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Commission chargée des affaires européennes

mercredi 12 novembre 2008

9h30

Compte rendu n° 73

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de MM. Guy Geoffroy et Régis Juanico sur les comités d’entreprise européens (document E 3904)

II. Communication de M. Bernard Deflesselles sur le « paquet défense » (documents E 3740 et 3741)

III. Communication de M. Bernard Deflesselles sur le mécanisme de gestion du financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (Athena) (document E 3963)

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 12 novembre 2008

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à neuf heures trente-huit

I. Communication de MM. Guy Geoffroy et Régis Juanico sur les comités d’entreprise européens (document E 3904)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce texte important ne soulève pas de grandes difficultés. Son calendrier s’est accéléré depuis le début de la présidence française. Les prochaines échéances sont le 17 novembre au Parlement européen et à la mi-décembre au Conseil « Emploi, politique sociale et consommateurs » (EPSCO).

Cette proposition de directive est également marquée par un élément spécifique au domaine social. Elle a fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux, à la fin du mois d’août dernier, en réponse à l’invitation qui leur avait été adressée à l’occasion de la réunion informelle de Chantilly les 10 et 11 juillet. Il convient de respecter ce résultat du dialogue social. Il est ainsi clair que la fin de non recevoir opposée par la Confédération européenne des syndicats, en avril dernier, en réponse à la saisine des partenaires sociaux européens par la Commission européenne en février, était davantage motivée par des raisons de calendrier que par des motifs de fond.

La compétence du législateur européen est ainsi une compétence « obligée », cet accord devant constituer le socle de la future directive, conformément, d’ailleurs, à la position de la présidence française.

L’objectif est d’avoir un dispositif plus efficace que celui de 1994, qui a donné ses fruits mais contient des imperfections et des lacunes qui freinent son développement.

La directive de 1994 incite les groupes et entreprises de dimension européenne à créer un comité d’entreprise européen (CE européen) sans pour autant prévoir d’obligation. Les partenaires sociaux disposent d’un droit d’initiative. Un groupe spécial de négociation est ensuite créé en vue d’aboutir à un CE. Certaines hypothèses ne conduisent pas, cependant, à un tel résultat. Dans d’autres hypothèses, un régime subsidiaire, qualifié de CE européen « légal », s’applique.

Il y a actuellement 880 comités d’entreprise européens contre 49 avant l’intervention de la directive de 1994. Quinze millions de salariés sont concernés. 19.000 représentants siègent dans les instances correspondantes. Les limites sont atteintes car une majorité des 2 300 entreprises relevant de la directive de 1994 n’ont toujours pas de CE européen. On observe des différences d’un pays à l’autre. L’Allemagne a ainsi une moindre proportion de CE européens que ses partenaires.

Selon une étude récente, les CE européens fonctionnent bien. Ils se réunissent au moins une fois par an et leurs sessions se déroulent sur un ou deux jours. Ils sont souvent précédés par une réunion préparatoire des représentants des salariés.

Des améliorations à l’actuel dispositif sont nécessaires, de manière à lever certains freins liés à des incertitudes juridiques. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs donné lieu à des contentieux médiatisés, les affaires Vilvoorde en 1997 et Gaz de France en 2007-2008.

En réponse à des lacunes bien identifiées et pour renforcer l’incitation à créer des CE européens – une « quasi obligation » –, les dispositions proposées sont très techniques mais essentielles et respectueuses du principe de subsidiarité. Elles concernent l’information et la consultation des salariés, la répartition des responsabilités entre les différents échelons ainsi que la composition du groupe spécial de négociation et l’amélioration du contenu des prescriptions subsidiaires.

L’accord des partenaires sociaux est construit autour de huit amendements, lesquels ont été complétés le 2 octobre dernier. Il prévoit notamment l’aménagement d’une « fenêtre d’opportunité » permettant de créer, dans un délai de deux ans, des CE européens tout en bénéficiant des règles antérieures.

Dans ce contexte, les débats portent sur un nombre de points extrêmement réduit, dont certains peuvent d’ores et déjà être considérés comme réglés. Tel est le cas pour la suppression du seuil de 50 salariés pour la composition du groupe spécial de négociation ou du CE européen. Par ailleurs, la « fenêtre d’opportunité » est encore perfectible.

En revanche, une certaine vigilance s’impose encore sur deux amendements présentés par M. Jan Cremers (PSE Pays-Bas) et les membres de son groupe. L’un propose une définition trop extensive de ce qui relève du niveau transnational. L’autre aborde la question de la sanction juridique en cas de non-respect des obligations d’information et de consultation prévues par la future directive. C’est un sujet tout à fait important et digne d’intérêt, mais on ne peut être que réservé sur la solution proposée. Il est, en effet, préférable de faire jouer, en la matière, le principe de subsidiarité, comme le suggère la proposition de résolution. La question, qui met en jeu les procédures juridictionnelles, paraît indéniablement pouvoir être mieux traitée au niveau national. Elle doit ainsi être mentionnée dans les seuls considérants de la future directive.

M. Régis Juanico, rapporteur. Le CE européen est un chantier social important. Cette exigence du dialogue social fait partie de l’identité et du patrimoine de l'Union européenne. Quinze millions de salariés et 880 CE européens sont concernés par ce mode de représentation collective des travailleurs. La proposition de directive va dans un sens favorable puisqu’elle vise à renforcer le dialogue social et le rôle des partenaires sociaux. Le respect du principe de subsidiarité est nécessaire. Sur le plan technique, une mesure proposée doit être soulignée, celle qui renforce l’obligation d’information et de consultation en cas de décision susceptible de porter atteinte aux intérêts des travailleurs, ce qui couvre les restructurations.

Dans la Loire, l’exemple du groupe Aoste, qui vient de faire l’objet d’un double rachat, lequel se traduit par la fermeture prévue d’une usine de charcuterie Jean Caby, montre cette nécessité de disposer, au niveau européen, d’outils de discussion et de négociation entre les partenaires sociaux.

M. Jacques Desallangre. Je me demande si l’amendement qui rend facultative la formation reçue sans perte de salaire s’applique aux employés.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il concerne bien les employés et fait l’objet d’un accord des partenaires sociaux.

M. Jacques Desallangre. Quelle est la structure chargée de vérifier la procédure et quels sont le fondement et la procédure prévue pour la sanction ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. En cas de difficulté, les employeurs, comme les salariés, peuvent saisir la justice selon les procédures nationales, les plus adaptées au problème soulevé. Nous avons pu voir un exemple intéressant de cette procédure avec la fusion entre Gaz de France et Suez. La Cour de cassation a confirmé l’annulation de la tenue d’un conseil d’administration, faute de saisine préalable et régulière du comité d’entreprise européen.

Le Président Pierre Lequiller. J’aimerais avoir quelques précisions sur ce qui se passe en Allemagne ainsi que sur la composition du groupe spécial.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il n’y a pas de différences entre l’Allemagne et la France au regard des règles européennes, mais au niveau national la co-gestion peut induire des attitudes spécifiques. Le groupe spécial de négociation est constitué au cas par cas, en fonction des circonstances, démarche pragmatique adaptée à la variété des multinationales œuvrant sur le territoire européen.

M. Jacques Desallangre. Ce nouveau texte contient toujours des incitations plus que des obligations. En quoi constitue-t-il un progrès par rapport à 1994 ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Par rapport à 1994 nous sommes passés à une deuxième étape, où nous allons le plus loin possible, en tenant compte de la compétence des Etats membres, pour créer, d’une certain manière, une quasi obligation de fait. Le précédent texte ouvrait des portes mais également de nombreuses opportunités pour les fermer.

Sur proposition des rapporteurs, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

– Vu l'article 88-4 de la Constitution,

– Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (refonte) (COM [2008] 419 final/n° E 3904),

– Vu les propositions des partenaires sociaux européens adressées à la Présidence française en date des 29 août et 2 octobre 2008,

Considérant que l’objectif de développer le comité d’entreprise européen comme lieu d’échange et de dialogue social exige une refonte des actuelles dispositions relatives au comité d’entreprise européen ;

Considérant que la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions des partenaires sociaux européens, telles qu’elles résultent du dialogue social, constituent le socle d’un futur accord entre Etats membres au sein du Conseil comme entre le Conseil et le Parlement européen ;

1. Approuve la proposition de directive précitée modifiée selon les propositions conjointes des partenaires sociaux au niveau européen, sans préjudice de quelques adaptations techniques ou mineures, notamment sur le seuil de 50 salariés et la période de transition entre les règles actuelles et futures, dès lors qu’elles n’en modifient pas l’équilibre ;

2. Se félicite de ce que celle-ci respecte le principe de subsidiarité, en clarifiant notamment ce qui relève du dialogue social européen et ce qui relève des organismes assurant la représentation du personnel au niveau des Etats membres ;

3. Estime que ce même principe de subsidiarité s’oppose en particulier à l’insertion dans son dispositif de toute précision sur la sanction applicable en cas de non respect des obligations qu’elle prévoit. »

II. Communication de M. Bernard Deflesselles sur le « paquet défense » (documents E 3740 et 3741)

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Ces deux propositions de directive relèvent du droit communautaire, c'est-à-dire du premier pilier, alors que les textes relatifs à l'Europe de la défense relèvent en général du deuxième pilier.

Elles constituent ainsi une certaine exception. Les Etats membres sont, en effet, attachés à l’exemption prévue par l’article 296 du traité, qui leur permet, pour la protection des intérêts essentiels de leur sécurité, de ne pas appliquer les règles du marché intérieur.

La Commission européenne n’a pas considéré pour autant le domaine comme définitivement exclu de toute intervention communautaire. Elle a manifesté depuis le début des années 1990 son intérêt pour le renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne. En 2004, elle a également présenté le Livre vert sur les marchés publics de défense.

Dans cette perspective, le paquet « défense », composé d’une communication et de deux propositions de directive, représente une nouvelle étape. Cette dernière peut paraître mineure en regard des enjeux de l'Europe de la défense comme de la constitution d’un pilier européen de l’OTAN. Néanmoins, depuis le sommet de Saint-Malo en 1998, l'Europe de la défense procède par étape, d’une manière graduelle et avec des résultats concrets et pragmatiques. La réunion de Deauville, le mois dernier, l’a rappelé. En outre, les circonstances s’y prêtent puisque le secrétaire d’Etat à la défense du Royaume-Uni, M. John Hutton, a fait des déclarations publiques favorables à la PESD et à l'Europe de la défense.

Ces deux propositions de directive s’inscrivent, en outre, pleinement dans ce qui constitue l’une des priorités de la présidence française. Néanmoins, il reste à ce stade des incertitudes sur le calendrier de leur adoption. Un accord en Conseil « Compétitivité » au début du mois de décembre prochain n’est pas encore acquis.

La proposition de directive relative aux marchés publics de défense et de sécurité est un texte d’harmonisation et de clarification. Elle vise à créer un cadre spécifique pour ces marchés entre, d’une part, ce qui relève de la directive « marchés publics » de droit commun, la directive 2004/18/CE et, d’autre part, l’application de l’article 296 du traité. Elle représente un point d’équilibre satisfaisant entre les principes d’ouverture des marchés, de concurrence, de transparence et de non-discrimination et les impératifs de souveraineté propres à la matière. Son dispositif est assez proche dans ses procédures et critères spécifiques de ce que prévoit en France le décret « défense ».

Pour l’avenir, son champ d’application, qui concerne non seulement la défense, mais aussi la sécurité, pourrait évoluer. La ligne de partage avec l’application de l’article 296 du traité pourrait bouger.

Les négociations menées depuis un an ont permis certaines avancées et clarifications, notamment sur la non-application de l’accord sur les marchés publics (AMP) prévu dans le cadre de l’OMC, l’interprétation par un Etat membre de ses intérêts essentiels de sécurité, le cas spécifique des coopérations et l’exclusion des marchés de recherche et développement.

Certaines questions restent cependant encore en débat. D’une part, certains Etats membres sont encore réticents à l’inclusion des marchés de sécurité. Il s’agit de ceux où soit le fédéralisme, soit une forte décentralisation attribue une compétence importante aux échelons territoriaux.

D’autre part, le niveau des seuils fait encore débat. La France considère que ceux actuellement prévus sont trop faibles. Néanmoins, sa proposition visant à aligner leur niveau à un million d’euros pour les fournitures et les services, soit la moyenne des marchés conclus dans ce domaine, n’emporte pas à ce stade la conviction de tous.

De même, la question de la sous-traitance est posée, certains Etats membres souhaitant une plus grande obligation de transparence. Sur cette question délicate, le point d’équilibre n’est pas encore trouvé, mais il est clair que toute disposition de fausse harmonisation entraînant des différences et des asymétries entre les Etats membres pour la mise en œuvre de la future directive, doit être écartée.

Enfin, la question des compensations (offsets) a été soulevée, en dépit du mutisme de la proposition initiale de la Commission européenne. Il apparaît d’autant moins nécessaire de l’évoquer que le comité directeur de l’Agence européenne de Défense (AED) vient d’adopter, dans un autre cadre, des dispositions sur ce même sujet.

En dépit de ces éléments, un accord global acceptable par tous les Etats membres n’apparaît cependant pas exclu.

Pour sa part, la proposition de directive simplifiant les conditions de transfert intracommunautaire des produits de défense vise à harmoniser et alléger les procédures applicables. En effet, le droit actuel avec ses 27 droits nationaux applicables est considéré comme un frein à la constitution de la BITD européenne.

La proposition de la Commission européenne est appréciée des professionnels. Sur le plan du droit, en outre, les doutes sur sa conformité au traité et l’opportunité de son adoption sont considérés comme ayant été levés, après l’avis du service juridique du Conseil. Ainsi, celle-ci est estimée neutre sur la création d’une compétence externe communautaire en matière de politique d’exportation. La question de la subsidiarité et de la proportionnalité n’appelle pas, quant à elle, de réserve. Sur le fond, le dispositif, construit autour de trois types de licence et la certification de certaines entreprises répondant à des exigences précises, est acceptable.

Deux questions doivent cependant encore être réglées. La première concerne les procédures prévues pour les restrictions à la réexportation. Les propositions de la Commission européenne et les amendements actuellement présentés au sein du Parlement européen tendent à créer un véritable droit de veto sur les décisions d’exportation des Etats membres.

Ils ne sont pas acceptables. Le dispositif qui sera, en définitive, adopté, doit exclure tout contrôle de ce type d’un Etat membre sur un autre et être ainsi pleinement respectueux du principe de souveraineté. Le deuxième point concerne les licences individuelles. Un élément de souplesse doit encore être apporté à la rédaction de la Commission européenne, qui réserve leur délivrance à des cas trop restreints.

C’est donc sous le bénéfice de ces observations que l’on peut donner un avis favorable aux deux propositions de directive du paquet « défense ».

Le Président Pierre Lequiller. Sur la question de la réexportation, comment trouver un compromis ? Quels sont par ailleurs les efforts des différents Etats membres en matière de défense ?

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Il semble envisageable de rallier à terme les Etats membres à une même solution. Les positions sont pour l’instant partagées : le rapporteur du Parlement européen, par exemple, est d’avis qu’un Etat d’origine peut s’opposer à une réexportation. Mais la souveraineté des Etats membres ne peut être ignorée. En tout état de cause, le calendrier est encore ouvert, même si l’on peut bien entendu souhaiter qu’un accord soit trouvé sous présidence française.

Il faut faire avancer l’Europe de la défense. Les efforts respectifs des Etats membres en termes de dépenses de défense sont très variables. Le Royaume-Uni y est à la première place, la France est un peu après, mais pour les autres Etats, sauf exception, le niveau est plus faible et le seuil de 2% est loin d’être atteint. Le décalage reste globalement très important entre l’Europe et les Etats-Unis, particulièrement en matière de recherche et pour ce qui concerne la BITD. La présidence française de l’Union européenne a bien fait de faire figurer l’Europe de la défense parmi ses priorités, car il reste beaucoup à faire. A côté de la piste institutionnelle, avec la création de l’Agence européenne de défense (AED), la piste de l’industrie est intéressante. On constate que les industriels du secteur eux-mêmes essayent de se regrouper. On peut affirmer que la coopération progresse dans certains domaines, notamment en matière aérienne ou spatiale, et que la création de l’AED commence à produire ses effets. En matière d’équipements terrestres cependant, les structures restent très morcelées et, pour sa part, le projet d’ « EADS naval » n’avance pas.

Suivant l’avis favorable du rapporteur et sous le bénéfice des ses observations, la Commission a ensuite approuvé les présentes propositions de directives.

III. Communication de M. Bernard Deflesselles sur le mécanisme de gestion du financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense (Athena) (document E 3963)

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. La défense est par excellence le domaine de souveraineté des Etats auquel l'Union européenne applique les principes de la coopération intergouvernementale et non de l’intégration communautaire.

Dans les textes en vigueur comme dans le traité de Lisbonne, la règle est que, contrairement aux missions civiles de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), les opérations militaires de l'Union européenne ne peuvent être prises en charge par le budget communautaire mais par des contributions des Etats.

La multiplication des opérations extérieures de l’Union européenne (vingt missions en cinq ans dont cinq opérations militaires) et la nécessité de réagir rapidement face aux crises internationales ont cependant conduit le Conseil à créer, en 2004, un mécanisme de gestion du financement des coûts communs des opérations militaires de l’Union européenne, dénommé Athena.

Ce mécanisme, modifié en dernier lieu par la décision 2007/384/PESC du 14 mai 2007, repose sur des organes de gestion (l’administrateur, le commandant de chaque opération, le comptable sous l’autorité d’un comité spécial composé d’un représentant de chaque Etat membre participant) et sur des règles budgétaires et de préfinancement et une définition des coûts communs pris en charge par Athena dans quatre annexes.

Le mécanisme reste imparfait dans la mesure où la solidarité financière entre Etats membres ne porte en général que sur moins de 15 % du coût total d’une opération. Elle n’est pas suffisante pour inciter tous les Etats membres à participer à une opération, en particulier les petits Etats membres. Il est en effet difficile d’obtenir un accord unanime pour incorporer d’autres dépenses aux coûts communs.

L’Europe de la défense est l’une des quatre priorités de la présidence française et celle-ci a présenté une réforme du mécanisme Athena qui est un compromis, tenant compte à la fois de nos objectifs ambitieux et des positions beaucoup plus réservées de certains de nos partenaires. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Irlande sont en effet opposés à l’élargissement des coûts communs.

Le projet de décision propose d’améliorer le mécanisme Athena sur quatre points :

- le renforcement du contrôle interne et externe des comptes ;

- l’amélioration du processus de décision en prévoyant un recours au Conseil en cas de blocage au comité spécial, pour tirer les leçons des difficultés lors de l’adoption du budget de l’opération Eufor Tchad/RCA ;

- l’élargissement du préfinancement, actuellement limité aux opérations de réaction rapide grâce à la contribution volontaire des Etats participants, à l’ensemble des opérations et à tous les Etats membres participants, pour couvrir les besoins immédiats en début d’opération grâce à une réserve rapidement mobilisable ;

- l’élargissement du champ des coûts communs pour répondre aux faiblesses constatées lors des dernières générations de forces, en particulier concernant le transport, en tenant compte de ce qui est accepté parallèlement au sein de l’OTAN.

Le texte propose d’ajouter aux coûts communs principalement les dépenses suivantes :

- pour la phase préparatoire à une opération : les dépenses liées à l’acquisition d’images aériennes et satellitaires (capacité éligible automatiquement à l’OTAN lorsqu’elle est mentionnée comme une capacité critique de théâtre dans le plan d’une opération),

- pour la phase active d’une opération :

- au titre des coûts automatiquement communs :

-  au titre des coûts financés en commun au cas par cas :

La négociation sur ce texte nécessite de surmonter les réserves de deux des principales puissances militaires de l’Union.

Le Royaume-Uni s’oppose à cette réforme du financement des opérations extérieures en raison de sa crainte traditionnelle de donner une trop grande autonomie aux instruments européens par rapport à ceux de l’OTAN. De plus l’armée britannique est déjà impliquée dans nombre d’opérations lourdes dont le financement commence à mordre sur le budget d’investissement de la défense.

L’Allemagne est réservée pour des raisons plus strictement budgétaires, dans la mesure où la clé du PNB pour la détermination de la contribution aux coûts communs lui impose la prise en charge de 20 % de ceux-ci (15,5 % pour la France). Elle considère que, quand un Etat met en jeu un grand nombre de moyens militaires et est appelé à contribuer aux financements communs, il est en quelque sorte pénalisé deux fois. La facture du financement des coûts communs en équipements devrait, selon elle, plutôt être présentée aux Etats qui ne participent pas avec leurs propres forces et leurs moyens.

La présidence française appelle à la solidarité européenne et souligne que l’extension du financement des coûts communs incitera les petits Etats membres à participer aux opérations.

La réunion informelle des ministres de la défense de l’Union européenne, les 1er et 2 octobre à Deauville, a déjà permis d’obtenir des engagements de principe de plusieurs Etats membres sur des projets correspondant en général aux lacunes capacitaires de l’Europe.

D’importants blocages demeurent cependant sur le renforcement de la capacité de planification et de conduite des opérations grâce à la création d’un véritable état-major permanent de l’Union européenne, sur le financement et l’utilisation effective des groupements tactiques GT1500 qui n’ont encore jamais été engagés, ainsi que sur la base industrielle et technologique de défense européenne, conduisant à une spécialisation et à un partage des compétences entre Etats membres difficiles à mettre en œuvre.

Les réserves britanniques sur la montée en puissance des instruments d’une Europe de la défense qui concurrencerait l’OTAN sont quelque peu prises à contre-pied depuis que les Etats-Unis, en février 2008, ont marqué leur soutien à une défense européenne plus forte et plus puissante et à une Europe disposant d’une autonomie de décision. Le Royaume-Uni répond aux critiques que la baisse des budgets de défense européens ne l’incite pas à penser qu’il existe une vraie volonté en faveur de l’Europe de la défense.

Les prochaines décisions sur le financement des opérations extérieures et sur les capacités militaires donneront la mesure de la volonté commune de faire l’Europe de la Défense au moment où de grandes crises accélèrent le changement des équilibres entre les puissances.

M. Jacques Desallangre. Il est certain que des progrès notables ont été observés en ce domaine. Cependant, lorsque le rapporteur indique que demeurent d’importants blocages sur le renforcement de la capacité de planification et de conduite des opérations grâce à la création d’un véritable état-major permanent, peut-être exprime-t-il une vision extensive de son rapport sur une question très politique ?

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Lorsque des opérations extérieures sont mises en œuvre au nom de l’Union européenne, le manque de capacité de planification et de conduite des opérations pose un réel problème, même si elle se renforce progressivement. Il est nécessaire d’aller vers chacun des 26 Etats membres, compte tenu de la dérogation accordée au Danemark en matière de défense, ce qui rend la génération des forces et l’organisation de l’opération très complexes. On ne peut y ajouter des problèmes d’ordre financier. C’est pourquoi, il est impératif de fluidifier la mise en œuvre des opérations extérieures.

Le Président Pierre Lequiller. La solidarité financière entre Etats membres ne portant que sur 15 % du coût d’une opération, comment est financé le solde des coûts générés ?

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Les coûts communs d’une opération représentent jusqu’à présent au plus 15 % de son coût total et sont financés par les Etats membres en fonction d’une clé de répartition fondée sur le PNB dans le cadre du mécanisme Athéna. Les 85 % restants représentent les contributions en moyens humains et matériels des Etats membres participant à l’opération, variables selon les cas.

Le Président Pierre Lequiller. Ne faudrait-il pas que les Etats membres qui ne participent pas militairement participent au financement des opérations ?

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Il est vrai qu’il existe, en quelque sorte, « une double peine » pour les Etats qui participent aux opérations militaires et contribuent aux coûts communs.

Mais le véritable enjeu est de favoriser la contribution des Etats membres qui ont des moyens en hommes et en matériels mais peu de moyens financiers, grâce à une extension des coûts communs pris en charge principalement par les grands Etats membres selon la clé du PNB. En d’autres termes, il faut que ceux qui ne peuvent pas contribuer financièrement puissent participer militairement grâce à une plus grande solidarité financière des grands Etats membres dans le financement élargi des coûts communs.

La Commission a approuvé le projet d’acte de l’Union européenne, en l’état des informations dont elle dispose.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

Ø Agriculture

- proposition de décision du Conseil autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON89788 (MON-89788-1), consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci, en application du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (document E 4055).

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relative a la conclusion de l'accord de partenariat économique d'étape entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Côte d'Ivoire, d'autre part (document E 3934) ;

- proposition de décision du Conseil portant conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la Barbade, le Belize, la République du Congo, la République de Côte d'Ivoire, la République des Îles Fidji, la République coopérative de Guyana, la Jamaïque, la République du Kenya, la République de Madagascar, la République du Malawi, la République de Maurice, la République du Mozambique, la République d'Ouganda, Saint Christophe-et-Nevis, la République du Suriname, le Royaume du Swaziland, la République unie de Tanzanie, la République de Trinidad et-Tobago, la République de Zambie et la République du Zimbabwe sur les prix garantis pour le sucre de canne pour les périodes de livraison 2006-2007, 2007-2008 et 2008-2009 et pour la période de livraison allant du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009, ainsi que d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République de l'Inde sur les prix garantis pour le sucre de canne pour les mêmes périodes de livraison (document E 4027) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et l'Australie sur le commerce du vin (document E 4049).

Ø PESC et relations extérieures

- position commune du Conseil renouvelant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Côte d'Ivoire (document E 4064) ;

- décision du Conseil mettant en oeuvre l'action commune 2007/369/PESC relative à l'établissement de la Mission de police de l'Union européenne en Afghanistan (EUPOL Afghanistan) (document E 4065) ;

- projet de décision mettant en oeuvre l'action commune 2007/749/PESC concernant la Mission de police de l'Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine (document E 4066) ;

- action commune du Conseil modifiant l'action commune 2007/107/PESC modifiant le mandat du représentant spécial de l'Union européenne pour l'Asie centrale (document E 4067) ;

- projet d'action commune modifiant et prorogeant l'action commune 2005/797/PESC du Conseil concernant la Mission de police de l'Union européenne pour les territoires palestiniens (EUPOL COPPS) (document E 4068).

Ces textes ne présentant aucune difficulté particulière, la Commission les a approuvés.

Procédure d’examen en urgence

La Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- projet de directive de la Commission modifiant la directive 2006/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure (document E 4054) ;

- décision du Conseil concernant la participation de la Communauté européenne aux négociations dans le cadre du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone – Adoption (document E 4058).

Accord tacite de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission le 29 octobre 2008, celle-ci a approuvé tacitement le texte suivant :

- proposition de virement de crédits n° DEC 30/2008. Section III. Commission. Budget général. Exercice 2008 (DNO) (document E 4052).