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Commission chargée des affaires européennes

mercredi 27 mai 2009

11 heures

Compte rendu n° 106

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de M. Pierre Lequiller sur la modernisation du contrôle parlementaire de l’Union européenne

II. Communication de M. Hervé Gaymard sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) (E 3902)

III. Communication de M. Guy Geoffroy sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à la décision européenne de contrôle judiciaire dans le cadre des procédures présentencielles entre les Etats membres de l’Union européenne (E 3236)

IV. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 27 mai 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à onze heures.

I. Communication de M. Pierre Lequiller sur la modernisation du contrôle parlementaire de l’Union européenne

Le Président Pierre Lequiller. Permettez-moi aujourd’hui, en préalable, au moment où s’achève l’examen de la proposition de résolution modifiant le Règlement de notre assemblée, de faire le point sur la très profonde modernisation du contrôle parlementaire des affaires européennes que porte ce texte, dans le prolongement de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Cinq éléments décisifs replacent en effet l’Europe au cœur de notre travail parlementaire.

Tout d’abord, grâce au nouvel article 88-4 de la Constitution, le champ d’expression des assemblées est libéré des dernières entraves qui subsistaient jusqu’alors, puisque nous pouvons désormais adopter des résolutions sur « tout document émis par une institution de l’Union européenne » et non plus seulement sur les projets entrant dans le domaine de la loi française. Le Parlement peut ainsi se saisir de tout sujet européen, et ce à tout moment.

Pour consacrer cette nouvelle priorité donnée au contrôle de l’Europe, l’ancienne Délégation est devenue, comme tous ses homologues étrangers, une « Commission des affaires européennes ». Mais c’est une « commission » particulière : son premier devoir est de diffuser la dimension européenne dans tous les travaux des autres commissions. C’est pourquoi ses membres appartiennent aussi à une commission législative. Et pour tenir compte de l’augmentation du nombre de ces commissions permanentes, nos effectifs passeront de 36 à 48 membres. Ainsi, davantage de députés seront aguerris à la difficile mais nécessaire expertise européenne.

Afin d’enrichir nos débats nationaux par la prise en compte de la dimension européenne et de l’expérience de nos partenaires, des membres de la Commission des affaires européennes pourront intervenir non seulement au cours de l’examen des projets de loi par les Commissions permanentes, grâce à la formulation d’« observations », mais aussi, lorsque la Conférence des Présidents le jugera utile, en séance publique. Cette intervention nouvelle couvrira un champ très vaste, puisque nous pourrons intervenir sur tout projet ou proposition « portant sur un domaine couvert par l’activité de l’Union européenne ». C’est une formidable opportunité pour colorer d’Europe nos débats qui restent aujourd’hui trop souvent franco-français.

Grâce à l’adoption d’un amendement d’initiative socialiste, une séance par mois sera consacrée en priorité aux questions européennes, au cours de la semaine dite de contrôle.

Enfin, la réforme du Règlement simplifie nos procédures d’adoption des résolutions, dont la complexité actuelle obérait un large usage.

II. Communication de M. Hervé Gaymard sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) (E 3902)

M. Hervé Gaymard, rapporteur. La Commission européenne a publié en juin 2008 un Livre vert sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), lançant le débat sur le futur régime d’association des PTOM après 2013. Mme Annick Girardin et moi-même avons été chargés d’un rapport d’information, qui sera présenté à l’automne prochain, le calendrier communautaire étant actuellement peu favorable à la prise de décision. Les PTOM, caractérisés par leur hétérogénéité, sont une catégorie résiduelle, distincte de celle des régions ultrapériphériques (qui regroupent les départements français d’outre-mer, les Açores, Madère et les îles Canaries).

Je souhaite aujourd’hui simplement faire une communication d’étape sur un point particulier, lié aux relations entre l’Union européenne et les PTOM français du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna) : l’éventuelle introduction de l’euro dans ces territoires.

De nombreuses monnaies (dollar, dollar néo-zélandais, dollar australien, monnaies propres) sont utilisées dans les îles du Pacifique. Le franc CFP, utilisé par 450 000 personnes, représente une masse critique pour la zone.

L’histoire monétaire des territoires français du Pacifique est complexe et montre qu’ils n’ont pas toujours été liés à la monnaie nationale.

Aujourd’hui, les acteurs économiques demandent l’introduction de l’euro. Les trois chambres de commerce et d’industrie ont adopté en 2008 une motion commune et adressé une demande au Président de la République.

Afin de lancer la procédure, un accord des trois collectivités serait nécessaire car il est exclu de maintenir le franc CFP dans l’un des territoires seulement. La France présenterait ensuite une demande auprès des institutions de l’Union européenne. La procédure serait celle de l’article 111, alinéa 3 du Traité, déjà utilisée pour l’introduction de l’euro à Monaco, San Marin et au Vatican : décision du Conseil à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission européenne et après avis de la Banque centrale européenne, puis négociation d’une convention monétaire entre la Communauté et la France.

Il m’a été indiqué de manière informelle au cours d’un entretien à la Direction générale des affaires économiques et financières que la Commission européenne et la BCE ne verraient pas d’obstacle à la mise en œuvre de cette procédure.

Dans les collectivités, la question a une dimension politique. De nombreux interlocuteurs rencontrés lors de mon déplacement ont justifié leur soutien au passage à l’euro par leur crainte d’une dévaluation du franc CFP et donc d’une dépréciation de leur épargne : cela semble cependant très improbable, la problématique étant différente de celle du franc CFA. En Nouvelle-Calédonie, la dimension politique et identitaire de la monnaie a été soulignée, l’adoption de l’euro étant vue par les non indépendantistes comme un moyen de se rapprocher de la métropole et de l’Union européenne, tandis que les indépendantistes insistent sur l’importance des signes identitaires figurant sur la monnaie.

En Nouvelle-Calédonie, les formations politiques non indépendantistes sont favorables à l’euro et les partis indépendantistes, tout en étant ouverts à la discussion, s’interrogent sur l’impact qu’aurait l’introduction de l’euro sur l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie.

En Polynésie française, ce sont au contraire les indépendantistes qui sont favorables à l’euro, car ils estiment nécessaire le rattachement à une monnaie forte avant d’accéder à l’indépendance.

Enfin, les autorités de Wallis-et-Futuna ont indiqué qu’elles suivraient l’avis des deux autres collectivités.

Un aspect souvent négligé dans le débat est le risque inflationniste du passage à l’euro dans ces collectivités, alors qu’il est aujourd’hui évident qu’un tel effet, avec les arrondis, s’est produit dans les pays de la zone euro. Cela pourrait porter atteinte au pouvoir d’achat des plus faibles.

Il convient également de prendre en compte la structure du commerce extérieur des territoires. En Nouvelle-Calédonie, le nickel représente 96 % des exportations. Il est facturé et réglé en dollars et les exportations se font majoritairement vers la zone asiatique. La clientèle touristique est essentiellement japonaise et australienne. En Polynésie française, plus de 60 % des exportations sont à destination de la zone asiatique, tandis que le tourisme provient essentiellement de la zone Asie-Pacifique et d’Amérique du Nord. En revanche, l’Union européenne est le premier fournisseur des deux territoires. Cette question est inséparable de celle du régime douanier et fiscal, qui nécessiterait une refonte et dont la définition relève de la compétence des collectivités.

La décision du passage à l’euro appartient bien entendu aux trois collectivités et le rapport ne sera qu’une contribution au débat. Au plan de la méthode, il faudrait que ce débat soit organisé dans les territoires, et qu’il puisse être éclairé par une expertise économique.

Le Président Pierre Lequiller. Je veux saluer la qualité de l’exposé du rapporteur en rappelant que ce travail important et approfondi se poursuivra en collaboration avec Mme Annick Girardin, selon une tradition désormais bien établie au sein de notre Commission de rapports élaborés conjointement entre un membre de la majorité et un membre de l’opposition.

M. Michel Delebarre. Bien que peu familier des questions très pertinemment abordées par notre rapporteur, son exposé me laisse surtout le sentiment que l’urgence aujourd’hui est de ne rien faire. Après tout, la décision du passage à l’euro relève des pays et territoires d’outre-mer eux-mêmes, sans que rien ne presse puisqu’ils bénéficient, grâce à l’arrimage du franc CFP sur l’euro au moyen d’une parité fixe, d’un filet de sécurité efficace et pérenne. Il me semble même hasardeux de lancer un débat qui touche inéluctablement à des sentiments profonds liés à l’identité et à l’avenir de territoires attachés à leur autonomie.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Il est vrai que nos compatriotes d’outre-mer se prononceront en toute liberté, et que la décision relève d’eux et d’eux seuls. Mais je crois que nous pouvons apporter une contribution utile en éclairant par nos travaux les différents aspects de cette question, dont je remarque qu’ils ne sont pas toujours abordés. En outre, je rappelle que les milieux économiques de ces territoires ont eux-mêmes sollicité Paris, notamment via la lettre adressée par les trois Chambres de commerce au Président de la République que j’ai évoquées tout à l’heure.

M. Michel Herbillon. Je remercie le rapporteur pour ce passionnant voyage dans l’espace et dans le temps. Mais je continue de m’interroger sur quelques aspects fondamentaux.

- Pourquoi l’euro n’a-t-il pas été introduit dans les pays et territoires d’outre-mer en 2002 ? La question a-t-elle alors été posée, et quels arguments ont conduit à maintenir le franc CFP ?

- Quelle est l’opinion du rapporteur sur l’issue du débat qu’il nous a brillamment exposé ? Quels arguments ont le plus de chance de prévaloir, entre un intérêt économique débattu et des sentiments identitaires profonds qui soulèvent des émotions qui vont très au-delà de la seule pertinence commerciale de l’intégration dans la zone euro ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. L’introduction de l’euro en 2002 n’a jamais été réellement discutée. Au fond, les choses se sont déroulées de manière presque automatique : seuls les deux territoires qui disposaient déjà du franc français, Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon, sont passés directement à l’euro. Cela découle directement d’un fait qui demeure : les positions restent extrêmement diverses et parfois fluctuantes. Les milieux économiques sont eux-mêmes partagés, de nombreux chefs d’entreprise que j’ai pu rencontrer au cours de ma mission faisant preuve d’un réel scepticisme sur la pertinence économique de l’introduction de l’euro dans une zone reliée naturellement à son environnement proche.

Derrière se posent également des questions redoutables. Bien entendu, la trame de fond est tissée du lien entre les territoires et la mère patrie, que pourrait distendre, pour beaucoup, l’usage prolongé d’une monnaie différente. Pour autant, le monde et les convictions ont changé, avec la rupture du lien automatique entre souveraineté et monnaie. L’euro, l’introduction hier du dollar américain dans un Etat aussi jaloux de son indépendance que le Zimbabwe, montrent sans ambiguïté que battre monnaie n’est plus un critère décisif de souveraineté. Et derrière encore se profilent de réels enjeux politiques. Je pense ainsi à la question essentielle de la structure des ressources fiscales de ces territoires, adossées sur les tarifs douaniers qui favorisent les importations de produits européens dont la pertinence économique, aux antipodes, est pour le moins discutable. Revoir ces droits de douane, afin de mieux intégrer ces économies dans la zone pacifique, impliquerait de trouver d’autres ressources, en particulier de fiscalité directe, qui soulèvent des difficultés politiques dont chacun peut bien mesurer l’ampleur. C’est précisément parce que ce débat est extraordinairement complexe que je suis convaincu que nous pouvons, par nos travaux, apporter un éclairage utile à nos compatriotes.

M. Jean-Claude Fruteau. Merci pour cette intervention passionnante, sur un sujet qui n’est a priori pas très attirant. Je suis cependant déçu, car à la lecture de la convocation, je pensais qu’on allait débattre de l’avenir des relations entre les PTOM et l’Europe…

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Oui, la question de l’euro n’est qu’une partie de ce sujet plus vaste.

M. Jean-Claude Fruteau. Il est dommage que cette question de l’euro soit traitée isolément. J’ai un intérêt particulier pour la question des PTOM, car en 2001, jeune député européen, j’ai été chargé d’un rapport sur la décision d’association à l’Union européenne. J’ai donc pu voir in situ ce qui se passait dans ces territoires dits résiduels – et ce terme n’est pas péjoratif. Je dois dire que j’ai un peu d’amertume à constater que cette question se posait déjà il y a dix ans… Concernant la question de la monnaie, je partage le point de vue de notre collègue Hervé Gaymard : cette question doit être traitée par rapport à l’intérêt de ces territoires, et ce avec la plus grande attention : n’oublions pas qu’ils sont peuplés par nos concitoyens, qui vont s’exprimer dans quelques jours lors des élections européennes. L’importance de la question identitaire dans ces territoires appelle respect et prudence : les habitants des PTOM ne doivent pas avoir le sentiment que nous voulons décider à leur place. L’équilibre social est fragile, notamment depuis les accords de Matignon et de Nouméa ; n’oublions pas que cette question économique est avant tout sans doute là-bas perçue comme une question identitaire.

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Je suis entièrement d’accord. Lorsque la question d’un éventuel passage à l’euro a été posée au président de la République, celui-ci a répondu que la décision appartiendrait aux citoyens de ces territoires. L’exécutif ne demandera de passage à l’euro que si les populations de ces territoires en font la demande dans toutes leurs composantes - on est pour l’instant assez loin du compte. En outre, le passage à l’euro nécessite d’être en conformité avec les règles financières de l’Union européenne et de conclure un accord sur la fiscalité de l’épargne. Si les banques du Pacifique se conforment déjà aux règles financières, une évolution dans d’autres domaines sera sans doute nécessaire.

M. Philippe Cochet. Merci pour cette présentation passionnante. Vous l’avez dit, cette opération est une opération « à tiroirs ». Quel est l’agenda ? Par ailleurs, qui pilotera au niveau de l’Union européenne ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Il n’y a pour l’instant aucun agenda dans les collectivités concernées, où ce sujet n’est pas présent dans les débats électoraux quels qu’ils soient. En ce qui concerne la procédure, c’est celle prévue à l’article 111 : l’Etat fait la demande, le Conseil statue à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission européenne, la BCE donne un avis. La durée de la procédure serait environ de deux ans.

M. Bernard Deflesselles. Quelle est la position, sur cette question, de la Commission européenne dans le Livre vert ? Comment la Commission appréhende-t-elle ce sujet à l’horizon de 2013 et de la refonte des relations entre l’Union et les PTOM ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. Je parle sous le contrôle d’Annick Girardin, avec laquelle je vais rendre un rapport dans quelques mois. Le Livre Vert ne contient rien sur cette question. En réalité, il s’agit plus d’un livre Blanc que d’un livre Vert ; c’est un catalogue fort intéressant, de questions posées à la France, aux Pays-Bas, à la Grande-Bretagne, au Danemark et à leurs territoires. Les Etats concernés avaient jusqu’à octobre 2008 pour produire leurs réponses, que nous avons, mais il n’y a pas encore de position officielle de la Commission pour l’instant.

Les PTOM sont une catégorie résiduelle – et ce, encore une fois, sans caractère péjoratif - et n’ont pas tous le même statut. En matière de nationalité, par exemple, leurs habitants sont dans nos territoires des ressortissants européens, mais ce n’est pas le cas dans tous les PTOM, du fait des différentes règles de nationalité.

Aujourd’hui, l’essentiel des relations entre l’Union et ces territoires relève des programmes du FED ; mais est-ce vraiment légitime, quand on sait que la Nouvelle- Calédonie en bénéficie alors que son PIB/habitant est supérieur à celui de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande ? Ne faudrait-il pas refonder le partenariat et se concentrer sur des sujets précis, comme par exemple l’environnement ?

M. Gérard Voisin. Comment le passage à l’euro a-t-il été ressenti à Saint-Pierre et Miquelon ?

Mme Annick Girardin. Avant de vous répondre, je souhaiterais rappeler qu’il est important que la commission se soit saisie de ce sujet, et ce au moment particulier où vont se tenir les Etats généraux de l’outre-mer. Je suis certaine que cette question va être évoquée.

Pour ce qui concerne le passage à l’euro à Saint-Pierre et Miquelon, il s’est fait tout naturellement, dans la mesure où la monnaie en cours était le franc. Cela ne signifie pas qu’il ne pose pas de problème, dans la mesure où la région est dominée par le dollar canadien et le dollar américain : les effets de change sont à l’origine de grandes difficultés pour l’économie de la pêche, ainsi que pour le tourisme qui a ainsi dire quasiment disparu à Saint-Pierre.

Je voudrais rappeler qu’en effet, la question identitaire est cruciale dans nos territoires. Ne plus avoir de beurre Président à Saint-Pierre et Miquelon signifierait ne plus être Français… Nous n’avons pas toujours l’expertise et le recul nécessaires pour distinguer nos besoins économiques de nos besoins identitaires, mais des deux logiques, il est clair que l’économique vient après, et ce, je pense, dans tous les territoires d’outre-mer.

M. Thierry Mariani. Je souhaite poser quatre questions et faire une remarque qui semblera sans doute impertinente.

Y’a-t-il eu débat sur cette question dans les instances territoriales ? Existe-t-il une réflexion sur la mise en place d’une monnaie commune dans le Pacifique ? Que se passera-t-il si l’on ne passe pas à l’euro ? La convergence est-elle réellement nécessaire pour un passage à l’euro ? Elle ne semble pas établie pour le Monténégro et le Kosovo qui ont pourtant adopté l’euro. Enfin, pourquoi uniquement prendre en compte l’intérêt de ces territoires, eu égard à leurs spécificités, et ne pas s’interroger sur l’intérêt de l’ensemble de la communauté nationale ?

M. Hervé Gaymard, rapporteur. S’il y a eu de nombreux débats, il n’y a pas eu de prise de position officielle des assemblées délibérantes de ces territoires. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie mènent toutefois un travail de consultation sur la question, diligenté par les Hauts-Commissaires.

Concernant la monnaie pacifique, il n’y a aucun projet actuellement : alors que coexistent grandes devises et monnaies insulaires, les dollars sont la monnaie pacifique de fait.

Quid si ces territoires ne passent pas à l’euro ? Deux options : le statu quo, ou un panier de monnaies, défini par rapport à un périmètre économique pertinent. Je pense qu’il faudrait absolument que des économistes se penchent sur cette question du panier de monnaies, qui pourrait peut-être être la solution la plus favorable au développement économique de ces territoires.

Sur la question de la convergence, il me semble que le passage à l’euro au Monténégro et au Kosovo est le résultat du droit de suite du Deutsche Mark. Enfin, je ne crois pas que la question du passage à l’euro se pose en fonction des intérêts de la métropole, mais bien de ceux des territoires concernés.

Avant de terminer, je souhaiterais ajouter que la question de Mayotte sera un autre volet important de notre rapport, dans la mesure où son changement de statut en département aura de vraies implications. Nous devrons aussi nous interroger sur la question de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.

M. Jean-Claude Fruteau. Il ne faut pas perdre de vue que la Réunion est une région ultrapériphérique de plein exercice, ce qui rend les comparaisons difficiles avec les autres territoires.

III. Communication de M. Guy Geoffroy sur la proposition de décision-cadre du Conseil relative à la décision européenne de contrôle judiciaire dans le cadre des procédures présentencielles entre les Etats membres de l’Union européenne (E 3236)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. « La présente proposition de décision-cadre devrait être présentée au prochain Conseil « JAI » du 4 juin 2009 et, je l’espère, adoptée. Elle vise à assurer l’exécution, sur le territoire de l’Etat membre de résidence d’une personne suspectée, des mesures de contrôle judiciaire prononcées à son encontre dans un autre Etat membre.

La présente proposition de décision-cadre tend à compléter les dispositifs existants par la reconnaissance mutuelle des décisions de contrôle judiciaire précédant la phase de jugement. Nous sommes au cœur de l’espace de justice dont nous parlait hier M. Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, et dans la continuité du programme de Tampere. Le droit à la liberté et à la présomption d’innocence figure au centre des préoccupations de ce projet. Cette proposition date un peu et avait déjà été vue par notre collègue Christian Philip dans un cadre plus large en 2006. Puis les négociations avaient été bloquées car la proposition initiale tendait à créer une décision européenne de contrôle judiciaire. Les Etats membres étaient très réticents à ce que l'on aboutisse, par le biais d'un titre européen de contrôle judiciaire, à une harmonisation des législations de procédure.

Une nouvelle version du texte a été élaborée sous présidence portugaise puis finalisée sous présidence française, dont les grandes lignes ont été adoptées au Conseil le 27 novembre 2008. Le texte tend à définir les règles selon lesquelles un Etat membre reconnaît une décision instituant des mesures de contrôle rendue dans un autre Etat membre, surveille les mesures de contrôle imposées et remet la personne à l’Etat d’émission en cas de non respect des mesures.

Sont visées les décisions exécutoires rendues par les autorités compétentes au cours d’une procédure pénale. Par exception, les autorités compétentes peuvent ne pas être des autorités judiciaires. Le Parlement européen, dans sa position rendue suite à la seconde consultation le 2 avril 2009, s’est opposé au texte sur ce point. Sont en fait ici visés les systèmes judiciaires des pays nordiques dans lesquels des autorités non judiciaires peuvent prendre des décisions en matière de contrôle judiciaire.

Une fois la décision transmise, il appartient à l'autorité compétente de l'Etat d'exécution de la reconnaître. Cette reconnaissance doit intervenir dans un délai de 20 jours ouvrables, qui parait satisfaisant. L'autorité de l'Etat d'exécution prend ensuite sans délai toute mesure nécessaire à la surveillance des mesures de contrôle, sauf si elle décide de faire valoir un motif de non reconnaissance.

La reconnaissance de la décision de contrôle judiciaire n'est pas automatique. Pour les infractions qui figurent dans la liste fixée à l'article 14, identique à celle établie dans la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen (32 infractions graves punies d'une peine privative de liberté d'une durée maximale d'au moins trois ans), l'Etat d'exécution reconnaît la décision sans contrôle de la double incrimination des faits. C’est une bonne chose de se référer de nouveau à cette liste.

En revanche, pour les infractions autres que celles définies dans cette liste, l’Etat d'exécution peut subordonner la reconnaissance de la décision de contrôle à la condition que les faits constituent également une infraction au titre de sa législation, quels qu'en soient les éléments constitutifs ou la qualification.

Le Parlement européen a estimé qu’il était illogique de faire intervenir le contrôle de la double incrimination pour les infractions les moins graves pour lesquelles les suspects sont davantage susceptibles de bénéficier de mesures de contrôle judiciaire de préférence à une mise en détention provisoire.

En outre, une limite supplémentaire a dû être posée au cours des négociations car la Pologne a demandé la réintroduction d'un possible contrôle de la double incrimination dans le domaine de l’article 14 de la décision cadre. Suite à un arrêt de la cour constitutionnelle polonaise, il a fallu trouver une solution qui peut donner le sentiment d’opacifier le dispositif.

Ces débats mettent en avant les différences qui existent encore entre les Etats membres dans l’appréciation du contrôle de la double incrimination.

Le suivi des mesures de contrôle serait assuré par l’Etat d’exécution et régi par son droit. Si les mesures prévues par l’Etat d’émission ne sont pas compatibles avec sa législation, l’Etat d’exécution pourrait adapter les mesures mais sans accroître leur sévérité.

L’autorité compétente de l’Etat d’émission est compétente pour toute décision ultérieure en liaison avec des mesures de contrôle : prorogation, réexamen, retrait, modification du contrôle ou émission d’un mandat d’arrêt. Le droit applicable est alors celui de l’Etat d’émission.

En conclusion, ce texte répond à un réel besoin des magistrats qui ne peuvent actuellement se fonder sur aucun cadre juridique pour envisager de renvoyer des ressortissants européens dans leur pays de résidence. Ce texte contribuera à favoriser les mesures de contrôle judiciaire de préférence à la mise en détention provisoire pour les ressortissants européens et renforcera l’objectif poursuivi depuis Tampere et qui sera repris par le futur programme de Stockholm. Il est donc proposé à la Commission d’approuver cette proposition de décision-cadre.

M. Philippe Cochet. J’ai deux questions à poser au rapporteur : une étude d’impact a-t-elle été réalisée sur le nombre de renvois pouvant résulter de cette proposition et quel Etat prendrait en charge le coût ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. 8.000 personnes seraient potentiellement concernées à l’échelle de l'Union européenne, ce qui n’est pas négligeable, et l’article 25 de la proposition de décision-cadre prévoit que les frais sont pris en charge par l’Etat d’exécution. Cette règle m’apparaît claire et logique ».

Puis la Commission a approuvé ce texte.

IV. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les dix textes suivants :

Ø Agriculture

- proposition de règlement du Conseil sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (document E 3988).

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, à l'application provisoire et à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport de marchandises ainsi qu'aux mesures douanières de sécurité (document E 4384) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (document E 4454).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- initiative du Royaume des Pays-Bas en vue de l'adoption d'une décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 28 novembre 2002 relative à la création d'un réseau européen de protection des personnalités (document E 4126).

Ø Politique sociale

- projet de règlement (CE) de la Commission portant mise en oeuvre du règlement (CE) n° 1177/2003 du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques communautaires sur le revenu et les conditions de vie (EU-SILC) en ce qui concerne la liste 2010 de variables cibles secondaires afférentes au partage des ressources au sein du ménage (document E 4458).

Ø Questions fiscales

- proposition de directive du Conseil modifiant les directives 92/79/CEE, 92/80/CEE et 95/59/CE sur la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés (document E 3936) ;

- proposition de directive du Conseil déterminant le champ d'application de l'article 143, points b) et c), de la directive 2006/112/CE en ce qui concerne l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée de certaines importations définitives de biens (présentée par la Commission) (document E 3996) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la fraude fiscale liée aux importations et autres opérations transfrontalières (document E 4157) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de facturation (document E 4270).

Ø Transports

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions (document E 3816).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

Ø Agriculture

- Recommandation de la Commission au Conseil autorisant la Commission à entamer des négociations en vue de modifier les concessions prévues pour les viandes de volailles (document E 4452).

Ø Energie

- Proposition de décision du Conseil concernant l'adoption d'un programme supplémentaire de recherche à mettre en oeuvre par le Centre commun de recherche pour le compte de la Communauté européenne de l'énergie atomique (document E 4447).

Ø Pêche

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Guinée concernant la pêche au large de la Guinée pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 (document E 4351) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Guinée (document E 4352) ;

- proposition de décision du Conseil relative à l'établissement de la position de la Communauté à adopter au sein de l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique nord (document E 4468) ;

- proposition de décision du Conseil sur l'établissement de la position de la Communauté à adopter au sein de la Commission interaméricaine du thon des tropiques (document E 4469).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping) et 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations) celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- projet de décision du Comité des ambassadeurs ACP-CE portant renouvellement des membres du conseil d'administration du Centre pour le développement de l'entreprise (CDE) (document E 4457) ;

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de Mme Ingrid Reifinger, membre titulaire autrichien, en remplacement de Mme Karin Zimmermann, membre démissionnaire (document E 4459) ;

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs. Nomination de Mme Cristel van Tilburg, membre suppléant néerlandais, en remplacement de Mme G. Widera-Stevens, membre démissionnaire (document E 4460) ;

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de Mme Mary Dorgan, membre titulaire irlandais, en remplacement de M. Michael Henry, membre démissionnaire (document E 4461) ;

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs. Nomination de M. Christoph Linkerhägner, membre titulaire allemand, en remplacement de Mme Ute Plötz, membre démissionnaire (document E 4462) ;

- renouvellement du Comité consultatif pour la sécurité sociale des travailleurs migrants. Nomination de membres titulaires et d'un membre suppléant maltais (représentants des gouvernements et représentants des organisations d'employeurs) (document E 4463) ;

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail. Nomination de Mme Darina Konova, membre suppléant bulgare, en remplacement de M. Petar Hadjistoikov, membre démissionnaire (document E 4464) ;

- conseil de direction du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP). Nomination de M. George Oxinos (CY), membre dans la catégorie des représentants des gouvernements (document E 4466) ;

- décision du Conseil modifiant l'action commune 2008/112/PESC relative à la mission de l'Union européenne visant à soutenir la réforme du secteur de la sécurité en République de Guinée-Bissau (UE RSS Guinée-Bissau) (document E 4470) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre estonien du Comité économique et social européen (document E 4473) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre belge du Comité économique et social européen (document E 4474) ;

- nomination de quatre membres et de deux suppléants (FI) au Comité des régions (document E 4475) ;

- Comité des régions. Nomination d'un membre (IT) (document E 4476) ;

- proposition de règlement du Conseil étendant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) n° 1174/2005 sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine aux mêmes produits expédiés de Thaïlande, qu'ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (document E 4480).

La séance est levée à douze heures quarante cinq.