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N° 248

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LEGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 octobre 2007

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur les comptes rendus des missions des missi dominici sur le suivi de la Conférence intergouvernementale,

ET PRÉSENTÉ

par M. Pierre LEQUILLER

et

MM. Emile BLESSIG, Christophe CARESCHE, Mme Arlette FRANCO, MM. Daniel GARRIGUE, Guy GEOFFROY, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT
et AndrÉ SCHNEIDER ,

Député(e)s.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Thierry Mariani, Pierre Moscovici, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; MM.Alfred Almont, Jérôme Bignon, Emile Blessig, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, Mme Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. ALLEMAGNE : Mission du Président Pierre Lequiller et de MM. Jérôme Lambert et André Schneider (le 20 septembre 2007) 9

A. Le traité modificatif 9

B. La Banque centrale européenne 10

C. Le comité des sages 11

D. La politique énergétique 11

E. Galiléo 12

F. L’Union méditerranéenne 12

II. ESPAGNE : Mission de Mme Marietta Karamanli (les 25 et 26 septembre 2007) 13

A. Les travaux de la Conférence intergouvernementale et le contenu du projet de traité modificatif 14

B. La procédure de ratification et l’avenir de l'Union européenne 15

C. Les dossiers sectoriels 17

1) L’immigration 17

2) Le projet d’Union méditerranéenne 18

3) L’Europe de la défense 19

4) Le rôle de la Banque centrale européenne 19

5) La politique agricole commune 20

III. HONGRIE : Mission de M. Christophe Caresche (le 26 septembre 2007) 21

A. Le succès de la visite du Président de la République 21

B. Le traité modificatif et la Conférence intergouvernementale 24

C. Les questions migratoires 28

D. La stratégie de Lisbonne 29

IV. IRLANDE : Mission de Mme Arlette Franco
(le 2 octobre 2007) 31

A. L’Irlande sera, en principe, le seul Etat membre à organiser un référendum sur le traité modificatif 31

B. L’Irlande n’a pas encore décidé si, dans le cadre du traité modificatif, elle allait demander les mêmes dérogations que le Royaume-Uni dans le secteur de la justice et des affaires intérieures. 33

C. D’autres questions ont été soulevées par les interlocuteurs 33

1) Le comité des sages 33

2) La Turquie 34

3) L’immigration 34

V. ITALIE : Mission de M. Régis Juanico
(le 20 septembre 2007) 35

A. Une déception initiale, mais le souci de ratifier rapidement le traité modificatif 36

1) Un fort attachement aux symboles constitutionnels 36

2) Une volonté de ratifier rapidement le traité modificatif pour aller de nouveau de l’avant 37

B. Les implications de l’importance accordée au rôle du Parlement européen 38

1) Une réflexion en cours sur les attributions de la Commission des affaires européennes 39

2) L’indignation soulevée par les propositions sur une nouvelle répartition des sièges au Parlement européen 39

C. Le souci de se protéger contre la concurrence chinoise 40

VI. REPUBLIQUE TCHEQUE : Mission de M. Daniel Garrigue (les 11 et 12 septembre 2007) 43

A. Un gouvernement de droite libérale dont l’euro- scepticisme s’atténue dans l’exercice du pouvoir 43

1) L’euro-scepticisme traditionnel de la droite libérale tchèque 43

2) Les progrès de l’« euro-réalisme » 45

B. Une approbation tacite du traité non dénuée d’arrière-pensées 46

C. Un programme résolument libéral pour la présidence tchèque de l’Union 47

VII. ROUMANIE : Mission de M. Emile Blessig
(les 1er et 2 octobre 2007) 51

A. Le traité modificatif 51

B. La politique de bon voisinage et le contrôle des frontières 52

C. L’approfondissement de la construction européenne 53

D. L’immigration et l’émigration 53

VIII. SUEDE : Mission de M. Guy Geoffroy (les 19 et 20 septembre 2007) 55

A. Les questions institutionnelles 56

B. La stratégie de Lisbonne 59

C. Les migrations 61

ANNEXE : Liste des personnes entendues par les rapporteurs 63

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En ce début de législature, la Délégation a décidé d’envoyer des « missi dominici » chez dix de nos partenaires européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne, République tchèque, Roumanie et Suède) pour défendre le traité « simplifié » ou modificatif et débattre de certaines priorités de la présidence portugaise, comme la question des migrations et celle de la stratégie de Lisbonne.

Cette démarche se situe dans le cadre de la diplomatie parlementaire, très appréciée de nos interlocuteurs européens, même si elle ne remplace pas la diplomatie gouvernementale.

Les missions ont eu lieu en septembre et au début du mois d’octobre 2007. Les « députés rapporteurs » ont débattu avec les autorités gouvernementales et parlementaires de huit Etats membres. Les missions prévues en Belgique et en Pologne ont été annulées pour des raisons liées à la situation intérieure de ces pays.

Les informations recueillies sont riches et diverses, comme le montrent les comptes rendus joints présentés par les rapporteurs au cours des réunions de la Délégation des 2 et 3 octobre 2007.

Néanmoins, on peut souligner que nos partenaires sont satisfaits du déroulement des travaux de la Conférence intergouvernementale et ont la volonté de parvenir à un accord au cours du Conseil européen informel de Lisbonne des 18 et 19 octobre prochains. S’agissant du Royaume-Uni, les modalités juridiques d’exercice de l’opt out concernant l’espace de liberté, de sécurité et de justice, sont en voie de résolution. Il reste la Pologne – où la Délégation n’a pas pu se rendre – avec les élections législatives anticipées du 21 octobre 2007.

Concernant la procédure de ratification, un seul Etat membre, l’Irlande, devrait, à ce jour, ratifier par voie référendaire. La ratification parlementaire du traité modificatif par les autres pays devrait se dérouler dans le courant de 2008.

Ces rencontres ont été aussi l’occasion pour nos partenaires, de mettre en avant les sujets qui leur tiennent particulièrement à cœur dans la perspective de la présidence française de 2008.

*

* *

Les rapporteurs remercient particulièrement les ambassadeurs de France dans les pays concernés par ces missions, et leurs collaborateurs, pour l’appui efficace qu’ils leur ont apporté.

I. ALLEMAGNE :
Mission du Président Pierre Lequiller et de MM. Jérôme Lambert et André Schneider (le 20 septembre 2007)

La délégation a été honorée par les souhaits de bienvenue et d’amitié de M. Norbert Lammert (CDU), Président du Bundestag, en présence des membres de la Commission des affaires de l'Union européenne.

Puis elle a eu un débat approfondi et informel avec les députés de la Commission des affaires de l'Union européenne présidée désormais par M. Gunther Krichbaum (CDU).

La délégation a ensuite eu un entretien avec M. Günter Gloser (SPD), Ministre délégué aux affaires européennes, et avec M. Joachim Wuermeling (CDU), Secrétaire d’Etat au ministère fédéral de l’économie et de la technologie.

Les échanges très directs ont porté principalement sur :

A. Le traité modificatif

Nos partenaires allemands n’ont aucune difficulté sur le contenu du traité modificatif qu’ils ont négocié au titre de la présidence de l’Union. Les parlementaires allemands sont très bien informés par le Gouvernement du suivi des travaux de la Conférence intergouvernementale et n’auront pas besoin de délibérer longtemps pour ratifier le traité. Ils ont simplement souligné leurs contraintes propres – consultation des Länder, vote du Bundesrat – et demandé à la France d’être l’un des premiers pays de l’Union à ratifier le traité, ce qui serait un beau symbole après l’échec du référendum de 2005. Nos collègues députés ont jugé souhaitable que la ratification du traité ait lieu au cours d’une même période ce qui aurait un effet d’entraînement sur les autres pays et, en particulier, sur les Britanniques.

Une relance des réunions parlementaires dans le cadre du Triangle de Weimar sera examinée au vu du résultat des élections polonaises.

Les ministres se sont montrés raisonnablement optimistes sur l’objectif d’un accord politique au Conseil européen informel des 18 et 19 octobre prochains, tout en soulignant la proximité des élections en Pologne le 21 octobre.

Sur la répartition des sièges du Parlement européen après les élections européennes de 2009, M. Günter Gloser a estimé que la position que prendra le Parlement européen sur ce point le 11 octobre prochain ne soulèvera aucune remarque de la part des autorités allemandes.

B. La Banque centrale européenne

Tous nos interlocuteurs ont souligné la nécessité de maintenir l’indépendance de la Banque centrale européenne. C’est un point dur pour l’Allemagne et la délégation a été interrogée sur les dernières déclarations émises ici ou là sur la BCE, le niveau de l’euro, la maîtrise des déficits. M. Günter Gloser a estimé que la Banque centrale avait su intervenir rapidement et une autre question était de savoir dans quelle mesure la BCE était partie au débat macro-économique. Comme l’Allemagne il y a peu, la France est observée par ses autres partenaires de la zone euro.

La délégation a indiqué que la France était également attachée à l’indépendance de la Banque centrale européenne et a rappelé que dans ses missions, la BCE avait certes d’abord la stabilité des prix mais aussi la croissance et le plein emploi. La BCE aurait sans doute intérêt à renforcer sa communication publique pour mieux mettre en valeur le dialogue qu’elle entretient avec les autres institutions européennes et, en particulier, avec le Parlement européen et sa commission des affaires économiques. Il faut également comprendre que, pour la France, l’indépendance de la Banque centrale est une expérience récente, contrairement à l’Allemagne qui avait déjà accordé une telle indépendance à la Bundesbank.

C. Le comité des sages

Nos collègues nous ont interrogés sur la proposition du Président de la République, acceptée par Mme Angela Merkel, de constituer un comité des sages sur « Quelle Europe en 2020-2030 et pour quelles missions ? » au Conseil européen de décembre 2007.

Certains députés ont néanmoins souligné que le plus important était que les parlementaires participent à cette discussion sur le futur de l'Union européenne et qu’elle ne soit pas réservée à des grands théoriciens. M. Günter Gloser a estimé que ce débat ne devait pas se limiter à la question des frontières de l’Union et de l’entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

D. La politique énergétique

M. Joachim Wuermeling a rappelé l’adoption par la Commission européenne, la veille le 19 septembre, du « paquet énergie » qui sépare les activités de production et de distribution au sein des groupes énergétiques. Il a rappelé l’opposition de l’Allemagne, mais également de la France à cette séparation (unbundling) et a indiqué qu’il appartiendra à la présidence française, au second semestre 2008, de trouver une solution à cette question. Il a souhaité l’adoption d’une initiative parlementaire commune franco-allemande pour s’opposer à la proposition de la Commission européenne, rappelant que neuf gouvernements avaient déjà, au cours de l’été, exprimé leur opposition à cette proposition.

Sur la politique énergétique, tous nos collègues allemands ont souligné que la position allemande sur l’énergie nucléaire, qui conserve auprès de l’opinion publique une image négative, faisait partie de l’accord de la grande coalition et qu’il n’était pas possible de le remettre en cause au cours de cette mandature.

Certains députés ont réclamé une stratégie commune franco-allemande sur la politique industrielle européenne.

La délégation a rappelé que l’énergie nucléaire – qui implique un débat transparent – était une réponse aux défis posés par le changement climatique de la planète et pesait au regard de l’indépendance énergétique de l’Union et s’est réjouie que cette question soit peu à peu remise à l’ordre du jour des discussions à l’échelon de l’Union.

E. Galiléo

M. Günter Gloser a vivement regretté l’échec du financement public-privé sur Galiléo. Il a rappelé la position allemande selon laquelle il est nécessaire de prévoir un retour suffisant sur investissement dans chaque Etat membre.

F. L’Union méditerranéenne

Nos collègues nous ont interrogés sur le projet d’Union méditerranéenne et son articulation avec la construction européenne, le processus euro-méditerranéen et la politique européenne de voisinage. Ils ont rappelé que certains Etats membres, comme les pays du Nord de l'Europe, étaient très impliqués dans le processus de Barcelone et se sont interrogés sur la nécessité de créer une nouvelle structure en dehors des cadres existants.

La délégation a répondu que par ce projet, la France tente, au moyen de solidarités concrètes comme l’eau, la lutte contre la pollution, l’immigration, la sécurité, le dialogue interculturel, de renforcer les liens entre les pays riverains de la Méditerranée du Nord et du Sud et les pays du Sud entre eux. Ses contours seront progressivement définis.

II. ESPAGNE :
Mission de Mme Marietta Karamanli (les 25 et
26 septembre 2007)

Ce déplacement a apporté la confirmation d’un fait déjà connu, à savoir l’attachement très fort à la construction européenne de la classe politique – hormis les nationalistes basques extrémistes – et de l’opinion publique espagnoles.

Cette attitude est liée aux conditions presque simultanées de l’instauration de la démocratie postérieurement à la mort de Franco et de l’entrée de l’Espagne dans l’Europe. Car l’Europe a été regardée par les Espagnols à la fois comme l’aiguillon et la garantie du renforcement de la démocratie. Et, à cet égard, l’intégration parfaitement réussie de l’Espagne dans l’Union peut servir utilement de modèle aux nouveaux adhérents, dont certains donnent plutôt l’impression d’instrumentaliser l’Europe. Quant aux Etats fondateurs de l’Union, telle que la France, l’Espagne offre aussi une autre conception du rapport à l’Europe, puisque celle-ci, au-delà des Pyrénées, est considérée comme une solution aux problèmes intérieurs dont la légitimité n’a pas à être remise en cause, alors qu’ici, l’Europe est très souvent accusée d’être responsable de certaines de nos difficultés.

Cette vision très proeuropéenne se reflète dans la position exprimée par nos interlocuteurs dans les trois grands dossiers abordés :

- les travaux de la Conférence intergouvernementale (CIG) et le contenu du projet de traité modificatif ;

- la procédure de ratification et l’avenir de l’Union ;

- les dossiers sectoriels.

A. Les travaux de la Conférence intergouvernementale et le contenu du projet de traité modificatif

En ce qui concerne les travaux de la CIG, M. Alberto Navarro, Secrétaire d’Etat pour l’Union européenne, s’est déclaré satisfait de leur bon déroulement. Les questions en suspens résultant des revendications polonaises (touchant au compromis de Ioannina, à l’augmentation du nombre d’avocats généraux près la Cour de justice et aux modalités d’attribution des prêts de la Banque européenne d’investissement) ont été jugées comme n’entrant pas dans le mandat de la CIG, tout comme le problème soulevé par l’Autriche concernant la possibilité pour un Etat membre de réglementer l’accès à l’Université des étudiants ressortissants des autres Etats de l’Union.

Ces questions seront examinées par le Conseil de Lisbonne, mais ne devraient pas empêcher la signature du traité en décembre 2007 à la veille du Sommet entre l’Union et l’Afrique.

M. Alberto Navarro estime que le traité devrait normalement entrer en vigueur au 1er janvier 2009, ce que devrait faciliter sa ratification par la voie parlementaire dans la quasi-totalité des Etats membres, à l’exception de l’Irlande, où devrait se dérouler un référendum.

Quant au contenu du projet de traité modificatif, M. Alberto Navarro a déclaré qu’il convenait, pour prévenir toute difficulté d’interprétation, de le comparer non pas au projet de traité constitutionnel mais plutôt au traité de Nice.

Evoquant les dispositions qu’il ne reprenait pas du projet de traité constitutionnel, M. Alberto Navarro a déclaré qu’en ce qui concerne la Charte des droits fondamentaux, elle sera signée par les trois autorités communautaires à l’issue du Conseil européen de Lisbonne du mois d’octobre et publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes.

Pour M. Alberto Navarro, la Charte accroîtra d’autant plus les droits des citoyens que ces derniers pourront l’invoquer, grâce à une déclaration qui se référera à l’arrêt Costa Enel de la Cour de justice qui a posé le principe de primauté du droit communautaire sur les droits nationaux.

S’agissant de la suppression de la référence aux symboles, M. Alberto Navarro, après avoir déploré cette suppression, a indiqué que le Parlement allemand y était très attaché et qu’il adopterait une résolution à l’issue des travaux de la CIG. Il a précisé que les Etats membres pourraient annexer une déclaration dans le même sens au traité modificatif.

En réponse à la proposition de la rapporteure en faveur de la reprise d’une telle déclaration par les parlements nationaux, M. Alberto Navarro a fait valoir que s’il était judicieux de rappeler l’attachement aux symboles, il serait toutefois opportun de veiller à éviter qu’une telle initiative ne complique la procédure de ratification.

Pour ce qui est des dispositions nouvelles, il a souligné notamment l’importance de l’extension de la clause de solidarité à l’énergie, de la prorogation à huit semaines du mécanisme de l’alerte précoce, ainsi que de la disposition, introduite à la demande de l’Espagne, concernant les interconnexions énergétiques.

B. La procédure de ratification et l’avenir de l'Union européenne

Sur la procédure de ratification, M. Alberto Navarro a relevé que – à l’exception de l’Irlande, où devrait se tenir un référendum – la plupart des Etats membres devraient recourir à la voie parlementaire.

A cet égard, M. Alberto Navarro a demandé si la France était en mesure de procéder rapidement à cette ratification. La rapporteure a fait valoir qu’il serait opportun de donner du temps au temps, compte tenu du fait, d’abord que l’on ne saurait nullement qualifier le projet de traité simplifié ou de mini-traité. D’autre part et surtout, on ne pourra, en France, où le projet de traité constitutionnel a été rejeté par référendum à une nette majorité, faire l’économie d’un débat de fond à la fois sur le choix de la procédure parlementaire et sur la valeur ajoutée du projet de traité modificatif.

En ce qui concerne l’Espagne, le traité ne sera ratifié qu’après l’été 2008, puisque, du fait de la dissolution des Cortes en janvier 2008, la nouvelle législature ne débutera qu’en mai 2008.

Bien que le contexte soit ici différent de celui de la France, il a été souligné la tâche délicate à laquelle le Gouvernement et les partis politiques risquent d’être confrontés, vis-à-vis d’une opinion qui a adopté le projet de traité constitutionnel, par référendum à la majorité de 76,7 % des voix, non sans toutefois une faible participation électorale de 42 %.

En effet, comme l’a souligné M. Carlos Fernandez Liesa, professeur de droit communautaire à l’Université Carlos III, il y a lieu de penser que le Gouvernement demandera vraisemblablement aux partis politiques de se limiter à une campagne discrète.

A la différence du projet de traité constitutionnel, qui a bénéficié d’un contexte exceptionnel – projet initié par M. José Maria Aznar, soutenu par le Parti Socialiste et enfin forte popularité de M. José Luis Rodriguez Zapatero – la ratification du projet de traité modificatif interviendra dans un climat mélancolique, selon les propos du député catalan modéré Jordi Xucla, membre du CiU.

Pour ce qui est de l’avenir de l’Union, le professeur Fernandez Liesa a déclaré que les conditions d’élaboration du projet de traité modificatif confirment que ce texte aura été le fruit d’un travail intergouvernemental, dont l’opinion publique aura été exclue.

Son constat est d’autant plus désenchanté qu’il a estimé que, pour une période de dix à vingt ans, le processus de l’élargissement sera freiné. A la question de savoir si ce frein réside dans la question de l’adhésion de la Turquie, il a constaté que le refus de cette adhésion était fondé sur la prise en compte du facteur religieux. En ce qui concerne l’Espagne, il est politiquement tabou de s’opposer à cette adhésion, l’opinion publique étant, en général, favorable à tout élargissement, comme à l’ensemble de la construction européenne. Officiellement, la classe politique y est favorable, mais au fond, elle y est opposée.

Pour sa part, M. Alberto Navarro a indiqué que l’initiative du Président de la République d’instituer un groupe de sages avait été favorablement accueillie, même si plusieurs questions sont ouvertes, comme le nombre de sages, leur qualité – à savoir s’il convient ou non d’exclure des hommes politiques en activité – et le mandat du groupe, l’Allemagne ayant émis le souhait que le groupe puisse continuer d’exister au-delà de 2009.

C. Les dossiers sectoriels

Cinq grands points ont été évoqués :

- l’immigration,

- le projet d’Union méditerranéenne,

- l’Europe de la défense,

- le rôle de la Banque centrale européenne,

- la politique agricole commune.

1) L’immigration

L’Espagne souhaite très vivement que l’Union européenne parvienne à élaborer une politique commune dans ce domaine ou, en tout cas, vienne en aide aux Etats qui, comme l’Espagne, sont confrontés à un afflux important d’immigrés.

En effet, il y a deux ans, les reportages télévisés montrant la Garde civile espagnole aux prises avec les immigrés tentant de pénétrer à Ceuta et Mellila, avaient incité l’opinion publique à douter de l’efficacité de Frontex et à mettre en cause les fortes lacunes de l’action de l’Union. C’est pourquoi M. Alberto Navarro estime important de confronter les points de vue sur les questions touchant aux visas communs et aux gardes-frontières.

L’Espagne compte beaucoup sur la Présidence française pour faire avancer une initiative que la Commission est en train de préparer pour 2008, destinée à garantir des droits minimaux à tous les immigrés légaux résidant dans l’Union.

Dans cette perspective, l’ambassadeur de France, M. Bruno Delaye, et M. Alberto Navarro ont tenu à souligner que la France et l’Espagne – qui assurera la Présidence en 2010 – auraient tout intérêt à mettre tous les problèmes sur la table et à renforcer leur coopération. La visite prochaine, le 10 octobre 2007, de
M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, devrait permettre une meilleure appréciation des politiques suivies et d’effacer les divergences qui avaient pu naître à la suite des régularisations intervenues en Espagne.

2) Le projet d’Union méditerranéenne

M. Alberto Navarro a déclaré que le projet du Président de la République avait été accueilli favorablement par le Gouvernement espagnol, tout en soulignant que ce dernier souhaitait que cette initiative contribue au renforcement du processus de Barcelone. Celui-ci bénéficie d’un acquis depuis 1995 et repose sur un esprit de partenariat important.

C’est pourquoi le Maroc exprime des réticences à l’encontre du projet du Président Sarkozy, regardé comme une initiative lancée sans concertation. Toutefois, M. Bruno Delaye a fait remarquer que ce projet n’était pas encore définitivement arrêté.

Quant à M. Alberto Navarro, il estime que le projet du Président ne peut apporter une valeur ajoutée par rapport au processus de Barcelone que s’il mobilise l’ensemble des Etats membres – et non plus seulement ceux riverains de la Méditerranée – l’Espagne étant désireuse de travailler avec la France dans ce sens.

M. Juan Jose Toharia, Président de l’Institut de sondages Metroscopia, a émis la même opinion. Constatant que, pour la première fois depuis cinquante ans, la France jouissait en Espagne d’une confiance et d’un leadership forts, la France aurait tout intérêt à lancer une initiative qui viserait, sur le modèle de l’intégration de l’Espagne dans l’Union, à tirer les pays du Maghreb vers le haut, contribuant ainsi à la fois à leur développement et à la démocratisation des pays concernés. M. Jordi Xucla, député catalan modéré, a estimé toutefois que la démocratie n’était pas parvenue à un niveau comparable en Espagne et, par exemple, au Maroc. Il a cependant convenu – à la différence de Mme Ana Torme, députée du Parti populaire – qu’il importait de promouvoir des mécanismes de codéveloppement avec les pays du Sud, à défaut desquels il sera difficile de s’attaquer efficacement aux filières d’immigration.

Ainsi, comme pour la question de l’adhésion de la Turquie, existe-t-il également, sur ce dossier, un divorce entre la classe politique et l’opinion publique. Le professeur Liesa a fait observer que les enjeux du processus de Barcelone étaient une affaire de spécialistes, largement inconnus de l’opinion publique.

3) L’Europe de la défense

Tout en constatant que la France avait exprimé son souhait de réintégrer l’OTAN sous conditions, M. Alberto Navarro a estimé qu’elle pourrait lancer des initiatives utiles. L’Europe a, en effet, besoin de coopérations structurées, d’autant qu’aucun Etat membre n’est en mesure de faire face seul aux investissements nécessaires, de veiller à la formation avec la création d’une académie européenne de défense et de mettre en place une unité militaire d’urgence pour répondre à des catastrophes ou à des crises. Une Europe de la défense permettrait en tout cas à l'Europe et à l’Espagne de contrebalancer le poids prépondérant des Etats-Unis, idée soutenue par une majorité écrasante – 80 % – des Espagnols.

M. Bruno Delaye estime, pour sa part, que, même si, pour le moment, la Grande-Bretagne et l’OTAN sont opposés au renforcement de l’Etat-major européen et aux capacités de planification de l’Europe, il n’est toutefois pas exclu que le Premier ministre du Royaume-Uni, M. Gordon Brown, puisse revenir à l’esprit de Saint-Malo.

4) Le rôle de la Banque centrale européenne

L’Espagne, de façon générale, ne soutient pas les critiques formulées par la France à l’encontre du statut de la BCE et de la politique menée par son gouverneur, M. Jean-Claude Trichet. M. Alberto Navarro a rappelé que l’évolution économique de l’Espagne – marquée par la réduction de 22 à 4 % du taux d’inflation et de 17 à 8 % du taux de chômage – incitait tout gouvernement à suivre fidèlement l’orthodoxie commune. Le professeur Liesa a fait valoir que, pour les Espagnols, si la BCE n’avait pas existé, le taux d’inflation aurait été de 8 ou de 9 %.

En outre, la BCE bénéficie de ce préjugé plus général selon lequel l’Union est une solution aux crises, ce qu’elle a confirmé dans la gestion de la crise monétaire récente.

5) La politique agricole commune

L’Espagne, en sa qualité de deuxième plus grand bénéficiaire de la PAC, a prêté beaucoup d’attention et d’intérêt aux propos tenus par le Président de la République dans son discours de Rennes du 11 septembre 2007. Car le fait que le Président ait plaidé en faveur de prix plus élevés sur le marché plutôt que de subventions, d’une part, et, d’autre part, ait insisté pour que la PAC réponde à un principe indiscutable de préférence communautaire ne peut qu’être positif, dans un contexte mondial marqué par la hausse des prix des produits agricoles. Pour autant, il est important de veiller à ce que l’objectif de garantie du pouvoir d’achat des agriculteurs ne soit pas perdu de vue.

Nos interlocuteurs ont également souligné qu’en matière agricole, les relations entre la France et l’Espagne s’étaient apaisées, l’image des manifestations hostiles à l’encontre des camions de fraises provenant d’Espagne appartenant au passé.

*

* *

Pour conclure, ce déplacement a renforcé la rapporteure dans la conviction que, pour être crédible, la construction européenne doit répondre à deux impératifs catégoriques :

- il faut absolument qu’elle associe les peuples, ce qui suppose un dialogue permanent avec les citoyens ;

- il faut ensuite que, comme le montrent les questions de l’immigration et de la lutte contre le réchauffement climatique, l’Europe coopère avec le Sud.

III. HONGRIE :
Mission de M. Christophe Caresche
(le 26 septembre 2007)

La mission parlementaire accomplie quelques jours après la visite du Président de la République en Hongrie, le 14 septembre, a permis d’en retirer une double impression.

D’abord, malgré les difficultés, la ferveur européenne de la Hongrie ne se dément pas. Ce pays connaît des difficultés économiques et sociales importantes avec le ralentissement de la croissance, un déficit budgétaire de plus de 10 % en 2006 qu’il s’efforce de réduire de manière drastique pour se qualifier à l’euro et un débat politique animé sur les réformes engagées par la coalition gouvernementale socialiste-libérale reconduite aux élections d’avril 2006. Néanmoins, ces difficultés n’entament pas la détermination d’interlocuteurs politiques pour lesquels l’intégration européenne est le seul projet politique envisageable et fait l’objet d’un large consensus dans le pays.

Ensuite, la visite du Président de la République française a beaucoup marqué les Hongrois. Elle aura des effets bénéfiques sur les rapports de nos deux pays et sur l’élan qu’ils pourraient imprimer ensemble à l’évolution de l’Union européenne.

A. Le succès de la visite du Président de la République

Le Président Nicolas Sarkozy avait choisi la Hongrie comme première étape de son tour des capitales européennes. Sa visite a été un succès pour deux raisons : il a su toucher le cœur des Hongrois sur des sujets extrêmement sensibles pour eux et effacer des malentendus qui ont pu exister dans le passé.

Dans son discours au Parlement, le Président a d’emblée rendu hommage à cet Etat séculaire, jamais animé d’un esprit de revanche malgré la dureté de l’Histoire à son encontre, et souligné qu’après avoir secoué le joug de l’oppression en 1956, et avoir été un acteur majeur des changements de 1989, il était désormais appelé à jouer un grand rôle en Europe.

Cet hommage montrait que la France n’oubliait pas la blessure secrète qui continue d’étreindre l’âme hongroise. En effet, le traité auquel pensent toujours les Hongrois au fond de leur mémoire n’est pas le traité constitutionnel ni le traité modificatif, mais le traité de Trianon de 1920. Certes la douleur s’est estompée mais la perte des deux tiers du territoire de la Hongrie qui a accompagné la fin de l’empire des Habsbourg a créé un problème politique toujours actuel : le sort des minorités magyares d’outre-frontières. Les dix millions de Hongrois proprement dits n’ont cessé d’entretenir des liens avec les cinq millions de Magyars résidant à l’étranger, mais surtout de se préoccuper des droits des 2,5 millions résidant dans les Etats voisins : 1,5 million vivent en Roumanie, 600.000 en Slovaquie, 300.000 en Serbie dans la province de Voivodine jouxtant la Hongrie, 150.000 en Ukraine et 60.000 en Croatie.

La mémoire hongroise partage également avec la mémoire des autres Etats membres d’Europe centrale et orientale le sentiment d’avoir été injustement privée d’Europe par l’Histoire. Ces peuples attendent des Européens de l’Ouest, qui ont connu le bonheur des Trente Glorieuses au moment où ils souffraient, qu’ils prennent mieux en considération les raisons tragiques de leur retard pour ne pas les traiter comme des Européens de deuxième catégorie. Il ne s’agit pas de ressasser le passé pour raviver les oppositions comme certains le font ailleurs, mais d’aider ces peuples à fermer un chapitre douloureux de leur histoire pour pouvoir bâtir ensemble la nouvelle Europe. L’avenir de l’Union européenne ne peut en effet se construire sur la perpétuation d’une division mémorielle de l’Europe.

Là encore, le Président de la République a eu les mots justes.

Il a proposé à la Hongrie un partenariat stratégique et confirmé par cette initiative la réalité de son discours sur la place égale que doivent avoir tous les Etats membres dans les évolutions de l’Union européenne. Il a ainsi affirmé que, dans l’Europe en construction, il ne doit y avoir que des Etats égaux en droits et en devoirs, quelle que soit leur taille, et qu’il n’y a pas les pays qui ont le droit de parler et ceux qui n’ont que le droit de se taire.

Ces déclarations et cette proposition d’action commune franco-hongroise pour l’avenir de l’Europe ont rassuré les responsables politiques hongrois sur la fin des distinctions entre grands et petits Etats membres et l’abandon de toute idée de directoire des grands. L’intérêt nouveau de la France pour leur pays est jugé particulièrement opportun à un moment où il va connaître encore des évolutions profondes et où l’opinion publique n’est pas toujours pleinement convaincue des bienfaits de l’Europe. Après avoir fait des efforts considérables de modernisation dans les quinze années précédant l’adhésion, la population en attendait plus d’élan et de richesses et n’est pas à l’abri d’une tentation de repli sur soi-même.

Les responsables politiques se sont donc réjouis que la France ait pris des initiatives sur le traité simplifié, permettant d’aboutir à l’accord du Conseil européen de juin 2007 et de rompre avec l’immobilisme de l’Europe, et qu’elle propose désormais à la Hongrie un partenariat stratégique fondé sur une volonté commune de changer l’Europe.

Les entretiens avec le Président de la République M. Solyom, puis avec le Premier ministre, M. Giurcsany, ont permis de préciser plusieurs thèmes sur lesquels le partenariat pourrait se développer, comme la politique agricole commune, la politique européenne de l’énergie, l’avenir de la politique européenne de sécurité et de défense, la transparence des marchés financiers.

Il a été décidé de signer prochainement un accord de coopération entre les sept pôles régionaux de développement hongrois et les pôles français de compétitivité et de réactiver l’accord de coopération en matière de biotechnologie entre le pôle de Szeged et les partenaires scientifiques français. Sera également adressée une lettre conjointe au Président de la Commission en faveur d’un réseau européen des pôles de compétitivité. Le souhait de la Hongrie d’accueillir l’Institut européen de technologie a été pris en considération.

Enfin aucun partenaire de la Hongrie ne peut ignorer le sujet des minorités et le Président a souhaité le traiter dans un esprit de compréhension et de compromis, selon une approche privilégiant le culturel, l’affectif et l’identitaire et la reconnaissance des droits individuels plutôt que collectifs. Une initiative franco-hongroise sur ce thème pourrait prendre la forme d’un grand colloque d’historiens, d’analystes politiques et de penseurs.

*

Trois thèmes ont été principalement abordés lors de la mission parlementaire effectuée le 26 septembre 2007 : le traité modificatif et la Conférence intergouvernementale, les questions migratoires et la stratégie de Lisbonne.

B. Le traité modificatif et la Conférence intergouvernementale

M. Gábor Iván, secrétaire d’Etat technique aux affaires européennes, a d’abord rappelé que la Hongrie avait été, après la Lituanie, le deuxième Etat membre à ratifier le traité instituant une Constitution pour l’Europe, par la voie parlementaire, et qu’elle avait déploré la lenteur de la période de réflexion qui a suivi le non au traité constitutionnel lors des référendums en France et aux Pays-Bas. Elle s’est d’autant plus réjouie des initiatives qu’a prises le Président de la République française pour trouver une solution et considère sa proposition de partenariat stratégique comme très importante, non seulement pour les relations bilatérales franco-hongroises, mais aussi pour établir les nouvelles bases de l’avenir de l’Union européenne. Il est très bénéfique que les négociations aient ramené la France sur la scène européenne car l’Union européenne a besoin d’un nouveau moteur et, à cet égard, la France et l’Allemagne constituent des modèles. La Hongrie présentera prochainement à nos partenaires un document stratégique sur sa politique européenne.

Les experts juridiques ont bien travaillé et le compromis issu des conclusions du Conseil européen de juin 2007 est acceptable parce qu’il préserve l’essentiel. La Hongrie a beaucoup œuvré pour préserver le contenu de la Constitution. La Hongrie peut accepter d’abandonner les symboles si le plus important est conservé : les valeurs, les objectifs, les politiques, les institutions.

M. Gábor Iván s’est déclaré optimiste sur la possibilité d’aboutir à un accord général et à un compromis avec le Royaume-Uni sur ses dérogations. Par ailleurs, si l’on peut comprendre que le mécanisme de Ioannina soit une question politique importante pour la Pologne, même si elle ne réjouit pas ses partenaires, il serait préférable pour l’efficacité du processus de décision qu’il ne figure pas dans le traité mais dans une déclaration. En tout état de cause, si l’on est capable de trouver un compromis avec le Royaume-Uni, on le trouvera également avec la Pologne.

Il s’est en revanche montré plus inquiet pour la ratification qu’il faudrait achever avant le printemps 2009 et le début d’un nouveau cycle politique de cinq années pour le Parlement européen et la Commission. La ratification n’est pas une difficulté pour la Hongrie, mais il serait important que les pays qui n’ont pas ratifié, France et Pays-Bas, soient les premiers à le faire. La question se pose surtout pour le Royaume-Uni mais aussi les Pays-Bas. Le gouvernement néerlandais a clairement pris la même position qu’il y a trois ans en faveur d’une ratification par la voie parlementaire et non référendaire, mais il faut s’interroger sur le choix du Parlement néerlandais qui avait imposé à l’époque une ratification par référendum.

La Hongrie accepte une composition de la Commission resserrée à partir de 2014 sur un nombre de commissaires correspondant aux deux tiers du nombre d’Etats membres, à condition de respecter l’égalité entre les Etats membres et de ne pas créer des « junior » commissaires de deuxième catégorie. Cette exigence est d’autant plus légitime que la Hongrie est en train de perdre sur les droits de vote au Conseil dans la nouvelle pondération des voix à la majorité qualifiée(1). La Hongrie l’accepte néanmoins parce qu’elle en attend un meilleur processus de décision mettant fin aux lenteurs du système actuel.

Contrairement à la multiplication des dérogations (opt-out) conduisant à une Europe fragmentée, la Hongrie approuve le mécanisme des coopérations renforcées qui ont un objectif clair et servent l’Union européenne. Il faut bien entendu essayer de traiter d’abord le sujet au Conseil à vingt-sept et, en cas d’impossibilité, laisser le groupe de pays décidés à avancer renforcer leur coopération, à condition qu’elle soit ouverte ultérieurement à ceux qui n’étaient pas prêts. Ce pays ne verrait par exemple que des avantages à une meilleure coopération au sein de l’eurozone, de manière à renforcer toute l’Europe.

Le document de stratégie politique européenne de la Hongrie se place résolument dans la perspective de l’édification d’une union politique, en mettant l’accent non pas sur les institutions et un Etat fédéral, mais sur ce qui est compréhensible par tout citoyen et est de nature à produire des résultats tangibles pour lui, en particulier l’Euro pour la stabilité et Schengen pour la sécurité.

M. Matyas Eörsi, Président de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale et Président du groupe parlementaire du parti libéral, a d’abord salué la visite du Président Sarkozy et son évocation du traité de Trianon et considéré que cette visite ouvrait la voie à une intensification des relations bilatérales franco-hongroises aux niveaux économique, politique et européen.

Se déclarant à terme en faveur d’une Europe fédérale tout en étant conscient d’être en minorité pour le moment, il avait approuvé le traité constitutionnel comme un compromis malgré quelques objections à son encontre et s’était opposé dès le début à son adoption par référendum. Le traité modificatif a donc pour lui l’inconvénient de ne pas contenir tout ce qui avait été obtenu dans le traité constitutionnel, mais il a l’avantage de ne pas être soumis à la ratification par référendum et donc d’être plus facilement modifiable dans l’avenir.

Concernant la difficulté pour l’Europe de porter un projet ambitieux tant qu’elle aura du mal à devenir un espace de croissance et de plein-emploi, le Président Matyas Eörsi a déclaré que les Hongrois comme leurs responsables politiques avaient vécu au début des années quatre-vingt-dix dans l’illusion d’un rattrapage rapide de l’Occident qui les a conduits à la situation budgétaire actuelle. Ils comprennent désormais qu’il leur faudra suivre un processus d’apprentissage de la démocratie en mesurant mieux ce qui est réalisable, en particulier en matière de plein emploi. Il faut changer de paradigme pour que les populations d’Europe centrale et orientale, habituées à dépendre d’un Etat qui leur donne quelque chose ou ne leur donne rien, se fondent plus sur leur propre effort.

Le fédéralisme n’est pas une idée dépassée même s’il n’est pas encore à l’ordre du jour. Ainsi, la stratégie de Lisbonne est-elle une excellente initiative qui n’a pas eu les résultats escomptés parce qu’elle ne relève pas des compétences communautaires et que les gouvernements des Etats membres n’ont pas le courage de la réaliser. Par ailleurs, peu de monde avait cru possible il y a encore quelques décennies le remplacement du franc et du deutsche mark par l’euro et pourtant l’irréalisable a été accompli. Enfin on peut rêver à ce qui se serait passé si un ministre des affaires étrangères de l’Europe avait existé en 1956 et l’effacement de son titre dans le traité modificatif est une déception.

La Commission a besoin d’être réformée car les citoyens ne peuvent pas croire que l’augmentation du nombre des commissaires à chaque élargissement, de quinze à vingt-cinq puis vingt-sept, soit justifiée par des nécessités opérationnelles. La réforme de la composition du Parlement européen prévoit une baisse insatisfaisante des sièges pour la Hongrie, de 24 jusqu’en 2009 à 22 pour 2009-2014(2), mais l’élargissement des compétences du Parlement européen dans le traité modificatif est le plus important.

Le contrôle parlementaire du principe de subsidiarité ne peut être conçu comme une disposition essentielle du traité modificatif, parce qu’il est difficile de vanter d’abord les mérites de l’intégration européenne pour justifier l’adhésion à l’Union européenne et expliquer ensuite au peuple qu’il faut protéger les intérêts nationaux des empiètements de l’Union. La politique intérieure hongroise est très difficile mais elle tourne autour de questions très simples, comme l’implantation d’usines dans les circonscriptions. Il aurait donc été préférable de s’éloigner un peu des intérêts locaux et de développer des procédures se concentrant sur l’intérêt général européen et associant la Hongrie à des projets plus globaux.

Le contrôle du Parlement national sur les textes communautaires est fondé sur une sélection et l’élaboration d’une prise de position présentée au gouvernement qui ne l’oblige pas juridiquement. Mais s’il ne la suit pas, il doit politiquement motiver et justifier son choix.

C. Les questions migratoires

Mme Kriztina Berta, directrice de la Direction consulaire du ministère des affaires étrangères, a rappelé que la Hongrie avait mis en place sa gestion de l’asile au début des années quatre-vingt-dix pour faire face à l’afflux de plus de cent mille personnes, membres des minorités magyares sans difficulté d’intégration et réfugiés en provenance des Balkans repartis dès la fin du conflit.

Les questions migratoires ne sont pas un sujet très sensible parce que la Hongrie ne connaît pas une immigration importante, en raison notamment du particularisme de sa langue. Elle a reçu 1 600 réfugiés et demandeurs d’asile en 2005 et 2 100 en 2006  et le nombre total de clandestins est estimé entre 4 000 et 5 000 en 2006, en provenance d’Ukraine et de Moldavie, d’Extrême-Orient et des Balkans, zone à la fois d’origine et de transit. Cependant la multiplication du nombre des clandestins par 4 ou 5 en 2006 par rapport à 2005 appelle à la vigilance, particulièrement dans la perspective de l’adhésion de la Hongrie à l’espace Schengen au 1er janvier 2008.

La Hongrie satisfait ses besoins en main d’œuvre de médecins, d’infirmiers et d’ouvriers du bâtiment partis en Europe occidentale en recourant à la main d’œuvre de pays de l’Est voisins.

La Hongrie a déjà élaboré sa réglementation pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2008, sa politique de visa est déjà harmonisée avec les normes européennes, les douanes suivent la réglementation Schengen depuis quelques années. La Hongrie est prête pour son entrée dans l’espace Schengen au 1er janvier 2008.

Elle est également prête à soutenir entièrement le programme d’action et le paquet de cinq directives présentés par la Commission et relatifs à l’immigration légale.

La France peut également compter sur le soutien de la Hongrie à sa proposition d’un pacte européen sur l’immigration. Les accords de facilitation des visas au bénéfice des pays des Balkans occidentaux doivent aller de pair avec des engagements d’éloignement des clandestins. Les accords d’éloignement bilatéraux conclus par la Hongrie avec vingt-six pays fonctionnent bien, notamment avec ses voisins, mais ils doivent être respectés même après son entrée dans Schengen.

La Hongrie souhaite développer la coopération la plus large avec la France en ces domaines où elle ne connaît qu’un seul sujet sensible : les communautés magyares d’outre-frontières pour lesquelles l’augmentation des frais de visas à 60 euros sur une initiative française a été mal ressentie.

D. La stratégie de Lisbonne

La stratégie de Lisbonne est intimement liée à la résolution du grand défi que doit affronter la Hongrie : le rétablissement de son équilibre économique et budgétaire.

M. Gábor Iván a rappelé qu’après les élections d’avril 2006 qui avaient reconduit la majorité sortante (parti socialiste et gauche libérale de l’alliance des démocrates libres), le gouvernement n’avait pas le choix face à un déficit public insoutenable, passé de 6,1 % du PIB en 2005 à plus de 10 % en 2006, et à une croissance tombée de 4 % à 2,4 % actuellement. Il a décidé de reformater le budget de la Hongrie et d’introduire des changements massifs pour passer de 10 % du déficit à 4 % en deux ans et à terme à 3 %, afin de rétablir les comptes du pays en vue de son entrée dans la zone euro. Les citoyens jugeront les résultats de cette politique indispensable aux élections de 2010.

M. István Kovacs, vice-président de l’Agence nationale du développement, a souligné que la Hongrie essayait d’utiliser au mieux les fonds structurels et de cohésion pour mettre en adéquation deux objectifs : la stratégie de Lisbonne et le rétablissement de l’équilibre budgétaire national. Certes les mesures de redressement vont dans le sens des objectifs de Lisbonne, mais la tendance de nombreux Etats membres est de privilégier les objectifs internes par rapport aux objectifs généraux européens.

Le deuxième plan de développement de la nouvelle Hongrie, approuvé par la Commission, a pour but d’établir une corrélation des objectifs nationaux avec les objectifs généraux de la stratégie de Lisbonne.

La révision à mi-parcours de cette stratégie a permis de mieux cibler ses objectifs, de préciser ses outils, de mieux réfléchir aux défis posés par la mondialisation à l’Europe, enfin de mieux harmoniser les objectifs européens en matière d’agriculture, de changement climatique et d’énergies renouvelables.

La Hongrie souhaite consacrer environ 50 % des fonds structurels alloués pour 2007-2013 aux objectifs de Lisbonne. Les très grands retards dans les infrastructures routières, ferroviaires et d’évacuation des eaux risquent cependant de freiner la pleine réalisation des objectifs de Lisbonne par un pays confronté à la difficile tâche d’augmenter la qualité de ses infrastructures tout en réduisant leurs frais de fonctionnement.

En conclusion, la Hongrie manifeste à l’égard de l'Union européenne une attente très forte, bienveillante, ni agressive ni désabusée.

IV. IRLANDE :
Mission de Mme Arlette Franco (le 2 octobre 2007)

La rapporteure s’est rendue à Dublin, où elle a eu des entretiens avec plusieurs députés du Dail. Les commissions n’ayant pas encore été désignées (les élections générales ont eu lieu en mai dernier et la session du Parlement s’est ouverte le 26 septembre), et compte tenu de nos propres contraintes de calendrier, il était impossible de rencontrer les membres de la commission des affaires européennes mais elle a pu rencontrer des représentants des principaux groupes politiques.

A. L’Irlande sera, en principe, le seul Etat membre à organiser un référendum sur le traité modificatif

Après le rejet du projet de traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas en 2005, l’Irlande avait décidé de reporter la tenue du référendum tendant à la ratification (comme l’avait également décidé le Royaume-Uni). Bien que certains des interlocuteurs aient indiqué qu’un référendum sur le traité modificatif n’était peut-être pas obligatoire au plan juridique, tous se sont accordés pour dire que politiquement il était nécessaire.

Le souvenir du rejet du traité de Nice par référendum en 2001 est très présent. L’Irlande avait dû voter à nouveau en 2002, et le « oui »  l’avait emporté.

Les interlocuteurs ont fait preuve d’un certain optimisme sur l’issue du référendum, soulignant en premier lieu que tous les grands partis sont favorables au traité modificatif (le Fianna Fail, principal parti de la coalition au pouvoir, le Fine Gael, le Labour et les Progresive Democrats). Les Verts, qui sont en Irlande traditionnellement hostiles à l’Europe, pourraient changer de position, en raison de leur participation à la coalition gouvernementale depuis les dernières élections. Les partenaires sociaux sont également favorables au traité.

Les obstacles évoqués sont de plusieurs ordres :

- le risque d’une trop faible participation, comme cela avait été le cas pour le premier référendum sur le traité de Nice ;

- les risques de tout référendum : les électeurs pourraient être tentés de répondre à d’autres questions que celle posée, d’ordre européen (ont été cités le rejet de l’harmonisation fiscale, l’Irlande ayant un taux d’impôt sur les sociétés très inférieur à la moyenne européenne, ainsi que la crainte de l’élargissement à la Turquie) ou interne ;

- la reprise d’arguments récurrents dans les débats sur l’Europe : la critique de l’excès de réglementation et de la bureaucratie, la défense de la neutralité de l’Irlande. La question du nombre de sièges au Parlement européen a aussi été présentée comme problématique pour l’opinion publique ;

- les possibilités de « contagion » du débat britannique, notamment en raison de la popularité de certains journaux britanniques très anti européens ;

- et plus largement, une éventuelle focalisation de tous les eurosceptiques de l’Union sur le débat irlandais ;

La date du référendum n’a pas encore été arrêtée. La plupart des interlocuteurs rencontrés ont évoqué le printemps 2008, et lors de l’entretien avec le ministre délégué aux affaires européennes, celui-ci a exprimé son souhait que le référendum se tienne le 9 mai, journée Schuman.

Un autre point encore en débat concerne la possibilité de coupler le référendum sur le traité avec un autre référendum sur les droits de l’enfant. Les interlocuteurs rencontrés pensent qu’il serait préférable de distinguer les deux votes.

Le ministre délégué aux affaires européennes M. Dick Roche, qui a l’expérience du deuxième référendum sur le traité de Nice, a indiqué qu’il souhaitait mener une campagne très active, permettant une explication claire du traité, tout en étant à l’écoute des problèmes de la population. Il existe en Irlande un Forum national sur l’Europe, qui se réunit tous les mois, et qui est une enceinte dans laquelle les partis, les partenaires sociaux et les membres de la société civile débattent de l’Europe. Cette instance de discussion va jouer un rôle important en amont du référendum.

B. L’Irlande n’a pas encore décidé si, dans le cadre du traité modificatif, elle allait demander les mêmes dérogations que le Royaume-Uni dans le secteur de la justice et des affaires intérieures.

Rappelons que l’Irlande ne fait pas partie de l’espace Schengen et partage un espace de libre circulation avec le Royaume-Uni.

Concernant la coopération judiciaire, les milieux juridiques sont favorables à un alignement sur les positions britanniques, en se fondant sur les particularités des pays de common law.

Le ministre délégué aux affaires européennes a indiqué qu’à titre personnel il n’était pas favorable à ce que l’Irlande suive le Royaume-Uni à ce sujet, soulignant que le traité n’apportait pas de changement négatif et qu’il ménageait des possibilités de « frein de secours ».

L’Irlande est par ailleurs très attachée à la Charte des droits fondamentaux et ne demandera pas de dérogation comme l’ont fait les Britanniques.

Les interlocuteurs ont tous souligné leur engagement pour l’Europe politique et leurs différences de vue avec les Britanniques à ce sujet.

C. D’autres questions ont été soulevées par les interlocuteurs

1) Le comité des sages

Les personnes rencontrées ont souhaité des précisions sur cette proposition ; certaines ont exprimé la crainte que la composition de ce comité ne se limite à des experts, ce qui ne serait pas suffisamment ouvert et démocratique.

2) La Turquie

L’opinion irlandaise est défavorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union. Certains des interlocuteurs s’interrogent sur les conséquences d’un refus de l’adhésion sur la situation de la Turquie et ses relations avec l’Union européenne.

3) L’immigration

Il s’agit d’une question nouvelle en Irlande, puisque ce pays a connu une immigration très importante depuis 2003-2004, en raison de sa forte croissance économique et de l’élargissement de l’Union européenne. Le nombre d’étrangers résidant en Irlande est estimé à 10 % de la population totale, soit 400 000 personnes. L’ampleur de ce phénomène n’a pas été anticipée. L’Irlande applique depuis le 1er janvier 2007 des restrictions transitoires à la libre circulation des travailleurs roumains et bulgares.

Les personnes rencontrées ont souligné que l’Irlande n’avait pas encore formulé de politique sur l’immigration, notamment sur l’intégration des immigrés. Elle est particulièrement attentive aux exemples de ses partenaires européens, comme le Royaume-Uni et la France.

Des difficultés sont redoutées, en cas de ralentissement de l’économie (ce qui n’est pas le cas actuellement, puisque l’Irlande connaît une croissance de 6 % et un chômage de 4,5 %). La dépendance de l’économie vis-à-vis des multinationales et la crainte des délocalisations ont été soulignées à plusieurs reprises.

Ont également été évoqués le rôle des « petits » pays dans l’Union européenne, et les inquiétudes sur l’avenir de la politique agricole commune, dossier sur lequel les Irlandais souhaitent un soutien mutuel avec la France.

V. ITALIE :
Mission de M. Régis Juanico (le 20 septembre 2007)

Le rapporteur s’est rendu à Rome et a pu rencontrer des représentants des pouvoirs législatif et exécutif.

A la Chambre des députés, il a eu un entretien avec Mme Franca Bimbi, Présidente (groupe Ulivo – centre gauche) de la Commission des affaires européennes, et avec M. Francesco Stagno d’Alcontres, vice-président (Forza Italia – centre droit) de cette même commission.

Du côté de l’exécutif, trois conseillers appartenant à l’équipe diplomatique de la Présidence de la République et aux services du ministère des affaires étrangères ont accepté de répondre aux questions du rapporteur. Il n’y a pas, en Italie, un ministre des affaires européennes. Mme Emma Bonino est certes ministre des « politiques européennes » et du commerce international, mais ses compétences n’englobent pas les problèmes institutionnels, qui relèvent du ministre des affaires étrangères (M. Massimo d’Alema).

Au retour de cette mission, trois enseignements semblent devoir être mis en avant.

1. Malgré une déception initiale, liée à l’abandon des symboles constitutionnels, l’Italie souhaite ratifier rapidement le traité modificatif.

2. L’importance attribuée au Parlement européen conduit à relativiser la procédure de contrôle de la subsidiarité, mais rend très sensible la question d’une nouvelle répartition des sièges après 2009.

3. Une perception très positive de la concurrence dans la construction européenne n’empêche pas les Italiens de soutenir l’initiative franco-allemande sur la dimension extérieure de la stratégie de Lisbonne, visant à favoriser une concurrence loyale (en particulier avec la Chine).

A. Une déception initiale, mais le souci de ratifier rapidement le traité modificatif

1) Un fort attachement aux symboles constitutionnels

L’Italie avait été le premier des pays fondateurs de l’Europe à ratifier, par la voie parlementaire, le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe.

Aussi, au lendemain du Conseil européen de juin dernier, les réactions des principales autorités de ce pays traduisaient-elles une certaine insatisfaction liée, à la fois, à l’abandon de la démarche constitutionnelle et au sentiment que la voix de l’Italie comptait peut-être moins que celle d’autres nations. Le Président du Conseil, M. Romano Prodi, jugeait que le Conseil européen avait abouti à « une Europe sans cœur, nous avons fait un pas en arrière ». De son côté, le Président de la République, M. Giorgio Napolitano, estimait que le traité modificatif remettait en question « le résultat de dix années de travail et de réflexion dont le traité de 2004 était une conclusion » et constatait : « Un pays comme le nôtre, qui a amplement soutenu ce traité, a dû céder à une minorité ». Il ajoutait néanmoins « Nous devons penser au futur et transformer notre insatisfaction actuelle en un tremplin pour demain ».

Cette dernière phrase résume assez bien la position actuelle de l’Italie. Elle regrette la disparition de la notion de Constitution et des références aux symboles de l’Union européenne, mais en prend acte et comprend que le traité modificatif permettra de nouveau d’aller de l’avant dans la construction européenne.

A défaut de symboles tels que le drapeau, l’hymne ou la devise, les Italiens ont, en quelque sorte, reporté leur attention sur la Charte des droits fondamentaux. Mme Franca Bimbi, Présidente de la Commission des affaires européennes, a d’ailleurs assimilé cette Charte à un « drapeau » pour l’Europe. L’Italie préconise donc l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans le traité.

2) Une volonté de ratifier rapidement le traité modificatif pour aller de nouveau de l’avant

On peut avoir deux certitudes sur la ratification du traité par l’Italie : premièrement, la ratification ne posera pas de problème dans ce pays dans la mesure où elle est soutenue par l’ensemble des forces politiques, à quelques exceptions mineures (Ligue du Nord et extrême-gauche) ; deuxièmement, la ratification sera réalisée par la voie parlementaire.

Les responsables italiens se montrent favorables à une coordination des Etats membres pour que l’ensemble des ratifications intervienne dans un laps de temps resserré ; la diversité des situations propres à chaque pays rendant illusoire une ratification à une date unique.

Une fois le traité ratifié, l’Italie se déclare prête à participer à l’approfondissement de la construction européenne.

Ce volontarisme la conduit à vouloir participer aux coopérations renforcées, en particulier dans les domaines liés à la JAI (justice, immigration, lutte contre le terrorisme…). Dès lors, les dérogations accordées au Royaume-Uni dans ces domaines font l’objet de fortes critiques. Tout en étant conscients que le particularisme britannique marque l’histoire de la construction européenne, nos interlocuteurs n’apprécient guère les procédures d’opt-out et d’opt-in, perçues comme des freins à la volonté d’intégration d’autres Etats membres. Toutefois, ils ne pensent pas que ces procédures conduiront, à terme, à une dissociation. Le vice-président de la Commission des affaires européennes, M. Francesco Stagno d’Alcontres, a ainsi estimé que plus l’Europe serait forte, plus il était probable que le Royaume-Uni fasse usage de l’opt-in.

Il est à noter que les revendications polonaises sont perçues comme soulevant des difficultés moins sérieuses, car la Pologne ne serait pas ferme sur ses positions et, en tout état de cause, isolée. Seule la date des élections législatives polonaises donne quelques inquiétudes, puisque cette échéance pourrait être utilisée pour repousser un accord au-delà des 18 et 19 octobre.

Le volontarisme européen de l’Italie l’incite ensuite à adopter une approche positive à l’égard de la proposition de création d’une Union méditerranéenne. Elle n’est pas perçue comme un moyen d’escamoter la question de l’élargissement à la Turquie, mais comme une ambition devant être partagée par l’ensemble des Etats membres et pas seulement par les pays bordant la Méditerranée. Les questions susceptibles d’être examinées dans ce cadre dépassent, en effet, la seule dimension régionale : changement climatique, immigration, paix en Méditerranée… Néanmoins, les Italiens souhaiteraient obtenir une information plus précise sur le cadre et les objectifs de l’Union méditerranéenne.

B. Les implications de l’importance accordée au rôle du Parlement européen

Il faut bien comprendre que la perception du rôle du Parlement européen est assez différente en Italie de celle que l’on connaît en France.

La Présidente de la Commission des affaires européennes a ainsi souligné qu’il lui semblait souhaitable de développer les pouvoirs du Parlement européen en évitant les positionnements nationaux lors des votes, afin de contribuer à l’émergence d’un véritable gouvernement européen.

Il faut aussi rappeler que le Président de la République est un ancien parlementaire européen et que, d’une façon générale, de nombreux hommes politiques italiens de premier plan ont siégé, ou siègent encore, à Strasbourg, ce mandat étant perçu comme un levier dans une carrière et non comme une mise à l’écart.

Cette approche spécifique des missions du Parlement européen influence les réactions italiennes sur la mise en œuvre du contrôle de subsidiarité et sur la nouvelle répartition des sièges envisagée par le rapport de MM. Lamassoure et Severin.

1) Une réflexion en cours sur les attributions de la Commission des affaires européennes

Mme Franca Bimbi a regretté que le travail de la Chambre des députés soit principalement consacré à l’intégration du droit communautaire dans le droit national. Elle a également indiqué que le rôle du Parlement italien dans la « phase amont », celle de la négociation des projets communautaires, était devenu plus complexe du fait du transfert de compétences aux régions, en faveur desquelles des mécanismes de consultation obligatoire sont prévus dans certains cas.

Pour ces raisons, la Commission des affaires européennes vient de confier à une mission d’information le soin d’évaluer les procédures actuelles de son fonctionnement. Parmi les évolutions envisagées figure la création d’un comité permanent chargé de sélectionner les dossiers à traiter en priorité.

Il ne semble pas que la mise en œuvre du contrôle de subsidiarité occupe une place centrale dans les réflexions en cours. Même si la procédure d’alerte précoce est qualifiée de juste et nécessaire, elle doit encore – selon les parlementaires rencontrés – donner lieu à une harmonisation du sens donné aux notions de subsidiarité et de proportionnalité dans les différents Etats. En tout état de cause, la Chambre des députés ne souhaite manifestement pas faire usage de la procédure dite du « carton rouge », perçue comme allant à l’encontre du renforcement des attributions du Parlement européen.

2) L’indignation soulevée par les propositions sur une nouvelle répartition des sièges au Parlement européen

Comme l’avait laissé entendre MM. Alain Lamassoure et Adrian Severin lors de leur audition devant la Délégation la veille de la mission à Rome, leurs propositions sur la répartition des sièges au Parlement européen après les élections européennes de 2009 suscitent une forte réaction hostile en Italie.

Selon les critères strictement démographiques retenus par les deux rapporteurs précités, l’Italie – dont le taux de natalité est au plus bas et où le niveau de l’immigration ne compense pas ce phénomène – garderait les 72 sièges prévus par le traité de Nice, mais ne serait plus à parité avec la France qui gagnerait 2 sièges (74) et le Royaume-Uni (73).

Cette proposition est clairement vécue comme une rétrogradation du rang de l’Italie en Europe.

Plusieurs arguments sont avancés pour s’opposer à une telle réforme. Certains sont d’ordre culturel et historique, mettant en avant le statut de pays fondateur de l’Europe ou encore le partage de valeurs communes avec la France et le Royaume-Uni. D’autres arguments, de nature juridique, font valoir que le traité se réfère aux « citoyens » et pas à la population, ce qui nécessiterait de prendre en considération les nombreux citoyens italiens ayant émigré dans d’autres Etats membres. Ce débat n’est pas directement rattaché aux négociations du traité modificatif mais nos interlocuteurs n’ont pas dissimulé que les autorités italiennes demanderaient à ce qu’il soit évoqué lors du sommet des 18 et 19 octobre à Lisbonne.

C. Le souci de se protéger contre la concurrence chinoise

L’ouverture à la concurrence des marchés des biens et des services, prévue par le traité de Rome et mise en œuvre par la Commission européenne, est aujourd’hui une démarche approuvée et soutenue par l’Italie. Ce soutien est évident chez M. Romano Prodi, ancien Président de la Commission européenne, mais il est partagé par la majeure partie des responsables italiens. La libéralisation de divers secteurs imposée par Bruxelles est perçue comme une chance donnée à l’économie et à la société italiennes d’évoluer et de se moderniser. De même, la mondialisation est moins appréhendée comme une menace que comme une opportunité.

Dans ces conditions, la requalification de la concurrence libre et non faussée en instrument de l’Union, et non plus en objectif de l’Union, avait donné lieu, à l’issue du Conseil européen de juin 2007, à de sévères critiques à l’encontre de la France et de son Président, à l’origine de cette mesure.

Nos interlocuteurs ont de nouveau regretté cette concession accordée à la France.

Cependant, un élément relativement nouveau mérite d’être souligné : la forte sensibilité de l’Italie aux risques liés à une concurrence déloyale de la part de la Chine. Lors des entretiens, le rapporteur a été frappé par le fait que toutes les personnes rencontrées prenaient l’initiative d’aborder ce sujet.

L’économie italienne, qui s’appuie sur des PME performantes dans des domaines tels que la confection ou la maroquinerie, subit le choc des importations de produits à bas prix et de contrefaçons provenant de Chine.

Les craintes liées aux conséquences de cette concurrence sur la compétitivité et l’emploi en Italie se traduisent par une certaine tension avec la communauté chinoise installée dans ce pays. On se souvient, par exemple, des échauffourées entre les forces de l’ordre et des centaines de ressortissants chinois à Milan en avril 2007, à la suite de la verbalisation d’une automobiliste chinoise.

Ces craintes conduisent surtout les autorités italiennes à demander à l’Europe de mieux s’organiser pour assurer la protection contre la concurrence déloyale. Dès lors, la lettre conjointe franco-allemande adressée à M. José Socrates le 10 septembre 2007 pour demander le renforcement de la stratégie de Lisbonne grâce à des mesures économiques externes, en favorisant une concurrence loyale dans un esprit de réciprocité, a forcément trouvé un accueil positif en Italie.

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* *

En conclusion, l’Italie demeure un Etat au fort volontarisme européen, prêt à participer à l’approfondissement de la construction communautaire, mais ayant parfois l’impression de ne pas peser du poids qu’il mérite dans les décisions. C’est pourquoi il conviendra de veiller à ménager la susceptibilité nationale à l’occasion de la nouvelle répartition des sièges au Parlement européen.

VI. REPUBLIQUE TCHEQUE :
Mission de M. Daniel Garrigue (les 11 et 12 septembre 2007)

Le rapporteur s’est rendu à Prague les 11 et 12 septembre dernier afin d’apprécier l’accueil que réservent les autorités tchèques au traité modificatif et de cerner leurs premières priorités pour la présidence de l’Union qu’ils assumeront au premier semestre 2009.

A. Un gouvernement de droite libérale dont l’euro- scepticisme s’atténue dans l’exercice du pouvoir

1) L’euro-scepticisme traditionnel de la droite libérale tchèque

En fort contraste avec les gouvernements sociaux démocrates du tournant des années 2000 qui se sont attachés à préparer avec enthousiasme l’entrée de la République tchèque dans l’Union, le nouveau gouvernement de coalition rassemblant les démocrates civiques, ODS, de droite libérale, les verts et les démocrates chrétiens, constitué sur une base parlementaire extrêmement étroite (la chambre des députés est divisée à stricte parité entre les deux coalitions de droite et de gauche), affiche de fortes réserves sur l’intégration européenne.

L’ODS n’a jamais dissimulé son hostilité au projet fédéral, en particulier par la voix de son dirigeant historique, le Président de la République Vaclav Klaus, critique vigilante des progrès de l’intégration communautaire. Cette tradition explique le refus de la majorité de ratifier le traité établissant une Constitution pour l’Europe, à contre-courant des autres nouveaux Etats membres à l’exception notable de la Pologne. Elle éclaire aussi l’attachement de Prague à veiller à ce que la Pologne ne soit pas isolée au cours des négociations du Conseil européen de juin dernier. Cette tradition éclaire enfin les liens étroits qui unissent l’ODS aux conservateurs britanniques, les deux partis envisageant de former un groupe commun au parlement européen.

Dans ce contexte, deux axes structurent l’approche tchèque des dossiers européens.

En premier lieu, Prague éprouve une forte méfiance à l’égard de l’intégration politique européenne, redoutant une hégémonie allemande. Dans ce contexte, la relation transatlantique demeure le point d’ancrage de sa diplomatie dont témoignent sa participation à la guerre en Irak et, plus récemment, l’accueil de la troisième base du bouclier antimissile américain dont la ratification parlementaire pose cependant problème face à l’hostilité de l’opinion publique.

Dans le même esprit, les Tchèques se font les défenseurs d’un élargissement continu aux Etats balkaniques et à la Turquie.

Ils critiquent avec force les discriminations dont seraient victimes les nouveaux Etats membres. Ils veillent ainsi à ce que l’espace de Schengen soit étendu au début de 2008 à l’ensemble des Etats de l’élargissement. Ils regrettent les restrictions à la libre circulation des travailleurs mises en place dans la quasi-totalité de l’Union à 15 alors même qu’ils ont ouvert leur marché du travail, en besoin criant de main d’œuvre, aux Bulgares et aux Roumains. Ils s’indignent contre notre faillite à respecter notre promesse d’attribuer les sièges des nouvelles agences européennes aux Etats de l’Est.

L’autre axe de la diplomatie tchèque est le libéralisme économique.

Cette approche libérale a inspiré un radical programme interne de libéralisation de l’économie en voie d’être définitivement adopté, qui prévoit l’introduction d’un impôt unique sur le revenu (flat tax) et un allégement drastique de l’impôt sur les sociétés compensés par un fort relèvement des droits sur la consommation et des coupes tranchantes dans les prestations sociales et les effectifs de la fonction publique.

L’approche libérale dicte aussi les priorités que les Tchèques souhaitent voir assigner à l’Union. Farouchement hostile à l’harmonisation fiscale et sociale, mal à l’aise avec la Charte des droits fondamentaux, le Gouvernement tchèque souhaite promouvoir un agenda européen de dérégulation ambitieux et aspire à une révision en profondeur de la PAC.

2) Les progrès de l’« euro-réalisme »

Cependant, le rapporteur a pu constater une nette inflexion des opinions eurosceptiques au sein de la coalition majoritaire.

L’essentiel tient à un fait sociologique. L’opinion publique tchèque demeure profondément attachée à la construction européenne. De manière plus surprenante, la sociologie électorale des partis est à front renversé : la très nette majorité de l’électorat de la droite libérale est enthousiaste à l’égard de l’Union lorsque ses dirigeants, fortement influencés par l’autorité charismatique et intellectuelle de Vaclav Klaus, adoptent une posture très eurosceptiques. L’inverse est vrai : l’électorat des sociaux démocrates et, plus encore, des communistes, leurs partenaires de coalition qui restent très influents en République tchèque (15 % des votes environ), est méfiant à l’égard de l’Europe en contradiction avec les positions de leurs dirigeants. Les membres de l’ODS que j’ai pu rencontrer semblent prendre conscience de ce phénomène et évoluer vers un « euro-réalisme » (selon leur terme) mieux en phase avec les aspirations de leurs électeurs.

Ensuite, le gouvernement dépend d’une coalition fragile dans laquelle les verts joue un rôle disproportionné à leur poids électoral. Or, ces derniers sont déterminés à avancer dans la voie de l’intégration européenne, et parviennent à infléchir significativement les positions gouvernementales.

Un dernier facteur d’évolution tient au très grand pragmatisme des autorités tchèques, habiles à promouvoir leurs intérêts bien compris.

Le rapporteur a ainsi pu constater que leur doxa libérale perd de sa pureté lorsqu’elle se confronte aux choix concrets. Par exemple, les Tchèques, comme la France, bénéficient d’un opérateur énergétique, notamment nucléaire, très puissant et résolument exportateur qu’ils souhaitent préserver des appétits des investisseurs étrangers, en particulier russes, et d’une libéralisation trop rapide à l’échelle européenne. Nos positions concrètes en ce domaine sont donc extrêmement proches.

Il n’est jusqu’à la politique de Défense qui ne soit elle aussi ouverte à des options plus européennes. Au cours de divers entretiens, le rapporteur a pu certes mesurer l’attachement des Tchèques à la protection américaine, mais aussi remarqué un évident intérêt pour la construction d’une Europe de la défense dès lors qu’elle serait pleinement respectueuse du cadre de l’OTAN.

B. Une approbation tacite du traité non dénuée d’arrière-pensées

Ce contexte ambigu permet d’envisager avec un raisonnable optimisme l’adhésion de la République tchèque au traité modificatif.

Prague est en particulier très satisfaite des concessions qu’elle a contribué à arracher à ses partenaires. L’acceptation de sa revendication d’inscrire le principe de « flexibilité à double sens » permettant le retour de compétences communautaires aux Etats est vécue comme un franc succès.

De même, l’abandon des symboles européens et de la démarche constitutionnelle, comme le renforcement du rôle des parlements nationaux, répondent pleinement aux préoccupations tchèques. A cet égard, la volonté du Parlement européen de « réintroduire » les symboles par d’autres voies n’est pas sans irriter nos interlocuteurs de l’ODS.

Au regard de ces « avancées », il ne semble pas que la délégation tchèque soulèvera d’objections significatives sur les autres dossiers.

Elle ne devrait guère relayer la volonté polonaise d’inscrire le compromis de Ioannina dans les traités et semble résignée à l’adoption de la règle de double-majorité. Si elle regrette la multiplication des opt-out au profit du Royaume-Uni, c’est sans en revendiquer l’usage à son profit. Les quelques objections qui ont été soulevées sur l’intégration de l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans le cadre des politiques internes semblent mineures et un peu rhétoriques. Prague est en effet, pour l’essentiel, attachée au respect scrupuleux du mandat du Conseil européen.

Les autorités tchèques semblent plutôt se concentrer sur les modalités concrètes de l’exercice de leur présidence de l’Union au premier semestre 2009, enjeu revêtu de la plus haute importance dans le pays.

Le projet de traité prévoit en effet une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2009, ce qui implique qu’à cette date le Conseil serait présidé par le nouveau Président du Conseil nommé pour deux ans et demie.

Manifestement, Prague souhaiterait bénéficier, pendant au moins une courte période, d’une présidence « pleine » réservant un rôle important à ses plus hautes autorités, et bien des réserves soulevées par ailleurs semblent liées à ce désir compréhensible. L’essentiel est que les dispositions du nouveau traité soient pleinement opérationnelles lorsque débuteront les mandats des nouveaux Parlements européens et Commission au début de l’été 2009, ce qui ménage de l’espace pour un compromis.

Pour le reste, une ratification rapide ne devrait pas poser de problème : un référendum reste improbable (une loi préalable serait nécessaire pour en déterminer les conditions), et les majorités requises au Parlement semblent satisfaites en dépit des quelques réserves exprimées par le Sénat.

C. Un programme résolument libéral pour la présidence tchèque de l’Union

Le Gouvernement travaille activement à la préparation de sa présidence de l’Union de 2009, qui succèdera à la présidence française.

Sur le papier, les priorités tchèques et françaises sont incontestablement divergentes. Prague veut promouvoir « l’Europe sans frontière », en levant toutes les barrières qui obèrent les quatre libertés de circulation. Ses positions sur la PAC sont radicales. Elle reste hostile à tout pas en avant en matière d’harmonisation social ou fiscal.

Cependant, des convergences restent possibles.

On a vu que lorsqu’il s’agit de cas précis comme la libéralisation du secteur énergétique, les positions sont moins tranchées qu’il n’y paraît.

Le concept de « protection », clef de voûte de l’agenda européen français, reçoit des échos positifs, les Tchèques demeurant très méfiants à l’égard de la puissance économique et des volontés hégémoniques de son grand voisin russe. Ainsi, la nécessité de doter l’Europe des armes propres à défendre ses intérêts industriels et technologiques est ici bien comprise.

S’agissant du développement durable, les opinions fracassantes du Président Vaclav Klaus, qui nie l’existence du réchauffement climatique, ne paraissent pas partagées par nos interlocuteurs.

Quant à l’immigration, elle reste un sujet de consensus : les Tchèques sont plutôt favorables à une harmonisation européenne dès lors qu’elle tient compte de leur besoin de main d’œuvre étrangères et respecte le souci des nouveaux Etats membres de ne pas se voir priver de leurs meilleurs talents s’exilant vers les pays les plus riches, en particulier l’Allemagne.

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En conclusion, la République tchèque devrait se révéler être un partenaire moins difficile qu’il n’est parfois craint, avec lequel des convergences politiques profondes sont possibles. Dès lors qu’un sort particulier est fait à leur présidence de l’Union de 2009, ils devraient jouer le jeu du traité modificatif.

Le rapporteur terminera cependant en regrettant le très faible enthousiasme qu’a suscité au sein des Etats fondateurs la réconciliation de l’Europe en 2004 et le sentiment qu’en ont développé les nouveaux Etats membres d’être un peu les « parents pauvres », négligés ou ignorés, de l’intégration communautaire.

Beaucoup reste à faire pour sensibiliser notre opinion publique à l’extraordinaire richesse que constitue l’élargissement à des pays particulièrement dynamiques et profondément européens. Les échanges initiés par notre Délégation sont des pas qui vont clairement dans la bonne direction.

VII. ROUMANIE :
Mission de M. Emile Blessig (les 1er et 2 octobre 2007)

M. Emile Blessig s’est rendu en Roumanie, pays nouvellement adhérent qui connaît actuellement une situation d’incertitude politique, le gouvernement étant sous la menace de l’adoption d’une motion de censure. Par ailleurs, au mois de novembre prochain aura lieu l’élection des députés européens.

D’une manière générale, les entretiens ont mis l’accent sur le sentiment europhile de la population et le contexte « euro-enthousiaste », l’Europe recueillant 70 % d’opinions favorables dans les sondages.

A. Le traité modificatif

Dans ce contexte, le traité modificatif est accepté sans réserve, la relance de la construction européenne par l’initiative française ayant été saluée par les députés roumains. Le traité modificatif a suscité peu de débats. Seule la place de la Charte des droits fondamentaux a été contestée par les syndicats. Après le Conseil européen de juin 2007, des débats se sont engagés entre la Commission et le gouvernement sur le mandat de la CIG. Puis, tout au long des négociations, le gouvernement a régulièrement tenu informé le Parlement. Ainsi, la semaine prochaine, le ministre des affaires étrangères viendra s’exprimer sur l’état des négociations avant la finalisation de la CIG.

La ratification du traité ne posera, de l’avis unanime des interlocuteurs, aucun problème. Elle se fera par voie parlementaire selon la même procédure que pour le traité d’adhésion et pourra intervenir rapidement et, en tout état de cause, avant les élections européennes de juin 2009.

S’agissant du contrôle de l’application du principe de subsidiarité tel que prévu dans le traité modificatif, les députés roumains ont indiqué que la Commission pour les affaires européennes, bicamérale, est encore très novice en la matière et qu’elle élabore actuellement un mécanisme de contrôle pour lequel deux simulations ont été faites mais qui n’est pas encore opérationnel.

Les députés estiment que le délai de huit semaines dont disposent les parlements pour contrôler l’application du principe de subsidiarité n’est pas suffisant. Ils sont, sur ce point, favorables à une coopération entre les parlements nationaux, le cadre de la COSAC ayant été évoqué. En revanche, ils n’ont émis aucune critique sur le poids respectif des Etats dans la procédure de décision telle que prévue dans le traité simplifié.

B. La politique de bon voisinage et le contrôle des frontières

Compte tenu de l’étendue des frontières de la Roumanie – plus de 2500 kilomètres allant de la mer noire aux Carpates – et des difficultés de surveillance tenant notamment au relief de cette zone, la Roumanie, pays de frontières qui ne souhaite pas être un pays de marches, est très soucieuse de développer une politique de bon voisinage avec les pays frontaliers, et notamment avec la Moldavie dont elle souhaite l’intégration dans l’Union européenne. Cette politique de bon voisinage pose de façon plus générale le problème des frontières de l’Union qui n’est pas limité à la Turquie, certains Etats pouvant avoir un intérêt particulier à l’adhésion de pays limitrophes.

Les zones frontalières se trouvant sur des chemins de criminalité organisée et d’immigration illégale, un système intégré de sécurité des frontières a été mis en place et la Roumanie participe à Interpol, Europol et à Frontex, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières. La Roumanie est en tout état de cause très demanderesse d’une coopération européenne en la matière pour lutter contre la criminalité. L’adhésion a ainsi permis de délivrer 750 mandats d’arrêt européens depuis le 1er janvier 2007, contre une centaine en 2006.

C. L’approfondissement de la construction européenne

La Roumanie est consciente du chemin qui lui reste à parcourir pour répondre aux défis posés par l’adhésion à l’Union européenne, notamment en matière de justice et affaires intérieures. Ces défis ne pourront être relevés que par sa participation à l’approfondissement de la construction européenne. L’adhésion à la convention de Schengen est prévue pour 2012 et afin de répondre aux exigences posées cette convention, le processus d’élaboration de passeports biométriques a été enclenché et un groupe de travail a été constitué sur ce dossier à Bruxelles.

Compte tenu des perspectives économiques, l’intégration dans la zone euro est envisagée en 2012.

L’élaboration d’une politique énergétique commune revêt une importance particulière pour la Roumanie.

D’une manière générale, la Roumanie est favorable à l’élaboration de règles communes dans tous les domaines où l’Union européenne est appelée à intervenir, comme la création d’un régime d’asile européen.

D. L’immigration et l’émigration

Il existe une réelle inquiétude sur le départ des forces vives du pays, même si la Roumanie pense pouvoir compter sur les progrès économiques pour inciter la main-d’œuvre au retour et enclencher ainsi un mouvement de rééquilibrage, comme ce fut le cas pour l’Espagne ou le Portugal.

Concernant l’émigration des citoyens roumains ayant des problèmes d’intégration sociale, la Roumanie est favorable au développement de la coopération policière et judiciaire européenne.

Elle soutient l’idée de la France d’un pacte européen sur l’immigration.

La qualité des personnalités rencontrées au cours de cette mission courte mais dense a largement contribué à un enrichissement réciproque.

VIII. SUEDE :
Mission de M. Guy Geoffroy (les 19 et 20 septembre 2007)

Le rapporteur s’est rendu en Suède, à Stockholm, pour y rencontrer différentes autorités parlementaires, gouvernementales et administratives sur les questions européennes, et plus particulièrement sur le traité modificatif, la stratégie de Lisbonne et les migrations.

A la suite des dernières élections de 2006, la Suède n’est plus gouvernée par les sociaux-démocrates, mais par une coalition constituée autour des modérés (conservateurs), et comprenant les libéraux, le parti du Centre et les chrétiens-démocrates.

La Suède entretient sur le plan européen des liens institutionnels particulièrement étroits avec la France : elle est avec la République tchèque l’un de nos deux partenaires du trio des présidences. Nos trois Etats inaugureront bientôt la formule, en 2008-2009(3). Ils préparent un programme conjoint pour cette même période.

Certains éléments de ce programme sont dictés par les contraintes de l’agenda communautaire, notamment en matière de lutte contre les changements climatiques et d’énergie – il faut penser à l’après-Kyoto en 2012 –, comme de JAI – le programme de La Haye s’achève en 2009 – et d’Agenda de Lisbonne – l’échéance de l’actuel processus est 2010.

Entre autres sujets, les suédois nous ont indiqué être particulièrement attachés à la lutte contre le réchauffement climatique, à la réforme de la PAC – ils ont entendu avec un grand intérêt les éléments récemment communiqués par le Président de la République –, et aux questions relatives à la compétitivité et à la concurrence. Autant d’éléments là-bas consensuels entre la majorité et l’opposition.

Enfin, s’agissant du rôle exact de chacune des futures présidences, il y a une incertitude liée à la date d’entrée en vigueur du traité modificatif, et de mise en œuvre de la présidence stable du Conseil européen. On peut, en l’état, raisonnablement penser que l’un de nos partenaires inaugurera la nouvelle formule.

A. Les questions institutionnelles

Au chapitre des questions institutionnelles, la Suède soutient pleinement le projet de traité modificatif. Ses représentants considèrent ainsi que le futur traité devra être aussi proche que possible du mandat donné en juin par le Conseil européen à la CIG. Cet attachement à l’accord détaillé conclu à 27 est particulièrement important : c’est le premier élément dont on m’a fait part.

Aussi la Suède envisage-t-elle de le ratifier rapidement, dans la perspective de sa présidence prochaine.

Quelques points clefs méritent d’être soulignés.

Sur le plan politique, les Suédois considèrent qu’il appartient aux Gouvernements des pays concernés d’expliquer à leurs opinions publiques que nous avons absolument besoin d’un nouveau traité et que si celui-ci reprend 90 % de l’ancien projet de traité constitutionnel, il s’agit d’un texte d’une autre nature. A titre de comparaison, l’un des interlocuteurs a rappelé que les naturalistes observaient que l’homme avait une proportion comparable de gênes en commun avec la souris.

S’agissant des dérogations (opt-out) demandées par certains Etats membres, notamment le Royaume-Uni, il a été remarqué que chaque gouvernement pense également, à côté de l’intérêt européen, à son propre intérêt, lors des négociations. Dans un état d’esprit très pragmatique, le nouveau projet est néanmoins estimé très européen, puisqu’il permet de parcourir ensemble une nouvelle étape et qu’un consensus sur les objectifs à long terme de la construction européenne n’est pas indispensable pour franchir ensemble de telles étapes.

En ce qui concerne la PESC et la PESD, la Suède, qui n’est membre d’aucune alliance, notamment de l’OTAN, s’affirme très engagée pour la gestion des crises, civiles ou militaires. Elle participe d’ailleurs à plusieurs actions en cours, au sein de l’Union. Elle est attachée à plusieurs éléments :

– le maintien du caractère intergouvernemental, et de l’unanimité, pour la prise de décision, notamment pour la mise en place d’une future défense commune ;

– la collaboration dans le cadre de l’Agence européenne de défense ;

– le renforcement des capacités de gestion des crises.

Par ailleurs, la clause d’assistance mutuelle en cas d’agression armée contre un Etat membre représente pour elle une limite. Entre cette dernière et les capacités actuelles de gestion des crises, les autorités suédoises considèrent qu’il y a une importante marge de manœuvre pour le renforcement de la coopération européenne.

Les interlocuteurs de la mission ne se sont pas prononcés sur une éventuelle participation de la Suède à la coopération structurée permanente en matière de défense, arguant de l’incertitude actuelle quant à sa teneur précise.

Sur la question de l’effectif du Parlement européen et de la répartition de ses membres entre les différents Etats, les suédois estiment que les principes de clarté, de transparence et d’égalité entre les Etats doivent être respectés, de même que celui de linéarité qui implique un lien avec la population. Une répartition arbitraire serait en revanche délicate à justifier. Il s’agit en définitive de définir un équilibre entre divers intérêts. Il semble difficile que la CIG modifie en profondeur la répartition du Parlement européen telle qu’elle sera proposée par lui.

Pour ce qui est du suivi par les députés des questions communautaires, la Suède a récemment connu une augmentation de la place des questions communautaires dans les travaux parlementaires. L’objectif est de normaliser le traitement des questions européennes, dont, entre autres, une thèse de droit a montré qu’elles avaient une place spécifique et assez réduite, par rapport aux questions intérieures.

Le Gouvernement a ainsi l’obligation d’informer le Riksdag et ses commissions sur les questions européennes.

Pour ce qui la concerne, la Commission pour l’Union européenne est plus particulièrement engagée en aval du processus d’examen des questions communautaires. C’est elle qui donne, chaque semaine, lors de sa séance du vendredi, mandat au Gouvernement pour les négociations communautaires. Ce mandat n’est pas juridiquement impératif, mais il l’est politiquement. Les membres du Gouvernement doivent ainsi pouvoir justifier les écarts par rapport à ces instructions. En complément des éléments écrits communiqués au Parlement, ils viennent présenter devant la Commission le déroulement des réunions du Conseil. En cas de désaccord, un ministre encourt ainsi des critiques. Les conséquences du non respect du mandat relèvent des compétences de la Commission des affaires constitutionnelles. Pour les cas graves, l’hypothèse d’une démission d’un ministre voire d’une motion de censure est mentionnée comme envisageable.

En outre, pendant les négociations, les membres de la Commission pour l’Union européenne sont en liaison permanente, par téléphone, e-mail ou SMS, avec le ministre concerné, pour d’éventuelles adaptations du mandat. D’une manière un peu anecdotique mais caractéristique, le Conseil européen de juin a ainsi empêché certains parlementaires, qui devaient rester en liaison avec le Gouvernement, de participer aux fêtes de la Saint-Jean, très importantes en Suède.

Les mêmes technologies sont mises en œuvre pour les négociations menées pendant les vacances parlementaires. Tel a ainsi été le cas en juillet dernier.

S’agissant des relations avec les députés représentant la Suède au Parlement européen, il n’y a pas rien de formel au sein du Riksdag. La coordination est en fait menée au niveau des partis politiques.

En ce qui concerne les élargissements futurs, le cas de la Turquie a été évoqué. Pour la Suède, cet Etat, qui constitue un « pont » avec le monde musulman, représente l’un des éléments clefs de l’une des équations géostratégiques de l’Europe. Certaines évolutions le mettent en phase avec les valeurs et les critères de l’Union, notamment la réduction de l’influence des militaires. Des progrès doivent cependant encore intervenir, notamment sur la question kurde ou quant au respect des droits de l’homme. En outre, les promesses qui ont été adressées à la Turquie par deux sommets européens doivent être respectées.

B. La stratégie de Lisbonne

La Suède attache une grande importance à la Stratégie de Lisbonne, qui est d’ailleurs directement suivie par l’Office du Premier ministre. Sa révision à mi-parcours a été l’occasion d’un réexamen de ses actions et d’un renforcement de leur exécution. D’une manière plus large, le consensus des Etats membres sur la pertinence de la stratégie est jugé satisfaisant, car témoignant d’une vision commune sur l’avenir de l’Europe.

Plusieurs points saillants doivent être mentionnés.

En premier lieu, les suédois considèrent qu’il n’y a pas contradiction mais au contraire synergie et complémentarité entre le volet économique, le volet « croissance », de la stratégie de Lisbonne et ses deux autres dimensions, sociale et environnementale. Le social et l’environnemental sont considérés comme des facteurs de croissance à long terme : l’investissement dans les technologies protectrices de l’environnement renforce la compétitivité internationale des pays concernés ; la politique sociale est la clef des équilibres en termes démographiques, de créations d’emplois ainsi que de financement des politiques publiques.

En deuxième lieu, les Suédois considèrent qu’il faut réfléchir dès à présent sur la poursuite de la stratégie de Lisbonne au-delà de son échéance de 2010, en l’alliant notamment à l’engagement européen d’une réduction d’ici 2020 de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et d’une augmentation jusqu’à 20 % de la part des énergies renouvelables. La Suède envisage des politiques communes, complémentaires aux actions nationales, de recherche-développement sur les énergies nouvelles et estime notamment que la restructuration de la PAC, réorientée sur les énergies renouvelables, permettrait de stimuler la production industrielle. Elle est également très attachée à la liberté des échanges internationaux. L’accord conclu par l’Europe avec le Brésil sur l’éthanol a ainsi été mentionné avec intérêt.

En troisième lieu, les autorités suédoises chargées de sa mise en œuvre ont un point de vue très complet et très exigent sur la portée concrète de la stratégie de Lisbonne : elle estiment que son optique doit s’imposer à tous les responsables politiques et administratifs, auxquels il appartient de « chausser plus souvent les lunettes de Lisbonne ». Il est également nécessaire d’y sensibiliser et d’y associer les collectivités territoriales et la société civile, partenaires sociaux, associations et ONG. Des tables rondes ont ainsi été organisées en ce sens au printemps dernier sur la croissance, le social et la protection de l’environnement. Les régions sont quant à elles plus ou moins avancées. Certaines d’entre elles sont très en pointe et ont leur propre stratégie. La stratégie de Lisbonne et les cadres d’utilisation des fonds structurels ont été coordonnés pour éviter que les deux processus ne fonctionnent en parallèle.

En quatrième lieu, l’innovation est perçue par les Suédois comme le seul moyen de donner aux produits européens leurs caractéristiques matérielles ou immatérielles (design, faible consommation d’énergie) qui les place hors du champ de la concurrence directe avec les pays émergents.

A ce sujet, suivant un état d’esprit très pragmatique qui accorde une grande importance à l’évaluation, les Suédois souhaitent renforcer l’efficacité de l’effort de recherche développement. Ils s’inquiètent de l’écart entre son haut niveau - près de 4 % du PIB, dont 2,7 % au titre des financements privés - très supérieur à celui des autres pays, et la faiblesse des retombées constatées quant aux produits effectivement fabriqués et mis sur le marché. Il y a dans cette perspective débat sur la question des parts respectives de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée.

S’agissant des liens entre l’enseignement supérieur, la recherche et les entreprises, la Suède a une grande tradition de collaboration entre les Universités et l’industrie. Les premières coopèrent en outre avec les universités étrangères, non seulement les universités européennes, mais également avec les universités américaines, avec lesquelles les relations sont fort anciennes. L’Institut européen de technologies est bien perçu, puisqu’il permettra de renforcer la collaboration entre les établissements concernés.

Les Suédois ont également insisté sur l’absence d’interférences extérieures, notamment politique, dans les choix scientifiques des instituts de recherche : ceux-ci sélectionnent leurs projets sur des seuls critères d’excellence.

C. Les migrations

Au chapitre des migrations, il faut mentionner que la Suède, qui fait partie de l’espace Schengen, a confié les questions d’asile et de migrations au ministère de la Justice.

Le débat public se focalise actuellement, en la matière, sur l’asile, et non sur les migrations économiques destinées à satisfaire les besoins de main d’œuvre. Si les médias et les ONG notamment sont favorables à une politique d’asile généreuse, certains partis politiques et une partie de l’opinion sont par contre plus réservés.

Suivant la perspective tracée par le Livre vert sur le futur régime d’asile européen, la Suède est demandeur d’une harmonisation communautaire. Elle doit concrètement faire face à un afflux particulièrement important de réfugiés irakiens : elle reçoit près de la moitié de ceux qui viennent en Europe. Son objectif est d’obtenir que le traitement des demandes se fasse selon des critères communs et selon des lignes directrices également communes, sous le contrôle de la Cour de Justice de Luxembourg, de manière que les flux soient plus équilibrés entre les Etats membres.

En ce qui concerne les migrations économiques, l’immigration légale, le Gouvernement devrait prochainement proposer au Parlement un projet assez ouvert. Le projet de traité modificatif n’affecte d’ailleurs pas le principe de la compétence nationale pour déterminer le volume des admissions.

Pour ce qui est de la question du codéveloppement, qui exige d’éviter le « pillage » des ressources humaines des pays d’émigration, l’approche retenue est pragmatique. Les autorités suédoises, favorables au concept de codéveloppement, considèrent que les flux sont une donnée, qu’on ne peut pas les arrêter car ils sont l’une des conséquences de la mondialisation et qu’il convient donc d’en tirer le meilleur parti en favorisant les migrations « circulaires » (les allers-retours entre l’Etat d’origine et celui d’accueil) : l’impossibilité actuelle de pouvoir séjourner de nouveau, ultérieurement, dans le pays d’accueil représente un frein au retour dans le pays d’origine.

Enfin, s’agissant de la question de l’intégration, la Suède, où le concept d’identité nationale ne fait pas partie du vocabulaire « politiquement correct », connaît également des débats sur les conditions économiques du regroupement familial, les mariages arrangés et les crimes d’honneur.

ANNEXE :
Liste des personnes entendues par les rapporteurs

Ø Allemagne

- M. Norbert Lammert, président du Bundestag (CDU) ;

- M. Günter Gloser, ministre délégué aux affaires européennes (SPD) ;

- M. Joachim Wuermeling, secrétaire d’Etat au ministère fédéral de l’économie et de la technologie (CDU) ;

- M. Gunther Krichbaum (CDU), président de la commission des affaires européennes du Bundestag, et des membres de cette commission ;

Ø Espagne

- M. Alberto Navarro, secrétaire d’Etat pour l'Union européenne ;

- M. Jorge Toledo Albinana, directeur de cabinet de M. Navarro ;

- Mme Ana Torme, députée, membre du Parti populaire ;

- M. Jordi Xucla, député, membre du CiU ;

- M. Juan José Toharia, président de l’Institut de sondages Metroscopia ;

- M. Carlos Fernandez Liesa, professeur de droit communautaire à l’Université Carlos III.

Ø Hongrie

- M. Gábor Iván, secrétaire d’Etat technique aux affaires européennes ;

- M. Matyas Eörsi, président de la commission des affaires européennes du Parlement, principalement sur le thème du traité modificatif et de la Conférence intergouvernementale ;

- Mme Krisztina Berta, directrice de la direction consulaire du ministère des affaires étrangères, sur les questions migratoires ;

- MM. István Vilmos Kovacs et Attila Hajba, respectivement vice-président et directeur adjoint de l’Agence nationale de développement, sur la stratégie de Lisbonne.

Ø Irlande

- M. Dick Roche, ministre délégué aux affaires européennes ;

- M. Brendan Howlin, vice-président du Dail ;

- M. Joe Costello, porte parole du Labour sur l’Europe ;

- M. Billy Timmins, porte parole du Fine Gael pour les affaires étrangères ;

- M. Michael Mulcahy, député du Fianna Fail ;

- M. Maurice Hayes, sénateur et président du Forum sur l’Europe ;

Ø Italie

- Mme Franca Bimbi, présidente de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés ;

- M. Francesco Stagno d’Alcontres, vice-président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés ;

- Mme Alessandra Schiavo, membre de l'équipe diplomatique de la Présidence de la République, chargée des questions européennes ;

- Mme Teresa Castaldo, conseillère du ministre des affaires étrangères pour les relations avec le Parlement ;

- M. Luca Giansanti, directeur général adjoint de l'intégration européenne au ministère des affaires étrangères.

Ø République tchèque

- M. Ondrej Liska, président de la commission des affaires européennes de la Chambre des députés ;

- M. Alexandr Vondra, vice-premier ministre chargé des affaires européennes (ODS), parti de droite libérale ;

- Mmes Anna Curdova et Ladislava Zelenkova, démocrates-sociales, et M. Petr Krill (ODS), vice-présidents de la commission des affaires européennes ;

– divers hauts fonctionnaires responsables de la stratégie de Lisbonne et de l’immigration ainsi que M. Libor Secka, directeur général de l’Union européenne au ministère des affaires étrangères ;

– le directeur adjoint de l’Institut tchèque des relations internationales.

Ø Roumanie

- M. Adrian Vierita ; secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes au ministère des affaires étrangères ;

- M. Vassile Nitsa, questeur principal, sous-secrétaire d’Etat au ministère de l’intérieur et de la réforme administrative ;

- M. Bogdan Nicolae Niculescu-Duvăz, député PSD, membre de la commission du Parlement pour les affaires européennes ;

- M Costache Mircea, député PRM, membre de la commission du Parlement pour les affaires européennes ;

- M Valer Puşcă Mircea, député PNL, membre de la commission du Parlement pour les affaires européennes ;

- M Vasile Puşcaş, député PSD, membre de la commission du Parlement pour les affaires européennes.

Ø Suède

M. Håkan Jonsson, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, de l’Office du Premier ministre ;

- M. Niklas Kebbon, directeur général adjoint au ministère de la justice, chef de la division des politiques en matière de migrations et d’asile ;

- Mme Anna Kinberg Batra, présidente de la commission pour l’Union européenne du Riksdag, députée du parti modéré, et Mme Sonia Karlsson, vice-présidente de la commission pour l’Union européenne, députée du Parti social-démocrate ;

- Son Exc. Mme Anna Odhner, ambassadrice, directeur du secrétariat pour la coordination sur les questions européennes de l’Office du Premier ministre, et Mme Kajsa Haag, conseillère politique ;

- Mme Signe Burgstaller, directeur au ministère des affaires étrangères, sur la PESC et la PESD.

1 () Le traité de Nice et les actes d’adhésion lui attribuent douze voix représentant 3,5 % des voix, alors que le traité modificatif lui réserve un pourcentage d’un vingt-septième du nombre d’Etats, soit 3,7 %, mais de 2 % de la population de l’Union européenne, soit une perte de 1,4 % du critère de la population par rapport à la pondération de Nice.

2 () Le chiffre de 24 est provisoire comme le plafond actuel de 785 membres. Le rapport Lamassoure-Severin prévoit de maintenir les 22 sièges prévus par le traité de Nice à partir de 2009 avec un plafond de 736, en rehaussant le plafond à 750.

3 () La France assurera la présidence au second semestre 2008, la République tchèque au premier semestre 2009 et la Suède au second semestre 2009.