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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 25 juin 2008

16 h 15

Compte rendu n° 54

Présidence de M. Pierre Lequiller Président de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et de M. Hubert Haenel Président de la Délégation pour l'Union européenne du Sénat

Rencontre des Délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat avec la Conférence des présidents des groupes politiques du Parlement européen

Rencontre des Délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat avec la Conférence des présidents des groupes politiques du Parlement européen

M. Hubert Haenel, Président de la Délégation pour l'Union européenne du Sénat, s’est dit particulièrement heureux, avec le Président Pierre Lequiller, d’accueillir au Parlement français pour cette rencontre des deux délégations pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale et du Sénat la Conférence des présidents du Parlement européen qui rassemble le président du Parlement européen et les présidents des groupes politiques.

Depuis quelques années, les relations entre les parlements nationaux et avec le Parlement européen se sont intensifiées d’une manière spectaculaire. Le programme de rencontres prévues dans le cadre de la présidence française en est un exemple frappant puisque, dans les six mois qui viennent, dix réunions seront organisées au Palais-Bourbon ou au Palais du Luxembourg sur les thèmes les plus divers. À ces dix réunions, il s’ajoutera deux rencontres interparlementaires, dont l’une se tiendra à Bruxelles sur le thème des migrations et de l’intégration et l’autre, à Strasbourg, sur celui de l’énergie et du développement durable.

Il est regrettable que la présidence française s’engage dans des conditions qui ne sont pas celles qu’on aurait pu souhaiter. Aux difficultés résultant de la baisse d’activité économique, il s’ajoute aujourd’hui les difficultés politiques résultant du vote irlandais. Aussi bien lors de la Conférence des présidents des parlements de l’Union européenne qui s’est tenue à Lisbonne, à la fin de la semaine dernière, que lors de la réunion que les deux délégations ont eue hier avec le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, il a été unanimement estimé que nous devions nous employer, tous, de manière continue et résolue, à combler le divorce, voire le fossé, qui s’est établi entre les citoyens et les institutions de l’Union européenne. Or, c’est aux parlements – Parlement européen, bien sûr, mais aussi et peut-être surtout parlements nationaux – que revient d’abord la tâche d’essayer de combler ce fossé en faisant preuve de pédagogie et de responsabilité.

Le Président Pierre Lequiller, après s’être déclaré heureux de cette rencontre, a précisé qu’elle intervient après le « non » au référendum en Irlande et qu’elle offre ainsi l’occasion de prendre en compte le rôle que peuvent jouer les parlements nationaux pour faire progresser l’Europe. La réforme constitutionnelle en cours dans notre pays devrait permettre de renforcer le contrôle que l’Assemblée nationale et le Sénat exercent sur l’élaboration des textes européens. Nous nous efforçons d’améliorer nos procédures pour être plus efficaces et pour intervenir le plus en amont possible. Le président du groupe politique UMP à l’Assemblée nationale, M. Jean-François Copé, a d’ailleurs insisté sur notre fonction de coproducteur de normes européennes avec les députés européens français. Ces derniers sont maintenant régulièrement invités à chaque réunion de la délégation, même s’ils ont souvent des difficultés pour venir à ces réunions, compte tenu des exigences de présence au Parlement européen.

M. Daniel Cohn-Bendit, Président du groupe Verts/ALE (Alliance libre européenne), a remarqué que c’était comme les députés français pour rencontrer les députés européens à Bruxelles.

Le Président Pierre Lequiller a estimé qu’il nous faudra aussi mobiliser les parlementaires nationaux à l’occasion des prochaines élections européennes pour éviter une trop forte abstention. La coopération entre le parlement européen et les parlements nationaux est en effet indispensable pour la sensibilisation de nos concitoyens.

M. Hans-Gert Pöttering, Président du Parlement européen, a indiqué que le Parlement européen mettait beaucoup d’espoir dans la présidence française de l’Union européenne. Le Président Sarkozy s’adressera le 10 juillet 2008 au Parlement européen dans le contexte nouveau créé par le « non » irlandais. Le Parlement européen a, sur cette question, une position très ferme : le processus de ratification doit se poursuivre. Le Premier ministre irlandais remettra au Parlement européen un rapport en octobre sur la situation dans son pays, l’objectif étant la mise en vigueur du traité de Lisbonne avant les élections européennes. Si cet objectif ne pouvait être atteint, il faudrait s’attendre à des difficultés sérieuses pour le fonctionnement de l’Union européenne. Les parlements nationaux et le parlement européen ne sont pas des concurrents : nous servons ensemble la démocratie et l’unité du continent. Les conférences interparlementaires organisées ces dernières années par le Parlement européen avec les parlements nationaux ont rencontré un grand succès, comme par exemple celles sur la stratégie de Lisbonne ou le changement climatique ; d’autres sont déjà prévues sur les migrations, l’énergie et le développement durable.

M. Joseph Daul, Président du groupe PPE-DE (Parti populaire européen), a considéré que le dossier principal actuel est celui de la ratification du traité de Lisbonne. Nous respectons naturellement le vote des Irlandais, mais nous craignons l’attitude des Tchèques. Le Parlement européen insiste sur le fait que tous les pays doivent se prononcer sur le traité avant la fin de l’année et qu’ils ne doivent pas se réfugier derrière les Irlandais.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la délégation de l’Assemblée nationale a rencontré récemment une délégation du parlement tchèque. La situation est difficile en République tchèque et il faudra attendre à la fois les prochaines élections du Sénat et la décision de la Cour constitutionnelle.

Nous sommes, nous aussi, unanimes pour demander que les ratifications se poursuivent. Nous pensons par ailleurs que le « non » irlandais est différent du « non » français même si, pour l’essentiel, ces votes négatifs s’expliquent par l’ignorance des électeurs. Il faudrait naturellement que le problème irlandais puisse être réglé bien avant l’échéance des prochaines élections européennes, compte tenu des conséquences qu’aurait l’absence d’entrée en vigueur des dispositions du trait de Lisbonne, ne serait-ce que sur le nombre de députés européens.

M. Martin Schulz, Président du groupe PSE (Groupe socialiste), a souligné qu’après des années de discussions institutionnelles, les gens sont fatigués de ces débats où même des commissaires avouent ne pas connaître le contenu du traité. En Irlande, tous les partis politiques avaient appelé à voter « oui » et le peuple a voté « non ». C’est l’expression d’une profonde méfiance des citoyens envers les institutions tant européennes que nationales. C’est une crise de l’Europe et des Etats. La responsabilité est partagée.

Nous avons assisté aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, au débat sur les questions d’actualité au Gouvernement. Nous avons été intéressés par cette formule au point que nous allons tenter de l’introduire au Parlement européen. Mais la réponse du Gouvernement à une question sur la directive « retour » des immigrés en situation irrégulière nous a particulièrement frappés. Pour le ministre Brice Hortefeux, c’est la Commission qui a imposé cette directive. Comme toujours, les succès sont nationaux, et les échecs sont européens.

L’Europe traverse une crise profonde et nous devons le reconnaître. Le délai paraît maintenant trop court pour éviter que la tentative pour dénouer la crise irlandaise ne coïncide avec les élections européennes ; un nouveau référendum en Irlande risque de ce fait de transformer la campagne des élections européennes en une quasi campagne référendaire dans tous les États membres. Le traité de Nice avait été conçu pour 15 États membres. L’élargissement avait conduit à rédiger la Constitution européenne. Après le « non » français à la Constitution, il existait un plan B : ce fut le traité de Lisbonne. Mais, après le traité de Lisbonne, il n’y a plus de solution car l’Europe compte déjà 27 États. Dès lors il faut comprendre que, sans réforme institutionnelle, il n’y aura plus d’élargissement.

Le Président Hubert Haenel a précisé que les deux délégations de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont réunies hier et ont fait la même analyse de la situation.

M. Graham Watson, Président du groupe ALDE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), a estimé que le « non » irlandais n’est pas fondamentalement différent du « non » français. Dans les deux cas, c’est la peur qui a guidé les électeurs. Les gens n’ont pas confiance dans les institutions européennes. Le Parlement européen et la Commission ont fait des progrès importants pour communiquer avec les opinions. Pas les gouvernements. Or l’Union européenne est l’affaire de tous et pas seulement des institutions européennes. Les gens doivent savoir que l’Europe fonctionne dans l’intérêt de tous les peuples. Il faut donc s’interroger sur la manière de redonner confiance dans nos institutions.

Le Président Pierre Lequiller a noté que la peur a été le point commun entre les deux « non », mais avec des motifs différents : le plombier polonais, les délocalisations, d’insuffisantes réponses sociales en France ; les menaces d’harmonisations fiscales et sociales, à l’inverse, en Irlande. Ce qui est le plus inquiétant est le fait que 60 % des jeunes ont voté « non » lors du référendum irlandais.

Le Président Joseph Daul a constaté que les raisons sont connues si on sait qui a financé cette campagne électorale.

Le Président Hubert Haenel a déclaré que nous devons être d’accord sur nos méthodes de travail en commun. Comment faire pour que le Parlement européen soit mieux informé du contenu des travaux dans les parlements nationaux. On peut prendre l’exemple du problème de la taxation des rejets de gaz carbonique par les automobiles qui vient d’être traité, lors d’une réunion tenue cet après-midi, par notre collègue Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller, sénatrice, a observé que nous sommes en effet dans une situation caricaturale dans le domaine de l’environnement car l’essentiel des compétences y relève de l’Union européenne. Comment pouvons-nous alors organiser un débat suffisamment public dans nos parlements et dans nos pays ? Comment les parlementaires nationaux peuvent-ils être des colégislateurs des normes européennes ?

Le Président Daniel Cohn-Bendit a estimé qu’il y a une différence entre les « non » irlandais et français, les peurs étant renversées. Les Irlandais revendiquent un commissaire, même si c’est pour s’opposer à sa politique. Ils craignent d’être obligés d’autoriser l’avortement ; en France c’était l’inverse. Il conviendrait d’abord de rendre les élections au Parlement européen plus européennes. Par exemple, que les têtes de listes puissent être élues dans tous les pays et qu’ils puissent choisir ensuite leur circonscription nationale de rattachement. Est-on prêt à avancer dans une direction politique réellement européenne ?

M. Jacques Blanc, sénateur, a considéré que l’ignorance est, à l’évidence, à l’origine des votes négatifs. Le Parlement européen et les parlements nationaux font des efforts importants de communication sur l’Europe. Il ne faut pas oublier les collectivités locales et le Comité des régions qui peuvent, eux-aussi, jouer un rôle important pour mieux faire connaître l’Europe auprès de nos concitoyens.

Mme Cristiana Muscardini, Présidente du groupe UEN (Union pour l’Europe des Nations), a ajouté qu’il faut, certes, éduquer les citoyens. Mais il faut aussi éduquer les hommes politiques et les éducateurs. Les députés européens participent rarement aux débats nationaux. Il faut aussi changer les mentalités. Le traité de Lisbonne reste un rêve. Etant partisane d’un commissaire par Etat membre dans le projet de Constitution, elle s’est retrouvée frustrée par le nouveau traité. Il faut surtout travailler à donner une âme à l’Europe. Comment croire à l’existence de l’Europe quand, par exemple, une réunion importante sur les médicaments vient de se tenir à Paris et qu’il n’en est aucunement fait état dans nos pays alors que le médicament est de compétence européenne.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que le Gouvernement et les parlementaires reportent volontiers tous les problèmes sur Bruxelles. Ils donnent ainsi une image négative de l’Europe. Il est certain qu’il faut mieux former les relais d’opinion. Les parlementaires nationaux ne parlent pas assez de l’Europe sur le terrain et les débats restent trop souvent nationaux et sans dimension européenne. L’Europe doit aussi se saisir des sujets qui intéressent les citoyens.

Le Président Hans-Gert Pöttering a observé que les ministres doivent être contrôlés par les parlementaires nationaux avant d’aller négocier dans les Conseils à Bruxelles.

M. Francis Würtz, Président du groupe GUE/NGL (Gauche unitaire européenne), a jugé que la crise actuelle relève d’une responsabilité partagée. Pourquoi cette désaffection de l’Europe ? C’est moins une question d’information des citoyens qu’une absence de réponse aux questions sociales qui avaient été posées par les Français. C’est la directive Bolkenstein qui avait mis le feu aux poudres dans toute l’Europe. Mais le traité de Lisbonne n’a pas apporté de réponse au référendum français. De même, il est illusoire de penser trouver une réponse au référendum irlandais par une astuce de procédure. Les dirigeants européens ne veulent pas dire en réalité où est le lièvre parce qu’ils ne veulent pas traiter le problème.

Mme Alima Boumediene-Thiery, sénatrice, s’est déclarée heureuse de cette occasion qui nous permet de confronter une analyse européenne de la situation avec le débat franco-français sur l’Europe. Parmi tous les projets que porte l’Europe, un des plus importants est l’euro-méditerranée. Ce projet révèle les liens qui existent entre les pays du Nord et du Sud. Il permet le rapprochement des parlements de ces pays des deux bords de la Méditerranée. Il ouvre vers une démarche réellement parlementaire sur de très nombreux problèmes touchant aux migrations, aux libertés, au développement et à l’environnement.

Mme Kathy Sinnott, Présidente du groupe IND/DEM (Indépendance/démocratie), a déclaré qu’en tant qu’Irlandaise, elle essaie d’apporter une contribution utile sur les problèmes engendrés par le référendum négatif dans son pays. Il y a des dizaines de raisons pour lesquelles les gens ont voté « non ». Mais continuer comme aujourd’hui à analyser ces raisons ne fera pas avancer les choses. Un nouveau « non » serait pire. Le plus grave dans une confrontation, c’est quand on cherche à imposer son point de vue. Tenter d’imposer une solution aux Irlandais et chercher à passer en force conduirait sans doute à détourner définitivement beaucoup de citoyens de l’Europe. Elle peut se contenter personnellement du traité de Lisbonne. Mais il faut éviter de prendre le risque de pousser les gens vers les extrémismes. Chacun doit se sentir à l’aise dans l’Europe avec sa propre culture. En fait, les Irlandais ont fait savoir qu’ils n’avaient confiance, ni dans Bruxelles, ni dans leur Gouvernement. C’est la conséquence, en particulier, d’une affaire concernant un site archéologique précieux en Irlande où la Commission n’est pas intervenue, alors qu’elle aurait dû le faire pour éviter sa destruction au profit d’un projet immobilier.

Mme Irina Belohorska, observateur des non-inscrits, a estimé que les problèmes nationaux ont trop tendance à se répercuter sur les questions européennes. Un « oui » slovaque compte-t-il moins qu’un « non » irlandais ? Arriver à des positions unifiées dans 27 pays est particulièrement difficile. Il faut tenir compte des situations particulières, par exemple en République tchèque, où plus d’un million de personnes soutiennent les mouvements sociaux.

M. Jean Bizet, sénateur, a considéré que se défausser sur l’Europe des problèmes sociaux est une réponse facile qui nous discrédite. Depuis soixante ans, nos pays sont en paix grâce à l’Europe. Mais la lecture des conclusions du Conseil européen n’est pas de nature à répondre à l’inquiétude de nos sociétés, et particulièrement à celle des jeunes. C’est pourquoi il faut une plus grande réactivité du Parlement européen et des parlements nationaux sur les questions européennes. Par exemple, le Fonds européen d’adaptation à la mondialisation est mal connu. Il faut une meilleure orchestration des réponses de nos parlements aux questions de nos concitoyens.

Le Président Hans-Gert Pöttering a déclaré que pour la coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux, il est en faveur de contacts directs entre les rapporteurs qui pourront ainsi créer des réseaux entre eux dans les différents domaines de leurs compétences. Il partage l’avis selon lequel la politique européenne ne doit pas être laissée aux seules institutions européennes ; les maires, les régions et les collectivités locales doivent aussi parler de l’Europe. Pour l’euro-méditerranée et en sa qualité de Président de l’Assemblée euro-méditerranéenne, il pense que le Président Sarkozy a posé la bonne question pour améliorer le processus de Barcelone. Il faut des projets concrets dans le domaine de l’environnement, de la coopération économique, de l’immigration et des transports. Mais le pire serait qu’on en reste à la rhétorique et à des mots.

Le Président Martin Schulz a considéré que le plus grave dans l’affaire irlandaise est que deux jeunes sur trois ont voté contre l’Europe. C’est la preuve qu’ils ont peur de l’avenir. Pour lui qui est né après la guerre, il mesure tout le prix de l’Europe. Son père avait connu deux guerres mondiales. Sa génération n’a, elle, et pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, pas connu de guerre. Mais la situation actuelle lui fait penser à l’Europe d’entre les deux guerres mondiales. Il ne faut pas oublier que la paix n’est pas garantie pour toujours. Nous devons y penser maintenant parce que l’Europe est dans une crise profonde.

Le Président Pierre Lequiller a conclu qu’il faut effectivement enseigner l’histoire et la culture dans une dimension européenne. Il faut aussi réduire la distance entre l’Europe et les citoyens par des projets concrets.