dans la société.

Le modèle républicain reste notre référence commune. Et nous rêvons tous de faire coïncider la logique économique avec cette exigence républicaine.

Ce rêve nous vient, pourquoi ne pas le dire, du Conseil National de la Résistance qui, dans les heures les plus sombres de notre histoire, a su rassembler toutes les forces politiques pour forger le pacte social qui allait permettre la renaissance française.

Cet héritage, j’en ai conscience, est notre héritage commun.

Nous devons même nous souvenir des Trente Glorieuses, non avec nostalgie, mais pour nous rappeler que ce miracle d'un idéal républicain en prise avec les réalités de son temps et tirant de la France ce qu'elle a de meilleur est toujours possible quand nous sommes rassemblés.

Ce que nos pères ont fait avant nous, il ne tient qu’à nous de savoir le faire à notre façon et à notre époque.

Bien sûr, le monde a changé et nous ne reviendrons pas au monde des Trente Glorieuses.

Bien sûr, pendant trente ans les valeurs françaises ont été à contre-courant de celles qui dominaient 1’économie et la politique mondiales.

Mais qui ne voit que la crise mondiale crée de nouveau des circonstances favorables à cette aspiration française à mettre l'économie au service de l'Homme, et non l'inverse ?

Tout nous y ramène : la crise économique, la crise sociale, la crise écologique.

Au moment même où il redevient évident pour tout le monde que le développement économique ne peut être durable que s'il respecte l'Homme et s'il respecte la nature, au moment même où le monde redécouvre les limites d'une logique exclusivement marchande, au moment même où s'impose à tous la nécessité de réguler la mondialisation et les marchés, le modèle français a de nouveau sa chance.

Le modèle de croissance de demain ne sera pas celui des Trente Glorieuses – la révolution écologique et la révolution numérique vont transformer radicalement les modes de consommation et les modes de production – mais il aura des ressorts semblables.

Sans même nous en rendre compte, responsables politiques de droite et de gauche, nous avons laissé faire la part trop belle au capital financier et sans doute trop écouté les leçons de ceux qui, en même temps qu'ils se scandalisaient de l'endettement public, mettaient de gigantesques leviers d'endettement au service d'une spéculation effrénée. (Applaudissements.)

Dans le nouveau modèle de croissance que la France appelle de ses vœux, qu'elle cherche à construire, une place plus grande doit être faite au travail, aux entrepreneurs, aux inventeurs, aux créateurs, à la production.

Dans le monde qui vient, nos ingénieurs, nos savants, nos artistes, notre culture du service public, notre savoir-faire dans l'articulation entre le secteur privé et le secteur public qui s'inscrivent dans une longue tradition vont redevenir des atouts considérables.

Raison de plus pour ne pas éluder quelques questions cruciales.

Pourquoi le fossé est-il si grand entre nos idéaux et la réalité sociale ? Pourquoi ce fossé n'a-t-il cessé de se creuser depuis plusieurs décennies ?

Pourquoi – et personne, quelle que soit son appartenance politique, ne peut s’abstenir de se poser la question – l'avenir est-il à ce point vécu comme une menace et si peu comme une promesse ?

Pourquoi les parents ont-ils si peur pour l'avenir de leurs enfants ?

Pourquoi un tel malaise ? Car il y a bel et bien un malaise, et ce malaise est profond.

Ces questions, il nous faut avoir le courage de nous les poser et d'y répondre.

La crise a remis le modèle français à la mode. Hier décrié, il se trouve aujourd'hui reconnu pour son rôle d'amortisseur social. Mais la crise est aussi un puissant révélateur de nos défaillances et de nos faiblesses. Faire le dos rond en attendant que ça passe serait une faute.

Rien n'était moins propice aux grands changements que l'inertie des temps ordinaires. Ce que nous ne ferons pas maintenant, nous ne le ferons pas plus tard. Nous manquerions une chance historique.

La crise ne peut pas déboucher seulement sur la remise en cause des autres. C'est aussi le moment ou jamais de nous remettre en cause nous-mêmes.

Notre avenir se décide maintenant.

Comment l’affronter si nous ne sommes pas assurés de nos valeurs ?

Où en sommes-nous avec le principe d'égalité ?

Ne sommes-nous pas progressivement passés sans toujours nous en rendre compte de l'égalité républicaine à l'égalitarisme ?

La République, c'est la promotion sociale fondée sur le mérite et le talent. L'égalitarisme, c'est donner la même chose à tout le monde.

La République tire tout le monde vers le haut. L'égalitarisme, c'est le nivellement par le bas.

Qui ne voit que notre modèle d'intégration ne fonctionne plus ?

Au lieu de produire de l'égalité, il produit de l'inégalité.

Au lieu de produire de la cohésion, il produit du ressentiment.

Je ne veux pas rouvrir le débat sur le terme de discrimination positive dont j'ai conscience qu'il renvoie à des histoires, à des traditions différentes des nôtres. Mais je veux dire que pour atteindre l'égalité, il faudra savoir donner plus à ceux qui ont moins, il faudra savoir compenser les handicaps de ceux auxquels la vie a donné d'emblée moins de chances de réussir qu'à tous les autres.

Il ne faut pas le faire sur des critères ethniques : ce serait contraire à nos principes les plus fondamentaux. (Applaudissements.) Il faut le faire sur des critères sociaux. Mais il faut le faire : ce sera la priorité du prochain Gouvernement.

Nous avons fini par prendre à bras-le-corps le problème de la rénovation urbaine. Nous nous sommes occupés des bâtiments : c’était absolument nécessaire. Maintenant, nous devons nous occuper des personnes. Je sais bien qu’il y a des réticences, qu’il y a des inerties. Sachez que ma détermination est totale. Nous ne pouvons pas continuer à proclamer des valeurs et à tolérer qu’elles soient à ce point contredites par les faits. Cette contradiction est destructrice : elle est destructrice moralement, elle est destructrice socialement. Je ne peux d’ailleurs pas parler de l’égalité sans penser à nos compatriotes d’outre-mer. Comment pourraient-ils se sentir pleinement citoyens de notre République si notre République tient si peu à leur égard la promesse d’égalité qu’elle fait à tous les citoyens ? Je parlerai avec eux des moyens par lesquels la République pourra tenir ses engagements. Je parlerai avec eux des moyens juridiques et des moyens matériels qui sont nécessaires pour y parvenir. Nous ne pouvons pas, là non plus, au nom d’une conception exclusivement formelle de l’égalité, laisser perdurer une situation aussi contraire à nos principes. Je ne m’y résignerai pas.

Où en sommes-nous avec la laïcité ? Je ne réemploierai pas l’expression de laïcité positive pour ne pas alimenter une polémique inutile.

Un parlementaire. Tant mieux.

M. Nicolas Sarkozy, Président de la République. Mais je reste ferme sur l’idée que la laïcité, ce n’est pas le refus de toutes les religions. Ce n’est pas le rejet du sentiment religieux. La laïcité, c’est un principe de neutralité et un principe de respect. La laïcité, c’est le respect de toutes les opinions et de toutes les croyances. Quand Jules Ferry a écrit aux instituteurs, il leur a dit : « Au moment de proposer aux élèves un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous s'il se trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si un seul père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu'il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire. »

Qui peut oublier que la séparation de l'Église et de l'État s'est faite dans la douleur ? Mais sommes-nous obligés de continuer cette guerre qui n'a plus lieu d'être ? Nous ne sommes pas menacés par le cléricalisme. Nous le sommes davantage par une forme d'intolérance qui stigmatiserait toute appartenance religieuse. Je le dis en pensant en particulier aux Français de confession musulmane : nous ne devons pas nous tromper de combat. Dans la République, la religion musulmane doit être autant respectée que les autres religions.

Le problème de la burka n'est pas un problème religieux, c'est un problème de liberté, c’est un problème de dignité de la femme. (Applaudissements.) La burka n'est pas un signe religieux, c'est un signe d'asservissement, c'est un signe d'abaissement. (Applaudissements.)

Plusieurs parlementaires. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, Président de la République. Je veux le dire solennellement : la burka ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n'est pas l'idée que la République française se fait de la dignité de la femme. (Applaudissements.) Le Parlement a souhaité se saisir de cette question. C'est la meilleure façon de procéder. Il faut qu'il y ait un débat et que tous les points de vue s'expriment. Où ailleurs qu'au Parlement pourraient-ils mieux le faire ? Mais je vous le dis, nous ne devons pas avoir honte de nos valeurs. Nous ne devons pas avoir peur de les défendre.

Où en sommes-nous avec la liberté ? Qu'en avons-nous fait ?

La liberté, ce n'est pas le droit pour chacun de faire ce qu'il veut. Être libre, ce n'est pas vivre sans contrainte et sans règle. Quand il n'y a pas de règles, quand tous les coups sont permis, ce n'est pas la liberté qui triomphe, c'est la loi de la jungle, la loi du plus fort ou celle du plus malin.

C'est le débat que nous avons sur l'école : rendre service à nos enfants, c'est leur enseigner qu'il n'y a pas de liberté sans règle.

C'est le débat que nous avons sur l'économie, sur la finance, sur le capitalisme. Nous voyons bien que le capitalisme devient fou quand il n'y a plus de règles.

C'est le débat aussi que nous avons sur le droit d'auteur. Car enfin, comment pourrait-il y avoir dans notre société de zones de non-droit ? Comment peut-on réclamer en même temps que l'économie soit régulée et qu'Internet ne le soit pas ? Comment peut-on accepter que les règles qui s'imposent à toute la société ne s'imposent pas sur Internet ? En défendant le droit d'auteur, je ne défends pas seulement la création artistique, je défends aussi l'idée que je me fais d'une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres. C'est aussi l'avenir de notre culture que je défends. C'est l'avenir de la création. Voilà pourquoi j'irai jusqu'au bout. (Applaudissements.)

Le débat sur la liberté, c'est aussi le débat sur la sécurité et sur les prisons. Quelle est la liberté de celui qui a peur de sortir de chez lui ? Quelle est la liberté pour les victimes si leurs agresseurs ne sont pas punis ? Comment peut-on parler de justice quand 82 000 peines ne sont pas exécutées parce qu'il n'y a pas assez de places dans les prisons ?

Comment accepter à l'inverse que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure, elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privés pendant des années de toute dignité ?

L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République, quel que soit, par ailleurs, le dévouement du personnel pénitentiaire. (Applaudissements.) Nous construirons donc d’autres prisons, nous construirons des places dans les hôpitaux pour les détenus souffrant de troubles psychiatriques. C'est une nécessité pour la liberté de tous. C'est une nécessité morale. Ce sera un impératif du prochain Gouvernement.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, comment pouvons-nous espérer redonner à notre modèle social toutes ses chances de réussite si nous ne sommes pas au rendez-vous des décisions difficiles ?

Ces décisions, nous les connaissons tous : le lycée, l'université, la formation professionnelle, les retraites, la dépendance, les services publics, l'organisation de nos structures territoriales et, bien sûr, les déficits.

Beaucoup a été fait depuis deux ans : le RSA, l'autonomie des universités, la réforme des régimes spéciaux, le service minimum, la carte judiciaire, la réforme hospitalière, la restructuration de notre appareil militaire, la réduction des effectifs de la fonction publique, la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, la fusion des impôts et de la comptabilité publique, la réforme de la représentativité syndicale.

C'étaient des décisions difficiles à prendre. Nous les avons prises. Je ne critique personne de ne pas les avoir prises auparavant. Je me pose simplement la question de savoir pourquoi, oui, pourquoi il est si difficile de réformer notre pays.

Pourquoi est-il si difficile de résoudre les problèmes structurels que, par ailleurs, chacun d’entre nous connaît parfaitement ?

La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC attendait depuis vingt ans, celle de la comptabilité publique et des impôts depuis dix ans. Quant au Livre Blanc sur les retraites de Michel Rocard, qui fait autorité, il a aujourd'hui dix-huit ans.

Comment se fait-il que, malgré les efforts de tous – je ne fais pas de ce point de vue de différence entre la droite et la gauche car ce serait trop réducteur –, comment se fait-il que l'on ait obtenu si peu de résultats structurels en matière de chômage ? Comment se fait-il qu'il y ait autant d'exclus ? Comment se fait-il que le malaise des jeunes soit si persistant ? Comment se fait-il que le malaise des classes moyennes soit si grand ? Comment se fait-il que nous ne soyons pas arrivés depuis vingt ans à mieux nous préparer au vieillissement de la population, qui n’est quand même pas une nouvelle que nous avons apprise il y a quelques semaines ?

Comment se fait-il que nous ayons autant tardé à entreprendre la révolution verte du Grenelle de l'environnement, dont nous savions pourtant depuis longtemps qu'elle était absolument inéluctable ? Comment se fait-il que nous ayons autant de mal dans notre pays à préparer l'avenir ? Au fond, comment se fait-il que, tous ensemble, nous ayons pris autant de retard ?

Quand on regarde tout ce que la société civile a fait, quand on voit comment la société française s'est transformée, quand on voit la capacité d'innovation dont elle fait preuve, quand on voit ce que le courage, l'énergie, l'intelligence des Français sont capables d'accomplir, on se dit que si l'État avait joué son rôle de force d'entraînement, de force de progrès, comme il l'a fait si souvent dans notre histoire, s'il avait été davantage du côté des entrepreneurs, des créateurs, des inventeurs, la France aurait résolu beaucoup de ses problèmes et les Français regarderaient de nouveau l'avenir avec confiance.

La France, en vérité, a fait dans la durée un double mauvais choix. Nous aurions dû faire beaucoup d'économies de gestion : nous ne l’avons pas fait. Nous aurions dû concentrer beaucoup de moyens sur les dépenses d'avenir : nous ne l’avons pas fait.

Je ne mets pas en cause telle ou telle famille politique, tel ou tel gouvernement : c'est une responsabilité incontestablement partagée.

J'y ai beaucoup réfléchi. Je crois que, la crise aidant, le moment est venu de remettre en cause les principes d'une politique qui nous a enfermés dans des contradictions de moins en moins soutenables. Je ne fuirai pas mes responsabilités devant la grave question des déficits de nos finances publiques, mais je ne ferai pas la politique de la rigueur, parce que la politique de la rigueur a toujours échoué. Je n'augmenterai pas les impôts, parce que l'augmentation des impôts retarderait longtemps la sortie de crise et parce qu'en augmentant les impôts quand on est au niveau de prélèvements où nous nous trouvons, on ne réduit pas les déficits, on les augmente. (Applaudissements.)

Je ne sacrifierai pas l'investissement, parce que sans investissement il n'y a plus d'avenir et que la politique du rationnement aveugle de la dépense est une politique qui conduit à ne pas choisir et qui, au bout du compte, ne permet pas de maîtriser la dépense. Cette politique a trop souvent conduit à couper dans les bonnes dépenses tout en laissant parallèlement filer les mauvaises.

Chaque fois que l'on a fait la politique de la rigueur, on s'est retrouvé à la sortie avec moins de croissance, plus d'impôts, plus de déficits et plus de dépenses.

Oui, nous avons un problème de finances publiques. Oui, nous avons un problème de déficits. Mais nous ne le résoudrons pas de cette manière. Nous devons, me semble-t-il, changer radicalement notre façon de poser le problème.

Il y a le mauvais déficit : c’est celui qui finance les mauvaises dépenses, les gaspillages, l'excès de bureaucratie, les frais de fonctionnement trop élevés. Ce déficit structurel doit être ramené à zéro par des réformes courageuses que nous mettrons en priorité du calendrier d’action du prochain Gouvernement. (Applaudissements.)

Il y a un deuxième déficit : le déficit qui est imputable à la crise, à la diminution des recettes, à l'augmentation des dépenses sociales. C'est un amortisseur social. Il a bien fonctionné. Il a permis à la France de limiter les effets de la crise. Après celle-ci, il faudra résorber ce déficit imputable à la crise en y consacrant l’intégralité des recettes de la croissance.

Il y a enfin le déficit qui finance les dépenses d'avenir. Il n'est pas anormal de financer l'investissement par l'emprunt. Ce peut être un bon déficit, à la condition expresse qu'il permette de financer de bons investissements.

La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l'occulte parce qu'elle conduit à ne plus s'interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l’on prend. Mais quand on ne met pas de moyens suffisants dans la lutte contre l'exclusion, quand on ne veut pas investir dans les internats d'excellence, quand on ne veut pas investir dans les écoles de la deuxième chance, quand on n'a rien à proposer aux jeunes entre seize et dix-huit ans qui sortent de l'école sans diplôme, sans formation, sans perspectives, quand on perd la trace des enfants en difficulté, qui se trouvent de facto exclus du système scolaire avant d'avoir achevé leur scolarité obligatoire, parce que l’on n'a pas de structures adaptées pour eux, on ne fait pas d’économies. On prépare une augmentation considérable des dépenses futures, parce que l'on paiera très cher le coût de cette désocialisation. (Applaudissements.)

Je proposerai donc aux partenaires sociaux de prendre des mesures massives en faveur de l’activité partielle, et d’étendre encore le contrat de transition professionnelle.

J’affirme que tout licencié économique – je dis bien : tout licencié économique – doit pouvoir garder son salaire et recevoir une formation pendant un an. Je dis qu’au lieu de se résigner à ce que la crise produise de l’exclusion, du désespoir, de la souffrance, il vaut mieux en profiter pour investir dans les hommes, dans leurs compétences, pour que demain ils travaillent mieux, qu’ils aient de meilleures perspectives de promotion. C’est l’intérêt de tous. C’est un investissement.

Je veux dire à ceux qui s’étonnent que l’on puisse s’endetter pour doter le Fonds stratégique français d’investissement que ce fonds nous aide à créer des emplois, à préserver des avancées technologiques et que, de surcroît, il rapportera de l’argent à l’État, parce que les actifs qu’il achète vont se valoriser. C’est un investissement.

Le choix de ne pas le faire, qui coûterait moins cher aujourd’hui, nous coûterait infiniment plus cher demain.

Je veux dire à ceux qui trouvaient que le Grenelle de l’environnement coûtait trop cher que c’est la dépense la plus rentable que l’on puisse imaginer. Elle va créer 600 000 emplois. Elle va donner à la France une avance considérable dans ce qui est appelé à être au cœur du nouveau modèle de la croissance mondiale. Nos finances publiques ne s’en porteront que mieux. C’est un investissement.

Quand je m’engage sur le projet du Grand Paris, sur la métropole de l’après-Kyoto, qui sera le laboratoire du Grenelle et une vitrine mondiale pour le savoir-faire et pour les technologies françaises, c’est un investissement.

Nous mobiliserons des moyens nouveaux pour la réindustrialisation des bassins d’emploi en difficulté. Je dis que cela vaut mieux que de subventionner l’inactivité en condamnant les chômeurs à l’assistanat. (Applaudissements.) La réindustrialisationest un investissement.

Je souhaite que l’on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à seize ans sans rien. Je dis que cela nous fait dépenser davantage aujourd’hui, mais que cela nous permettra de dépenser beaucoup moins demain, parce que ces jeunes seront alors capables de trouver un emploi, de fonder une famille, d’élever leurs enfants, plutôt que de rester en marge de la société. C’est un investissement incontournable pour la société française.

Je souhaite que l’État prenne à sa charge, dans des internats d’excellence, les enfants de milieu modeste qui ont le goût de l’étude, pour leur fournir de bonnes conditions de vie et de travail. Je dis que c’est mieux pour nos finances publiques de valoriser toutes les intelligences, tous les talents plutôt que d’en laisser perdre une partie. Le gaspillage des intelligences et des talents, c’est le pire des gaspillages pour un pays. (Applaudissements.)

Je souhaite que soient créées les conditions d’une vie meilleure dans les lycées, parce que des lycéens heureux, responsables – responsabilisés –, considérés, feront de meilleurs élèves et donc de meilleurs citoyens. La réforme du lycée sera l’un des meilleurs investissements que l’on puisse faire pour l’avenir.

Je veux revaloriser l’apprentissage, la filière professionnelle, la filière technologique, la filière littéraire. Je veux que l’on mette les moyens nécessaires pour en faire des filières d’excellence, au même titre que la filière scientifique, avec des passerelles, avec des diplômes de haut niveau. J’affirme que c’est une bonne dépense et que ce qui nous coûte cher, c’est d’avoir trop tardé à le faire.

Il faut poursuivre dans la voie de l’autonomie des universités. Il faut investir dans les campus pour mettre nos universités à un niveau mondial. Il faut investir dans les logements pour les étudiants. Je veux que l’on mette les moyens pour que, dans notre pays, les jeunes puissent conquérir leur autonomie par leur travail, par leur mérite. Ainsi, nous pensons à la croissance de demain.

Au fond, nous sommes placés devant une alternative.

Ou bien on continue à prendre des décisions qui ont pour effet que le nombre de ceux qui sont à charge ne cesse de croître, et nous serons rapidement dans une impasse.

Ou bien nous changeons notre manière de voir les choses en nous efforçant de faire en sorte que ceux qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la création de richesses soient de plus en plus nombreux. Alors nous pourrons d’autant mieux être solidaires avec les plus fragiles, et avoir la protection sociale et le système de santé que nous souhaitons.

Nous serons donc au rendez-vous des réformes, au rendez-vous de la réforme de l’État. Nous irons jusqu’au bout de la réforme de la carte administrative, parce que la proximité du service public ne saurait justifier la déperdition de nos moyens.

Nous ne reculerons pas sur la règle du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la fonction publique. Non pour des raisons idéologiques, mais parce que c’est une condition de l’efficacité de notre administration et de l’amélioration des conditions de vie et de carrière de nos fonctionnaires.

Nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé, parce que j’ai parfaitement conscience de l’immensité des besoins financiers, et qu’à ce titre, nous n’avons pas le droit de laisser gaspiller un seul euro.

Nous irons jusqu’au bout de la réforme des collectivités locales. (Applaudissements.)

Nous ne nous déroberons pas devant la réduction du nombre des élus régionaux et départementaux. Nous ne nous déroberons pas devant le problème de la répartition des compétences. Nous ne nous déroberons pas devant l’effort qui sera demandé à toutes les collectivités. On ne peut pas exiger de l’État d’être seul face au défi gigantesque qui consiste à faire de l’économie française à nouveau une économie de production. Ce qui est en cause, c’est la même nation, c’est le même citoyen, c’est le même contribuable. L’effort doit être partagé.

Nous n’éluderons pas la question des niches sociales, qui font perdre à la sécurité sociale des recettes dont elle a tant besoin. (Applaudissements.)

Nous serons au rendez-vous de la réforme des retraites. 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table : l’âge de la retraite, la durée de cotisation et, bien sûr, la pénibilité. Toutes les options seront examinées. Les partenaires sociaux feront des propositions. Je n’ai nullement l’intention de fermer le débat au moment même où je l’ouvre. Mais quand viendra le temps de la décision, à la mi-2010, que nul ne doute que le Gouvernement prendra ses responsabilités. C’est une question d’honneur, c’est une question de morale à l’endroit des générations qui vont nous suivre. (Applaudissements.)

Nous ne laisserons pas un euro d’argent public gaspillé. Je demande au Parlement de se mobiliser pour identifier tous les dispositifs inutiles, toutes les aides dont l’efficacité n’est pas démontrée, tous les organismes qui ne servent à rien. Prenez le temps d’en débattre avec le Gouvernement à la rentrée, afin que des décisions fortes puissent être prises avant la fin de cette année.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, nous ne pouvons plus nous fixer des priorités et ne pas mettre les moyens financiers nécessaires pour les atteindre. C’est un problème de crédibilité de la parole publique.

Cette crise doit être pour nous l’opportunité de rattraper nos retards d’investissements, et même de prendre de l’avance. Il est beaucoup de domaines très importants pour notre avenir – aménagement du territoire, avenir de la ruralité, éducation, formation professionnelle, recherche, santé, innovation – qui vont demander des moyens considérables. Nous ne pourrons pas les satisfaire dans le strict cadre budgétaire annuel. Si nous ne changeons pas nos pratiques, nous continuerons alors à scander des priorités sans pouvoir les réaliser.

Mercredi, avec le Premier ministre, nous procéderons à un remaniement du Gouvernement. Son premier travail sera de réfléchir à nos priorités nationales et à la mise en place d’un emprunt pour les financer.

Ces priorités nationales, nous n’avons nullement l’intention de les fixer tout seuls. Ces priorités nationales, c’est-à-dire les secteurs qui vont préparer l’avenir de la France, elles concernent le pays tout entier. Le Parlement doit être associé à leur définition. Les partenaires sociaux y seront associés. Nous en parlerons avec eux dès le 1er juillet. Les responsables économiques, les acteurs du monde de la culture, de la recherche, de l’éducation seront également consultés.

Pendant trois mois, nous en discuterons tous ensemble. Quels sont les quelques secteurs stratégiques et prioritaires pour préparer l’avenir de la France une fois la crise refermée ?

Les décisions ne seront prises qu’au terme de ce débat. Ce à quoi j’appelle, c’est à une révolution de nos mentalités, à un changement radical dans notre rapport à l’avenir.

Quant à l’emprunt, son montant et ses modalités seront arrêtés une fois que nous aurons fixé ensemble les priorités. Nous le ferons soit auprès des Français, soit sur les marchés financiers, et je prendrai les dispositions nécessaires pour que cet emprunt soit affecté exclusivement à ces priorités stratégiques pour l’avenir. Je dis bien exclusivement, car j’entends, dans le même temps, porter le fer dans les dépenses de fonctionnement, dans celles qui s’avéreront inutiles ou non prioritaires. (Applaudissements.)

Notre avenir va se jouer sur l’investissement. Notre avenir va se jouer sur la place que nous allons donner à la production et au travail dans notre nouveau modèle de croissance.

Je veux bien sûr poser la question de la fiscalité : allons-nous continuer à taxer la production et à taxer le travail alors que nous savons bien qu’en faisant peser des charges fixes trop lourdes sur le travail et sur la production, nous détruisons nos emplois et nos industries ? Les délocalisations systématiques sont devenues insupportables aux Français. Notre fiscalité entièrement ciblée sur la production et sur le travail en est responsable.

Le but est-il donc que toutes nos usines s’en aillent ? Le but est-il qu’il n’y ait plus d’ouvriers dans notre pays ? Je ne veux pas m’y résigner, parce que ce serait absolument suicidaire. Ce serait gâcher nos meilleurs atouts. L’idée d’une France sans usines et sans ouvriers est une idée folle. C’est un choix stratégique que je vous propose. (Applaudissements.)

Et c’est au nom de ce choix stratégique en faveur du travail et de la production que la taxe professionnelle doit être supprimée. Cette réforme sera l’occasion de repenser notre système de fiscalité locale, qui en a bien besoin.

C’est avec la même détermination que je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C’est un enjeu immense. C’est un enjeu écologique. C’est un enjeu pour l’emploi.

Enfin, comment revaloriser le travail si la valeur, si le profit ne sont pas équitablement partagés ? Comment espérer que le travail soit productif, que le travailleur se sente impliqué dans son travail, se sente responsable, concerné par la performance de son entreprise, s’il ne se sent pas récompensé pour ses efforts ? L’actionnaire doit être justement rémunéré, mais le travail doit être justement considéré. (Applaudissements.) C’est un débat que j’ai ouvert. Je le conduirai jusqu’au bout. Et là aussi, je prendrai mes responsabilités, parce que c’est un problème de justice.

C’est aussi un problème d’efficacité. Tout le monde a quelque chose à gagner dans un nouveau partage, plus équitable, plus valorisant, plus motivant. C’est aussi cela, le nouveau modèle de croissance. Il n’y aurait rien de pire, dans la situation actuelle, alors que dans le monde tout change, que de pécher par manque d’ambition, par manque d’audace, et finalement par manque d’imagination.

Je le dis à nos amis et à nos partenaires européens, la France change. Mais je leur dis également : l’Europe doit changer aussi. L’Europe ne pourra plus fonctionner après la crise comme elle fonctionnait avant. Ce n’est pas le moment de parler du projet européen de la France, mais l’Europe doit se donner les moyens de participer à la transformation du monde. Le changement de l’Europe et le changement de la France doivent aller de pair.

Vous l’avez compris, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, ce que je vous propose, c’est le mouvement. Ayons le courage de changer.

Nous sommes un vieux pays, sur un vieux continent, avec une vieille civilisation. L’histoire nous a beaucoup appris. Retournons-nous un instant. C’est quand la France s’est convaincue que tout était possible qu’elle a été la plus grande. C’est quand la France a épousé l’avenir qu’elle a été la plus forte.

Mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, cet avenir, les Français nous ont confié la responsabilité de le construire ensemble. Eh bien, c’est ce que nous allons faire.

Vive la République, et vive la France ! (Applaudissements prolongés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures dix.)

2

Débat sur la déclaration du Président de la République

M. le président. La séance est reprise.

Le bureau du Congrès a décidé que la déclaration de M. le Président de la République sera suivie d’un débat.

Je vous rappelle que chaque groupe dispose d’un temps de parole de dix minutes pour l’orateur qu’il a désigné, cinq minutes étant attribuées à un membre du Congrès n’appartenant à aucun groupe.

Pour le groupe Nouveau Centre de l’Assemblée nationale, la parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a tout juste un an, nous avons adopté la révision de la Constitution qui a permis au Président de la République de venir s’exprimer devant nous, les représentants de la nation réunis en Congrès. Je pense, et je le dis au nom du groupe Nouveau Centre, que cette possibilité nouvelle offerte au Président est un progrès pour la démocratie française. (Applaudissements sur divers bancs.) Grâce à cette réforme institutionnelle, le Parlement est devenu un acteur central de l’action publique, son rôle a été renforcé. Sur le plan du symbole, cette présence à l’instant du chef de l’État marque incontestablement une nouvelle étape dans l’histoire de nos institutions, ce que le Président de la République a appelé à cette tribune un changement profond, favorisant une démocratie apaisée et un nouvel équilibre des pouvoirs.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je tiens à dénoncer l'attitude de l'opposition – les Verts et les communistes qui boycottent le Congrès, le parti socialiste qui refuse de prendre part au débat. Je le dis comme je le pense, ce n’est pas digne. La Constitution n'est ni de droite ni de gauche : c'est la Constitution de la République. Qu'on en partage ou non l'esprit, qu'on ait ou non voté sa révision, elle reste notre règle commune à tous et s'applique, à ce titre, à chacun d'entre nous. C'est pourquoi je trouve l'attitude de l'opposition bien peu républicaine. (« Très bien ! » et applaudissements sur divers bancs.)

Les citoyens attendent de nous que nous débattions dans les enceintes où nous les représentons. Même si nous ne sommes pas d'accord, c'est un devoir et une exigence de s'exprimer. Cela s'appelle assumer ses responsabilités devant le peuple. À dire vrai, je trouve assez hypocrite de la part de l’opposition de pointer du doigt une présidentialisation de nos institutions alors qu’elle était parmi les ardents défenseurs du quinquennat et d'un calendrier électoral prévoyant successivement élection présidentielle puis élections législatives. (Applaudissements sur divers bancs.) Il est temps pour la gauche aujourd'hui de démontrer qu'elle n'est plus prisonnière de la camisole idéologique qu'elle semble s'être imposée depuis le 21 avril 2002. C’est bien le quinquennat qui a renforcé la place du Président de la République au cœur de notre vie politique et qui a, par là même, considérablement renforcé le lien qui l'unit à sa majorité.

J'ai la conviction que ce débat restera gravé dans l'histoire de nos institutions. Le Président de la République l’a rappelé, nous rompons aujourd'hui avec les doutes qui accompagnèrent la naissance de la IIIe République. Aujourd'hui, la République se réconcilie avec elle-même, chacun assumant pleinement son rôle. Ce débat nous appelle nous aussi, la majorité, à assumer nos responsabilités. C'est le choix que nous avons fait au Nouveau Centre, et c'est ce que nous demandent les Français qui, en 2007, ont fait massivement un choix clair : celui de la réforme, seule voie qui permette à la France de tenir son rang parmi les nations.

Depuis deux ans, beaucoup a été fait et chacun a pu mesurer la force des changements qui sont intervenus dans notre pays : la réforme des régimes spéciaux, réputée impossible, a été menée à bien, ainsi que la réforme de nos armées, celle de l’hôpital ; la solidarité a été renforcée avec la généralisation du revenu de solidarité active. Vingt ans après la création du RMI, il fallait sortir de la logique de l'assistanat, synonyme de trappe à chômage, pour soutenir et valoriser le retour à l'emploi, et assurer le reste à vivre pour chacun de nos compatriotes. Cette majorité a institué et généralisé le RSA, si important pour tous ceux qui souffrent aujourd’hui.

Le Parlement a débattu aussi du financement du RSA, et c'est à l’initiative des députés centristes qu'a été engagé le plafonnement des niches fiscales, car l’effort doit être juste et partagé.

En deux ans, le Président, le Gouvernement avec Jean-Louis Borloo et nous, la majorité, avons mis sur les rails l'imposante dynamique du Grenelle de l'environnement, plaçant ainsi pour la première fois l'enjeu écologique au cœur des priorités de l'action gouvernementale. Il fallait jeter les bases de la révolution verte et tracer la voie d'une croissance durable réconciliant la production de richesses avec la protection de notre environnement. C’est cette majorité qui a conduit cette révolution et qui la porte aujourd’hui dans l’Europe et dans le monde.

En deux ans, la France est, avec le Traité de Lisbonne, sortie de son isolement européen et a tiré l'Union européenne de sa paralysie récurrente sur les questions institutionnelles. Lors de sa présidence, unanimement saluée par l'ensemble de nos partenaires, elle a bousculé les habitudes en Europe et fait la démonstration qu'une Europe plus volontaire est possible. C'est cette Europe à laquelle croit le Nouveau Centre, et c'est celle que les Français ont souhaité voir s'installer durablement au Parlement de Strasbourg, en plaçant les listes de la majorité présidentielle largement en tête du récent scrutin européen.

Le Président de la République l’a rappelé, de nombreux défis sont devant nous. La France et le monde traversent sans doute la plus grave crise économique que nous ayons connue depuis un siècle. Une question se pose à nous : faut-il mettre entre parenthèses la volonté de réforme en France alors que la crise sévit ? Cette question est d'autant plus d’actualité que nous voyons tous les jours, dans nos communes, nos départements ou nos régions, la crise véhiculer son lot d'inquiétudes et de craintes, mais aussi de drames humains. Il fallait prendre des mesures exceptionnelles, des mesures d'urgence.

Le plan de relance qui a été voté, sans d'ailleurs les voix de l'opposition, a soutenu prioritairement l'économie réelle par le levier de l'investissement. C'était la bonne option pour sauvegarder l’emploi et, on l'a vu, la consommation ne s'est pas effondrée, comme certains l’avaient annoncé.

La crise nous oblige aussi à véritablement réinventer nos mécanismes de solidarité. Ceux de nos concitoyens parmi les plus fragiles et les plus menacés ne doivent en aucun cas avoir le sentiment d'être les seuls à payer le prix des errements du secteur bancaire et des déflagrations financières qui ont marqué l'automne dernier, non plus que le prix de l’évolution de nos systèmes de santé et de retraite. L’idée du partage de la valeur ajoutée qu’a évoquée le Président de la République est juste et nécessaire.

Pour que la France puisse, le moment venu, récolter les fruits de la reprise économique, il nous faut poursuivre, avec une volonté renouvelée, dans la voie des réformes, tout remettre à plat, a dit le Président de la République, pour un nouveau modèle français. Avec lui et avec le Gouvernement, nous voulons emprunter ce chemin, parce que c’est l’intérêt de notre pays.

Nous avons devant nous de nombreux chantiers, de nombreux défis : ceux de la révolution numérique, des biotechnologies, des technologies propres en liant plus étroitement l'effort de relance aux objectifs du Grenelle de l'Environnement, le défi de la recherche, de l’éducation, la situation faite aux jeunes, la rénovation du dialogue social. Je salue l’idée qu’a évoquée le Président de la République d’un emprunt qui permettra précisément d’accompagner plus vigoureusement les secteurs porteurs d’avenir pour favoriser l’emploi et notamment celui des jeunes.

Face au déficit, nous avons, mes chers collègues, une lourde responsabilité. Nous devons faire preuve de courage pour ne pas laisser la dette à nos enfants. La poursuite de la modernisation du fonctionnement de l'État et de nos collectivités est une impérieuse nécessité.

Une occasion unique nous est offerte : celle de bâtir une organisation territoriale qui soit tout à la fois plus claire, plus efficace et plus économe des deniers publics. Et, pourquoi ne pas le dire, refonder la démocratie locale est une vraie aspiration des citoyens à participer aux choix de l’avenir.

Cette réforme devra permettre de redéfinir aussi – je tenais à l’exprimer devant vous – le principe de la solidarité territoriale. On parle des difficultés de nos quartiers sensibles, mais il y a aussi ce monde rural qui se sent parfois abandonné et auquel il faudra apporter des signaux très forts, pour exprimer le fait que la solidarité n’est pas un vain mot pour tous ceux qui ont choisi de vivre là où ils résident dans l’ensemble du territoire national.

Puis, nous aurons à lutter contre les conservatismes dans cette réforme. Nous devrons être audacieux ? Au Nouveau Centre, nous y serons prêts.

Nous avons aussi besoin – cela a été rappelé – plus que jamais d'une Europe qui protège. C’est le sens du message qui nous a été adressé par les Français et de la responsabilité qui nous incombe désormais après les résultats des élections européennes. Une Europe qui sache répondre aux attentes que nous plaçons en elle. En renouant avec l'audace des pères fondateurs, l'Europe a pu peser au G 20 pour une nouvelle régulation financière internationale, pour lutter contre les paradis fiscaux. Cette Europe a de même un rôle déterminant à jouer pour l’avenir, en termes de croissance et d'emploi, un rôle central pour le développement d'une véritable économie de la connaissance.

La crise géorgienne a sans doute marqué la naissance sur la scène internationale d'un nouvel acteur global avec l’Europe.

Nous avons avec l'Europe du Paquet Énergie-Climat à exercer une responsabilité particulière dans les négociations qui vont s’ouvrir à Copenhague. En effet, il n’y aura pas, à Copenhague, d'autre choix que celui d'un nouvel accord ambitieux à la hauteur des enjeux climatiques. Mais pour que le monde relève le défi de l'après-Kyoto, l'Europe devra en être le moteur.

Mes chers collègues, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, c'est avec la ferme conviction que nous sommes à un moment décisif pour l'avenir de notre pays comme pour celui de notre continent, avec la ferme conviction qu'il n'y a pas d'autre voie que celles du courage de la réforme, et, au nom de cet engagement, je tiens à exprimer devant vous tous, celui des députés du Nouveau Centre. Nous avons fait un choix que nous assumons : celui d’être au rendez-vous de l’attente de nos compatriotes et de nos jeunes. Cela s’appelle assumer ses responsabilités. C’est la raison pour laquelle nous sommes fiers d’avoir participé à ce débat après la déclaration du Président de la République. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour le groupe de l’Union centriste du Sénat.

M. Michel Mercier. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste ne regrette pas le vote qu’il a majoritairement émis en juillet dernier pour permettre la réforme de la Constitution et faire en sorte que le Président de la République ait pu venir, aujourd’hui, devant les députés et les sénateurs expliquer sa vision de la France, exprimer son envie de mener une politique claire de réformes pour notre pays, afin que nous puissions nous préparer, dans la crise, à des lendemains meilleurs.

Il a fallu, c’est vrai, un peu de courage, il y a un an, pour voter cette réforme. Ce n’était pas évident. C’était difficile. Ce qui paraît aujourd’hui normal a été quelque part considéré comme anormal.

Que nous puissions vivre dans une démocratie, où l’on peut se parler, où le Président de la République peut s’adresser aux Françaises et aux Français à travers les parlementaires est le signe d’une démocratie acceptée, vécue, dans laquelle, même si nous ne sommes naturellement pas tous d’accord, nous pouvons tous nous parler et construire.

La réforme de l’an dernier n’était pas mince. C’était une réforme fondamentale. Nous le voyons, jour après jour. Nous venons, aujourd’hui, de franchir une étape importante.

Nous devons naturellement placer toutes les perspectives de notre pays au regard de la grave crise économique que nous connaissons. Il semble aux sénatrices et sénateurs du groupe de l’Union centriste que deux exigences apparaissent chez nos concitoyens face à cette crise économique.

Premièrement, une exigence de protection, que nous attendons à la fois de l’Europe et de l’État.

Nous attendons toutes et tous – c’est une des leçons que nous pouvons tirer de l’élection des députés européens –que l’Europe soit forte, puissante et qu’elle nous protège. Nous souhaitons qu’elle ne soit pas ouverte à tous les vents, mais qu’elle soit pour les Européennes et les Européens le moyen essentiel de faire face aux défis du monde.

Les Français attendent aussi de l’État qu’il soit un véritable régulateur. Nous l’avons vu, ces jours derniers, avec les producteurs laitiers. Nous ne pouvons pas aujourd’hui laisser faire le marché seul. Il faut que le politique, l’État prenne sa part dans la régulation nécessaire. (Applaudissements.) Il n’y a pas de « vivre ensemble » si les règles n’ont pas été clairement acceptées. (Applaudissements.) C’est ce que nous disent très naturellement les Français, lorsque nous allons, les uns et les autres, au-devant d’eux.

Deuxièmement, l’exigence de protection se double d’une exigence de justice – de justice sociale, de justice fiscale. Il faudra naturellement faire beaucoup de sacrifices. Les difficultés économiques sont présentes. Nous savons tous que la rentrée sera particulièrement difficile. Rien ne sera donné. Un certain nombre de choses pourront être acceptées, si les efforts sont répartis avec justice et équité entre tous les Françaises et les Français. Notre groupe est particulièrement attaché à cette idée de justice.

Beaucoup de choses, c’est vrai, devront être changées. M. le Président de la République a souhaité que le lien entre le salarié et l’entreprise ne soit pas rompu, même lorsqu’il y existe de grandes difficultés. Il faut trouver des systèmes de formation, des systèmes permettant d’attendre le retour des commandes et de l’emploi. Cette politique nouvelle reçoit l’entier soutien du groupe de l’Union centriste.

La crise économique existe. Mais, comme l’a dit M. Sauvadet il y a quelques instants, ce n’est pas parce que nous sommes dans les difficultés que nous devons nous arrêter, attendre que les choses se passent, sans savoir comment elles se passeront pour nous. Nous devons être capables de montrer que les politiques, dans leur ensemble, peuvent réagir et préparer l’avenir.

Nous pensons qu’il faut préparer une France unie dans la diversité. La réforme de l’architecture locale retient peut-être plus particulièrement l’attention des sénateurs. Notre groupe est convaincu qu’il s’agit de la fin du jardin à la française, où tout le territoire est organisé de la même manière. Cela a donné de bons résultats, mais cela a vécu. Nous devons être capables d’imaginer les moyens les plus efficaces d’organisation démocratique pour nos concitoyens sur un territoire donné.

Notre groupe est favorable à la création de grandes métropoles. Notre pays a besoin de grandes métropoles, capables de dialoguer avec des métropoles de même taille en France, en Europe et dans le monde. Il ne faut pas avoir peur de ces métropoles. Elles doivent être réalisées démocratiquement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui des communautés urbaines ou autres. Les citoyens sont trop loin de ceux et celles qui prennent les décisions. Si ces métropoles doivent avoir une plénitude de compétences – celles du département notamment – et même si je peux à titre personnel le regretter, je sais que c’est la condition nécessaire pour bâtir un système nouveau et efficace pour l’avenir. Aussi y suis-je prêt. (Applaudissements.)

Faut-il rapprocher la région et le département ? On peut en discuter à perte de vue. Mais quelque chose doit retenir notre attention : nos concitoyens y sont prêts. (Applaudissements.) Il ne s’agit pas simplement d’une question de spécialistes et d’élus. (Applaudissements.) La réforme des collectivités locales doit d’abord permettre à nos concitoyens de comprendre, de savoir qui fait quoi, comment cela se pratique, qui prend les décisions.

Il faut que tous les conseillers territoriaux siègent dans les deux instances : l’organisation départementale et l’organisation territoriale. (Applaudissements.)

Mme Brigitte Barèges. Très bien !

M. Michel Mercier. Il ne peut y avoir deux catégories de conseillers territoriaux, mais une seule catégorie. Cela permettra d’éviter les doublons, les concurrences. En effet, si une assemblée prend une décision, l’autre assemblée ne pourra pas décider, avec les mêmes conseillers, la même chose. La deuxième assemblée laissera faire celle qui a déjà pris la décision. C’est une façon moderne et démocratique de travailler qui permettra à nos concitoyens d’appréhender enfin ce que l’on peut faire dans ces domaines-là.

Même si cette réforme est difficile pour les sénateurs, notre groupe y est prêt. Il l’accueillera, il y travaillera et nous verrons comment réaliser cette vraie réforme. (Applaudissements.)

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Michel Mercier. Je crois qu’il ne faut pas laisser de côté le pays rural. (Applaudissements.)

Le pays rural, ce n’est plus du tout ce que nous connaissions il y a cinquante ans. Aujourd’hui, le pays rural est aussi urbain. La population se développe, des gens viennent habiter dans les zones rurales, ils travaillent en ville ou vice-versa. L’idée même de défendre la ruralité, d’aménager le territoire, de créer des modes de transports accessibles à tous est quelque chose d’essentiel. Cela doit aussi nous conduire à renforcer la cohésion de notre pays. Il y a là, à l’évidence, de grandes réformes possibles à imaginer.

J’aborderai deux thèmes évoqués par M. le Président de la République. Notre pays doit encore être un pays où l’on produit, c’est une vérité fondamentale. On ne peut pas tous travailler dans les services. On ne peut pas tous travailler dans les services financiers. (Applaudissements.) Beaucoup de Françaises et de Français ne savent faire qu’une seule chose fondamentale : produire. Il faut qu’en France, on puisse encore travailler, produire. Nous sommes d’accord pour soutenir toutes les politiques qui conduiront à conserver à notre pays ce rôle essentiel de producteur, auquel nous ne voulons pas échapper. Nous sommes prêts à soutenir toutes les politiques qui faciliteront le travail, une fiscalité adaptée, tout ce qui permettra de répondre à nos concitoyens.

Si, lors des élections européennes, autant de Français se sont prononcés en faveur des listes écologiques, c’est probablement parce que ces écologistes ont su parler aux Françaises et aux Français de sujets qui les intéressaient. Cela nous cassait peut-être un peu la tête, mais c’est cependant un vrai souci pour nos concitoyens.

Partout, on constate un intérêt grandissant pour l’écologie, la nourriture biologique. Partout, se développent le souci de préserver la planète et celui de transmettre à nos enfants quelque chose de beau et de bon. Ce souci, nous le partageons.

Rénover notre éducation ensuite : il n’y a pas que les grandes écoles ou les grands lycées parisiens dans ce pays. Je rappellerai, pour faire plaisir à M. Karoutchi, que c’est le lycée de Thizy, commune de 2 500 habitants, dans le département du Rhône – région qui ne m’est pas étrangère (Sourires) – qui a été classé premier lycée de France. (Applaudissements). Un tel classement signifie que l’on peut et qu’il faut, partout sur le territoire, trouver les bons moyens pour former tous les jeunes et assurer une vraie égalité. Nul besoin d’aller à Paris ou dans les grandes villes pour bien se former !

Tout cela nous permettra de retrouver les valeurs de la République : la responsabilité, l’action et la liberté.

S’agissant de la burka dont on parle beaucoup ces jours-ci, le groupe Union centriste considère que le respect de toutes les religions est essentiel. Respecter les libertés est fondamental et il n’y a pas de religion sans liberté.

Mme Brigitte Barèges. Et le respect de la femme ?

M. Michel Mercier. Or la burka, ce n’est pas la liberté. (Applaudissements.) Nous ne demandons pas de loi, mais nous souhaitons que le sujet soit mis sur la table afin que nous puissions en discuter.

Voilà, monsieur le Premier ministre, ce que notre groupe souhaitait dire à la suite de l’intervention de M. le Président de la République. (Applaudissements.)

M. le président. Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire du Sénat, la parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, le 7 juin dernier, nos compatriotes ont placé la majorité présidentielle en tête des élections européennes. Ils ont apporté leur soutien aux formations politiques qui leur ont parlé d'Europe et qui avaient une vision pour la France en Europe.

En soutenant la majorité présidentielle, ils ont témoigné leur confiance à une famille politique mobilisée, rassemblée et cohérente. Une famille politique forte de ses valeurs et ouverte au dialogue. Une famille politique fière de sa diversité, qui s'engage autant pour la sécurité des Français que pour la protection de l'environnement ou pour la relance de l'économie et de l'emploi.

Le 7 juin, les Français ont délivré trois messages : une exigence de clarté, une exigence d'unité, une exigence de projet. Nous les avons entendus.

La majorité présidentielle est rassemblée et ouverte. C'est ce qui fait sa force aujourd'hui, c'est ce qui lui donne la légitimité pour continuer à réformer notre pays demain.

Depuis mai 2007, nous avons replacé la politique et la modernisation de notre pays au cœur de l'action publique. Être gestionnaire, c'est aussi savoir être visionnaire. Réformer la France d'aujourd'hui, c'est offrir une vision et une ambition pour la France de demain ; c'est aussi donner toutes leurs chances aux générations futures dans une Europe forte et unie.

Le succès de la majorité présidentielle nous oblige, autant que nous obligent les 60 % de Français qui ne sont pas allés voter. Face aux doutes, aux interrogations, au renoncement de certains de nos compatriotes, nous devons satisfaire à une exigence de pédagogie. C'est aussi le sens du Congrès réuni aujourd'hui. C'est le défi qui nous attend demain.

Le vrai danger pour la vitalité de notre démocratie, c'est le repli dans «l'entre soi», c'est la tentation du communautarisme, c'est la victoire de l'individu et du consommateur sur le citoyen. Pour trop de nos compatriotes, l'Europe est encore une idée lointaine et une réalité tatillonne. Elle doit devenir un horizon naturel et un projet politique mieux partagé. L'Union européenne est la somme d'étapes historiques grâce auxquelles les Européens ont su se réconcilier et construire des politiques communes. Aujourd'hui, le Président de la République et la majorité qui le soutient s'attachent à donner un sens politique et un prolongement à ce projet européen !

Peser face aux autres puissances mondiales, élaborer des réponses communes à la crise internationale, convaincre le monde de lutter résolument contre le réchauffement climatique : ce sont les défis que la France et l'Europe doivent relever. Plus que jamais, la crise économique nous invite à être force d'imagination et de proposition pour une meilleure régulation de l'économie mondiale.

Depuis un an, nous vivons, en effet, une période particulièrement troublée. Des secteurs économiques entiers sont fragilisés et des centaines de milliers d'emplois supprimés ou menacés, dans des conditions parfois inacceptables.

Le Président de la République et le Gouvernement ont choisi de dire la vérité aux Français sur la gravité de la crise et sur ses conséquences. Avec la majorité, ils ont agi sans délai pour préserver l'épargne de nos compatriotes, sauver notre système financier et nos entreprises, protéger nos territoires, atténuer les difficultés des plus fragiles.

En vérité, la crise fait naître une question décisive : quel monde voulons-nous bâtir demain ?

L'échelle des problèmes a changé. La mutation de la société de l'information, l'arrivée massive des nouvelles puissances indienne et chinoise dans l'économie mondiale, nous obligent à repenser entièrement notre modèle de développement.

Nous ne voulons plus d'un monde où l'économie virtuelle l’emporte sur l'économie réelle, où la valeur travail s'efface devant la valeur spéculative. Nous voulons, au contraire, répondre aux souffrances et aux préoccupations du présent. Aux nombreux Français qui subissent les effets de la crise, qui doutent et qui craignent le lendemain et le surlendemain, nous entendons répondre par l'action et la fidélité à nos engagements.

Nous voulons aussi préparer l'avenir en faisant le choix de la relance par l'investissement. Renforcer la compétitivité et l'attractivité de notre économie, développer la recherche et l'innovation, ainsi que la formation, c'est préparer les emplois de demain. La seule politique de lutte contre la crise, c'est celle qui consiste à anticiper et à préparer le retour de la croissance, à maîtriser nos dépenses publiques pour réduire nos déficits et notre endettement.

Avec le Président de la République, nous voulons poursuivre la modernisation de notre pays et la réforme de l'État. Nous voulons que la France de demain demeure une nation industrielle, capable de produire, d'exporter et de développer ses territoires. Le déclin industriel et les licenciements ne sont pas une fatalité. L'Europe n'est pas vouée à devenir seulement un continent de services, sans industries ni travailleurs. L'avenir passe par une vraie politique industrielle en Europe et dans notre pays. Dans le domaine énergétique, dans celui de l'automobile, dans celui du développement durable, la France et l'Europe ont tout à y gagner.

Nous voulons une France qui défende aussi la compétitivité et la qualité de son agriculture. Nos agriculteurs doivent pouvoir vivre du fruit de leur travail, nourrir, demain, 6 milliards d'êtres humains, entretenir l'environnement et fournir l'agro-industrie.

M. Jean-Paul Charié. Très bien.

M. Henri de Raincourt. Après le bilan de santé de la politique agricole commune, à nous d'imaginer celle de l'après-2013. Contribuer à la définition de ses nouveaux contours sera le meilleur moyen de ne pas la subir. De notre ambition sur ce point dépendent la place de notre agriculture dans l'économie mondiale mais aussi la sécurité alimentaire de notre continent.

Le défi environnemental, la « croissance verte », les engagements du Grenelle concernent plus que jamais le savoir-faire du monde rural.

Dans la France de demain, nous voulons des structures territoriales rénovées. À l'initiative du Président de la République, une large réflexion a été engagée. Mettre un terme à la concurrence entre les départements et les régions, clarifier les compétences, supprimer les financements croisés, limiter l'inflation de la dépense publique locale, diminuer le nombre d'élus : tous les sujets doivent être abordés sans tabou. Nous y sommes prêts et nous y travaillons – députés et sénateurs – depuis de longs mois. (Applaudissements.)

Sur ce thème, les sénateurs UMP seront exigeants. Avec nos collègues députés UMP, nous avons tracé les lignes directrices. Nous voulons réaffirmer notre attachement à la commune, principal échelon de proximité, et notre volonté que soient créés des conseillers territoriaux qui remplaceraient les conseillers généraux et régionaux. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, une réforme en demi-teinte ne serait comprise par personne. (Applaudissements.) Une réforme d'envergure sera acceptée par le plus grand nombre, ne nous y trompons pas. Dans nos départements, les attentes des élus et de nos concitoyens sont immenses. Le Sénat, représentant des collectivités, défendra l'adaptation de nos structures administratives aux nouvelles réalités des territoires, sans barboter dans l'eau tiède. (Applaudissements.)

Dans la France du XXIe siècle, en effet, il n'y a plus d'un côté la ville et de l'autre la campagne : des échanges existent, des influences réciproques se manifestent, comme en témoigne le phénomène de la « rurbanisation ».

Aujourd'hui certaines zones rurales ne perdent plus de population, elles en gagnent. Ce sont des terres de tradition, de savoir-faire mais aussi de véritables laboratoires de l'excellence française.

Ces zones retrouvent une attractivité incontestable et sont au cœur de plusieurs défis posés à la société : la nouvelle organisation des services publics, la question de la croissance verte, la valorisation des paysages, le développement de l'économie des services à la personne.

Ces territoires sont des acteurs incontournables de l'attractivité de notre pays et doivent jouer un rôle de premier ordre sur le chemin qui conduit au retour de la croissance.

Voilà le sens de l'action du Président de la République et du cap qu'il a fixé pour les prochains mois : bâtir une France nouvelle, modernisée, fière des valeurs qu'elle défend, mais aussi capable de s'inscrire dans le nouvel environnement mondial.

À Genève, récemment, le Président de la République déclarait : « La crise nous rend libres d'imaginer. C'est le moment d'aller le plus loin possible ».

Mes chers collègues, la journée d'aujourd'hui est un moment historique. C’est la première fois, depuis la naissance de la Ve République, que son Président s’exprime devant le Parlement réuni en Congrès. Pour la première fois, nous avons la possibilité de débattre publiquement des objectifs qu'il a fixés pour notre pays. C'est un événement politique majeur, un rendez-vous républicain de toute première importance qu’à l’évidence il ne fallait pas manquer.

Ceux qui ne l'auraient pas compris n'ont pas mesuré que nous avons changé d'époque. Ce sont les mêmes qui esquivent le débat à chaque fois qu’il faut répondre à des novations. N'ont-ils toujours rien à dire aux Français ? L'exercice de la démocratie est une épreuve toujours recommencée. Le choix de l'opposition n'impressionne personne. Comme en témoigne cette journée, le Président de la République nourrit l'ambition, avec le Gouvernement et la majorité, de faire de la France un pays en mouvement. Choisir l’immobilisme, c’est hypothéquer l’avenir. Opter pour les réformes, c'est mieux le préparer. Il nous faut donc poursuivre celles que nous avons lancées et engager très rapidement les autres, même les plus ambitieuses, car les Français attendent des réponses pour affronter le présent et permettre l'avenir.

Le Président de la République a fait le choix de l'action et de la réforme. À ses côtés, le groupe UMP du Sénat confirme son goût et sa détermination à participer activement à l'émergence de la nouvelle France en Europe. Le Président de la République nous disait tout à l’heure : « Ayons le courage de changer. » Nous y sommes prêts ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire de l’Assemblée nationale.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons vécu ensemble cet après-midi un moment important et singulier – nous l’avons tous ressenti dans cet hémicycle si extraordinaire qu’est celui du Congrès à Versailles.

Un moment important car voir devant nous le Président de la République choisir de tracer des orientations aussi essentielles a dépassé le caractère quotidien de nos vies d’élus engagés au service de notre pays, quelles que soient nos sensibilités politiques.

Un moment singulier car l’exercice était particulier. Il s’agissait non pas d’une déclaration de politique générale avec un catalogue de mesures mais d’un message que le Président de la République nous adressait tout autant que d’une invitation à réfléchir ensemble à la manière de servir le mieux possible notre cher et vieux pays dans les années qui viennent, en proposant à nos compatriotes, en cette période si particulière marquée par une crise économique mondiale au caractère totalement inédit, qui affecte tous les continents simultanément, des pistes de réflexion, des orientations toutes marquées du sceau du courage, adossé à une volonté politique, histoire de montrer une nouvelle fois que, dans le pays qui est le nôtre, il y a une différence à faire entre ceux qui veulent que cela bouge et ceux qui préfèrent que rien ne change, entre ceux qui veulent le progrès et ceux qui préfèrent le conservatisme. (Applaudissements.)

M. Hervé de Charette. Très bien !

M. Jean-François Copé. Puisque nous en sommes aux paradoxes, je dois dire qu’il était très intéressant de voir que le propos tenu par le Président était suffisamment haut pour que l’opposition l’écoute respectueusement et suffisamment fort pour que celle-ci ne trouve pas d’arguments pour lui répondre. (Applaudissements.)

Dans ce contexte, nous nous trouvons confrontés aujourd’hui à un rendez-vous que le Président de la République nous fixe tous ensemble, au Premier ministre et à nous parlementaires de la majorité – je me permets de m’exprimer ainsi car je crois avoir compris qu’il n’y avait pas de parlementaires de l’opposition.

M. Nicolas Alfonsi. Si, si !

M. Jean-François Copé. Ce rendez-vous consiste à réfléchir à l’après-crise. Nous qui sommes en plein cœur du combat, qui, tous les jours, nous faisons l’écho des inquiétudes et des angoisses liées au chômage, à l’incertitude du lendemain que ressentent nos compatriotes à qui l’on demande tant d’efforts et de sacrifices, nous avons l’obligation signalée de tracer avec le Président de la République des perspectives pour les années qui viennent. Les Français nous le demandent.

Et à ceux qui affirment qu’il est trop tôt pour parler de l’après-crise, je veux simplement dire : « parlons-en », car beaucoup nous ont reproché de ne pas avoir su prévoir la crise. Soyons à la hauteur des missions qui sont les nôtres en les invitant à réfléchir à la manière de mieux nous en sortir.

Ce travail, mes chers collègues, il nous revient de le mener à bien aux côtés du Président. Nous ne sommes plus seulement des législateurs, nous sommes aussi invités, chaque jour, à faire remonter à Paris ce que nous entendons sur le terrain. La nouvelle Constitution nous donne la possibilité de coproduire les réformes, d’apporter notre propre contribution, sortant ainsi d’un système infernal, que nous dénonçons depuis des années, où le Gouvernement soumet un texte à un Parlement à qui l’on demande de voter d’autant plus rapidement que d’autres réformes suivent, un système où celles et ceux qui sont en contact presque tous les jours avec les Français arrivent trop tard, tout ayant été déjà été évoqué. De ce point de vue, une chance fantastique nous est offerte de faire des propositions et de réfléchir ensemble.

J’évoquerai quelques pistes pour rebondir sur les propos de M. le Président.

Tout d’abord, j’aimerais vous faire part d’une conviction profonde : ce serait une énorme erreur de penser que la réponse à la crise n’est qu’une réponse technique et que nous ne sommes là que pour apporter des liquidités aux banques en faillite afin de sauver l’épargne de nos compatriotes et mettre en œuvre un plan de relance pour redresser l’investissement et sauver l’emploi. La crise nous invite, au-delà de ces réponses techniques, à apporter des réponses fondées sur un mot magique : les valeurs. À chaque fois que les responsables politiques oublient les valeurs, ils se trompent de combat et les Français les rejettent. Les valeurs renvoient à la question du respect,…

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Jean-François Copé. …de l’engagement, de l’éthique, autant de mots que le Président a prononcés et que nous faisons nôtres. (Applaudissements.)

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. Jean-François Copé. Parce qu’une réponse fondée sur les valeurs est essentielle, nous avons à honorer au moins trois grands rendez-vous.

Le premier, au cœur du discours du Président, est celui de la dette. Ne nous mentons pas à nous-mêmes. Désormais, les Français, même s’ils n’affectionnent pas l’économie – on les sait plus passionnés par l’histoire et la politique –, auront à cœur d’entendre de la part de leurs responsables politiques des propositions destinées à absorber le stock de dettes. De ce point de vue, les réponses amorcées devront très vite constituer des pistes de travail pour nous. Je pense en particulier à l’annonce de l’emprunt. Au-delà, la question centrale est celle de la dépense publique, celle qui est utile et celle qui est inutile, celle qui est productive et celle qui ne l’est plus, pour l’État, pour les collectivités locales et pour la protection sociale. (Applaudissements.)

Mme Brigitte Barèges. Bravo !

M. Jean-François Copé. Dans l’excellent discours prononcé à l’instant par Henri de Raincourt, j’ai noté que l’évocation des conseillers territoriaux avait recueilli des applaudissements.

M. Philippe Briand. Très bien !

M. Jean-François Copé. Je fais partie de ceux qui vont même un peu plus loin car je pense depuis longtemps que l’heure est venue d’aborder, en prenant le temps qu’il faudra, l’idée de conseils territoriaux produits de la fusion entre départements et régions. (Applaudissements.)

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-François Copé. Mes chers collègues, je sais que c’est un sujet difficile et je suis heureux d’entendre à nouveau des applaudissements. Cela représentera l’heure de vérité pour nous : à ceux que l’on entend si souvent dire que les parlementaires français sont conservateurs, nous pourrons faire la démonstration grâce à cela que nous sommes bien dans le camp de la réforme, du mouvement et du courage politique. (Applaudissements.)

Enfin, je veux vous dire qu’absorber le stock de dettes ne doit pas se faire n’importe comment. Il faut réduire les dépenses inutiles, c’est ma conviction profonde, et pas seulement du fait de mon passage passionné au ministère du budget, à Bercy. Ce serait folie que de tenter de nouvelles expériences d’augmentation des prélèvements obligatoires, ces fameuses formules qui cassent la croissance net au moment où l’on doit chercher partout l’énergie de ceux qui veulent prendre des risques, de ceux qui s’engagent, de ceux qui investissent, de ceux qui embauchent.

En revanche, s’ouvre à nous une perspective fantastique : nos atouts de croissance. Sur ce point, je voudrais vous rendre attentifs à un sujet qui me tient profondément à cœur. Parce que cette crise est inédite, parce qu’elle n’a rien à voir avec l’éclatement de la bulle internet, il y a huit ans, ou celui de la bulle immobilière, il y a quinze ans, des investisseurs du monde entier seront à la recherche des continents et des pays les plus attractifs. Ces pays seront ceux où l’on se loge le mieux, où l’on se nourrit mieux, où l’on soigne et où l’on éduque le mieux les enfants, où l’on a les meilleurs services publics, les meilleures infrastructures, la meilleure eau, le meilleur air, les meilleures économies d’énergie, cher Jean-Louis Borloo. Vous l’aurez compris : nous avons de quoi de prendre des options majeures pour faire de notre pays, la France, de notre continent, l’Europe, des terres parmi les plus compétitives du monde de l’après-crise. À nous d’aller de l’avant ! La crise alimentaire constitue un bel exemple. On entend ici ou là des partisans de la dérégulation de la PAC : folie que tout cela ! Nous savons qu’elle constitue au contraire un enjeu majeur pour l’indépendance alimentaire de notre continent à l’heure où les Américains se protègent, où les Chinois achètent des milliers d’hectares. De la même manière, dans le domaine de la santé, nous avons une expérience et un savoir-faire exceptionnels. Ne voyons pas simplement la réforme de l’assurance maladie comme un combat commencé le jour où le Doliprane a cessé d’être remboursé, pensons plutôt qu’il faut aller bien plus loin et chercher à travers la télémédecine et les recherches scientifiques de formidables outils pour demain.

J’en viens, mes chers collègues, à mon dernier point, que je considère comme majeur. Nous avons de grandes forces, mais nous avons sans doute aussi une faiblesse. Cette faiblesse réside dans ce que les sportifs appellent notre mental, cet « aquoibonisme » si souvent partagé en France par celles et ceux qui pensent que, dans notre pays, il est trop tard et qu’on n’arrivera plus à rien, cet « aquoibonisme » que nous constatons si souvent lorsque nous parlons avec nos compatriotes. Mes chers collègues, la question de l’identité française sera au cœur des dix prochaines années. Il s’agit pour nous de réfléchir à une France rassemblée dans un pays où les gens sur un même palier, dans un même quartier, ne se parlent plus, ne s’écoutent plus, ne se respectent plus simplement parce qu’ils ne se connaissent plus, parce qu’ils ne savent pas quelle est la religion de l’autre, quelle est sa culture ou son histoire, un pays qui n’assume ni l’histoire de la colonisation ni celle de la décolonisation, un pays où l’on a peur les uns des autres parce que pendant trop longtemps on a laissé la nation se fissurer en silence.

L’épisode de la burka en est une nouvelle illustration. Nous avons les uns et les autres des dizaines d’exemples à rapporter que ne relate plus le journal de vingt heures depuis bien longtemps et qui montrent pourtant la souffrance intime de tant de nos compatriotes qui pensent que pour eux, parce qu’ils sont issus de l’immigration récente, parce qu’ils n’ont pas la même couleur de peau ou le même prénom que les autres, la vie sera plus dure que pour les autres.

Voilà le rendez-vous que nous devons honorer : réfléchir ensemble à ce que cela veut dire d’être Français pour préparer l’après-crise et élaborer ensemble un gigantesque projet de société porté par l’ambition d’une nation rassemblée.

Voilà ce que j’ai entendu dans le discours du Président de la République, mes chers collègues. Je veux vous dire qu’à travers tout cela nous est donnée une fantastique invitation à agir, à prendre nos responsabilités, nous parlementaires investis de ces nouvelles compétences, désormais autorisés à fabriquer nous-mêmes des lois, à coproduire les réformes avec le Gouvernement, afin de faire demain du mandat de député autre chose que ce qu’il est aujourd’hui.

Nous considérons tous ces rendez-vous comme autant de moments fantastiques à venir.

Une main nous est tendue. Je veux vous dire ici, mesdames, messieurs les députés, et je le dirai à chaque fois que je le pourrai à nos homologues de l’opposition, qu’il est des sujets sur lesquels nous pouvons travailler ensemble parce que nous le faisons au nom d’une République qui a besoin d’être rassemblée et que c’est dans ces moments-là qu’elle a des raisons d’être le plus fière d’elle-même. (Vifs applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen du Sénat.

M. Yvon Collin. Monsieur le président du Congrès, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette première réunion du Congrès sous l’empire de la nouvelle rédaction de l’article 18 de la Constitution marque le triomphe de la conception très personnelle qu’a le Président de la République du rôle et du fonctionnement de nos institutions : un président qui impulse, oriente et décide dans tous les domaines, un Gouvernement sans marges de manœuvre et souvent impuissant, un Parlement victime du fait majoritaire et qui n’influe qu’à la marge. Comment ne pas voir dans l’organisation même de cette journée et dans la place dévolue dans cet hémicycle à chacune des trois institutions, l’illustration de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’« hyper-présidence » ?

Jamais depuis Adolphe Thiers, en 1873, un Président de la République n’avait été autorisé à s’adresser en personne à la représentation nationale. La peur raisonnée des parlementaires de l’époque les avait conduits, deux ans plus tard, à proscrire la présence physique du chef de l’État dans l’hémicycle pour couper court à toute tentation de glissement vers le présidentialisme.

Ainsi il fut permis que s'enracinât la République dans notre pays. Et c'est cet héritage républicain, à la fois laïc et humaniste, qu'il nous revient de préserver. Car la République est notre bien commun le plus précieux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)

Ainsi, le Parlement, érigé en pouvoir constituant, a donc décidé, l'année dernière, de mettre fin à une règle vieille de 135 années. En dépit des vives oppositions qui s'étaient alors exprimées, le droit de la République doit s'appliquer, car il incarne la volonté générale du peuple souverain et de ses représentants. Je le dis avec d'autant plus de conviction que je me suis prononcé contre la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier.

Nul ici n'a aujourd'hui violé la Constitution. Il est donc de notre devoir de républicain de participer à ce débat. (Applaudissements.)

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Yvon Collin. C'est la position unanime du plus ancien groupe parlementaire que j'ai l'honneur de présider, comme c'est aussi celle des Radicaux de gauche, ma famille politique. (Applaudissements.)

M. François Sauvadet. Très bien !

M. Yvon Collin. Cette réunion du Congrès restera dans l'histoire comme la première déclaration de politique générale prononcée par un Président de la République devant les parlementaires, tâche qui incombait, jusqu'à présent, au chef du Gouvernement. D'ores et déjà, une question se pose : que va-t-il advenir de la fonction de Premier ministre ?

Arrivé à la moitié de son quinquennat, le Président de la République a choisi cette date pour faire usage de cette nouvelle disposition. Le bilan dressé de son action est, de mon point de vue, loin d'être aussi flatteur que l’image idyllique que nous venons d'entendre, notamment de la part des orateurs qui m'ont précédé.

Force est de constater, mes chers collègues, que je suis le seul orateur pouvant se réclamer de l'opposition à intervenir à cette tribune, une opposition jamais systématique, une opposition toujours constructive, une opposition qui préfère toujours le débat au combat ! (Applaudissements.)

À présent, parlons d'Europe ! La présidence française de l'Union européenne a certes été empreinte d'un dynamisme utile qu'il faut reconnaître. Le Président de la République n'a pas ménagé ses efforts sur certains dossiers, comme la guerre en Géorgie ou la sécurité énergétique. Mais force est de constater que très peu de nouveaux chantiers ont été ouverts. Certains, urgents et très attendus par les professionnels – je pense à la politique de santé et à la PAC –, n'ont pratiquement pas évolué.

Le groupe du RDSE, qui revendique son attachement à l'Europe, s'interroge. Quel est aujourd'hui l'avenir institutionnel de l'Europe, à l'heure où le traité de Lisbonne reste une Arlésienne ? Comment permettre au Parlement de prendre toute sa place ? Pourquoi ne pas élargir le mandat de la BCE à la stabilisation macro-économique ? Autant de grands sujets auxquels le Président de la République n’a apporté aucune réponse dans son discours.

Quoi qu'on en dise, nos compatriotes ne s'y sont pas trompés : les résultats des dernières élections européennes ne sont flatteurs pour personne. Le succès revendiqué par la majorité n'est qu'un trompe-l’œil, dès lors que 60 % de nos concitoyens ne se sont pas déplacés et que 73 % n'ont pas adhéré à sa politique.

Malgré la très grave crise économique que nous traversons, le Président de la République refuse d'infléchir une politique en total décalage avec ses discours prônant la régulation et le retour de l'État. Le bouclier fiscal en est la cruelle illustration, malgré une partie croissante de la majorité qui appelle à sa suppression.

Il est certain aujourd'hui qu'une autre politique, fondée sur une coordination des politiques économiques en Europe, aurait permis d'amortir le terrible choc que nous subissons. Les dysfonctionnements macro-économiques en Europe et leurs conséquences financières et monétaires déploient leurs effets dans une crise qu'on aurait tort de n'imaginer qu'importée des États-Unis.

Les résultats de cette politique sont malheureusement tangibles au quotidien. Les services publics subissent les conséquences d'un détournement de l'orthodoxie budgétaire : hier Gaz de France et AREVA, aujourd'hui la SNCF et La Poste. À qui le tour demain ?

Je ne nie pas le besoin de réformes, mais je conteste que la seule rentabilité l'emporte sur l'intérêt général. Je pense ici, en particulier, aux territoires ruraux, qui ont pourtant tant besoin de services publics de proximité et de qualité.

M. Raymond Vall. Très bien !

M. Yvon Collin. De la même façon, il est inacceptable que l'addition d'une politique de dépenses publiques non maîtrisée soit payée par les collectivités locales !

On cherche à faire croire aux Français que les collectivités sont aujourd'hui responsables de l'explosion de la dette publique, qu'elles sont incapables de gérer leurs budgets ou qu'elles ne savent qu'augmenter les impôts. Rien de plus faux, quand on sait que l'État, qui a transféré de nouvelles compétences, n'a jamais donné les moyens financiers correspondants !

Mme Brigitte Barèges. C’est souvent le cas, notamment dans le Tarn-et-Garonne !

M. Yvon Collin. Pire, les dotations compensent de moins en moins les charges nouvelles des collectivités : plafonnement de l'enveloppe normée de la DGF, plafonnement de la taxe sur le foncier non bâti, plafonnement de la valeur ajoutée dans le calcul de la taxe professionnelle. Enfin, dois-je rappeler que la RGPP s'entend autant pour l'État que pour les collectivités ?

Par ces temps difficiles, le sénateur que je suis est fier d'œuvrer à la défense des petites communes, de plus en plus mises à mal par la dégradation continue de leur environnement juridique et financier. Avec mes collègues du RDSE, il ne nous a manqué que trois voix le 26 mars pour faire adopter une proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves. Faut-il rappeler que le Président de la République avait lui-même promis cette mesure à l'occasion du dernier Congrès des maires ? Personne ici ne peut me contredire.

Le récent rapport de la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l’évolution des collectivités locales a dégagé des propositions pour clarifier leurs compétences. Elles ont le grand mérite de ne pas faire du rapport de force l’unique méthode de réforme. Quelle suite sera donnée à ce rapport ? Est-il parvenu jusqu'au Président de la République ? Ayant bien écouté sa déclaration, j'en doute, et je le regrette.

Car, à l'inverse, le big bang territorial annoncé par le Chef de l'État porte bien son nom et illustre tout aussi bien la méthode retenue. Rompre ou plier : voilà l'alternative proposée, plutôt que de faire émerger un consensus que chacun appelle de ses vœux. Et si l'on refuse de céder, voici qu'on brandit la menace du référendum. Mais il serait absolument inacceptable que la volonté du Parlement ne soit pas entendue, à plus forte raison celle du Sénat qui assure « la représentation des collectivités territoriales de la République ».

Que l'on songe aussi à la suppression de la taxe professionnelle annoncée le 5 février dernier pour le 1er janvier prochain. Alors que la loi de finances pour 2010 est entrée dans sa phase de préparation, le Gouvernement est incapable d'expliquer aux parlementaires et aux élus locaux quel sera le nouveau dispositif. Or, aujourd'hui, les collectivités ont besoin des 23 milliards d'euros qu'elles représentent, surtout dans un contexte de crise. Comment alors garantir le principe constitutionnel d'autonomie des collectivités, si l'État vient, une nouvelle fois, substituer une dotation à un impôt local librement déterminé ?

Nos compatriotes sont également très inquiets pour l'avenir de leur système de retraites. La solidarité nationale n'est pas négociable : le système par répartition ne doit pas être sacrifié. La loi Fillon est loin d'avoir réussi le miracle annoncé, à savoir garantir l'avenir du système de retraites. Et voici que l'on nous explique qu'il faudra travailler jusqu'à soixante-sept ans ! Pourquoi cette annonce, alors qu'un rendez-vous avait été fixé avec les partenaires sociaux en 2012 ? Et pourquoi priver le Parlement d'un débat qui lui revient de droit ?

Mais, s'il est un domaine où l'activisme présidentiel interpelle, c'est bien celui de la justice et des libertés publiques. Après la chaotique réforme de la carte judiciaire, l'inquiétante loi sur la rétention de sûreté, la très répressive loi sur la récidive, la très décevante réforme pénitentiaire, voici que se profilent la suppression des avoués, le renforcement de la répression des clandestins et la suppression du juge d'instruction.

La combinaison de ces réformes ne manque pas d’inquiéter tous ceux qui sont attachés à la défense des droits fondamentaux et à la protection de la dignité humaine.

Avant de conclure, je voudrais préciser que la démarche à la fois critique et constructive dans laquelle s'inscrit mon groupe m'amène à reconnaître les progrès accomplis depuis le début de ce quinquennat en matière de développement durable. Sur ce sujet, nous sommes collectivement, par-delà les clivages partisans, en train de remporter la plus difficile des batailles : changer les mentalités pour parvenir à la révolution verte.

Enfin, les dernières propositions annoncées en faveur de la jeunesse me semblent aller dans le bon sens. Et c'est avec satisfaction que je constate, quelques semaines seulement après le débat qui s'est tenu au Sénat, à l'initiative de mon groupe, que l'on préconise aujourd'hui de renforcer la participation citoyenne des jeunes avec un véritable service civique.

Le groupe du RDSE demeure attentif et vigilant à la politique du Président de la République. C'est pourquoi il entend faire le meilleur usage des prérogatives que lui confère désormais son statut de groupe minoritaire, au sens de l'article 51-1 de la Constitution.

Soucieux du respect des minorités politiques et du pluralisme sénatorial, mon groupe continuera de privilégier le dialogue et le débat. Nous refusons le manichéisme politique érigé en consigne de vote : voter systématiquement contre quand on est dans l’opposition et pour quand on est dans la majorité ne sera jamais notre marque de fabrique. (Applaudissements.) De même, ceux d'entre nous qui sont Radicaux de gauche, et donc aujourd'hui dans l'opposition, refusent toute opposition systématique. (Applaudissements.)

Le groupe du RDSE est plus que jamais fier d'être constitué de sénateurs issus d'horizons politiques différents, mais qui tous se rassemblent sur l’essentiel : des affinités communes mais aussi des valeurs partagées. N'est-ce pas là l'essence même du Parlement ? C'est avec ce type d'attitudes politiques et de comportements responsables que nous entrerons alors, peut-être, dans l'ère trop vite annoncée de l’hyper Parlement ! Mais, pour l'heure, ne nous y trompons pas : c'est bien l’hyper présidence qui prédomine. (Applaudissements.)

M. le président. Au titre des parlementaires inscrits à aucun des groupes politiques de l’Assemblée et du Sénat, la parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour cinq minutes.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, rassurez-vous : cinq minutes, ce n’est pas long ! (Sourires.)

Vous conviendrez que cette première institutionnelle depuis la IIe République est assez paradoxale et ubuesque, puisque l’on nous demande de débattre, en réponse au discours du Président de la République, alors que ce dernier est déjà parti et ne peut donc nous écouter.

M. Jean-François Copé. Mais nous sommes là !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Pour autant, fallait-il refuser de participer à cette séance ? Je ne le crois pas. Car, au moment où les Français s'inquiètent, à juste titre, pour leur avenir, c'est bien la moindre des choses pour chaque force politique de proposer un chemin pour notre pays. À cet égard, la dérobade du parti socialiste n'est pas glorieuse.

En effet, la France est embourbée dans la pire crise économique et sociale de son histoire récente. J'espérais d'ailleurs que le Président de la République s'adresserait à nous pour prononcer un discours de vérité sur la gravité de cette crise et sur ses causes réelles, une crise dont l'origine n'est pas seulement américaine, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire.

L'hémorragie des emplois industriels dans toutes nos régions, l'explosion du déficit du commerce extérieur, l'aggravation en chaîne des déficits publics et sociaux, s'expliquent par l'effondrement de notre compétitivité liée autant à nos faiblesses nationales, l’excès des charges qui pèsent sur les entreprises qu'à la politique européenne suicidaire de l'euro trop cher et du libre-échange intégral.

J’attendais un discours de vérité sur le remède de cheval indispensable pour s’attaquer enfin aux racines du mal, mal à la fois national et européen.

Certes, le Président de la République a prononcé de belles paroles sur le modèle républicain. Comment ne pas partager non plus son analyse de la mondialisation ? Comment ne pas adhérer à cette idée que la rigueur bête et méchante est une impasse et qu’il faut investir massivement dans les secteurs d’avenir pour préparer le XXIe siècle ?

Mais alors, pourquoi le Président de la République ne va-t-il pas au bout de sa logique ? Car ce ne sont pas les réformes annoncées, comme celle des collectivités locales ou encore celle des retraites, qui vont nous armer suffisamment dans la guerre économique mondiale que nous sommes en train de perdre.

Le Président s’est inquiété de voir une France sans usines. Mais pourquoi se refuse-t-il alors à changer sa politique européenne ? Pourquoi a-t-il signé le traité de Lisbonne, qui fait perdre à notre pays le droit de veto sur les questions commerciales internationales qui sont décisives, alors même que, sur les vingt-sept pays, nous sommes totalement minoritaires dans notre volonté de réguler la mondialisation ?

Comment peut-on prononcer ici un discours de régulation de la mondialisation et se mettre en minorité, à Bruxelles, sur des politiques qui dérégulent dans tous les domaines encore plus ?

Cette contradiction majeure entre la politique nationale et la politique européenne, le Président l’a implicitement reconnue puisqu’il a intelligemment commencé son discours en disant : « J’ai déjà parlé de l’Europe, je parle aujourd’hui de la France. » Il a même dit, à la fin de son intervention, qu’il faudra, bien sûr, revoir la politique européenne. Mais comment pourra-t-il procéder à cette révision alors même que la France s’est, au fil du temps, lié les mains par des traités qui l’ont privée de la maîtrise de son destin, et qui le conduisent donc à prononcer des discours déconnectés de la réalité ? Pourquoi accepte-t-il cette gestion suicidaire de l’euro qu’il avait contestée, à juste raison, dans ses grands discours de campagne avant 2007 ? Dans un contexte de libre-échange déloyal, rien ne pourra se faire avec une monnaie surévaluée qui nous asphyxie ! Nous le payons cher et, dans toutes vos régions, vous voyez sans cesse des entreprises fermer. L'Angleterre, les États-Unis et la Chine, qui ont dévalué massivement, ont bien compris cette impossibilité. (Exclamations sur plusieurs bancs.)

M. Gérard Larcher, président du Sénat. L’Angleterre…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Quand comprendra-t-on que l’on ne peut pas mener deux politiques contradictoires ? Soit le Président de la République accepte la politique européenne qui a été décidée depuis des années et continue dans cette voie, et la politique nationale qu’il vient d’annoncer ne sera alors pas valable et finira dans le mur ; soit le Président de la République mène cette politique nationale – je ne pourrais que m’en réjouir comme je me réjouis de certains passages de son discours – mais, en ce cas, il faudra bien qu’à un moment ou un autre, on en arrive à l’instant de vérité à Bruxelles, notamment avec nos amis allemands.

Pour conclure, je note que le Président a également prononcé de belles paroles sur la nécessaire cohésion sociale et nationale. Sans cette cohésion républicaine, il n’y aura pas d’adhésion aux réformes et à l’effort, nous le savons tous. La France ne s’en sortira que lorsque les Français en auront conscience et le voudront vraiment. Mais ils ne le voudront vraiment que quand ils seront convaincus que le chemin qu’on leur propose est efficace et juste.

Un chemin efficace implique que les actes suivent les discours. À cet égard, je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour concilier le développement et le renforcement de la sécurité avec la disette d’effectifs dans nos banlieues et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour renforcer la justice dans notre pays tout en acceptant des lois qui supprimeraient les peines de prison pour les délinquants condamnés à des peines inférieures à deux ans. Je souhaite bon courage à M. le Premier ministre pour interdire la burka en France : même si j’adhère totalement à cette idée, comment interdire la burka durablement si on ne maîtrise pas nos frontières, si on continue à adhérer à cette politique européenne des frontières ouvertes qui explique notre incapacité à maîtriser l’immigration ?

Les Français n’adhéreront au chemin proposé que s’il est juste, ce qui suppose des réformes conformes à nos valeurs républicaines et à notre histoire nationale. Comment, sinon, demander aux salariés de se serrer la ceinture ? Or il faudra se serrer la ceinture, comme il faudra un jour augmenter les impôts – bien avant 2012 en raison de la catastrophe financière qui approche. Comment demander aux fonctionnaires de changer leur façon de travailler si on ne suspend pas le bouclier fiscal, si on ne plafonne pas la rémunération des grands patrons, si on ne diminue pas – et pourquoi pas ? – les indemnités des élus ?

M. Dominique Braye. C’est un propos démagogique !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Les Français sont prêts, j’en suis persuadé, à se retrousser les manches, mais à condition que l’effort soit partagé et que ses fruits profitent à tous.

Dommage que le rendez-vous d’aujourd’hui n’en soit resté qu’aux généralités, que le Président de la République ait reproduit un discours de campagne, bien loin de celui que nous attendons, bien loin du contrat de confiance nécessaire pour sortir la France du déclin et de la division.

Oui, mes chers collègues, les Français retrouveront goût à l’action publique et confiance en eux-mêmes lorsqu’ils seront convaincus que les décisions prises répondent au double souci de l’intérêt général et l’unité nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

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Clôture de la session du Congrès

M. le président. L’ordre du jour pour lequel le Congrès a été convoqué est épuisé.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)

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DĖCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n° 2009-583 du 22 juin 2009

(Résolution modifiant le règlement du Congrès)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 juin 2009 par le président de l'Assemblée nationale, président du Congrès du Parlement, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution du Congrès modifiant son règlement.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte deux articles ;

2. Considérant que l'article 1er fixe les modalités selon lesquelles, en application du deuxième alinéa de l'article 18 de la Constitution, le Président de la République prend la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès et sa déclaration donne lieu, le cas échéant, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote ;

3. Considérant que l'article 2 procède à diverses adaptations du règlement du Congrès ; que, notamment, il simplifie l'organisation du scrutin public et ne prévoit plus que l'établissement d'un compte rendu intégral de chaque séance ;

4. Considérant que ces dispositions ont été prises conformément à l'article 18 de la Constitution et ne méconnaissent aucune autre règle de valeur constitutionnelle,

D É C I D E :

Article premier.- La résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est déclarée conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera notifiée au président du Congrès du Parlement et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juin 2009, où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, Président, MM. Guy Canivet, Jacques Chirac, Olivier Dutheillet de Lamothe, Valéry Giscard d'Estaing, Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper et M. Pierre Steinmetz.