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Commission des affaires européennes

mercredi 7 décembre 2011

17 h 15

Compte rendu n° 231

Présidence de M. Didier Quentin Vice-président

I. Examen du rapport d’information de Mme Marietta Karamanli sur la proposition de la Commission européenne relative à la création d’un droit commun européen de la vente (E 6713)

II. Communication de M. Guy Geoffroy sur la conclusion et la signature de l’accord entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne sur l’utilisation et le transfert des données PNR au ministère américain de la sécurité intérieure (E 6867 et E 6869)

III. Communication de M. Didier Quentin sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l’Union (E 6692)

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 7 décembre 2011

Présidence de M. Didier Quentin, Vice-président de la Commission

La séance est ouverte à 17 h 35

I. Examen du rapport d’information de Mme Marietta Karamanli sur la proposition de la Commission européenne relative à la création d’un droit commun européen de la vente (E 6713)

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Lorsqu’elle a présenté, le 11 octobre dernier, sa proposition de règlement sur le droit commun européen de la vente (DCEV), la Commission européenne a pris une initiative qui suscite l’étonnement.

Ce texte concerne l’ensemble des dispositions relatives à la vente de biens de consommation et de contenus numériques, et de services connexes, dans le cadre transfrontalier, lorsque vendeur et acquéreur sont installés dans deux Etats membres différents. Il vise principalement les ventes par Internet.

Il rouvre donc un débat qui vient à peine de s’achever, puisque la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs qui concerne, entre autres, ce même sujet, vient juste d’être publiée. D’ailleurs, la Commission des affaires européennes avait déjà envisagé, lors du dernier rapport sur le projet correspondant, en février dernier, pour la rejeter, cette hypothèse d’un droit contractuel optionnel.

Ce débat, la Commission européenne y revient dans des conditions qui ne sont pas les meilleures.

D’abord, la proposition de règlement concerne, parmi d’autres, les questions relatives aux garanties et aux clauses abusives. Or ce sont des sujets qu’il a fallu expressément disjoindre de la proposition de directive relative aux droits des consommateurs pour obtenir un accord politique. Et ce ne sont pas les questions nouvelles, telles que les contenus numériques ou les transactions commerciales entre entreprises et impliquant les PME, qui peuvent donner une justification suffisante à un texte aussi général que celui qui est proposé. Ensuite, il n’y pas eu d’étude d’impact officielle. De plus, le texte proposé suscite bien des oppositions de la part de ceux qu’il concerne, notamment des organismes représentant les consommateurs et de ceux représentant les PME, à savoir le BEUC et l’UEAPME au niveau européen. Businesseurope n’est pas non plus convaincu. Les notaires sont également opposés à ce projet. De même, il y a déjà de fortes réticences de la part de certains Etats membres, même si elles ne sont pas encore toutes exprimées, car les travaux en vue du Conseil commencent à peine et la Commission européenne ne peut qu’en tenir compte, en dépit il est vrai du vote en faveur d’un tel projet de la part du Parlement européen, en mars dernier.

Cette proposition de règlement est porteuse d’une très grande ambition, avec son dispositif assez léger mais sa volumineuse annexe 1 et ses 186 articles. Cette dernière couvre l’ensemble de la question, allant des principes généraux de la liberté contractuelle jusqu’aux prescriptions.

Le mécanisme juridique prévu pour sa mise en œuvre n’est pas non plus celui du droit européen commun, du 28e droit, mais celui, plus exigeant, d’une insertion en bloc dans le droit de chaque Etat membre, dans le cadre d’un « second régime » de droit contractuel coexistant avec les règles actuelles, qui seraient ainsi celles du « premier régime ». Ce second régime est régi par le principe d’autonomie, ce qui explique qu’il soit aussi complet.

Enfin, même si le dispositif est présenté comme facultatif et destiné aux transactions transfrontières, l’objectif à terme n’est pas de s’arrêter à un tel stade.

D’abord, le caractère facultatif ne vaut réellement que pour le professionnel qui vend à un consommateur ou à une autre entreprise. Une fois que celui-ci a opté, l’acheteur n’a de fait que le choix entre soit acquérir le bien ou le contenu numérique sous le régime du DCEV, soit renoncer à l’achat. En effet, le dispositif prévoit le consentement du client au DCEV mais ne prévoit pas l’application du droit habituel en cas de refus de sa part.

Ensuite, la proposition de règlement donne aux Etats membres la faculté d’une extension du DCEV à leurs transactions internes, de même qu’à l’ensemble des transactions entre entreprises. Il y a donc clairement une invitation à entrer dans une démarche où le DCEV remplacerait le droit national.

Eu égard à ces objectifs, les défauts de la proposition de règlement n’en apparaissent que plus dirimants.

Le premier d’entre eux tient à la base juridique choisie par la Commission européenne.

Le texte est en effet indiqué comme fondé sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif à l’harmonisation et au rapprochement des législations pour la réalisation du marché intérieur, ce qui présenterait, du point de vue de la Commission européenne, l’avantage de la codécision avec majorité qualifiée au Conseil.

Or, le second régime national autonome n’harmonise ni ne rapproche, mais il crée au contraire de la diversité juridique. Ce n’est donc pas cet article que l’on peut invoquer comme base juridique du texte, comme l’a aussi considéré le Bundestag allemand.

C’est au contraire l’article 352 du traité qui peut constituer la base juridique du texte, puisqu’il reconnaît à l’Union européenne une compétence supplétive pour les actions nécessaires à l’un des objectifs du traité, sans que celui-ci n’ait prévu les pouvoirs d’action correspondants.

Du point de vue de la Commission européenne, deux difficultés majeures s’élèvent alors. D’abord, l’unanimité du Conseil est exigée, ce qui donne à tout Etat membre un pouvoir de veto. Ensuite, lorsqu’elle recourt à cet article, la Commission européenne doit toujours attirer l’attention des parlements nationaux dans le cadre de la procédure de contrôle du principe de subsidiarité.

Effectivement, la question de la subsidiarité et de la proportionnalité mérite très clairement d’être examinée sur ce texte, même si, contrairement à la Chambre des communes du Royaume-Uni, au Bundestag allemand et au Conseil fédéral autrichien, ce n’est pas pour conclure à l’adoption d’un avis motivé.

En effet, les difficultés de subsidiarité et de proportionnalité ont su être évitées, d’autant que les questions de fond n’ont pas été tranchées par la Cour.

La première d’entre elles, sur l’utilité du DCEV et le bien fondé de l’intervention européenne, est de savoir si l’Union européenne peut proposer un tel droit supplétif, qui n’a pas vocation, au moins dans un premier temps, à concerner l’ensemble des acteurs économiques, mais une partie d’entre eux.

Sur ce point, face à l’argument selon lequel les entreprises, et les consommateurs, ne sont pas, pour une part appréciable, demandeurs d’un tel droit de la transaction transfrontière, on constate que la Commission européenne indique ne viser qu’une partie des entreprises, et non toutes, et qu’il s’agit d’un droit optionnel. En outre, les transactions transfrontières relèvent, en principe, de l’Union européenne, puisqu’il s’agit du marché intérieur.

La deuxième question, qui touche à la proportionnalité et concerne l’étendue du DCEV, concerne les exigences du fonctionnement autonome d’un second régime national tel que celui proposé. Le champ couvert par le DCEV est très large, mais un considérant précise aussi qu’il y a application du seul droit national existant pour le cœur du droit civil, notamment la personnalité juridique et l’incapacité, ainsi, d’ailleurs, que pour la question linguistique.

Dans ces circonstances, plutôt que de s’engager dans un débat difficile et des échanges d’habiletés, il est plus efficace d’indiquer d’emblée les éléments de fond qui conduisent à recommander le rejet de la proposition de règlement.

Le premier d’entre eux est un manque de sécurité juridique sur l’articulation avec le règlement Rome I, avec lequel il apparaît rester des « angles morts », de même qu’avec certaines dispositions de droit national.

Le deuxième tient à un recul de la protection du consommateur ou de la PME par rapport au droit existant. Ainsi, on peut dire que s’il n’apporte pas de protection supplémentaire, le DCEV est redondant et inutile, et que s’il est en retrait par rapport au niveau de protection existant, il est préjudiciable.

De manière inhérente au mécanisme du second régime, qui fonctionne de manière autonome par rapport aux règles de droit national, à coté d’elles, mais sans les affecter ni impliquer leur modification, contrairement à une directive, on constate ainsi une mise à l’écart, d’une part, de certaines dispositions du code civil et, d’autre part, des dispositions d’ordre public du droit national, de la consommation et, plus largement, des transactions commerciales. En effet, le mécanisme du second régime national est exclusif du point 2 de l’article 6 du règlement (CE) no 593/2008 « Rome I », qui interdit le choix de la loi lorsque ce choix ferait échec à des dispositions d’ordre public protectrices pour le consommateur.

En outre, par rapport au droit européen, le DCEV entraîne deux régressions : d’abord, vis-à-vis de la directive 2011/83/UE qui vient d’être publiée, car il revient notamment sur l’interdiction de paiement pendant la période de rétractation en cas de vente hors établissements commerciaux, alors que c’est un mécanisme essentiel, pour la France ; ensuite, vis-à-vis du règlement communautaire (CE) no 2006/2004 du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, pour les infractions intracommunautaires.

Par ailleurs, le DCEV est dommageable pour les PME, car dans un domaine qui n’est pas harmonisé au niveau européen, celui des transactions commerciales entre entreprises, il est de nature à bouleverser les équilibres nationaux actuels, notamment les dispositions qui permettent de réguler les relations entre entreprises de poids très différents.

Dans l’ensemble, ces reculs du niveau de protection créent un risque de dumping juridique, avec transfert d’une entreprise dans un autre Etat membre pour faire passer la clientèle sous le régime du DCEV, hors de la protection du droit national.

Enfin, et c’est le dernier point, le DCEV ne peut que se heurter à d’importantes difficultés d’application tant en raison de la confusion qu’il ne manquera pas d’engendrer dans un même Etat, avec deux corps de règles, à la fois voisins et différents, applicables à des problèmes identiques, qu’en raison des divergences d’interprétation et de jurisprudence qui ne manqueront pas d’intervenir entre les différents Etats membres.

La Commission européenne est d’ailleurs consciente de ce problème car elle propose une base de recueil des décisions de justice définitives, mais en raison tant des difficultés de traduction que d’interprétation de décisions intervenues dans un contexte et une tradition juridiques différents, l’efficacité de cette solution peut être mise en doute.

Dans ces circonstances, il convient de conclure nettement au rejet de la proposition de règlement, tout en réservant la possibilité, eu égard à l’important travail qui a été fait et à son utilité pour une convergence à long terme des Etats européens, de conserver, sous réserve d’un examen politique et technique, le DCEV comme une « boîte à outils » à la disposition des Etats membres comme du législateur communautaire et, pour ce qui concerne les contenus numériques, comme base de travail pour un éventuel texte sectoriel.

M. Jacques Desallangre. Je crains que la formule de la « boite à outils » proposée ne crée une instabilité juridique. Quelles est son utilité ?

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Ce projet est soutenu par certains pays membres, nouveaux accédants, qui souhaitent renforcer leur droit. La boite à outils pourrait être intéressante pour eux sans pour autant se substituer aux droits nationaux. Mais ce n’est pas ce qui est proposé par la Commission européenne. En aucun cas nous ne pouvons accepter d’avoir concomitamment deux corps de règles sur le même territoire.

M. Michel Diefenbacher. Je suis surpris que la Commission européenne ait pu présenter un texte aussi peu abouti dont les lacunes ont été énumérées par la rapporteure. Il est donc logique de proposer le rejet de ce texte. Par ailleurs, je ne vois pas trop ce que pourrait être une « boite à outils » et comment nous pourrions nous passer de supports législatifs pour mettre en œuvre les dispositions proposées.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le rejet, mais il y a aussi possibilité d’une porte de sortie pour la Commission européenne. Par ailleurs, je suis inquiète sur le fond de sa position qui ne prend pas ainsi en compte les positions des gouvernements et des parlements telles qu’elles ont été récemment exprimées.

M. Michel Diefenbacher. Je m’interroge sur la nécessité de maintenir tant de souplesse.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je crois que le rejet est clairement affirmé même si nous ne nous opposons pas à la création d’une « boite à outils ». Je constate bien qu’il existe une large unanimité chez tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés pour s’opposer à ce texte.

Puis la Commission a adopté à l’unanimité les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente (COM [2011] 635 final/no E 6713),

Constatant que son objet, qui est de créer un droit commun européen de la vente (DCEV) sous la forme d’un second régime de droit contractuel au sein du droit national de chaque Etat membre conduit à rouvrir des débats importants et difficiles qui viennent à peine d’être clos avec l’adoption très récente de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs,

Constatant que la teneur de ce DCEV suscite des réserves de la part d’organisations représentant tant les consommateurs, que les entreprises et les professionnels,

Constatant que ce droit, tel qu’il est proposé, n’est réellement facultatif que pour le fournisseur et qu’il ne laisse pas de véritable choix à l’acquéreur, sauf s’il renonce à son achat, en ne prévoyant pas que son refus du DCEV conduit automatiquement à appliquer le droit national habituel,

Constatant que des clauses d’extension très large lui donnent vocation à ne pas s’appliquer aux seules transactions transfrontalières et à celles dont le client est soit un consommateur, soit une PME, mais permettent de l’appliquer à toutes les transactions internes pour les Etats membres qui le souhaitent comme à toutes les transactions entre les entreprises,

Considérant ensuite que cette proposition ne peut être fondée sur l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais sur son article 352 et constatant alors que son adoption doit alors intervenir à l’unanimité des membres du Conseil, et non plus à la majorité qualifiée,

Considérant également que les difficultés de subsidiarité et de proportionnalité ont su être évitées,

Considérant aussi que la technique précitée du second régime de droit contractuel au sein du droit national de chaque Etat membre conduit à des incertitudes sources d’insécurité juridique quant à son articulation avec les autres corps de règles de droit et conduit également à des reculs dans le niveau de protection des consommateurs de même que des PME, dans leurs transactions avec leurs fournisseurs, en ce qu’elle conduit notamment à écarter, pour le champ couvert par ses dispositions, les règlements Rome I et Rome II, et par conséquent l’application de dispositions d’ordre public du droit national,

Constatant enfin qu’elle conduit pour le surplus à des redondances peu utiles avec d’autres dispositions du droit de l’Union européenne,

1. Juge que la proposition de règlement précitée ne peut être que rejetée,

2. Estime néanmoins que, sous réserve d’un examen détaillé de nature politique et technique, les dispositions qu’elle propose pour le DCEV peuvent servir de base à une « boite à outils » à la disposition des Etats membres comme du législateur communautaire, et pour ce qui concerne les contenus numériques, comme base de travail à une éventuelle initiative législative sectorielle. »

II. Communication de M. Guy Geoffroy sur la conclusion et la signature de l’accord entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne sur l’utilisation et le transfert des données PNR au ministère américain de la sécurité intérieure (E 6867 et E 6869)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. La présente communication vise à présenter le projet d'accord en négociation avec les Etats-Unis pour la collecte et l'utilisation des données PNR à des fins répressives. Notre commission s'est prononcée le 16 novembre dernier sur la proposition de directive tendant à instituer un système PNR européen. La proposition de résolution adoptée à cette occasion a été ce matin même confirmée par la Commission des lois et adoptée sans modification. Le caractère délicat des négociations entre les Etats-Unis et l'Union sur cette question n'est pas une surprise. Le projet d'accord qui nous a été transmis devrait être soumis au Conseil Justice et affaires intérieures du 13 décembre pour adoption.

La collecte des données PNR se fait à l’heure actuelle sous l'empire d'un « accord », qui avait pris la forme d'un échange de lettres et avait, pour parler franchement, été imposé par les Etats-Unis à l'Union européenne. Tous reconnaissent la nécessité pour les Etats-Unis de mieux se protéger par la collecte d’informations préalablement à l'arrivée des passagers sur leur territoire. Mais la limitation des droits des personnes et des libertés individuelles, notamment par la durée de conservation des données ou par leur éventuelle transmission à des Etats tiers, doit être équilibrée au regard des enjeux. Toute atteinte aux droits individuels doit être proportionnée. En 2007, l'Union était passée sous les fourches caudines d'un Etat ami, sous la menace que les avions des compagnies aériennes européennes ne puissent plus atterrir ou décoller sur le sol américain.

La proposition d'accord est en progrès par rapport à la base déséquilibrée de l'accord de 2007. Ces progrès ont été opérés sous l'impulsion de plusieurs gouvernements, dont le nôtre. Le travail fait ici a ainsi contribué à éclairer le gouvernement et à conforter ses positions dans la négociation européenne. Toutefois, de manière globale, les progrès demeurent mesurés et devront être renforcés. Les principales questions posées ont trait à la qualification des données transmises, à la procédure de transfert, au délai de conservation et à l'éventuel transfert vers des Etats tiers. Nos conclusions n'auront qu'un poids relatif puisque l'accord devrait être adopté la semaine prochaine. Toutefois, il faut que nous formions un avis qui relève les progrès réalisés tout en soulignant ce qui doit être amélioré. Il ne faut pas non plus perdre de vue les clauses de réexamen avec l'espoir de faire avancer la pratique vers ce que nous estimons indispensable. J'ajoute que si nous adoptons un système PNR européen, nous aurons alors une base claire pour maintenir et défendre nos positions vis-à-vis des Etats-Unis.

La proposition de directive européenne vise actuellement une durée de conservation de un mois avant le masquage des données, ce qui a très peu d'intérêt et vide le dispositif de son contenu. La durée de conservation pourrait être rapprochée de la première période de six mois prévue dans l'accord avec les Etats-Unis. Je rappelle de nouveau, comme devant la Commission des lois ce matin, que les attentats du 11 septembre 2001 sont partis du sol américain. Il est ainsi important, s'agissant d'un PNR européen, de ne pas écarter les vols intra européens et de garder cet élément à l'esprit.

Les négociations du projet d'accord aujourd'hui présenté pour adoption ont été complexes et, s'agissant d'un premier état des négociations au début de l'été 2011, la commission des affaires européennes avait adopté des conclusions provisoires très réservées au cours de sa réunion du 13 juillet 2011.

Il convient de noter que le Sénat américain a adopté le 18 mai 2011 une résolution demandant que les dispositions actuellement en vigueur ne soient en aucune manière affaiblies – ce qui traduit la volonté de céder le moins possible d'imposer les caractéristiques de l'accord – s’opposant à toute interférence dans la coopération et l’échange d’informations avec des Etats tiers en matière de lutte contre le terrorisme et à l’établissement d’une structure de supervision européenne.

Le projet d'accord présente des avancées certaines par rapport au droit actuel. L’accord ne prend pas la forme d’un échange de lettres. Le champ d'application de l'accord est défini à l’article 4 et comporterait les infractions terroristes ainsi que les infractions transnationales, dès lors qu'elles sont passibles d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans – un seuil de un an a été proposé au cours de la négociation, ce qui aurait signifié que des infractions transnationales d'importance modérée auraient pu être comprises dans le champ d'application de l'accord, ce qui n'aurait pas été proportionné. Toutefois, la définition du caractère transnational d'une infraction est large et il conviendra de revenir sur ce point.

En matière de données sensibles (article 6), dans la mesure où elles seraient recueillies dans les dossiers passagers, le ministère américain de la sécurité intérieure devrait filtrer et masquer les données sensibles et ne serait autorisé à les utiliser que dans des circonstances exceptionnelles lorsque la vie d'une personne pourrait être menacée ou mise gravement en péril. Cet encadrement n'est pas qu'une clause de style. Lorsque j'avais rencontré l'Attorney General des Etats-Unis en 2010 afin d'évoquer les sujets PNR, j'avais pu constater qu'ils étaient désireux d'aller vers quelque chose de plus équilibré.

En matière de conservation des données (article 8), des progrès ont certes été réalisés par rapport à l'accord actuellement en vigueur, mais la durée de conservation totale en matière de lutte contre le terrorisme demeure de quinze ans. Les données seront conservées pendant cinq années sur une base de données active. Toutefois, à l'issue des six premiers mois de conservation, les données seront dépersonnalisées et les données personnelles masquées. Ensuite, les dossiers passagers seront transférés sur une base de données dormante, et ne seront pas re-personnalisés, excepté dans le cadre d'opérations menées par des services répressifs. À l'issue de la période dormante, les données ne seront pas détruites mais rendues entièrement anonymes, de manière définitive. Les parties ont convenu que, dans le cadre de l'évaluation de l'accord qui sera menée après une année de mise en oeuvre, la nécessité d'une période dormante de dix ans sera examinée. Cette clause de réexamen est positive.

Les transferts des données des dossiers passagers vers un Etat tiers (article 16) ne répondent pas aux conditions souhaitées par notre commission. Elles ne sont pas non plus conformes au mandat de négociation. Il est prévu que les Etats-Unis puissent transférer des dossiers passagers aux autorités publiques compétentes de pays tiers uniquement dans des conditions compatibles avec le présent accord, et après avoir obtenu l'assurance que le destinataire a l'intention d'utiliser ces dossiers conformément aux dispositions de l'accord. Ceci est cohérent mais de telles conditions de transfert demeurent insuffisantes. Il faut regretter que l'accord de l'Etat d'origine des données, qui est un principe de base en droit européen s'agissant de la protection des données, ne soit pas requis. Un tel préalable a pourtant été jugé nécessaire à plusieurs reprises par l'Assemblée nationale, par le Sénat et par le Parlement européen.

Je vous propose donc d'adopter des conclusions qui, tout en prenant état des progrès réalisés par rapport à l'accord actuel, maintiennent les objections déjà formulées par la commission des affaires européennes.

Le Président Didier Quentin. Merci pour cette communication sur ce sujet sensible. J’avais une question sur le caractère exceptionnel du l’usage du système « pull ». Cela ne serait donc pas exclu ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est toute la question des exceptions qui doivent être très encadrées alors qu’elles sont aujourd’hui prévues de manière trop large.

La Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre les Etats Unis d'Amérique et l'Union européenne sur l'utilisation et le transfert des données des dossiers passagers (données PNR) au ministère américain de la sécurité intérieure (COM (2011) 805 final/no E 6867),

Vu la proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre les Etats Unis d'Amérique et l'Union européenne sur l'utilisation et le transfert des données des dossiers passagers (données PNR) au ministère américain de la sécurité intérieure (COM (2011) 807 final/no E 6869),

1. Juge que les données des dossiers passagers (PNR) constituent un outil nécessaire à la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité ;

2. Prend acte des avancées obtenues au cours de la négociation ;

3. N’est toutefois favorable ni à une définition trop large de la criminalité transnationale, ni au maintien d’un délai total de conservation des données de quinze années en matière de lutte contre le terrorisme ;

4. Estime que les garanties apportées par le projet d’accord en matière de transfert des données aux autorités publiques des Etats tiers par les Etats-Unis sont insuffisantes et rappelle sa position exprimée le 13 juillet 2011 selon laquelle l’accord de l’Etat d’origine des données devrait être acquis avant tout transfert ;

5. Demande que l’usage du système « pull », par lequel les autorités américaines auraient accès aux bases de données des compagnies aériennes, revête un caractère absolument exceptionnel. »

III. Communication de M. Didier Quentin sur la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies de l’Union (E 6692)

Le Président Didier Quentin, rapporteur. En 1987, largement à l’initiative du président de la Commission européenne Jacques Delors, l’Union européenne a institué un programme financé sur fonds communautaires, permettant de fournir à certaines associations caritatives des denrées alimentaires destinées à être distribuées aux personnes les plus démunies de l’Union. Ce programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) a été intégré dans le règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, règlement « OCM unique ». L’article 39, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne selon lequel « la politique agricole commune (PAC) compte parmi ses objectifs, la stabilisation des marchés et la garantie de prix raisonnables pour les consommateurs », constitue la base juridique de ce programme. Il donne lieu chaque année à un règlement de la Commission répartissant l’enveloppe budgétaire communautaire entre les Etats membres.

Pendant deux décennies, les stocks d’intervention ont été une source d’approvisionnement suffisante de ce programme. Cependant, en raison des orientations nouvelles de la PAC, les stocks d’intervention se sont trouvés réduits, au moment où les élargissements successifs de l’Union européenne ont entraîné une augmentation du nombre des personnes démunies. L’approvisionnement du programme a été de ce fait assuré par des achats sur le marché, une dotation budgétaire étant prévue à cet effet.

Compte tenu de ces évolutions, ainsi que de la hausse du prix des denrées alimentaires, la Commission européenne a souhaité faire évoluer les règles encadrant ce programme et a, en 2008, fait une proposition de révision du programme sur la base des éléments suivants :

- deux sources d’approvisionnement : les denrées alimentaires proviendraient soit des stocks d’intervention, soit du marché. Le recours au marché ne serait plus limité aux situations d’indisponibilité temporaire mais le recours aux stocks serait privilégié ;

- une plus grande variété de denrées alimentaires à distribuer et des priorités plus clairement définies ;

- un cofinancement, qui pourrait être porté à 75 % ou 85 % dans un premier temps, pour les Etats membres bénéficiant du Fonds de cohésion.

Lors de son discours devant le Parlement européen, le Président de la Commission européenne avait indiqué que la Commission prévoyait une augmentation de deux tiers du budget consacré à cette initiative, porté à 500 millions d’euros.

Lors du Conseil « Agriculture » de novembre 2008, une minorité de blocage de six pays – Royaume- Uni, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark et République tchèque – s’est constituée contre ce projet, empêchant toute avancée. Ces pays considèrent en effet que le PEAD est avant tout un programme social, qui devrait donc ne relever que des Etats membres.

L’Allemagne, particulièrement opposée au programme, a déposé le 23 décembre 2008, un recours en annulation sur le règlement qui fonde le PEAD pour l’année 2009. La Cour de justice de l’Union européenne lui a donné raison et a annulé les dispositions du plan de distribution pour 2009 qui prévoyait l’achat de denrées sur le marché. La Cour a estimé que l’achat de denrées constitue une exception à la règle qui est de distribuer des produits issus des stocks d’intervention.

Dans ce contexte, pour l’exercice budgétaire 2012, la Commission a donc réparti, dans le strict respect des conclusions de l’arrêt, une enveloppe de 113,5 millions d’euros entre les vingt pays bénéficiaires, soit une réduction drastique par rapport à l’enveloppe de 500 millions initialement prévue. L’enveloppe pour la France passerait à 15,9 millions contre 72,7 millions en 2011.

Afin de tenter de dégager une majorité qualifiée, la Commission a présenté le 3 octobre 2011, une nouvelle proposition de règlement fondée sur une double base juridique : à la base « PAC » présentée depuis l’origine, la Commission a proposé d’adjoindre une base « cohésion sociale », article 175 alinéa 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le financement du programme reste en revanche porté par le FEOGA. Dans le même temps, la Commission a renoncé à sa proposition de 2008 d’introduire un cofinancement obligatoire, afin de raffermir le soutien des Etats membres favorables au PEAD.

Des efforts diplomatiques intenses ont été fournis par le Gouvernement français qui était très soucieux de préserver ce programme dans lequel la France était précurseur. Un accord politique a été trouvé avec l’Allemagne, au niveau des chefs d’Etats et de Gouvernement, en marge du sommet du G20 de Cannes, afin de les rallier à la majorité. Il s’agit de prolonger le programme sur 2012 et 2013, la concession de la France étant un constat formel que les conditions ne sont pas réunies pour un accord permettant le maintien d’un PEAD sur le budget communautaire à compter de 2014.

Lors du Conseil « Agriculture et pêche » le 14 novembre 2011, la France a présenté les termes de l’accord intervenu avec l’Allemagne, permettant de sauver la poursuite du programme européen pour les deux années à venir, à la condition que celui-ci ne soit pas prolongé au-delà de la fin 2013. En tout état de cause, les cartes seront rebattues en 2013, avec les nouvelles perspectives financières et la réforme de la PAC. Cet accord a conduit la Présidence polonaise à considérer que les conditions étaient désormais réunies pour dégager un accord à la majorité qualifiée, lors du Conseil « Agriculture et pêche » des 15 et 16 décembre.

M. Jacques Desallangre. Bien entendu, nous ne pouvons qu’approuver ce texte à défaut de nous voir proposer une meilleure solution mais, s’il y a la règle, il existe aussi l’esprit. Cette remise en cause de la solidarité constitue une énorme faute psychologique. Je ne comprends pas que nous puissions présenter un tel message à des personnes pauvres. Je regrette que l'Union européenne reste sur ses positions et laisse chaque pays se débrouiller avec ses pauvres.

Le Président Didier Quentin, rapporteur. Je suis d’accord. L’effet psychologique est catastrophique.

Mme Pascale Gruny. Il faudra suivre l’évolution de ce dossier car nous ne pouvons pas dire que nous ne nous en préoccuperons qu’en 2013.

Le Président Didier Quentin, rapporteur. Ces questions ont été abordées au G20. Les Allemands ont fait un pas et il sera intéressant de savoir si le Groupe des 6 restera sur cette ligne.

M. Michel Diefenbacher. Je rappellerai que la Cour des comptes avait fait une étude à ma demande sur ces questions et identifié 4 millions de personnes en France comme bénéficiaires potentielles des aides alimentaires. Il convient d’être très vigilant sur d’éventuels abus car cela pourrait nuire à la position de la France dans des négociations ultérieures.

M. Jacques Desallangre. Je confirme en effet que les cas d’abus sont extrêmement rares, et certainement pas plus importants que dans d’autres domaines. Il faut surtout saluer l’excellent travail des bénévoles, qui ne sont certains pas laxistes.

M. Didier Quentin. Il est vrai que la coïncidence de cette sévérité avec une mesure populaire et utile, n’engageant finalement que des enjeux financiers modérés, avec la médiatisation des efforts considérables consentis par les Etats pour sauver notre système financier a pu nourrir les populismes de tout bord.

Mme Pascale Gruny. N’oublions pas en effet que la banque alimentaire donne aux associations, et pas directement aux bénéficiaires. Des abus existent sans doute, c’est vrai, mais je demeure convaincu qu’il ne faut pas en exagérer l’importance et atténuer par ce biais l’exemplarité incontestable de l’esprit de solidarité et de générosité qui anime tous ces acteurs en France.

La Commission a ensuite approuvé la proposition d’acte communautaire.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Didier Quentin, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Agriculture

- règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (CE) no 2003/2003 du Parlement européen et du Conseil relatif aux engrais en vue d'adapter ses annexes I et IV au progrès technique (E 6823).

Ø Changement climatique

- décision de la Commission concernant l'inclusion unilatérale, par l'Italie, de gaz à effet de serre et d'activités supplémentaires dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union en application de l'article 24 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (E 6756).

Ø Défense européenne

- paquet d'alignement sur le nouveau cadre législatif (mise en oeuvre du paquet « Produits ») - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché et le contrôle des explosifs à usage civil (E 6835).

Ø Environnement

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 1999/31/CE du Conseil en ce qui concerne les critères spécifiques applicables au stockage du mercure métallique considéré comme un déchet (E 6302) ;

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- projet de décision du Conseil relative à l'application de la totalité des dispositions de l'acquis de Schengen dans la Principauté de Liechtenstein (E 6814).

Ø Questions budgétaires

- proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter par l'Union européenne au sein du Comité mixte de l'EEE sur une modification de l'annexe IV (Energie) de l'accord EEE (E 6795).

Ø Transports

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les permis de conduire qui intègrent les fonctionnalités d'une carte de conducteur (E 6801).

Point B

La Commission a pris acte du texte suivant :

- directive UE de la Commission modifiant, pour les adapter au progrès technique, l’annexe II, partie III, de la directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité des jouets (E 6758).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- proposition conjointe de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1284/2009 du Conseil instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de la République de Guinée (E 6839) ;

- projet de décision du Conseil concernant l'accueil temporaire de certains Palestiniens par des Etats membres de l'Union européenne (E 6840) ;

- projet de décision du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (E 6842) ;

- projet de règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) no 442/2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (E 6843) ;

- projet de décision du Conseil modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (E 6844) ;

- projet de règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran (E 6845) ;

- proposition de virement de crédits no 7/2011 à l'intérieur de la Section IV - Cour de justice - du budget général pour l'exercice 2011 (E 6846) ;

- décision du Conseil portant nomination d'un membre belge du Comité économique et social européen (E 6847) ;

- décision du Conseil portant nomination de six membres néerlandais et de six suppléants néerlandais du Comité des régions (E 6850).

La séance est levée à 18 h 45

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 7 décembre 2011 à 17 h 15

Présents. - M. Jean-Yves Cousin, M. Michel Diefenbacher, M. Guy Geoffroy, Mme Pascale Gruny, M. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Quentin, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Philippe Armand Martin