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Commission des affaires européennes

mardi 13 décembre 2011

17 heures

Compte rendu n° 232

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Audition, ouverte à la presse, de M. Jean Léonetti, ministre chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen du 9 décembre

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mardi 13 décembre 2011

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Audition, ouverte à la presse, de M. Jean Léonetti, ministre chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen du 9 décembre

Le Président Pierre Lequiller. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes, pour faire le point sur les résultats du conseil européen du 9 décembre, qui marque une étape majeure pour la construction européenne.

Je salue le travail effectué par le couple franco-allemand, qui a abouti à un projet de nouveau traité, adopté par vingt-six Etats.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la teneur de l’accord ? Quelle est la position du Royaume-Uni, qui s’est exclu du traité proposé aux Vingt-sept ? S’oriente-t-on vers un traité à vingt-six ou un traité à dix-sept ? Ne va-t-il pas y avoir une objection britannique sur le rôle de la Commission, qui représente vingt-sept Etats ? Enfin, où en est la décision d’octroyer ou pas à la Serbie le statut de candidat à l’Union européenne ?

M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes. Jean Monnet disait : « L’Europe se fera dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises. » Compte tenu de l’importance des crises successives qu’elle traverse, l’Europe devrait donc en sortir très renforcée.

S’agissant du Conseil européen du 9 décembre, il ne s’agit pas de savoir qui de la France ou de l’Allemagne a gagné : c’est l’Europe qui a gagné. Si aujourd’hui vingt-six Etats adhèrent à cet accord, dont le contenu figure dans la lettre franco-allemande, c’est bien la preuve que les propositions présentées étaient équilibrées en termes de gouvernance, de convergence, de solidarité, de discipline, et de croissance. L’accord obtenu est l’aboutissement d’un compromis. Chacune de leur côté, la France et l’Allemagne ont avancé un certain nombre de dispositifs et, in fine, les propositions communes ont obtenu l’agrément des dix-sept pays membres de la zone euro, rejoints par neuf autres Etats de l’Union européenne.

Premier élément de l’accord : une gouvernance économique plus forte avec un pilotage renforcé de la zone euro. En cette période où la réactivité s’impose, des réunions intergouvernementales mensuelles ne seront pas inutiles.

Deuxième élément de l’accord : la convergence. Elle ne signifie pas que la France va s’aligner sur le modèle financier, économique et social allemand ou qu’elle va perdre sa souveraineté. En la matière, l’ensemble des Etats de la zone euro est allé plus loin au travers du pacte pour l’euro plus.

Troisième élément de l’accord : la discipline. La règle d’or serait inscrite dans le traité, puis déclinée à l’intérieur de chaque Etat membre en fonction des décisions prises par les Parlements nationaux. Cette discipline est une nécessité pour permettre aux Etats d’avoir confiance les uns envers les autres. La règle d’or implique ainsi une solidarité conditionnelle, c’est-à-dire fonction de l’effort consenti par chacun : le laxisme ne sera plus de mise en Europe.

Cela m’amène au quatrième élément de l’accord : la solidarité. Actuellement, le Fonds européen de stabilité financière est indépendant de la Banque centrale européenne. L’évolution proposée est que la BCE pilote le FESF, qui cohabitera pendant une période avec le Mécanisme européen de stabilité, lequel sera ensuite lui-même piloté par la Banque centrale. Cette dernière reste indépendante. Elle agira à bon escient. Les initiatives qu’elle a d’ailleurs prises récemment ont permis une détente des marchés financiers et une fluidité des capitaux.

Je précise que le Fonds monétaire international pourra apporter son aide.

En outre, je rappelle qu’il ne sera plus fait appel au secteur privé. L’exemple de la Grèce doit être exceptionnel. En effet, restaurer la confiance des marchés et des épargnants implique de ne pas laisser planer le doute sur la restructuration d’une dette, et donc de ne pas faire appel au secteur privé pour alléger la dette d’un Etat membre.

Contrairement aux pays de la zone euro, le Royaume-Uni, qui n’a pas signé l’accord, veut moins d’Europe et moins d’intégration, refuse la régulation des marchés financiers et la taxation des transactions financières. La clarification obtenue à Bruxelles est donc une bonne chose : vingt-six pays sur vingt-sept sont favorables à davantage d’intégration européenne et souhaitent, grâce à un équilibre entre solidarité et discipline, construire la croissance et l’emploi de demain.

D’autres thèmes ont également été abordés lors de ce Conseil européen, tel l’approfondissement du Marché unique. Le Brevet unique européen sera bientôt une réalité. L’emploi, en particulier des jeunes et des personnes les plus éloignées du marché du travail, est inscrit dans l’agenda européen. Une politique de réindustrialisation de l’Europe est également à l’ordre du jour. La conférence de Durban a elle aussi été évoquée, ainsi que le cas de la Serbie, sur lequel je m’arrête un instant.

Je vous rappelle que la Croatie va entrer dans l’Union européenne, au terme d’une démarche de quinze ans et de sept années d’avancées sur lesquelles la France et l’Allemagne ont mis un niveau d’exigence bien supérieur à celui demandé précédemment aux autres Etats intégrés au sein de l’Union européenne. A ce titre, elle est un exemple. A la suite de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, les Balkans occidentaux ont souffert d’une guerre effroyable qui a entraîné des violences et des actes de barbarie inouïs. Avec le président de votre Commission, nous avons visité la ville martyre de Vukovar et constaté à quel point la capacité de ces pays à se réconcilier est grande. La Serbie a vocation à entrer dans l’Europe. Ce grand pays a en effet consenti beaucoup d’efforts en matière de respect des droits fondamentaux, et a livré les responsables d’actes de barbarie afin qu’ils soient jugés par le Tribunal pénal international. La partie nord du Kosovo, à grande prédominance serbe et où les tensions restent fortes, est contiguë à la Serbie. Lorsque nous étions sur place, nous avons fait passer le message du soutien de la France à ce pays pour qu’il obtienne le statut de candidat à l’entrée à l’Union européenne et qu’il reprenne le dialogue avec le Kosovo. Aujourd’hui, le dialogue est renoué, les barricades sont en grande partie levées, et l’étape de la participation des Kosovars aux forums régionaux est sur le point d’être franchie. La Serbie obtiendra probablement le statut de candidat en février ou en mars. L’Europe est faiseuse de paix, et je considère que ce pays doit entrer dans l’Union européenne pour maintenir la stabilité à l’intérieur de la zone. Quant au Monténégro, l’ouverture des négociations d’adhésion a été décalée au mois de juillet, les législations votées par le gouvernement monténégrin n’ayant pas encore eu de résultats en matière d’Etat de droit et de lutte contre la corruption.

Selon moi, le meilleur service que nous puissions rendre aux pays des Balkans occidentaux est de nous montrer extrêmement exigeants tout en leur offrant une perspective européenne. La France est donc favorable à l’entrée des Etats des Balkans occidentaux, mais aussi de la Norvège et de l’Islande, si elles le souhaitent. Par contre, il n’y a pas de perspectives dans le partenariat oriental. Lorsque le Premier ministre et moi-même nous sommes rendus à Varsovie, nous avons clairement dit à l’Ukraine, à la Biélorussie et à la Turquie qu’elles n’avaient aucune perspective d’entrer dans l’Union européenne. En effet, l’Europe doit augmenter ses exigences en matière d’élargissement – qui, comme l’entrée dans la zone euro, a été quelquefois par le passé davantage un acte de foi qu’un acte de raison.

M. Jacques Myard. Contrairement à ce que prétend la Commission, il est parfaitement possible de faire des accords intergouvernementaux. La preuve en est que l’Eurogroupe a réussi à fonctionner à dix-sept.

Cela étant, l’accord obtenu à Bruxelles est, selon moi, incapable de répondre aux défis de la crise de la zone euro pour la simple raison que l’économie est mouvante ! Je ne suis pas contre l’objectif, mais je vous rappelle que la règle d’or a été à l’origine de la crise mondiale de 1929 – la constitution autrichienne avait prévu que jamais l’Etat autrichien ne pourrait renflouer une banque.

Une fois encore, on nous propose de traiter le problème des dettes, c’est-à-dire la conséquence et non la cause de la crise. Or comme le montre un article de Jean-Pierre Robin paru dans Le Figaro, la discipline budgétaire ne nous permettra pas de compenser la perte de compétitivité. L’accord nous propose une politique déflationniste qui va accélérer la crise – tous les experts prédisent d’ailleurs une récession en 2012, avec une croissance inférieure à 1 %. On est donc en train de bâtir quelque chose qui va ressembler à l’économie japonaise.

En outre, monsieur le ministre, vous nous dites que la Banque centrale devrait piloter le FESF ; or l’Allemagne a exprimé une position totalement contraire !

Bref, faute de monétisation de la dette, je ne donne pas cher de la zone euro dans les mois qui viennent !

M. Robert Lecou. Selon moi, le monde financier doit contribuer à l’effort collectif. Monsieur le ministre, où en sont les discussions européennes sur la taxation des transactions financières ?

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le ministre, vous avez souligné qu’il ne fallait pas faire appel au secteur privé, ce que je regrette.

L’accord prévoit des sanctions automatiques en cas de déficit excessif, avec une harmonisation fiscale et un rôle accru de Bruxelles. Or n’est-il pas paradoxal d’accorder plus de pouvoir à des institutions qui sont apparues très faibles dans la crise, ces derniers mois ?

Par ailleurs, la rigueur, sans forte légitimité de ceux qui la portent, ne fait-elle pas craindre aux dirigeants un fort mouvement d’opinion contre l’Europe ?

Enfin, la perspective annoncée par plusieurs instituts d’une contraction de l’activité de l’ordre de 1,5 % l’année prochaine dans la zone euro est-elle prise en compte ?

Le ministre chargé des affaires européennes. La première question qui se pose est celle de savoir s’il faut un traité. Le six pack n’est rien d’autre qu’une discipline budgétaire, et le Fonds européen de stabilité financière rien d’autre qu’un mécanisme de stabilité et de solidarité. Si l’on doit franchir une étape supplémentaire, c’est justement pour augmenter la solidarité et la discipline budgétaire afin d’instaurer un climat de confiance. Un certain nombre de choses peuvent être faites sans avoir recours à un nouveau traité, mais si nous voulons un mécanisme européen de stabilité efficace et une règle d’or appliquée de façon homogène à l’intérieur de la zone euro, il faut les inscrire dans un traité.

La deuxième question est de savoir s’il faut un accord à dix-sept ou à vingt-six. Le Royaume-Uni continue à faire partie de l’Europe, mais il n’adhère pas à cette intégration supplémentaire. Cela étant, il ne serait pas fair-play de sa part d’empêcher les autres pays d’avancer dans la voie qu’ils ont librement choisie. En tout état de cause, il ne pourrait pas s’opposer à une grande partie des mesures du fait des nouveaux traités ; pour une petite partie de ces mesures, un doute juridique devra être levé– les éléments juridiques sur le nouveau traité sont plutôt rassurants, à cet égard.

Monsieur Myard, oui, la procédure intergouvernementale est légitime. Pourquoi la Commission aurait-elle plus de légitimité que les chefs d’Etat et de gouvernement des pays démocratiques ? Je me garderai bien de prétendre que le Conseil européen du 9 décembre a été un sommet historique, mais je crois qu’une étape décisive a été franchie. En effet, pas un pays de la zone euro n’a contesté le projet franco-allemand, inspiré de la lettre franco-allemande, et presque tous les autres pays ont, en responsabilité, adhéré à ce projet. Cela témoigne d’une grande lucidité des Etats devant le danger.

Certes, la règle d’or ne suffit pas à elle seule, mais pensez-vous que l’Allemagne pourrait continuer à assumer la dette d’un pays comme la Grèce sans une règle globale imposant à l’ensemble des pays des efforts légitimes afin de ne pas creuser leur déficit ? Comme l’a dit Rousseau, la liberté est l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite. En se prescrivant une loi commune, les Etats membres non seulement ne perdent rien de leur souveraineté, mais augmentent leur solidarité les uns vis-à-vis des autres. La discipline ne suffit pas, mais ce n’est pas la seule mesure prise : le mécanisme européen de stabilité permettra de retrouver le chemin de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi. Aurait-il fallu un autre plan de relance ? Avec quel argent ? Je précise que le pilotage du MES par la Banque centrale européenne est une proposition de la chancelière Angela Merkel, qui a repris une proposition de M. Mario Draghi.

Face à la crise mondiale, l’Europe n’est-elle pas ainsi l’élément qui doit créer la dynamique nécessaire à l’apurement des dettes des Etats ?

La taxation sur les transactions financières est une proposition franco-allemande qui reprend elle-même une proposition de la Commission de septembre 2010. La mise en œuvre de cette recette est une obligation politique, économique et morale : il n’est pas injuste que les transactions financières, qui ont été en partie à l’origine de la crise contribuent à l’effort. Elle peut être instaurée au niveau de la zone euro, voire au-delà.

Madame Karamanli, la volonté de ne pas recourir au secteur financier privé – qui déstabilise l’épargnant et les marchés financiers, et non le spéculateur – est très largement partagée. Si nous y avons eu recours pour la Grèce, c’est parce l’urgence de la situation nécessitait d’éponger une dette importante que ne voulaient pas assumer l’ensemble des Etats membres. Cette contribution pour un petit pays, dont l’économie ne représentait que 2 % du PIB de la zone euro, a permis d’éteindre un incendie, mais il ne faut pas que cela se reproduise, sous peine de discréditer toutes les mesures ultérieures.

Personne ne peut contester que les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont signé le 9 décembre soient issus d’élections libres. Ils ont donc la liberté d’engager, en toute responsabilité, leur pays dans des traités. C’est le principe démocratique, qui passe également par le Parlement européen et les parlements souverains. Prétendre que l’accord est antidémocratique en ce qu’il propose des avancées qui ne sont pas en lien direct avec le peuple est une mauvaise analyse.

Enfin, en matière de perspectives pour la zone euro, un clivage est apparu. La Pologne, qui préside actuellement l’Union européenne, l’a dit et répéter, il faut différencier ceux qui veulent entrer un jour dans la zone euro et ceux qui s’y refusent, à savoir la Grande-Bretagne et le Danemark. Notons tout de même que ce dernier, qui va succéder à la Pologne à partir de janvier, a adhéré au traité.

Dans ce contexte, la nouvelle Europe qui se dessine ne s’étend pas à l’infini : elle reste dans des frontières et se protège par la réciprocité. C’est cette Europe-là que nous devons renforcer. C’est en tout cas la réponse qui a été apportée le 9 décembre et qui, selon moi, marquera un tournant décisif dans la construction européenne.

M. Didier Quentin. A notre collègue Jacques Myard, je dirai que le Japon couvre son endettement, qui s’élève à 220 % de son PIB, par l’épargne nationale et consacre 3,5 % de son PIB à des dépenses de recherche.

Monsieur le ministre, quelles coopérations sont possibles avec nos amis britanniques ? Je rappelle que la France et la Grande-Bretagne consacrent environ 2 % de leur PIB à des dépenses militaires, et nos chers amis allemands moins de 1 %.

Pourriez-vous nous préciser l’action de la Banque centrale européenne pour fluidifier les marchés bancaires et permettre aux entreprises et aux ménages d’accéder au crédit ? La question essentielle étant celle de la relance, quels sont les gisements de croissance exploitables dans un avenir proche ? Enfin, comment concilier relance et rigueur – même si ce dernier terme est récusé par le Président de la République dans une interview parue dans un journal du soir daté de mardi ?

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les mesures visant à encadrer les marchés financiers prises à l’issue du sommet européen ?

En posant le principe d’une convergence économique, l’accord conclu entre les Etats membres implique également une convergence européenne en matière de normes sociales et fiscales. Quelles initiatives prendra la France pour parvenir à cette harmonisation sociale et fiscale ?

Enfin, comment peut-on parler de règle d’or si elle est déclinée à l’intérieur des Etats ?

M. Christophe Caresche. S’agissant de la portée de cet accord, nous verrons à l’usage. L’analyse de Jacques Myard me semble parfaitement juste : l’intervention massive de la BCE est au cœur du débat depuis le début de la crise. L’Allemagne, qui ne la souhaitait pas, a placé quant à elle, au centre de la discussion, la question de la discipline budgétaire. Rappelons-le, la France n’était pas favorable au départ à une modification des traités. Les initiatives prises par la Commission européenne sur le renforcement du pacte de stabilité répondaient largement aux problèmes qui se posaient. La décision allemande était unilatérale : Herman Van Rompuy avait proposé des modifications plus légères touchant aux protocoles des traités, et, hier, la Commission a également considéré qu’on aurait pu agir sans modifier les traités. La décision est à présent actée et il va falloir la mettre en œuvre avec toutes les incertitudes juridiques et politiques que cela implique puisque les dispositions devront être soumises aux représentants nationaux.

Le préalable posé par l’Allemagne étant maintenant derrière nous, comment allons-nous avancer sur le reste ? A cet égard, les mesures proposées me semblent insuffisantes. Certes, la BCE interviendra dans le cadre de la gestion du mécanisme européen de stabilité. Mais ce ne sera qu’une assistance technique : le mécanisme ne pourra pas recourir aux liquidités de la BCE en dépit du souhait exprimé par la France. Comment le MES pourra-t-il faire face à la pression des marchés ? Le plafond de 500 milliards d’euros sera-t-il suffisant ? Le mécanisme doit être opérationnel d’ici à juillet 2012. A la différence du Fonds de stabilité, le MES comporte des fonds propres. Quatre-vingts milliards étant à la charge des Etats, la France devra apporter, pour sa part, 15 milliards. Comment sortir cette somme de notre budget ?

S’agissant du secteur privé, je me réjouis de la décision prise. En effet, l’intervention du secteur privé dans la résolution de la crise grecque a eu un coût extrêmement important pour les banques, qui doivent être recapitalisées, et a fait fuir tous les investisseurs.

Une question au président Lequiller pour terminer. Le semestre européen comporte plusieurs étapes. Or entre la fin des travaux de l’Assemblée prévue le 24 février et le mois de juin, l’étape relative aux plans nationaux de réforme et les programmes de stabilité doivent être soumis pour avis aux parlements. Comment allons-nous procéder ?

Le Président Pierre Lequiller. Je ne peux vous répondre aujourd’hui, Monsieur Caresche, s’agissant de l’implication d’ensemble de l’Assemblée sur le semestre européen après février. Peut-être peut-on envisager une réunion spécifique de notre commission sur le semestre européen au cours de cette période.

M. André Schneider.  En préambule, je tiens à saluer l’efficacité du tandem franco-allemand. Certains évoquent une Europe à deux vitesses. Je parlerai pour ma part d’Europe à plusieurs vitesses : il y a l’Europe des dix-sept de la zone euro, celle des vingt-sept de l’Union et celle des quarante-sept du Conseil européen. Monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur l’avenir de cette diversité européenne ?

Puisque vous étiez hier à Strasbourg, quel message rassurant puis-je répercuter sur mes concitoyens quant au devenir de Strasbourg, siège du Parlement européen ?

Mme Marie-Louise Fort.  Alors que Jérôme Lambert et moi-même étions en Chine la semaine dernière, nous avons pu noter que les Chinois suivaient de très près les négociations européennes. Ils ne voulaient rien laisser paraître de leur inquiétude et se disaient très confiants dans la capacité de l’Europe à s’en tirer.

Avons-nous une idée de la date à laquelle pourra se tenir le sommet Union européenne-Chine, repoussé en raison de la crise ? Quel rôle éventuel pourrait tenir la Chine dans la suite de cette crise ? Les Chinois n’oublient pas que les Européens sont des clients très importants.

M. Michel Diefenbacher. Comme Didier Quentin, je m’interroge sur la nécessité de prévoir une relance économique. La menace d’une récession dans les différents pays européens se précise, en effet, avec la persistance d’une crise de confiance et la raréfaction croissante des ressources publiques permettant de soutenir les économies. Dès le début de l’année prochaine, notre principal souci risque donc de consister, non seulement à traiter la dette souveraine, mais aussi à soutenir l’activité économique. A cet égard, nous ne pourrons agir que sur un seul levier : les crédits bancaires à l’économie. Or Bâle 3, dont la Commission prépare les textes d’application, ne va pas dans ce sens. Si à toutes les restrictions de crédits budgétaires s’ajoutent des restrictions bancaires, nous serons confrontés à un gros problème de soutien à l’économie. Cette question a-t-elle été évoquée dans le cadre du sommet européen ? Quelle sera notre attitude à l’égard des exigences du Royaume-Uni, dans ce domaine ?

Il est évident que les Britanniques ont été traumatisés par ce qui s’est passé il y a trois ans : contrairement à ce qu’ils pensaient, leurs banques n’étaient pas solides et ils ont été obligés de les nationaliser partiellement, ce qui a coûté très cher. Les difficultés financières qui en ont découlé place aujourd’hui le budget britannique dans une situation encore plus délicate. D’où leur volonté d’être extrêmement exigeants en matière de règle prudentielles appliquées aux banques. Mais cela aura pour conséquence de frapper plus durement encore les banques françaises, considérées comme systémiques. Ce sont les pratiques dangereuses, et non la dimension des banques, qui sont systémiques. Le fait que les Britanniques restent à l’extérieur de la ratification de la modification des traités ne va-t-il nous donner un peu plus de liberté à leur égard et nous permettre d’introduire un peu plus de souplesse dans l’application de Bâle 3 ?

M. Gérard Voisin. Je n’ai jamais prétendu être un grand économiste, mais aujourd’hui, les débats européens volent tellement haut que l’homme simple que je suis se tourne plutôt vers des solutions à la Antoine Pinay. Après la guerre, la solution, pour sortir de la crise, a consisté à travailler. Or, ces derniers jours, j’ai rarement entendu parler de recettes provenant du fruit du travail, de la réindustrialisation des pays de l’Union européenne et notamment de la France. Nous n’exportons plus guère que des avions et des vins et spiritueux.

En France, le taux de l’épargne des ménages est relativement haut puisqu’il est de 16,8 %, contre 17 % en Allemagne. Mais il semblerait que cela ne suffise pas pour faire le joint avec les sommes nécessaires. Au Japon, ce taux était de 23 % en 1975, et c’était l’euphorie, mais il est tombé à 11,4 % en 1997, période de dépression. M. de Romanet nous a expliqué que personne ne voulait prêter de l’argent aux Européens. Quel niveau le taux d’épargne des Français doit-il atteindre pour nous permettre de nous en sortir ? Peut-être faut-il prévoir une TVA particulière pour que produire et acheter français, ce slogan que je fais mien depuis longtemps, puisse se concrétiser. Attachons-nous à voir comment nous pouvons progresser de manière simple dans tout ce bazar. Nos électeurs ne comprennent rien à tous ces mécanismes. Eclairez-nous, monsieur le ministre !

M. Jérôme Lambert.  Quelques jours après cet accord présenté comme historique – un de plus ! –, on s’aperçoit que le scepticisme est très fort et que les inquiétudes ne sont pas tout à fait apaisées. Il est vrai que le résultat auquel nous sommes parvenus est toujours le même : encore un peu plus de rigueur pour l’économie réelle. Où est la rigueur pour « l’économie » spéculative ? C’est pourtant le système spéculatif qui est responsable de la crise actuelle. On parle beaucoup de la dette européenne mais jamais de la crise de la dette du Japon ou de celle des Etats-Unis alors que le premier est trois fois plus endetté que nous et que pour les seconds, c’est 50 % de plus.

Pour moi, la dette n’est pas la vraie raison de la crise. Ce énième sommet de la dernière chance s’attaque au problème de la dette mais pas aux raisons profondes de la crise.

Le ministre chargé des affaires européennes. La Grande-Bretagne reste sur la photo de famille. Elle et nous sommes d’accord sur la politique énergétique à mener, sur le fait de mettre en commun, sous l’égide de l’OTAN, nos forces armées pour libérer un pays d’un dictateur. Il est vrai que nous sommes les deux seuls pays européens à avoir une armée dotée d’une capacité opérationnelle. Nous partageons aussi la même vision de l’organisation des budgets européens, cherchant l’un et l’autre à dépenser mieux plutôt que dépenser plus. Nous avons enfin, à l’égard du Moyen-Orient, de la Syrie, de l’Iran, les mêmes positions fermes, affichées comme telles sur le plan international.

La divergence entre nos deux pays tient à l’économie : celle des Britanniques est basée sur la city, la nôtre sur l’agriculture. Malgré la désindustrialisation qui s’est opérée dans un monde compétitif, on peut aussi considérer que l’Europe continue à avoir une politique industrielle et de réindustrialisation. Il y a des divergences mais la Grande-Bretagne ne doit pas quitter l’Union européenne. Il faut accepter que des Etats choisissent des vitesses et même des degrés différents d’intégration. Les histoires, les économies, les stratégies nationales ne sont pas similaires, en effet. L’Union européenne, ce n’est pas les Etats-Unis d’Europe : il est donc logique que chacun défende les intérêts de son pays.

Comment concilier relance et rigueur, avez-vous demandé, monsieur Quentin. Comment faire en sorte que la discipline budgétaire n’altère pas la relance et rendre cette dernière possible alors que l’argent est rare ? Qui va prêter de l’argent aux Etats membres ? Le plan de relance de 2008 a permis d’éviter la récession mais ne peut plus être la solution aujourd’hui. Le niveau d’endettement de l’ensemble des pays européens est tel qu’ils ne peuvent pas puiser dans les caisses et refaire de la dette pour relancer l’économie. C’est la raison pour laquelle il nous faut réfléchir au budget européen 2014-2020. Il doit être un facteur de croissance et de compétitivité. Grâce à la règle de la réciprocité, à un marché intérieur fort, l’Europe deviendra une zone compétitive.

Nous devons également mettre en œuvre des politiques sectorielles fortes. Je pense au numérique, à la croissance verte, aux grands projets industriels. ITER, GEMS, Galileo sont des projets phares, créateurs d’emplois et de compétitivité. J’ai le plaisir de vous annoncer que ce matin, à Strasbourg, le vote sur ITER a été obtenu avec une majorité confortable alors que ce projet, tout comme GEMS, n’est pas inclus dans les perspectives financières 2014-2020, ce qui n’est pas acceptable. Les économies ne doivent pas être faites sur ces grands projets structurants. La dynamique insufflée par Michel Barnier dans le marché intérieur devrait porter ses fruits à terme.

Sur la convergence, dans le cadre du pacte pour l’euro plus, nous avons déjà envisagé la convergence fiscale qui doit s’associer à une convergence sociale. L’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés se met en place, la taxe sur les transactions financières est prévue, l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés entre la France et l’Allemagne devrait intervenir très rapidement. Ce sont des signes forts. Il ne s’agit pas de copier tel ou tel modèle social. Chaque pays a organisé sa couverture sociale et sanitaire comme il l’entend. Mais il peut être intéressant de regarder ce qui coûte moins cher ailleurs avec des résultats quasiment comparables.

Sur la BCE, pourquoi le nier, il y avait une divergence de points de vue entre la France, qui souhaitait que la Banque joue un rôle, et l’Allemagne, qui considérait que celle-ci ne devait pas agir. La Banque centrale européenne a finalement agi en toute indépendance : elle a baissé son taux directeur de 1 %, en coordination avec l’ensemble du système bancaire international. Elle a donc garanti les liquidités des banques. Elle n’alimentera pas de façon massive et sans contrôle le mécanisme européen de stabilité mais elle sera la mieux placée pour voir s’il faut intervenir. Rappelons-le, une intervention a déjà eu lieu de manière majeure, à hauteur de 200 milliards d’euros. Certes, nous n’en sommes pas aux 2 000 milliards évoqués par certains pour disposer d’un fonds européen de stabilité financière garantissant toutes les situations. Il reste que ces interventions spontanées sont loin d’être négligeables. Le Fonds monétaire international pourra également intervenir.

A cet égard, la question de Christophe Caresche était fort juste : comment la France pourra-t-elle sortir 15 milliards d’euros ? Je rappelle que cela se fera sur cinq ans. Cela ne représentera donc « que » 3 milliards par an. Notre pays devrait être en mesure de relever ce défi. Les 80 milliards de base du fonds devraient permettre de surmultiplier les possibilités de crédits et d’interventions.

Je le conçois, toutes les incertitudes ne sont pas levées. Mais nous voyons bien que le mécanisme se renforce. En Grèce, nous avions éteint l’incendie avec un camion de pompiers. Depuis, nous mettons progressivement en place d’importants pare-feu et nous allons vers une sécurisation complète du risque d’incendie.

Oui, Monsieur Schneider, l’Europe est à plusieurs vitesses. Il ne s’agit pas de savoir si certains pays sont en avance ou en retard : chaque pays est dans un statut correspondant à son intérêt. Vous ne m’entendrez pas critiquer le Royaume-Uni pour la décision qu’il a prise. Je constate simplement qu’il est à présent isolé au sein de l’Union européenne et qu’il n’a pas la même vision d’avenir de l’Europe que les vingt-six autres Etats membres. L’espace Schengen, c’est vingt-six Etats membres, la zone euro, dix-sept, et avec l’arrivée de la Croatie, l’Union européenne comptera bientôt vingt-huit membres. Je ne souhaite pas que la Grande-Bretagne quitte l’Union. Elle y est utile. Si l’on ne doit pas l’obliger à rentrer dans la zone euro, elle ne peut non plus empêcher cette zone de progresser vers plus d’intégration lorsqu’elle est mise en danger.

Que Strasbourg est belle, Monsieur Schneider, surtout lorsque le marché de Noël est installé et que les lumières illuminent la cathédrale ! (Sourires.) Cette ville est un symbole. Le Parlement européen y a son siège parce que c’est inscrit dans les traités – je l’ai rappelé dans un journal alsacien local. Située entre la forêt vosgienne et la forêt noire, Strasbourg se souvient que de nombreux soldats français et allemands sont morts dans le cadre de luttes violentes et fratricides. Cela fait soixante ans que cela ne se produit plus. Espérons que dans les soixante années à venir, Strasbourg continuera à être cette ville symbole. Sachez, Monsieur le député, que ce matin, il a été décidé d’acheter un nouveau bâtiment. Cela montre que le Parlement européen continue à considérer que les deux sites de Strasbourg et Bruxelles sont à la fois nécessaires et viables. Je rappelle encore que Strasbourg, ville européenne, est un objectif français. La contribution de la France à ce budget s’élève à plusieurs dizaines de millions d’euros et l’accessibilité à Strasbourg représente 12,8 millions d’euros pour le seul ministère des affaires européennes. Vous l’aurez compris, Strasbourg n’est pas négociable.

Sur la Chine, le rendez-vous prévu le 25 octobre a effectivement été reporté. J’attends avec impatience votre rapport d’européens en Chine, monsieur Lambert, madame Fort. Comme vous, j’ai noté que tout le monde avait les yeux fixés sur la zone euro – très certainement par amitié pour l’Europe, par amour pour la France… Sans doute est-ce dû au fait que tout le monde dépend désormais de tout le monde. Cela conduit des pays comme la Chine, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni à souhaiter que cela se passe bien pour l’Europe. La mondialisation a engendré l’interdépendance, qui doit déboucher sur des réflexions communes visant à prévoir des modifications qui ne concernent pas seulement la zone euro. Au même titre que nous avons eu le sentiment que les dirigeants allemands avaient progressé dans leur considération du risque que la zone euro, l’Europe, et donc l’Allemagne, étaient en train de courir, nous pouvons penser que cette appréhension du risque est devenue mondiale.

Nous devons continuer à avoir un dialogue avec la Chine. Nous pouvons avoir des partenariats commerciaux mais la réciprocité implique, pour la France, un commerce loyal. Les Chinois doivent donc accepter un certain nombre de critères afin que nos échanges commerciaux se fassent sur la base de la loyauté et de l’équité.

S’agissant des mesures nécessaires pour renforcer le secteur bancaire, la mise en œuvre de Bâle 3 est effectivement anticipée, monsieur Diefenbacher. Cela ne devrait cependant pas avoir de conséquence dans la zone euro et en France sur les liquidités et les prêts. Les banques françaises ont en effet, depuis longtemps, une capacité à se recapitaliser. Rappelons-le, elles ont été sollicitées à hauteur de 60 milliards lors de la crise de 2008, puis, avec la dette grecque à hauteur de 50 % de 10 milliards d’euros. Or elles avaient été en mesure de recapitaliser en un semestre. Les banques devraient donc pouvoir renforcer suffisamment leurs fonds dans les délais qui leur sont impartis pour prêter en toute sécurité et continuer à faire en sorte que l’économie réelle et les collectivités territoriales soient alimentées. Tel a été le sens d’un rappel à l’ordre récent du Premier ministre. Les banques bénéficient aussi des mesures de soutien de la BCE, qui joue ainsi son rôle.

Sur le désendettement, les Français sont fourmis tandis que l’Etat est plutôt cigale, monsieur Voisin. L’Etat français est en tout cas plus endetté que ne le sont les ménages français. Il ne peut y avoir cependant d’effet de vases communicants. Certes, le danger est plus grand lorsque tant le pays que les ménages sont endettés – il en est ainsi aux Etats-Unis. De ce point de vue, le taux élevé d’épargne des ménages français est un élément rassurant ; notre dette pourrait ne pas dépendre d’investissements étrangers. Mais il faut absolument poursuivre dans la voie du désendettement public. On peut difficilement envisager que, grâce à un grand emprunt, l’ensemble des Français contribueraient suffisamment au désendettement du pays pour provoquer un effet de relance. Cela étant, il est important de garder en mémoire que l’épargne des ménages français est supérieure à la dette française. Cela ne signifie pas qu’il faut prendre l’épargne des Français pour combler la dette. Ce n’est ni votre intention ni la mienne…

Monsieur Lambert, vous avez parlé d’inquiétudes et de scepticisme. Vous avez le sentiment que la rigueur ne frappe que l’économie réelle et qu’on ne maîtrise pas les marchés financiers. Je le rappelle, un certain nombre d’actions ont été menées au niveau européen. En outre, tout le monde dépendant de tout le monde, ce sont les marchés internationaux qui doivent être mis à contribution. La régulation des ventes à découvert, des CDS, qui permettent de se garantir d’une éventuelle situation de dette sur l’intérêt, les directives sur les marchés d’instruments financiers se mettent progressivement en place au niveau international. De même que les pays européens ont compris que la crise pouvait conduire à l’explosion de l’euro, et à défaire l’Europe, si patiemment construite, les économies mondiales ont compris que cette économie virtuelle et spéculative pouvait avoir des effets hautement néfastes sur l’économie réelle. Les instruments mis en place, qui ont été en outre renforcés à l’occasion du G20, seront essentiels pour améliorer la régulation financière.

Vous dites que ce n’est pas une crise de la dette : c’est une double crise. Deux phénomènes se sont conjugués. La dette est là et il ne sert à rien de chercher des coupables. Elle a été créée pour maintenir le même niveau de vie à nos concitoyens alors que notre capacité à produire s’est trouvée en compétition avec des pays émergents dont les économies ont fini par émerger et qui demandaient légitimement à bénéficier d’une amélioration de leurs conditions de vie. Qu’est-il advenu des hommes politiques qui ont proposé la rigueur dans une période où nous n’étions pas confrontés au mur de la dette ? Souvenez-vous des attaques qu’ont subies Raymond Barre et Alain Juppé !

M. Jérôme Lambert.  N’oubliez pas Laurent Fabius, en 1983 !

Le ministre chargé des affaires européennes. Il s’agissait alors d’arrêter la dérive.

Le peuple n’a pas envie d’entendre parler de rigueur. Il porte lui aussi une part de responsabilité. Je n’accepte pas l’idée selon laquelle certains dirigeants auraient conduits les peuples au bord du gouffre. Les peuples ont choisi démocratiquement ces dirigeants et ont quelquefois voulu croire ce qu’on leur proposait comme des recettes miracles tandis que d’autres mettaient en avant la réalité économique.

A cette dette, s’est ajoutée une dérégulation totale des marchés financiers et, à l’économie réelle, s’est superposée une économie virtuelle avec une capacité de spéculation et une automaticité de réponses. Peut-être pourrons-nous retrouver un monde où le libre échange continuera à exister avec, cependant, une régulation plus forte. On peut imaginer un capitalisme à visage humain sur le plan international, et une Europe dotée de règles lui permettant de se défendre dans le cadre d’une compétition mondiale justifiée. L’Europe doit rester en compétition et, pour cela, elle doit développer la croissance, qui génèrera l’emploi. C’est en se réunissant autour de pactes prévoyant à la fois la solidarité et la discipline que les pays européens trouveront ce chemin de la croissance et de l’emploi.

Du reste, plus personne ne peut échapper à la rigueur. Le Royaume-Uni a ainsi baissé les salaires de 10 % et supprimé 500 000 postes de fonctionnaires en quelques années. Le nombre d’enfants vivant au-dessous du seuil de pauvreté y est largement supérieur au nôtre. En Espagne, le taux de chômage est de 20 %, soit le double du taux français. Lorsque la France a mis en œuvre un plan qu’on a appelé de rigueur, l’a-t-elle fait porter sur les plus faibles ? Non : 82 % des deux plans présentés par le Premier ministre portent, non pas sur l’économie réelle, mais sur les grands acteurs économiques et sur les possédants. A-t-on diminué les prestations sociales ou renoncé à notre pacte de solidarité ? Non. A-t-on renoncé à augmenter de 15 % l’allocation adulte handicapée ? Non. Est-on revenu sur notre décision de faire 15 % de plus pour le minimum vieillesse ? Non. A-t-on renoncé à multiplier par quatre le nombre de lits en soins palliatifs ? Non.

C’est la preuve que la rigueur peut ne pas concerner l’économie réelle. Elle peut porter sur notre capacité à faire des efforts, ceux-ci ne devant pas pénaliser les personnes les plus fragiles. Telle est la politique que le Gouvernement conduit avec succès. J’ai confiance dans l’Europe qui a su passer de l’Europe naïve à l’Europe réaliste. C’est une Europe courageuse et conquérante, une Europe plus intégrée. Jamais, au début de ce mandat, les plus européens d’entre nous n’auraient imaginé qu’on franchirait autant d’étapes décisives dans l’intégration européenne.

Le Président Pierre Lequiller. Nous terminerons sur cette conclusion optimiste que je fais mienne. Merci, monsieur le ministre, de nous avoir consacré autant de temps et d’avoir répondu de façon précise et détaillée à l’ensemble des questions.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Pêche

- proposition de règlement du Conseil relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre du protocole à l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l'Union européenne et la République du Mozambique (document E 6895) ;

- proposition de décision du Conseil portant signature, au nom de l'Union, et application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l'Union européenne et la République du Mozambique (document E 6896) ;

- proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter au nom de l'Union européenne dans le cadre de la Convention sur la conservation et la gestion des ressources en colin dans la partie centrale de la mer de Béring (document E 6812).

Ø PESC et relations extérieures

- recommandation de la Commission au Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations bilatérales avec l'Egypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie afin de renforcer les accords d'association euroméditerranéens respectifs en vue de créer des zones de libre-échange approfondi et complet (document E 6741).

Ø Commerce intérieur et services

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché d’instruments de mesure (Refonte)(document E 6858).

Ø Consommation et protection des consommateurs

- directive UE de la Commission modifiant l'annexe I de la directive 2001/37/CE du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac (document E 6797).

Ø Défense

- directive UE de la Commission portant modification de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la liste des produits liés à la défense (document E 6849).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- projet de décision du Conseil concernant le lancement de l'échange automatisé de données relatives aux données ADN en République tchèque (document E 6848) ;

- projet de décision du Conseil concernant le lancement de l'échange automatisé de données relatives aux données dactyloscopiques aux Pays-Bas (document E 6874).

Ø Pêche

- proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2012, les possibilités de pêche applicables en mer Noire pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques (document E 6866).

Ø Politique sociale

- proposition de décision du Conseil relative aux lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres (document E 6870).

Ø Questions budgétaires

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne (document E 6837).

Ø Transports

- décision de la Commission relative à une méthode pour la perception des primes sur les émissions excédentaires de CO2 par les voitures particulières neuves conformément au règlement (CE) no 443/2009 du Parlement européen et du Conseil (document E 6783).

Point B

La Commission a approuvé le texte suivant :

Ø Postes et télécommunications

- recommandation de la Commission au Conseil en vue d'autoriser la Commission à négocier une convention du Conseil de l'Europe sur la protection des droits des organismes de radiodiffusion (document E 6040).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, des textes suivants :

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord entre l’Union européenne et le gouvernement de la Fédération de Russie en ce qui concerne le commerce des pièces et composants de véhicules automobiles entre l’Union européenne et la Fédération de Russie (document E 6851) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et la Fédération de Russie en ce qui concerne l’introduction ou l’augmentation, par la Fédération de Russie, de droits à l’exportation sur les matières premières (document E 6879) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le gouvernement de la Fédération de Russie en ce qui concerne le maintien des engagements sur le commerce de services contenus dans l’actuel accord de partenariat et de coopération UE-Russie (document E 6884) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et la Fédération de Russie en ce qui concerne la gestion des contingents tarifaires applicables aux exportations de bois de la Fédération de Russie vers l’Union européenne et du protocole entre l’Union européenne et le gouvernement de la Fédération de Russie sur les modalités techniques adoptées en application dudit accord (document E 6886) ;

- proposition de décision du Conseil établissant la position à adopter par l’Union européenne au sein de la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en ce qui concerne la demande d’octroi d’une dérogation visant à accorder un traitement préférentiel aux services et fournisseurs de services des pays les moins avancés (document E 6905).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- décision du Conseil européen portant nomination d'un membre du directoire de la Banque centrale européenne (document E 6876) ;

- Virement de crédits no DEC52/2011 dans la section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2011 (document E 6882) ;

- conseil de direction de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail Nomination de M. Javier BLASCO DE LUNA, membre suppléant espagnol, en remplacement de Mme Rosario ESCOLAR POLO, démissionnaire (document E 6883) ;

- décision du Conseil portant nomination du représentant spécial de l'Union européenne pour la Corne de l’Afrique (document E 6908) ;

- virement de crédits no DEC53/2011 – Section III - Commission - du budget général 2011 (document E 6909).

La séance est levée à 18 h 40.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 13 décembre 2011 à 17 heures

Présents. - M. Christophe Caresche, M. Michel Diefenbacher, Mme Marie-Louise Fort, Mme Pascale Gruny, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Robert Lecou, M. Pierre Lequiller, M. Lionnel Luca, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon, M. Jacques Myard, M. Didier Quentin, Mme Odile Saugues, M. André Schneider, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Patrice Calméjane, M. Hervé Gaymard, Mme Chantal Robin-Rodgiro.