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Commission des affaires européennes

mardi 28 juin 2011

16 h 45

Compte rendu n° 213

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

Audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 28 juin 2011 à 16 h 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45

Audition de M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011

Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le ministre, nous avons grand plaisir à vous entendre à nouveau pour que, après le débat préalable au Conseil européen dans l’hémicycle, vous puissiez maintenant nous présenter les résultats de ce Conseil.

Il a permis, me semble-t-il, d’aller de l’avant sur des sujets essentiels : le renforcement des mécanismes de solidarité financière, l’aide à la Grèce et ses modalités, le renforcement de la gouvernance de l’espace Schengen, l’adhésion de la Croatie. Avant de vous laisser la parole, permettez-moi de formuler quelques questions.

Où en sommes-nous des discussions sur la participation du secteur privé à l’effort financier en direction de la Grèce ?

Quel est l’état actuel des discussions entre le Conseil et le Parlement européen sur le « paquet législatif » relatif à la gouvernance économique ?

Où en est le « pacte pour l’euro plus » ?

Concernant Schengen, après la lettre commune signée par le Président de la République et M. Berlusconi, le Conseil a demandé à la Commission européenne de faire une proposition législative sur les conditions de mise en œuvre d’une clause de sauvegarde. Que pouvez-vous nous en dire à ce stade ?

Enfin, que pouvez-vous nous dire du mécanisme de suivi qui a été décidé pour la Croatie jusqu’à son adhésion effective ?

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes. J’ai beaucoup de plaisir à me retrouver devant vous, d’autant que dans le contexte que l’on sait des relations franco-allemandes, votre Commission, et spécialement son président, ont joué un rôle très important pour faire évoluer la position du Bundestag, ce qui a grandement facilité la résolution de la crise grecque.

Le Conseil européen a donné lieu à un scénario devenu assez usuel. Avant que ce Conseil se tienne, les commentaires ont porté, avec la dramaturgie habituelle, sur le thème du piteux état de l’Europe, de la catastrophe obligatoire, de l’impossibilité de s’entendre. Puis le Conseil européen s’est déroulé, faisant apparaître une  convergence européenne, aboutissant à des accords – qui reprennent souvent les positions françaises – sur les sujets qui devaient provoquer des drames et conduisant à des progrès dans l’intégration de l’Europe. À l’occasion des crises, l’Europe avance.

Premier sujet : la gouvernance économique européenne et les questions liées à l’euro.

Le Conseil européen a été l’occasion de clore le premier « semestre européen » par l’approbation des recommandations formulées par la Commission après l’envoi des programmes nationaux de réforme. Ce nouveau cadre montre ainsi son utilité.

En deuxième lieu, ce Conseil a été l’occasion de rappeler les engagements pris au titre du « pacte pour l’euro plus ». Il a permis, et nous y avons largement contribué, de mettre l’accent sur les questions fiscales. Les propositions sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), sur la fiscalité énergétique, sur une taxe sur les transactions financières font leur chemin ; s’y ajoute l’intensification de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables – telles que le Double Irish utilisé par Google. C’est une première étape dans la concrétisation d’un gouvernement économique européen.

Le Conseil européen a par ailleurs entériné l’accord conclu par les ministres de l’économie sur les modifications du Fonds européen de stabilité financière et le traité mettant en place le Mécanisme européen de stabilité. Celui-ci, incarnation de la solidarité européenne, sera doté de 500 milliards d’euros, afin de défendre l’euro partout où il est attaqué dans la zone. Là encore, on peut être satisfait de la manière dont la France a géré ce dossier.

En ce qui concerne le paquet législatif – le six-pack –, l’accord n’a pas pu être constaté. Chaque institution doit prendre ses responsabilités : sommes-nous capables de faire prévaloir un intérêt général européen ? L’absence d’accord est entièrement imputable au Parlement européen, dont je ne doute pas qu’il finira par changer d’attitude sur les avancées proposées par le Conseil – en matière de majorité qualifiée inversée comme de dialogue sur les questions économiques. Il n’y a pas de place pour les marchandages ou l’affirmation d’un rapport de forces : c’est l’Europe qui est en jeu.

S’agissant de la Grèce, comme l’ont clairement dit Mme Merkel et le Président de la République, le Conseil européen a répété son engagement à tout mettre en œuvre pour défendre la zone euro et a approuvé le principe d’une aide supplémentaire à la Grèce. Il a également endossé les modalités de cette aide, sur la base du compromis franco-allemand.

Il y aura bien une participation des créanciers privés, sur une base volontaire, à l’effort de financement de la dette grecque – par des opérations de « roulement » de la dette arrivée à maturité–, mais tout « défaut » est exclu : si ceux qui ont prêté à la Grèce devaient ne jamais être remboursés, l’impact sur la zone euro serait bien plus grave encore ! Suivant les propositions faites par la France, des échanges de titres seront combinés avec une incitation au réinvestissement des fonds.

Le FMI, la Commission et la BCE ont travaillé à un accord technique avec Athènes. Nous attendons l’approbation du train de mesures par le Parlement grec. Nous sommes très lucides sur l’ampleur des efforts qui sont demandés au peuple grec et qui, faute d’avoir commencé plus tôt, sont très concentrés dans le temps. La crise de la Grèce n’est pas la crise de l’euro : c’est une crise de la dette grecque, accumulée au point d’avoisiner 150 % du PIB. Que l’on soit dans la zone euro ou non, le fait d’avoir un déficit de 9,6 % du PIB n’est pas soutenable. À ceux qui militent pour que la Grèce sorte de la zone euro, je rappelle que sa dette est libellée en euros ; elle serait encore plus difficile à rembourser avec une monnaie nationale faible !

Le plan présenté par le gouvernement Papandréou comprend des mesures d’économies à hauteur de quelque 28 milliards d’euros et des privatisations visant à lever environ 50 milliards d’euros. L’opposition grecque doit prendre elle aussi ses responsabilités : une démarche collective est indispensable, même si elle est difficile.

Dans le même temps où les Grecs font des efforts, il faut que l’Europe manifeste sa solidarité pour soutenir la compétitivité de leur pays. Elle a su, déjà, permettre une extraordinaire métamorphose des pays d’Europe centrale. En Grèce, il est aujourd’hui très difficile d’utiliser les fonds européens, du fait des règles de cofinancement ; il faut permettre leur utilisation, tout en l’encadrant. Nous avons donc proposé un assouplissement des règles applicables à l’enveloppe de 20 milliards d’euros allouée pour la période 2007-2013. En contrepartie, la sélection devra se faire selon des critères beaucoup plus exigeants, pour ne retenir que les projets qui ont un impact en termes de création d’emplois et d’accroissement de l’activité.

J’en viens au deuxième enjeu du Conseil européen, à savoir la réforme de la gouvernance de Schengen.

Nous en sommes convaincus, la libre circulation est un acquis fondamental de l’Europe. Cet acquis doit être préservé. La protection des frontières ne peut passer que par le renforcement de la coopération européenne.

Nous avons plaidé tout d’abord pour un renforcement des dispositifs de Schengen, avec un mécanisme d’évaluation sur la base de critères élargis, la mise en œuvre d’un régime européen d’asile d’ici à 2012, la poursuite d’une politique équilibrée en matière de visas, ainsi que la définition d’une relation mutuellement bénéfique avec les pays du voisinage sud.

Cela étant, il faut être capable de réagir en cas de crise. Pour l’euro, nous manquions d’un mécanisme de protection en cas d’attaque spéculative. Dans le cadre de Schengen, nous sommes démunis pour faire face à la défaillance d’un État membre ou à une arrivée massive de migrants comme à Lampedusa, où 40 000 sont arrivés en moins d’un mois et demi. Nous avons donc plaidé pour que, comme l’indiquent les conclusions du Conseil, « en cas de situation véritablement critique, lorsqu’un État membre n’est plus en mesure de respecter ses obligations au titre des règles Schengen », il soit possible de rétablir temporairement un contrôle aux frontières intérieures. C’est un mécanisme de dernier recours, dans des cas exceptionnels ; la Commission européenne fera une proposition en septembre pour en préciser les modalités. Il ne s’agit pas d’affaiblir Schengen, mais de lui donner du muscle ! Nous ne voulons ni d’une Europe forteresse, ni d’une Europe passoire : dans un cas comme dans l’autre, ce serait pour elle un affaiblissement. La position de la France a été parfaitement comprise par nos partenaires. Il faut souligner le rôle très positif joué par la Pologne ; on peut s’en réjouir dans la perspective de la présidence polonaise.

Je ne reviens pas sur la politique européenne de voisinage, troisième enjeu du Conseil européen, car la position adoptée est très conforme à ce que nous avions dit lors de notre débat.

Permettez-moi de conclure en évoquant un autre sujet majeur, l’adhésion de la Croatie. Dans notre engagement européen, l’Histoire joue un rôle essentiel. Quand je vois à Varsovie, de l’autre côté de la Vistule, l’endroit où les forces russes se sont arrêtées pour laisser les Allemands massacrer les insurgés, je sais pourquoi je suis pour l’Europe. Quand je vais au musée de Berlin qui retrace l’histoire de l’Allemagne et témoigne de tous les affrontements qui ont déchiré le territoire européen, je sais pourquoi je suis pour l’Europe. Et quand je pense à ce qui s’est passé en Croatie il y a à peine quinze ans, je sais aussi pourquoi je suis pour l’Europe : l’Europe est une formidable force de paix. La création de cet horizon européen va sans doute permettre de faire advenir dans cette région ce qui n’était encore jamais arrivé : une dynamique de pacification et de rassemblement. S’il n’y avait pas eu l’horizon européen, il y aurait eu beaucoup moins de chances que Ratko Mladic soit arrêté. L’adhésion de la Croatie participe de ce mouvement plein d’espérance qui referme les plaies du continent.

Elle se fait sans le moindre compromis sur le fond. Nous ne voulions pas d’élargissement au rabais, pour donner satisfaction à tel ou tel pays. Nous avons plaidé pour une formule très rigoureuse, et le gouvernement croate a parfaitement compris que c’était dans son intérêt. Jusqu’à présent, après la clôture des négociations avec le pays candidat, il s’ouvrait, avant l’entrée effective dans l’Union européenne, une période d’environ deux ans qui était en réalité perdue : la ligne d’arrivée paraissant franchie, les efforts se relâchaient, par exemple en matière de lutte contre la corruption ou d’indépendance de la justice. La France a donc défendu le principe d’un suivi durant la phase séparant la clôture des négociations de l’adhésion effective. Le consensus s’est fait autour de cette proposition, point d’équilibre entre la position du Royaume-Uni et des Pays-Bas et celle de la Pologne. Les Croates, qui ont déjà accompli beaucoup d’efforts, sont conscients du travail qui leur reste à accomplir et qui, j’en suis sûr, débouchera sur un grand succès.

L’Europe a toujours de grands défis à relever, la crise actuelle impose de rechercher avant tout l’intérêt général européen. Ce Conseil aura montré qu’elle ne reste pas immobile et qu’elle fait le choix d’un renforcement de l’intégration européenne – sans laquelle la France n’a pas d’avenir : comme le disait Marc Bloch, on a besoin de l’Europe en grand pour écrire l’histoire de la France en grand.

Le Président Pierre Lequiller. Merci beaucoup. Dans la période difficile que traverse l’Europe, votre force de conviction est précieuse, et la force d’entraînement de la France bien utile.

Mme Marietta Karamanli. Le compte rendu officiel du Conseil européen évoque les réformes structurelles que doivent mener les États, mais sans en préciser la nature. Pouvez-vous nous donner des indications à ce sujet ?

Si un pays endetté se soumet à des règles de discipline budgétaire, on lui promet d’avoir accès à un crédit moins cher. Le problème est que les réformes ne peuvent produire des effets immédiats. Le pays se trouve ainsi dans un cercle vicieux. S’agissant de la Grèce, que proposez-vous pour en sortir ?

En ce qui concerne l’adhésion de la Croatie, le rapporteur du Parlement européen avait considéré que l’obstacle principal était la corruption. Qu’en est-il aujourd’hui ? Par ailleurs, qu’en est-il du conflit frontalier entre la Croatie et la Slovénie ?

M. Jérôme Lambert.  La crise grecque dure, dure, et les mesures imposées au peuple grec sont de plus en plus rudes… Tout en convenant que le problème est particulièrement compliqué, je veux dire notre scepticisme sur l’efficacité de cette démarche sans cesse renouvelée. Ne risque-t-on pas au contraire d’aggraver la situation ?

On nous annonce un « pacte pour l’euro plus », mais sans nous donner le détail des mesures – qui seraient pourtant nombreuses. Pouvez-vous nous préciser de quoi il s’agit ?

M. Christophe Caresche. L’effort à l’égard de la Grèce devra se poursuivre dans la durée. L’Europe en a les moyens. Le principe selon lequel il faut tout faire pour éviter un défaut grec est bon, et la France a eu raison de défendre cette position. Néanmoins, compte tenu notamment de l’approche des Allemands, et même si un cap a été franchi, tout n’est pas réglé.

La situation de la Grèce est spécifique. C’est une erreur de prétendre que d’autres pays, notamment la France, pourraient la connaître aussi. L’instrumentaliser ainsi dans le débat politique français peut être très dangereux, les marchés étant extrêmement sensibles.

Le Parlement européen s’est lancé dans une surenchère inquiétante et dangereuse, notamment sur le sujet des sanctions. Comme il est indiqué dans le rapport que j’ai cosigné avec Michel Herbillon, il faut qu’une appréciation politique puisse continuer à être portée sur la situation des pays ; il ne doit donc pas y avoir de sanctions systématiques. La France, qui avait obtenu de la Commission un assouplissement sur cette question, va-t-elle s’opposer à la position du Parlement européen ? L’automaticité est un système infernal. Si demain des sanctions automatiques s’appliquent à la France, comment les Français réagiront-ils ? Adopter ce système, c’est installer une machine à détruire l’Europe !

M. Jacques Myard.  Le plus grand danger pour l’Europe, c’est l’esprit de système. Je vous invite à relire ce que M. Delors lui-même nous a dit ici.

On s’emploie à superposer un système théorique parfait à une réalité qui est tout autre. Comme je l’avais dit un jour à Jean-Claude Trichet, la monnaie unique est la meilleure monnaie du monde dans un monde parfait qui n’existe pas ! Cela vaut pour Schengen : on prétend établir un cordon sanitaire, mais on sait bien qu’on ne peut pas contrôler les îles grecques, pas plus d’ailleurs que les frontières françaises. S’il vous plaît, revenons au principe de réalité !

S’agissant de la Grèce, le taux d’assurance sur les CDS est de 20 à 30 % ; et il y a des CDS sur CDS ! Le dénouement risque d’être rude. Dire que le problème de la Grèce est celui de sa dette, c’est confondre les causes et les conséquences. Le problème fondamental est la perte de compétitivité de l’économie. Comme je l’ai dit à Axel Weber, il faudrait mettre la Ruhr dans le Péloponnèse ! Il ne sert à rien de parler de gouvernance économique de l’Europe : c’est une fuite en avant, la question étant celle des fondamentaux. On est loin de la zone économique optimale, l’Europe ne servant qu’à payer. Les calculs faits par des économistes avertis montrent qu’il faudrait, chaque année, transférer deux à trois points du PIB français et du PIB allemand pour tenir les faibles hors de l’eau ! On cherche aujourd’hui à gagner du temps, mais on ne s’en sortira pas : pour faire face à la situation, il y aurait besoin dans les cinq à six ans qui viennent de 1600 à 1700 milliards, soit à peu près l’équivalent du PIB français !

Il faudrait que le principe de réalité l’emporte enfin sur la profession de foi. Le retour de bâton risque d’être très violent pour les classes politiques européennes ! Ce qui se passe est extrêmement grave. Je regrette que du côté du Gouvernement français, on continue à proclamer son attachement à l’euro sans reconnaître que la situation n’est plus gérable. Il faudra revenir à une monnaie commune, et non plus unique.

Sortir de l’euro, c’est se donner une chance, comme l’avait fait l’Argentine, après s’être arrimée au dollar – et dont la dette était libellée en dollars. L’alternative est simple : on reste, on paie, on ne résout pas le problème de la compétitivité ; on sort, on paie, mais on peut, par le jeu de la valeur de la monnaie, résoudre le problème de la compétitivité.

La seule solution aujourd’hui serait la baisse de l’euro et la création monétaire. Il faut mettre immédiatement M. Trichet à la retraite !

M. Lionnel Luca.  Un certain nombre d’économistes sérieux posent en effet la question de l’euro. Si on continue à ne pas les écouter, on risque de se réveiller avec la gueule de bois.

Est-il imaginable que d’ici un an, trois, quatre ou cinq pays, collectivement, sortent de l’euro ? Si ce n’est pas le cas, c’est toute la zone euro qui sera mise en cause, et par voie de conséquence l’Europe. L’euro peut être le vecteur de la désintégration de l’Europe.

Le Conseil européen a approuvé le rapport de la présidence sur l’intégration des Roms. En tant que président du groupe d’amitié France-Roumanie, je me suis rendu récemment en Roumanie avec des collègues : nous avons demandé à rencontrer le président du parti des Roms ; nous nous sommes rendus dans un village de Roms, dans lequel nous avons vu des Roms qui travaillent comme artisans. Manifestement, ils ne sont pas informés des aides dont ils peuvent bénéficier. On condamne ainsi des familles nombreuses à n’avoir d’autre solution que de partir. Qu’allons-nous faire pour que soit effectivement assuré, au niveau européen, le suivi des politiques d’intégration ?

M. Daniel Garrigue.  Au-delà des responsabilités de la Grèce, la faiblesse de la gouvernance de la zone euro a incontestablement pesé dans la crise grecque. On ne saurait oublier non plus le rôle de la spéculation, dont on aimerait savoir par qui elle est alimentée.

Pour d’autres pays, tel le Mexique, qui se sont trouvés dans une situation comparable à la Grèce, des solutions ont été trouvées.

Sans parler d’une sortie de la zone euro, faut-il obligatoirement choisir entre la restructuration de la dette et la solidarité des autres pays européens ? Ne peut-on associer un peu des deux ? Jusqu’où peut-on aller dans la restructuration, et quels en sont les risques ?

M. Patrice Calméjane.  La Commission européenne compte 34 000 fonctionnaires. Par un calcul au prorata, on peut en déduire que près de 700 fonctionnaires sont chargés de surveiller la Grèce. Comment a-t-on pu en arriver à la situation actuelle ? Les États se sont heureusement emparés du problème pour rechercher des solutions, mais à Bruxelles ne fait-on que regarder les trains passer ?

En ce qui concerne Schengen, la possibilité de déroger temporairement aux règles, en raison de circonstances exceptionnelles, me paraît s’imposer.

M. Didier Quentin.  S’agissant de la Grèce, comment assurer la transparence et le suivi des financements supplémentaires, alors que les sources seront publiques et privées et que la participation privée se fera sous forme de reconductions informelles et volontaires de la dette existante de la Grèce ?

Concernant l’espace Schengen, comment mettre en place un mécanisme global de protection des frontières, quand chaque pays est soumis à des pressions extérieures différentes et doit respecter le principe de libre circulation des personnes ?

Une base de données chargée d’échanger des informations opérationnelles va être mise en place. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Enfin, dans le contexte du printemps arabe, avez-vous parlé avec vos homologues européens des causes structurelles de l’immigration et de la manière d’y répondre, par exemple par la création d’un fonds d’investissement destiné au Maghreb ?

Le ministre. Madame Karamanli, vous avez fait allusion aux objectifs de la stratégie Europe 2020. Ce sont les suivants : taux d’emploi de la population âgée de 20 à 64 ans de 75 % ; investissement de 3 % du PIB de l’Union dans la R&D ; réduction des émissions de CO2 par l’effet combiné des énergies renouvelables et de l’augmentation de l’efficacité énergétique ; taux d’abandon scolaire ramené à moins de 10 %, taux d’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur chez les jeunes générations porté à 40 %.

En ce qui concerne la Croatie, le problème frontalier avec la Slovénie a fait l’objet d’un accord d’arbitrage, signé en 2009. La décision de la Cour internationale de justice est attendue ; les deux parties se sont engagées à la suivre.

S’agissant du « pacte euro plus », je tiens à la disposition de Jérôme Lambert les engagements de la France. L’impératif est d’éviter la dilution. En fait, les dispositions de base existaient dans le Traité de Maastricht… Nous nous employons à faire en sorte que ce pacte soit le laboratoire de la gouvernance économique. La France a montré la voie avec des engagements très précis – concernant les plus de 45 ans, la réduction de la taxe d’apprentissage, les investissements d’avenir, la simplification administrative. Le volet fiscal est un élément essentiel.

Concernant le vote que va émettre le Bundestag, je pense que le travail de rapprochement entre nos points de vue aura porté ses fruits. C’est ainsi que fonctionne la relation franco-allemande en général : les bases de départ peuvent être différentes, mais nous finissons par nous retrouver sur une vision d’intérêt général qui permet de fixer un cap commun. On le constate tout particulièrement sur le sujet de l’euro et de la Grèce.

Quant au Parlement européen, je lui lance un appel. Il faut savoir clore un débat, au nom de l’intérêt général. La position de la France est partagée par tout le Conseil européen ; nos amis allemands, notamment, s’ils pouvaient avoir des divergences avec nous, ont défendu l’ensemble du compromis de Deauville.

Je remercie Lionnel Luca d’avoir évoqué l’intégration des Roms. La députée européenne Lívia Járóka, Hongroise d’origine rom, a fait un travail très utile. Elle a très clairement dit que les pays d’origine des Roms ne faisaient pas assez en matière d’intégration. Si les fonds apportés par l’Europe ne sont pas utilisés, une pénalité sera appliquée ; à l’inverse, les pays qui investissent notamment dans la formation scolaire seront particulièrement soutenus.

Concernant Schengen, je veux souligner que partout où l’agence Frontex s’est investie, les résultats sont bons, voire impressionnants – opération Rabit à la frontière gréco-turque, accompagnement de l’Espagne dans la régulation de l’immigration en provenance du Maroc et du Sénégal. Nous souhaitons partager une base de données sécurisée sur les trafics et les personnes à surveiller. Les flux d’entrées se concentrent sur quelques points mais la pression migratoire nous concerne tous ; il est donc évident que la coopération communautaire doit se renforcer, autrement dit qu’il convient d’approfondir la logique de Frontex – et, à terme, avoir des garde-frontières européens. Il faut disposer de moyens européens mobilisables en urgence ; l’opinion publique le souhaite : une Europe passoire conduirait à un rejet global de l’Europe.

S’agissant du dernier point évoqué par Didier Quentin, oui, nous soutenons une logique de développement partagé. Elle se traduit par des investissements au Maghreb et par la création de l’Office méditerranéen de la jeunesse.

Pour terminer, je reviens à la Grèce et à la zone euro.

Si la Grèce ne bénéficiait pas de la solidarité européenne, elle devrait supporter un taux d’intérêt de 25 %. Parce que cette solidarité existe, elle peut se financer à 4,5 %.

Comme Marietta Karamanli l’a souligné, on ne peut pas s’en tenir à des mesures restrictives. C’est bien la raison pour laquelle nous avons souhaité que la Grèce puisse continuer à bénéficier des fonds européens – mais avec des garanties, pour éviter les erreurs passées : nous plaidons pour un pilotage très étroit de la Commission, afin de bien sélectionner les projets.

Que produirait une sortie de la zone euro ? Il suffit pour le savoir de se remémorer les attaques spéculatives de 1993 ! La France n’était même pas capable de lutter contre les pressions à la dévaluation… La dévaluation, que certains parent de toutes les vertus, veut d’abord dire que chaque citoyen, chaque entreprise, chaque collectivité locale subit brusquement un appauvrissement. Elle signifie aussi qu’un pays regagne des marges de compétitivité au détriment des autres, de façon totalement inéquitable. Et souvenons-nous qu’à cette époque, les taux d’intérêt en France étaient compris entre 10 et 13 % !

Faire sortir la Grèce de l’euro, c’est faire exploser sa dette, et c’est ouvrir la boîte de Pandore. Le seul choix responsable est celui de la solidarité européenne, dans toutes ses dimensions : il faut se battre pour que les taux de financement de l’économie grecque soient raisonnables, se battre pour faire progresser la compétitivité de la Grèce en continuant à y investir des fonds, se battre pour que les Grecs fassent les réformes qu’ils n’ont pas faites ces dernières années, se battre pour que l’Europe ne soit pas emportée par une spirale de dévaluations compétitives. C’est possible, l’exemple américain le montre ! Les économies des pays de la zone euro ne sont pas plus différentes entre elles que celles des États composant les Etats-Unis – où par ailleurs la population est mobile, sans pour autant que les flux entre États soient considérables. En outre, l’Europe a l’avantage de mener en son sein une politique d’investissement dans les pays qui ont besoin d’un rattrapage. Bref, nous disposons des outils nécessaires pour défendre une zone euro qui, je pense, sortira renforcée de la crise.

Le Président Pierre Lequiller. Très grand merci pour ce nouvel échange, monsieur le ministre.

La séance est levée à 17 heures 50.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 28 juin 2011 à 16 h 45

Présents. - M. Patrice Calméjane, M. Christophe Caresche, Mme Marie-Louise Fort, M. Guy Geoffroy, Mme Pascale Gruny, M. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Jacques Myard, M. Didier Quentin, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Bernard Deflesselles, M. André Schneider

Assistait également à la réunion. - M. Daniel Garrigue