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Commission des affaires européennes

mercredi 2 décembre 2009

16 h 45

Compte rendu n° 129

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)

II. Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur les systèmes de transport intelligents (document E 4200)

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 2 décembre 2009

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45.

I. Examen du rapport d’information de MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP)

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. Nous avons conduit cette mission sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) en souhaitant la replacer à la fois dans leur contexte historique et dans une vision prospective de ce qu’ils pourraient être. Cette négociation entre l’Union européenne et les pays ACP s’est engagée après l’accord de Cotonou en 2000, ces pays ayant été divisés pour cela en six grandes entités régionales. La logique de Cotonou marquait une inflexion malheureuse par rapport avec l’idée générale qui avait jusqu’alors présidé aux relations entre l’Europe et ces pays. En effet, depuis 1957 avec l’accord d’association avec les pays et territoires d’outre mer, prolongés et amplifiés par les conventions de Yaoundé, puis par les quatre conventions de Lomé, avaient été mises en place des relations commerciales asymétriques, ce qui signifiait que le marché européen s’ouvrait à ces pays qui n’étaient pas tenus au même degré d’ouverture. Cela était couplé avec une aide et une coopération active dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) ainsi qu’avec des mécanismes innovants comme le Stabex ou le Sysmin.

Les accords de Marrakech créant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont provoqué un débat sur la conformité de ces relations commerciales asymétriques avec les règles de cette organisation dont la philosophie libre échangiste ne se préoccupait que peu de développement. Certains des mécanismes comme le Stabex ont par ailleurs fait l’objet de critiques. Durant cette période, l’Afrique a connu un déclin relatif, sa part dans le commerce mondial passant de 6 % en 1980 à 3 % au début des années 2000. Certains en ont fait porter la responsabilité sur les accords commerciaux asymétriques. Cependant il est d’autres raisons au déclin de l’Afrique et incriminer le seul système commercial serait de mauvaise foi. Dans les années 90, l’Union européenne s’est trouvée dans un autre contexte mental, préoccupée qu’elle était par l’élargissement, l’euro et l’entrée de nouveaux Etats membres qui étaient moins tournés vers l’Afrique. L’Union a toutefois pris en 2001 l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA) qui garantissait un accès préférentiel du marché européen aux pays les moins avancés (PMA). Mais globalement, la deuxième décennie des années 90 n’a pas été favorable au développement. A cela s’est ajoutée l’organisation en tuyaux d’orgue de l’administration européenne.

On s’est donc engagé dans la négociation d’accords de partenariat économique où la logique commerciale était prédominante. Cela apparaît à la lecture du mandat de négociation qui est rédigé dans une logique de libre échange. Après deux ans de blocage initial et cinq ans de « patinage », la date butoir du 31 décembre 2007 est arrivée et on a fait semblant de découvrir le problème alors que l’on avait laissé le commissaire au commerce, Peter Mandelson, mener les négociations. Le coup de semonce lancé par le Président sénégalais Wade traduisait en fait le refus de sauter dans le vide. Il ne faut pas négliger que la Commission européenne a une grande habitude de ce type de négociations commerciales et qu’en face, les pays ACP ne disposaient pas de l’expertise nécessaire en matière de taux d’ouverture, de bandes tarifaires. Il n’est qu’à voir certains pays qui ne mettent pas à profit toutes les possibilités qui leur sont ouvertes par l’OMC.

A la fin 2007, il nous a semblé intéressant que notre commission des affaires européennes se penche sur ce sujet. Nous avons depuis acquis la conviction que cette négociation est un échec, même si certains pays non PMA ont signé des accords intérimaires afin de ne pas perdre des préférences commerciales et de maintenir les flux commerciaux avec l’Europe. Si avec l’arrivée de Madame Ashton, les relations sont meilleures, il ne faut pas se voiler la face : les relations sont dans l’impasse. Il faut donc profiter des nouvelles institutions issues du Traité de Lisbonne et de la prochaine révision de l’accord de Cotonou en 2010, pour rebâtir un nouveau système de relations et proposer des « accords de partenariat de développement économique et commercial ».

Les pays ACP auront besoin d’une assistance importante dans la mesure où leurs recettes publiques sont constituées entre 30 à 60 % de droits de douane. La suppression de ces droits n’aura donc pas que des conséquences économiques mais signifiera aussi la perte de recettes fiscales. Sans que cela implique un jugement de valeur, les systèmes étatiques traditionnels sont caractérisés par la prédominance de recettes douanières et une de fiscalité indirecte prédominante. Il est donc crucial que nous accompagnions nos amis africains vers progressivement plus de fiscalité directe et moins de droits de douane. L’Europe a mis deux siècles pour se constituer en Etats et il faut donc leur laisser le temps d’assurer cette transition fiscale. Par ailleurs, il est indispensable que nous leur apportions un appui à la négociation. Le seul élément positif de cette négociation est qu’elle a contribué au processus de régionalisation ; il s’agissait d’une bonne idée de l’accord de Cotonou même si aujourd’hui , ces intégrations régionales sont incomplètement réalisées.

Il faut que nous demandions aux pays africains ce qu’ils souhaitent et que la discussion s’engage sur les aspects commerce et développement ainsi que sur les priorités dans le cadre du FED. Elles pourraient porter sur l’électrification, les infrastructures et l’aide à la mise en place de politiques agricoles rénovées. Nous souhaitons que les propositions formulées dans ce rapport puissent pousser les décideurs européens à s’engager à présent dans la bonne direction. Madame Anne-Marie Idrac et Monsieur Alain Joyandet ont d’ailleurs saisi la Commission européenne en ce sens.

Sans aucun doute et à l’heure où l’on parle de la politique chinoise en Afrique, il est de la responsabilité de l’Europe de construire un partenariat rénové et une nouvelle approche des relations avec l’Afrique . Même si les accords ne sont pas compatibles avec les règles de l’OMC, l’Europe et les pays ACP disposent dans cette organisation d’une masse critique telle qu’ils peuvent influer sur les décisions qui doivent être prises à l’unanimité. Sur ce sujet, peu de choses ont été écrites et je voudrais souligner l’excellent rapport de Madame Taubira l’année dernière sur un sujet qui mérite toute notre attention et notre mobilisation.

M. Jean-Claude Fruteau , co-rapporteur. Je voudrais confirmer le climat d’accord dans lequel s’est déroulée notre mission commune. Quand on analyse l’échec des négociations, on ne peut que s’accorder, si on est de bonne foi, sur les raisons d’une telle impasse. Alors que la date butoir est largement dépassée, un seul accord complet a été conclu avec le Cariforum. Encore faut il préciser qu’Haïti ne l’a pas signé et que les pays signataires ont demandé sa suspension jusqu’à la fin de la crise. Dans la zone de l’Afrique centrale, les négociations sont au point mort pour des raisons de réorganisation interne des organisations régionales. En Afrique orientale, les négociations sont complexes du fait de la coexistence de plusieurs structures régionales. En Afrique australe, l’intégration régionale est menacée et l’hypothèque de l’Afrique du Sud est lourde. L’Afrique de l’Ouest illustre quant à elle toutes les contradictions et les enjeux des APE : zones régionales hétérogènes, spécialisation des exportations, effets négatifs des accords intérimaires sur l’intégration régionale…

Dans notre rapport, nous nous sommes efforcés de tracer des pistes pour construire une nouvelle architecture des relations entre l’Union européenne et les pays ACP. En premier lieu, il s’agit d’établir une meilleure articulation entre les politiques commerciale et de développement. Au sein de l’Union, trois directions – développement, commerce et agriculture - fonctionnent sans grande coordination. Si le commerce peut contribuer au développement, il ne peut à lui seul assurer ce développement. Il s’agit de rompre avec le postulat qui sous-tend l’attitude de la direction du commerce et que j’ai eu l’occasion de dénoncer quand j’étais parlementaire européen, face à M. Pascal Lamy et M. Peter Mandelson. Il faudrait être aveugle pour accepter sans réserve l’idée selon laquelle la libéralisation des échanges commerciaux entraîne automatiquement le cercle vertueux du développement. En effet, les disparités entre les pays du Nord et du Sud n’ont jamais été aussi grandes que depuis que s’est accentuée l’ouverture des échanges internationaux.

De plus, la course à la productivité engendrée par la réduction des barrières douanières n’est pas exempte d’effets pervers : pour parvenir à rivaliser avec les niveaux de prix des cours mondiaux, les pays les plus pauvres sont incités à concentrer leur production sur un certain nombre de produits pratiquement exclusivement voués à l’exportation. Le développement de ces monocultures se fait au détriment des cultures vivrières et s’accompagne d’une dépendance croissante et dangereuse à l’égard des importations des produits de base nécessaires à l’alimentation des populations. Cela provoque inévitablement l’enchaînement de l’exode rural et du développement des bidonvilles et de la pauvreté.

Il faut laisser les pays ACP libres de déterminer le contenu des négociations et leur donner le sentiment que l’Union européenne respecte leur identité et leur souveraineté. Ce n’est pas l’impression qu’ils ont eu pendant ces années de négociations où certains ont même pu dénoncer les pressions et le chantage à l’aide au développement. Ce sentiment d’une dignité bafouée a été vivement ressenti par ces pays. Il est important de donner aux pays ACP le choix du rythme des négociations. On ne négocie jamais avec un pistolet sur la tempe sinon on n’est plus dans une logique de partenariat mais de domination. Il convient aussi de leur laisser plus de marges dans la définition du champ de négociations.

L’Europe doit permettre l’utilisation de toutes les flexibilités contenues dans le cadre de l’OMC pour accroître le niveau d’asymétrie commerciale en faveur des pays ACP. Il s’agit de dépasser la position dure de la Commission européenne qui, depuis le début des négociations, a pour objectif l’ouverture des marchés des pays ACP à 80 % afin de parvenir à une ouverture globale de 90 %. L’instauration de plus de flexibilités qui permettrait d’atténuer les impacts négatifs de la libéralisation est d’ailleurs possible dans la mesure où nombre d’accords commerciaux bilatéraux admis par l’OMC le prévoient d’ores et déjà. Nous devons enfin relever le défi de la sécurité alimentaire. Selon M. Jacques Diouf, directeur général de la FAO, « la crise silencieuse de la faim qui touche un sixième de l’humanité représente une menace grave pour la paix et la sécurité mondiales ».

Tout ceci exige du courage, l’abandon d’une certaine frilosité et une volonté politique forte. Il est indispensable de sortir de cette impasse et pour cela, de reconnaître nos erreurs. J’ajouterais devant M. Alfred Almont, que cela doit évidemment se faire en ayant le souci de préserver les intérêts de nos régions ultrapériphériques.

Le Président Pierre Lequiller. Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour cette excellente synthèse.

M. Robert Lecou. Notre Commission s’honore d’avoir proposé un tel rapport d’information. Il est en effet très important que les parlementaires puissent travailler sur ces sujets. Ce matin, notre Commission des affaires étrangères recevait une délégation de Saint-Domingue et a pu s’entretenir avec ses gouvernants qui attendent autre chose de la gouvernance mondiale. L’Europe doit tenir sa place et assumer son rôle, notamment auprès de régions ultrapériphériques. Pourriez-vous développer le point 8 de la résolution : l’Assemblée nationale « estime justifié que figure dans les APE une clause de traitement plus favorable pour l’Union européenne et que l’Afrique du Sud ne bénéficie pas du traitement différencié applicable aux pays en développement » ?

M. Jean-Claude Fruteau, co-rapporteur. Il est demandé ici que lorsque les pays africains accordent une clause plus favorable à des pays émergeants, l'Union européenne puisse également en bénéficier. Mais l’Afrique du Sud ne devrait pas bénéficier du traitement différencié en faveur des pays en développement.

M. Jérôme Lambert. Il est très important qu’une telle question vienne en débat ici à l’Assemblée et ce sujet mériterait d’être discuté dans d’autres instances car ce rapport est d’un intérêt majeur. Il convient également de faire le lien avec le développement dans le domaine de l’énergie et avec le développement durable.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. La question climatique et l’articulation avec le sommet de Copenhague figurent dans nos conclusions. Il faut d’ailleurs savoir que certains experts expliquent aujourd’hui qu’il est inutile de développer l’agriculture vivrière en Afrique car, à une échelle de vingt à trente ans, l’Afrique devrait constituer un des principaux continents carbone et il serait plus aisé de nourrir les populations africaines avec des biens importés. Ce sont surtout les climaticiens qui peuvent tenir ce type de discours qui me semble extrêmement dangereux. Cela revient à retourner la question climatique en faveur de la libéralisation des échanges.

Sur proposition des rapporteurs, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000,

Vu les accords intérimaires de partenariat économique et l’accord de partenariat économique signé le 16 décembre 2007 avec les Etats du Cariforum,

Vu les conclusions du Conseil « Affaires générales et relations extérieures » (CAGRE) de mai et novembre 2008,

Considérant que les pays ACP sont durement touchés par la crise économique, financière et alimentaire et que les engagements européens pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement, souscrits en 2000 dans le cadre de l’ONU, sont plus que jamais d’actualité,

Considérant que si, en application de l’article 36 de l’accord de Cotonou, l’Union européenne et les Etats ACP doivent conclure des accords compatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cela doit se faire dans le respect de l’article 1er de cet accord, dont l’objectif est l’éradication de la pauvreté, par le biais des accords de partenariat économique comme instrument de développement,

Considérant que près de deux ans après la date butoir du 31 décembre 2007, les négociations engagées depuis 2002 n’ont abouti, dans un climat de défiance, qu’à la signature d’un seul accord de partenariat régional avec la zone Caraïbes et à des accords intérimaires portant seulement sur les biens, seuls 35 pays sur 78 pays ACP étant concernés,

Considérant que la conclusion toujours différée des négociations du cycle de Doha au sein de l’OMC redonne force aux champs de négociations bilatérales et régionales et qu’il est de l’intérêt partagé de l’Union européenne et des pays ACP de maintenir des relations fortes,

Considérant que les accords de partenariat intérimaires conclus avec des pays ou des groupes de pays, s’ils ont permis le maintien des flux commerciaux pour certains pays ACP, ont porté atteinte au processus d’intégration régionale,

Considérant, d’une part, que les pays ACP craignent les effets négatifs des APE sur les productions locales et sur leur sécurité alimentaire et, d’autre part, que les coûts d’ajustement auront un impact significatif, notamment sur les ressources budgétaires des pays ACP,

Considérant que les avantages des APE pourraient se traduire par une meilleure intégration régionale, une incitation à la mise en œuvre de réformes des finances publiques, ainsi qu’une augmentation des exportations vers l’Union européenne, si certaines mesures de facilitation des échanges sont améliorées (règles d’origine, obstacles techniques au commerce),

1. Invite l’Union européenne à réaliser une meilleure articulation entre sa politique commerciale et sa politique de développement, sous l’égide du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité ;

2. Insiste sur la nécessité pour l’Europe de respecter ses engagements en matière d’aide publique au développement et au commerce, d’en améliorer l’efficacité, de participer à la mise en place de mécanismes de financement innovants et de soutenir les actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement ;

3. Demande à la Commission européenne d’entretenir un climat de dialogue et de respect mutuel dans le cadre du processus de négociation afin de signer des accords de partenariat de développement économique et commercial et d’accorder aux négociateurs ACP suffisamment de temps pour leur permettre d’évaluer les points litigieux et de ne pas leur imposer de négociations sur les « sujets de Singapour » (marchés publics, investissement et services) ;

4. Appelle, d’une part, à l’utilisation de toutes les flexibilités permises dans le cadre de l’OMC pour accroître le niveau d’asymétrie des accords tant en ce qui concerne le taux de libéralisation que les périodes de transition et, d’autre part, à l’inclusion des clauses les plus favorables des accords intérimaires et de garanties pour la protection des secteurs sensibles (clauses d’industrie naissante et de sauvegarde) ainsi que d’une clause de rendez vous ;

5. Recommande le maintien des prélèvements communautaires de solidarité ;

6. Estime nécessaire, afin d’exploiter les possibilités offertes par les APE,  l’élaboration, conjointement à chaque accord et dans le cadre des « task force » régionales, d’un programme de développement se concentrant, en  synergie avec les politiques des Etats membres, sur la production d’électricité, les infrastructures de distribution et les interconnexions régionales ; les grands axes de communication routiers et ferroviaires ; le développement de l’agriculture;

7. Demande que les pays ACP soient assurés du montant et de la durée des engagements de financement des mesures d’accompagnement des APE, en :

- signant un protocole d’accord en parallèle avec les APE couvrant les périodes de transition et décrivant les instruments pouvant être mobilisés,

- définissant le contenu des engagements de la Commission européenne et des Etats membres en matière d’aide au commerce,

- intégrant lors de la programmation du 11e Fonds européen de développement, de manière prioritaire, l’accompagnement des APE,

- mobilisant et coordonnant l’ensemble des outils de financement, en plus de l’aide publique traditionnelle (prêts concessionnels, lignes de crédit, appui aux banques régionales de développement…),

- améliorant la complémentarité entre les bailleurs de fonds nationaux et internationaux,

- créant un fonds dédié aux mesures de transition fiscale afin de faire progresser l’intégration régionale et moderniser les systèmes douaniers et fiscaux des pays ACP ;

8. Estime justifié que figure dans les APE une clause de traitement plus favorable pour l’Union européenne et que l’Afrique du Sud ne bénéficie pas du traitement différencié applicable aux pays en développement ;

9. Affirme la priorité de la sécurité alimentaire dans les pays ACP, ce qui implique :

- une flexibilité sur les taux de libéralisation des échanges et un calibrage prudent des listes de produits sensibles à exclure du champ de la libéralisation,

- des clauses de sauvegarde pour motif alimentaire,

- une part importante du volet développement consacrée à l’aide aux infrastructures agricoles (formation, vulgarisation, mécanisation, intrants et aide à la commercialisation) et à la création d’instruments d’atténuation de la volatilité des cours ;

10. Souligne qu’au-delà des APE, l’Union européenne s’honorerait à promouvoir des initiatives multilatérales visant, d’une part, à limiter les emprises de terres agricoles par des pays étrangers et, d’autre part, à mettre en place des accords par produits agricoles ;

11. Se déclare préoccupée par la négociation menée actuellement entre la Commission européenne et les pays producteurs d’Amérique latine sur le secteur de la banane et demande qu’un compromis sur les droits de douane tienne compte des intérêts des pays ACP ;

12. Demande que soient prévues des mesures spécifiques en faveur des productions des régions ultrapériphériques de l’Union européenne visant à leur intégration dans le commerce interrégional. »

II. Examen du rapport d’information de M. Gérard Voisin sur les systèmes de transport intelligents (document E 4200)

M. Gérard Voisin, rapporteur. Les systèmes de transport intelligents (STI) désignent les applications des nouvelles technologies de l’information et de la communication au domaine des transports.

Ils sont amenés à jouer un rôle essentiel dans cinq domaines : l’amélioration de la sécurité (notamment de la sécurité routière) ; l’optimisation de l’utilisation des infrastructures de transport ; la limitation des consommations d’énergie, des pollutions et des nuisances ; la promotion des transferts vers les modes les plus respectueux de l’environnement ; le développement des services.

Les systèmes de transport intelligents (STI) vont constituer, à l’évidence, un des outils majeurs de cette croissance économique respectueuse de l’environnement que nous appelons tous de nos vœux, car ils concourent à la maîtrise de la mobilité, en favorisant entre autres le report de la voiture vers des modes plus respectueux de l’environnement.

Ils font l’objet d’une compétition économique serrée au niveau mondial, car les plus-values et les marges de demain se situeront dans les services permettant l’optimisation des déplacements, par une évolution similaire à celle qu’à connu l’informatique avec le développement des concepteurs de logiciels.

La commission chargée de réfléchir sur le grand emprunt, présidée par MM. Michel Rocard et Alain Juppé, propose, à travers son rapport « Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national », de consacrer 3 milliards d’euros à la mobilité du futur.

L’importance des systèmes de transport intelligents est donc considérable. Il n’est pas excessif de considérer que la proposition de directive « établissant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transport » est le texte fondateur d’une nouvelle politique des transports.

Cette proposition de directive peut entraîner à terme une révolution de notre conception du transport, en rendant effective l’intermodalité ou efficace la gestion des flux routiers. Comme toute révolution, elle s’accompagne de crispations et de craintes qui conduisent à un certain blocage sur lequel ce rapport se penchera.

Il est clair que la plupart des engagements du Grenelle de l’environnement, particulièrement dans le domaine des transports, ne pourront être atteints que par un recours accru aux nouvelles technologies.

Enfin la mise en œuvre des réglementations, notamment en matière de sécurité, s’appuiera de plus en plus sur des systèmes de collecte et de traitement de l’information automatisés. Elle impliquera également une meilleure coopération entre les différents niveaux d’institutions (l’Etat, les collectivités locales et l’Europe) pour identifier les bonnes pratiques et normaliser des produits répondant aux besoins des usagers, afin qu’ils puissent être diffusés à un moindre coût.

Les transports sont un secteur où les investissements sont lourds et s’amortissent lentement. Le remplacement d’un parc automobile nécessite plusieurs années, il ne faut donc pas perdre de temps pour déployer des systèmes qui existent déjà. Les technologies utilisées dans les systèmes de transport intelligents vont des dispositifs utilisés depuis de longues années, tels que les systèmes de gestion des carrefours à feux, les panneaux à messages variables, les radars automatiques ou la télésurveillance, jusqu’à des applications plus avancées, intégrant le retour des données en temps réel d’informations reposant sur de nombreuses sources (météo, GPS, surveillance vidéo…).

Le développement des systèmes de transport intelligents (STI) est donc une question extrêmement importante qui va toucher, dans leur vie quotidienne, tous les Européens. Or l’Union européenne n’arrive pas à déployer pour le moment de manière coordonnée ces systèmes. L’harmonisation des systèmes de péage automatique, qui n’est pas encore entrée dans les faits, a, par exemple, pris huit ans. Il serait commode d’attribuer ce retard à la lourdeur des procédures de l’Union européenne, mais cela serait excessif et peut-être injuste. Le retard est particulièrement frappant par rapport au Canada et au Japon. Je me suis rendu au Japon pour examiner les effets concrets d’une politique de promotion des STI. Dès 1994 le gouvernement japonais à procédé à une analyse des besoins en STI de la société japonaise Aujourd’hui le Japon dispose d’une stratégie jusqu’à l’horizon 2025, et son système de navigation « intelligent » VICS est mis en œuvre depuis 13 ans.

La Commission européenne propose, dans le but de renforcer les systèmes de transport intelligents (STI) en Europe : un plan d’action qui énonce six priorités visant à accélérer et à coordonner le déploiement des STI, une proposition de directive qui délimite le cadre de ce plan d’action.

Le plan d’action proposé en matière de STI par la Commission européenne concerne le domaine du transport routier, ainsi que les interfaces avec d’autres moyens de transport. Le but est d’arriver à coordonner les ressources et les instruments disponibles existants, en mettant en œuvre les actions suivantes :

- l’optimisation des données relatives aux routes, au trafic et aux voyages grâce à un service d’informations sur le trafic et les voyages en temps réel au niveau européen ;

- la continuité des services STI de gestion du trafic et des marchandises dans les corridors de transport européens et dans les agglomérations urbaines grâce à un cadre commun ;

la promotion de bonnes pratiques en matière de sûreté et de sécurité routière ;

l’intégration des véhicules dans l’infrastructure des transports, par exemple par le biais d’une plateforme de services et d’applications STI ;

la protection de la sécurité des données à caractère personnel.

La coopération et la coordination efficace de toutes les parties concernées devraient être effectuées au niveau européen au travers du cadre juridique issu d’une directive. La proposition de directive a pour objectif de définir un cadre juridique permettant d’atteindre les objectifs précédents. Dans son texte initial elle prévoit que les Etats membres sont tenus de rendre accessible et interopérable l’utilisation et l’application de services STI qui comprennent des données relatives au transport routier : des données de circulation ; des systèmes de sûreté et de sécurité dans les véhicules et l’infrastructure routière ; des informations entre véhicules et infrastructures routières.

Il s’agit d’une directive-cadre qui donne un large mandat à la Commission pour décliner les dispositifs juridiques contraignant destinés à mettre en œuvre le plan d’action. Au regard des règles de subsidiarité, la proposition de directive ne soulève pas d’objections. La politique commune des transports et la politique des réseaux transeuropéens confèrent une responsabilité d’action à l’Union européenne

Je suis pleinement d’accord avec les objectifs affirmés par la proposition de directive, mais réticent devant l’imprécision du mandat donné à la Commission européenne, qui fait une place trop importante à la procédure de comitologie. Dans des domaines qui touchent aux libertés publiques (par exemple l’utilisation des données informatiques individuelles) ou qui peuvent avoir un impact financier considérable (équiper en STI tous le réseau routier), il est difficilement concevable que la législation européenne soit élaborée par la procédure de comitologie, qui doit être cantonnée aux questions techniques.

Le caractère obligatoire du recours aux STI est en passe d’être abandonné. La nature des services qui doivent être offerts, en dehors peut-être de l’appel d’urgence, le rythme et la décision de déploiement par les autorités nationales doivent-ils relever de l’action de l’Union européenne, alors que les coûts de ces infrastructures sont considérables et les moyens des Etats et des collectivités locales de l’Union très disparates ?

En l’état actuel de la proposition de directive je ne peux pas vous indiquer la solution retenue en matière de répartition des compétences entre les différents acteurs, car tous les aspects du déploiement des STI pourraient, en théorie, être réglementés par l’Union européenne.

Il est clair qu’il est dans la nature d’une directive de ne pas rentrer dans les détails mais, le texte qui nous est soumis doit impérativement définir plus précisément les domaines de compétence de l’Union européenne.

Les négociations conduites au sein du Conseil ont essentiellement portée sur cette question : faut-il réglementer le développement des STI en l’encadrant de dispositifs juridiques contraignants ou faire confiance aux acteurs économiques pour que l’objectif recherché soit atteint par la normalisation, tous les systèmes diffusés en Europe devant pouvoir dialoguer entre eux ?

Il me semble que la méthode de la normalisation, par sa souplesse, présentait des avantages évidents dans un domaine où il est difficile de figer l’évolution technique. Il devrait se dégager aujourd’hui au sein du Conseil un consensus dans ce sens, ce qui me semble adaptée au domaine concerné.

La directive pose le principe de l’installation dans les véhicules d’un boîtier permettant le dialogue entre l’infrastructure et les véhicules. Or, j’ai tendance à penser qu’il ne faut pas présumer des évolutions techniques et que le téléphone portable, que nous pouvons garder sur nous quelque soit le mode de transport utilisé, pourrait être un meilleur outil, si nous utilisons plusieurs modes successifs de transport, qu’un ensemble fixé à demeure dans le véhicule. Il est également possible que cette plateforme fasse appel à des systèmes propriétaires imposant le versement de redevances à des constructeurs automobiles qui ont développé leur propre système. En tous cas il est totalement exclu à mes yeux qu’une directive européenne détermine les outils obligatoires de l’interopérabilité : elle doit poser les objectifs à atteindre et laisser jouer la concurrence.

Cette question est illustrée par l’« eCall ». Dans un document adopté le 21 août 2009, la Commission indique que, si son déploiement n’est marqué par aucune avancée significative d’ici à la fin de 2009, elle pourrait proposer des mesures réglementaires visant à rendre opérationnelle le plus rapidement possible dans toute l’Europe cette technologie. En outre le système « eCall », que souhaite promouvoir la Commission, repose sur une licence américaine mise gratuitement à disposition des européens pour la fonction d’appel d’urgence, mais payante pour les services associés. Nos constructeurs automobiles ont développé leur propre système. L’action européenne est légitime pour imposer des normes destinés à rendre compatibles les systèmes entre eux, mais il n’est pas acceptable que la Commission cherche à imposer le recours à un système propriétaire. Je suis donc favorable au développement de l’« e Call » mais pas à celui de la Silicon Valley.

Au moment où le secteur automobile traverse la crise la plus grave de son histoire, il convient de se poser les questions de fond sur le nouveau rapport qui est en train de naître entre les automobilistes et leur véhicule. Les nouvelles normes que va élaborer l’Union européenne renforceront ou amoindriront la compétitivité de l’industrie automobile. Les systèmes de transport intelligents (STI) constitueront une partie essentielle des normes à venir en améliorant plus précisément la sécurité, l’efficacité et le respect de l’environnement par les véhicules.

Le très large recours aux experts et à la procédure de comitologie est inquiétant, car les décisions normatives doivent intégrer une analyse coûts-avantages qui relève d’abord de l’appréciation du pouvoir politique pour la décision d’extension et des acteurs économiques pour la mise en œuvre.

Aussi, je vous propose d’adopter une proposition de résolution précisant que la proposition de directive « établissant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transport » élaborée par la Commission européenne doit être rejetée, du fait d’un recours trop large et trop imprécis à la procédure de comitologie, mais que le projet de résolution que précise le projet de compromis élaborée par la présidence suédoise peut recevoir notre accord, sous réserve que ce texte ne permette pas de recourir à la procédure de comitologie pour légiférer sur la conservation des données personnelles et n’impose pas le système de STI.

J’estime également que la directive doit interdire à la Commission européenne d’imposer le recours à des « systèmes propriétaires », en particulier pour le système d’appel d’urgence et que le déploiement du système « eCall » doit se faire dans le respect de la compétence des Etats en matière d’organisation des secours d’urgence

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, sur le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d’interfaces avec d’autres modes de transport (COM [2008] 887 final/n° E 4200), présentée par la Commission européenne,

1. Considère que l’harmonisation et la compatibilité des systèmes de « transport intelligents » relèvent de la compétence de l’Union européenne ;

2. Rejette la proposition initiale de la Commission européenne du fait d’un recours trop large et trop imprécis à la procédure de comitologie ;

3. Approuve la proposition de directive amendée soumise au Conseil, par la Présidence suédoise, dans la mesure où ce texte exclut la procédure de comitologie pour légiférer sur la conservation des données personnelles, et l’obligation pour un Etat de déployer un système de STI ;

4. Estime que la directive doit interdire la voie de la comitologie pour le recours à des « systèmes propriétaires », en particulier pour le système d’appel d’urgence ;

5. Estime que le déploiement du système d’appel d’urgence (« eCall ») doit se faire dans le respect de la compétence des Etats en matière d’organisation des secours d’urgence. »

La séance est levée à 18 heures

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 2 décembre 2009 à 16 h 45

Présents. - M. Alfred Almont, M. Jean-Claude Fruteau, M. Hervé Gaymard, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Pierre Lequiller, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Delebarre, M. Michel Diefenbacher, Mme Arlette Franco, Mme Anne Grommerch, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Didier Quentin, M. Francis Vercamer