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N° 921

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LEGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2008

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la politique commune de l’immigration

(E 3678 et E 3679),

ET PRÉSENTÉ

par M. Thierry MARIANI,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Thierry Mariani, Pierre Moscovici, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; MM.Alfred Almont, Jérôme Bignon, Emile Blessig, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, Mme Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN NOUVEL ÉLAN POLITIQUE 7

A. Une nécessité : la poursuite d’une politique commune et d’une approche globale de la question des migrations 7

1) De Tampere à La Haye 7

2) Un nouveau cap 8

3) De nouvelles règles juridiques avec le traité de Lisbonne 8

a) La communautarisation de cette politique 8

b) L’extension de la codécision 9

c) Des mesures détaillées 9

B. Une nouvelle impulsion politique au processus 10

1) L’initiative française est politique 11

2) … concrète 11

3) … et le fruit d’une réflexion commune 12

II. UNE DÉMARCHE COMPLÉMENTAIRE 13

A. Favoriser l’immigration légale et encourager l’immigration professionnelle 13

1) Favoriser l’immigration légale 13

a) Encourager l’immigration professionnelle 13

b) Les régularisations 17

2) Réprimer le travail clandestin 18

B. Lutter efficacement contre l’immigration irrégulière 20

1) Une politique de retour plus efficace 20

a) Encourager les vols groupés 20

b) Elaborer des normes communes pour le retour 20

c) Parvenir à conclure des accords de réadmission 22

2) Une meilleure protection des frontières 22

a) Donner de nouveaux moyens à Frontex 22

b) Contrôler strictement les entrées et les sorties 24

(1) L’introduction de la biométrie 24

(2) Un registre des entrées et sorties axé sur des données biométriques et un programme de voyageurs enregistrés 25

3) Vers des consulats européens 25

C. Une véritable politique d’asile commune 26

1) Une véritable coopération pratique entre Etats membres 26

2) Une harmonisation des traitements des demandes 27

3) Une réelle harmonisation des conditions d’accueil 27

D. Renforcer le codéveloppement 27

III. UN ACCUEIL GLOBALEMENT FAVORABLE 29

1) L’Autriche 30

2) L’Espagne 32

3) La Pologne 34

4) Le Royaume-Uni 36

TRAVAUX DE LA DELEGATION 39

1) Audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, sur la politique européenne de l’immigration, mercredi 23 janvier 2008 39

2) Réunion de la Délégation du mardi 3 juin 2008 50

PROPOSITION DE RESOLUTION 55

ANNEXE : Personnes entendues par le rapporteur 57

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis le Conseil européen de Tampere d’octobre 1999, l’Union européenne a initié un ambitieux programme législatif sur l’immigration.

Une approche globale de cette question est plus que jamais nécessaire ; en effet, l’élargissement de l’Union à 27 Etats membres permet la libre circulation des personnes sur un espace étendu et des clandestins continuent d’affluer aux frontières européennes tant orientales que méridionales.

Cinq pays, la France, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne concentrent 80 % des flux migratoires.

Cette harmonisation des législations est difficile. Chaque Etat membre, de par son passé, sa position géographique, sa démographie a une approche particulière de cette question.

De plus, les questions migratoires restent un sujet sensible et les Etats membres tiennent à garder leurs compétences et à préserver leur souveraineté.

La Commission cherche, malgré tout, à relancer cette politique et donner une suite au programme de La Haye qui s’achève en 2010. C’est dans ce sens qu’elle a publié une communication en décembre 2007 intitulée « Vers une politique commune de l’immigration » et qu’elle présentera une nouvelle communication sur l’immigration ainsi qu’un plan d’action pour l’asile le 17 juin prochain.

Dans ce contexte, la France, qui va assumer la présidence de l’Union européenne, a inscrit parmi ses priorités, l’immigration.

Son ambition est double ; elle souhaite en premier lieu suivre et faire adopter des directives clés en cours de discussion.

En second lieu, elle cherche à redonner une nouvelle impulsion politique à ce processus et va proposer à ses partenaires la conclusion d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile qui s’articulera autour de cinq priorités :

- organiser l’immigration légale et favoriser l’immigration professionnelle, en fonction des capacités d’accueil de chaque Etat ;

- mieux protéger les frontières extérieures de l’Union dans un esprit de solidarité et rendre plus opérationnel le contrôle ;

- rendre plus effectif l’éloignement des étrangers en situation irrégulière et définir une politique commune de retour ;

- mettre en œuvre un régime européen d’asile ;

- renforcer le codéveloppement et l’aide au développement.

Ce rapport souhaite apporter la contribution de la Délégation à ce sujet. Il est l’occasion de faire le point sur la politique commune en matière d’immigration et présente comment le projet français de pacte cherche à lui donner un nouvel élan politique. Le rapporteur s’est rendu à Bruxelles et dans quelques pays européens pour connaître l’accueil réservé à ce projet.

I. UN NOUVEL ÉLAN POLITIQUE

A. Une nécessité : la poursuite d’une politique commune et d’une approche globale de la question des migrations

Depuis le Conseil européen de Tampere en 1999, l’Union européenne cherche à mettre en place une politique commune en matière d’immigration fondée sur une approche globale de la question migratoire.

C’est un véritable défi, car chaque Etat membre, de par son histoire, sa géographie, sa démographie, et ses politiques économiques a une vision propre de la gestion de ses flux migratoires.

Cependant, l’élargissement de l’Union européenne à 27 Etats membres qui en fait un territoire de 4 millions de km2 sans frontières intérieures, la libre circulation entre les Etats membres et les arrivées massives de clandestins sur son sol rendent plus que jamais nécessaire une approche globale et concertée.

1) De Tampere à La Haye

Evoquée au début comme une question d’intérêt commun dans le traité de Maastricht en 1993, l’immigration est devenue au fil des années un sujet prioritaire.

Dans un premier temps, la Commission a œuvré à la constitution d’un espace de liberté, de sécurité et de justice.

En 1999, l’immigration figure au titre IV du traité d’Amsterdam qui retient trois domaines afin d’arriver à la mise en œuvre de cet espace : la lutte contre l’immigration clandestine, l’élaboration d’une politique commune d’asile et le traitement équitable des ressortissants des pays tiers en situation régulière.

Face au faible degré d’harmonisation des législations nationales, un nouveau programme est adopté en 2004 lors du Conseil européen de La Haye pour parachever et compléter les objectifs de Tampere.

Parmi ses recommandations figurent l’établissement d’un véritable système commun d’asile, la constitution d’un nouveau système de gestion intégrée des frontières extérieures et la création d’une agence européenne dénommée Frontex, ainsi que le l’établissement d’un véritable partenariat avec les pays tiers.

2) Un nouveau cap

Le programme de La Haye s’achèvera en 2010 ; c’est pourquoi, la Commission a fixé de nouveaux objectifs pour la décennie future.

Dans sa communication : « Vers une politique commune en matière d’immigration », elle y développe une approche équilibrée de la question migratoire. Elle appelle à compléter le volet sur l’immigration légale et notamment à favoriser l’entrée de travailleurs qualifiés, tout en encourageant le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière en améliorant la politique européenne en matière de retour. Elle préconise également une meilleure protection des frontières extérieures et incite à doter l’agence Frontex de moyens opérationnels. Dans cette optique, elle souhaite parvenir à élaborer un code communautaire des visas.

3) De nouvelles règles juridiques avec le traité de Lisbonne

a) La communautarisation de cette politique

Actuellement, les domaines relevant de l’immigration sont soumis à des règles particulières ; les questions relevant des politiques de lutte contre l’immigration illégale, les délivrances de visas et le droit d’asile sont soumises au Conseil à la règle de la majorité qualifiée, mais l’immigration légale relève de l’unanimité.

Le traité de Lisbonne dispose que l’adoption des prochaines mesures dans le domaine de l’immigration sera soumise à la majorité qualifiée au Conseil.

Néanmoins, les dispositions relatives aux passeports, aux titres d’identité et aux titres de séjour continueront d’être prises à l’unanimité des membres du Conseil.

b) L’extension de la codécision

Une grande partie des mesures sera soumise à la procédure législative ordinaire, c’est-à-dire à la codécision entre le Parlement et le Conseil.

c) Des mesures détaillées

Le chapitre 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne liste le contenu de la politique commune ainsi que les règles juridiques qui s’y rapportent.

L’article 77 traite de la libre circulation, du contrôle aux frontières, de la politique commune de visas et de titres de séjour de courte durée et de la mise en place progressive du système de gestion intégré.

L’article 78 consacre la politique commune en matière d’asile, de protection subsidiaire et de protection temporaire.

Son contenu comprend notamment :

- un statut uniforme d’asile ;

- un statut uniforme de protection subsidiaire ;

- des procédures communes pour l’octroi et le retrait du statut uniforme d’asile ou de protection subsidiaire ;

- des critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile ou de protection subsidiaire ;

- des normes concernant les conditions d’accueil des demandeurs d’asile ou de protection subsidiaire ;

- un partenariat avec les pays tiers.

Une disposition originale prévoit que, en cas de situation d’urgence caractérisée par un afflux de réfugiés sur le territoire d’un ou plusieurs Etats membres, le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut adopter des mesures provisoires.

L’article 79 du traité fixe comme objectif : « l’Union développe une politique commune de l’immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires,un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier et la prévention de l’immigration illégale ».

Cette politique s’articule autour de plusieurs points :

- les conditions d’entrée et de séjour, ainsi que les normes relatives à la délivrance de visas et de titre de séjour de longue durée ;

- la définition des droits des ressortissants des pays tiers ;

- la lutte contre l’immigration clandestine, y compris l’éloignement ;

- la lutte contre la traite des êtres humains ;

- la conclusion d’accords de réadmission.

La souveraineté des Etats membres est néanmoins ménagée. Ils conservent la compétence pour fixer des volumes d’entrées de ressortissants de pays tiers aux fins d’emploi.

Le traité supprime aussi les restrictions actuelles concernant le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes.

B. Une nouvelle impulsion politique au processus

C’est dans ce contexte que la France a inscrit, parmi les priorités retenues pour sa présidence de l’Union, l’immigration.

Elle souhaite redonner une nouvelle impulsion politique au processus et aboutir à la conclusion avec nos partenaires d’un pacte européen sur l’immigration et l’asile.

Cette ambition s’appuie sur un constat : la majeure partie des Etats membres partagent un même objectif : la maîtrise et l’organisation des flux migratoires.

1) L’initiative française est politique

Cette initiative prendra la forme d’un pacte. Le choix de ce terme reflète la volonté de la présidence française de parvenir à un engagement fort de nature plus politique que juridique.

L’adoption de ce pacte sera soumise à un calendrier serré.

L’élaboration et les négociations se situent dans le cadre du Conseil, illustration supplémentaire de sa nature politique. Après sa présentation dès juillet lors du sommet JAI informel, les discussions débuteront, afin d’aboutir à une adoption en octobre au Conseil européen.

2) … concrète

Ce pacte fixe de grandes orientations mais se veut aussi pragmatique; ainsi, il propose des mesures précises et concrètes. Il prévoit par ailleurs un mécanisme de suivi semestriel.

Un premier projet a été dévoilé par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, M. Brice Hortefeux, lors d’une audition devant la Délégation en janvier dernier.

Il s’articule autour de cinq grands principes :

- organiser l’immigration légale et favoriser l’immigration professionnelle, en fonction des capacités d’accueil de chaque Etat ;

- mieux protéger les frontières extérieures de l’Union dans un esprit de solidarité et rendre plus opérationnel le contrôle ;

- rendre plus effectif l’éloignement des étrangers en situation irrégulière et définir une politique commune de retour ;

- mettre en œuvre un régime européen d’asile ;

- renforcer le codéveloppement et l’aide au développement.

3) … et le fruit d’une réflexion commune

L’adoption de ce pacte doit avant tout participer d’une réflexion commune.

Tous les Etats membres y sont associés. La présentation de ce projet s’est effectuée en amont. En effet, élaboré dès décembre 2007, le projet de pacte a commencé à être présenté par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire dès le mois de janvier à ses partenaires.

M. Brice Hortefeux a effectué une tournée des capitales européennes afin de présenter le pacte et de recueillir des suggestions pour enrichir les propositions françaises. Débutée en janvier, cette tournée lui a permis de se rendre dans plus d’une dizaine de pays européens et de rencontrer ses homologues d’une douzaine de pays européens.

Dans le même temps, le secrétaire général du ministère s’est rendu dans les autres Etats-membres et a organisé plusieurs réunions de travail entre hauts fonctionnaires.

Chaque Etat a été invité à apporter des contributions écrites qui permettront la rédaction d’un document qui sera présenté en juillet.

Les négociations auront alors lieu dans le cadre des institutions européennes.

L’implication personnelle du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, en amont de la présidence a été appréciée de ses partenaires européens.

II. UNE DÉMARCHE COMPLÉMENTAIRE

Les propositions du pacte relèvent à la fois des législations des Etats membres et de la législation communautaire. C’est pourquoi, dans le cadre de ce pacte, la présidence française suivra attentivement les textes européens en cours de discussion dans ce domaine et continuera les négociations pour parvenir à donner une suite au programme de La Haye.

L’approche européenne repose sur une démarche globale fondée sur un équilibre. Son objectif est d’une part d’encourager l’immigration légale et de favoriser l’immigration professionnelle et d’autre part d’afficher sa détermination à lutter contre l’immigration irrégulière.

A. Favoriser l’immigration légale et encourager l’immigration professionnelle

1) Favoriser l’immigration légale

a) Encourager l’immigration professionnelle

Le vieillissement démographique et la pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs d’activité rendent nécessaire l’immigration professionnelle en Europe.

Certains nouveaux Etats membres, comme la Pologne ou la Roumanie, sont confrontés à un besoin de main-d’œuvre du fait de l’émigration de leurs travailleurs qualifiés dans d’autres Etats membres.

Parmi les orientations du projet de pacte figure l’organisation de l’immigration légale en fonction des capacités d’accueil de chaque Etat, de ses besoins et de l’état de son marché du travail.

L’objectif est de favoriser l’immigration choisie et concertée, à caractère professionnel et de favoriser l’intégration des étrangers.

Cet objectif est partagé par la Commission. Dans sa communication « Vers une politique commune en matière de migrations », elle met en avant sa volonté d’attirer une main d’œuvre plus qualifiée sur le sol européen. En effet, seuls 1,7 % des migrants sur le territoire européen seraient des travailleurs qualifiés.

Cette question se heurte à la volonté des Etats membres de préserver une marge de manœuvre importante dans un domaine sensible : la fixation du nombre d’immigrants économiques qu’ils souhaitent accueillir.

Une première directive en 2001 relative aux conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi salarié n’a pu être adoptée.

A la suite de cet échec, la Commission a lancé une consultation sur la gestion des migrations économiques qui a abouti à une communication en décembre 2005.

Elle a alors proposé l’adoption de nouveaux textes afin de faciliter l’immigration professionnelle. Pour ce faire, elle a privilégié une approche sectorielle en définissant quatre catégories : les travailleurs qualifiés, les travailleurs saisonniers, les personnes transférées au sein de leur entreprise et les stagiaires rémunérés.

Elle prend soin de réaffirmer que chaque Etat membre conserve le droit de fixer le nombre de migrants économiques autorisés à entrer sur leur territoire.

Dans l’immédiat, deux directives sont en cours de discussion: l’une proposant la création d’une carte bleue afin d’attirer une main d’oeuvre hautement qualifiée et l’autre instaurant un socle de droits communs pour les travailleurs des pays tiers ainsi qu’une procédure unique pour recevoir un titre de séjour et de travail.

La directive COM (2007) 637 final/E 3678 propose de délivrer à des travailleurs hautement qualifiés de pays tiers à l’Union européenne un titre de séjour dénommé carte bleue européenne.

Son objectif principal est de rendre plus attractif le marché du travail européen.

Ce titre spécifique serait à la fois un permis de séjour et de travail, dont la durée de validité serait alignée sur celle du contrat de travail et pourrait être renouvelable.

Les avantages liés à cette carte permettront à terme (au bout de deux ans), l’obtention d’une carte de résident longue durée, le regroupement familial et une mobilité intracommunautaire. Elle permettra également à son titulaire de bénéficier des mêmes droits que les travailleurs nationaux.

La directive instaure une procédure commune d’admission fondée sur des conditions sélectives.

Le travailleur doit bénéficier d’un contrat de travail ou d’une offre d’emploi ferme d’une durée minimale de un an. Il doit attester de qualifications professionnelles (diplôme ou expérience professionnelle d’au moins trois ans) pour les professions non réglementées et toucher un salaire mensuel au moins égal à trois fois le SMIC.

Il est prévu une dérogation à la condition salariale pour les jeunes diplômés de moins de trente ans.

Par ailleurs, elle impose également au futur travailleur de disposer d’une assurance maladie.

La France est favorable à ce dispositif qui rejoint sa volonté de promouvoir une immigration choisie et professionnelle. Un des objectifs du ministre de l’immigration, de l’identité nationale et du développement solidaire, fixé par le Président de la République, est de parvenir à une immigration professionnelle de l’ordre de 50 %. A ce jour, en France 7 % des titres de séjours sont accordés pour des motifs professionnels.

La France a adopté dans sa législation nationale, plusieurs titres de séjour qui recoupent les propositions de la directive. La carte compétence et talents (article L 315-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers) d’une durée de trois ans est destinée à des étrangers susceptibles de participer au développement économique ou au rayonnement de la France et de leur pays d’origine. Elle permet le séjour temporaire pour le conjoint et les enfants.

Elle a prévu également une carte pluriannuelle pour les travailleurs saisonniers et une carte de travailleur temporaire pour les étrangers qui ont un contrat à durée déterminée et qui suit la durée du contrat.

C’est pourquoi le rapporteur propose que la Commission prenne en compte le dispositif français de la carte compétence et talents qui a le mérite d’élargir les critères d’admission.

Il souhaiterait également que la définition de l’emploi qualifié soit plus précise afin que la directive cible réellement les travailleurs hautement qualifiés ; en effet, le diplôme requis correspond à trois années d’étude ; il serait plus judicieux d’élever ce seuil à cinq années afin de cibler réellement des travailleurs hautement qualifiés.

La directive COM (2007) 638 final/E 3679 est complémentaire.

Elle propose d’instaurer une procédure unique, entourée de garanties procédurales (motivation des décisions de rejet et existence de voies de recours) qui permettraient aux travailleurs des pays tiers de bénéficier d’un titre de séjour et de travail sous forme de document unique.

Parallèlement, elle souhaite instaurer un socle commun de droits pour les travailleurs réguliers de pays tiers.

Son objectif est de parvenir à une égalité de traitement avec les travailleurs nationaux et d’éviter une concurrence déloyale avec ces derniers.

Ce texte ne s’applique ni aux travailleurs détachés, transférés temporairement par leur société, ni aux saisonniers et aux résidents de longue durée.

La directive liste ces droits ; les travailleurs de pays tiers bénéficieraient notamment de l’égalité de traitement en matière de conditions de travail, de participation à une organisation syndicale ou professionnelle, de reconnaissance de diplôme, de sécurité sociale, d’avantages fiscaux et d’accès aux biens et aux services, y compris l’accès au logement et aux services de recherche d’emploi.

Le rapporteur se montre vigilant sur la liste de ces droits.

Néanmoins, un cadre commun communautaire permettrait d’éviter que les travailleurs choisissent un Etat où les avantages sociaux seraient plus favorables.

La Commission a indiqué que l’égalité des rémunérations s’apprécierait au niveau de l’entreprise et que le droit de grève, l’indemnisation du chômage continueraient de relever des compétences nationales.

b) Les régularisations

A la suite des controverses provoquées par les régularisations pratiquées par certains pays, comme l’Espagne ou l’Italie, une procédure entre les Etats a été mise en place par une décision du Conseil en date du 5 octobre 2006.

Elle instaure un mécanisme d’échange d’informations relatives aux mesures nationales dans les domaines de l’asile et de l’immigration, qui sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur plusieurs Etats membres ou sur l’Union européenne.

Les Etats membres communiquent ces informations à la Commission et aux autres Etats membres par l’intermédiaire d’un réseau Internet qui serait le réseau télématique européen qui existe pour l’échange de données entre les administrations.

Parmi les mesures concrètes du pacte figurent le refus de régularisations massives et collectives. Elles se feraient au cas par cas et en répondant à des objectifs précis.

Afin de favoriser la concertation, le projet de pacte propose d’organiser un débat annuel sur les orientations générales de la politique européenne d’immigration et que les Etats membres s’informent mutuellement sur leurs réformes relatives aux questions migratoires.

2) Réprimer le travail clandestin

Encourager l’immigration professionnelle implique de lutter contre l’emploi de travailleurs clandestins afin de favoriser l’embauche des étrangers entrés régulièrement.

Le projet de pacte incite à lutter plus efficacement contre le travail clandestin et encourage la coopération judiciaire et policière pour lutter contre les réseaux de trafiquants d’êtres humains, qui pourvoient les employeurs peu scrupuleux.

La Commission a initié une démarche complémentaire.

Une directive COM (2007) 249 final/E 3534, en cours de discussion, vise à harmoniser les sanctions pénales et administratives à l’encontre des employeurs de clandestins.

Elle s’articule autour d’un volet préventif, qui impose aux employeurs de vérifier l’existence d’un titre de séjour avant de recruter des travailleurs de pays tiers et d’en informer les autorités nationales compétentes et d’un volet répressif qui prévoit des sanctions. Ces sanctions seraient de trois ordres :

- des amendes dont les frais de retour des travailleurs, le paiement des salaires, y compris les arriérés, les impôts et cotisations sociales impayées ;

- des sanctions administratives comme l’exclusion du bénéfice de subventions européennes ou l’interdiction de participer à des marchés publics ;

- des sanctions pénales lorsque des circonstances aggravantes sont réunies : récidive, emploi de plus de quatre personnes, conditions de travail abusives.

Elle prévoit un dispositif minimal d’inspections afin de rendre effectives ces mesures (10 % des entreprises à risque installées sur le territoire).

Les entreprises qui recourent à la sous-traitance seraient tenues pour solidairement redevables des sanctions financières infligées à un sous-traitant.

La France est favorable à ces propositions, dont une grande partie figure déjà dans le droit national.

Ainsi, l’employeur a l’obligation de vérifier que le travailleur dispose d’un titre de séjour en règle, avant toute embauche (article L 341-6 du Code du travail).

La sanction pécuniaire due par l’employeur a été substantiellement augmentée, en cas de manquement à cette obligation et il doit contribuer aux frais de réacheminement.

C’est pourquoi, la France souhaite que le champ d’application de la directive soit étendu à tout emploi illégal, y compris de la part de ressortissants de pays tiers qui ont un titre de séjour légal mais qui n’ont pas d’autorisation de travail.

Néanmoins, elle serait favorable à une responsabilité plus nuancée du cocontractant principal et du sous-traitant qui combinerait une responsabilité glissante avec la possibilité de remonter la chaîne. Elle a mis une réserve d’examen à ce stade de la discussion.

Enfin, elle reste réservée sur la faisabilité des contrôles ; elle suggère de combiner une approche qualitative, centrée sur des secteurs à risque et une approche quantitative fixant un nombre minimal de contrôles. Elle a émis aussi une réserve d’examen sur le nouvel objectif chiffré proposé par la Commission (5 % des entreprises) mais est favorable à une publication des secteurs exposés.

C’est dans ce sens que la Délégation a adopté une proposition de résolution le 16 janvier 2008 dans laquelle elle se déclare favorable à l’extension du champ d’application de la directive à tout emploi illégal de ressortissants d’Etats tiers même en séjour régulier(1).

Elle préconise également une rédaction plus précise des incriminations et un critère réaliste permettant de contrôler l’interdiction du travail illégal.

B. Lutter efficacement contre l’immigration irrégulière

La Commission a estimé entre 2 à 8 millions le nombre de clandestins installés sur le territoire de l’Union européenne.

Dans un précédent rapport « L’Europe forteresse, mythe ou réalité », le rapporteur évoquait les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’arrivée de clandestins.

Cet objectif est plus que jamais d’actualité et ne sera efficace que par une action coordonnée. C’est pourquoi, une des priorités du projet de pacte réside dans la mise en œuvre d’un éloignement effectif des migrants irréguliers.

1) Une politique de retour plus efficace

a) Encourager les vols groupés

Le projet de pacte prône une amélioration de la coopération opérationnelle à l’image des vols de retour conjoints de migrants expulsés, sous l’égide de Frontex.

b) Elaborer des normes communes pour le retour

Il est également nécessaire qu’un cadre juridique soit élaboré afin d’établir des normes et des procédures communes pour le retour des étrangers en situation irrégulière et une reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement.

En septembre 2005, la Commission a présenté un projet de directive COM (2005) 391 final/n°E 2948 pour harmoniser les règles juridiques des conditions d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Ce retour est entouré de garanties juridiques : en l’état actuel de la discussion, il est prévu de favoriser en premier lieu le retour volontaire pendant une période comprise entre 7 et 30 jours et en cas de retour contraint, de limiter la mise en rétention avant l’éloignement à une durée maximale de six mois, plafond à l’intérieur duquel les Etats conserveraient leurs compétences pour fixer leur durée de rétention. A titre exceptionnel, la rétention pourrait être prolongée de douze mois supplémentaires.

Par ailleurs, la directive a établi une interdiction de réadmission dans tous les Etats membres pour les immigrants ayant fait l’objet d’une reconduite à la frontière qui serait d’une durée de cinq ans.

Soumise à la procédure de codécision, la directive retour a fait l’objet d’un long débat entre le Parlement et le Conseil dont les positions ont longtemps divergé. Le Parlement souhaite encadrer et offrir des garanties au retour des étrangers en situation illégale tandis que le Conseil est favorable à un message de fermeté.

La France soutient qu’aucune avancée sur la migration légale ne peut être accomplie si l’Union européenne ne met pas en place une politique de retour efficace.

Le point sur la rétention est le plus délicat, car les durées de mises en rétention varient au sein de l’Union européenne. La France a l’une des durées les plus courtes (32 jours) et c’est pourquoi, elle a clairement indiqué qu’elle ne souhaitait pas modifier sa législation.

C’est dans cette optique que la Délégation s’est prononcée le 12 avril 2006. Dans sa proposition de résolution, elle a souligné que le retour volontaire devait être concilié avec l’expulsion en cas de menace pour l’ordre public et elle s’est opposée à l’harmonisation des durées de maintien en rétention, qui doit rester de la compétence de chaque Etat membre(2).

A ce jour, un compromis sur la durée du maintien en rétention et sur les conditions de recours des immigrants illégaux semble avoir été trouvé au comité des représentants permanents et en trilogue (Parlement européen – Conseil – Commission). Le vote est prévu les 17 et 18 juin au Parlement européen et le texte rencontre encore l’hostilité de certains députés qui jugent insuffisantes les protections juridiques accordées aux étrangers.

c) Parvenir à conclure des accords de réadmission

La reconduite dans son pays d’origine d’un étranger en situation irrégulière est facilitée si un accord de réadmission a été conclu avec ce pays.

Le projet de pacte prévoit donc de relancer les négociations avec les pays d’origine afin de parvenir à la signature d’accords.

Au niveau européen, la Commission a reçu mandat pour négocier des accords de réadmission avec douze pays.

Les résultats sont lents car cette procédure empêche les Etats membres de conclure de leur côté des accords bilatéraux.

Des accords ont été signés avec Hong-Kong et Macao en 2004, le Sri Lanka en 2005, l’Albanie en 2006, la Russie, l’Ukraine en 2007.Des négociations sont en cours avec le Maroc et la Chine.

2) Une meilleure protection des frontières

a) Donner de nouveaux moyens à Frontex

Avec l’élargissement, les frontières extérieures de l’Union européenne ont reculé à l’Est et au Sud. C’est pourquoi, il est nécessaire de renforcer et de coordonner la gestion des frontières aux marches de l’Union.

Une agence, baptisée Frontex a été créée par le règlement n° 2007/2004 du 26 octobre 2004. Elle est opérationnelle depuis 2005.

Sa mission est clairement définie et répond à un vrai besoin.

Ses tâches principales sont de coordonner la gestion des frontières extérieures des Etats membres, qu’elles soient terrestres ou maritimes ainsi que les aéroports et de prêter assistance à un Etat membre qui en fait la demande en cas de besoin (comme l’exercice Nautilus durant l’été 2007). Elle peut également fournir un appui aux Etats membres pour l’organisation de vols de retour groupés et contribuer à la formation de leurs gardes frontières.

L’agence est dotée d’une personnalité juridique indépendante. Elle est gérée par un directeur exécutif, nommé pour cinq ans par le conseil d’administration constitué par un représentant et son suppléant de chaque Etat membre, un représentant et son suppléant des Etats associés à l’espace Schengen (Norvège et Islande) et de deux représentants et leurs suppléants de la Commission. La France est représentée par la direction centrale de la police aux frontières.

Elle dispose de recettes qui proviennent principalement d’une subvention de la Communauté et de contributions des Etats associés à l’espace Schengen.

Son budget est en nette progression, il est passé de 6,2 millions d’euros en 2004 à environ 42 millions d’euros en 2007.

La mise en œuvre opérationnelle de cette agence est néanmoins difficile.

C’est pourquoi, une des premières propositions du pacte est renforcer le rôle de Frontex afin de mieux garantir la protection des frontières extérieures de l’Union. Il est suggéré de renforcer ses moyens opérationnels et de créer une nouvelle structure avec un état major et deux postes de commandements pour les frontières Est et Sud.

De son côté, la Commission a publié une communication le 13 février sur l’évaluation et le développement futur de l’agence Frontex.

Elle souhaite en premier lieu un élargissement de ses missions.

La mission principale dévolue à l’agence est la lutte contre l’immigration irrégulière et l’entrée de clandestins sur le territoire de l’Union. La Commission trouverait opportun d’étendre ce contrôle aux biens et notamment aux activités liées à la criminalité organisée, en arguant du rôle majeur joué par les réseaux de passeurs dans l’immigration illégale.

En second lieu, elle déplore l’absence de moyens propres dont dispose Frontex. L’équipement matériel et la mise à disposition de personnels relèvent de la bonne volonté des Etats membres alors que le coût des opérations aux frontières est élevé. A titre d’exemple, la moyenne du coût des opérations aux frontières maritimes est estimée à 2,7 millions d’euros.

C’est pourquoi, la Commission propose de mettre en place un mécanisme qui permettrait à l’agence de connaître la disponibilité des équipements mis à disposition par les Etats membres. A terme, elle recommande que l’agence acquière ses propres équipements de contrôle et de surveillance.

b) Contrôler strictement les entrées et les sorties

Afin de tarir l’entrée sur le territoire européen de personnes munis de visas touristiques qui restent au-delà du délai autorisé et se transforment en personnes en situation irrégulière,la Commission souhaite relancer une politique commune des visas et notamment parvenir à adopter un nouveau code communautaire.

La France dans son projet de pacte souhaiterait généraliser les visas biométriques dans tous les Etats membres avant 2011 et invite à s’appuyer sur de nouvelles technologies pour mieux protéger les frontières extérieures.

La Commission, dans sa communication du 13 février 2008, développe une approche complémentaire en proposant un système d’entrées et de sorties et la création d’un statut de voyageur enregistré.

(1) L’introduction de la biométrie

En 2004, le Conseil a décidé qu’il était nécessaire d’encourager la biométrie pour les visas délivrés aux ressortissants des Etats tiers. Cette nouvelle technologie a été étendue aux passeports et documents de voyage délivrés par les Etats membres par le règlement n° 2252/2004 du 13 décembre 2004.

Ainsi, tout document de voyage comporterait un support de stockage sur lequel figureraient une photographie digitalisée et des empreintes digitales. Ces éléments permettraient de vérifier l’authenticité du document et l’identité du titulaire.

La France a expérimenté ce système avec succès. En 2007, 62 postes consulaires ou ambassades en sont équipés.

(2) Un registre des entrées et sorties axé sur des données biométriques et un programme de voyageurs enregistrés

La Commission a présenté une nouvelle mesure destinée à renforcer les contrôles aux frontières : un registre électronique des entrées et sorties qui s’appuierait sur des éléments biométriques. Tout ressortissant d’un Etat tiers admis pour un séjour inférieur à trois mois soumis ou non à l’obligation de visa devrait être enregistré dans une base de données. Tout dépassement de la durée du séjour autorisée donnerait lieu à un signalement automatique aux autorités compétentes.

Deux objectifs sont assignés à ce dispositif ; le premier est d’exercer un effet dissuasif sur les candidats à l’immigration irrégulière sous couvert d’un visa touristique. L’Union européenne, en effet, ne dispose pas des moyens de savoir si les ressortissants d’Etats tiers ont dépassé la durée de leur séjour et se maintiennent illégalement sur le territoire européen.

La seconde finalité est de faciliter les échanges transfrontaliers en créant un statut de voyageur enregistré qui bénéficierait d’une vérification simplifiée et automatisée.

Les premières réactions sont favorables mais soulignent la nécessaire protection des données. Par ailleurs, la mise en œuvre effective de ce système suppose l’aboutissement du SIS II qui a pris du retard.

3) Vers des consulats européens

Malgré des instructions consulaires communes, chaque Etat membre reçoit et traite les demandes de visas. On constate des pratiques divergentes, conséquences d’une juxtaposition de politiques nationales et non d’une réelle politique commune. Ainsi la liste des pièces justificatives pour obtenir un visa est différente selon les Etats membres. Quant aux taux de refus, ils sont disparates au sein de l’Union européenne.

C’est pourquoi, pour harmoniser les conditions de délivrance, la France propose la création de consulats européens, sur la base du volontariat, chargés de traiter les demandes et de délivrer les visas.

C. Une véritable politique d’asile commune

Parmi les cinq engagements retenus par le projet de pacte figure la mise en place d’un cadre harmonisé du droit d’asile. En effet, les taux d’admission au statut de réfugié pour une même nationalité sont différents au sein des Etats membres. De plus, les demandeurs tirent profit des différences législatives des Etats et pratiquent un choix sélectif pour déposer leur demande.

Une conférence sur l’asile se tiendra à Paris les 7 et 8 septembre 2008.

Cette démarche est partagée par la Commission. En effet, depuis le Conseil européen de Tampere en 1999, les Etats membres ont décidé de travailler à la mise en place d’un régime d’asile commun. A La Haye en 2004, un programme pluri annuel de cinq ans prévoyait une procédure et un statut commun de l’asile à l’horizon 2010.

Devant la faiblesse des résultats obtenus et face aux difficultés rencontrées, la Commission a lancé une réflexion afin de relancer cet objectif. Elle explore plusieurs pistes dans un Livre vert publié le 6 juin 2007.

1) Une véritable coopération pratique entre Etats membres

Afin d’apporter une aide technique, un bureau européen de soutien serait créé. Cette structure, qui pourrait préfigurer une agence européenne de l’asile serait chargée d’effectuer une synthèse de la jurisprudence des Etats membres, d’échanger des bonnes pratiques et de faire le point sur les pays d’origine des demandeurs d’asile.

La France, dans un souci de solidarité a inclus dans son projet la mise en place d’un bureau d’appui et préconise de créer des équipes communes chargées d’examiner les demandes en cas d’arrivée massive de réfugiés aux frontières extérieures.

2) Une harmonisation des traitements des demandes

En premier lieu, elle suggère d’harmoniser le processus d’évaluation des demandes (évaluation des justificatifs, possibilités de recours).

En second lieu, la Commission souhaiterait aboutir à l’établissement d’une liste de pays d’origine dit sûrs afin d’accélérer et d’unifier le traitement des demandes.

Enfin, elle préconise la création d’un statut de réfugié uniforme et l’établissement d’un système de reconnaissance mutuelle des décisions nationales en matière d’asile.

3) Une réelle harmonisation des conditions d’accueil

La Commission souhaite parvenir à élaborer un cadre juridique commun sur les conditions d’accueil et notamment sur l’accès au travail des demandeurs d’asile ; en effet, la majeure partie des demandeurs détournent la procédure et ne sont en réalité que des exilés économiques.

L’objectif final serait d’éviter que les demandes d’asile soient motivées en fonction de conditions d’accueil dans certains Etats qui paraîtraient plus avantageuses.

D. Renforcer le codéveloppement

Dans un souci d’adopter une approche équilibrée des questions migratoires, le projet de pacte prévoit de renforcer le codéveloppement avec les pays d’origine. Cette notion vise à reconnaître et à promouvoir le rôle que les migrants peuvent jouer dans leur pays d’origine.

L’objectif est de parvenir à une meilleure coopération avec les pays d’origine et de transit dans la lutte contre l’immigration illégale. En échange de la mise en place de migrations circulaires, les pays d’origine renforceraient leurs contrôles.

Ainsi le projet français invite à soutenir les initiatives et les instruments qui favorisent la participation des migrants au développement de l’économie de leur pays d’origine dans des projets concrets.

Ces initiatives se traduisent par :

- des actions pour faciliter la canalisation de l’épargne des migrants vers l’investissement productif de leur pays d’origine ;

- l’encouragement aux diasporas à faire profiter leur pays d’origine de leurs compétences et leurs réseaux de relations.

Dans cette optique, la France organisera à Paris les 20 et 21 octobre 2008 une conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement afin d’assurer le suivi de la conférence de Rabat de juillet 2006 qui a initié un partenariat entre les pays d’Europe et d’Afrique du Nord et de l’Ouest. La conférence de Paris devrait faire un bilan des réalisations entreprises et élaborer un nouveau plan d’action.

La présidence française suivra avec attention les partenariats pour la mobilité qui sont mis en place par la Commission avec la Moldavie et le Cap vert.

III. UN ACCUEIL GLOBALEMENT FAVORABLE

L’accueil réservé au premier projet de pacte par nos partenaires européens est globalement favorable. Tous ont salué la démarche française et ont accepté le principe d’élaborer un document autour non seulement de l’immigration, mais aussi de l’asile.

Néanmoins, un certain nombre d’Etats membres ont insisté sur un rééquilibrage des orientations du projet de pacte, jugé trop axé sur la répression de l’immigration illégale.

Le rapporteur a effectué plusieurs déplacements en Autriche, en Espagne, en Pologne, au Royaume-Uni et à Bruxelles.

Sur certains points, les Etats membres ont des approches différentes. Ainsi, l’immigration professionnelle n’est pas appréhendée de la même manière selon la démographie ou le taux d’émigration de la population.

La question des régularisations fait encore l’objet de discussions.

La question du parcours d’intégration et des formes que celui-ci peut revêtir, soulève aussi des interrogations, notamment quant à son caractère obligatoire.

Enfin, celle de l’harmonisation des conditions d’asile, même si elle apparaît nécessaire, suscite un certain nombre de réserves.

Un consensus semble se dégager sur la nécessité de renforcer la coopération extérieure aux frontières pour lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière.

1) L’Autriche

Le 21 février 2008, le rapporteur, lors de ses entretiens avec des représentants du ministère de l’intérieur, a constaté l’intérêt soutenu de l’Autriche pour ce projet.

L’Autriche compte environ 1,2 million de personnes d’origine étrangère, majoritairement originaires de Turquie et des Balkans. La population étrangère proprement dite est estimée pour 2008 à 840 000 personnes. La politique migratoire autrichienne se veut avant tout pragmatique. Les questions migratoires sont un sujet de société. Deux partis d’extrême droite, le BZOE et le FPOE entretiennent un climat xénophobe. A l’opposé, les Verts s’opposent au durcissement de la politique migratoire.

Une de nos interlocutrices a passé en revue les différents points du projet de pacte et apporté des commentaires sur la position autrichienne.

Sur le renforcement de la coopération extérieure, l’Autriche se félicite de l’augmentation des ressources financières et des moyens opérationnels de l’agence Frontex. Elle fait remarquer qu’un Autrichien préside le conseil d’administration depuis le 1er avril 2008.

L’Autriche est favorable à la création de consulats européens et à la généralisation des visas biométriques qui a débuté avec la photographie mais elle attend une base juridique communautaire pour renforcer cette procédure.

Sur la question des migrations légales, l’Autriche partage la position française du refus de régularisations massives et est favorable à l’engagement de favoriser une immigration à caractère professionnel.

La loi autrichienne prévoit de privilégier l’immigration de travailleurs clés. Cette notion correspond à deux critères : exercer une profession dans laquelle existe une demande et recevoir une rémunération minimale de 2 350 euros. Il n’existe pas de liste de métiers : ce sont les entreprises qui définissent leurs besoins.

Depuis 1993, l’Autriche a mis en place une politique de quotas afin de sélectionner la main d’œuvre nécessaire. Chaque année, un quota est fixé par décret par le gouvernement, en fonction de la situation économique. Ces quotas ne sont pas fixés par nationalité, car cela serait contraire à la Constitution mais en fonction du titre de séjour. Il en existe cinq : le travailleur clé, le regroupement familial, la mobilité, le séjour à titre privé et les cas particuliers. Chaque Land décide ensuite de la répartition. L’acceptation du titre de séjour dans la limite de ce quota se fait à partir de la date du dépôt de la demande.

L’Autriche n’est pas défavorable à la directive européenne sur les travailleurs qualifiés mais souhaite pouvoir conserver sa compétence dans le choix des travailleurs qualifiés et n’est pas d’accord avec les critères relatifs aux migrations secondaires.

Pour la politique de retour, l’Autriche souhaite que les accords de réadmission soient plus efficaces.

L’Autriche partage également la volonté d’adopter une démarche commune sur le droit d’asile et notamment de parvenir à l’élaboration d’un statut commun afin d’éviter que des différences apparaissent parmi les Etats membres.

L’Autriche est favorable à l’établissement d’une liste de pays sûrs.

Nos interlocuteurs n’ont pu nous répondre sur le délai moyen de traitement d’une demande d’asile mais le processus semble long. Il comporte trois stades ; une première autorité administrative traite les demandes, un appel pouvait être intenté auprès du Sénat fédéral indépendant et en cassation, une troisième instance statue définitivement. Afin de simplifier ce processus, un dispositif voté en décembre 2007 supprime la troisième instance et remplace le Sénat par un tribunal d’asile qui statuera en dernier ressort. Cette législation qui entrera en vigueur le 1er juillet 2008, est controversée.

Les demandeurs d’asile ont le droit de demander un permis de travail trois mois après leur demande d’asile, à condition qu’ils aient trouvé un emploi. Il n’existe pas d’obligation d’intégration, comme l’apprentissage de la langue.

Quant au codéveloppement, l’Autriche est plus réservée sur le concept de migration circulaire. Elle craint que ce nouveau concept ne donne lieu à une interprétation extensive et souhaite que le retour des migrants dans leur pays d’origine soit clairement réaffirmé.

2) L’Espagne

Lors de sa mission en Espagne le 26 mai 2008, le rapporteur a pu constater l’accueil favorable réservé à ce projet.

Nos interlocuteurs au secrétariat d’Etat à l’immigration et à l’émigration ont indiqué que l’Espagne approuvait le principe d’un pacte et partageait une convergence de vues sur ses grands axes.

L’Espagne soutient le développement d’une politique européenne en matière d’immigration.

La position espagnole en matière d’immigration est marquée par son histoire. D’un pays d’émigration, elle est devenue un pays d’immigration : 4,48 millions d’étrangers en situation régulière ou irrégulière, soit environ 10 % de la population résidant en Espagne.

Sur le volet de la coopération extérieure, l’Espagne est favorable à un renforcement des moyens opérationnels de l’agence Frontex. Elle est particulièrement sensible à ce point car elle mène des opérations avec l’agence pour lutter contre l’afflux de clandestins provenant des Canaries. Ces actions ont porté leurs fruits car le nombre d’interpellations au large des côtes a chuté de 60 %.

Elle est également favorable au développement des visas biométriques et à un système d’enregistrement automatique des entrées et sorties.

L’immigration professionnelle est un sujet plus délicat. Dans les années 2000, l’Espagne a eu recours à l’immigration professionnelle, notamment dans le secteur de la construction et pour les travaux agricoles saisonniers.

Nos interlocuteurs ont développé un système particulier chargé d’adapter les flux migratoires aux besoins économiques ; le Gouvernement fixe un quota annuel, selon la situation économique ; tous les trimestres, une liste d’emplois vacants est établie par les services de l’emploi. Les communautés autonomes peuvent faire des propositions.

L’Espagne a procédé à plusieurs opérations de régularisations massives. La dernière en date de 2005 (585 000 personnes) était liée à la possession d’un contrat de travail, précision sur laquelle nos interlocuteurs ont insisté.

Face à la récession économique et aux perspectives pessimistes dans le secteur de la construction, confirmées par les représentants du patronat espagnol, le recours à l’immigration professionnelle apparaît moins nécessaire.

La question de l’intégration est la plus problématique ; en effet, la signature d’un contrat d’intégration par les immigrants proposé par le parti populaire a été au centre d’une polémique avec le parti socialiste, lors de la dernière campagne électorale.

Ils ont par ailleurs insisté sur l’origine latino-américaine de la majeure partie des immigrants, ce qui suppose des moindres difficultés d’intégration.

De plus, ce sujet relève de la compétence des communautés autonomes ; c’est pourquoi nos interlocuteurs ont été prudents sur ce point du projet de pacte.

En ce qui concerne l’éloignement effectif, l’Espagne partage les propositions du pacte. Sa durée de rétention pour les étrangers en attente d’éloignement (40 jours) est proche de la durée française.

L’Espagne a une gestion pragmatique des problèmes et parvient à obtenir des rapatriements d’étrangers irréguliers dans leur pays d’origine, sans pour autant que des accords aient été signés.

Elle est néanmoins favorable à une relance de la conclusion des accords de réadmission au niveau européen.

Elle soutient la coopération policière avec les pays d’origine, pratique à laquelle elle a recours avec succès ; ainsi elle a développé des patrouilles conjointes et fournit du matériel et des équipements.

Le chapitre de l’asile n’a pas été abordé.

Nos interlocuteurs nous ont fait remarquer que l’Espagne recevait peu de demandes.

Enfin, sur le volet consacré au codéveloppement, l’Espagne soutiendra les propositions et participera activement à la conférence de Paris.

Elle mène une politique active et pragmatique à destination des pays africains par l’intermédiaire de l’agence espagnole de coopération. Cette dernière facilite les transferts de fonds, la diminution de leurs coûts et leur bancarisation.

3) La Pologne

Le rapporteur s’est rendu en Pologne les 28 et 29 avril 2008.

L’immigration n’est pas un sujet prioritaire et ne suscite pas de débat au sein de la société en Pologne.

Seule l’immigration professionnelle et l’aide au retour pour les émigrés polonais est un sujet d’actualité. Les autorités polonaises cherchent à encourager leur retour en mettant en place un accompagnement, notamment par des offres d’emploi via Internet pour que leur réinsertion soit réussie. Les retours sont motivés par la crise économique en Irlande et en Grande Bretagne et la perte de pouvoir d’achat de ces migrants.

La Pologne apportera son soutien au projet de pacte et s’est déclarée prête à travailler sur l’initiative française mais soulève des réserves car elle porte un regard différent sur certains volets du pacte.

Lors des entretiens avec des représentants du ministère de l’intérieur et un conseiller du premier ministre, le rapporteur a constaté un soutien mesuré.

L’équilibre global du projet de pacte qui consiste à favoriser l’immigration professionnelle et à lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière est accueilli favorablement.

Cependant, les interlocuteurs polonais ont émis de nombreuses réserves quant aux délais mentionnés dans le document qui leur paraissent trop courts et ont souhaité des précisions sur la définition de termes ou expressions contenus dans le projet de pacte.

Par ailleurs, la Pologne s’interroge sur le caractère contraignant ou non du pacte et son articulation avec les textes communautaires en cours de discussion.

Il a été fait mention à de nombreuses reprises de l’existence de textes européens réglementant les thèmes abordés par le projet de pacte.

Sur la coopération extérieure aux frontières, la Pologne n’est pas favorable à des opérations permanentes de la part de Frontex et à une évolution de sa structure.

Elle insiste sur sa position géographique particulière qui fait de la Pologne le gardien d’une grande portion de la frontière orientale de l’Union européenne et souhaite que la surveillance des frontières terrestres soit traitée sur le même pied d’égalité que les frontières maritimes. Enfin, elle souligne la nécessité de maintenir un équilibre géographique entre les pays du Sud et de l’Est dans l’appréhension des zones d’immigration.

Le recours à de nouvelles technologies préconisé par la Commission et repris par le projet de pacte, soulève également des interrogations sur leur mode de financement.

Sur l’immigration professionnelle, la Pologne est favorable à une plus grande ouverture du marché du travail, car elle est confrontée à une pénurie de main d’œuvre en raison de la forte émigration polonaise. La Pologne est favorable à ce que chaque Etat continue de fixer le nombre d’immigrants dont il a besoin.

Elle émet des réserves sur la fin des régularisations massives et collectives, en arguant que chaque pays a ses critères et ses besoins.

Sur l’éloignement effectif, sa position est réservée, car elle n’est pas confrontée à un afflux de clandestins, la Pologne étant un pays de transit. Cependant, les Polonais sont favorables aux vols retour conjoints sous l’égide de Frontex.

Sur le volet asile, la réaction est similaire car le nombre de demandeurs reste peu élevé.

Sur la question du codéveloppement, la Pologne est attachée à soutenir ses voisins orientaux.

4) Le Royaume-Uni

Lors de sa mission à Londres le 13 mai 2008, le rapporteur a pu constater l’accueil favorable réservé au projet de pacte.

La lutte contre l’immigration irrégulière est une priorité du Gouvernement et les questions migratoires sont devenues un sujet d‘actualité dans le pays depuis 2005. C’est pourquoi, toute coopération est la bienvenue. Cette dernière est néanmoins entendue plus dans un sens bilatéral qu’à l’échelle européenne.

En effet, le rapporteur tient à souligner la situation particulière du Royaume-Uni ; en premier lieu, il ne participe pas aux accords de Schengen et en second lieu sur plusieurs directives complémentaires au projet du pacte comme la directive retour ou celle créant une carte bleue, il n’a pas usé de sa faculté d’opt in.

Enfin, tous les interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de préserver la souveraineté nationale dans la prise de décisions à l’échelle européenne.

Deux volets du projet de pacte intéressent particulièrement le Royaume-Uni.

Le premier est la lutte contre l’immigration irrégulière. Les autorités britanniques sont favorables aux vols de retour groupés, notamment dans une optique de réduction des coûts. Le Royaume-Uni a recours à des sociétés privées pour escorter les clandestins.

Dans ce cadre, elles sont favorables à un refus de régularisations massives et collectives.

La notion d’éloignement effectif est soutenue par le Royaume-Uni bien qu’il ne soit pas partie prenante à la directive retour. Il est défavorable à son contenu qui dans l’immédiat crée des protections supplémentaires et empêche le retour des étrangers en situation irrégulière.

Le Royaume-Uni est également favorable à une relance des accords de réadmission. Il a lui-même signé des protocoles d’accord avec le Pakistan, l’Iran, la Chine, l’Erythrée, l’Irak, le Ghana et le Congo.

Le second point qui est suivi avec intérêt par les autorités britanniques est le renforcement du codéveloppement.

Sur les autres propositions, les avis sont plus nuancés.

Sur le renforcement de la coopération extérieure aux frontières, le Royaume-Uni est favorable à un accroissement des moyens de Frontex. Cependant il a rappelé que la surveillance des frontières relève des autorités nationales.

La proposition de la Commission de créer un registre électronique d’entrées et de sorties est accueillie très favorablement car cela rejoint le projet britannique de « e border ».

A terme, le Royaume-Uni souhaite développer ce projet afin d’éviter préventivement l’arrivée de personnes qui auront à être refoulées ; cette politique repose sur les données enregistrées dont disposent les transporteurs qui seraient communiquées à l’avance aux autorités britanniques.

La mise en place de visas biométriques est une bonne proposition qui permettra également un renforcement de la lutte contre les infractions. Par contre, le Royaume-Uni est plus réservé sur la création de consulats européens.

Sur l’immigration professionnelle, le Royaume-Uni est favorable à ce que chaque pays puisse conserver sa faculté de définir le nombre de travailleurs étrangers qu’il souhaite accueillir.

Il n’est pas certain de la pertinence de la directive établissant une carte bleue, car il doute des besoins européens dans ce domaine.

Il a d’ailleurs mis en place dernièrement un système de points afin de privilégier l’immigration économique. Tout ressortissant d’un Etat tiers souhaitant venir au Royaume-Uni pour étudier ou travailler n’y sera autorisé que s’il répond à des critères précis. Cinq catégories ont été définies : les travailleurs migrants hautement qualifiés, les travailleurs qualifiés avec une offre d’emploi, les travailleurs non qualifiés, les étudiants et les travailleurs temporaires.

Pour les travailleurs non qualifiés, un système de quotas sera établi.

Nos interlocuteurs ont souligné que beaucoup d’emplois qualifiés étaient déjà pourvus par des étrangers, notamment dans le secteur de la finance ou dans les services publics sociaux.

Sur le contrat d’intégration, ils sont d’accord sur le fond mais pas sur la forme.

Quant à l’harmonisation du droit d’asile, les autorités britanniques n’y sont pas favorables et notamment ne souhaitent pas que le bureau d’appui puisse interférer avec des décisions nationales. Le Royaume-Uni veut garder la maîtrise de l’octroi du statut de réfugié.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

1) Audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, sur la politique européenne de l’immigration, mercredi 23 janvier 2008

Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré très heureux d’accueillir pour la première fois le ministre devant la Délégation. Il a rappelé que l’immigration était l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne et souhaité savoir comment le Gouvernement préparait cette priorité. D’après les sondages, les citoyens considèrent que la politique européenne d’immigration est très importante. Cependant, celle-ci a jusqu’à présent avancé avec difficulté car de nombreux aspects relèvent de l’unanimité au Conseil des ministres. Le Traité de Lisbonne constitue un progrès car il prévoit le passage à la majorité qualifiée.

Le Président Pierre Lequiller a demandé au ministre s’il pensait qu’il y avait une volonté politique au sein de l’Union pour faire progresser ces questions.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, s’est félicité du fait que l’Europe allait devenir un sujet incontournable à l’occasion de la présidence française. La relance de l’Europe est enfin en marche. Le nouveau Traité, obtenu par la France avec ses partenaires, sera examiné par le Parlement les 6 et 7 février prochains. La présidence française interviendra à la fin d’un cycle politique, puisque la législature du Parlement européen et le mandat de la Commission arrivent à leur terme.

Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a annoncé que la question des flux migratoires sera un sujet prioritaire de la présidence française. Le ministre a indiqué que dans la lettre de mission que le Président de la République lui avait adressée le 9 juillet 2007, il lui a été demandé d’œuvrer à « l’élaboration d’un pacte européen de l’immigration comportant, pour les Etats membres de l’Union européenne, des engagements, notamment en termes d’éloignement de leurs clandestins et d’interdiction des régularisations massives qui créent des appels d’air pour tous les pays européens ».

Dans cette perspective, le ministre a indiqué qu’il avait multiplié les rencontres au niveau européen, notamment avec M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé des questions d’immigration, M. Wolfgang Schäuble, ministre allemand de l’intérieur, M. Giuliano Amato, ministre italien de l’intérieur, M. Alfredo Rubalcaba, ministre espagnol de l’intérieur, M. Jesus Caldera, ministre espagnol du travail et des affaires sociales et Mme Maria Teresa de la Vega, vice-présidente du gouvernement espagnol, ainsi qu’avec M. Liam Byrne, ministre britannique délégué aux frontières et à l’immigration. A propos de l’Espagne, le ministre a souligné qu’avant chaque conseil des ministres, la vice-présidente réunissait l’ensemble des ministres concernés par l’immigration, y compris le ministre de la défense.

M. Brice Hortefeux a indiqué qu’il devait rencontrer le 24 janvier le ministre slovène en charge de l’immigration, afin de préparer le pacte européen.

Tous les interlocuteurs, quelle que soit leur appartenance politique, partagent la même vision que la France. Ainsi, M. José Luis Zapatero, Premier ministre espagnol, a déclaré la semaine dernière qu’il comprenait les principes et partageait les objectifs de la politique française d’immigration.

Cinq pays - la France, l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Allemagne - concentrent 80 % des flux migratoires, les 20 % restants étant répartis entre le Portugal, la Pologne et l’Autriche, puis des Etats moins concernés. Les Etats adoptent peu à peu des mesures convergentes mais il n’existe pas de véritable cohérence.

Tous les Etats ne connaissent pas la même situation en matière de démographie. Alors qu’en France, le taux de fécondité s’élève à presque 2 enfants par femme, en Espagne il est seulement de 1,3. L’origine des flux migratoires et les problématiques d’intégration ne sont pas les mêmes. En France, deux immigrés sur trois sont originaires des pays d’Afrique subsaharienne et du Maghreb. En Espagne, c’est l’immigration latino-américaine qui est prépondérante, puisqu’elle représente 31 % du total des étrangers. De l’aveu même des autorités espagnoles, ces étrangers posent peu de problèmes d’intégration. En Italie, le tiers des immigrés légaux proviennent de trois pays : la Roumanie, l’Albanie et le Maroc. Le Président du Conseil, M. Romano Prodi, a adressé au Président José Manuel Barroso une lettre sur les conditions de libre circulation dans l’Union européenne.

Les différences concernent aussi l’intégration par le travail. Alors qu’en France, le taux de chômage moyen des étrangers est de 22 %, en Espagne, l’immigration est reconnue comme contribuant à la croissance du pays.

La politique d’asile n’est pas et ne sera jamais une politique d’immigration. La France a été le premier pays d’accueil de demandeurs d’asile en Europe ; elle est aujourd’hui le deuxième. Là aussi, les disparités sont importantes : en 2007, la France a accordé le bénéfice du statut de réfugié à 7 279 personnes, alors qu’en Espagne, 337 personnes seulement l’ont obtenu.

L’Europe est nécessaire pour élaborer une nouvelle politique de l’immigration. Le pacte européen de l’immigration s’articulera autour de cinq grands principes.

Le premier principe est de mieux protéger l’Europe en contrôlant ses frontières extérieures. La France souhaite l’avènement d’une véritable police européenne aux frontières. Cela passe par l’achèvement du chantier de la biométrie dans les visas. Dans ce domaine, la France est le pays le plus avancé de l’Union. Ensuite, il convient de renforcer l’agence Frontex, qui ne dispose pas de véritables moyens car la plupart des Etats n’ont pas rempli leurs engagements.

Le deuxième principe du pacte est l’organisation de l’immigration légale. Certains Etats, par exemple l’Italie, fixent des quotas. Chaque Etat doit pouvoir déterminer ses besoins et ses capacités d’accueil.

Il faut refuser les régularisations massives et générales de sans-papiers. A cet égard, il convient de noter que certains Etats, comme l’Allemagne, ont des titres intermédiaires, qui valent autorisation de séjour mais pas de travail.

Il faut également organiser l’immigration professionnelle. Dans ce domaine, la proposition de directive du 23 octobre 2007 sur les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants des pays tiers pour occuper un emploi hautement qualifié, la « carte bleue européenne », traduit la volonté de faire de l’Europe un espace attractif pour cette catégorie d’emploi. Elle constitue en quelque sorte le prolongement européen de la carte « compétences et talents » mise en œuvre en France. Le Gouvernement souhaite que les immigrés concernés puissent repartir ensuite dans leur pays avec leurs compétences acquises.

Troisièmement, il convient d’organiser l’éloignement effectif hors de l’Union européenne des étrangers qui y séjournent irrégulièrement. Les vols groupés avaient déjà été annoncés par Mme Edith Cresson, lors de son discours de politique générale en 1991. Tous les Etats membres sont confrontés aux vols de retour et il est préférable d’organiser des vols conjoints, notamment sous l’égide de Frontex. Il faut également progresser dans la signature avec les pays d’origine d’accords de réadmission des clandestins. Nos partenaires ont conscience de la nécessité de règles en la matière, il convient d’en définir les modalités.

Les Etats membres devront s’engager à lutter contre les employeurs et les logeurs de clandestins et à combattre sans relâche les filières de passeurs. Les employeurs de clandestins ne respectent pas les droits syndicaux, la durée du travail ou les salaires minimaux, ce qui fausse la concurrence. Ce problème se pose aussi chez nos partenaires, par exemple en Espagne. La Slovénie souhaite faire avancer l’adoption de la proposition de directive prévoyant des sanctions contre les employeurs de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.

La quatrième priorité est l’Europe de l’asile. En septembre prochain aura lieu à Paris une Conférence ministérielle sur le régime commun d’asile. Il existe de fortes disparités entre Etats membres dans la définition du droit d’asile. L’harmonisation sera sûrement une tâche difficile en raison des différences de traditions.

Enfin, la dernière priorité concerne le codéveloppement et l’aide au développement. La deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement se déroulera les 20 et 21 octobre 2008 à Paris. Il faut une approche commune européenne. Cette idée a été proposée par le commissaire Frattini. Le ministre a estimé qu’il serait positif que l’aide publique au développement soit qualifiée d’aide locale au travail, comme le lui a proposé M. Valéry Giscard d’Estaing.

En conclusion, le ministre a indiqué qu’au plan stratégique, la France ne devait pas seulement s’appuyer sur les quatre Etats membres qui concentrent avec elle 80 % des flux migratoires. Il convient de rechercher également le soutien de pays « moyens » comme l’Autriche, le Portugal et la Grèce, et de « petits » pays, comme Malte, directement concerné par l’immigration illégale.

M. Jacques Myard a indiqué avoir écouté le ministre avec beaucoup d’intérêt et a estimé que les flux migratoires étaient un défi qui se trouvait devant nous, citant les chiffres de l’OCDE. selon lesquels 100 millions de personnes devraient changer de pays pour des raisons économiques dans les trente ans à venir.

Reconnaissant qu’il faut des normes communes européennes en la matière, il a souhaité avoir des précisions sur la nature du « pacte » préconisé par le ministre. Il a rappelé avec force que lorsque des pouvoirs sont transférés au niveau communautaire dans un domaine, les pays en perdent la compétence interne et externe. Il s’est déclaré en accord avec un pacte qui laisserait la liberté aux pays sur cette question.

M. Brice Hortefeux a précisé qu’il n’y aurait pas de transfert de souveraineté, chaque Etat conservant la responsabilité de fixer les conditions d’entrée des immigrés sur son territoire. Il s’est déclaré cependant favorable à une politique commune de contrôle de l’entrée aux frontières extérieures de l’Union, soumise à un prochain Conseil européen. Il a souligné que le pacte européen de l’immigration serait un pacte politique.

Mme Marietta Karamanli, évoquant les objectifs du ministre en matière de codéveloppement et d’organisation de l’immigration légale a rappelé que depuis quinze ans les organisations internationales s’inquiétaient de la fuite des cerveaux en provenance des pays en voie de développement.

Elle a demandé quelles initiatives seraient prises pour que la politique d’immigration ne soit pas défavorable aux pays en voie de développement, quelles possibilités auront les personnes accueillies de faire des allers et retours dans leur pays d’origine, quels moyens permettront d’atteindre un taux de 50 % pour l’immigration économique selon les termes de la lettre de mission du Président de la République, et si les familles seraient comptabilisées au titre de ce pourcentage.

M. Brice Hortefeux a insisté sur le fait qu’il menait une politique d’immigration choisie et concertée ainsi qu’il l’avait déjà expliqué à certains pays comme le Sénégal et le Mali. Il a poursuivi en notant que M. Malek Boutih avait reconnu récemment que c’était la première fois depuis 1971 qu’une réflexion était réellement menée en la matière.

Le concept d’immigration choisie et concertée implique que les accords passés soient bilatéraux. Ceux-ci sont devenus une réalité comme l’a montré la signature, depuis juillet dernier, des accords avec le Gabon, la République du Congo et le Bénin, celui avec le Mali étant actuellement en préparation. Ces pays comprennent ainsi les problèmes qui se posent à nous, ce qui permet d’avancer. Les cartes « compétences et talents » donnent droit au regroupement familial automatique et sont valables pour trois ans renouvelables une fois.

Il a souhaité que cette politique soit utile aux pays d’émigration et leur permette d’enclencher un mouvement de codéveloppement, tout en insistant sur son attachement à la circulation des compétences et sur son opposition au pillage des cerveaux.

M. Christophe Caresche, évoquant la préparation du pacte, a fait observer que le renforcement des contrôles de police aux frontières avait été mis en place il y a longtemps déjà et s’est avéré peu efficace. Il ne faut cependant pas négliger cette politique, afin que les Etats n’en prennent prétexte pour échapper à leurs responsabilités.

S’agissant de la question des régularisations massives des sans-papiers, M. Christophe Caresche a rappelé que M. José Luis Zapatero en avait fait bénéficier plus de 700.000 personnes et que MM. Lionel Jospin et, en juillet 2006, M. Nicolas Sarkozy avaient pris la même mesure. Dans ce dernier cas, la régularisation avait concerné 15 à 20.000 personnes et, quoique plus réduite, pouvait cependant être considérée comme une régularisation massive, dès lors qu’on avait ouvert la possibilité de déposer des demandes et de régulariser dans un délai déterminé. En revanche, Mme Ségolène Royal s’est déclarée opposée aux régularisations massives mais favorable à des procédures de régularisation permanente qui permettent davantage de souplesse, ces dernières ayant continué d’exister sous l’autorité des ministres, MM. Sarkozy et Hortefeux.

Dans ce contexte, le débat n’est pas de savoir s’il faut être pour ou contre les régularisations massives mais il est plutôt entre ceux qui s’opposent à toute régularisation et ceux qui maintiennent une procédure de régularisation afin d’éviter des régularisations massives et l’immigration clandestine.

M. Christophe Caresche a considéré que le pacte proposé aura une portée limitée, car il ne tient pas compte des très fortes spécificités nationales existantes. A ses yeux, on ne peut imposer une même politique, alors que les contextes démographiques, géographiques et les situations du marché du travail sont différents selon les pays. Il a estimé que le réalisme l’emportera, ce qui évitera d’avoir à procéder à une politique intégrée au niveau de l’Union européenne.

Puis, il a abordé les initiatives de la Commission, qu’il a jugées plus inquiétantes, en ce qui concerne l’allongement de la durée de rétention. Il y a vu un effet pervers de la construction européenne, puisque n’est pas posée la question de l’adéquation d’une telle mesure aux objectifs poursuivis et à l’équilibre des libertés, la durée de la rétention étant calculée sur la moyenne de celle pratiquée dans les différents Etats, ce qui équivaut, selon lui, à une politique qu’il a qualifiée de « Gribouille ». En tout état de cause, il a jugé qu’une durée de rétention de 18 mois était insensée.

Enfin, il a évoqué la politique poursuivie en France et les objectifs fixés par le Président Nicolas Sarkozy à M. Brice Hortefeux dans lesquels il a vu une fuite en avant.

L’objectif de répartir par parts égales l’immigration en immigration économique et en immigration familiale lui apparaît contraire à nos engagements internationaux et à la Convention européenne des droits de l’homme. Cet objectif est d’autant plus difficile à atteindre que le contexte économique actuel n’est pas propice à une mise en oeuvre d’une politique des quotas. En définitive, M. Christophe Caresche a déclaré avoir l’impression que le Président de la République fixait à M. Brice Hortefeux beaucoup trop d’objectifs. Il a dès lors souhaité connaître la position du ministre sur les quotas.

Le ministre a apporté les réponses suivantes :

- sur les régularisations massives, les autorités espagnoles n’emploient pas cette expression mais plutôt celle de « normalisation » dont le nombre s’est élevé à 600.000. L’Espagne n’a jamais procédé à une régularisation générale mais plutôt à une régularisation conforme aux besoins de son économie à un moment donné. De fait, en 2007, l’Espagne n’a plus procédé ni à des régularisations, ni à des normalisations ;

- en ce qui concerne l’Italie, en juillet 2007, le ministre de l’intérieur, M. Giuliano Amato, a déclaré que l’Italie ne procèderait plus à des régularisations, ce que le Président Romano Prodi a confirmé lors du Sommet entre la France et l’Italie le 30 novembre 2007.

A l’instar de M. Christophe Caresche, il faut être hostile aux régularisations massives, à la différence de certains parlementaires socialistes ayant pris part à une récente manifestation de RESF (Réseau Education sans frontière), qui a demandé la régularisation de tous les sans-papiers.

M. Serge Blisko a fait observer qu’il n’avait pas repris ce slogan, ayant tenu des propos analogues à ceux de M. Christophe Caresche.

Le ministre a apporté les réponses complémentaires suivantes :

- il convient d’éviter de jeter la pierre aux mesures qu’avait prises le Gouvernement Jospin, et en particulier à l’idée de repartir de zéro, ce qui avait abouti à l’époque à la régularisation de 80.000 personnes. Mais cette mesure dont ont profité notamment des immigrés clandestins de plusieurs années a été regardée comme une « prime », ce qui a abouti à multiplier par quatre le nombre de demandes.

M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a procédé à 6.000 régularisations, lesquelles se pratiquent toujours parce que le ministre est sensible, comme n’importe quel responsable politique, aux conséquences d’une expulsion. Mais il importe de délivrer un message cohérent et audible aux Français et aux Etats concernés pour leur indiquer que l’immigration en France est soumise à des règles qui doivent être respectées.

Le ministre est saisi quotidiennement de situations humaines qui nécessitent un examen au cas par cas et qui débouchent, notamment lorsqu’il est saisi par un parlementaire, sur un réexamen attentif du dossier, dans le respect des textes en vigueur. Mais il se refuse à donner une prime à la clandestinité en France.

S’agissant de la durée de rétention prévue dans la « directive retour », les Etats membres ont actuellement des dispositifs très divers. Cette durée est illimitée dans sept d’entre eux. La durée de 18 mois actuellement envisagée serait acceptable si elle représente un plafond en deçà duquel un pays peut fixer une durée plus courte. Tel ne serait pas le cas si elle était imposée à tous les Etats membres.

M. Marc Laffineur a salué l’intelligence de la politique d’immigration telle que présentée, fondée sur des principes clairs. Le respect de la dignité humaine impose en effet d’être en mesure d’accueillir les étrangers, et d’examiner les possibilités en termes d’emploi et les perspectives de logement et de vie en famille. Certaines situations humaines conduisent également à faire des exceptions et des régularisations au cas par cas.

Le futur pacte européen est important. Il faut essayer de coopérer au niveau européen et de définir une politique commune de l’immigration. La situation du Canada n’est pas comparable à celle de l’Europe. Outre la différence de situation géographique, les critères exigés pour s’installer dans le pays sont très restrictifs.

S’agissant par ailleurs de l’aide du développement, notamment aux pays africains, peut-on envisager de renforcer son efficacité et ne pourrait-on pas également prévoir un pacte européen dans ce domaine ?

Le ministre a insisté sur le fait que le Canada se montrait très soucieux à s’attacher les élites des pays d’émigration et faire venir les seules personnes qualifiées. La France n’a pas la même approche. Etant donné la dimension affective de ses relations avec les pays concernés, elle s’attache à tenir compte des intérêts des pays d’émigration.

La contribution de la France représente par ailleurs près du quart du Fonds européen de développement (FED), ce que les pays bénéficiaires ne savent pas nécessairement.

M. Didier Quentin a demandé comment concilier le codéveloppement avec la présence importante, des élites des Etats concernés, sur le territoire national. L’exemple des médecins hospitaliers est caractéristique.

Lors de la précédente législature, la mission d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière, et dont il était rapporteur, a ainsi suggéré de mettre en place une politique de codéveloppement avec les Comores, notamment pour soulager la maternité de Mayotte.

Le ministre a indiqué qu’au Bénin, par exemple, quelques médecins hospitaliers se sont réinstallés après avoir exercé en France, avant d’ailleurs d’exercer des fonctions politiques une fois réimplantés. Au-delà de ces cas individuels, le problème est de surmonter le double handicap de l’écart des rémunérations et de la forte différence dans le niveau d’équipement et dans les conditions d’exercice de la profession médicale, pour s’en tenir au secteur de la santé. Certaines aides à l’équipement sont déjà prévues. Pour les salaires, on peut envisager l’hypothèse d’un paiement temporaire des rémunérations des personnes qui reviennent dans leur pays d’origine.

La politique de codéveloppement avec les Comores n’a pas donné les résultats escomptés, en raison du manque de stabilité de la situation politique.

M. Serge Blisko, après avoir indiqué partager le point de vue antérieurement exprimé par M. Christophe Caresche, a estimé que la durée de rétention de 18 mois actuellement envisagée au niveau européen conduisait à une impasse, puisqu’il faudrait notamment multiplier les capacités actuelles des centres.

La politique des quotas suscite par ailleurs une certaine méfiance, pour des raisons de principe. Les relations avec les pays africains sont très différentes lorsqu’il y a un passé commun.

S’agissant des hôpitaux publics, le nombre élevé des médecins étrangers est aussi le résultat de la situation actuelle des carrières médicales, auxquelles on devrait accorder une plus grande attention. La question est celle de l’organisation du système de soins, lequel doit fonctionner sans difficulté.

En ce qui concerne le droit d’asile, il ne faut pas suivre les pays européens qui ont une politique restrictive, alors que la France est engagée depuis longtemps dans une voie plus mesurée. Ce sont aussi les événements politiques extérieurs qui sont à l’origine des demandes d’asile. Pour le futur, il faudra en outre tenir compte du cas des réfugiés climatiques.

Pour ce qui est de l’immigration de travail, les secteurs concernés sont très divers en termes de qualifications. A côté de l’informatique, il y a les activités agricoles.

En tout état de cause, le débat doit être dépassionné, car l’Europe continuera à être attractive.

Le ministre a indiqué veiller à ce que l’harmonisation européenne ne se fasse pas vers le bas, si le risque se présente. La France est favorable à une harmonisation vers le haut.

Pour ce qui est de l’asile, la démarche européenne vise à éviter que les demandes soient traitées d’une manière inégale par les Etats membres.

Le rapporteur a rappelé qu’il avait été en tant que rapporteur très réservé sur la durée de rétention prévue par la « directive retour ». Un tel délai de 18 mois est inutile. S’agissant de la France, la loi de 2003, qui a porté ce délai à 32 jours, apparaît ainsi raisonnable et ne mérite pas les critiques dont elle a fait l’objet, à l’époque de son adoption, de la part du parti socialiste.

Il a ensuite demandé des précisions sur la perspective d’une ouverture totale des frontières pour les salariés originaires des nouveaux Etats membres, les moyens d’éviter que la future « carte bleue » européenne ne permette à ses bénéficiaires de faire du « shopping » en fonction des différences de niveau pour les droits sociaux des différents Etats membres, et la possibilité de revoir, sous présidence française, les conditions de délivrance des visas Schengen, pour tenir compte de l’évolution des risques migratoires de certains pays.

Le ministre a indiqué qu’il souscrivait à l’opinion du rapporteur concernant la « directive retour ». Ensuite, s’agissant du réexamen pour certains pays des conditions de délivrance des visas Schengen, il convient de se montrer prudents, pour ne pas encourager des filières d’immigration clandestine. Les problèmes récents de la zone d’attente de Roissy sont significatifs, cette zone d’attente ayant dû accueillir jusqu’à 264 personnes alors que sa capacité est de 164 places. Enfin, s’agissant de l’ouverture du marché du travail aux salariés des nouveaux Etats membres, la France a choisi de mener cette ouverture de manière progressive, et a ouvert l’accès à 150 métiers, qui représentent 40 % du marché du travail. D’autres pays ont choisi de procéder différemment. Il n’est pas exclu d’ouvrir un peu plus largement le marché français du travail dans les mois à venir.

2) Réunion de la Délégation du mardi 3 juin 2008

La Délégation s’est réunie le mardi 3 juin 2008, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Jacques Myard a souhaité savoir si la « carte bleue » européenne serait délivrée par les Etats membres ou par l’Union européenne. Il a également interrogé le rapporteur sur la signification de l’expression « gestion intégrée des frontières extérieures ».

Le rapporteur a répondu que la « carte bleue » européenne serait délivrée par les Etats membres selon une procédure commune.

M. Jacques Myard, après s’être dit favorable à l’adoption de normes européennes dans ce domaine, a demandé si les ambassades seraient responsables de la procédure, comme elles le sont pour la délivrance des visas Schengen.

Le rapporteur a indiqué que le ministère de l’immigration avait une compétence conjointe en matière de visas.

M. Jacques Myard a souligné que selon le principe de l’unité de l’Etat, les ambassades de France représentaient également ce ministère.

Le rapporteur a ensuite indiqué que la France avait dans le passé soutenu, à travers l’expression « gestion intégrée des frontières extérieures », la création d’un corps européen de gardes-frontières mais qu’elle avait dû réduire ses ambitions et demandait maintenant un corps commun de formateurs inspecteurs. Il est souhaitable que toutes les frontières offrent le même niveau de sécurité.

Il a rappelé qu’il avait effectué en 2004 une mission sur le contrôle de la frontière entre la Pologne et l’Ukraine et qu’il avait constaté que les équipements de pointe financés par l’Union européenne n’étaient pas utilisés. Il faut pourtant que les nouveaux Etats membres contrôlent leurs frontières avec la même technicité que les anciens Etats membres.

M. Jacques Myard a estimé que Schengen était un système conçu pour un monde parfait qui n’existe pas. Or le système est faillible car on ne peut avoir confiance dans certains fonctionnaires des Etats partenaires. Il faudrait pouvoir arrêter la procédure de délivrance des « cartes bleues » si un Etat se mettait à en délivrer un nombre anormalement élevé.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de la Commission ne prévoyait pas un tel mécanisme. Il a souligné qu’une chaîne de sécurité avait la valeur de son maillon le plus faible. En matière de visas, les dysfonctionnements viennent parfois des anciens Etats membres. Les nouveaux Etats membres sont plus exposés car les salaires des fonctionnaires sont plus faibles. Pour réduire les risques, il faudrait des guichets uniques pour la délivrance des visas, proposition qui figure dans le pacte.

M. Jacques Myard a souhaité qu’un bilan de Schengen soit établi car le système est devenu très lourd. De plus, il est voué à l’échec car l’espace Schengen est incontrôlable.

Le rapporteur a estimé que le système n’était pas parfait à l’heure actuelle et qu’il était nécessaire de mettre en œuvre un contrôle des entrées et des sorties, ainsi que de généraliser les visas biométriques.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que le pacte proposé par la France permettrait des avancées, par exemple grâce au refus des régularisations massives ou à l’harmonisation du droit d’asile.

M. Jacques Myard a estimé que la « carte bleue » européenne allait plus loin que l’adoption de normes communes et créait des risques de trafic.

Le rapporteur a insisté sur le chemin fait par l’Union européenne depuis 1999 en matière d’immigration et a évalué à quatre ou cinq années le délai nécessaire pour disposer d’une véritable politique européenne.

Le Président Pierre Lequiller a jugé opportun que le rapport souligne la nouvelle impulsion à donner à cette politique.

Mme Annick Girardin a interrogé le rapporteur sur les objectifs en matière d’immigration qualifiée et souhaité savoir si le niveau d’études demandé pour la « carte bleue » était véritablement lié aux besoins ou s’il visait à limiter l’immigration. Elle a également souhaité connaître les conditions d’expérience professionnelle.

Le rapporteur a observé que la politique d’immigration de l’Union européenne allait se rapprocher de celle du Canada. Ce pays, qui privilégiait certaines professions, met maintenant l’accent sur les compétences et l’employabilité. Un haut niveau de qualification permet aux immigrants de s’adapter.

Mme Annick Girardin a souligné qu’au Canada, l’expérience professionnelle est prise en compte.

Le rapporteur a indiqué que la proposition relative à la « carte bleue » prévoyait comme conditions de délivrance le fait de disposer d’un contrat de travail, d’avoir un salaire supérieur à trois fois le salaire minimum, d’être titulaire d’un diplôme sanctionnant trois années d’études supérieures ou d’avoir trois ans d’expérience professionnelle.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité que la Délégation suive ces questions pendant la Présidence française. Il a jugé très positive l’ouverture, sans restrictions, du marché français du travail aux pays d’Europe centrale et orientale annoncée par le Président de la République. Il a observé que certains immigrés polonais retournaient en Pologne du fait de la bonne santé économique de ce pays.

M. Jacques Myard a rappelé que les actes d’adhésion laissaient un délai de 8 ans pour l’ouverture des marchés du travail. Il a estimé que la réglementation européenne relative au détachement des travailleurs aboutissait à une concurrence déloyale car des travailleurs polonais payés au SMIC en France peuvent rester soumis aux normes polonaises en matière de cotisations sociales. Cette possibilité est largement utilisée.

M. Gérard Voisin a estimé qu’il était très difficile de trouver des travailleurs manuels en France.

Mme Annick Girardin a jugé nécessaire de limiter le détachement de travailleurs.

Le rapporteur a estimé que la France avait eu tort de ne pas ouvrir son marché du travail aux pays d’Europe centrale et orientale dès leur adhésion. Il s’agit d’une erreur politique car ces Etats ont été vexés, et d’une erreur économique car les immigrés les plus qualifiés sont partis en Irlande et en Suède.

Des pays comme la Pologne ont un double point de vue sur l’immigration, car ils sont en même temps pays de départ et pays d’accueil. Cela explique leurs réticences sur les accords d’intégration.

M. Jérôme Lambert a demandé au rapporteur s’il avait connaissance d’un document élaboré par l'Union européenne, qui chiffrerait les besoins européens d’immigration économique.

Le rapporteur a indiqué que le Livre vert sur la gestion des migrations économiques avait fourni en 2005 une estimation, mais que la situation démographique était différente selon les Etats membres. Celle de la France est plus favorable.

M. Jérôme Lambert a jugé que le chiffre de 20 ou 25 millions de personnes, pour les besoins en main d’œuvre, pour le futur, exigeait une réelle politique européenne d’immigration et qu’il convenait donc de faire coïncider les dispositifs juridiques avec les besoins. Il est donc opportun d’aller au-delà des seules recommandations françaises et de ne pas se déconnecter des perspectives migratoires. On observe d’ailleurs dans le pacte un changement de perspective par rapport au projet originel.

Sur proposition du rapporteur, la Délégation a ensuite adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution

Vu la proposition de directive du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié (COM [2007] 637 final/n° E 3678),

Vu la proposition de directive du Conseil établissant une procédure de demande unique en vue de la délivrance d’un permis unique autorisant les ressortissants de pays tiers à résider et à travailler sur le territoire d’un Etat membre et établissant un socle commun de droits pour les travailleurs issus de pays tiers qui résident légalement dans un Etat membre (COM [2007] 638 final/n° E 3679),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions « Vers une politique commune en matière d’immigration » (COM [2007] 780 final),

1. Se félicite de la démarche de la Commission fondée sur une approche globale et équilibrée qui cherche à compléter la politique commune en matière d’immigration, notamment en encourageant l’immigration professionnelle et en luttant contre l’immigration irrégulière ;

2. Salue l’initiative française et sa volonté de donner un nouvel élan politique au processus, en fixant de nouvelles orientations par le biais de son projet de pacte européen sur l’immigration et l’asile ;

3. Se déclare favorable à la proposition de la Commission instituant une carte bleue européenne, qui correspond à l’approche française d’immigration choisie et professionnelle, en tenant compte de l’état du marché du travail ;

4. Estime cependant opportun de mieux définir les termes d’emploi qualifié et de relever le niveau d’études exigées, afin de cibler une immigration hautement qualifiée ;

5. Suggère que la Commission s’inspire du dispositif français de la carte « compétences et talents » ;

6. Demande la plus grande vigilance sur la liste des droits énoncés dans la proposition établissant un socle de droits communs pour les travailleurs des pays tiers ;

7. Souhaite que l’Union se prononce contre le principe des régularisations massives et collectives ;

8. Se déclare favorable à une plus grande gestion intégrée des frontières extérieures dans un esprit de solidarité et plaide pour un renforcement des moyens opérationnels de l’agence européenne Frontex et une généralisation des visas biométriques ;

9. Encourage l’adoption de mesures permettant l’éloignement effectif des immigrants en situation irrégulière, notamment par l’organisation de vols conjoints et la relance de la conclusion d’accords de réadmission au niveau européen ;

10. Souhaite que l’harmonisation du droit d’asile progresse afin d’assurer une plus grande solidarité entre Etats membres et que soit élaboré un statut uniforme de réfugié et des procédures communes d’octroi et de retrait du droit d’asile.

ANNEXE :
Personnes entendues par le rapporteur

1) A Paris

- M. Patrick Stefanini, secrétaire général du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

2) A Bruxelles

Représentation permanente

- M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne ;

Commission européenne

- M. Jean-Louis de Brouwer, directeur général adjoint chargé de l’immigration, de l’asile et des frontières ;

l  Parlement européen

- M. Gérard Deprez, ancien ministre d’Etat, président de la Commission chargée des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen ;

l  Ministère de l’intérieur

- Mme Mazzara, conseillère diplomatique auprès du Vice-Premier ministre chargé de l’intérieur et de la ministre de l’immigration.

3) A Londres

- M. Damian Green, député conservateur, responsable des questions migratoires au sein du Shadow Cabinet ;

- M. Christophe Prince, directeur des affaires internationales au sein de la UK Border Agency.

4) A Madrid

Représentants syndicaux

Ø  CC OO - Confédération syndicale des commissions ouvrières

- M. Javier Doz, secrétaire chargé des relations internationales ;

- M. Mohammed Haidour, adjoint chargé des migrations.

Ø  UGT Union générale des travailleurs

- Mme Ana Maria Corral Juan, chargée des migrations.

Ø  CEIM Confédération espagnole des organisations d’employeurs

- M. Roberto Suarez Santos, chargé des relations du travail ;

- M. Juan Mendez Valdes ;

- M. Luis Mendez Lopez.

Communauté de Madrid

- M Javier Fernandez Lasquetty, conseiller chargé de l’immigration et de l’intégration.

Secrétariat d’Etat à l’immigration et à l’émigration

- M. César Mogo Zaro, directeur de cabinet de la secrétaire d’Etat ;

- Mme Marta Rodriguez Tarducchy, directrice générale de l’immigration.

5) A Varsovie

Ministère de l’intérieur

- Mme Monika Pruss, directeur de la politique migratoire ;

- M. Rafal Rogala, directeur de l’office des étrangers ;

- M. Marek Szonert, directeur des relations internationales.

Frontex

- M. Gil Arias Fernandez, directeur adjoint ;

- M. Richard Ares Baumgartner, conseiller chargé du développement stratégique.

Cabinet du Premier ministre

- M. Maciej Duszczyk, conseiller stratégique du Premier ministre Donald Tusk, chargé des migrations et de l’intégration à l’Union européenne.

Diète

- M. Dariusz Lipinski, député, vice-président de la commission pour les affaires de l’Union européenne.

6) A Vienne

- M. Johann Bezdeka, directeur du département des titres de séjour et de la nationalité du ministère de l’intérieur ;

- Mme Maria Ziniel, directrice adjointe du département du ministère de l’intérieur, chargée de la coordination avec l’Union européenne.

*

* *

Le rapporteur tient à remercier les ambassadeurs de France en Belgique, en Espagne, en Pologne, le représentant permanent de la France à Bruxelles et tous leurs collaborateurs de l’aide qu’ils ont bien voulu lui apporter pour la rédaction de ce rapport ainsi que pour leur accueil et leur disponibilité.

1 () TA n° 113 du 21 février 2008.

2 () TA n° 706 du 7 mars 2007.