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Commission des affaires européennes

mercredi 10 novembre 2010

16 h 30

Compte rendu n° 172

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 10 novembre 2010

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

I. Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes

Le Président Pierre Lequiller. Nous avons le plaisir de vous accueillir à nouveau dans le cadre de nos rencontres régulières, à la suite en particulier du dernier Conseil européen des 28 et 29 octobre. Les sujets à traiter sont nombreux. Il y a tout d’abord l’économie et singulièrement les progrès de la gouvernance économique, une question sur laquelle notre commission a beaucoup travaillé. Nous vous entendrons avec grand intérêt commenter les décisions et les orientations décidées en Conseil européen, qu’il s’agisse du renforcement des disciplines budgétaires – renforcement des sanctions, semestre européen – ou du renforcement de la solidarité par la pérennisation du Fonds de stabilité, et nous dire en quoi elles donnent suite à l’accord de Deauville. Dans un domaine lié, nous aimerions vous entendre parler de la situation de l’euro.

D’autre part, comment l’Union européenne aborde-t-elle le G20 qui va s’ouvrir ? Les Etats membres ont-ils des positions communes sur la gouvernance mondiale, la régulation monétaire et celle des marchés de matières premières, les questions environnementales et climatiques ?

Vous nous parlerez aussi des récents accords franco-britanniques en matière de défense et, s’agissant enfin de l’élargissement, vous nous direz quel est l’état d’avancement des différentes candidatures, notamment celles de la Croatie et des autres pays de l’ex-Yougoslavie.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes. Je suis venu vous rendre compte des conclusions du Conseil européen des 28 et 29 octobre, particulièrement importantes pour la préservation de la zone euro, et des initiatives pilotées par la France et l’Allemagne. Je crois également utile d’évoquer l’agenda international, extrêmement chargé, et de revenir sur les succès que la France a enregistrés ces dernières semaines, souvent passés inaperçus des commentateurs mais qui méritent d’être soulignés ici.

Le Conseil européen d’octobre a marqué le point de départ d’une séquence très dense pour la diplomatie française. Immédiatement après ce Conseil s’est en effet tenu le sommet franco-britannique historique du 2 novembre qui a marqué la relance de la défense européenne. Le sommet franco-britannique précède lui-même le sommet de l’OTAN, qui aura lieu à Lisbonne les 19 et 20 novembre prochains en présence du Président Medvedev, comme il l’a lui-même annoncé au sommet tripartite de Deauville le 18 octobre dernier, devant le Président de la République et de Mme Angela Merkel.

Entretemps se tiendra le G20, préparé par la visite en France du président chinois Hu Jintao la semaine dernière. A l’issue de ce sommet qui se tiendra ce jeudi et vendredi à Séoul, la France prendra pour un an la présidence de cette enceinte dont le Président de la République avait jeté les bases en 2008, au plus fort de la crise financière.

La séquence internationale restera extrêmement dense en décembre, avec le sommet de Cancún sur les questions climatiques qui se tiendra du 29 novembre au 10 décembre, le sommet de l’OSCE à Astana le 1er et le 2 décembre – qui aura des répercussions importantes pour la sécurité en Europe –, le séminaire intergouvernemental franco-russe du 9 décembre et enfin le Conseil des ministres franco-allemand du 10 décembre, qui nous conduira au Conseil européen des 16 et 17 décembre.

Je dirai aussi un mot sur l’élargissement de l’Union européenne. La Commission européenne a rendu public hier son rapport annuel à ce sujet, et je crois utile de rappeler quelles sont les attentes et les lignes rouges de la France dans ce domaine, en relation avec les questions d’immigration, l’espace Schengen et la politique de visas. J’ajoute enfin qu’en ce moment même se tient un conseil « compétitivité » sur un sujet différent mais tout aussi important, le brevet européen. L’actualité européenne est donc particulièrement dense.

Je traiterai pour commencer du « gouvernement économique » européen, en tirant trois leçons des conclusions adoptées lors du Conseil européen. La première est que le couple franco-allemand a joué, comme il l’a fait depuis le début de la crise, un rôle moteur dans l’organisation et dans l’orientation des débats de ce Conseil. Souvenons-nous des déclarations d’une vice-présidente de la Commission européenne, qualifiant d’« irresponsables » les propositions conjointes du Président de la République française et de la Chancelière allemande, de « chimère » la perspective d’une révision du Traité, et de « diktat » la déclaration franco-allemande adoptée à Deauville le 18 octobre dernier. Or que constate-t-on à l’issue des débats des chefs d’Etat et de gouvernement ? Que la déclaration franco-allemande de Deauville a bien été le point de convergence des débats des Vingt-sept, non parce que c’était une déclaration commune de la France et l’Allemagne qui aurait par nature vocation à s’imposer à tous mais parce que cette proposition était dans l’intérêt de tous – ce qu’ont finalement compris tous les chefs d’Etat et de gouvernement.

Le principe d’une révision – que le Conseil européen souhaite limitée – du traité, visant à « établir un mécanisme permanent de gestion de crise pour préserver la stabilité de la zone euro », est désormais acquis. Je rappelle à ce sujet qu’un mécanisme de révision souple et accéléré du Traité de Lisbonne est prévu dans le Traité lui-même. La pérennisation du mécanisme de gestion des crises est un résultat tout à fait fondamental.

Le président du Conseil européen est chargé d’engager les consultations dans la perspective du Conseil de décembre au cours duquel les chefs d’Etat et de gouvernement prendront la décision finale sur les grandes lignes de ce mécanisme de garantie commun, et donc sur la modification du Traité. Il s’agit en réalité de l’embryon d’un fonds monétaire européen, qui sera alimenté par les contributions des Etats. La modification du Traité visera à rendre possibles les contributions nationales qui, comme vous le savez, ne sont actuellement juridiquement valables que jusqu’en 2013. Elle doit pouvoir être ratifiée « pour la mi-2013 au plus tard », c’est-à-dire à l’expiration du mécanisme temporaire actuel et ne doit pas toucher à l’article 125 du Traité – la fameuse clause de non-renflouement.

Enfin, un débat va s’ouvrir sur la contribution du secteur privé et du Fonds monétaire international à ce mécanisme pérenne de gestion de crises. Le sujet est extrêmement sensible ; il ne me revient pas de le trancher devant vous aujourd’hui mais, comme le disent nos collègues allemands, il ne me semble pas anormal de « convier » ceux qui spéculent sur les dettes souveraines à participer au fonds commun de garantie, car on ne saurait envisager une situation telle que les profits sont privatisés et les dettes nationalisées. Toutefois, la mise en œuvre de ce principe doit être très soigneusement pensée pour éviter des effets négatifs sur les marchés.

La France et l’Allemagne ont également obtenu que la question des sanctions politiques, qui était également au cœur de la déclaration de Deauville, figure explicitement dans les conclusions du Conseil européen et fasse l’objet d’un examen. Le président du Conseil européen est en effet chargé, en consultation avec les Etats membres, d’examiner
– et c’était bien le sens de la proposition franco-allemande – « la question du droit des membres de la zone euro de participer à la prise de décisions dans le cas des procédures en rapport avec l’Union économique et monétaire en cas de menace permanente pour la stabilité de la zone euro ». Le débat à ce sujet est loin d’être clos, mais je rappelle à tous ceux qui estiment inenvisageables des sanctions politiques que le principe en figure déjà à l’article 7 du Traité. Il s’agit d’utiliser une arme de dissuasion probablement plus efficace que des sanctions financières dans le cas de pays déjà surendettés.

La deuxième leçon à retenir du dernier Conseil européen est qu’il a fait sien le rapport du groupe de travail Van Rompuy sur la gouvernance économique. Cette reconnaissance par les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement de l’importance et de la pertinence des travaux conduits par la « task force van Rompuy » est essentielle car elle ouvre la voie à trois innovations importantes.

La première, c’est une meilleure coordination au niveau européen des politiques macroéconomiques, prenant en compte l’ensemble des facteurs de compétitivité des économies nationales. La deuxième, c’est une meilleure coordination des politiques budgétaires, par l’instauration, dès 2011, du « semestre européen ». La troisième, c’est le renforcement du volet préventif et correctif du pacte de stabilité et de croissance, dans un sens conforme aux propositions franco-allemandes. Le grand apport de la déclaration de Deauville et du rapport du groupe Van Rompuy, est, par opposition aux propositions initiales faites par la Commission européenne fin septembre, de remettre le Conseil européen au cœur du processus de sanction. Cela garantit à tous les Etats membres de la zone euro et aux parlements nationaux que l’appréciation de leur situation restera fondamentalement politique. Autrement dit, une fois la décision prise et le délai de grâce expiré, le système de sanction sera beaucoup plus ferme mais la décision politique continuera de revenir au Conseil, comme le prévoit l’article 126 du Traité.

Troisième enseignement : le Conseil a, pour la première fois, établi un lien entre le renforcement des disciplines pesant sur les dépenses publiques nationales et la maîtrise du budget européen. Il serait en effet pour le moins incompréhensible que le renforcement de la discipline budgétaire demandé à tous les Etats membres au prix d’efforts douloureux de maîtrise des dépenses publiques ne s’applique pas au budget de l’Union européenne et aux institutions communautaires, qui continuaient de réclamer des financements toujours croissants. Ce message est clairement passé, s’agissant notamment du budget européen pour 2011, puisque, à l’issue du Conseil européen, une lettre signée par douze chefs d’Etat et de gouvernement – dont la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède – et adressée au président du Conseil européen et à la présidence belge, a rappelé qu’il n’était pas question d’aller, dans un contexte européen de maîtrise des finances publiques, au-delà d’une augmentation de 2,9%. Je rappelle que certains, à la Commission, souhaitaient une augmentation de près de 6%, tout comme le Parlement européen également.

Le Conseil européen a également indiqué qu’il reviendrait, au cours de sa session de décembre, sur le volet « dépenses » du budget européen. Nul doute que ces premiers débats marqueront le début des grandes manœuvres sur le cadre financier post-2013, comme j’ai eu l’occasion de l’évoquer devant le Parlement lors du débat sur l’article 46 du projet de loi de finances pour 2011 relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

Le deuxième succès important de la diplomatie française, c’est la relance de l’Europe de la défense, à travers les deux accords franco-britanniques du 2 novembre. Sous l’impulsion du Président de la République, l’Europe accomplit des progrès sans précédent dans ce domaine – ce que tout le monde disait « impossible ».

La portée des deux nouveaux traités de défense et de sécurité est vraiment historique ; ils ouvrent la voie à une coopération sans précédent entre nos armées. Ils prévoient en particulier – car ils fixent aussi des champs précis de coopération industrielle – le lancement d’une force expéditionnaire franco-britannique importante, capable de se déployer rapidement sur des opérations conjointes, y compris dans des combats de haute intensité, soit bilatéralement, soit sous drapeau européen, soit sous drapeau de l’OTAN ou en coalition ONU. Autre première, ces accords ouvrent aux aéronefs britanniques et français la possibilité d’opérer à partir des porte-avions des deux pays ; d’ici à une dizaine d’années, nous aurons donc une sorte de flottille intégrée. Les accords étendent la coopération à une série de programmes industriels majeurs : satellites, sous-marins, drone de surveillance, missiles, cybersécurité. Enfin, qui connaît l’histoire de nos forces nucléaires respectives – notamment les liens entre Britanniques et Américains que traduisent la loi Mac Mahon et les accords de Nassau – mesure la portée d’un accord qui paraissait jusqu’alors inenvisageable : l’accord franco-britannique engage une coopération dans le domaine nucléaire militaire, avec la mise en commun d’une installation de simulation située en France et d’un centre de recherche associé situé en Angleterre.

Le Gouvernement britannique soumet ce jour même les deux traités à l’examen du Parlement, qui disposera ensuite de vingt-et-un jour ouvrés pour les examiner. Vous serez vous-mêmes appelés à vous prononcer très rapidement sur ces deux textes.

L’objectif partagé de la France et du Royaume-Uni est que les Européens assument toute leur part du fardeau de la sécurité commune, et que se développent en Europe des industries de défense compétitives, seule condition de leur survie.

Je rappelle que la France et le Royaume-Uni représentent aujourd’hui près de 50 % de l’effort de défense et des capacités militaires en Europe, que ces pays sont respectivement au quatrième et au cinquième rang mondial en matière de dépenses de défense, qu’ils sont tous deux des puissances nucléaires et des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Si le Royaume-Uni et la France sont plus forts ensemble, la sécurité de l’Europe entière y gagnera naturellement.

Cette dynamique doit maintenant être étendue à l’échelle européenne. Nous avons étroitement associé Berlin à la démarche franco-britannique et nous sommes prêts à aller plus loin dans notre coopération de défense avec l’Allemagne. Nous en traiterons dès mardi, à Berlin, avec l’Allemagne mais aussi avec la Pologne, au cours d’une réunion dans le cadre du Triangle de Weimar.

L’accord franco-britannique du 2 novembre ouvre donc une voie très prometteuse, surtout dans un contexte de réductions budgétaires prononcées dans le secteur de la défense.

Tout cela précède, je l’ai dit, le sommet de l’OTAN des 19 et 20 novembre au cours duquel les alliés aborderont les trois principaux défis auxquels est confrontée l’Organisation : l’Afghanistan, la rénovation de l’Alliance elle-même et sa relation avec les partenaires.

S’agissant de l’Afghanistan, le sommet préparera le transfert progressif des responsabilités de sécurité aux Afghans. Il sera l’occasion de réaffirmer l’unité des Alliés et leur détermination à poursuivre leur action dans ce pays aussi longtemps que nécessaire.

Les Alliés adopteront également un nouveau concept stratégique, le premier depuis 1999. Ce texte réaffirmera la primauté de l’article 5, impliquant, selon nous, le maintien d’une posture nucléaire robuste, et prendra en compte les évolutions majeures qui ont affecté l’Alliance depuis dix ans : le développement des nouvelles menaces que sont le terrorisme, la prolifération nucléaire, chimique et bactériologique, les cyber-attaques ; l’émergence de l’Union européenne comme un acteur global ; l’élargissement de l’OTAN à neuf nouveaux Etats membres d’Europe centrale et orientale depuis 1999 ; l’implication de l’OTAN dans la résolution de grandes crises internationales, au Kosovo ou en Afghanistan. Membre de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique, la France insistera sur le renforcement des relations entre les deux organisations pour garantir l’efficacité et la complémentarité de nos actions.

Enfin, le sommet de Lisbonne permettra de relancer au plus haut niveau les relations entre l’OTAN et la Russie. La voie a été ouverte lors du sommet tripartite de Deauville, qui a véritablement marqué un tournant : la guerre froide est terminée et la Russie est désormais notre amie et notre partenaire. Ce sommet a joué un rôle majeur dans la décision prise par la Russie de se rapprocher de l’Alliance et de régler la question des euromissiles. Non seulement le Président Medvedev viendra à Lisbonne, mais vous avez sans doute constaté l’intensification de la coopération militaire entre l’OTAN et la Russie pour ce qui a trait à l’Afghanistan. Qui eût dit, il y a dix ans, que l’approvisionnement des forces de l’OTAN en Afghanistan transiterait depuis Riga jusqu’au Tadjikistan par le territoire russe n’aurait sans doute pas été cru… C’est pourtant ce qui se passe, et cette coopération va être encore renforcée. Ainsi, j’ai reçu la semaine dernière le ministre russe chargé de la lutte anti-drogue, et je puis vous dire qu’aujourd’hui même se déroule une opération anti-drogue américano-russe depuis la base de Bagram en Afghanistan. Un changement réel s’opère donc.

J’en viens au G20, pour souligner que la France est aussi en initiative au niveau global. Je rappelle que, face à la crise mondiale de 2008, le Président de la République française a été à l’origine de la création du G20 ; l’ordre du jour de la réunion de Séoul est totalement en ligne avec les priorités de la présidence française du G 20.

Les discussions récentes sur « la guerre des changes », qui se poursuivront à Séoul, ont confirmé que la réforme du système monétaire international sera l’un des grands enjeux du G20. Une fois encore, rappelons-nous : lorsque le Président de la République appelait de ses vœux, il y a un ou deux ans déjà, un « Bretton Woods II », ses propos suscitaient un fort scepticisme. Or, j’ai lu avec un grand intérêt il y a quelques jours dans le Financial Times un article dans lequel M. Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, préconise le retour à l’étalon-or pour éviter une guerre des monnaies.

Dans ce contexte, la réduction des déséquilibres mondiaux sera également au cœur des débats du G20 à Séoul. Les Etats-Unis ont proposé de fixer un taux plafond d’excédents commerciaux ; il n’est pas certain que cette méthode soit la plus adaptée, mais un débat utile aura lieu sur les questions de compétitivité.

Autre volet : la volatilité extravagante du prix des matières premières dans les domaines agricole et énergétique doit également faire l’objet de mesures de régulation globales. Les variations brutales du prix du pétrole sont dramatiques pour l’économie mondiale : comment l’offre et la demande peuvent-elles correctement s’ajuster lorsque le baril de brent passe en quelques mois de 40 à 140 dollars ? De même, la spéculation débridée sur les matières premières, à l’origine des « émeutes de la faim » en 2008, est une véritable menace pour la population mondiale. L’objectif de la France est de tracer des règles globales pour ce qui concerne les matières premières.

Enfin, le Président de la République s’est longuement exprimé sur la réforme de la gouvernance mondiale, en particulier des Nations unies, et sur les déséquilibres du Conseil de sécurité où ne sont représentés ni l’Afrique ni l’Amérique latine et dont des pays tels que l’Inde, le Japon et l’Allemagne sont également absents. Vous aurez noté que lors de sa visite à New Delhi, le président Obama s’est prononcé en faveur de l’entrée de l’Inde au Conseil de sécurité, une position déjà ancienne de la France. Une fois encore, je me plais à constater que les positions française progressent.

Je tiens à souligner que, lorsque le Président de la République a évoqué les priorités de la présidence française du G20, il y a plus d’un an, il était bien le seul à en souligner toute la pertinence. Je suis content de voir que tout ce qui était considéré comme impossible, notamment le fait d’amener la Chine à soutenir un accord sur ces questions, est en passe de se réaliser. Ainsi, lors de sa visite en France, à quelques jours du G20 de Séoul, le président chinois Hu Jintao a apporté son soutien à la future présidence française du G20, ce qui est un résultat tout à fait remarquable. La déclaration conjointe adoptée le 4 novembre précise en effet que : « La partie chinoise soutient activement la prochaine présidence française du G20. Les deux parties soulignent l’intérêt pour l’ensemble des pays du monde d’adopter des politiques macroéconomiques coordonnées, stables et cohérentes dans le temps, de faire progresser la réforme du système monétaire et financier international et de lutter contre la volatilité excessive des matières premières. La France et la Chine souhaitent aussi améliorer significativement les mécanismes de la gouvernance économique mondiale ».

Il y a deux ans, nous étions seuls à porter ces idées, aujourd’hui partagées par le président de l’une des principales puissances mondiales. J’ai plaisir à constater que le travail de la diplomatie française et les efforts du président de la République commencent à donner des résultats. Toutefois, je mesure la difficulté de l’exercice : la présidence du G20 sera difficile tant les intérêts sont divergents car les économies sont différentes et que beaucoup de pays émergents et de pays en développement n’ont pas nécessairement envie de se soumettre à des disciplines dont ils considèrent qu’elles sont bien plus faciles à accepter par des pays déjà développés.

Pour en finir avec les sujets qui étaient à l’ordre du jour du dernier Conseil européen, je précise que les chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté une position unifiée en prévision de la conférence de Cancún sur le changement climatique. Ils ont rappelé que la conférence doit franchir une « étape intermédiaire majeure », ouvrant la voie « à la mise en place d’un cadre mondial complet et juridiquement contraignant, intégrant les orientations politiques fournies par le document final de Copenhague ». Ils ont souhaité que l’Union européenne évalue à nouveau la situation après la conférence de Cancún et qu’elle examine au printemps « les options envisageables pour aller au-delà de l’objectif de 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Enfin, ils ont encouragé « les initiatives régionales visant à combattre le changement climatique et à promouvoir la croissance verte, telles que la récente initiative méditerranéenne sur le changement climatique. »

Le dernier volet de mon intervention portera sur l’élargissement, l’espace Schengen et les visas, tous sujets sur lesquels nous travaillons continûment. J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, l’Europe doit prendre à bras le corps la problématique de l’immigration. Dans tous les pays membres, la sensibilité de tous les Européens à ce sujet est extrême ; les élections successives le montrent. Parce que nous sommes confrontés à des vagues migratoires d’une ampleur inédite, nous devons nous efforcer de définir une approche globale, qu’il s’agisse de la surveillance de nos frontières, de la politique des visas ou de la préparation des futurs élargissements. Toutes ces questions relèvent d’une approche globale
– sans parler des politiques nationales d’immigration et d’intégration.

Sur un certain nombre de points, la situation n’est pas satisfaisante : l’immigration illégale demeure un problème majeur et contribue partout en Europe à la poussée de courants populistes, anti-européens, voire xénophobes, que révèle chaque consultation électorale, y compris dans les pays réputés particulièrement tolérants, comme les pays nordiques.

On assiste à un déplacement des flux d’entrée vers l’est de la Méditerranée. Ce sujet doit impérativement être traité. Ainsi, la Grèce vient de demander l’aide de l’Union européenne, dans le cadre de l’agence Frontex, pour l’aider à faire face à des flux qu’elle ne parvient plus à contrôler ; pour répondre à cette demande, M. Eric Besson accompagnait la semaine dernière à la frontière gréco-turque la commissaire européenne Cecilia Malmström. Les Grecs arrêtent chaque année 150 000 migrants clandestins parvenus sur leur sol par voie terrestre ou par voie maritime après avoir transité par la Turquie. Ce pays est devenu la principale porte d’entrée de l’immigration illégale en Europe : depuis l’accord passé entre Tripoli et Rome, les flux migratoires se sont déplacés vers l’Est. Nous devons impérativement traiter ce problème. Je l’ai évoqué la semaine dernière en recevant le secrétaire général du ministère turc des affaires étrangères ; le débat doit être ouvert avec la Turquie, et de manière très sérieuse.

Tout cela a un impact sur la politique de libéralisation des visas, y compris de court séjour. Je le dis solennellement, les visas sont un des instruments de la politique migratoire ; ce ne sont ni des variables d’ajustement diplomatique ni des petits cadeaux déposés le long du chemin pour faire patienter les candidats à l’adhésion à l’Union européenne, comme certains semblent le penser à la Commission européenne.

Nous veillons donc à ce que les décisions prises dans ce domaine soient pleinement légitimes au plan politique, c’est-à-dire qu’elles soient placées sous le contrôle des Etats et qu’elles n’aggravent pas le divorce avec les opinions publiques. C’est ce qui nous a conduits à exiger et à obtenir, lors du conseil « Justice et affaires intérieures » de lundi dernier, qui avait été saisi de la demande de libéralisation des visas avec l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine, un mécanisme de suivi régulier sur le respect rigoureux et durable des critères en matière de gestion des frontières, de sécurité des documents, de lutte contre la criminalité organisée et la corruption, de mise en œuvre effective des accords de réadmission et de gestion des flux migratoires entre l’Union européenne et tous les pays des Balkans qui avaient précédemment obtenu la suppression des visas de court séjour. Pour la première fois, nous ne nous sommes pas contentés des critères techniques de la Commission : nous avons de surcroît imposé des critères politiques et institué une « clause de revoyure » permanente en fonction de l’évolution des flux migratoires qui pourrait résulter de la levée des visas.

Ce suivi fera partie intégrante des rapports de progrès annuels de la Commission européenne sur l’état d’avancement des réformes de ces pays. Une concertation d’urgence sera mise en place afin que l’Union et ses Etats membres puissent réagir dans les meilleures conditions si des difficultés particulières survenaient, liées aux flux de personnes en provenance des pays des Balkans occidentaux – je pense par exemple à l’afflux de Roms serbes et macédoniens depuis un an et aux demandes d’asile abusives de la part de citoyens albanais. En résumé, le principe de la libéralisation des visas de court séjour a été adopté, mais assorti de conditions politiques nouvelles et significatives.

De même, nous devons être très vigilants en matière d’élargissement de l’espace Schengen – en l’occurrence, à la Roumanie et à la Bulgarie, qui espéraient le rejoindre dès mars prochain. Cet élargissement ne peut être le résultat automatique du processus d’évaluation technique en cours depuis deux ans. Pour que ces deux pays puissent en faire partie, le Conseil devra apprécier sur le fond s’ils remplissent les conditions garantissant la sécurité et l’intégrité de l’espace Schengen. Au-delà de la surveillance réelle et efficace des frontières extérieures de l’Union européenne, nous serons particulièrement attentifs à d’autres critères, telle la lutte contre la corruption. C’est d’ailleurs le sens des conclusions du Conseil depuis trois ans : elles établissent un lien implicite avec le mécanisme de coopération et de vérification instauré en 2007 et reconduit depuis, qui oblige ces deux Etats à rendre compte de leurs progrès en matière de lutte contre la corruption et le crime organisé, ainsi que dans la réforme de leur système judiciaire – c’est-à-dire de leur progrès vers l’Etat de droit.

Or les évaluations dont nous disposons restent préoccupantes. Certaines appréciations devront encore être précisées par la Commission, et il faudra pleinement s’assurer de l’impact de la remontée observée des flux migratoires illégaux via la Turquie vers les frontières bulgares et roumaines, et de la capacité de ces pays à devenir les frontières extérieures de l’Union européenne, dans un contexte où, par exemple, la frontière roumano-moldave reste mal contrôlée en raison de la distribution, outre-frontière, de milliers de passeports roumains, du « trou noir » que représente la Transnistrie séparatiste et du niveau de corruption dans l’Ukraine voisine. Tous ces éléments doivent être pris en compte quand on parle de l’élargissement de l’espace Schengen car il en va de la sécurité de cet espace en son entier. Elargir l’espace Schengen, c’est donner les clefs de l’espace de l’Union et de nos frontières. Avant de faire cela, il faut s’assurer que la zone est sécurisée ; c’est ce que nous nous efforçons de faire, sans aucune inimitié à l’égard de ces pays amis, membres de la famille européenne.

L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen résultera d’une décision politique unanime du Conseil, qui devra tenir compte de tous ces facteurs. C’est pourquoi nous nous sommes opposés à la transmission des évaluations de la Commission, d’ailleurs inachevées, au Parlement européen. Il est possible que le Parlement en soit néanmoins saisi, puisque cette décision se prend à la majorité simple, mais nous avons envoyé un signal politique très clair, et le Parlement risque alors de débattre d’un projet de décision dont le Conseil n’aura pas discuté.

Je puis vous dire que, comme le gouvernement des Pays-Bas qui l’a inscrit dans son accord de coalition, nous sommes favorables au report de la décision au moins jusqu’au rapport de la Commission sur la mise en œuvre du mécanisme de contrôle et de vérification, à l’été 2011.

Enfin, la question de l’élargissement de l’Union européenne elle-même, c’est-à-dire des futures frontières de l’Union, est revenue au premier plan avec la clôture du débat institutionnel. Comme vous le savez, nous sommes très attentifs à ce que l’élargissement demeure un processus pleinement maîtrisé, sous le contrôle des Etats membres. Nous serons d’autant plus exigeants que la procédure de ratification des traités d’adhésion a été renforcée en France et que le nouvel article 88-5 de la Constitution énonce que le référendum est la règle, et la procédure de ratification parlementaire – d’ailleurs renforcée – l’exception, ce qui permet de mettre les pays candidats devant leurs responsabilités.

La Commission européenne a publié hier son document annuel de stratégie sur l’élargissement, ainsi que les différents « rapports pays ». Nous avons commencé à les examiner, mais il va de soi que le processus d’élargissement doit rester un processus intergouvernemental et que ce sont les Etats membres qui doivent se prononcer à chaque étape. A cet égard, le Conseil européen de décembre constituera un rendez-vous important. Les éventuels progrès doivent être fondés sur les mérites individuels de chaque pays candidat, sa capacité effective à satisfaire aux conditions d’adhésion et la capacité d’absorption de l’Union européenne.

La France soutient la perspective européenne des Balkans car cela contribuerait à la paix et à la stabilité du continent, mais il revient aux pays concernés de faire les efforts nécessaires – même si nous restons très attentifs à ne pas donner l’impression qu’il peut y avoir un traitement privilégié pour des pays candidats d’autres régions, tels que l’Islande.

Ainsi s’achève le tour d’horizon, aussi complet que possible, que je souhaitais faire devant vous d’une période diplomatique particulièrement dense.

M. Philippe-Armand Martin. Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour cet exposé très riche. Vous avez évoqué l’Europe de la défense par le biais de l’accord franco-britannique, qui s’appliquera notamment en cas de combats de haute intensité. Je m’en félicite, mais j’aimerais savoir si, en cas d’interventions extérieures, tous les Etats de l’Union sont actuellement impliqués dans l’Europe de la défense ; une dynamique est-elle prévue à ce sujet ?

Pourriez-vous par ailleurs nous dire quelques mots des entretiens que vous avez eus à Bratislava ? Comment les Slovaques ont-ils appréhendé la crise financière ? Quelle est leur position en ce qui concerne la gouvernance économique européenne ? Quel est le bilan du partenariat stratégique entre la France et la Slovaquie signé en septembre 2008 ?

M. Gérard Voisin. De l’audition de l’ambassadeur pour l’Union pour la Méditerranée à laquelle j’ai assisté ce matin, il ressort que l’Union pour la Méditerranée, cette excellente initiative du Président de la République, peine à se concrétiser. Que pensez-vous de cette apparente stagnation ? Ce serait pourtant un vecteur de première importance non seulement pour les pays d’Afrique du Nord et tous les pays méditerranéens mais aussi pour l’Afrique dans son entier, qu’il s’agisse de développement économique ou de flux migratoires, et pour l’Union européenne dans son ensemble.

Mme Marietta Karamanli. Vous nous avez dit, Monsieur le Ministre, qu’en matière de gouvernance économique européenne des efforts vont être demandés à tous les gouvernements, mais quelles mesures concrètes ont été prises ? Selon quel calendrier s’appliqueront-elles ? Surtout, lesquelles visent précisément à encadrer les marchés financiers ?

Par ailleurs, s’agissant du G20, il est question de renforcer la discipline budgétaire et le contrôle des dépenses publiques. Or, le dernier rapport du FMI, faisant état de la lenteur de la reprise économique, souligne qu’il ne faut pas freiner trop vigoureusement les leviers de la croissance, au risque, sinon, de compromettre la reprise. L’approche retenue pour le G20 n’est-elle pas en contradiction avec cette analyse ? Comment prétendre en même temps comprimer la dépense publique et susciter la reprise de la croissance économique européenne et mondiale ?

M. Pierre Lellouche. Il me faudrait être ministre chef d’orchestre pour répondre à toutes ces questions ; c’est sans doute que mon secrétariat d’Etat est la lucarne du Gouvernement sur l’Europe…

Monsieur Philippe Armand Martin, les contraintes budgétaires étant celles que l’on sait, nous sommes de facto dans un système qui s’apparente aux coopérations renforcées : font ceux qui veulent. Beaucoup d’Etats, pour des raisons historiques, d’éloignement ou de taille, contribuent aux actions européennes de manière plus symbolique qu’opérationnelle, ce symbole ayant une valeur politique indéniable. Ainsi, lorsque la République tchèque ou la Slovaquie décide d’augmenter son contingent en Afghanistan de 300 soldats, c’est beaucoup pour un pays de 5 millions d’habitants qui dispose de forces armées très réduites, mais cela n’aura pas un impact opérationnel déterminant.

Ceux qui peuvent faire la différence sur un théâtre d’opération, au nom de l’Union européenne, de l’Alliance atlantique ou de l’ONU, ce sont les grands Etats européens qui ont des forces interopérables significatives – et, je le répète, celles de la France et du Royaume-Uni représentent, ensemble, la moitié des forces armées de l’Union européenne. Même si les Britanniques ont un discours très « bilatéral », ce que je respecte, le renforcement de la coopération militaire entre nos deux pays aura un impact sur la sécurité de toute l’Union ; on verra si, par la suite, d’autres pays s’agrègent à l’ensemble qui vient d’être constitué. Pendant que la France se lance dans la réforme économique que l’Allemagne a entreprise il y a une décennie, l’Allemagne engage une réforme de son système de défense qui ressemble beaucoup à celle que nous avons conduite il y a une dizaine d’années. Cette évolution est de nature à renforcer le pôle franco-britannique. De même, la Pologne, échaudée par les vicissitudes de divers programmes antimissiles américains, se tourne de plus en plus vers l’Europe. On verra donc se former un groupe pionnier en matière de défense et de politique étrangère, car tous les pays de l’Union n’ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes objectifs. Pour certains pays membres, la politique étrangère, c’est la politique régionale ; d’autres, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, envisagent une politique étrangère globale. Il faut donc à la fois éviter que se forme un clivage entre « petits » et « grands » Etats membres et ne pas nécessairement attendre que, en cas de crise, se forme un consensus à vingt-sept, ou que les Vingt-sept décident ensemble d’une opération, car ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Des moyens sont mis en place par la France et le Royaume-Uni, et cette impulsion va entraîner une réaction européenne ; là est l’important. J’appelle à nouveau l’attention sur le fait que la défense européenne n’est pas affaire d’institutions, puisque nous disposons de toutes les institutions nécessaires, dont une Agence européenne de défense. Ce qui importe, c’est la volonté politique, et de disposer de moyens. Le 2 novembre dernier, nous avons mis sur pied une force européenne significative, tout en pérennisant une capacité de dissuasion autonome en Europe ; ce n’est pas si mal.

J’ai voulu me rendre en Slovaquie car ce pays a une base industrielle importante, que la majorité vient de changer et que l’accord de coopération stratégique qui nous lie est, comme souvent, insuffisamment nourri. Les entreprises françaises ont fait en Slovaquie des investissements très importants dans l’industrie automobile mais notre bilan commercial est insuffisant et la présence française pourrait être beaucoup plus forte dans bien des domaines, dont le gaz et l’énergie nucléaire. Aussi ai-je suggéré la création d’un groupe de travail chargé d’analyser ce qui, dans l’accord de partenariat stratégique, peut être relancé en fonction des orientations du nouveau gouvernement slovaque. La partie slovaque en a accepté le principe. Nous souhaitons organiser ensuite une réunion des entreprises françaises et slovaques, et intensifier notre coopération. L’ensemble pourrait se concrétiser par une visite de haut niveau. Actuellement, les visites de ministres français en Slovaquie sont trop peu nombreuses ; c’est regrettable.

La Slovaquie s’est singularisée pendant la crise de l’euro en refusant de participer à l’aide financière à la Grèce et au fonds commun de sauvegarde. J’ai fait savoir à nos interlocuteurs slovaques que cette position n’est pas tenable, car on ne peut appartenir à la zone euro et ne pas se montrer solidaire. La position de la nouvelle majorité est que le pays gérant ses finances avec une grande rigueur, il n’y a aucune raison pour que les contribuables slovaques remboursent les spéculateurs, dont, au demeurant, les agissements ne cesseront pas si l’Union européenne apporte sa garantie aux emprunts des Etats. Cet argument avancé par M. Mikuláš Dzurinda, ministre des affaires étrangères slovaque, est également celui qui est avancé par MM. Wolfgang Schäuble et Guido Westerwelle, respectivement ministre des finances et ministre des affaires étrangères d’Allemagne : il n’est pas infondé et mérite discussion. Mais si l’on définit les contours d’un fonds européen de gestion de crise auquel contribuera également le secteur privé, la Slovaquie y participera. Des assurances m’ont été données, ce qui marque une évolution positive.

Monsieur Voisin, l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, conserve toute sa valeur. Qu’il s’agisse de sécurité ou de gestion des flux migratoires, il est fondamental de bâtir une maison commune sur les deux rives de la Méditerranée. Malheureusement, depuis l’affaire de Gaza d’il y a deux ans, l’UPM est « prise en otage » par le conflit israélo-palestinien. Je le regrette, car le pari de départ était précisément de réunir tout le monde autour d’une table pour prendre ce conflit à bras-le-corps. Je le déplore d’autant plus que certains sujets de coopération sont déjà possibles quoi qu’il en soit, en matière d’énergie solaire ou de coopération dans le domaine de l’eau par exemple. Nous travaillons donc activement au maintien du sommet de l’UPM prévu pour se tenir à Barcelone le 21 novembre. Dans ce cadre, M. le ministre des affaires étrangères recevra demain M. Miguel Angel Moratinos, qui est chargé de la préparation du sommet, et nous attendons la visite de M. Ahmed Abul Gheit, ministre des affaires étrangères égyptien, dont vous savez que le pays co-préside l’UPM avec la France.

Pour tout dire, la déclaration israélienne annonçant de nouvelles constructions de logements ne nous aide pas : elle n’est pas de nature à convaincre les pays arabes de venir à la table de l’UPM. Cela met en danger un processus que je considère pourtant comme indispensable et irréversible – le besoin de coopération entre l’Europe et le sud de la Méditerranée ne peut être déconstruit. Ces retards pénalisent le projet d’union lui-même mais aussi la sécurité de tous les pays concernés, car ce n’est pas vaine gloriole d’affirmer que sans la maison du co-développement qu’est en fait l’UPM, les problèmes communs de sécurité, de lutte contre le terrorisme, de trafic de stupéfiants et de gestion des flux migratoires resteront irrésolus. Nous continuons donc d’y travailler.

Madame Karamanli, les réponses aux questions que vous m’avez posées sont du ressort de Mme Lagarde. Aujourd’hui, je n’ai traité que de la préservation de la zone euro. Je vous ai dit les enseignements tirés des six mois pendant lesquels notre monnaie a été menacée : pérenniser la zone euro et le mécanisme de gestion de crise, et renforcer la discipline commune. Dans le même temps, des mesures de régulation et de surveillance ont été prises, concernant aussi bien les banques et les compagnies d’assurance, que les marchés et les hedge funds. Par ailleurs, un projet de taxation des mouvements financiers a vu le jour. Certains de ces dispositifs sont déjà en vigueur, d’autres sont en cours de réalisation.

Le troisième volet concerne la croissance. Bien entendu, la remise en ordre des finances publiques européennes ne crée pas en soi la croissance car la vertu financière, à elle seule, ne suffit pas. Ce qu’il faut, c’est un équilibre. Il est frappant de constater le mal qu’éprouve l’Europe à créer de la croissance : nous sommes, en moyenne, à 1 % de croissance, alors que le taux s’établit à 5,5 % en Amérique latine, à 4,5 % en Afrique, à 10 % en Asie et à près de 10 % en Turquie. La question de fond, c’est notre capacité à définir ensemble les synergies économiques pour créer de la croissance. Cela suppose d’assainir les finances publiques pour cesser de traîner des dettes qui plombent nos comptes. En France, cela passait aussi par la remise en ordre de nos comptes sociaux, et donc par la réforme des retraites. Il y a une très grande cohérence à vouloir réduire nos déficits en passant de 7,7 % du PIB cette année à 6 % l’année prochaine puis à 3 % en 2013, à remettre de l’ordre dans nos dépenses et, en même temps, à essayer de bâtir une politique de croissance en Europe.

Lors des élections législatives de 1993, je l’ai emporté, à Sarcelles, sur un certain Dominique Strauss-Kahn. Je crois comprendre qu’il vous tiendrait exactement le même langage. Il vous dirait lui aussi qu’il faut remettre de l’ordre dans les finances publiques, ne pas se satisfaire d’un système de retraite financé par la dette, réduire les déficits et, dans le même temps, engager une politique de relance un peu keynésienne. C’est ce que nous avons fait, de manière très raisonnable.

Mme Marietta Karamanli. Le dosage n’est pas équilibré !

M. Pierre Lellouche. En tout cas, côté français, nous essayons de suivre cette voie.

Dans d’autres pays de l’Union, les mesures d’austérité sont très brutales. De fait, de telles mesures ne permettent pas, à elles seules, de créer de la croissance. Elles servent surtout à assainir les dépenses publiques. En Grèce où, selon le ministre des finances grec, M. Papaconstantinou, très peu de personnes payaient l’impôt, il était nécessaire de changer un certain nombre d’habitudes, c’est-à-dire qu’il fallait à la fois réduire certaines dépenses, remettre les gens au travail et assurer les rentrées fiscale ! C’est la preuve que des partis socialistes peuvent partager notre point de vue !

M. Guy Geoffroy. Le point fait par l’Union européenne sur l’élargissement semble révéler que la Turquie n’aurait peut-être pas tant envie que cela d’entrer dans l’Union européenne, ce qui conduit certains pays à changer d’attitude. Ainsi, Chypre, qui ne s’est jamais opposée à l’entrée de la Turquie, dans la mesure où cette entrée signifiait forcément la libération de la partie occupée de son territoire, semble désormais être plus que réservée sur cette adhésion, la Turquie ne facilitant pas les échanges entre le président Christofias et le « président » Talat. Monsieur le Ministre, pouvez-vous faire le point sur cette question ? L’Union européenne a-t-elle décidé de se réapproprier la problématique chypriote, sachant que le référendum sur l’île a été un échec, les Chypriotes ayant manifesté le souhait de trouver une solution par eux eux-mêmes, hors de l’ONU et de l’Union européenne ? Il faudra, un jour, mettre fin à l’occupation d’une capitale de l’Union par un pays qui y est étranger et, de surcroît, candidat à l’entrée dans cette union ! Le mur de Berlin est tombé, mais pas celui de Nicosie !

L’accord sur les frontières entre la Croatie et la Slovénie – en tant que président du groupe d’amitié France-Slovénie, j’ai rencontré hier la nouvelle ambassadrice de ce pays – devrait être un élément permettant l’accélération du processus d’adhésion de la Croatie. Où en est-on ? Ce processus fait-il l’objet d’un calendrier, sachant que la Croatie est le dernier pays pour lequel le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à son adhésion à l’Union ne sera pas soumise en France aux dispositions du nouvel article 88-5 de notre Constitution ?

M. Jean Gaubert. Monsieur le Ministre, il existe une différence entre l’obligation de réduire les déficits budgétaires et celle de réduire la dépense publique. Pour notre part, nous considérons que la dépense publique n’est pas à honnir : quand il s’agit d’un dépense d’investissement, d’une dépense d’avenir, elle est très utile car elle permet de soutenir l’économie, voire de la relancer.

Vous vous êtes réjoui que le budget de l’Union européenne ait pu être tenu et encadré – c’est effectivement une nécessité. Toutefois, le gouvernement français soutient des initiatives nouvelles au niveau de l’Union, dont certaines sont justifiées et nécessiteront des dépenses publiques nouvelles – des commissaires européens l’ont souligné ici même –, tout en manifestant sa volonté qu’il ne soit pas touché à la politique agricole commune. Dans ces conditions, je crains que ce ne soit la quadrature du cercle : comment, avec un budget stable, trouver des recettes pour mener des nouvelles politiques sans réduire le montant des crédits alloués à d’autres politique ?

Ma dernière remarque sera un peu plus polémique. En 1997, le gouvernement a justifié la dissolution de l’Assemblée par l’impossibilité de tenir les critères que nous venons d’évoquer. Or, curieusement, aujourd’hui, c’est avec la même majorité que nous rencontrons la même difficulté. Donc, de grâce, ne nous donnez pas trop de leçons !

Le Président Pierre Lequiller. Ce n’est pas de la polémique, mais de l’humour !

M. Didier Quentin. Bernanos ne disait-il pas que « l’espérance est un risque à courir » ?

Moins que notre ancien collègue Guy Lengagne, j’étais de ceux qui étaient partisans de l’entrée de la Turquie dans l’Union. Mais, en d’autres temps, vous l’étiez aussi, Monsieur le Ministre.

M. Pierre Lellouche. En d’autres temps…

M. Didier Quentin. Monsieur le Ministre, vos propos sur la Turquie, porte d’entrée – pour ne pas dire la Sublime porte – de l’immigration par la Grèce, sont préoccupants. Par ailleurs, on parle de plus en plus de persécutions à l’égard des chrétiens en Turquie. Tout cela n’est-il pas de nature à freiner les discussions avec nos amis turcs ?

Lors d’un dîner de travail avec le nouveau président de France Télévisions
– neveu d’un des pères de l’Europe –, un de nos collègues l’a interrogé pour connaître la façon dont il envisage d’informer les Français, concrètement et positivement, sur l’Europe. Vous-même êtes un avocat convaincu et convaincant de l’Europe: je pense à votre combat pour obtenir des crédits européens après la tempête Xynthia, ou encore à l’accord franco-britannique. M. Pflimlin observe une baisse brutale de l’audience dès qu’un sujet est consacré à l’Europe ! Pourtant, les chaînes publiques pourraient être un vecteur intéressant. Comment rendre cette Europe plus attractive ?

M. Lucien Degauchy. Monsieur le Ministre, où en est la situation économique de la Grèce, en particulier du rétablissement de ses dépenses publiques, du Portugal et de l’Espagne ?

M. Pierre Lellouche. S’agissant de l’affaire chypriote, il y a un an, nous avons utilisé le symbole du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin pour proposer d’en finir avec ce dernier « mur » qui subsiste en Europe. Il y a quelques mois, nous avons essayé, de façon très discrète avec certains de nos partenaires, notamment britanniques, de faire avancer les choses juste avant les élections chypriotes grecques. Malheureusement, il a été impossible de faire bouger les positions des uns et des autres, et les problèmes se sont aggravés d’un côté comme de l’autre.

La question est actuellement examinée à New York par le représentant de l’ONU et ancien ministre des affaires étrangères d’Australie, Alexander Downer. Dans son rapport, la Commission dans son rapport sur la Turquie note l’absence de progrès à propos de Chypre. Aucun des deux camps n’évolue : la Turquie considère être allée au bout des concessions possibles et que le référendum proposé par l’ONU a été « retoqué » par les Chypriotes grecs ; les Chypriotes grecs parlent d’un marché de dupes et posent la question de l’occupation militaire. Aucune des solutions intermédiaires que nous avons proposées, notamment la nôtre visant à diminuer les forces militaires turques à Chypre – la présence de 60 000 soldats turcs dans l’île est-elle indispensable ? – n’a fait avancer les choses, pour des raisons de politique intérieure des deux pays. Nous n’avons pas plus avancé sur l’accès aux installations portuaires. Cette situation est un obstacle majeur à l’adhésion de la Turquie.

La Commission, comme toujours, est assez nuancée : elle dit que l’« alignement » de la Turquie sur les positions européennes en matière de politique étrangère est de 77 %, mais elle ne porte pas de jugement de valeur sur un certain nombre d’incidents qui se sont produits.

Cette affaire politique majeure doit se régler au niveau des Etats. S’en suivront des procédures de ratification, à supposer une avancée au niveau des chapitres. Pour l’heure, un seul chapitre sur 35 a été refermé, 18 sont bloqués, et l’on avance très lentement.

Je rappelle que nous sommes tombés d’accord avec le Gouvernement turc sur notre désaccord quant au point d’arrivée : le projet turc consiste, disent les Turcs, en une adhésion pleine et entière ; le nôtre consiste en un partenariat privilégié. Partant de là, sauf dans les domaines touchant à l’adhésion, nous n’avons pas cherché à interrompre les négociations. Nous pensons en effet qu’hisser la Turquie au niveau des règles démocratiques et économiques européennes est une bonne chose pour tous. Nous souhaitons aussi avoir des relations politiques les plus étroites possibles avec nos amis turcs, dont la diplomatie est très active et le développement économique remarquable. La Turquie est, à nos yeux, un pays émergent au cœur du continent européen. Elle est un pays ami, mais qui n’a pas vocation à être membre de l’Union. A nous de bâtir avec la Turquie des relations d’amitié : la visite en France du Président Gül, celle du Premier ministre Erdogan, l’année de la Turquie en France ont été de grands succès, et le Président de la République a convenu de se rendre en Turquie lors de sa présidence du G20.

En ce qui concerne la Croatie, 10 chapitres sur 35 ne sont toujours pas fermés, et il n’y a pas de calendrier précis. Je me garderai bien d’annoncer une date. Ces derniers mois, il y a eu des choses très positives comme le règlement des problèmes frontaliers avec la Slovénie. Le gouvernement croate fait preuve d’une grande maturité politique, mais il lui reste du chemin à parcourir pour faire partie de l’Union : la démocratie doit être consolidée et les négociations sur la dizaine de chapitres restant doivent être achevées. Il n’est dans l’intérêt ni des Croates ni des Européens que soient mis en place des mécanismes de contrôle et de vérification, comme cela a été fait pour la Roumanie et la Bulgarie. Quand une adhésion n’est pas « totalement mûre » et qu’on est obligé d’y ajouter des mécanismes de surveillance, cela signifie que le nouveau membre n’est pas tout à fait au niveau des autres membres en matière normative, en matière d’état de droit – et on voit les problèmes que cela pose dans le cadre de l’espace Schengen.

Il est dans l’intérêt de la Croatie de prendre le temps nécessaire pour achever son processus d’adhésion. Les ratifications doivent se faire dans de bonnes conditions. Ce n’est pas une sorte de course à étapes où chaque étape terminée doit déboucher quasi-automatiquement sur une autre. Il ne s’agit pas de cocher des cases, comme le fait souvent la Commission. Il faut parvenir au consensus pour entrer dans l’Europe, ce qui nécessite du temps.

M. Gaubert opère une subtile distinction entre dépenses et déficits, mais, que je sache, ce sont les dépenses qui créent les déficits ! Par contre, je le rejoins lorsqu’il distingue les bonnes et les mauvaises dépenses, entre les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement, les premières pouvant servir à la relance. C’est ce que nous faisons avec le plan de relance et le grand emprunt dont les objectifs sont d’amortir le choc de la crise, de relancer l’économie et de concentrer nos efforts notamment sur la recherche.

Sur la PAC, M. Gaubert soulève une vraie question. Le compromis de la cohabitation, à l’époque où Jacques Chirac était le Président de la République et Lionel Jospin le Premier ministre, était de garder la PAC en l’état jusqu’en 2013. Mais on connaît la difficulté de l’après 2013, d’où les efforts de mon collègue Le Maire pour réunir le maximum d’Etats européens afin de sauver la PAC, sachant qu’une demi-douzaine d’Etats membres n’en veulent plus du tout et que d’autres souhaitent en réduire l’importance pour orienter les crédits vers d’autres politiques : la recherche, la technologie, que sais-je encore. En outre, si notre pays est le premier bénéficiaire de la PAC – pour environ 12 milliards d’euros –, il est aussi l’un des premiers contributeurs nets à l’Union. Il faudra engager une discussion avec nos partenaires, sachant par ailleurs que la France finance à hauteur de 1,5 milliard le chèque britannique tous les ans. La négociation à partir du printemps s’annonce délicate.

Le Gouvernement français est déterminé à maintenir la politique agricole commune, car elle est un outil stratégique pour l’Europe, un outil de sécurité alimentaire, un outil absolument indispensable à l’échelle de la planète du fait de l’augmentation de sa population. D’où la nécessité d’une industrie agroalimentaire européenne forte. A nous de faire en sorte que cette politique favorise des balances commerciales positives.

Je remercie M. Quentin d’avoir rappelé le travail que nous avons effectué ensemble après Xynthia. Pour une fois, une mobilisation efficace de la Commission nous a permis de contribuer à alléger un peu la souffrance de nos concitoyens dans les départements touchés par la tempête.

S’agissant de la Turquie, il est dans l’intérêt de tous d’arrêter de se poser la question de savoir s’il y aura adhésion ou pas ! Au-delà de la question du nucléaire iranien, l’un des vrais sujets sur lequel nous devons travailler avec ce pays est celui de l’immigration. Si des centaines de milliers de personnes arrivent en Europe par la frontière turque et que nous n’avons pas d’accord de réadmission avec ce pays, l’envoi de 100 gardes frontières supplémentaires, fussent-ils membres de l’agence Frontex, ne résoudra rien. Il faut se pencher sur les mécanismes de contrôle à la frontière terrestre gréco-turque, réfléchir à la façon dont on peut sécuriser les 15 000 kilomètres de côtes des îles grecques, et commencer un vrai travail sur la question avec nos amis turcs ! Ce sera beaucoup plus utile que de discuter sur le point de savoir dans combien d’années le point d’arrivée sera atteint, d’autant qu’il sera sans doute jamais atteint.

Pour ce qui est de la condition des minorités en Turquie, la Commission a fait part de ses inquiétudes quant au respect des droits fondamentaux et se pose un certain nombre de questions sur la Constitution de ce pays. L’état de droit, le traitement des minorités, auxquels fait référence l’article 2 du Traité sur l’Union européenne, sont des critères majeurs pour l’adhésion et donc des sujets clés de la négociation. Cela dit, je me souviens que lorsque j’étais député, une délégation du Parlement turc est venue s’assurer du bon traitement des citoyens turcs dans les prisons françaises… Voilà un bon sujet en matière de principe de réciprocité !

L’intérêt des médias français pour l’Europe est un vaste sujet. Pour moi, c’est une vraie préoccupation. Malheureusement, ce n’est pas avec les crédits de communication de mon secrétariat d’Etat que j’arriverai à convaincre les médias français. Pour autant, de très bonnes choses existent, comme la chaîne Euronews. Améliorer le dispositif de communication d’Arte, c’est bien. Renforcer l’enseignement sur l’Europe à l’école, c’est indispensable. Mieux faire connaître le fonctionnement de la machine européenne au niveau de nos administrations, de nos collectivités territoriales, de l’appareil d’Etat, des entreprises, c’est fondamental. J’ai tenté d’apporter cette contribution avec une sorte de vade-mecum sur le fonctionnement de l’Europe.

Le propos ne doit pas être rébarbatif. L’un des moyens est de développer systématiquement des comparatifs sur chaque sujet – j’essaie de le faire au niveau de mon cabinet, mais c’est un tâche difficile pour un cabinet qui a été réduit à quatre membres. Nous l’avons fait, par exemple, pour la loi sur le port du voile ou encore pour la loi sur les retraites – ce qui permet de voir que fixer l’âge légal de départ à la retraite à soixante-deux ans est un objectif relativement modeste par rapport à l’âge légal de départ à la retraite dans les autres pays européens, où il est de soixante-cinq ans, voire de soixante-sept ans. Votre commission peut également agir. On peut aussi procéder à des échanges, lancer des initiatives. A cet égard, je pense à la fête organisée à Paris le 9 novembre 2009 à mon initiative pour célébrer le vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, où les Parisiens sont venus en grand nombre et qui a été retransmise en directe à Berlin ; elle a été réalisée avec très peu d’argent et des contributions privées. Il faut susciter ce genre d’initiative, même si cela demande beaucoup d’efforts, car elles sont un succès.

J’en arrive à la question de M. Degauchy. Les mesures d’austérité extrêmement dures prises en Grèce semblent avoir été comprises par la population puisque, aux dernières élections municipales, malgré cela, le PASOK a obtenu la majorité. Rappelons que c’est l’ancienne majorité de droite qui avait conduit le pays dans une situation de crise majeure en maquillant les chiffres – le déficit représentait 15 % du PIB et non 5% comme annoncé officiellement. Un gouvernement courageux, élu pour conduire une politique opposée à ce qui est en train d’être fait, vient donc de recevoir l’aval d’un peuple qui pourtant est soumis à des efforts très durs. C’est la preuve que le principe de réalité est valable partout.

S’agissant du Portugal et de l’Espagne, les efforts se poursuivent, et la dernière réunion de l’Eurogroupe montre que les mesures prises vont dans la bonne direction.

Globalement, la zone euro est consolidée. Il faut simplement éviter que les spreads – les écarts de taux d’emprunt – s’aggravent, car ils sont très lourds pour des pays qui consentent de gros efforts. On ne peut pas pénaliser deux fois un pays qui essaie de remettre ses finances en état et impose une cure d’austérité.

Le Président Pierre Lequiller. Nous vous remercions chaleureusement, Monsieur le Ministre.

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Agriculture

- projet de règlement de la Commission modifiant le règlement (UE) no 595/2010 concernant une prorogation de la période transitoire relative à l’utilisation de certains certificats sanitaires pour le lait et les produits à base de lait, le sérum d’équidés et les produits sanguins traités (à l’exclusion des produits sanguins d’équidés) à utiliser pour la fabrication de produits techniques (document E 5740).

Ø PESC et relations extérieures

- décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l’accord entre l’Union européenne et la République de Serbie sur les procédures de sécurité pour l’échange d’informations classifiées et leur protection (document E 5763).

Ø Questions budgétaires et financières

- projet de budget rectificatif no 10 au budget général 2010 - Etat des dépenses par section - Section III – Commission (document E 5203-10).

- projet de règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (CE) nº 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne des améliorations aux normes internationales d’information financière IFRS - Améliorations aux normes internationales d’information financière IFRS (document E 5726) ;

- projet de budget rectificatif no 9 au budget général 2010 - Etat des dépenses par section - Section III – Commission (document E 5734) ;

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne (document E 5735) ;

- lettre rectificative no 3 au projet de budget général 2011 - Etat des recettes et des dépenses par section - Section III – Commission (document E 5747).

Point B

La Commission a approuvé le texte suivant :

Ø PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil introduisant des préférences commerciales autonomes d’urgence pour le Pakistan (document E 5732).

Textes tacites

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), la Commission a pris acte des documents suivants approuvés tacitement :

- comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de M. Pedro J. Linares, membre titulaire espagnol, en remplacement de M. Dionis Oña, membre démissionnaire (document E 5753) ;

- comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail - Nomination de M. Javier Torres, membre suppléant espagnol, en remplacement de M. Pedro J. Linares, membre démissionnaire (document E 5754) ;

- proposition de règlement du Conseil clôturant le réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping et compensatoires applicables aux importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l’Inde (document E 5761) ;

- proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains types de polyéthylène téréphtalate originaires de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil (document E 5762) ;

- projet de décision du Conseil abrogeant la position commune 98/409/PESC relative à la Sierra Leone (document E 5764) ;

- proposition de virement de crédits no DEC37/2010 - Section III - Commission - du budget général 2010 (document E 5765).

La séance est levée à 18 heures 05.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 10 novembre 2010 à 16 h 30

Présents. - M. Lucien Degauchy, M. Jacques Desallangre, M. Jean Gaubert, M. Guy Geoffroy, Mme Annick Girardin, Mme Anne Grommerch, Mme Marietta Karamanli, M. Pierre Lequiller, M. Thierry Mariani, M. Philippe Armand Martin, M. Didier Quentin, M. Gérard Voisin.

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Michel Diefenbacher, M. André Schneider.