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Commission des affaires européennes

madi 3 novembre 2009

16 h 45

Compte rendu n° 124

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes (ouverte à la presse) 

II. Communication de M. Michel Herbillon sur le Fonds d’ajustement à la mondialisation (documents E 4697 et E 4802)

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 3 novembre 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45

I. Audition de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes (ouverte à la presse) 

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d’Etat, de revenir régulièrement devant notre commission. La date et l’heure de cette nouvelle audition sont particulièrement bien choisies puisque nous venons d’apprendre que M. Klaus vient de signer le traité de Lisbonne au nom de la République tchèque.

Compte tenu de cette signature, quel sera, selon vous, le calendrier de la mise en place des institutions ? Le Président de la République avait avancé la date du 1er décembre 2009 pour l’entrée en vigueur du traité. Vous pourriez aussi évoquer la question, qui alimente toute la presse, des différentes nominations qui doivent avoir lieu prochainement.

La préparation de la conférence de Copenhague fait l’objet d’un chapitre important dans les conclusions du Conseil européen de Bruxelles. Des progrès ont-ils été réalisés en ce qui concerne le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement ? L’idée d’une taxe carbone européenne fait-elle son chemin ?

Vous insistez régulièrement, Monsieur le secrétaire d’Etat, sur la nécessité d’avoir un service européen d’action extérieure capable de mener une politique commune en matière de défense et d’affaires étrangères. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le budget d’un tel service ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes. Je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre timing : on ne pouvait rêver meilleure occasion pour une réunion consacrée au Conseil européen.

Le Conseil européen qui s’est tenu les 29 et 30 octobre, a trouvé une réponse aux demandes formulées par le Président de la République tchèque : celle-ci se voit accorder une clause d’opting out et les mêmes dérogations à la Charte des Droits fondamentaux que le Royaume Uni et la Pologne.

Cette déclaration a été adoptée en contrepartie de l’engagement du Président Klaus de signer le traité de Lisbonne si la Cour constitutionnelle tchèque déclarait celui-ci conforme à la loi fondamentale du pays, ce qui a été fait dès ce matin. Le Président Klaus a signé le traité de Lisbonne cet après-midi, ce qui termine le processus de ratification.

Nous revenons de loin après bien des tribulations. Et nous avons échappé au pire, le référendum que nous promettaient les conservateurs britanniques. Nous voici donc arrivés à la dernière phase : la nomination des dirigeants des nouvelles institutions, le Président du Conseil européen et le Haut représentant pour la politique étrangère, sans oublier la désignation des membres de la Commission Une fois les nominations effectuées par le Conseil, le « paquet » sera transmis au Parlement européen pour ratification.

Les exécutifs s’étaient engagés à parvenir à la ratification du traité avant le 1er décembre 2009. Le contrat est rempli. Si le Parlement termine le processus de ratification dans le courant de décembre, nous commencerons la nouvelle année, sous présidence espagnole, avec une boîte à outils rénovée. Cela marquera la fin d’une séquence historique de vingt ans qui aura vu la fin de la guerre froide et la réunification de l’Europe. Dotée de nouvelles institutions, l’Europe va enfin pouvoir commencer à travailler et à traiter les lourds dossiers qu’elle a devant elle.

Le Conseil européen a fait le point des travaux préparatoires à la mise en œuvre du traité, travaux qui s’étaient accélérés après le référendum irlandais. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont notamment approuvé les grandes lignes du fameux service européen d’action extérieure – SEAE –, le futur service diplomatique européen. Je dois, là aussi, rendre hommage au travail réalisé par la présidence suédoise et à l’ambition exprimée par Bernard Kouchner : ce service sera, demain, le plus grand service diplomatique du monde, avec un recrutement à trois éléments : Commission, Conseil, Etats membres. Son statut, qui reste à définir, fait déjà l’objet d’un débat avec le Parlement européen.

Le SEAE vise à assurer une double cohérence : celle de l’action extérieure de l’Union grâce à un meilleur pilotage, sous l’autorité du Haut représentant, des différentes commissaires qui mènent des actions de portée internationale – négociations commerciales, énergie, aide au développement – ; et celle, d’autre part, de la mobilisation des moyens disponibles au service de nos objectifs politiques afin d’éviter les erreurs commises dans le passé : alors que l’Europe avait financé l’aéroport de Sarajevo pendant la guerre de la Yougoslavie, c’est le secrétaire d’Etat américain qui l’a inauguré ; les 500 millions de dollars donnés par l’Europe à tel pays du Proche-Orient ont servi à acheter des avions de chasse américains ; l’Europe a signé, avec l’Amérique et le Japon, pour verser une somme importante au Pakistan sans avoir la moindre idée de la stratégie suivie par ce pays ou, tout au moins, sans l’avoir vérifiée.

Il faut absolument – et je me battrai pour cela – qu’il y ait une cohérence et une synergie entre l’action extérieure de l’Union – financée pour 20 % par de l’argent français – et les actions extérieures que nous menons au titre de la France ou dans le cadre d’une coalition avec d’autres pays européens, l’OTAN ou l’ONU.

Comme il était prévisible, le Conseil européen n’a pas pu se prononcer sur le paquet de nominations dans les institutions. Des consultations ont lieu, et la Commission actuelle a été prorogée, le temps d’arriver à un accord.

L’un des enjeux majeurs du Conseil était la préparation de la Conférence qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre, et qui coïncidera d’ailleurs, avec un Conseil européen.

Les objectifs à atteindre sont connus. Ils ont été définis par les travaux du GIEC – groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Il s’agit d’obtenir une réduction d’au moins 50 % des émissions mondiales de CO2 en 2050, en prenant 1990 comme année de référence, afin de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. En dehors de M. Allègre, tous les scientifiques estiment qu’une augmentation de la température de plus de 2 degrés causerait des dégâts irréversibles, entraînant des conflits et des mouvements de populations ingérables.

Pour limiter le réchauffement climatique, il faut obtenir des engagements des pays développés en vue d’une réduction de 25 à 40 % de leurs émissions d’ici à 2020, comparable à ce qu’a décidé l’Union européenne. Il faut également obtenir un engagement des pays émergents, l’idée étant que leurs émissions atteignent un pic vers 2020-2025 pour ensuite rejoindre le niveau de celles des pays aujourd’hui développés.

L’Union européenne a pris très tôt le leadership de cette négociation, notamment sous présidence française, avec l’adoption du paquet « énergie-climat », et elle a formulé des propositions ambitieuses de réduction de ses émissions de CO2 : 20 % d’ici à 2020, 30 % dans le cas d’un accord international global et satisfaisant.

Cette position de force acquise sous présidence française doit être préservée. La discussion de Bruxelles a porté sur la manière d’arriver unis à la Conférence de Copenhague, compte tenu des engagements pris et des problèmes de répartition financière à régler.

Quatre grands paramètres sont à prendre en compte dans cette négociation.

Le premier, et le plus délicat, porte sur la contribution financière de l’Union européenne à l’effort international des pays en développement et sur les modalités de calcul de cet effort.

De nombreux points sensibles étaient sur la table, qu’il s’agisse de l’évaluation des besoins de financement d’ici à 2020, de la contribution de l’Union à ce financement, de la répartition de cette contribution entre les pays de l’Union ou encore de la possibilité d’utiliser des financements innovants – en particulier, la future taxe sur les mouvements de capitaux.

Le Conseil européen a pris acte des estimations de la Commission européenne : le surcoût de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays en développement pourrait s’élever à environ 100 milliards d’euros par an d’ici à 2020, à financer en partie par les efforts de ces pays, en partie par le marché international du carbone et en partie par le financement public international. L’importance des financements novateurs en faveur du développement durable, en particulier au profit des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, a clairement été soulignée par les chefs d’Etat et de gouvernement, à la demande de plusieurs Etats, dont la France.

Le Conseil européen a également convenu que tous les pays, à l’exception des moins développés, devraient contribuer au financement public international sur la base d’une clé de répartition globale et mondiale, fondée sur les niveaux d’émission et sur le PIB, le poids des niveaux d’émission devant augmenter au fil du temps. Cette position est soutenue à la fois par la France et par l’Allemagne.

Le deuxième paramètre est la définition des conditions dans lesquelles nous pourrions accepter de porter notre taux de réduction d’émission de gaz à effet de serre de 20 % à 30 %. Cet effort supplémentaire est soumis à la double condition que les autres grands pays développés s’engagent de façon comparable et que les pays en développement s’engagent également sur une déviation chiffrée de leurs émissions de gaz à effet de serre. Les rôles de Mme Merkel et de M. Sarkozy dans la négociation ont, là aussi, été très importants.

Le troisième paramètre est le « mécanisme d’inclusion carbone », c’est-à-dire la taxe carbone aux frontières de l’Union. Nous devons pouvoir la mettre en œuvre si certains de nos partenaires internationaux refusent de jouer le jeu à Copenhague. Ce mécanisme, destiné à empêcher les « fuites de carbone », fait partie des options retenues par le paquet « énergie-climat ».

Le secrétariat de l’OMC a indiqué qu’un tel système peut être compatible avec les règles du commerce international s’il remplit les conditions requises et, dans une lettre commune, adressée le 18 septembre dernier, par le Président de la République et la Chancelière allemande à M. Ban Ki-Moon, la France et l’Allemagne ont rappelé leur détermination à user de cette « arme de dissuasion » si cela était nécessaire. Nous ne pouvons pas accepter de pénaliser nos industriels en leur imposant des obligations supérieures à celles de leurs compétiteurs. L’Europe ne sera pas la variable d’ajustement de la négociation. Il y a eu, sur ce point, un accord général de l’ensemble des Européens et une mention de cette idée d’inclusion carbone figure dans les conclusions du Conseil européen.

Quatrième et dernier paramètre : nous devons mieux faire connaître le message politique de l’Union. Alors qu’elle était leader en ce domaine, l’Union a réussi le tour de force, à Bangkok, de faire l’unanimité contre elle pour la bonne raison qu’elle n’a pas de porte-parole dans la négociation climat. Lorsque le négociateur américain ou chinois quitte la salle des négociations, il organise immédiatement une conférence de presse. L’Union européenne souffre, quant à elle, d’un problème de communication.

Les négociations sont aujourd’hui difficiles avec nos partenaires sur ce sujet. Les paniers énergétiques sont très variés en Europe, certains pays nouvellement arrivés étant, par exemple, très dépendants du charbon.

Le problème de la clé de répartition à l’échelle internationale est également très difficile. Le mois de novembre sera, de ce point de vue, décisif : après Bangkok en octobre, la session internationale de négociation aura lieu cette semaine à Barcelone.

Il faut mettre à profit tous les grands événements pour faire avancer nos positions et nous concerter avec les autres grands pôles économiques de la planète. Je pense, notamment, au sommet intermédiaire des chefs d’Etat, que le Président de la République a appelé de ses vœux à Pittsburgh. Je pense aussi aux sommets UE-Etats-Unis – qui a lieu aujourd’hui même –, UE-Inde, le 6 novembre, UE-Chine, le 30 novembre. Le sommet US-Chine sera également très important pour la négociation climat. Nous avons besoin, pour réussir, d’un engagement renouvelé de l’ensemble des partenaires de la négociation, et ce au plus haut niveau.

L’idée du Président de la République est d’essayer de réunir tout le monde avant que débute le sommet de Copenhague. Je ne sais pas s’il y parviendra en une fois ou si la concertation se fera par morceaux à l’occasion de ces différentes réunions.

Nous sommes encore loin d’un accord, mais l’espoir est permis car des partenaires importants, comme le Japon ou le Brésil, ont déjà commencé à bouger. M. Borloo fait une campagne très active dans les pays en développement. Côté américain, un vote déterminant sur le Clean Energy Act est attendu du Sénat avant Copenhague. Les discussions entre démocrates et républicains sont en cours, avec une cristallisation des débats sur le financement du nucléaire, la taxe aux frontières, les avantages accordés aux énergies renouvelables.

Un autre volet important de la discussion à Bruxelles a porté sur la situation économique. La reprise est là, mais elle reste fragile comme l’atteste la montée du chômage dans l’Union européenne. Il est donc indispensable de ne pas mettre fin prématurément aux mesures de soutien à l’économie. Le Conseil européen a pleinement soutenu cette approche, en soulignant la nécessité « d’élaborer une stratégie coordonnée de sortie des politiques de relance généralisées une fois la reprise assurée ». Le Conseil européen a souligné l’importance de préparer l’avenir en créant de nouvelles sources de croissance. C’est tout l’enjeu, à l’échelon européen, de la révision de la stratégie de Lisbonne et, à l’échelon de la France, du grand emprunt.

Je tiens à souligner les bons résultats de la présidence suédoise en matière de supervision financière. Dès octobre, une orientation politique a été dessinée sur le volet « macrofinancier », qui prévoit la création d’un comité européen du risque systémique.

Sur le volet « microfinancier », qui prévoit la transformation des comités de superviseurs en « autorités » dotées de pouvoirs contraignants, les négociations se poursuivent avec, en ligne de mire, une orientation politique au Conseil européen de décembre.

Nous espérons formaliser, l’année prochaine, un accord en première lecture avec le Parlement européen, la plupart des textes, dans ce domaine, étant régis par la codécision.

Les migrations sont un sujet prioritaire, non seulement pour nous, mais également pour nos partenaires du Sud. Le Conseil européen était convenu, en juin dernier, de revenir, lors de sa session d’octobre, sur les réponses apportées à l’urgence migratoire en Méditerranée, qui menace la stabilité de pays comme la Grèce. C’est un sujet fondamental pour lequel doit jouer la solidarité de tous les pays européens. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile a posé des principes ; ils doivent être pleinement mis en œuvre.

Il y a quelques jours, le Président de la République et le Président du Conseil italien ont adressé une lettre commune à la présidence suédoise comportant toute une série de propositions – que je tiens à la disposition de votre commission. Le Conseil européen a entendu cet appel et a adopté des conclusions ambitieuses, demandant, par exemple, un accord en vue de la création d’un bureau européen en matière d’asile, et le renforcement des capacités opérationnelles de FRONTEX, à partir de propositions concrètes comme celle d’affréter régulièrement des vols de retour communs financés par l’agence, ou encore le renforcement de la coopération entre l’agence, les pays d’origine et les pays de transit. Cela concerne notamment la Libye et la Turquie, avec lesquels il y a un vrai problème d’accord de réadmission.

Le Président de la République a insisté sur le fait que le Conseil européen de décembre devra prendre des décisions sur le droit d’asile : on ne peut plus garder un système comptant autant de guichets que d’Etats membres. « Lorsque la réponse sera oui dans un Etat membre », a-t-il déclaré, « ce sera oui partout. Quand ce sera non, ce sera non partout. » Les filières d’immigration clandestine font, actuellement, « leur marché » en fonction des différentes législations sur le droit d’asile. Il est temps que nous ayons une législation commune.

Dernier point que j’aborderai : la crise du lait. Comme vous le savez, le Gouvernement a pris l’initiative dès juillet, non sans mal, d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait. Un signal fort a été envoyé, mon collègue Bruno Le Maire ayant beaucoup « ramé » avant d’obtenir une majorité de 21 Etats pour amener la Commission à se réunir sur une crise qui ne touchait pas uniquement la France mais beaucoup de pays.

Lors des Conseils « Agriculture » et « Ecofin » des 19 et 20 octobre, 22 Etats membres ont obtenu de la Commission, d’une part, la mise en place de mesures supplémentaires – en particulier une amélioration des dispositifs de stockage, une extension du programme de distribution de lait dans les écoles – et, d’autre part, l’inscription, dans le projet de budget 2010, d’une enveloppe exceptionnelle de 280 millions d’euros, en écho aux propositions du Parlement européen.

Le Conseil européen a pris la pleine mesure du sujet : il a, notamment, entériné les mesures d’urgence et de stabilisation engagées par la Commission et a encouragé le Conseil et la Commission à rechercher des solutions de moyen et long termes pour l’avenir du secteur.

Malheureusement, le secteur du lait n’est pas le seul dont le système de prix soit remis en question. Le problème est général. D’où le discours du Président de la République, il y a quelques jours, sur ce sujet.

Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les grands défis que l’Union doit relever. Le traité de Lisbonne va l’y aider. L’objectif, comme l’a rappelé le Conseil européen, est une entrée en vigueur la plus rapide possible de l’ensemble des institutions. Le moment est venu de clore une bonne fois le chapitre institutionnel – c’est-à-dire les négociations sur nous-mêmes – et de commencer à travailler sur l’essentiel. La tâche n’est pas facile à vingt-sept mais elle est indispensable si nous voulons que l’Europe pèse sur les grandes négociations mondiales, qu’il s’agisse du commerce, du climat ou de la finance internationale.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous propose, mes chers collègues, d’appliquer la règle européenne qui limite à deux minutes le temps de parole pour poser les questions.

M. Jérôme Lambert. Cela va être difficile.

Le premier ministre belge a insisté sur le fait que l’Union européenne ne devait pas dépendre d’un seul homme mais des institutions. A-t-il été question de la coordination entre le futur président stable du Conseil européen, le Président de la Commission et l’Etat assurant la présidence tournante du Conseil de l’Union ? Ce sujet nous semble très compliqué.

J’avais beaucoup de questions concernant le climat. Je n’en poserai qu’une. Pourquoi n’y a-t-il pas eu, à l’occasion du Conseil européen de la semaine dernière, un accord de principe sur les répartitions financières au sein de l’Europe ? Je conçois qu’on ne soit pas encore en mesure d’évaluer les montants pour chacun et qu’il ne soit pas bon de dévoiler nos batteries avant le sommet, mais on aurait pu se mettre d’accord sur la clé de répartition. Un accord sera-t-il possible demain ?

On parle de reprise économique. Or, ce qui redémarre aujourd’hui, ce sont les profits bancaires. Ceux-ci n’étant assurés ni par le redémarrage de la production industrielle, ni par la croissance, sur quoi reposent-ils ? Sur la spéculation ! On a l’impression que rien n’a changé. Le système fonctionne comme avant : l’économie virtuelle continue à diriger le monde, au grand dam de nos économies réelles qui sont encore dans l’impasse.

M. Michel Herbillon. On ne peut que se réjouir de la ratification du traité de Lisbonne car elle sort l’Europe de la panne institutionnelle dans laquelle elle se trouvait depuis le traité de Maastricht. C’est une nouvelle pierre pour l’édification de l’Union européenne.

J’ai une suggestion à vous soumettre, Monsieur le secrétaire d’Etat, et une question à vous poser.

Il me semble nécessaire de faire une communication grand public sur ce que signifie la ratification du traité de Lisbonne compte tenu, notamment, de l’échec du référendum français et des sempiternelles discussions institutionnelles auxquelles nos compatriotes ne comprennent pas grand-chose. Adressé en dehors d’échéances électorales, ce message pédagogique serait mieux entendu. Qu’en pensez-vous ?

Ma question porte sur le fonctionnement des nouvelles institutions. Celui-ci dépendra non seulement des textes et du choix des hommes à la tête des différentes institutions mais également de la pratique qui va s’instaurer. Tout démarrage étant fondamental en ce qu’il conditionne la suite, en bien ou en mal, quels seront les pouvoirs respectifs du Président stable du Conseil européen, du Haut représentant pour la politique étrangère – qui sera également vice-Président de la Commission –, du Président de la Commission européenne, du Président du Parlement européen et du chef d’Etat ou de gouvernement à la tête de la présidence tournante de l’Union, et leurs relations entre eux ? Y a-t-il déjà eu des discussions à ce sujet ?

M. Hervé Gaymard. Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d’Etat, pour la clarté de votre exposé.

Ma question porte sur les relations franco-allemandes. Comment interprétez-vous les récentes annonces de Mme Merkel en matière économique ? Pour reprendre le vocabulaire des soviétologues de naguère, est-ce un nouveau cours de la politique économique allemande ? Exprimé en d’autres termes, le passager clandestin de ces dernières années ne fait-il pas poinçonner son ticket ?

M. Pierre Lellouche. Concernant le fonctionnement des institutions, je vais être très franc avec vous. Il existe un risque politique qui consiste à survendre le nouveau paquet institutionnel en faisant croire que, grâce à lui, tout est maintenant réglé.

Personnellement, cela fait longtemps que j’attends ces institutions. Mais je n’irai pas jusqu’à prétendre que le paquet institutionnel résout tous les problèmes. Les institutions ne valent que s’il y a une volonté et un projet. Or, cette volonté et ce projet existent, et la force d’impulsion se trouve dans les relations franco-allemandes. J’y reviendrai quand je répondrai à M. Gaymard. Cette force est-elle capable d’entraîner tout le monde ? À côté du paquet institutionnel, il faut considérer la volonté des autres Etats et le contexte international.

Les nouvelles institutions peuvent être une bénédiction comme un système incompréhensible. D’un côté, tout est en place pour que l’Union à vingt-sept, et bientôt à trente ou plus, fonctionne mieux.

Mais elles peuvent se transformer en usine à gaz si elles démarrent mal. Quand on lui parlait de l’Europe, Henry Kissinger demandait : « L’Europe ! Quel numéro de téléphone ? ». S’il n’y en avait pas avant, il risque d’y en avoir quatre demain : celui du Président stable du Conseil européen, celui du Président tournant, celui du Président de la Commission et celui du Haut représentant pour la politique étrangère, voire cinq si le Président du Parlement a envie de s’imposer.

La responsabilité politique des gouvernants sera très importante dans les jours qui viennent parce que, comme vous l’avez souligné, Monsieur Herbillon, le choix des hommes et des femmes va largement colorer le fonctionnement du système. Ce choix appartenant aux chefs d’Etat et de gouvernement, je ne vais pas entrer dans le petit jeu du qui fait quoi

Il y a un paquet politique entre le Président du Conseil et le Haut représentant pour la politique étrangère. Martin Schulz a demandé, au nom des socialistes, que, si le premier est de droite, le second soit de gauche.

Il y a aussi une négociation entre les « grands Etats » et les « petits Etats ». Si un grand Etat « a » la politique étrangère et donc le poste de Haut représentant, comme cela devrait être le cas, compte tenu de la tradition des grands Etats en matière de politique étrangère, de diplomatie et de défense – je préférerais, en effet, que ce ne soit pas la neutralité qui s’affiche à l’extérieur de l’Union alors que celle-ci est minoritaire au sein de l’Union –, les autres Etats demanderont à « avoir » le poste de Président stable du Conseil. À cette équation, s’en ajoutent deux autres selon le genre homme-femme et la provenance : Nord, Sud, Est, Ouest.

Tous ces éléments sont sur la table. Dans les tout prochains jours, le premier ministre suédois convoquera les chefs d’Etat et fabriquera une liste à partir de ce qu’il va entendre. Puis il réunira tout le monde afin de procéder à un choix. Je ne sais pas qui sera nommé. Mais il est important que ces nominations n’entraînent pas de complication supplémentaire. Des tensions risquent de se produire entre le Président nouvellement élu et la présidence semestrielle, qui continuera de tourner. L’esprit du Traité, c’est que la présidence tournante dirige les conseils techniques, comme ceux de l’agriculture ou de la recherche, mais pas le Conseil européen ni le conseil RELEX, qui relèveront du Président stable et du haut représentant. Ce système s’imposera-t-il dès le 1er janvier ? Je pense plutôt qu’il sera mis en œuvre au terme d’un processus de tuilage, sous la présidence tournante espagnole.

Qui présidera le Conseil ? C’est aux chefs d’Etat et de gouvernement de trouver un consensus pour déterminer qui assurera le continuum pendant une période de deux ans et demi renouvelable une fois, c’est-à-dire cinq ans, une législature du Parlement européen.

Le Président de la Commission a été élu avec une majorité confortable de 382 voix. Il détient la légitimité pour composer la liste des commissaires mais le fera en concertation avec les Etats. À nous de veiller aux noms des commissaires et au contenu de leurs portefeuilles. Le Président de la République a annoncé que Michel Barnier sera notre candidat à la Commission, mais aucune nation n’est propriétaire d’un portefeuille. Je précise que ces choix seront effectués en parfaite harmonie entre l’Allemagne et la France : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy arriveront avec un paquet de propositions communes.

Le Président de la République porte le souhait – partagé maintenant, je crois, par le Conseil européen – que l’action extérieure de l’Union ait une vraie cohérence, ne soit pas saucissonnée. Le haut représentant représentera le Conseil tout en occupant la fonction de vice-Président de la Commission. Il travaillera donc en synergie avec les Etats ainsi qu’avec les commissaires et le Parlement européen. Un enjeu consistera à éviter que celui-ci marque son territoire de façon excessive. Songez que mon ami eurodéputé Elmar Brock a proposé, dans un rapport, de mutualiser le haut représentant et le service européen d’action extérieure !

La discussion politique implique les parlements nationaux, le Parlement européen et les Etats ; le système se mettra en place progressivement. J’ignore comment il fonctionnera demain mais une chose est sûre : sa coloration dépendra des choix de personnes.

Prenons toutefois garde à ne pas survendre le paquet institutionnel comme la solution miracle. Il faut certes s’adresser au grand public mais je préfère communiquer sur les résultats concrets de l’Europe – par exemple si nous parvenons à des avancées en matière de climat ou d’énergie – plutôt que sur ses institutions. En revanche, ceux qui font marcher la mécanique européenne – syndicats, partis politiques, députés, eurodéputés, ministres, fonctionnaires – doivent la connaître parfaitement.

À cet effet, mon équipe travaille depuis deux mois à la fabrication d’un « eurokit », composé de fiches techniques expliquant la nouvelle répartition des pouvoirs, les sujets à problèmes et ceux sur lesquels il convient de s’appuyer. Cet outil s’adresse à la droite, à la gauche comme au centre, pour que l’équipe de France soit la plus influente possible dans l’Europe à vingt-sept.

C’est aussi pourquoi nos eurodéputés doivent parler à nos députés et à nos sénateurs nationaux. J’ai récemment invité le Président, français, de la commission du budget du Parlement européen à venir parler du budget et des perspectives financières de l’Union devant des députés français. Nous organiserons très régulièrement des échanges thématiques de ce genre, avec des eurodéputés ou des commissaires européens, qui doivent prendre conscience de l’existence des parlementaires nationaux. Mais je retiens votre idée : nous demanderons également au service d’information du Gouvernement, le SIG, d’intervenir.

Le Président Pierre Lequiller. M. le secrétaire d’Etat a totalement raison : les échanges entre Parlement européen et parlements nationaux sont essentiels. J’invite du reste tous les parlementaires européens français à chaque réunion de notre commission.

Par ailleurs, nous organiserons prochainement une réunion par visioconférence, relative au droit des consommateurs, afin que nos eurodéputés puissent y participer sans se déplacer.

Enfin, pour tenir compte du fait qu’ils travaillent les mêmes jours que nous, je leur ai proposé de programmer une réunion durant l’une de leurs « semaines de circonscription », afin que nous puissions débattre ensemble des principaux sujets traités actuellement au Parlement européen.

M. Pierre Lellouche. Dans le même ordre d’idées, j’ai demandé à Pierre Lequiller et à une eurodéputée française de réfléchir à la sous-consommation des crédits communautaires. Nous sommes aussi en train de constituer, en liaison étroite avec Michel Mercier, un groupe de travail commun, comprenant eurodéputés et parlementaires nationaux, sur le dossier extrêmement sensible des affaires transfrontalières.

Monsieur Lambert, si nous ne sommes pas parvenus à fixer une clé de répartition, c’est que certains pays n’avaient pas envie de s’engager sur des chiffres. Le groupe de travail constitué sur proposition du Président de la République et de la chancelière devrait aboutir rapidement. Il faut encore traiter quelques problèmes techniques, notamment avec des pays particulièrement concernés par le charbon. En tout cas, il faut solder l’affaire avant le Sommet de Copenhague.

Monsieur Gaymard, les relations franco-allemandes entrent dans une période très importante, avec la séquence du 9 au 11 novembre. Le 9 novembre à dix-huit heures trente, place de la Concorde, j’organise une grande célébration, en présence du Premier ministre et de mon homologue allemand, afin de montrer que cette fête allemande est aussi la nôtre, que nous sommes heureux de voir leur pays réunifié. Cette fête sera télévisée et les images seront croisées avec celles de la fête qui se déroulera au même moment à Berlin. J’y travaille depuis ma nomination et, grâce aux fonds privés que j’ai levés, pas un sou d’argent public ne devrait être dépensé. Avec mon homologue allemand, nous œuvrerons à l’approfondissement de cette relation, déjà extrêmement bien portante, en vue de la réunion du conseil des ministres franco-allemand qui devrait se tenir début 2010. Beaucoup d’idées concrètes circulent ; le Président de la République et la Chancelière trancheront.

Sur le volet économique, essentiel dans la relation franco-allemande, plusieurs options étaient effectivement possibles. L’Allemagne a décidé de mettre sa puissance économique – la première d’Europe – au service de la croissance européenne, d’en faire une locomotive. Je constate que beaucoup de mesures favorables à la relance prises par l’Allemagne rejoignent celles adoptées en France depuis deux ans : baisse de l’impôt sur les revenus, bouclier fiscal, baisse de la TVA sur la restauration et l’hôtellerie, baisse de la fiscalité sur les successions, suppression de la taxe professionnelle... À travers ces deux paquets fiscaux, nos politiques économiques sont en phase, malgré quelques différences. La chute considérable des rentrées fiscales en France, par exemple, explique que le taux de déficit français soit plus élevé.

Même si les deux économies diffèrent, même si nous avons beaucoup de retard à rattraper en matière d’investissement – d’où le grand emprunt –, nos deux économies cheminent en parallèle dans la bonne direction, ce qui constitue une bonne nouvelle pour l’Europe. Il reste beaucoup à faire, nous ne sommes pas sortis de la crise, mais je n’irai pas au-delà, pour ne pas empiéter sur le domaine de ma collègue Christine Lagarde.

M. Philippe Tourtelier. Le désaccord concernant la lutte contre le changement climatique porte-t-il sur la somme à répartir entre Etats ou sur la clé de répartition, moitié PIB, moitié émissions ? Si l’Union européenne ne s’applique pas à elle-même le système qu’elle est censée défendre au niveau international, je vois mal comment elle sera crédible.

M. Borloo parle d’un « plan justice climat », avec des financements innovants, notamment un prélèvement sur les transactions financières. Est-il le seul ? L’Union européenne et ses Etats membres n’ont aucune crédibilité car ils n’ont tenu aucun de leurs engagements, en particulier sur les « objectifs du millénaire ».

Pour gagner en crédibilité et donner un signe à ses partenaires, la France n’aurait-elle pas dû accomplir un effort en matière d’aide aux pays en voie de développement et se rapprocher de 0,7 % ? Je vous ai déjà soumis l’idée d’un système de compensation de la dette écologique par de l’aide au développement, qui serait financé par les enchères, afin de ne pas déséquilibrer le budget. Vous m’avez répondu que ma remarque était intelligente et j’en ai parlé en d’autres lieux mais je n’ai jamais entendu d’écho ; c’est dommage.

L’accord de Kyoto impose un rendez-vous au 1er janvier 2013. Or, l’alinéa 10 des conclusions du dernier Conseil européen prévoit « d’accroître le soutien aux mesures d’adaptation dans les pays en voie de développement, jusqu’en 2012 et au-delà ». Mais quelle crédibilité aurons-nous si nous ne tombons pas d’accord sur un financement avant le Sommet de Copenhague ?

M. Borloo vient d’affirmer que la France défend l’idée d’une organisation mondiale de l’environnement. Toutefois, à l’ONU, il y a deux ou trois ans, on nous a dit que ce cela ne se ferait jamais, faute de financements et parce que certains pays ne sont pas d’accord. Pour mettre en cohérence l’ensemble des politiques, ne serait-il pas préférable de soutenir la proposition de création du « forum », placé sous l’égide des Nations unies, figurant à l’alinéa 15 des conclusions de la présidence ? La problématique des transferts de technologies, évoquée dans le rapport du GIEC – le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – paru en 2000, n’est pas prise à bras-le-corps. Ne pourrait-elle pas être traitée, entre autres, dans le cadre de ce « forum » ?

M. Philippe Cochet. Comme vous, je crois davantage en l’Europe par la preuve qu’en l’Europe institutionnelle.

Sur le dossier de l’immigration et de l’asile, la France est en pointe ; lorsque la solidarité a dû s’exercer au profit de Malte, nous nous sommes retrouvés bien seuls. Je lis dans les conclusions du Conseil qu’un certain nombre de pays disent vouloir s’investir, avec une échéance, je crois, l’année prochaine. Certains Etats membres ont-ils d’ores et déjà annoncé le nombre de demandeurs d’asile qu’ils recevront ? La solidarité ne doit pas être seulement déclarative mais se traduire dans les faits.

La déclaration générale sur l’Iran suscite-t-elle des dissensions ou bien tous les pays sont-ils d’accord à ce propos, notamment en ce qui concerne les problématiques du nucléaire et des droits de l’homme ?

Mme Marietta Karamanli. Mardi dernier, M. Alain Lamassoure, Président de la commission du budget du Parlement européen, affirmait que la procédure budgétaire serait complètement bouleversée, avec en particulier l’évolution du droit commun de la codécision et de la notion de dépenses obligatoires, qui aura un impact sur les dépenses agricoles. Le Conseil est plutôt favorable à notre position concernant la PAC, la politique agricole commune. Si le Parlement européen adopte une autre position, comment le Gouvernement envisage-t-il de réagir ?

Dans les conclusions de la présidence du Conseil européen, il est question de « modes de financement novateurs » au niveau national. Que faut-il entendre par-là ?

M. Pierre Forgues. J’aurais aimé être optimiste mais le changement d’institutions ne réglera effectivement pas les problèmes fondamentaux.

Les conclusions du Conseil, à l’alinéa 28, mentionnent des « mesures nécessaires pour assurer une reprise économique forte et durable », la « nécessité d’une action coordonnée » et une « nouvelle stratégie européenne en faveur de l’emploi et de la croissance ». Quelles mesures concrètes les chefs d’Etat et de Gouvernement ont-ils évoquées ? Qui définira cette stratégie ? En réalité, à la lecture de ces déclarations, je ne ressens aucune volonté. À l’alinéa 42, la présidence indique : « L’UE salue le travail accompli par les institutions électorales en Afghanistan, qui a permis de sauvegarder la crédibilité du processus électoral. » Si les déclarations en matière économique sont aussi réalistes, il y a de quoi se faire beaucoup de souci…

Puisque la France joue depuis quelque temps un rôle très important en Europe et veut continuer de le faire, présentera-t-elle un candidat à la présidence de l’Union ? Je trouve curieux que nous devions aller chercher Tony Blair quand nous disposons de quelques Premiers ministres ayant fait leurs preuves, comme M. Juppé ou M. Jospin.

M. Michel Delebarre. Et si la candidature de Tony Blair se révélait un leurre fabuleux ? Dès lors que son nom est inacceptable pour beaucoup, les Britanniques obtiendront finalement le poste de haut représentant, et ils auront tiré leur épingle du jeu. De surcroît, un haut représentant de gauche fera progresser la situation !

Nous avons fait le plus facile ; le plus difficile sera la mise en œuvre. Pour que l’Europe représente quelque chose, il faut que son Président représente quelque chose. Or je crains que les Etats membres tombent d’accord sur le plus petit dénominateur commun. L’enjeu est extraordinaire : le premier Président durable donnera une impulsion ou n’en donnera pas, et l’image de l’Union européenne post-Lisbonne en dépendra.

S’agissant du climat, nous en avons pour vingt ou trente ans, c’est évident, car prendre un virage aussi important nécessite du temps. Nos relations avec les pays en voie de développement sont en jeu mais aussi les relations entre l’Union européenne et ses propres territoires. Je rappelle au passage que la mise en œuvre de l’essentiel des décisions concernant les économies d’énergie et la réduction des émissions de carbone passera par les villes et les régions. Un millier de collectivités territoriales ont d’ailleurs déjà pris des engagements supérieurs à ceux de l’Union européenne. Le Sommet de Copenhague ne doit pas s’achever par de grandes déclarations négligeant l’ancrage sur les territoires.

Les migrants présents sur la côte d’Opale se sont retrouvés là uniquement à cause de l’attitude de la Grande-Bretagne. Une harmonisation de la politique européenne permettrait de résoudre ce type de problèmes. Mais imaginons que le scénario d’un haut représentant de nationalité britannique se réalise…

M. Pierre Lellouche. Vos questions sont très intéressantes, parfois très taquines, mais je ne puis entrer dans les détails, à moins de provoquer de nombreux problèmes diplomatiques ! J’essaierai de vous répondre le plus précisément possible mais la ligne de crête n’est pas évidente à tenir.

Monsieur Tourtelier, les divergences entre Etats membres portent évidemment sur la clé de répartition entre PIB et émissions car certains pays produisent très peu d’émissions tandis que d’autres manquent de moyens pour rendre plus propre leur production d’énergie. Nous devons trouver une solution car il ne faut pas que la position de l’Union à Copenhague se trouve affaiblie.

Dans la partie de poker menteur sur les transferts de technologies, il convient d’éviter de tomber dans le piège de la naïveté, d’autant que l’Europe ne dispose franchement pas de surplus financiers. Tous les pays ne sont pas dans la même situation en termes de croissance et de développement. Des pays émergents vont très vite, à commencer par la Chine et l’Inde, où certaines régions parfaitement compétitives voisinent avec d’autres très sous-développées. L’aide doit donc être calibrée différemment selon que le pays est émergent ou reste très pauvre. Il faut aussi que les autres pays développés annoncent des aides. Cette affaire peut constituer un formidable levier de développement économique pour l’Afrique mais aussi pour nous. Nous ne devons pas la vivre comme une punition, les transferts de technologies sont aussi source de richesse pour l’humanité. Nous vivons le début d’une révolution mentale.

Le problème, c’est que l’horizon se situe à cinquante ans, comme pour les questions démographiques, alors que, dans notre société démocratique, nous raisonnons en fonction de l’élection suivante. Pour annoncer à ses électeurs des sacrifices massifs, à hauteur de 100 milliards par an, alors qu’ils n’en verront pas les résultats, il faut posséder une sacrée force d’âme ! La prise de conscience sera évolutive ; il faut faire partager l’idée de ce processus. D’où l’effort du Gouvernement en direction du Brésil, des pays en voie de développement comme de l’Union européenne. Nous n’avons pas à nous flageller : nous pourrions certes faire mieux mais nous sommes déjà largement leaders, notamment par rapport aux Etats-Unis.

Que l’on passe par l’étape d’un forum ou pas, la France considère qu’il faudra bien un jour créer une organisation mondiale de l’environnement, ne serait-ce que pour agir comme arbitre dans la gestion des taxes aux frontières. C’est un peu la même logique que pour le Traité de non-prolifération : sans règles du jeu, sans organisation de contrôle, la communauté internationale se contenterait de dire aux Iraniens qu’ils devraient mieux ne pas enrichir de l’uranium.

Monsieur Cochet, nous sommes pour l’instant les seuls à avoir accompli un geste vis-à-vis de Malte. Il serait bon que les autres Etats membres fassent preuve de la même solidarité et acceptent d’accueillir des immigrants afin de partager le fardeau subi par ce territoire d’arrivée. La solution passe aussi par la signature d’accords de réadmission avec les pays de transit, à commencer par la Libye et la Turquie. Le problème de l’immigration ne doit pas être laissé à l’extrême droite, ne doit pas être considéré comme un sujet tabou. Tous les grands pays d’immigration de la planète, Etats-Unis, Canada et Australie, se dotent de règles. L’immigration ne doit pas être subie mais choisie et gérée. Dans l’espace européen, elle doit être gérée avec nos partenaires. Nous ne demandons rien qui ne soit totalement démocratique. Sur ce dossier si difficile, j’aimerais vraiment que nous bénéficiions d’un soutien unanime de votre part ; la question n’a rien d’idéologique et, plus nous serons unis, plus nous aurons de chance d’obtenir des règles communes, notamment en matière de droit d’asile.

Monsieur Forgues, Monsieur Cochet, s’il s’agit de réclamer des progrès s’agissant de l’action de l’Europe vis-à-vis de l’Afghanistan ou de l’Iran, je vote oui des deux mains.

Nous avons aussi d’énormes progrès à accomplir en vue de mener une politique commune à l’égard de la Chine et, pour commencer, à l’égard de notre voisin, la Russie, qui est également notre premier fournisseur d’énergie. C’est aussi vrai pour les pays du Sud, avec l’Union pour la Méditerranée.

Je souhaite ardemment que les Européens communiquent davantage à propos du dossier afghan. J’ai été choqué de constater que, dans des casernes de l’OTAN, les officiers français et leurs homologues européens ne se parlaient pas. Les contingents actuellement déployés par les Européens dans des zones différentes ne se parlent pas non plus. Et d’immenses progrès doivent être accomplis en matière de gestion politique commune. Le partenaire américain ne semble guère à l’aise mais la voix européenne ne se fait pas entendre. Une concertation s’impose pour gérer cette crise, l’une des deux ou trois plus graves du monde actuellement, dans laquelle nous engageons 35 000 hommes au sein des contingents allemand, espagnol, britannique et français. Mais je ne voudrais pas empiéter sur le domaine de mon excellent ami Bernard Kouchner.

Monsieur Delebarre, Monsieur Forgues, je ne suis pas l’agent électoral de M. Juppé ou de M. Jospin. S’ils sont candidats, qu’ils le fassent savoir. J’ai du reste cru comprendre qu’Elisabeth Guigou était candidate au poste de haut représentant. Mais le Président de la République n’a pas tort : les premiers partis ne sont pas sûrs d’arriver les premiers ! Cela dit, comme ce poste devrait échoir à la gauche, si vous avez des idées de candidats, allez-y !

Madame Karamanli, la question de la PAC sera l’une des plus ardues des mois et des années à venir. D’abord, un problème de régulation se pose pour le marché du lait comme pour tous les autres marchés agricoles. Ensuite, le dossier est inséparable de celui de l’OMC c’est-à-dire des négociations en cours du Cycle de Doha. Enfin, cela sera un point central des négociations sur les perspectives financières de l’Europe.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie de votre franchise, Monsieur le secrétaire d’Etat.

II. Communication de M. Michel Herbillon sur le Fonds d’ajustement à la mondialisation (documents E 4697 et E 4802)

M. Michel Herbillon, rapporteur. Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) a été créé pour venir en aide aux salariés qui perdent leur emploi en raison de l’évolution du commerce international, par le règlement (CE) no 1927/2006, qui prend notamment en compte les effets des fermetures de sites sur les sous-traitants, en amont. Ce règlement a récemment été révisé pour l’étendre aux victimes de la crise économique et sociale et modifier les critères d’éligibilité pour une mise en œuvre plus facile et plus rapide, l’objectif étant de réduire l’ampleur des difficultés administratives.

Deux décisions de mobilisation du fonds ont récemment été proposées par la Commission européenne. La première contribution sollicitée, pour un montant de 5,53 millions d’euros, concerne les salariés du téléphone portable, de Nokia, en Allemagne. La seconde, d’un montant de 24 millions d’euros, regroupe deux dossiers : le premier pour le secteur textile en Belgique, dans les Flandres et au Limbourg ; le second relatif à l’arrêt de la production d’ordinateurs par Dell en Irlande, à la suite de son transfert en Chine ou en Pologne.

Ces deux propositions d’acte communautaire peuvent être approuvées.

Pour la suite, la Commission européenne devrait présenter une proposition de décision relative au secteur de l’automobile en Suède et en Autriche.

A priori, la modification des critères était opportune puisque les dossiers semblent plus nombreux et aller plus vite. Néanmoins, la question budgétaire reste à régler. Comme l’a précisé la résolution de l’Assemblée nationale adoptée à l’initiative de notre commission lors de la réforme du FEM (texte adopté no 250 du 9 avril 2009), il convient de prévoir une ligne budgétaire spécifique. Cette question doit impérativement être résolue à l’occasion du réexamen à mi-parcours des actuelles perspectives financières 2007-2013, et, à défaut, lors de la définition du prochain cadre financier pluriannuel. Une telle simplification budgétaire est nécessaire car il s’agit de rendre plus efficace l’un des instruments de l’Europe concrète. Actuellement, le fonds donne des résultats, mais il est mis en œuvre dans des proportions trop faibles. Moins de 40 millions d’euros ont en l’état été demandés cette année sur une dotation totale de 500 millions d’euros.

Le Président Pierre Lequiller. Je remercie les membres de la Commission d’être venus nombreux aujourd’hui pour l’audition du Secrétaire d’Etat. Je ferai en sorte que, lors de telles auditions, la durée des questions soit limitée afin de permettre à un grand nombre d’entre nous d’intervenir, de manière que le débat soit dynamique.

M. Michel Delebarre. Il serait judicieux de transmettre les observations formulées par notre rapporteur sur le FEM à M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen, qui pourrait utilement les relayer.

Le Président Pierre Lequiller. Les recommandations de M. Michel Herbillon seront transmises au nom de notre commission à M. Lamassoure.

M. Michel Delebarre. N’y a-t-il aucune demande de mobilisation du FEM concernant le secteur du textile en France ?

M. Michel Herbillon. Il n’y en a pas parmi les dossiers actuellement annoncés comme étant en cours de traitement au niveau européen.

M. Philippe Cochet. La prise en compte des sous-traitants pour la mobilisation de ce fonds est effectivement primordiale. Ceux-ci sont vulnérables, car ils assument des « dégâts collatéraux » lorsque leur entreprise cliente ferme.

M. Jérôme Lambert. Pour en revenir à l’un des aspects évoqués tout à l’heure avec M. le secrétaire d’Etat, concernant la nécessité de faire de la pédagogie auprès des citoyens sur le traité de Lisbonne, il conviendrait au préalable de s’assurer que les élus sont suffisamment informés en ce qui concerne ce traité. J’ai relevé à ce propos l’étonnante intervention du sénateur Pierre Hérisson, hier, à l’occasion du débat sur le projet de loi relatif au statut de La Poste, qui parlait sur une radio du traité de Lisbonne « signé par Jacques Chirac et Lionel Jospin » !

Le Président Pierre Lequiller. Lors du récent déplacement à Londres d’une délégation de membres de notre commission, les questions liées à la mise en œuvre du traité de Lisbonne, notamment la question des nominations aux nouvelles fonctions, a fait l’objet d’échanges importants avec nos collègues britanniques. Les députés conservateurs que nous avons rencontrés se sont montrés très critiques sur la candidature de M. Tony Blair au poste de Président du Conseil européen.

Ce déplacement, qui a été très intéressant, était tout à fait opportun en termes de calendrier, coïncidant à la fois avec la mise en œuvre du traité et avec la perspective des prochaines élections législatives.

La Commission a approuvé les deux propositions d’acte communautaire.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Point B

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Agriculture

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2000/29/CE en ce qui concerne la délégation des tâches d'analyse en laboratoire (document E 4722) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil abrogeant la décision 79/542/CEE du Conseil établissant une liste de pays tiers ou de parties de pays tiers et définissant les conditions de police sanitaire, les conditions sanitaires et la certification vétérinaire requises à l'importation dans la Communauté de certains animaux vivants et des viandes fraîches qui en sont issues (document E 4814).

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme de protocole instituant un mécanisme de règlement des différends relatifs aux dispositions commerciales de l'accord euroméditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (document E 4776).

Ø Energie

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, par la Commission, de l'accord de coopération entre la Communauté européenne de l'énergie atomique et le gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la recherche sur l'énergie de fusion (document E 4764).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- initiative de l'Italie et de la France visant à modifier l'annexe 2, inventaire A, des instructions consulaires communes en ce qui concerne l'obligation de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques kazakhs (document E 4860).

Ø PESC et relations extérieures

- recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à négocier un protocole à l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et les Républiques d'Amérique centrale du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part, afin de prendre en compte l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque (document E 4848).

Ø Politique régionale

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1083/2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne la simplification de certaines exigences et certaines dispositions relatives à la gestion financière (document E 4651).

Ø Transports

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion par la Communauté européenne de l'accord d'adhésion de la Communauté européenne à la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) du 9 mai 1980, telle que modifiée par le protocole de Vilnius du 3 juin 1999 (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (document E 4725).

l Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission le 29 octobre 2008 (virements de crédits), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- proposition de virement de crédits no DEC37/2009 à l'intérieur de la Section III - Commission - du budget général de 2009 (DNO) (document E 4865) ;

- proposition de virement de crédits no DEC42/2009 à l'intérieur de la Section III - Commission - du budget général de 2009 (DNO) (document E 4866) ;

- proposition de virement de crédits no DEC40/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO) (document E 4867) ;

- proposition de virement de crédits no DEC41/2009 - Section III - Commission - du budget général 2009 (DNO) (document E 4868) ;

- proposition de virement de crédits no DEC43/2009 à l'intérieur de la section III- Commission - du budget général de 2009 (DNO) (document E 4876).

La séance est levée à 18 h 30

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 3 novembre 2009 à 16 h 45

Présents. - M. Pierre Bourguignon, M. Christophe Caresche, M. Philippe Cochet, M. Lucien Degauchy, M. Michel Delebarre, M. Jacques Desallangre, M. Pierre Forgues, M. Jean Gaubert, M. Hervé Gaymard, Mme Anne Grommerch, M. Michel Herbillon, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Michel Piron, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Philippe Tourtelier

Excusés. - Mme Arlette Franco, Mme Danièle Hoffman-Rispal, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Francis Vercamer, M. Gérard Voisin