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No 1260

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIEME LEGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2008

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION CHARGEE
DES AFFAIRES EUROPEENNES (1),

sur le paquet énergie-climat
(E 3452, E 3494, E 3573, E 3756, E 3771, E 3772, E 3774 et E 3780)
,

ET PRÉSENTÉ

par MM. Bernard DEFLESSELLES et Jérôme LAMBERT,

Députés.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

La Commission chargée des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Pierre Moscovici, Didier Quentin, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; M.Alfred Almont, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Lionnel Luca, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : PRESERVER L’AMBITION DU PAQUET ENERGIE-CLIMAT 15

I. UN ENSEMBLE COHERENT ET AMBITIEUX 17

A. La réforme du système communautaire d’échange des quotas d’émission 18

1) Le bilan positif de la première phase de l’ETS 18

a) Le carbone a désormais un prix effectif 19

b) L’ETS devrait permettre à l’Europe d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto 19

c) Le prix du carbone a eu un impact limité sur la compétitivité industrielle 20

2) Une adaptation nécessaire pour atteindre l’objectif 2020 21

a) Un champ d’application étendu 21

b) Une attribution des quotas par secteurs d’activité 24

c) Une mise aux enchères progressive de l’intégralité des quotas 25

B. Des obligations de limitation des émissions imposées aux secteurs non couverts par l’ETS 26

C. L’obligation de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique 28

1) Une contrainte très rigoureuse 28

2) Des mesures d’allègement de la contrainte 31

D. L’encadrement juridique du stockage et du captage du carbone 32

II. RÉTICENCES ET REMISE EN CAUSE 35

A. Des débats constructifs 36

1) L’insuffisance du volet efficacité énergétique 36

a) De fortes potentialités 37

b) Préserver un signal-prix 39

2) Des discussions d’ordre technique. 43

a) La part réservée aux mécanismes de flexibilité 43

b) La durabilité des biocarburants 47

c) Le financement des projets de captage et de stockage du carbone 50

B. Des tentations de remise en cause 52

1) Des oppositions variées 55

a) Les craintes liées aux enchères imposées au secteur de la production électrique 55

b) Les inquiétudes liées à la compétitivité de secteurs industriels exposés à la concurrence internationale 56

2) Une demande précoce d’« ajustement aux frontières » 57

3) Des difficultés à ne pas surestimer 59

a) Des prix de l’électricité peu dépendants du taux des enchères 60

b) Un accord préalable sur les émissions de CO2 des véhicules automobiles 64

4) Transformer les contraintes du paquet énergie-climat en des atouts pour l’Europe 69

a) Le coût de l’inaction 69

b) Les potentialités d’une croissance verte 70

III. CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE : Quelles possibilités pour un accord européen sous présidence française ? 73

A. Sur l’impact de la mise aux enchères dans le secteur de la production électrique 74

B. Sur la préservation de la compétitivité des industries électro-intensives ou fortement consommatrices d’énergie 77

DEUXIEME PARTIE : DES NEGOCIATIONS INTERNATIONALES DONT LE RESULTAT DEMEURE INDECIS 81

I. LES ETATS-UNIS PEU ENCLINS À SIGNER UN ENGAGEMENT INTERNATIONAL CONTRAIGNANT 85

A. Une économie durablement carbonée 86

B. Une échéance prématurée pour la nouvelle Administration 90

C. Un Congrès toujours réticent par rapport aux engagements internationaux 91

1) Un débat détaché des appartenances partisanes 91

2) La perception d’une menace pour la sécurité du pays 93

D. Une priorité accordée à l’action nationale 94

1) De nombreuses initiatives publiques et privées 94

2) Une loi nationale avant un accord international 96

3) Un soutien à la recherche 97

II. LE JAPON PROMOTEUR DE L’APPROCHE SECTORIELLE 99

A. Des objectifs nationaux modestes 99

1) Des difficultés pour s’acquitter des engagements de Kyoto 100

2) Des programmes aux ambitions limitées 102

B. Des efforts de recherche soutenus dans le solaire et l’hydrogène 104

C. Un acteur mesuré dans les négociations internationales 105

1) L’approche sectorielle 105

2) Le souci d’associer les Etats-Unis aux négociations 106

3) La volonté d’assumer un rôle moteur en Asie 106

III. LES SITUATIONS HÉTÉROGÈNES DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 107

A. Des responsabilités communes mais différenciées 107

B. Les pays émergents sont-ils encore des pays en développement ? 109

C. Des actions nationales mises en œuvre par les pays émergents 112

IV. CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE : Quelle stratégie pour l’Europe ? 115

A. Préserver le rôle exemplaire de l’Europe 116

B. Privilégier une alliance avec les pays en développement 118

TRAVAUX DE LA COMMISSION 121

PROPOSITION DE RESOLUTION 127

ANNEXE : Liste des personnes entendues par les rapporteurs 131

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En cette fin d’année 2008, la présidence française de l’Union européenne doit faire face à deux dossiers cruciaux : la crise financière et économique internationale et l’adoption du paquet énergie-climat, déclinaison européenne des mesures à mettre en œuvre au niveau mondial pour lutter contre le réchauffement climatique. Les négociations communautaires menées au cours des dernières semaines ont illustré les interactions entre ces deux dossiers puisque plusieurs de nos partenaires ont fait part de leurs craintes de voir le paquet énergie-climat peser sur la compétitivité des entreprises européennes.

Plus profondément, ces débats prouvent que l’heure de la « fin de l’histoire » annoncée par Francis Fukuyama n’a pas encore sonné. Avec la révolution industrielle, nos sociétés occidentales ont cru pouvoir se préserver des aléas climatiques. L’augmentation de la productivité agricole et l’ouverture des marchés ont permis d’éloigner les menaces qui jusqu’alors pesaient sur les économies de subsistance. Un printemps pluvieux, un été caniculaire ou un hiver rigoureux – et surtout la succession de ces intempéries – n’étaient plus systématiquement à l’origine des disettes, famines et épidémies provoquant des dégâts effroyables sur la mortalité des populations (souvenons-nous, par exemple, qu’en 1692-1693, le mauvais temps a causé la mort de 1 300 000 personnes dans le Royaume de France, soit autant de décès que le premier conflit mondial sur une période deux fois plus courte et sur une population totale deux fois moins nombreuse …).

Ces dangers semblaient définitivement écartés. Il subsistait bien quelques risques (tempêtes, inondations, orages violents …) mais très ponctuels et d’ampleur limitée. La science de la météorologie améliorait la fiabilité des prévisions à court terme et laissait entendre qu’il serait peut-être envisageable de maîtriser les cycles climatiques. Or, depuis la dernière décennie du XXe siècle, il apparaît que cette même révolution industrielle pourrait être à l’origine d’un brusque réchauffement climatique, dont nous ne pouvons pas encore mesurer toutes les conséquences.

Comme l’observe, le professeur Emmanuel Le Roy Ladurie, les événements climatiques s’imposent à nouveau, « comme la donnée de base par excellence de l’Histoire, comme la trame même de l’étoffe sur laquelle l’humanité inscrit sa destinée, certes autonome ».

Aujourd’hui, le réchauffement climatique n’est plus guère contesté. Il subsiste quelques voix discordantes – les rapporteurs ont ainsi entendu M. Claude Allègre ou M. Joe Barton, Représentant du Texas au Congrès des Etats-Unis, mettre en doute les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) – mais même ces derniers ne nient pas l’existence, pour le moins, d’un « changement climatique ».

Le temps du constat est désormais dépassé. Il appartient à présent aux décideurs politiques de prendre les mesures d’atténuation et d’adaptation aux conséquences de l’effet de serre.

Les causes et les implications du changement climatique ont effectivement été bien cernées dans les rapports successifs du GIEC (1990, 1995, 2001 et 2007). Sous la précédente législature, en 2006, l’Assemblée nationale avait également fait le point sur ce sujet grâce à une mission d’information sur l’effet de serre (rapport n° 3021). Il en ressort que le phénomène naturel de l’effet de serre(1) a connu une amplification sans précédent depuis le commencement de l’ère industrielle au milieu du XIXe siècle. Les concentrations de gaz carbonique dans l’atmosphère ont ainsi atteint des niveaux jamais enregistrés depuis 650 000 ans : 379 parties par million (ppm) en 2005 contre 280 ppm avant l’ère industrielle.

Cet accroissement des gaz à effet de serre (GES) a eu pour conséquence une augmentation de la température moyenne mondiale de 0,74° C au cours des cent dernières années, traduisant une fluctuation bien plus sensible que celles connues lors du dernier millénaire, comme en témoigne la fameuse courbe dite de la « crosse de hockey (2) ».

Reconstitution des températures de l'hémisphère Nord.

Source : GIEC 2001.

Les émissions globales de GES ont crû considérablement au cours des dernières décennies (+ 70 % entre 1970 et 2004) et, parallèlement, il est constaté une hausse des températures moyennes annuelles dans notre pays.

Evolution des temperatures moyennes annuelles
par decennie en France

Source : Météo-France.

D’après les modèles des scientifiques du GIEC, la température moyenne annuelle du globe pourrait s’élever de 1,1° C à 6,4° C d’ici 2100. L’impact de ce réchauffement serait d’autant plus grave que l’élévation de la température moyenne serait importante et, en tout état de cause, serait fortement ressenti si une augmentation de 2 °C au moins se produisait. Le tableau suivant récapitule les incidences prévisibles des variations de la température moyenne du globe.

Source : GIEC.

Pour s’en tenir à la France, il suffit de citer une étude réalisée par une équipe du Centre national de recherches météorologiques à la suite de la canicule de 2003, qui estime qu’en été, la fréquence de dépassement du seuil de 35 °C se situait à la fin du XXe siècle entre 1 % et 5 % pour le sud de la France et en dessous de 1 % pour le nord ; pour la fin du XXIe siècle, ces fréquences pourraient être entre 15 % et 30 % pour le sud et entre 5 % et 15 % pour le nord, ce qui augmente d’un facteur de 5 la probabilité d’occurrence d’une canicule.

Confrontée à ces prévisions alarmantes, la communauté internationale a décidé d’agir, d’autant que malheureusement – ou heureusement… – la crise climatique se double d’une crise énergétique, liée à l’épuisement progressif des réserves en hydrocarbures et à une prise de conscience accrue des risques pesant sur la sécurité énergétique des grandes économies occidentales. L’action internationale n’est pas encore, bien sûr, à la hauteur des enjeux, mais elle traduit une prise de conscience universelle des problèmes résultant du changement climatique. Les associations écologistes reconnaissent elles-mêmes que les progrès enregistrés dans ce domaine sont bien plus rapides que ceux touchant, par exemple, à la protection de la biodiversité.

Deux voies d’action sont possibles : l’adaptation au changement climatique et l’atténuation des émissions de GES. Ces deux voies ne sont pas alternatives ; elles sont complémentaires. L’adaptation est obligatoire pour répondre aux conséquences déjà constatées et à celles inévitables du réchauffement lié aux émissions passées (+ 0,6° C d’ici 2100, même si les concentrations atmosphériques en GES restaient au niveau de l’an 2000, ce qui est irréaliste). Les efforts d’atténuation sont indispensables pour éviter de dépasser le niveau de réchauffement de + 2° C à + 2,5° C, à partir duquel les scientifiques considèrent que les conséquences seront très dommageables.

Au niveau international, ces deux voies d’action ont commencé à être explorées par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée par le Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 et entrée en vigueur le 21 mars 1994. Elle reconnaît l’existence du changement climatique d’origine humaine et impose aux pays industrialisés le primat de la responsabilité pour lutter contre ce phénomène. Elle fixe aussi comme objectif la stabilisation des concentrations de GES dans l’atmosphère à « un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ». Le protocole de Kyoto, conclu en 1997 et entré en vigueur le 16 février 2005, constitue une étape de la mise en œuvre de la Convention-cadre des Nations unies. Il s’appuie sur le principe des responsabilités communes mais différenciées des parties, conduisant à faire peser l’essentiel des efforts d’atténuation sur les pays industrialisés.

Ce processus a consacré la reconnaissance internationale du problème du réchauffement climatique. Pourtant, il est affecté de nombreuses faiblesses qui en limitent la portée. Tout d’abord, même s’il a été ratifié par plus de 170 parties à ce jour, il ne l’a pas été par les Etats-Unis, pays qui, jusqu’en 2007, a constitué le premier émetteur mondial de CO2. Ensuite, le protocole de Kyoto n’impose aucune contrainte aux pays en développement, parmi lesquels figurent des pays émergents comme la Chine, devenue en 2007 le principal émetteur de CO2. Enfin et surtout, les engagements contraignants souscrits par 38 pays industrialisés pour la période allant de 2008 à 2012 sont loin d’être suffisants pour empêcher un réchauffement significatif de la planète. Ils se sont simplement engagés à réduire le total de leurs émissions de GES d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 (- 8 % pour les pays de l’Union européenne à 15 et - 6 % pour le Japon, par exemple).

Nous ne sommes encore qu’au début de la période visée par le protocole de Kyoto et il est trop tôt pour dresser un bilan. Néanmoins, certains résultats obtenus en 2005, huit années après la signature de cet engagement, ne sont pas très encourageants.

 

Objectif Kyoto

2008-2012

Evolution constatée

(2005)

Union européenne

-8 %

-2 %

Etats-Unis

-7 %

+16,3 %

Japon

-6 %

+6,9 %

Russie

0 %

-28,7 %

Australie

+8 %

+25,6 %

France

0 %

-1,9 %

Allemagne

-21 %

-19,5 %

Royaume-Uni

-12,5 %

-15,7 %

Espagne

+15 %

+52,3 %

Italie

-6,5 %

+12,1 %

Le protocole de Kyoto n’est cependant qu’une étape et les négociations sur l’élaboration d’un régime multilatéral post-2012 associant davantage de parties et traitant à la fois de l’adaptation et de l’atténuation ont déjà démarré grâce à la feuille de route adoptée en 2007 à Bali, avec pour objectif d’obtenir un accord lors de la conférence de Copenhague de décembre 2009.

Au niveau communautaire, la Commission européenne suit également les deux voies de l’adaptation et de l’atténuation. Elle a engagé la réflexion sur l’adaptation en déposant un Livre vert sur les possibilités d’action de l’Union européenne (document E 3573), ainsi qu’un Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l’environnement et des objectifs politiques connexes (document E 3494). Elle s’efforce surtout d’apparaître comme le leader mondial dans la démarche de l’atténuation.

Ce volontarisme s’est traduit par la mise en œuvre du système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE ou ETS) depuis 2005. Il s’est renforcé à l’approche des échéances internationales pour la négociation post-Kyoto, avec le dépôt de propositions établissant des normes de performance en matière d’émissions pour les voitures particulières neuves (document E 3756) ou encore fixant des spécifications relatives aux carburants (document E 3452). Mais l’instrument principal de l’action communautaire réside dans le « paquet énergie-climat » (documents E 3771, E 3772, E 3774 et E 3780), qui vise à mettre en application la fameuse règle des « trois fois vingt » arrêtée par le Conseil européen de mars 2007 et à donner à l’Europe un statut d’exemplarité dans les discussions internationales.

Peu avant des échéances importantes – le Parlement européen devrait se prononcer en première lecture le 4 décembre 2008 ; le Conseil « Energie » se réunit le 8 décembre et le Conseil européen les 11 et 12 décembre – le présent rapport d’information s’attache à présenter les principales dispositions du paquet énergie-climat, ainsi que les discussions et réticences qu’il suscite tout en préconisant la préservation de l’ambition dont il est porteur.

Ces discussions communautaires étant indissociables du contexte international, le rapport s’efforce également de faire le point sur les positions des divers intervenants à quelques jours de la conférence de Poznan, préparatoire à la conférence de Copenhague prévue dans un an. Les deux rapporteurs poursuivront d’ailleurs leur mission dans le courant de l’année 2009, pour informer l’Assemblée nationale sur cette question dont la France a fait la priorité principale de sa présidence de l’Union européenne.

PREMIERE PARTIE :
PRESERVER L’AMBITION DU PAQUET ENERGIE-CLIMAT

Le paquet énergie-climat proposé par la Commission européenne le 23 janvier 2008 vise à mettre en œuvre la règle des « trois fois vingt » arrêtée par le Conseil européen de mars 2007. Afin de parvenir à l’échéance 2020 à une économie faible en carbone, il s’agit de :

– réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES), voire de 30 % si tous les pays industrialisés s’engagent à en faire de même dans le cadre d’un accord international ;

– accroître de 20 % l’efficacité énergétique ;

– porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie (avec, en particulier, un objectif de 10 % de sources renouvelables dans les transports).

Le paquet énergie-climat satisfait ainsi à l’orientation du futur traité de Lisbonne (article 194) visant à intégrer les politiques énergétiques et environnementales. Selon la Commission européenne, ce paquet répond également à un objectif d’efficacité, à une volonté d’équité et au souci d’éviter les délocalisations industrielles des secteurs fortement consommateurs d’énergie.

L’un de ses principaux atouts est de fournir une visibilité à moyen terme aux acteurs socio-économiques, qui ont besoin de cette sécurité pour finaliser leurs investissements.

Ce paquet énergie-climat a enfin pour objet de renforcer le rôle leader de l’Union européenne dans les négociations internationales sur le changement climatique. Cette ambition suscite désormais quelques réticences dans certains pays de l’Union et dans quelques secteurs industriels, qui font valoir la nécessité de préserver la compétitivité de l’Europe dans un contexte rendu plus difficile par la crise financière et ses conséquences sur l’économie mondiale.

Il apparaît aux rapporteurs que des critiques constructives peuvent être émises à l’encontre des propositions de la Commission européenne, en particulier quant à l’insuffisance du volet relatif à l’efficacité énergétique, et que les arguments concernant les atteintes à la compétitivité ne peuvent être ignorés même s’il convient d’éviter d’en majorer les risques.

Dans ces conditions, le Conseil européen de décembre devra s’efforcer de préserver la cohérence et l’ambition du paquet.

I. UN ENSEMBLE COHERENT ET AMBITIEUX

Formellement, le paquet regroupe cinq textes. L’un d’entre eux, établissant de nouvelles lignes directrices pour l’appréciation des aides d’Etat à l’environnement, ressort de la seule compétence de la Commission européenne et s’applique depuis sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 1er avril 2008. Ce texte n’a donc pas été transmis au Parlement dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88-4 de la Constitution.

Les quatre autres propositions ont bien un caractère législatif et font l’objet d’une procédure de codécision avec le Parlement européen. Il convient de signaler que trois de ces textes sont négociés dans le cadre du Conseil « Environnement », mais que la proposition relative à la promotion des énergies renouvelables est traitée au sein du Conseil « Energie ».

Ces divers documents s’efforcent d’apporter une réponse d’ensemble au problème climatique, grâce à :

– une proposition de directive visant à améliorer et à étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission (l’ETS) ;

– une proposition de décision imposant des réductions d’émission de GES aux secteurs économiques qui ne sont pas couverts par l’ETS ;

– une proposition de directive relative à la promotion des énergies renouvelables (ENR) ;

– une proposition de directive précisant le cadre juridique dans lequel le captage et le stockage du carbone (CSC) pourraient être développés.

A. La réforme du système communautaire d’échange des quotas d’émission

En vigueur depuis 2005, l’ETS peut d’ores et déjà faire valoir un bilan positif, mais la Commission européenne souhaite lui faire subir quelques adaptations majeures afin de le mettre en adéquation avec les objectifs renforcés de réduction des émissions de GES.

1) Le bilan positif de la première phase de l’ETS

De façon paradoxale, la Commission européenne qui, dans les années 1990, voulait introduire une taxe carbone au sein de l’Union et s’opposait à la création de marchés des quotas d’émission, a finalement inversé sa position après la signature du protocole de Kyoto.

Par l’adoption de la directive 2003/87/CE, l’Union européenne (à 15) s’est donc dotée d’un système d’échange de quotas d’émission de CO2 pour la période 2005-2012, comportant une phase pilote (2005-2007) destinée à la mise en place et à l’ajustement de ce nouvel instrument, suivie d’une seconde phase, dite « phase de Kyoto » (2008-2012), ayant pour but de contribuer à atteindre les objectifs fixés aux pays européens dans le cadre de cet accord international.

Fin 2008, l’ETS n’en est encore qu’à ses débuts, mais les premiers résultats sont encourageants. Il représentait, en 2006, plus de 80 % de la valeur monétaire des échanges de carbone sur le marché mondial et plus de 60 % de leur volume total. Lors de son audition, M. Denny Ellerman, professeur américain au MIT, a observé que la tonne de carbone est le seul prix unifié de l’Union européenne et qu’il existe désormais un marché unique du carbone, ce qui n’est pas encore le cas dans le secteur énergétique.

Cette réussite n’était pas jouée d’avance et les sceptiques se sont emparés des tâtonnements constatés durant la phase pilote, oubliant un peu vite que les deux premières années devaient être expérimentales et autoriser des ajustements. Toutefois, les premiers bilans intermédiaires dressés sur le fonctionnement du marché européen des quotas(3) mettent en avant les avantages de ce mécanisme.

a) Le carbone a désormais un prix effectif

Lors de la première phase, plus de 10 000 installations des 27 Etats membres ont été plafonnés à 2,1 milliards de tonnes par an. Les transactions des quotas réalisées à un prix moyen de 22 euros la tonne sur l’année 2005 sont brusquement tombées à un prix quasiment égal à zéro (0,02 euro à la fin 2007) après que la Commission européenne eut rendu public, en avril 2006, un surplus de quotas de 4 %. La supposée pénurie des actifs négociés n’étant plus d’actualité, le marché a alors enregistré une très grande volatilité des prix. Les transactions effectuées sur les quotas de la phase I se sont aussi raréfiées et l’activité du marché s’est redéployée sur les quotas de la phase II (il était interdit de réserver les quotas de la première phase pour la seconde).

Les prix des quotas pour 2008-2012 ont, en revanche, atteint une certaine stabilité aux environs de 25 euros la tonne, du fait des ajustements décidés par la Commission européenne sur les plans nationaux d’allocation des quotas (PNAQ) et par anticipation de la décision de réduire les niveaux d’émission de 20 % d’ici 2020 (désormais, les installations sont autorisées à mettre en réserve leurs quotas entre la deuxième et la troisième phase).

L’un des résultats les plus marquants des débuts de l’ETS en Europe est donc que les principaux acteurs industriels et financiers acceptent que le carbone n’est plus gratuit et que les émissions de carbone continuent à avoir un coût.

b) L’ETS devrait permettre à l’Europe d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto

Malgré les surallocations qui ont été manifestes dans certains Etats membres (dont la France) et dans certains secteurs, les quotas de CO2 ont eu un prix suffisant pendant la période 2005-2006 pour inciter les émetteurs à réduire leurs émissions.

Selon le rapport 2008 de la Commission européenne sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs assignés au titre du protocole de Kyoto(4), les projections laissent à penser que les émissions totales de l’Union à 15 devraient être réduites de 8 % par rapport à l’année de référence (1990 dans la plupart des cas) d’ici 2010, soit deux années avant l’échéance fixée par Kyoto pour atteindre ce résultat. En 2012, la réduction globale pourrait atteindre 11,3 %.

Cette performance serait acquise grâce au marché des quotas, mais aussi grâce à l’achat de crédits rattachés aux mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto (MDP et MOC(5)) et grâce aux activités de boisement et reboisement qui créent des « puits de carbone ».

c) Le prix du carbone a eu un impact limité sur la compétitivité industrielle

Aussi bien le rapport précité de la Mission climat de la Caisse des Dépôts qu’un document récent de l’Agence internationale de l’énergie(6) n’observent aucune perte de parts de marchés ni délocalisation à cause du prix du carbone (autrement dit aucune « fuite de carbone ») dans les secteurs du ciment, du raffinage, de l’acier et de l’aluminium pour lesquels il est difficile, voire impossible, de répercuter les prix du carbone sur les consommateurs compte tenu de la concurrence internationale.

Les deux études appellent toutefois à la prudence en ce qui concerne la compétitivité à long terme de ces secteurs, en particulier lorsqu’ils seront soumis à des contraintes carbone plus fortes à l’avenir (réduction des quotas gratuits et prix plus élevés du carbone).

Au final, le choix européen d’un système d’échange de quotas a créé une réalité incontournable dont il sera difficile de ne pas tenir compte dans les négociations internationales sur le climat.

2) Une adaptation nécessaire pour atteindre l’objectif 2020

Le nouvel objectif fixé par l’Europe vise à atteindre une réduction de 20 % des émissions par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020. L’ambition est donc largement supérieure à celle de la phase de Kyoto (- 8 %), ce qui implique de mettre le système communautaire d’échange de quotas d’émission en adéquation avec le nouvel objectif. La Commission européenne a donc proposé plusieurs adaptations du dispositif existant visant à étendre son champ d’application, à fixer des plafonds sectoriels et non plus nationaux et à mettre aux enchères les quotas d’émission.

a) Un champ d’application étendu

L’ETS concernera désormais plus d’installations et ne sera plus limité au CO2.

Un plus grand nombre d’activités encadrées

Le système communautaire couvrait, en 2007, plus de 11 000 installations représentant un peu plus de 40 % de la totalité des rejets de gaz à effet de serre en Europe. L’effort de réduction a été porté, pour l’essentiel, par le secteur de l’énergie (centrales électriques à charbon, gaz ou fuel, centrales thermiques).

Les autres secteurs industriels visés par l’ETS (raffinerie, minerai métallique, fer et acier, ciment, verre, céramique, papier et carton) ont bénéficié de la part des Etats membres d’allocations plus généreuses de quotas compte tenu de leur plus grande exposition à la concurrence et d’un potentiel de réduction des émissions à un coût moindre perçu comme plus difficile.

Le paquet énergie-climat propose d’étendre l’ETS à de nouveaux secteurs, dont la chimie et l’aluminium. Seules les petites installations émettant moins de 10 000 tonnes de CO2 seraient exemptées, afin de restreindre la charge bureaucratique.

Il importe de rappeler qu’un texte formellement distinct du paquet énergie-climat – une directive adoptée définitivement par le Conseil le 24 octobre dernier(7) – vise également à intégrer le transport aérien dans l’ETS à compter de 2012. Ce secteur n’émet que 2 % des émissions mondiales de CO2, mais ce taux pourrait atteindre 4 % d’ici 2020, ce qui signifie que plus d’un quart des avantages environnementaux liés aux efforts accomplis par la Communauté dans le cadre de la mise en œuvre du protocole de Kyoto auraient pu se trouver neutralisés. Les responsables d’Airbus auditionnés par les rapporteurs ont de nouveau regretté que le mécanisme n’ait pas été défini par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et ont estimé qu’il pourrait coûter 3 milliards d’euros aux compagnies européennes (soit 5 % de leurs coûts globaux), ce qui justifierait, selon eux, une affectation de ces recettes en faveur d’activités liées au transport aérien comme, par exemple, SESAR, le programme de recherche sur la gestion du trafic dans le ciel unique européen. La directive impose au secteur aérien de réduire de 3 % ses émissions en 2012 par rapport à la moyenne constatée sur la période 2004-2006. A partir de 2013, la réduction devra être de 5 %. Le plus intéressant dans ce dispositif est le fait qu’il concerne tous les vols à destination ou au départ d’un aéroport communautaire. Cette intégration d’office des compagnies non communautaires dans l’ETS constitue, en quelque sorte, une première ébauche de « l’ajustement aux frontières » envisagé pour préserver la compétitivité de l’industrie européenne, face à des concurrents ne supportant pas les mêmes contraintes environnementales.

La Commission européenne n’a pas souhaité, en revanche, admettre les crédits forestiers dans l’ETS. Dans une communication publiée le 15 octobre 2008, elle estime que ce serait irréaliste, car les émissions dues à la déforestation sont trois fois plus élevées que le volume des émissions régulées par l’ETS. Dans ces conditions, elle juge qu’autoriser des entreprises à acheter des crédits dits « de déforestation évitée » générés par des projets forestiers mis en œuvre au titre du mécanisme de développement propre (MDP), aurait pour effet de créer des déséquilibres dans le système. Il faut préciser que cette position n’est pas partagée par la commission de l’Environnement du Parlement européen, qui demande l’inclusion des crédits forestiers dans l’ETS. D’une façon générale, la position de la Commission européenne traduit ses réticences à l’encontre des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto (MDP et MOC). Elle redoute qu’un usage excessif de ces instruments ne conduise à une rechute du prix du carbone.

Grâce à l’extension des activités couvertes, ce seront désormais plus de 50 % des émissions qui seront encadrés par l’ETS.

La prise en compte de six gaz à effet de serre

Aujourd’hui restreint au CO2, l’ETS sera étendu aux six GES couverts par le protocole de Kyoto (CO2, méthane, oxyde nitreux, hydrofluoro-carbones, hydrocarbures perfluorés et hexafluorure de soufre).

Nom

Durée de vie dans l’atmosphère (années)

Principales sources anthropiques

Dioxyde de carbone (CO2)

5 – 200

- combustion de produits fossiles

- activités industrielles (fabrication de ciment)

Méthane (CH4)

12

- élevage des ruminants

- exploitations pétrolières et gazières

Protoxyde d’azote (N2O)

114

- engrais azotés

- diverses industries chimiques

Hydrocarbures fluorés (HFC)

1 – 270

- anciens gaz propulseurs des bombes aérosols

- anciens gaz réfrigérants (climatiseurs)

- présence dans certains composés plastiques

Hydrocarbures perfluorés (PFC)

2 600 – 50 000

- fabrication de l’aluminium

Hexafluorure de soufre (SF6)

3 200

- gaz détecteur de fuite, utilisé également pour l’isolation électrique

Source : GIEC.

Cette réforme est certainement souhaitable, mais elle conduit à s’interroger sur les mécanismes de vérification des émissions.

Le Bureau Veritas Certification France, qui appartient à la quinzaine de vérificateurs homologués par les autorités françaises pour les émissions soumises à l’ETS et qui contrôle ainsi environ 150  des 1 100 installations concernées dans notre pays, a précisé que, pour le CO2, les contrôles réalisés ne s’appuyaient que très peu sur des mesures à la sortie des cheminées et relevaient essentiellement d’une analyse des flux et des stocks à partir de documents écrits, selon une méthodologie définie par la norme ISO 14064. Cette approche est présentée comme étant fiable, mais il a été signalé aux rapporteurs plusieurs sujets d’interrogation :

– les méthodologies applicables aux différents secteurs peuvent varier d’un pays à l’autre. Ainsi, la méthode en vigueur pour les cimentiers en France n’est pas valable en Italie, ce qui pose un problème d’harmonisation ;

– l’organisation des contrôles selon les Etats est également hétérogène : la procédure prend trois journées en moyenne pour une installation en Italie, contre une seule journée en France (trois jours maximum pour une grande installation). Encore faut-il ajouter que, dans notre pays, la surveillance est validée par une autorité publique (les directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement – DRIRE), ce qui n’est pas le cas en Italie ;

– le durcissement de l’attribution des quotas et leur mise aux enchères, pendant la période 2013-2020, vont probablement conduire les entreprises à exercer des pressions sur les vérificateurs, ce qui accroît l’exigence de supervision et d’harmonisation.

Les mêmes difficultés seront rencontrées pour les autres GES pris en compte et pour lesquels des méthodologies ont déjà été validées. La Commission européenne a d’ailleurs déjà annoncé qu’un règlement adopté selon la procédure de comitologie viendra établir des exigences communes en matière de vérification et remplacer la directive actuelle, qui autorise trop de divergences entre les Etats.

b) Une attribution des quotas par secteurs d’activité

Des plafonds communautaires sectoriels remplaceront les plafonds nationaux d’allocation, en vue d’éviter les distorsions de concurrence et de limiter les conflits sur le partage du fardeau que la mise en place des PNAQ (plans nationaux d’allocation des quotas) a permis de constater.

On peut cependant observer que la répartition des quotas à compter de 2013 s’appuiera en grande partie sur les attributions effectuées dans le cadre de la répartition nationale entre 2008 et 2012. En effet, la quantité de quotas à délivrer en 2013 aux installations d’ores et déjà intégrées dans l’ETS sera adaptée pour tenir compte de la quantité annuelle moyenne délivrée antérieurement.

D’une façon générale, la sectorisation des quotas est une évolution favorablement perçue par les divers intervenants.

La restriction progressive des plafonds sectoriels entre 2013 et 2020 permettra d’atteindre, à cette échéance, une réduction de 21 % des émissions des secteurs couverts par l’ETS par rapport à 2005 (le taux de 20 % en 2020 s’appliquant à l’ensemble des émissions, qu’elles soient ou non concernées par l’ETS).

c) Une mise aux enchères progressive de l’intégralité des quotas

Dans le secteur de l’électricité, responsable de la plus grande partie des émissions de GES et peu exposé à la concurrence internationale, la mise aux enchères des quotas sera intégrale dès 2013. Les autres secteurs partiront d’un taux de 20 % en 2013, qui montera graduellement jusqu’à 100 % en 2020.

Toutefois, les industries à haute intensité énergétique, particulièrement vulnérables à la concurrence des producteurs établis dans des pays tiers non soumis à des contraintes comparables, pourraient continuer à bénéficier d’une allocation de quotas, partiellement ou totalement gratuite, jusqu’en 2020. Parmi les secteurs concernés devraient figurer la sidérurgie, la pétrochimie, les producteurs d’ammoniac, d’aluminium ou d’acide nitrique.

La Commission européenne se réserve, en outre, la possibilité de réexaminer la situation de ces industries tous les trois ans dans le cadre de la comitologie. Ainsi, en l’absence d’un accord international d’ici 2009 (au sommet de Copenhague), la Commission envisage trois options : soit l’allocation gratuite de l’ensemble des quotas, soit la conclusion d’accords sectoriels internationaux pour la réduction des émissions, soit l’inclusion dans l’ETS des importations de même nature (cette dernière possibilité équivalant à une « taxe carbone » à l’importation).

B. Des obligations de limitation des émissions imposées aux secteurs non couverts par l’ETS

La proposition de décision sur le partage des efforts en matière climatique vise les secteurs non couverts par le système ETS, comme les transports (hors aviation), les bâtiments, les services, l’agriculture, ou encore les déchets. Ils représentent environ 35 % des émissions de GES en Europe. La contribution de ces secteurs est donc indispensable pour limiter les risques d’un réchauffement excessif de la planète.

Emissions de GES par secteur dans l’UE-15

Source : Commission européenne.

La Commission propose qu’ils prennent une part accrue à l’effort collectif en oeuvrant à une réduction globale de leurs émissions de 10 % par rapport au niveau de 2005 (contre - 21 % pour les secteurs soumis au système ETS).

Cet objectif global est décliné en plafonds différenciés pour chaque Etat membre, déterminés en application du principe de solidarité, afin que les pays enregistrant un PIB relativement faible et ayant donc besoin de croissance, puissent augmenter leurs émissions dans les prochaines années, alors que les pays dont le PIB par habitant est déjà élevé devront impérativement réduire leurs émissions.

Comme l’illustre le tableau suivant, les efforts à fournir sont compris dans une fourchette allant de - 20 % à + 20 %. Le Luxembourg, l’Irlande et le Danemark se voient attribuer le taux de réduction maximal, tandis que la Bulgarie et la Roumanie bénéficient des plus grandes latitudes. Pour la France, une réduction de 14 % des émissions est prévue.

Reduction dans les secteurs non couverts par l’ETS
par rapport à 2005

AT

- 16 %

LV

17 %

BE

- 15 %

LT

15 %

BG

20 %

LU

- 20 %

CY

- 5 %

MT

5 %

CZ

9 %

NL

- 16 %

DK

- 20 %

PL

14 %

EE

11 %

PT

1 %

FI

- 16 %

RO

19 %

FR

- 14 %

SK

13 %

DE

- 14 %

SI

4 %

EL

- 4 %

ES

- 10 %

HU

10 %

SE

- 17 %

IE

- 20 %

UK

- 16 %

IT

- 13 %

   

Les efforts les plus lourds pèseront sur les transports et le bâtiment, pour lesquels la France a déjà prévu de nombreuses mesures nationales dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Quant au secteur des déchets, la marge de manœuvre est beaucoup plus restreinte puisqu’il ne représente que 3 % des émissions de GES (4 % en France) et il a déjà réduit ses émissions de plus de 35 % depuis 1990, selon les représentants de Veolia entendus par les rapporteurs.

C. L’obligation de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique

1) Une contrainte très rigoureuse

La part des renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’Union européenne doit passer à 20 % en 2020, contre 8,5 % en 2005.

Pour parvenir à ce résultat, la Commission vise trois secteurs spécifiques (l’électricité, le chauffage/refroidissement et les transports), mais les Etats gardent la faculté de décider l’importance relative des contributions de chacun de ces secteurs pour atteindre l’objectif national. Cette répartition devra être fixée dans des plans nationaux, à notifier à la Commission avant le 31 mars 2010.

L’objectif propre à chaque Etat est, en revanche, déterminé de manière contraignante par la Commission, selon une méthode visant à tenir compte des efforts déjà consentis par certains pays. En 2020, la part des renouvelables dans le bouquet énergétique devrait ainsi être de 23 % en France (contre 10,3 % en 2005)(8), de 15 % au Royaume-Uni (contre 1,3 %), de 18 % en Allemagne (contre 5,8 %) ou encore de 49 % en Suède (contre 39,8 %).

Une trajectoire intermédiaire est également établie, fixant des seuils graduels pour chaque période de deux années : en 2012, chaque Etat devra avoir réalisé le quart de l’effort supplémentaire qui lui est assigné d’ici 2020, puis 35 % en 2014, 45 % en 2016 et 65 % en 2018. Cette trajectoire permet donc de reporter une part importante de l’effort sur la fin de la période et donc de profiter pleinement des sauts technologiques escomptés.

Objectif renouvelable proposé pour chaque état membre
pour 2020

Etat membre

Part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie finale en 2005

(en %)

Objectif pour la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie finale en 2020

(en %)

Belgique

2,2

13

Bulgarie

9,4

16

République tchèque

6,1

13

Danemark

17

30

Allemagne

5,8

18

Estonie

18

25

Irlande

3,1

16

Grèce

6,9

18

Espagne

8,7

20

France

10,3

23

Italie

5,2

17

Chypre

2,9

13

Lettonie

34,9

42

Lituanie

15

23

Luxembourg

0,9

11

Hongrie

4,3

13

Malte

0

10

Pays-Bas

2,4

14

Autriche

23,3

34

Pologne

7,2

15

Portugal

20,5

31

Roumanie

17,8

24

Slovénie

16

25

Slovaquie

6,7

14

Finlande

28,5

38

Suède

39,8

49

Royaume-Uni

1,3

15

Source : Commission européenne.

Ces objectifs ne seront pas aisément atteignables. Dans un rapport publié le 24 octobre dernier, la Chambre des Lords du Royaume-Uni juge qu’il sera « extrêmement difficile » de produire 20 % de l’énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2020(9).

La France a accepté l’objectif de 23 %, tout en soulignant également son caractère très ambitieux (les conclusions du Grenelle de l’environnement prévoient un objectif de 20 %). Les efforts à réaliser seront d’autant plus difficiles que la part de l’hydraulique est prépondérante dans notre pays (88 % de la production électrique provenant des énergies renouvelables). Or, comme l’ont indiqué les représentants d’EDF aux rapporteurs, les restrictions apportées ces dernières années par la réglementation relative à l’eau risquent de limiter la production hydraulique, qui a déjà atteint un niveau très élevé de ses potentialités. Citant le cas du barrage de Poutès Monistrol sur l’Allier, dont certaines associations écologistes demandent le non-renouvellement de la concession pour faciliter les migrations de saumons, ils ont indiqué que les pouvoirs publics auront des arbitrages à effectuer entre les objectifs liés au paysage ou à la biodiversité et ceux touchant à la part des énergies renouvelables. D’une façon générale, ils ont jugé qu’il serait difficile d’atteindre à la fois l’objectif de - 20 % sur l’efficacité énergétique et l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables, estimant excessives les contraintes ainsi créées.

Les autorités françaises ont également regretté l’absence de prise en compte de l’énergie nucléaire, estimant que l’essentiel reste un avenir plus axé sur les faibles émissions de carbone que sur les énergies renouvelables (grâce à l’importance de son parc électronucléaire, la France a produit en moyenne 25 % de dioxyde de carbone de moins que les autres Etats membres).

La proposition de directive réaffirme également l’objectif minimum de 10 % de « sources renouvelables » dans les transports à l’échéance 2020. Ce taux contraignant est à comparer avec l’objectif non contraignant de 5,75 % de biocarburants d’ici 2010 fixé dans la législation en vigueur et qui, de manière générale, ne sera pas respecté. Ce seuil de 10 % est subordonné à la « durabilité » des biocarburants. Pour être comptabilisés, la Commission européenne propose qu’ils permettent d’économiser au moins 35 % de CO2 par rapport aux carburants classiques. De plus, ils ne peuvent être issus de matières premières cultivées sur des terres jusqu’alors utilisées pour stocker le carbone ou préserver la biodiversité (forêts naturelles, zones humides, prairies permanentes …). Pour les importations, la Commission propose de donner son aval à des accords avec des pays tiers garantissant que leurs biocarburants respectent des critères environnementaux similaires.

2) Des mesures d’allègement de la contrainte

Diverses dispositions ont pour but d’amoindrir la rigueur des objectifs avec, par exemple, la prise en compte des capacités de renouvelables en cours de construction en 2020 ou encore la possibilité de reconnaissance de situation de force majeure.

De même, une certaine flexibilité est introduite grâce à un système d’échange de « certificats de garantie d’origine », permettant aux Etats d’atteindre leurs objectifs en soutenant le développement des énergies renouvelables dans d’autres pays membres où la production de ce type d’énergies est moins onéreuse. Il est à noter que la notion de « pays membres » pourrait être assouplie en l’étendant aux pays de l’Espace économique européen (Islande, Norvège, Suisse, Liechtenstein), ainsi qu’aux pays de la Communauté européenne de l’énergie (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine et Serbie), qui sont tenus de mettre en œuvre la législation européenne dans le domaine énergétique.

Le mécanisme de la garantie d’origine est souvent jugé complexe. Certains Etats (Allemagne, Finlande, Pologne) souhaitent le limiter au commerce entre Etats et ne pas l’étendre au commerce entre opérateurs. Tous les Etats membres qui utilisent un système tarifaire pour soutenir les énergies renouvelables ont insisté sur le nécessaire contrôle des échanges de garanties d’origine pour ne pas remettre en cause leurs systèmes nationaux. Des doutes sérieux se manifestent également sur la capacité de ce mécanisme à dégager les excédents nécessaires pour permettre aux pays dont les objectifs dépassent le potentiel de satisfaire à leurs obligations.

D’autres dispositions tendent à restreindre les obstacles administratifs au développement des renouvelables. A titre d’exemple, il est prévu que les gestionnaires de réseau de transport et de distribution devront garantir un accès prioritaire à ces énergies.

Compte tenu des nombreuses questions soulevées par la proposition sur les renouvelables, la présidence française a obtenu, avec un large soutien (à l’exception de l’Allemagne et de l’Espagne), l’intégration d’une « clause de rendez-vous » à caractère général dans la directive. Cette disposition permettrait de porter un regard sur la mise en œuvre du texte, probablement en 2014, sans remettre en cause l’objectif final.

D. L’encadrement juridique du stockage et du captage du carbone

L’utilisation de combustibles fossiles pour la production d’énergie compte actuellement pour environ 40 % des émissions de CO2 de l’Union européenne. Le captage et le stockage du carbone pourraient donc utilement compléter les efforts d’efficacité énergétique pour atténuer l’empreinte écologique de ces installations (les centrales électriques au charbon, en particulier). Le GIEC a d’ailleurs publié, à l’automne 2005, un rapport spécial concluant que cette option mérite d’être considérée dans la stratégie de limitation des GES.

Le CSC correspond à l’enchaînement de trois opérations :

– la capture du CO2 au niveau des émissions sur des installations fortement émettrices. Il s’agit d’une opération compliquée susceptible d’être réalisée de plusieurs façons (précombustion, postcombustion, oxycombustion ou séparation industrielle) ;

– le stockage dans des gisements de pétrole et de gaz épuisés, dans des aquifères salins profonds ou encore dans des veines de charbon profondes inexploitables. Dans ce stockage, le CO2 serait dans l’état « super critique », ni tout à fait liquide, ni tout à fait gaz, qui permet de restreindre son volume et sa mobilité. Il faut préciser qu’il paraît envisageable, à long terme, de procéder à un stockage sous forme minérale du CO2, option fortement défendue par l’Estonie et la Slovaquie.

Le quatrième texte du paquet énergie-climat précise le cadre juridique dans lequel cette technique pourra être développée, sans établir de dimension contraignante quant aux objectifs de réduction de CO2 susceptibles d’être atteints grâce à cette méthode.

L’exploration des sites potentiels et le stockage devront faire l’objet d’un permis. Toutes les demandes de permis seront soumises à la Commission européenne qui rendra un avis dont l’autorité nationale compétente devra tenir compte (mais cette autorité nationale aura bien le dernier mot, contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier temps).

La directive fixe aussi des exigences en matière de surveillance et de suivi des sites de stockage.

Le paquet énergie-climat impose donc des contraintes très élevées pour mettre l’Europe en adéquation avec les mesures indispensables pour éviter un réchauffement excessif de la planète (au-delà de 2°C ou 2,5°C). Le tableau suivant permet de faire le point sur les diverses obligations de réduction imposées.

Objectifs de réduction des Etats membres de l’UE-27 pour 2020

Etat membre

Objectif de réduction 2020 des secteurs ETS (par rapport à 2005)
(en %)

Objectif de réduction 2020 des secteurs non ETS (par rapport à 2005)

(en %)

Objectif de réduction 2020 des émissions de GES (par rapport à 1990)

(en %)

Objectif de réduction fixé par le protocole de Kyoto (par rapport à 1990)

(en %)

Autriche

- 21

- 16

- 2,8

- 13

Belgique

- 21

- 15

- 19

- 7,5

Bulgarie

- 21

20

- 51,5

- 8

Chypre

- 21

- 5

43,2

- 59

Rép. tchèque

- 21

9

- 31,8

- 8

Danemark

- 21

- 20

- 27

- 21

Estonie

- 21

11

- 56,5

- 8

Finlande

- 21

- 16

- 20,5

0

France

- 21

- 14

- 17

0

Allemagne

- 21

- 14

- 32,8

- 21

Grèce

- 21

- 4

8,8

25

Hongrie

- 21

10

- 34

- 6

Irlande

- 21

- 20

- 0,2

13

Italie

- 21

- 13

- 6

- 6,5

Lettonie

- 21

17

- 54

- 8

Lituanie

- 21

15

- 51

- 8

Luxembourg

- 21

- 20

- 20

- 28

Malte

- 21

5

- 205

- 59

Pays-Bas

- 21

- 16

- 18

- 6

Pologne

- 21

14

- 34,6

- 6

Portugal

- 21

1

28,6

27

Roumanie

- 21

19

- 45

- 8

Slovaquie

- 21

13

- 36

- 8

Slovénie

- 21

4

- 6

- 8

Espagne

- 21

- 10

30,5

15

Suède

- 21

- 17

- 24

4

Royaume-Uni

- 21

- 16

- 30

- 12,5

Source : Commission européenne.

II. RÉTICENCES ET REMISE EN CAUSE

Lors de sa présentation, en janvier 2008, dans une période où la flambée des prix de l’énergie associait clairement les préoccupations de sécurité énergétique à la volonté de lutter contre le réchauffement climatique, le paquet énergie-climat a fait l’objet d’un soutien quasi-unanime de la part des Etats membres. En réalité, personne n’était vraiment dupe de cette unanimité de façade tant la règle des « trois fois vingt » s’avère exigeante pour certains secteurs industriels et pour de nombreux Etats.

Dès le début des négociations, plusieurs dispositions du paquet ont, comme c’est normal, donné lieu à des discussions généralement constructives. Les débats ont notamment porté sur l’insuffisance du volet efficacité énergétique, la place réservée aux mécanismes de flexibilité prévus par le protocole de Kyoto, la durabilité des biocarburants ou encore le financement du captage et du stockage du carbone.

Depuis l’été 2008, à l’approche des réunions du Conseil « Energie » et du Conseil européen, décisives pour l’adoption de ces textes, plusieurs Etats (en particulier l’Allemagne, l’Italie et la Pologne) ont plus ouvertement relayé les préoccupations de leurs secteurs industriels, invoquant pêle-mêle des problèmes de fond touchant à la compétitivité, à la cohésion sociale et à l’indépendance énergétique. La survenance de la crise financière, à l’automne, a bien entendu amplifié ces critiques, appelant l’Europe à ne pas s’affaiblir davantage par rapport à ses concurrents dans un contexte économique marqué par la montée des incertitudes.

Les tensions provoquées par le paquet énergie-climat ont été assez bien illustrées par le relatif échec de la procédure de coopération renforcée décidée par le Parlement européen. Cette procédure, dont la mise en œuvre est assez exceptionnelle, impose une forte collaboration des commissions compétentes au fond, à savoir – dans le cas présent – les commissions Environnement, d’une part, et Industrie, Recherche et Energie, d’autre part. Or il est patent que les deux présidents n’ont pu obtenir d’accord général et, si les rapporteurs au fond et pour avis se sont rencontrés, ils n’ont pu s’entendre sur la répartition du travail. Sur la directive ETS, le rapport de la députée PPE Avril Doyle a été adopté par la commission Environnement sans le soutien de la plupart des membres de son groupe. La même commission, lors de l’examen de la proposition de règlement sur les émissions de CO2 des automobiles, a rejeté des amendements de compromis entre les deux principaux groupes (PPE et PSE).

Sans nier les efforts importants exigés par les propositions communautaires, il convient néanmoins de relativiser fortement les craintes exprimées et pour lesquelles la crise financière est plus un prétexte qu’un argument. Dans ces conditions, il serait inopportun que l’Union européenne renonce à ses ambitions en termes d’objectifs et de calendrier, afin d’assumer pleinement ses responsabilités et de conserver son rôle leader dans les négociations climatiques, internationales où sa puissance d’entraînement apparaît indispensable pour parvenir à un accord mondial cohérent avec le niveau des enjeux.

A. Des débats constructifs

1) L’insuffisance du volet efficacité énergétique

Lors des auditions organisées par les rapporteurs, la critique le plus souvent formulée portait sur la place secondaire donnée à l’objectif d’efficacité énergétique dans le paquet énergie-climat. Des trois objectifs, il est le seul, en effet, qui ne fasse pas l’objet de mesures contraignantes, à la différence de ce qui est prévu pour la réduction des émissions de GES et l’accroissement de la part des énergies renouvelables.

Les économies d’énergie sont pourtant reconnues par tous comme le moyen le plus pertinent pour ne pas émettre des GES. Ce moyen a d’ores et déjà donné des résultats importants et il représente encore un potentiel considérable. Il faut être conscient, par ailleurs, que des résultats significatifs ne pourront être obtenus que si les prix de l’énergie demeurent à un niveau assez élevé pour inciter les consommateurs à restreindre leur usage et à consentir des investissements.

a) De fortes potentialités

Dans un Livre vert de juin 2005 sur l’efficacité énergétique, intitulé « Comment consommer mieux avec moins »(10), la Commission européenne estimait que l’Europe pourrait diminuer de 20 % sa consommation d’énergie d’ici 2020, ce qui permettrait d’économiser chaque année 60 milliards d’euros et de réduire annuellement les émissions de CO2 de 780 millions de tonnes. Ces estimations, réalisées dans une période où le prix du baril de pétrole était inférieur à 50 dollars, ont été révisées fin 2006 et le bénéfice pourrait donc être supérieur à 100 milliards d’euros par an.

Etudiant la contribution potentielle des différentes politiques à la stabilisation des émissions de CO2 en 2030, l’Agence internationale de l’énergie(11) a estimé que l’amélioration de la consommation d’électricité conjuguée à l’amélioration dans la consommation des combustibles fossiles pourrait représenter 65 % des gains possibles (le solde étant constitué par une augmentation de la part de l’énergie nucléaire, des énergies renouvelables et par des substitutions de combustible pour la production d’électricité).

Par ailleurs, la démarche efficacité énergétique est jugée très efficace pour accroître la sécurité énergétique et susceptible de générer de nombreux emplois, d’autant que l’Europe est un leader mondial dans le domaine des services d’efficacité énergétique (le Livre vert précité estime qu’un million d’emplois pourraient être créés).

Il serait exagéré d’affirmer que rien n’a encore été fait en ce domaine. Selon deux études publiées conjointement par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et la Commission européenne en 2007(12), l’intensité énergétique finale a
décru en moyenne de 0,9 % dans l’UE-15 (- 1,2 % en France) depuis 1990 et de 4 % dans les nouveaux Etats membres (hors Roumanie et Bulgarie) entre 1990 et 2004.

La baisse des consommations unitaires dans les différents secteurs entre 1990 et 2004 a permis à l’UE-25 de réaliser près de 150 Mtep d’économies d’énergie en 2004 (dont 100 Mtep dans l’UE-15). Ces économies représentent l’équivalent de 13 % de la consommation énergétique finale de l’UE-25 en 2004. Enfin, toujours selon l’ADEME, 47 % des économies réalisées proviennent de l’industrie, 31  % des transports et 22 % du résidentiel. Dans le secteur du bâtiment, en effet, la performance thermique a bien progressé (+ 34 % entre 1973 et 2003, d’après le Centre scientifique et technique du bâtiment, ce qui signifie que la consommation moyenne d’un logement est passée de 372 KW/h/m2 par année à 245 KW/h/m2 entre ces deux dates) mais, parallèlement, la consommation finale d’énergie a progressé en volume de 24 % en raison de l’augmentation de la surface de logement par habitant, de la croissance du parc résidentiel et tertiaire et de la progression de certains usages (appareils électroménagers, climatisation …).

Ces progrès ont été accompagnés par l’adoption de plusieurs directives communautaires, mais – comme l’observe Greenpeace – force est de constater qu’ils présentent nombre de lacunes, parce qu’ils manquent d’ambition ou parce qu’ils n’imposent aucune contrainte aux Etats membres, comme aux entreprises. Ainsi, la directive 2002/91/CE sur la performance énergétique des bâtiments ne concerne que les rénovations thermiques dites d’envergure et ne vise que les surfaces supérieures à 1 000 m2.

En juillet 2008, lors d’une réunion informelle des ministres de l’Energie à Saint-Cloud, on a pu assister à un débat sur l’opportunité d’une directive générale visant à rendre contraignant l’objectif d’efficacité énergétique ou des mesures sectorielles. Les réticences de nombreux Etats membres ont conduit à écarter l’approche générale et, finalement, le 12 novembre dernier, la Commission européenne a présenté un « paquet efficacité énergétique », qui ne constitue que l’assemblage de mesures éparses : une communication globale comprenant un examen des plans nationaux en matière d’efficacité énergétique ; une révision des directives sur la performance énergétique des bâtiments et sur l’étiquetage énergétique(13) ; une proposition sur l’étiquetage des pneus et des lignes directrices sur la production combinée de chaleur et d’électricité. On peut s’interroger sur la portée effective de ce nouveau dispositif pour lequel il conviendra de veiller à une transposition rapide et à une application stricte.

Le potentiel des économies d’énergie est assez considérable et n’implique pas systématiquement des investissements importants. Selon le président de Blue-e, entreprise prestataire de services d’éco-efficacité, on peut réduire de 20 % les consommations du secteur industriel, sans recourir à de nouvelles technologies, simplement en procédant à des contrôles et des mesures renforcés dans des installations, qui – pour la plupart – sont munies de systèmes d’information sur l’énergie hétérogènes et peu compatibles. Comme le notait un éditorial du journal Le Monde en date du 15 octobre 2008(14) « Au fond, il s’agit de renverser les raisonnements en matière de politique énergétique. Celle-ci a jusqu’à présent été inspirée par une logique de production, les grandes compagnies de pétrole, de gaz, de nucléaire et de vent se battant pour obtenir une part sur le marché, ce qui entraîne nécessairement une pression à l’augmentation de la consommation. L’avenir sera au contraire de privilégier les actions sur la demande ».

b) Préserver un signal-prix

Les économies d’énergie peuvent résulter d’actions assez simples : l’Union française de l’électricité fait remarquer que le problème dit « de pointe » (période où la consommation électrique augmente à un niveau impliquant la mise en marche de centrales thermiques émettrices de CO2, en complément du parc nucléaire) pourrait être partiellement traité en incitant les ménages à faire fonctionner les lave-vaisselle et lave-linge pendant la nuit.

Dans d’autres secteurs, d’importants investissements seraient à prévoir. C’est le cas des deux domaines les plus impliqués pour les efforts de réduction des émissions hors ETS : le secteur du transport et surtout celui du bâtiment.

Pour les transports (60 % de la consommation européenne de pétrole) des recherches doivent être effectuées sur la motorisation des automobiles conventionnelles et sur les perspectives des véhicules électriques ou à pile à combustible. De même, le transport aérien peut réaliser des avancées et Airbus annonce vouloir gagner 30 % d’efficacité énergétique d’ici 2020.

S’agissant du bâtiment (45 % de la consommation d’énergie primaire en France, contre 29 % pour l’industrie et l’agriculture et 26 % pour les transports), le chantier s’annonce considérable, plus difficile encore pour le parc existant que pour le neuf, mais des progrès significatifs sont envisageables : actuellement, la consommation moyenne par logement (ajustée aux climats) est 30 % plus élevée en France qu’aux Pays-Bas ou que dans les pays scandinaves et n’a baissé que de 2 % entre 1990 et 2004.

En France, le Grenelle de l’environnement a mis en place un cadre ambitieux.

Pour le neuf, il s’agit d’un programme de rupture, exigeant :

– pour tous les bâtiments publics et privés du tertiaire un niveau inférieur de moitié à la réglementation thermique (RT) 2005 dès 2010 ;

– pour l’ensemble des bâtiments neufs RT 2010 égale à RT 2005 moins 20 % en 2010, RT 2012 égale à RT 2005 moins 50 % et obligation de bâtiments à zéro énergie ou à énergie positive à compter de 2020.

Dans le parc existant, il est demandé :

– la rénovation thermique de tous les bâtiments publics existants d’ici 2015, avec un plan d’action spécifique à 5 ans pour les bâtiments de l’Etat ;

– un plan d’action de rénovation du parc HLM, avec priorité aux 800 000 logements les plus « énergivores » et rénovation basse consommation dans le cadre du programme ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) ;

– un plan d’action très incitatif pour les bâtiments privés, résidentiels et tertiaires, avec mise à l’étude d’une obligation de rénovation thermique.

Globalement, grâce à ces mesures, les consommations d’énergie du bâtiment devraient être réduites de 38 % d’ici 2020.

Il est intéressant de noter que le CSTB récuse la notion de surcoût induit par ces travaux(15). Il considère qu’il s’agit d’un surinvestissement avec à la clé un retour sur investissement. Il ajoute même que ce surinvestissement est le plus souvent surestimé et que, pour le neuf, il serait de l’ordre de 5 %. Cette différence de prix est surtout liée à l’expérience de la maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre. Il y aurait, en effet, un processus d’apprentissage des professionnels qui, dans leurs premiers projets, ajoutent à leurs pratiques habituelles une dimension énergie et environnement génératrice de surcoût, puis apprennent progressivement à repenser l’approche de façon différente, avec un surinvestissement beaucoup plus faible qu’auparavant.

Les professionnels du bâtiment entendus par les rapporteurs
– le CSTB et la CAPEB (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) – insistent donc sur les besoins en formation des professionnels, sur l’utilité de créer un label permettant aux particuliers de s’adresser à des entreprises compétentes et sur la nécessité de mieux contrôler l’application des règlementations, voire de garantir aux propriétaires que les travaux permettront d’atteindre un certain niveau de performance.

Réalisation d’un « bilan carbone » de l’Assemblée nationale

En 2006, à l’occasion de la projection du film de l’ancien Vice-président américain Al Gore, l’Assemblée nationale avait sollicité l’ADEME pour établir un premier bilan carbone de ses bâtiments. Cette étude avait été effectuée rapidement et de façon approximative, fournissant de simples estimations sans valeur scientifique.

Un nouveau bilan carbone est en cours de réalisation par un prestataire agréé par l’ADEME, tenant compte de tous les bâtiments occupés par l’Assemblée, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre provoquées par les déplacements en voiture.

L’Assemblée nationale suit en cela la démarche du Parlement européen, qui s’est fixé pour objectif, en mai 2007, de réduire ses propres émissions de CO2 de 30 % d’ici 2020.

Les coûts ou les « surinvestissements » liés aux travaux d’efficacité énergétique sont bien évidemment dépendants du niveau des prix de l’énergie, prépondérant pour déterminer les bénéfices pouvant être escomptés d’une démarche visant à réduire la consommation.

Des exemples d’un passé récent illustrent ce lien très clairement. Ainsi, la progression de la consommation énergétique des transports s’est fortement ralentie depuis 1999 dans l’UE-15 (+ 0,9 % par an sur la période 2000-2005, contre + 1,7 % par an entre 1990 et 1999), en raison de la forte hausse du prix du pétrole en 2000 (+ 80 % par rapport à 1999), ainsi que grâce à l’émergence ou au renforcement de mesures nationales comme la hausse de la taxe sur les carburants en Allemagne et au Royaume-Uni. A l’inverse, le CSTB a rappelé aux rapporteurs qu’il avait dû mettre fin à des programmes novateurs à la fin des années 1980, période de baisse des cours de l’énergie.

Il est donc de la responsabilité des responsables politiques de s’interroger sur l’opportunité de maintenir artificiellement
– par la fiscalité, par exemple – les prix de l’énergie à un niveau suffisamment incitatif
pour la réalisation d’opérations d’efficacité énergétique ou simplement même de développement de comportements plus économes en énergie, en particulier dans les domaines non couverts par l’ETS (ce dernier permettant déjà d’assurer un signal-prix-carbone). Le bonus-malus appliqué au prix de vente des automobiles en France a prouvé l’efficacité de tels dispositifs. L’économiste américain Wiliam Nordhaus a résumé l’enjeu(
16) dans une boutade : « Le climat sera sauvé lorsque les travailleurs et retraités américains descendront ensemble dans la rue pour exiger une hausse des taxes sur l’essence, afin de protéger le niveau des retraites sans tuer l’emploi ».

Cette question doit d’autant plus être abordée que nous connaissons à nouveau une période de baisse sensible des cours du pétrole (à moins de 60 dollars le baril début novembre 2008, alors qu’il approchait les 150 dollars mi-juillet). On pourrait donc voir apparaître des réticences à investir dans la réduction de la consommation, alors même que les perspectives à moyen et long terme vont toutes dans le sens d’une augmentation des tarifs de l’énergie du fait de l’épuisement des réserves d’hydrocarbures et de l’accroissement de la demande des pays émergents.

Les rapporteurs observent d’ailleurs que le ministère de l’Ecologie vient de convoquer une conférence d’experts, qui donnera son avis en janvier 2009, sur l’opportunité et la faisabilité d’une « taxe carbone ».

En tout état de cause, un signal-prix devrait s’accompagner de mesures d’aide en faveur des plus défavorisés, mesures que l’on a déjà esquissées avec la « prime à la cuve » (200 euros pour l’hiver 2008-2009 pour les ménages non imposables à l’impôt sur le revenu) ou encore la « prime transport ».

D’une façon plus globale, c’est certainement toute une ingénierie financière qui reste à inventer pour inciter les ménages et les opérateurs économiques à investir dans les économies d’énergie. Le prêt à taux zéro de 30 000 euros prévu pour l’application des mesures relatives aux bâtiments dans le cadre du Grenelle de l’environnement en constitue une première phase.

2) Des discussions d’ordre technique.

Les négociations donnent lieu à de difficiles discussions sur des sujets au premier abord très techniques, mais dont les répercussions sont loin d’être négligeables.

Ces débats portent, en particulier, sur le recours aux mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto, la durabilité des biocarburants et le financement des opérations de démonstration du CSC.

a) La part réservée aux mécanismes de flexibilité

Comme la nuisance environnementale des GES est indépendante de leur lieu d’émission, le protocole de Kyoto autorise les pays industrialisés à s’acquitter de leurs engagements à moindre coût en finançant des opérations de réduction des émissions de carbone dans les pays en développement, grâce au MDP (mécanisme pour un développement propre) ou dans les Etats de l’ex-Union soviétique par l’intermédiaire de la MOC (mise en œuvre conjointe). Pour la période 2008-2012, les industries européennes peuvent ainsi utiliser jusqu’à 1,4 milliard de crédits dans le cadre de l’ETS.

Ces mécanismes dits « de flexibilité » ont rencontré un succès certain. Plus de 3 500 projets MDP (pour l’essentiel en Chine et en Inde) et 130 projets MOC sont actuellement en cours de développement. Selon la dernière communication de la Commission européenne sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs assignés au titre du protocole de Kyoto, 11 Etats membres ont décidé de faire usage de ces mécanismes pour atteindre leurs objectifs. L’Autriche, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne sont les pays ayant affecté les plus gros budgets à ces opérations (pour l’Autriche, par exemple, le budget est de 531 millions d’euros). La Commission européenne estime que les MDP et les MOC représenteraient environ 3 points de pourcentage vers l’objectif de Kyoto de - 8 % fixé pour l’UE-15.

Dans le cadre du paquet énergie-climat, la Commission européenne se montre néanmoins soucieuse de ne pas autoriser un trop fort développement de ces projets. Si aucun accord international post-Kyoto n’est adopté, les industriels européens ne pourraient utiliser sur la période 2013-2020 que le reliquat du plafond de 1,4 milliard de crédits initialement prévu sur 2008-2012. La demande potentielle des industries européennes pour des crédits Kyoto passerait de 280 millions de tonnes par an sur la période 2008-2012 à 170 millions de tonnes au plus par an au cours des huit années suivantes. Par ailleurs, hors ETS, le recours aux mécanismes de flexibilité serait plafonné à 3%.

Ce coup de frein s’explique par la crainte de la Commission européenne qu’un recours excessif à ces instruments ne conduise à nouveau à une chute du prix du carbone. Elle souhaite donc mieux contrôler les réductions de GES en veillant à ce que la plupart d’entre elles soient effectuées sur le territoire européen. On comprend cette motivation lorsque l’on lit, dans le Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008, édité par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qu’«une étude attentive des programmes nationaux d’allocation de quotas dans neuf pays indique qu’entre 88 et 100 % des réductions d’émission au cours de la deuxième phase du système [2008-2012] pourraient être obtenus en dehors de l’Union européenne ».

Ce choix de la Commission européenne est soutenu par les associations écologistes, qui considèrent que les MDP ne sont pas toujours pertinents en termes de réduction des émissions de GES et que leur utilisation massive nuit à l’exemplarité que l’Europe cherche à se donner dans les négociations internationales sur le changement climatique. Le Réseau Action Climat France a notamment affirmé que ces instruments ne privilégient pas assez le développement durable et que leur usage devrait obligatoirement être assorti d’un transfert de technologie.

Mais le choix restrictif de la Commission européenne provoque également de fortes réticences. Dans une étude récente sur le marché du carbone(17), la Banque mondiale estime que, depuis 2002, 8 milliards de dollars de nouvelles ressources ont été générées pour les pays en développement par le biais des mécanismes du protocole de Kyoto. Dès lors, les représentants de cette institution internationale auditionnés par les rapporteurs ont regretté que le paquet énergie-climat ferme la porte à ces mécanismes, qui – selon eux – soutiennent des projets sérieux dans le cadre du marché réglementé par les Nations unies et ont, de plus, un rôle incitatif dans les pays en développement où la valeur du carbone est ainsi clairement perçue. Ils ont ajouté que cette mesure constituait un message négatif à l’encontre des pays en développement, tout en admettant qu’il serait souhaitable de faire évoluer les MDP et les MOC pour mettre en œuvre de nouvelles approches plus stratégiques ne se limitant pas à une accumulation de projets distincts, afin d’avoir une vision sectorielle ou régionale.

Ces réticences sont aussi partagées par de nombreux Etats membres. Début octobre, la présidence française a donc proposé que les opérateurs aient le choix de retenir la valeur la plus élevée entre leur reliquat de la période 2008-2012 ou 11 % de leurs allocations durant la même période, ce qui autoriserait une contribution de 50 % à l’effort de réduction globale. Le débat se poursuit : certains Etats souhaiterait porter le ratio de 11 % à 20 %. Le Royaume-Uni propose d’autres modalités d’allègement de la contrainte et la commission Environnement du Parlement européen préconise que 40 % seulement des efforts de réduction puissent être accomplis via ces mécanismes de flexibilité.

Il conviendrait, pour le moins, d’effectuer une distinction claire entre le marché réglementé des MDP (sous l’égide des Nations unies) et le marché volontaire. Ce dernier, composé d’actions en marge du protocole de Kyoto ou d’autres régimes, concernerait une cinquantaine d’entreprises pour un volume estimé à 400 millions de tonnes de réductions d’émissions par an d’ici 2010. La Banque mondiale juge que ce marché volontaire manque d’une norme généralement acceptable et M. Brice Lalonde, ambassadeur en charge des négociations sur le réchauffement climatique, rappelle que les engagements devraient être impérativement « mesurables, notifiables et vérifiables ». Dès lors, il semble indispensable que les crédits de flexibilité pris en compte en Europe, dans le cadre de l’ETS ou hors ETS, soient uniquement ceux du marché réglementaire. Il s’agirait, en outre, d’une règle prudentielle réduisant les risques de spéculation sur les marchés carbone, qui se développent et pour lesquels la place de Paris est aujourd’hui bien placée grâce à la plate forme Blue Next.

La Mission climat de la Caisse des Dépôts observe, par ailleurs, que la réduction des projets Kyoto (MDP et MOC) pourrait être compensée par des ouvertures vers d’autres systèmes, comme les « projets domestiques » concernant toutes les activités hors ETS (transport, bâtiment, agriculture, déchets …). Le paquet énergie-climat autorise effectivement la délivrance de quotas pour des projets gérés par les Etats membres destinés à réduire les émissions de GES en dehors du système ETS. Il est simplement précisé que ces mesures ne doivent pas entraîner un double comptage des réductions d’émission, ni faire obstacle à d’autres mesures. En France, le cadre réglementaire des projets domestiques a été fixé par un arrêté du 2 mars 2007. L’appel à projets lancé, en octobre 2007, par la Caisse des Dépôts prévoit que, pour être éligibles, les projets devront réduire les émissions d’au moins 10 000 tonnes d’équivalent CO2 entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2012. Durant cette période, la Caisse des Dépôts envisage d’acheter jusqu’à 5 millions de tonnes d’équivalent CO2.

b) La durabilité des biocarburants

Après avoir fait naître beaucoup d’espoirs, notamment dans le monde agricole, les biocarburants suscitent désormais de nombreuses interrogations. Le bilan énergétique de certaines filières – l’éthanol en particulier – est mis en cause du fait de la consommation d’énergie fossile tout au long de la chaîne de production. On se demande aussi si cette production n’entre pas en concurrence avec les impératifs de la sécurité alimentaire et si les importations en provenance des pays en développement ne contribuent pas à la déforestation.

Ces divers questionnements se sont imposés lors des négociations communautaires.

Ils ont ainsi quasiment bloqué le processus de discussion de la proposition de directive relative aux spécifications du gazole et de l’essence(18), visant à réduire les émissions de GES issues de la combustion de carburants, grâce à la fixation de nouvelles normes et au développement du biocarburant éthanol. Sur ce dernier point, il est proposé de créer un nouveau grade d’essence pouvant contenir jusqu’à 10 % d’éthanol (E 10), qui viendrait s’ajouter au grade E 5 existant, à basse teneur en éthanol. Plusieurs pays (notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni) ont mis en doute l’intérêt de distribuer deux types d’essence contenant des biocarburants en haute et basse teneur, mais la Commission européenne a expliqué que les plus anciennes voitures du parc automobile européen ne peuvent pas circuler avec de l’essence à haute teneur en biocarburant. Plus fondamentalement, des fortes critiques ont été émises sur le bien-fondé de l’utilisation de l’éthanol d’un point de vue environnemental.

Parallèlement, le débat sur la durabilité des biocarburants est apparu lors de l’examen de la proposition de directive du paquet énergie-climat relative à la promotion de l’énergie renouvelable.

La Commission européenne a d’ailleurs fini par accepter la mise en place d’un groupe ad hoc, commun aux négociateurs des deux propositions de directive, pour trouver un accord sur les critères de durabilité des biocarburants.

Selon le Président de l’Institut français du pétrole (IFP), les biocarburants ne méritent « ni excès d’honneur, ni indignité ». Le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) ajoute que, compte tenu de la durée du renouvellement du parc automobile, l’essence et le gazole resteront encore longtemps prépondérants et que les énergies liquides mélangeables avec ces deux carburants ne peuvent être ignorées.

Dans le domaine des biocarburants, il est convenu désormais de distinguer la première génération – qui valorise les réserves des végétaux (sucre de la canne et des betteraves, graines des céréales et des oléagineux) – à laquelle appartiennent l’éthanol et le biodiesel, de la seconde génération dont l’intérêt réside dans l’utilisation de la plante entière. Ainsi, à surface cultivée équivalente, la disponibilité en biocarburants de seconde génération augmente et le bilan énergétique et environnemental est meilleur. Deux voies se dégagent actuellement en termes de biocarburants de seconde génération : la voie biologique ou fermentaire (pour le bioéthanol) et la voie thermochimique (pour la production de biogazole).

Ces deux techniques de seconde génération sont encore en développement et ne seront pas disponibles de manière industrielle avant plusieurs années. Selon les représentants de Total auditionnés par les rapporteurs, l’éthanol cellulosique serait disponible au plus tôt vers 2015-2020 pour l’extraction provenant de la paille et du bois, mais pas avant 2025 si l’on se réfère à une production directe, n’ayant pas à subir des transformations intermédiaires pour être traitée par les installations existantes pour la première génération.

L’IFP, qui vient de lancer le projet Futurol, visant à produire du bioéthanol de seconde génération, souligne, en outre, la nécessité de structurer la filière bois, qui n’est pas aussi bien organisée aujourd’hui que les secteurs céréaliers ou betteraviers. De même, il faudra veiller à ne pas pénaliser l’approvisionnement de débouchés industriels comme les papetiers.

De tels délais et contraintes obligent à ne pas écarter les biocarburants de première génération pour atteindre les objectifs que l’Europe s’est fixée en matière d’énergie renouvelable dans le secteur des transports.

Dans la directive 2003/30/CE, l’Union européenne s’est imposée l’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants liquides en 2010 (en France, aujourd’hui, ce taux est de 3,5 %). La proposition de directive du paquet énergie-climat concernant la promotion des énergies renouvelables fixe, de plus, un objectif spécifique et contraignant de 10 % de sources renouvelables dans le secteur des transports en 2020.

Les autorités communautaires paraissent avoir pris conscience des difficultés soulevées par ce dernier objectif. Alors que cette obligation semblait faire référence à 10 % de biocarburants à l’échéance 2020(19), le Conseil Energie informel de début juillet 2008 a « découvert » que le texte de la proposition de directive ne mentionne que des « sources renouvelables » et ce glissement sémantique permet d’inclure dans le ratio de 10 % d’autres sources comme, par exemple, l’électricité (on a également évoqué l’hydrogène, mais il est douteux qu’à l’échéance de 2020 ce combustible soit très développé).

La position du Conseil est soutenue par la commission Environnement du Parlement européen, qui préconise le découpage de l’objectif de 10 % en deux sous-objectifs : au moins 4 % pour les véhicules électriques et les biocarburants de seconde génération ; 6 % pour les biocarburants de première génération. Les parlementaires européens voudraient aussi prévoir un objectif intermédiaire, à l’horizon 2015, de 5 % de carburants d’origine renouvelable (80 % de cet objectif devant être atteint en recourant aux biocarburants de première génération, les 20 % restants en utilisant ceux de seconde génération et l’électricité). La commission Energie a, enfin, voté en faveur d’une clause de révision en 2014, à la lumière de la situation des renouvelables dans le secteur des transports, des performances environnementales des biocarburants, ainsi que de la viabilité commerciale de l’électricité et de l’hydrogène d’origine renouvelable.

Cet encadrement quantitatif des biocarburants de première génération est assorti de critères qualitatifs dits de « durabilité » plus stricts que ceux prévus initialement par la Commission européenne. Le Conseil Energie propose de ne comptabiliser, à partir de 2009, que les biocarburants assurant une réduction de CO2 d’au moins 35 % par rapport à l’essence ou au diesel traditionnels, ratio qui passerait à 50 % en 2015. Pour la commission Environnement du Parlement européen, il faudrait aller plus loin encore : 45 % en 2009 et 60 % en 2015. Les négociations ont également permis de préciser la définition des zones qui ne peuvent être affectées à la production de matières premières pour l’élaboration des biocarburants, afin de protéger la biodiversité d’écosystèmes fragiles ou encore la production alimentaire.

Au final, les discussions sur le paquet énergie-climat reflètent la méfiance exprimée depuis quelques années à l’encontre des biocarburants de première génération, tout en constatant l’impossibilité de les exclure si l’Europe souhaite atteindre ses engagements pour 2020.

c) Le financement des projets de captage et de stockage du carbone

Alors que la proposition de directive du paquet énergie-climat vise essentiellement l’encadrement juridique du CSC (sélection des sites, permis d’exploration et de stockage, obligations liées à l’exploitation et à la fermeture …), les débats communautaires se sont surtout focalisés sur le financement de cette technologie.

Le CSC offre de fortes potentialités pour réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Selon l’Agence internationale de l’énergie, il pourrait contribuer à près de 20 % de la réduction requise pour diminuer de moitié les émissions de GES d’ici 2050.

Il présente également quelques inconvénients. Outre son acceptabilité par l’opinion publique, qui n’est pas acquise par avance, sa mise en œuvre provoque encore le rejet de fortes émissions de CO2 : la plate-forme norvégienne Sleipner, pionnière en ce domaine puisqu’elle fonctionne depuis 1996, injecte bien un million de tonnes de CO2 par an dans un aquifère salin, mais les centrales électriques nécessaires à ces opérations rejettent, dans le même temps, 900 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

Le CSC n’est, de plus, qu’une technique au stade expérimental dont le déploiement est prévu, au mieux, pour la période 2015-2020, ce qui signifie qu’elle ne pourrait contribuer que marginalement à la réussite des objectifs 2020 du paquet énergie-climat.

Pour autant, dans des économies où la production électrique demeurera encore longtemps fortement carbonée (rappelons, par exemple, que le charbon alimente 50 % de la production électrique des Etats-Unis, 77 % de celle de la Chine et 90 % de celle de la Pologne), le CSC demeure une voie à explorer. Le Conseil européen de mars 2007 a donc souhaité soutenir la construction de « jusqu’à douze » projets de démonstration pour 2015.

La commission Environnement du Parlement européen soutient cette démarche, tout en demandant que, d’ici 2015, les émissions de toutes les nouvelles grandes centrales au charbon (plus de 300 mégawatts) soient limitées à 500 grammes de CO2 par kilowatt/heure ; l’association Greenpeace aurait souhaité que cette norme soit fixée à 350 grammes et ce avant même 2015. Les parlementaires européens voudraient aussi que les grandes centrales électriques construites après 2015 soient équipées de la technologie du CSC.

Encore faudrait-il que l’efficacité du CSC et sa viabilité économique soient prouvées au cours des prochaines années. Aujourd’hui, seuls quatre projets à grande échelle existent dans le monde et aucun ne capture du CO2 à partir d’une centrale électrique au charbon (ces projets sont liés à l’extraction du gaz et à l’industrie pétrolière), car la technique ferait chuter le rendement de 10 à 12 points et représenterait un surcoût de 20 % à 40 % que peu de compagnies énergétiques sont prêtes à consentir. Lors de son audition, EDF a d’ailleurs clairement indiqué que cette technologie ne lui semblait pas adaptée à son parc de centrales thermiques, pour lequel l’entreprise cherche, en premier lieu, à améliorer le rendement.

On perçoit nettement le besoin de recherche et de développement dans ce secteur et l’intérêt des douze démonstrateurs annoncés par l’Union européenne, qui permettraient de tester la dizaine de configurations envisageables. Mais, pour l’heure, leur construction bute sur la question de leur financement. Le coût de cette opération est estimé, pour le moins, à 6 milliards d’euros. Les entreprises électriques excluent la possibilité d’utiliser leurs fonds propres et demandent un apport financier des gouvernements et de l’Union européenne. La Norvège – qui n’est pas un pays membre – a déjà proposé d’allouer plus de 225 millions d’euros au CSC, principalement pour le centre d’essai de Mongstad et il importe de signaler que l’Association européenne de libre échange (AELE) n’a pas soulevé d’objection à ce projet, ce qui constitue un précédent pour les questions d’aides d’Etat liées à des investissements de ce type.

De nouvelles perspectives sont apparues avec le vote par la commission Environnement du Parlement européen d’une disposition prévoyant d’allouer aux projets pilotes de la CSC une grande partie des quotas mis en réserve pour les nouvelles entreprises au sein de l’ETS. Tout en tenant compte des variations possibles du prix du CO2, ce mécanisme pourrait procurer 10 milliards d’euros entre 2013 et 2020 pour le financement des projets de démonstration … avec pour seul problème le fait que ces recettes ne seront pas disponibles avant 2013 au plus tôt. Dans un rapport d’initiative adopté le 16 octobre 2008, la commission Industrie a appuyé la proposition de la commission Environnement et, pour attendre les ressources liées à l’ETS en 2013, a suggéré d’engager les fonds du mécanisme de financement avec partage des risques (RSFF) mis en place par la Banque européenne d’investissement dans le cadre du 7e PCRD (programme-cadre de recherche et de développement technologique).

La question n’est pas encore tranchée, mais il serait souhaitable qu’une solution puisse être trouvée avant le sommet international de Copenhague de fin 2009, afin de renforcer la crédibilité de l’Europe dans ces négociations.

B. Des tentations de remise en cause

La présentation du paquet énergie-climat, en janvier 2008, a donné lieu à une belle unanimité des Etats membres. On était dans une dimension « émotionnelle », où chacun se félicitait de voir l’Europe se positionner au premier rang d’un combat primordial pour l’avenir de la planète et de l’humanité.

La Commission européenne n’avait pourtant pas dissimulé que ces engagements auraient un coût, qu’elle estime à 0,45 % du PIB de l’Union européenne. Un chiffrage a même été effectué pour chaque Etat membre dans l’analyse d’impact jointe aux propositions législatives(20) :

Incidence économique du paquet énergie-climat
(coût exprimé en pourcentage du PIB 2020)

UE-27

0,45

IT

0,66

AT

0,34

LV

- 0,18

BE

0,70

LT

- 0,72

BG

- 1,25

LU

0,70

CY

0,07

MT

0,00

CZ

- 0,51

NL

0,32

DK

0,11

PL

0,02

EE

- 0,53

PT

0,51

FI

0,22

RO

0,04

FR

0,47

SK

0,26

DE

0,57

SI

0,53

EL

0,59

ES

0,42

HU

- 0,40

   

IE

0,45

   

Source : Commission européenne.

On voit ainsi que le coût est estimé à 0,47 % du PIB pour la France et à 0,57 % pour l’Allemagne.

La Commission ajoutait que la hausse du coût de l’énergie induite par ces dispositions serait, quant à elle, de l’ordre de 10 à 15 % d’ici 2020, toutes choses égales par ailleurs.

Au fil des mois, des craintes se sont de plus en plus clairement manifestées. Il faut reconnaître que les objectifs fixés par les différents textes du paquet énergie-climat traduisent un véritable changement de paradigme et que, prises individuellement – sans une vision cohérente de l’ensemble des mesures, de leurs dérogations ou de leurs compensations – certaines dispositions ont de quoi inquiéter quelques pays membres ou quelques secteurs industriels.

La survenance de la crise financière et économique a constitué un prétexte excellent pour exprimer haut et fort les réserves et récriminations à l’encontre du paquet énergie-climat. Ces critiques, qui allaient jusqu’à la remise en cause de l’opportunité de cette réglementation, sont apparues au premier plan lors du Conseil européen de Bruxelles des 15 et 16 octobre 2008. La présidence française avait l’ambition d’envoyer un signal fort en intégrant dans les conclusions de ce Conseil une série de lignes d’orientation très précises pour la poursuite des discussions. Au final, ce document a glissé vers les annexes, puis vers le statut de « papier de la présidence », c’est-à-dire de simple document de travail. Selon le ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Jean-Louis Borloo, on est passé très près – à cette occasion – d’un report sine die du paquet énergie-climat.

Officiellement, l’ambition a néanmoins été préservée, mais les conclusions du Conseil européen tiennent en un seul paragraphe :

« Le Conseil européen confirme sa détermination à tenir les engagements ambitieux en matière de politique climatique et énergétique qu’il a agréés en mars 2007 et en mars 2008. Dans ce contexte, il demande à la présidence et à la Commission d’organiser un travail intensifié dans les prochaines semaines pour permettre au Conseil européen de décider en décembre 2008 les solutions appropriées aux enjeux de sa mise en œuvre pour tous les secteurs de l’économie européenne, et pour tous les Etats membres, eu égard à la situation spécifique de chacun, en veillant à un rapport coût-efficacité satisfaisant rigoureusement établi. »

Ce texte est intéressant dans la mesure où, d’une part, il ouvre la voie à l’introduction de nouvelles mesures de flexibilité et où, d’autre part, il transfère la capacité décisionnelle des conseils Energie et Environnement vers le Conseil européen, c’est-à-dire les chefs d’Etat et de gouvernement, ce qui implique d’ailleurs une adoption à l’unanimité et non plus à la majorité qualifiée.

Le « front du refus » est mené par des Etats dont les préoccupations ne sont pas toujours similaires – elles sont parfois même opposées. Les craintes exprimées doivent pourtant être prises en considération même si l’analyse montre qu’elles sont souvent excessives.

1) Des oppositions variées

Face à quelques pays – Royaume-Uni, Suède, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Espagne et Portugal – très attachés au volontarisme de l’Europe sur la question climatique et réticents devant tout ce qui pourrait être perçu comme une dilution de l’ambition initiale, plusieurs Etats – singulièrement l’Allemagne, l’Italie et la Pologne – font valoir des inquiétudes et vont jusqu’à menacer de poser leur veto. La commission de l’Assemblée nationale chargée des affaires européennes a eu l’occasion de percevoir la vigueur de ces réticences lors de la réunion commune des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar (Allemagne, France et Pologne) les 7 et 8 octobre à Paris.

Une analyse détaillée des critiques de ces opposants montre qu’en réalité deux types de craintes peuvent être distinguées : la Pologne, et la plupart des nouveaux entrants, sont hostiles à la mise aux enchères de l’intégralité des quotas d’émission du secteur de la production électrique dès 2013 ; l’Allemagne et l’Italie s’alarment des conséquences des enchères pour leurs secteurs industriels exposés à la concurrence internationale.

a) Les craintes liées aux enchères imposées au secteur de la production électrique

Les pays de l’est de l’Union européenne soutiennent que la mise aux enchères de l’intégralité des quotas de ce secteur se traduira obligatoirement par une hausse des tarifs d’électricité.

Il pourrait en résulter des difficultés sociales, mais aussi – pour les Etats aux frontières de l’Union européenne – des risques de délocalisation. Lors de la réunion précitée du Triangle de Weimar, le sénateur polonais Stanislaw Iwan a ainsi indiqué que certains industriels envisageaient déjà de s’entendre avec l’Ukraine pour construire sur son territoire des cimenteries ou des centrales à charbon. A l’occasion d’une rencontre avec la Commission européenne en juillet dernier, les autorités roumaines ont aussi affirmé craindre une délocalisation de la production d’énergie vers l’Ukraine ou la Moldavie.

La situation de la Pologne et des Etats baltes est rendue encore plus délicate du fait des faibles capacités des interconnexions électriques avec les autres Etats membres. Ils perçoivent donc dans la réforme une menace sur leur sécurité énergétique, dans la mesure où ils pourraient être tenus de développer leurs importations de gaz en provenance de Russie pour réduire les émissions de leurs centrales thermiques fonctionnant pour l’essentiel au charbon, jusqu’à présent.

b) Les inquiétudes liées à la compétitivité de secteurs industriels exposés à la concurrence internationale

L’Allemagne, appuyée par l’Autriche et l’Italie, paraît s’éloigner de plus en plus des ambitions affichées sous sa présidence, période où le paquet énergie-climat fut présenté.

Tant qu’un accord international ne sera pas conclu, imposant les mêmes contraintes aux entreprises des pays signataires, les autorités allemandes voudraient bénéficier, d’une part, d’une gratuité totale pour les émissions de CO2 des quatre secteurs industriels les plus fortement émetteurs (acier, chimie de base, ciment et chaux, qui représentent 67 % des émissions du pays) et, d’autre part, d’une limitation maximale à 20 % de la part des enchères pour les secteurs industriels fortement consommateurs d’électricité (pour l’Allemagne, il s’agirait notamment du papier, du verre et du béton).

Les élus allemands du Parlement européen ont fortement relayé ces exigences. M. Karl-Heinz Florenz, par exemple, rapporteur de la commission temporaire sur le changement climatique, estime qu’« à l’avenir l’Europe sera contrainte de courir dans le marché intérieur avec des semelles de plomb, tandis que les Américains et les Chinois sont en route avec des chaussures de jogging ».

De son côté, le premier ministre italien, M. Silvio Berlusconi, juge que le moment n’est pas venu de faire « les Don Quichotte ». L’Italie chiffre à 18 milliards d’euros par an le coût du paquet énergie-climat pour son industrie, ce que conteste la Commission européenne, pour laquelle le coût direct pour l’Italie représentera 0,66 % de son PIB, soit 12 milliards d’euros en 2020. La fermeté des autorités italiennes est aussi provoquée par la proposition de règlement sur les émissions de CO2 des véhicules automobiles. Même si sa production de voitures est plutôt orientée, en majorité, sur des petits modèles, c’est justement là que les efforts pour réduire les émissions sont les plus difficiles et coûteux.

Il convient de souligner, encore une fois, que les positions des divers opposants ne sont pas similaires et qu’il s’agit d’une alliance de circonstance. Le ministre allemand de l’Environnement, M. Sigmar Gabriel, déclare ainsi régulièrement qu’il est tout à fait favorable à une mise aux enchères de l’intégralité des quotas du secteur électrique, à l’encontre de la volonté polonaise.

Ces multiples critiques ne peuvent être négligées, d’autant que la France a figuré parmi les premiers pays à attirer l’attention sur les risques liés à la compétitivité et sur la nécessité de prévoir un « ajustement aux frontières » ou autrement dit, de façon tout aussi technocratique, un « mécanisme d’inclusion carbone ».

2) Une demande précoce d’« ajustement aux frontières »

Les questions de compétitivité ne se posent pas qu’en Allemagne ou en Italie. Les rapporteurs ont d’ailleurs eu l’occasion de les évoquer à plusieurs reprises lors de leurs auditions.

M. Christian Balmes, Président de Shell France, a précisé que le mécanisme actuellement prévu pour la mise aux enchères coûterait à Shell 250 millions de dollars par an, soit l’équivalent de ses bénéfices provenant du secteur de la chimie.

Le groupe Total s’est également inquiété du coût supplémentaire pour l’industrie du raffinage européen, qu’il évalue de 1 à 8 milliards d’euros par an selon que le prix des quotas sera fixé à 20 ou 50 euros la tonne.

Des préoccupations du même ordre ont été exprimées par la Fédération française des tuiles et des briques.

Un renchérissement des coûts est à prévoir pour la plupart des secteurs industriels, mais les conséquences sur la compétitivité sont à nuancer selon la sensibilité de chacun d’entre eux à la contrainte carbone. On constate, en effet, une forte variabilité de la part du CO2 dans le prix du produit, de même que des variations évidentes dans la capacité à répercuter ce prix sur le consommateur final.

Sensibilité à la contrainte carbone selon les secteurs

Secteur

Sous-secteur

Part dans la valeur ajoutée totale EU-25 (2001-2003)

Part dans le système communautaire d’échange de quotas d’émission

Part du CO2 dans le prix du produit (émissions directes et indirectes)

Combustion

Production d’électricité

2 %

52 %

2 – 9 %

Autres combustions

18 %

-

Raffinerie

 

0,30 %

8 %

0 – 1 %

Fer et acier

Fourneau à oxygène basique

0.70 %

8 %

1 – 4 %

Fourneau électrique

5 – 10 %

Ciment

 

0,85 %

9 %

2 – 6 %

Verre

 

1 %

-

Céramique

 

1 %

-

Papier

 

0,55 %

2 %

1 – 5 %

Aluminium

 

-

0 %

8 – 15 %

Source : Mission climat de la Caisse des Dépôts.

Dès lors, on ne peut manquer de s’interroger sur l’opportunité d’un ajustement aux frontières destiné à protéger l’industrie européenne contre ses concurrents qui ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes environnementales.

Très tôt, dans la négociation, la France a proposé un dispositif visant à inclure les importateurs dans l’ETS européen. Il s’appliquerait uniquement en faveur des secteurs sujets à risque de « fuites de carbone » et à l’encontre des pays tiers qui, à l’issue des négociations internationales, ne s’engageraient pas à prendre des mesures adéquates en fonction de leurs responsabilités propres et de leurs capacités respectives. Notre pays souhaitait, de plus, qu’une partie du revenu des enchères généré par la mise en place de ce mécanisme soit consacrée à la lutte au niveau mondial contre le changement climatique.

Cette approche a été confortée par le Centre d’analyse stratégique(21), qui observe que de telles mesures seraient probablement compatibles avec le régime de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en faisant valoir l’article XX du GATT, permettant de recourir à des mesures de sauvegarde et, plus particulièrement, la jurisprudence de « l’affaire tortues/crevettes », par laquelle l’organe de règlement des différends de l’OMC a rendu envisageable des mesures discriminant les produits en fonction du caractère écologiquement responsable ou non de leur procédé de production.

Il convient d’ajouter qu’au printemps dernier, le Sénat américain a commencé l’examen d’une proposition de loi Lieberman-Warner, dont la procédure a finalement été bloquée, qui envisageait également un mécanisme d’ajustement aux frontières à l’encontre des pays n’ayant pas pris des actions comparables pour limiter leurs émissions de GES.

La proposition française suscite encore de fortes réserves chez nos partenaires européens. Les plus sensibles aux questions de compétitivité préféreraient le maintien de l’attribution de quotas gratuits pour les secteurs exposés à la concurrence internationale.

Pour beaucoup d’entreprises entendues par les rapporteurs – en particulier, les constructeurs automobiles Renault et Peugeot – c’est en tout état de cause un instrument qu’il importe de brandir comme une menace durant les négociations internationales, même si sa mise en œuvre est souvent jugée difficile et risquant de donner lieu à des mesures de rétorsion des pays tiers contre les Etats européens exportateurs.

Ces difficultés juridiques et commerciales n’ont pourtant pas empêché l’Union européenne d’adopter, le 24 octobre 2008, la directive visant à intégrer l’aviation dans l’ETS en 2012, qui s’appliquera obligatoirement aux compagnies non communautaires ayant des vols à destination ou au départ d’un aéroport de l’Union européenne. Un ajustement aux frontières est donc d’ores et déjà décidé dans le secteur de l’aviation.

3) Des difficultés à ne pas surestimer

Sans mettre en cause la sincérité des responsables des nouveaux Etats membres, on peut certainement relativiser leurs inquiétudes quant à l’impact de la réforme sur leurs secteurs énergétiques. De même, l’accord qui se dessine sur la proposition de règlement relative aux émissions de CO2 des véhicules devrait rassurer la plupart des Etats ayant une industrie automobile.

a) Des prix de l’électricité peu dépendants du taux des enchères

La mise aux enchères de l’intégralité des quotas d’émission du secteur énergétique à compter de 2013 est certainement la disposition la plus conflictuelle du paquet énergie-climat.

Les nouveaux entrants exigent un recours progressif aux enchères, afin d’éviter la hausse brutale des tarifs d’électricité, qu’impliqueraient, selon eux, la fin de la gratuité des quotas accompagnée de la réduction par étapes du plafond des quotas accordés à ce secteur. La Pologne cite, par exemple, une étude de la Deutsche Bank et de la banque Fortis faisant état de risques que les prix des quotas de GES soient nettement plus élevés que les hypothèses retenues par l’analyse d’impact de la Commission européenne (60 à 70 euros la tonne contre 30 à 40 euros) et que ces prix élevés soient transférés dans les prix de l’électricité.

En sens inverse, de nombreux Etats membres – Autriche, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Finlande, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Irlande, Suède, mais aussi Slovénie et Lettonie qui se distinguent des autres nouveaux entrants – considèrent que le maintien du dispositif initial (mise aux enchères intégrale) est une condition d’acceptabilité et de crédibilité du paquet énergie-climat.

Ces Etats peuvent s’appuyer sur plusieurs études modérant les arguments de la Pologne.

Début octobre, la Commission européenne a ainsi présenté un document soulignant que la théorie et l’expérience récente montraient que les prix de l’électricité étaient normalement indépendants du taux d’enchères et que la crainte d’un effet inflationniste était infondée.

Un graphique figurant dans le rapport intermédiaire de la Mission climat de la Caisse des Dépôts sur la première phase de l’ETS en Europe illustre clairement le fait que, jusqu’à maintenant, les fluctuations du prix de l’électricité sont surtout corrélées au prix des combustibles (gaz et charbon).

Relation entre le marché du carbone et le secteur
de l’énergie

Source : Mission climat de la Caisse des Dépôts.

Cette analyse est confortée par une étude réalisée par New carbon finance à la demande du WWF, sur l’impact de la mise aux enchères à 100 % sur les prix de gros de l’électricité après 2012. Elle conclut que si un système d’échange de quotas d’émission influence bien les prix, la méthode d’allocation des permis n’aurait pas, en soi, d’impact sur ceux-ci. Ce rapport, qui s’attache particulièrement aux marchés allemand, polonais et tchèque, constate également que la valeur du carbone se reflète d’ores et déjà dans les prix des opérateurs polonais, bien qu’ils perçoivent, jusqu’à présent, des quotas gratuits. Selon le WWF, choisir l’allocation gratuite ou la mise aux enchères reviendrait, en fin de compte, à décider « soit d’acheminer l’argent dans les coffres des industries électriques, soit dans les politiques climatiques en Europe et dans les pays en développement ».

Les revenus d’aubaine réalisés par les compagnies énergétiques grâce à l’allocation de quotas gratuits au cours de la période 2005-2012 sont fréquemment dénoncés. La Commission européenne estime que, lors des premières périodes de fonctionnement de l’ETS, les entreprises du secteur de l’électricité ont répercuté le prix du quota sur leurs prix de vente, quand bien même celui-ci leur avait été alloué gratuitement. Selon le rapport mondial sur le développement humain 2007/2008, édité par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les plus grands producteurs d’électricité du Royaume-Uni auraient « empoché » 2,2 milliards de dollars pour la seule année 2005. L’étude précitée réalisée par New carbon finance, évoque des effets d’aubaine massifs et estime ce surcroît de profit en Allemagne à 34 milliards d’euros pour la période 2005-2012.

S’agissant des opérateurs français, l’Union française de l’électricité a confirmé aux rapporteurs que les électriciens avaient déjà anticipé le prix du CO2 et l’avaient intégré dans leurs prix. Les responsables de Gaz de France ont, quant à eux, souligné que l’existence de tarifs réglementés dans notre pays atténuait cet effet d’aubaine. Ils ont ajouté que la mise aux enchères de l’intégralité des quotas d’émission se répercuterait probablement sur les prix des marchés de gros (Electricité de France a évalué à 500 millions d’euros environ le coût des enchères en 2013, en ce qui la concerne) et se sont interrogés sur l’opportunité d’une répercussion sur le niveau des tarifs réglementés, afin d’envoyer un « signal-prix » aux consommateurs. On retrouve ici le débat évoqué précédemment sur la nécessité d’un signal-prix pour mener une politique d’efficacité énergétique. Les membres de la nouvelle commission sur les prix de l’électricité, annoncée par le Gouvernement, dont la mission sera d’étudier les mesures permettant de bénéficier d’un secteur électrique protecteur des intérêts des consommateurs, incitatif en matière d’investissement et s’inscrivant dans le marché européen, auront à débattre de ce problème.

Dans de telles conditions, la Commission européenne a déjà annoncé que si des flexibilités ou des dérogations devaient être accordées, elles devraient être justifiées par des critères objectifs et limitées dans leur durée et leur ampleur.

Cette relative fermeté est d’autant plus compréhensible que la plupart des pays de l’est européen peuvent encore progresser sensiblement dans la voie de l’efficacité énergétique. Ils mettent en avant les progrès réalisés ces dernières années : selon l’ADEME, la productivité énergétique de leur industrie a progressé de 8 % par an depuis 1996 grâce essentiellement aux changements dans la structure de l’activité industrielle. Mais, il faut constater que de fortes marges de progression subsistent, notamment en Pologne, comme l’illustre le graphique suivant sur les intensivités ajustées(22) de l’industrie.

Intensités ajustées de l’industrie

Source : Ademe.

On peut ajouter que pour les dix nouveaux entrants de 2004, l’effort de réduction des émissions de CO2 imposé par la première phase de l’ETS (2005-2007) correspondait, en réalité, à limiter l’augmentation de leurs émissions par rapport à 2003(23).

Dès lors, si des flexibilités peuvent leur être accordées, il serait regrettable d’aller au-delà et d’accepter d’attribuer des quotas gratuits au secteur électrique à compter de 2013.

b) Un accord préalable sur les émissions de CO2 des véhicules automobiles

Les transports routiers, ferroviaires, aériens et fluviaux représentent une part croissante de la consommation d’énergie finale dans l’UE-25 : 30 % en 2004 contre 26 % en 1990. La consommation des transports est imputable, pour l’essentiel, aux véhicules automobiles : 50 % pour les voitures particulières et 31 % pour les camions et véhicules utilitaires légers (14 % pour le transport aérien et 4 % pour le transport ferroviaire et fluvial). Dès lors, environ 12 % des émissions de CO2 dans l’Union européenne proviennent de carburant consommé par des voitures particulières.

Des progrès ont été enregistrés : la consommation spécifique moyenne des voitures neuves a baissé de 7,7 litres aux 100 kilomètres à 6,5 l/100 km de 1995 à 2004 ; pour l’ensemble du parc, dans la même période, on est passé de 8,4 à 7,6 l/100 km. En conséquence, les émissions spécifiques de CO2 des voitures neuves qui étaient en moyenne de 186 g/km en 1995 ont atteint 163 g/km en 2004.

La Commission européenne estime que cette évolution traduit des efforts insuffisants. Elle a mis en place, depuis 1999, une approche volontaire reposant sur des engagements contractés par les associations de constructeurs européens (ACEA), japonais (JAMA) et coréens (KAMA). Or, elle constate que l’objectif d’un niveau moyen d’émission de CO2 de 140 g/km d’ici 2008 (pour l’ACEA) ou 2009 (pour les associations asiatiques) ne semble pas réalisable(24) et que l’objectif de 120 g/km ne sera pas atteint en 2012. Elle en conclut que l’approche volontaire n’a pas fonctionné et propose donc l’adoption d’un règlement visant à établir des normes contraignantes pour les émissions de CO2 des automobiles, sanctionnées par des pénalités en cas de dépassement de ces normes.

Cette proposition de règlement(25) consiste à fixer un objectif d’émission par véhicule neuf mis sur le marché à partir de 2012, défini en fonction de sa masse. Chaque constructeur se voit fixer un objectif qu’il doit atteindre en moyenne sur l’ensemble de ses véhicules. Le dispositif est élaboré de manière à ce que les objectifs de chacun des constructeurs, cumulés en fonction des ventes, permettent d’atteindre 130 g/km en 2012.

Avec des émissions moyennes s’élevant, en 2007, à 146 g/km pour Renault et 141 g/km pour PSA, les constructeurs français figurent parmi les mieux placés en Europe, tandis que les groupes allemands sont encore très éloignés de l’objectif (163 g/km pour Volkswagen, 170 g/km pour BMW et 181 g/km pour Daimler).

Les discussions au Conseil ont vite abouti à un blocage entre, d’un côté, les Etats dont les constructeurs commercialisent des petits véhicules (France et Italie, notamment) et, de l’autre, les Etats dont les constructeurs sont spécialisés sur des véhicules lourds et puissants.

Lors du sommet franco-allemand du 9 juin 2008, les deux pays ont cherché à débloquer la situation en se mettant d’accord sur six point :

– la conservation de l’objectif de 130 g/km en 2012 ;

– la fixation d’un objectif pour 2020 dans une fourchette comprise entre 95 et 110 g/km ;

– la prise en compte des éco-innovations, dans une limite de 6 à 8 g/km ;

– la révision des objectifs des constructeurs en 2011 sur la base de la dérive de la masse moyenne entre 2006 et 2009 pour application en 2015 ;

– la mise en œuvre progressive du règlement, cette progressivité restant à définir ;

– la fixation d’un niveau de pénalité ambitieux, dont le niveau et les modalités étaient encore à négocier.

La commission Industrie du Parlement européen a, en grande partie, suivi les préconisations de cet accord en prévoyant que les constructeurs automobiles devraient garantir que 60 % de leurs voitures respectent la cible de 130 g/km en 2012, 70 % en 2013, 80 % en 2014 et 100 % à partir de 2015. En revanche, la commission Environnement, compétente au fond, s’est montrée plus exigeante et plus proche du texte initial de la Commission européenne en votant :

– l’entrée en vigueur de la norme de 120 g/km dès 2012 (130 g par des mesures technologiques et les 10 g restant par des mesures additionnelles) ;

– la fixation d’un objectif de 95 g/km pour 2020 ;

– des pénalités en cas d’émissions excédentaires d’un montant de 20 euros par gramme en 2012 et de 95 euros à partir de 2015 (et non pas 50 euros, comme le prévoyait un amendement de compromis avec la commission Environnement).

Néanmoins, le Conseil demeure sur la ligne de l’accord franco-allemand. Un consensus a été dégagé fin octobre, pour que l’effort de réduction à 130 g/km ne porte, en 2012, que sur 60 % à 65 % de la flotte d’un constructeur avec une évolution graduelle jusqu’à 100 % en 2015. L’ajout d’un objectif de 95 g/km en 2020 a été accepté. Enfin, les pénalités seraient évolutives en fonction de l’ampleur des écarts et augmenteraient fortement après 2015.

Un compromis semble donc envisageable sous réserve de son acceptation par le Parlement européen.

La Commission européenne observe qu’un seul constructeur sera affecté par le seuil de 60 % d’une flotte à 130 g/km et qu’il faudrait un seuil de 90 % pour que tous soient concernés. Elle rappelle, par ailleurs, que la contribution de la proposition de règlement à la réduction des GES dans le cadre des activités non couvertes par l’ETS représenterait, dans sa version initiale, un niveau de 30 % pour certains Etats membres. L’Autriche et les pays du Benelux, qui n’ont pas d’industrie automobile, mais qui, du fait de leur situation géographique, voient transiter un important trafic routier, ont souvent exprimé leurs craintes sur de tels transferts de charges hors ETS.

Le compromis obtenu au Conseil apparaît, néanmoins, globalement satisfaisant.

Il fixe d’abord des exigences non négligeables à moyen terme. C’est un bon équilibre entre l’ambition environnementale, l’équité et les cycles technologiques. On doit ainsi souligner que l’émission de CO2 des véhicules étant proportionnelle à leur consommation de carburant, un objectif de 130 g/km équivaut à une consommation de 5,5 l/100 km pour l’essence et 4,9 l/100 km pour le gazole.

L’objectif de 95 g/km pour 2020 semble même très volontariste si, comme l’ont indiqué les responsables de PSA aux rapporteurs, cela implique que 40 % des ventes de voitures neuves soient des véhicules électriques.

Ensuite, même si la crise économique ne saurait tout justifier, il convient de prendre en considération la situation particulièrement difficile du secteur automobile. Les constructeurs européens demandent 40 milliards d’euros de prêts à taux préférentiels pour développer des véhicules propres, la France milite en faveur d’un plan de soutien (elle vient d’annoncer 400 millions d’euros sur quatre ans pour accélérer les efforts de recherche), et M. Jean-Claude Junker, Président de l’Eurogroupe, a indiqué accepter l’idée d’une aide.

Enfin, la fixation de seuils peut difficilement prévoir des « ruptures technologiques ». Or, si aujourd’hui on estime qu’il y aura durablement des automobiles à motorisation thermique, il importe aussi de porter attention aux nombreuses recherches en cours sur les véhicules électriques, les hybrides rechargeables ou encore les piles à combustible. On doit d’ailleurs noter que la décision du Conseil Energie et du Parlement européen de fractionner en deux sous-objectifs l’obligation de 10 % de sources renouvelables dans le secteur des transports en 2020 (6 % pour les biocarburants de première génération et 4 % pour les autres sources) devrait constituer un facteur incitatif supplémentaire pour le développement de ces recherches. Il faut néanmoins rappeler que les véhicules électriques, de même que les véhicules à hydrogène d’ailleurs, ne peuvent être qualifiés de « propres » que si les installations produisant l’énergie nécessaire à leur fonctionnement n’émettent pas elles-mêmes trop de CO2.

Les véhicules électriques ont, jusqu’ici, connu de sérieux revers (30 000 véhicules dans le monde sur un parc de plus de 900 millions), mais la technologie des batteries lithium-ion fait naître de nouveaux espoirs, grâce à une plus grande autonomie (150 kilomètres), à plus de facilités pour le rechargement et une puissance équivalente aux voitures à moteur thermique. Plusieurs constructeurs ont actuellement des projets de véhicule de ce type. En France, PSA, qui fut le premier producteur mondial dans ce domaine et qui demeure marqué par l’échec subi, semble encore assez réservé. En revanche, Renault souhaite être en mesure de commercialiser massivement, dès 2010-2011, un véhicule totalement électrique et estime, qu’à l’horizon 2020, 15 % des véhicules produits dans le monde pourraient être électriques. Renault mène, en fait, trois projets de front(26) qui reposent sur la mise en place d’un réseau de stations où les batteries ne seront pas rechargées mais échangées. Des expériences vont prochainement être menées en Israël, pays où les déplacements s’effectuent sur de courtes distances. Les responsables d’EDF juge ces projets portant sur le véhicule principal des ménages « futuristes » et estiment que les véhicules électriques seront durablement des véhicules utilitaires destinés à des flottes d’entreprises ou de collectivités locales ou encore des seconds véhicules pour une clientèle urbaine. Des évolutions technologiques peuvent toutefois être encore attendues sur les batteries électriques et il pourrait être opportun de créer en Europe une initiative conjointe sur le stockage électrique, à l’instar de ce qui a été décidé sur l’hydrogène.

L’Union européenne souhaite effectivement promouvoir les véhicules à hydrogène. Elle vient de déposer une proposition de règlement introduisant un système communautaire d’homologation à compter de 2011. Les rapporteurs ont cependant observé que les avis sur les perspectives de cette technologie sont excessivement variables : le directeur des technologies avancées d’Air liquide prévoit les premières commercialisations à l’horizon 2015 et évoque 50 millions de véhicules en 2030, soit 5 % du parc mondial, tout en reconnaissant la nécessité de progrès dans le stockage de l’hydrogène et dans le réseau de stations de remplissage (aujourd’hui, il existe trois stations appartenant à Air liquide en France et 200 au total dans le monde) ; le président de l’Institut français du pétrole ne prévoit pas de développement commercial avant 2030 au plus tôt.

Comme le montrent les lignes qui précèdent sur les véhicules, la réduction des émissions de GES peut être porteuse de recherches, d’innovations et, au final, de croissance.

4) Transformer les contraintes du paquet énergie-climat en des atouts pour l’Europe

Dans une situation de crise économique pouvant conduire à une récession, des voix s’élèvent pour demander le report du paquet énergie-climat à des jours meilleurs.

L’importance du défi climatique ne saurait pourtant attendre la réforme du système financier. Le ministre britannique des Affaires étrangères, M. David Miliband, a justement observé que « le ralentissement économique actuel n’est pas une raison pour retarder le passage à une économie sobre en carbone, c’est une raison supplémentaire de l’accélérer »(27).

Tout atermoiement, tout recul serait, selon les termes du Président de la République devant le Parlement européen le 21 octobre 2008, « dramatique » et « irresponsable ». Il s’agirait effectivement d’une double erreur du fait du coût de l’inaction sur le long terme et des potentialités de croissance offertes par les politiques d’adaptation et d’atténuation liées au changement climatique.

a) Le coût de l’inaction

Il a déjà été signalé que la Commission européenne estimait le coût global du paquet énergie-climat à 0,45% du PIB de l’Union européenne en 2020.

Le chiffrage spécifique à chaque Etat membre(28) montre que ce coût pourrait représenter plus de 0,7 % pour certains d’entre eux (0,70 % pour la Belgique et 0,78 % pour la Suède). Il est surtout significatif d’observer que pour plusieurs pays le coût serait quasi-nul : Chypre, Malte, mais aussi – et c’est important – Roumanie avec un coût estimé de 0,04 % et Pologne pour lequel le coût ne serait que de 0,02 %. Mieux encore, six Etats membres (Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Lettonie et République tchèque) pourraient, au final, tirer profit de cette réforme grâce à une amélioration de leur efficacité énergétique réduisant les coûts de leurs besoins en énergie et aux divers dispositifs de soutien issus du paquet (notamment l’affectation éventuelle d’une partie du produit des enchères dans le cadre de l’ETS en faveur des nouveaux entrants).

Pour l’Union européenne dans son ensemble, le coût n’est pas négligeable, mais il demeure très éloigné du coût avancé par l’économiste Nicholas Stern, dans un rapport remis au gouvernement britannique en 2006. Le rapport Stern estime que le coût de l’inaction pourrait réduire le bien-être de la population mondiale d’un montant équivalent à une réduction de la consommation par habitant allant de 5 % à 20 %. Il ajoute qu’il est probable que l’estimation correcte se situera dans la partie supérieure de cette fourchette.

b) Les potentialités d’une croissance verte

La politique poursuivie par l’Union européenne ne s’inscrit pas dans les vieilles perspectives de décroissance réclamées par le Club de Rome au début des années 1970. Bien au contraire, elle voit dans les politiques climatiques un moteur de la croissance.

Elle s’inscrit en cela dans le voie tracée par le rapport Stern, selon lequel : « l’atténuation des risques – à savoir, l’adoption de mesures vigoureuses en vue de réduire les émissions – doit être vue comme un investissement, comme un coût encouru aujourd’hui et au cours des quelques décennies à venir en vue d’éviter les risques de conséquences très sévères à l’avenir. Si ces investissements sont faits judicieusement, les coûts seront gérables et il y aura une vaste gamme de possibilités de croissance et de développement ».

Les investissements à prévoir sont effectivement d’un montant considérable. Un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie(29) considère que, pour maintenir en 2050 les émissions de CO2 à leur niveau actuel, les besoins d’investissements supplémentaires dans le secteur mondial de l’énergie sont de l’ordre de 17000 milliards de dollars d’ici cette échéance, soit en moyenne 400 milliards de dollars par an, ce qui équivaut à 0,4 % de PIB mondial chaque année d’ici 2050. Si l’on voulait réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport au niveau actuel, les investissements à réaliser grimperaient à 45000 milliards de dollars, soit 1100 milliards de dollars par an et 1,1 % du PIB mondial chaque année.

Ce rapport insiste, par ailleurs, sur les efforts de recherche et de développement pour faire avancer les nouvelles technologies.

La France a déjà perçu tout l’intérêt d’une croissance écologique et posé les premières bases de cette évolution avec le Grenelle de l’environnement. Le secteur du bâtiment, en particulier, devrait bénéficier de vastes débouchés, synonymes de développement et d’emplois.

Au niveau communautaire, le paquet énergie-climat imposera aux industries et aux différents secteurs soumis à des contraintes de limitation de leurs émissions de GES d’améliorer leur compétitivité et d’être plus performants au niveau mondial. Comme cela sera indiqué dans la suite du rapport, c’est une évolution déjà engagée par les plus grandes économies concurrentes (Etats-Unis et Japon, notamment) et l’immobilisme correspondrait en fait à un recul.

D’énormes efforts de recherche seront également à consentir. Des projets existent d’ores et déjà dans le nucléaire (avec le projet ITER pour la fusion thermonucléaire, en construction sur le site de Cadarache), ou dans le secteur de l’hydrogène et de la pile à combustible. D’autres secteurs, notamment l’énergie solaire, mériteraient un soutien communautaire. Des initiatives sont attendues dans le cadre du plan stratégique pour les technologies énergétiques (le plan SET).

Lorsque les rapporteurs ont rencontré à Washington des conseillers de Barack Obama sur le changement climatique, ces derniers – MM. Frank Loy et Nigel Purvis – ont fait le parallèle entre la situation actuelle et le programme Appolo des années 1960 et ont rappelé que le Président Kennedy répondait à ceux qui lui déconseillaient de développer ce projet coûteux et difficile : « vous devez le faire non parce que c’est facile, mais parce que c’est compliqué ».

III. CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE :
Quelles possibilités pour un accord européen sous présidence française ?

Priorité de la présidence française de l’Union européenne, le paquet énergie-climat doit avant tout constituer la priorité de l’Union européenne.

Les développements qui précèdent prouvent qu’il s’agit d’un impératif climatique, environnemental, économique, social et scientifique.

Cela impose, en premier lieu, que les objectifs - la fameuse règle des « trois fois vingt » - et le calendrier (l’échéance 2020) ne soient pas remis en cause. Selon l’expression consacrée, il s’agit de deux « lignes rouges ».

Désormais, les questions conflictuelles aptes à inciter un pays à mettre son veto lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre concernent uniquement la réforme du système communautaire d’échange de quotas d’émission (ETS). Sur les autres dispositions du paquet énergie-climat - le partage de la charge entre les secteurs hors ETS, les objectifs nationaux pour les énergies renouvelables, le financement de projets de démonstration du captage et du stockage du carbone ou la limitation des émissions des véhicules automobiles - des accords ont été trouvés ou sont sur le point de l’être.

La réforme de l’ETS achoppe sur les conséquences supposées de la mise aux enchères de l’intégralité des quotas d’émission de GES sur les prix de l’électricité, d’une part, et la compétitivité des secteurs industriels électro-intensifs ou « énergivores », d’autre part.

Dans les deux cas, les difficultés mises en avant ne peuvent être ignorées et des solutions fondées sur la flexibilité et la solidarité entre les Etats membres doivent être élaborées.

A. Sur l’impact de la mise aux enchères dans le secteur de la production électrique

La Pologne et d’autres nouveaux entrants souhaiteraient obtenir un recours progressif aux enchères, débutant à 20 % en 2013 pour atteindre 100 % en 2020.

Cette proposition est rejetée par la majorité des Etats membres - pour certains il s’agit même d’un point central déterminant la crédibilité du paquet - la Commission européenne et la commission Environnement du Parlement européen.

Comme cela a déjà été précisé, plusieurs arguments justifient cet attachement à la vente de l’intégralité des quotas du secteur énergétique dès 2013 :

- ce secteur joue un rôle majeur dans l’ETS. Au cours de la première phase (2005-2007), les 23 plus grandes compagnies européennes, produisant 70 % de l’électricité en Europe, détenaient 30 % de l’ensemble des quotas européens. Cette primauté était particulièrement marquée en Allemagne et au Royaume-Uni où le secteur de l’électricité détenait 68 % du total des quotas. Dans le cadre d’une telle répartition, il est évident que tout assouplissement des obligations du secteur énergétique se répercuterait sur les autres secteurs industriels soumis à l’ETS pour atteindre l’objectif global de réduction de 21 % en 2020, ce qui semble insupportable pour plusieurs de nos partenaires(30) ;

- le secteur est généralement peu exposé à la concurrence internationale, avec néanmoins le cas spécifique des Etats situés à la frontière orientale de l’Union européenne ;

- les entreprises du secteur de l’électricité ont, comme indiqué précédemment, bénéficié d’importants « revenus d’aubaine » lors des deux premières phases de l’ETS, en répercutant le prix des quotas sur leurs prix de vente, quand bien même ces quotas leur avaient été alloués gratuitement ;

- enfin, le paquet énergie-climat organise un équilibre subtil entre ses diverses dispositions, autorisant, au bout du compte, des éléments redistributifs en faveur des pays les plus pauvres de l’Union européenne. On peut rappeler, à ce propos, que 10 % de la quantité totale des quotas à mettre aux enchères sont répartis entre les Etats dont les revenus par habitant sont faibles mais dont les perspectives de croissance sont fortes. De même les objectifs fixés aux pays de l’Est pour les secteurs non couverts par l’ETS et en matière d’énergie renouvelable ont généralement été atténués en comparaison de ceux des anciens Etats membres. De plus, chaque Etat profitera du produit des enchères résultant de la vente des quotas.

Pour toutes ces raisons, il ne semble donc pas possible d’accepter une progressivité de la mise aux enchères des quotas du secteur énergétique sur l’ensemble de la période visée par le paquet énergie-climat. Tout au plus pourrait-on envisager des dérogations d’ampleur et de durée limitées (pas au-delà de 2015, par exemple) sur la base de critères précis, comme celui d’une intégration insuffisante dans le marché européen de l’électricité.

La plupart des nouveaux entrants ont aussi proposé de ne pas prendre l’année 2005 comme référence, afin de mieux tenir compte des efforts qu’ils ont accompli depuis 1990. Là encore, cette option ne paraît pas pouvoir être retenue, car on a déjà précisé que ces efforts méritent d’être relativisés, que des marges importantes d’efficacité énergétique subsistent dans ces pays et il est certain que la modification de l’année de référence pour certains pays provoquerait des demandes d’autres Etats membres.

Les inquiétudes de la Pologne et de ses alliés doivent néanmoins obtenir une réponse. Plusieurs mesures d’ordre technique pourraient être étudiées.

L’instauration d’un prix plafond et d’un prix plancher sur le marché des quotas communautaires, afin de limiter la volatilité de ce marché, mérite d’être discutée, bien qu’une solution satisfaisante soit probablement difficile à trouver.

Mettre en place un plafond sur les prix des quotas d’émission, par exemple, risque de remettre en cause les objectifs de réduction des émissions. Le prix des quotas sur le marché résulte principalement de la confrontation de l’offre et de la demande, c’est-à-dire du taux d’effort global de réduction des émissions supporté par les entreprises soumises au système ETS. La proposition de directive soumet ces secteurs à une réduction de 21 % de leurs émissions sur la période allant de 2005 à 2020. Limiter à la hausse le prix des quotas équivaudrait à exonérer les installations relevant de ces secteurs de leurs contraintes d’émission au-delà d’un certain prix et risquerait, à terme, de remettre en cause les engagements de réduction des Etats membres, puisqu’un droit a priori illimité serait donné pour acheter des quotas à prix donné (dans le cas où le prix maximum est atteint), alors que la libre fluctuation du prix ne fait que refléter la contrainte de rareté et lui est nécessairement liée.

Néanmoins, l’initiative de la Pologne doit être prise en considération, car l’étude d’impact de la Commission européenne est basée sur des niveaux de prix du quota compris entre 30 et 40 euros par tonne d’équivalent CO2, alors qu’il n’y a pas dans la directive de dispositif permettant de contenir une hausse éventuelle incontrôlée des prix du quota, qui ne peut être totalement écartée.

La grande difficulté serait évidemment de définir le plafond à ne pas dépasser. On peut simplement observer, à cet égard, que, dans une analyse récente sur la valeur tutélaire du carbone, destinée à être utilisée dans la définition des politiques publiques en France, le Centre d’analyse stratégique(31) a recommandé une valeur tutélaire de 56 euros(32) la tonne de CO2 en 2020. Il ne s’agit ici, bien entendu, que d’un élément d’information.

L’affectation d’une partie du produit des enchères encaissé par les anciens Etats membres en faveur des nouveaux est une piste suivie par la commission Environnement du Parlement européen. Elle risque de se heurter à l’opposition d’Etats invoquant leur souveraineté, d’autant qu’il est aussi proposé par ailleurs d’affecter une fraction du produit des enchères à l’aide aux pays en développement, ce qui constituerait un levier certain dans les négociations internationales.

On pourrait également suggérer de porter au-delà de 10 % la quantité des quotas répartis entre les Etats membres les plus défavorisés, mais l’Allemagne, le Royaume-Uni et le Danemark ont déjà fait connaître leur hostilité à l’encontre de ce mécanisme de solidarité.

Une dernière option est d’ores et déjà approuvée. Il s’agit d’établir une meilleure interconnexion électrique avec le marché européen, pour consolider la sécurité énergétique de la Pologne et des Etats baltes. Fin octobre, les premiers ministres de Pologne, Suède, Finlande, Estonie, Lettonie et Lituanie sont convenus avec le Président de la Commission européenne d’établir un plan d’interconnexion énergétique entre les riverains de la mer Baltique. Les détails seront négociés en 2009 et l’ensemble serait opérationnel en 2010.

B. Sur la préservation de la compétitivité des industries électro-intensives ou fortement consommatrices d’énergie

Le problème étant lié à leur exposition à la concurrence étrangère, il pourrait n’apparaître pleinement qu’en cas d’échec des négociations internationales sur le changement climatique. Mais même dans l’hypothèse d’un accord mondial à Copenhague, en décembre 2009, le principe de la responsabilité commune mais différenciée pourrait placer ces industries européennes dans une situation déséquilibrée par rapport à leurs concurrents des pays émergents, soumis à des contraintes environnementales moindres.

Cette discussion conduit l’Europe à s’interroger sur l’automaticité du passage de 20 % à 30 % de réduction de ses émissions de GES en 2020 en cas d’accord international. La Commission européenne juge qu’il s’agit d’un élément de crédibilisation de la position européenne et les associations écologistes rappellent que, selon le GIEC, les efforts de réduction devraient se situer dans une fourchette de 25 % à 40 % en 2020. Mais certains Etats s’opposent au caractère automatique de la disposition et, de plus, évoquent une augmentation de la contrainte entre 20 % et 30 %, ce qui laisse la place à l’établissement d’un seuil intermédiaire.

Les craintes des activités intensives en énergie sont fondées. Même si les segments industriels réellement exposés représenteraient de 1 à 2 % de la valeur ajoutée totale seulement, l’impact d’une délocalisation sur le tissu industriel de certaines régions peut être conséquent et la perte de maîtrise de certains maillons de la chaîne industrielle peut avoir un coût stratégique.

Les analyses de la première phase de l’ETS n’ont révélé aucune corrélation entre les prix européens du carbone et une perte de compétitivité dans ces secteurs de l’industrie. Cependant, ces études observent que les résultats ont été obtenus dans un contexte où les allocations de quotas ont été généreuses pour lesdits secteurs (les émissions de l’industrie de l’aluminium n’ont, quant à elles, pas été plafonnées) et où le prix du CO2 était peu élevé. Elles appellent donc à la prudence sur l’impact des contraintes liées au CO2, surtout que, d’ici 2010, de nombreux contrats de fourniture d’électricité à long terme ayant protégé les industriels arriveront à expiration et seront renégociés.

Cette problématique des « fuites de carbone » est reconnue dans les propositions de la Commission européenne, prévoyant un rapport d’analyse pour juin 2011, accompagné de propositions appropriées telles qu’une adaptation de la proportion de quotas reçus à titre gratuit et/ou l’intégration dans le système communautaire des importateurs de ces produits (mécanisme dit de « l’ajustement aux frontières »).

L’Allemagne et les Pays-Bas souhaiteraient que l’on autorise également des compensations financières, soit sur une base forfaitaire (compensation ex ante, réclamée par les Néerlandais), soit en fonction des coûts réellement supportés du fait de l’augmentation des prix de l’électricité (compensation ex post, préconisée par les Allemands).

Répondant à la demande des industries à forte intensité d’énergie, la présidence française a proposé de prévoir des critères précis et quantitatifs permettant de déterminer, dès 2009 (au lieu de mars 2010, dans les projets de la Commission européenne), la liste des secteurs et sous-secteurs soumis à un risque significatif de fuites de carbone. Les mesures à prendre au cas où l’accord international n’apporterait pas de garanties suffisantes devraient être arrêtées avant le 31 décembre 2010 (au lieu de juin 2011).

La prévisibilité dont les opérateurs économiques ont absolument besoin(33) impose de déterminer assez tôt la liste des secteurs susceptibles de bénéficier de ces mesures protectrices. Ces dernières pourraient consister dans l’allocation gratuite de quotas à concurrence d’une valeur limite fixée sur la base de la meilleure technologie disponible. Ainsi les entreprises verraient leur contrainte allégée, tout en étant incitées à investir pour améliorer leur efficacité énergétique et environnementale.

L’annonce d’un accord politique lors du Conseil européen, qui sera organisé alors que la conférence de Poznan tentera de faire progresser la négociation internationale, conforterait le rôle leader de l’Europe sur le plan mondial en ce domaine, reconnu par tous nos partenaires et indispensable si l’on veut obtenir de ces derniers des engagements significatifs dans un système post-Kyoto.

DEUXIEME PARTIE :
DES NEGOCIATIONS INTERNATIONALES
DONT LE RESULTAT DEMEURE INDECIS

L’Europe ne peut, à elle seule, résoudre la question du changement climatique.

Emissions de CO2 dues à l’énergie en 2005 (en Mt CO2)

 

1990

2005

Part en %

Evolution (%)
1990-2005

Amérique du Nord

5.572

6.755

24,9

+21,2

Canada

429

549

2,0

+27,9

Etats-Unis

4.850

5.817

21,4

+19,9

Mexique

293

389

1,4

+32,8

Amérique latine

602

938

3,5

+55,6

Europe et pays de l’ex-URSS

7.976

6.645

24,5

-16,7

UE à 27

4.101

3.976

14,7

-3,1

dont : UE à 15

3.122

3.267

12,0

+4,7

Allemagne

968

813

3,0

-15,9

Espagne

207

342

1,3

+64,8

France

355

388

1,4

+9,3

Italie

398

454

1,7

+14,0

Pays-Bas

158

183

0,7

+15,7

Pologne

349

296

1,1

-15,3

Royaume-Uni

558

530

2,0

-5,0

Autres pays hors UE à 27

3.875

2.669

9,8

-31,1

dont : Russie

2.189

1.544

5,7

-29,5

Afrique

550

835

3,1

+51,9

Moyen-Orient

586

1.238

4,6

+111,4

Extrême-Orient

4.807

9.355

34,5

+94,6

dont : Chine

2.244

5.101

18,8

+127,3

Corée du Sud

227

449

1,7

+97,6

Inde

587

1.147

4,2

+95,5

Japon

1.058

1.214

4,5

+14,8

Océanie

281

412

1,5

+46,4

dont : Australie

260

377

1,4

+45,1

Soutes internationales maritimes et aériennes

649

959

3,5

+47,7

Monde

21.024

27.136

100,0

+29,1

Source : « Energies et matières premières » Observatoire de l’énergie, novembre 2007.

Comme le montre le tableau précédent, l’Union européenne ne représente (en 2005) que 14,7 % des émissions de CO2 dues à l’énergie dans le monde. La part des Etats-Unis est sensiblement plus élevée (21,4 %) et celle de la Chine (18,8 %) en très forte croissance. On sait d’ailleurs qu’en 2007, la Chine est passée devant les Etats-Unis et est devenue le premier émetteur mondial de CO2.

Les négociations pour un régime post-Kyoto, à compter de 2013, constituent donc un enjeu fondamental.

Dans un contexte très difficile, les 187 pays présents lors de la conférence de Bali de décembre 2007 ont adopté un « plan d’action » précisant les cinq thèmes principaux qui devront être négociés d’ici fin 2009, date retenue pour trouver, en principe, un accord lors de la conférence de Copenhague.

Ces cinq thèmes sont :

- la définition d’une vision commune concertée à long terme, notamment d’un objectif global de réduction des émissions conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées entre les pays industrialisés et les pays en développement ;

- l’élaboration d’une action concertée pour l’atténuation des changements climatiques ;

- la mise en œuvre d’une action renforcée pour l’adaptation à ces changements ;

- les transferts de technologies ;

- le financement des mesures d’atténuation et d’adaptation.

Depuis Bali, plusieurs réunions intermédiaires ont été organisées à Bangkok (avril 2008), Bonn (juin 2008) et Accra (août 2008). Il faut aussi signaler que, sur l’initiative des Etats-Unis, plusieurs réunions des 16 pays les plus émetteurs de GES, les « économies majeures » (MEM), ont eu lieu en dehors du cadre des Nations unies.

Jusqu’à présent, ces réunions ont surtout consisté en des monologues successifs des différents protagonistes, même si, à Accra, les pays développés ont pour la première fois abordé explicitement la question de la différenciation des actions à mener, qui sous-entend l’acceptation d’engagements contraignants par les pays en développement en matière d’atténuation.

Les négociations sur le post-2012 se déroulent techniquement dans deux enceintes principales.

Un premier groupe de travail (AWG-KP) siège depuis 2006. Il est ouvert aux 182 pays du Nord et du Sud ayant ratifié le protocole de Kyoto et exclut donc les Etats-Unis, qui n’y assistent qu’en observateurs. Il ne doit traiter officiellement que des obligations des pays industrialisés après 2012, ce que contestent ces derniers.

Un second groupe de travail (AWG-LCA) a été mis en place à Bali. Incluant les Etats-Unis, il est aussi doté d’un mandat élargi lui permettant de débattre non seulement des engagements des pays industrialisés après 2012, mais aussi des « actions » futures des pays du Sud.

Sur la route de Copenhague 2009, une nouvelle réunion de toutes les parties aura lieu à Poznan, en Pologne, du 1er au 12 décembre 2008.

Il ne faut probablement pas trop attendre de cette réunion, à laquelle participera l’Administration américaine sortante.

L’année 2009 sera, en revanche, essentielle et il paraît nécessaire de dresser un tableau des positions des différents pays négociateurs. Après avoir examiné les cas particuliers de deux pays industrialisés, les Etats-Unis et le Japon, la situation des pays en développement sera étudiée, avant de s’interroger sur la stratégie que l’Europe pourrait adopter dans ces négociations internationales.

I. LES ETATS-UNIS PEU ENCLINS À SIGNER UN ENGAGEMENT INTERNATIONAL CONTRAIGNANT

L’étude de l’évolution prévisible des Etats-Unis sur la question du changement climatique est essentielle.

Il s’agit, d’abord, de l’économie la plus fortement émettrice de CO2 dans le monde avec la Chine, mais surtout celle où les émissions par habitant sont les plus élevées. Le cas des transports automobiles est exemplaire : malgré le développement des « light trucks », 42 % des véhicules vendus en 2007 consommaient entre 12,5 et 16 l/100 km. Au total, un Américain émettait en 2005 19,6 tonnes de CO2, tandis que cet indicateur n’était que de 6,2 tonnes pour un Français, 3,9 tonnes pour un Chinois et 0,9 tonne pour un Africain(34).

Emissions de CO2 par habitant

(en tonnes de CO2/habitant)

 

1990

2005

Evolution (%)

1990-2005

Amérique du Nord

15,5

15,6

+0,3

Canada

15,5

17,0

+9,8

Etats-Unis

19,4

19,6

+1,1

Mexique

3,6

3,7

+2,5

Amérique latine

1,7

2,1

+23,2

Europe et pays de l’ex-URSS

9,4

7,6

-19,5

UE à 27

8,7

8,1

-6,8

dont : UE à 15

8,5

8,4

-1,3

Allemagne

12,2

9,9

-19,1

Espagne

5,3

7,9

+48,2

France

6,1

6,2

+1,4

Italie

7,0

7,8

+10,4

Pays-Bas

10,6

11,2

+6,0

Pologne

9,2

7,8

-15,4

Royaume-Uni

9,7

8,8

-9,7

hors UE à 27

10,4

7,0

-33,0

dont : Russie

14,8

10,8

-26,9

Afrique

0,9

0,9

+7,2

Moyen-Orient

4,5

6,6

+48,3

Extrême-Orient

1,7

2,6

+58,5

dont : Chine

2,0

3,9

+97,7

Corée du Sud

5,3

9,3

+75,4

Inde

0,7

1,0

+51,8

Japon

8,6

9,5

+10,9

Océanie

13,7

16,8

+22,3

dont : Australie

15,1

18,4

+21,7

Monde

4,0

4,2

+5,3

Source : « Energies et matières premières », Observatoire de l’énergie, novembre 2007.

De plus, les Etats-Unis, qui avaient signé le protocole de Kyoto, ne l’ont finalement pas ratifié. en 2001, le Président George W. Bush annonça qu’il ne demanderait pas la ratification au Sénat et qu’il ne mettrait pas en œuvre les objectifs de Kyoto (- 7 % pour les Etats-Unis) au cours de son mandat. On se rappelle, par ailleurs, que lors de la conférence de Bali, en décembre 2007, la délégation américaine n’a donné son accord pour l’adoption du plan d’action sur le processus post-Kyoto, qu’après avoir été huée en séance plénière.

Les rapporteurs ont effectué une mission aux Etats-Unis en juillet 2008, se rendant à Houston (Texas) et à Washington, afin de pouvoir apprécier les positions des milieux d’affaires (notamment les compagnies pétrolières) et des autorités politiques sur l’énergie et le climat à l’approche de grandes échéances nationale et internationale. A l’issue de cette mission, un certain scepticisme est de mise sur la possibilité de voir les Etats-Unis s’engager rapidement dans un accord mondial contraignant.

A. Une économie durablement carbonée

Toute analyse de l’approche des autorités américaines sur la politique climatique doit s’appuyer sur le constat suivant : les Etats-Unis dépendent fortement des combustibles fossiles, en particulier pour leur production d’électricité.

En 2006, 49 % de la production d’électricité a été réalisée avec du charbon. Si l’on tient compte du pétrole et du gaz naturel, ce sont 70 % de cette production qui font appel aux combustibles fossiles.

Production d’electricité aux Etats-Unis en 2006

Source : Département américain de l’énergie.

Le Conseil national du Pétrole (NPC), comité consultatif regroupant les entreprises du secteur pétrolier et chargé de conseiller le Secrétaire d’Etat à l’énergie, a rappelé, dans une étude de juillet 2007(35), que le pétrole, le gaz naturel et le charbon sont, de loin, les sources d’énergie les plus importantes et elles devraient rester dominantes au moins jusqu’en 2030.

Cette inertie dans le mix énergétique est d’autant plus probable que les Etats-Unis ont une forte sensibilité face à la question de la sécurité énergétique, voire de l’indépendance énergétique. Or ce pays détiendrait les plus importantes réserves mondiales de charbon, correspondant à environ 230 années de leur consommation nationale. On peut ici rappeler que l’US Air Force a lancé un appel d’offre pour une usine de liquéfaction du charbon sur l’une de ses bases dans le Montana, car elle souhaiterait faire voler ses avions avec un mix kérozène-charbon liquéfié.

Reserves de charbon (a)
(en milliards de tonnes)

Annees de reserves

(a) houille et lignite

Source : Le Figaro, 13 mai 2008.

Par ailleurs, pour des raisons d’ordre écologique, l’accès à certaines zones terrestres et maritimes dissimulant du pétrole et du gaz naturel a été interdit ces dernières années. Selon le NPC, 40 milliards de barils de pétrole techniquement récupérables et 250 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel seraient soumis à ces restrictions.

La tentation sera donc forte de revenir sur ces limitations et le Président George W. Bush a déjà fait connaître, en juillet 2008, sa volonté de mettre fin au moratoire affectant les zones offshore.

Ressources de petrole et de gaz naturel affectees
par des restrictions d’acces aux Etats-Unis

Source : Conseil national du pétrole.

Ces « dures réalités », selon l’expression du titre du rapport du NPC de 2007, expliquent en grande partie la réticence des Etats-Unis à prendre des engagements contraignants, même au simple niveau national, à l’échéance 2020-2025.

Ils considèrent, en effet, qu’il serait difficile de changer radicalement en quelques années la structure de leur système énergétique. Jusqu’à présent, le Président Bush s’est contenté d’assigner un objectif de stabilisation des GES à l’horizon 2025, dans un discours prononcé le 16 avril 2008. Selon l’Agence internationale de l’énergie, si toutes les mesures étayant l’initiative de M. Bush étaient mises en œuvre, les émissions américaines de CO2 seraient néanmoins en augmentation de 23 % en 2025 par rapport au niveau de 1990.

Le rôle du charbon dans la production électrique américaine permet de comprendre l’intérêt porté par ce pays à la technologie du captage et du stockage du carbone (CSC). Pourtant, comme en Europe, la question du financement du CSC est encore loin d’être réglée : l’industrie souhaite que des financements publics soient utilisés pour ne pas pénaliser les entreprises novatrices ; les autorités publiques, après avoir envisagé un projet important à Mattoon dans l’Illinois, sont revenues sur leur décision.

B. Une échéance prématurée pour la nouvelle Administration

Les contraintes structurelles des Etats-Unis sont aggravées par un facteur conjoncturel.

Du fait des récentes élections présidentielles, la nouvelle Administration Obama ne sera en place que fin janvier 2009. Il lui restera donc peu de temps pour s’impliquer dans les négociations internationales sur le changement climatique, surtout si l’on rappelle que les dispositions de la Convention-cadre des Nations unies et du protocole de Kyoto prévoient que six mois avant d’être adoptée, toute modification des traités doit avoir été mise en forme juridiquement et communiquée officiellement à chaque pays. La conclusion d’un nouvel accord à Copenhague en décembre 2009 s’accompagne donc d’une première échéance dès juin prochain. Néanmoins, des arrangements politiques peuvent assouplir cette règle juridique : six mois avant la conclusion du protocole de Kyoto, seul un texte « consolidé » des différentes propositions en présence avait été communiqué.

On peut pourtant être inquiet car chacun s’accorde à penser que le nouveau Président aura bien d’autres priorités que la question du changement climatique. C’est d’ailleurs ce qu’ont indiqué aux rapporteurs deux des conseillers du candidat Barack Obama, alors même que la crise financière n’avait pas encore atteint la dimension que nous connaissons en ce moment.

Durant la campagne électorale, la question énergétique a principalement été évoquée dans ces aspects « prix » et « sécurité ». Le franchissement du seuil des 4 $ le gallon d’essence au printemps 2008 a constitué un traumatisme pour la population américaine et il était difficile, pour les candidats, d’évoquer des mesures susceptibles de réduire les émissions de GES mais renchérissant le coût de l’énergie. Aucun des deux n’a d’ailleurs prononcé le mot « climat » lors des conventions d’investiture. On doit simplement observer que chacun d’entre eux avait indiqué son intention d’introduire un marché national contraignant d’échange de permis d’émission et que Barack Obama préconisait, de les vendre intégralement aux enchères (alors que John McCain penchait pour une distribution gratuite, au moins partiellement).

Il convient désormais d’attendre les actions concrètes du nouveau Président, en rappelant qu’il était sénateur d’un Etat charbonnier, l’Illinois.

C. Un Congrès toujours réticent par rapport aux engagements internationaux

Le Président américain ne sera pas le seul acteur permettant de réintégrer les Etats-Unis dans les négociations climatiques. Dans ce pays, les accords internationaux ont souvent eu du mal à franchir l’étape du vote au Congrès. Sans remonter au refus du Sénat de voter l’adhésion à la Société des Nations, on peut rappeler que les Présidents Clinton et Bush ont renoncé à soumettre le protocole de Kyoto au Sénat, sachant qu’il serait repoussé.

Or les rapporteurs doutent que le Congrès soit disposé à accepter un engagement international contraignant visant à réduire les émissions de GES.

1) Un débat détaché des appartenances partisanes

La sensibilité de la population américaine à ce problème est probablement moindre que celle des Européens, ce qui n’incite guère les élus à aller de l’avant. Selon des sondages cités par le Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008 du PNUD, 40 % des Américains estiment que l’activité humaine est responsable du réchauffement planétaire, mais ils sont 21 % à penser que le réchauffement est dû à des mécanismes naturels et 20 % à considérer qu’il n’existe aucune preuve du réchauffement de la planète.

Cette faible perception de la gravité du problème peut également être constatée chez certains élus. Joe Barton, Représentant du Texas et leader de la minorité républicaine à la commission de l’Energie, a précisé aux rapporteurs que, selon lui, le CO2 n’expliquait en rien la hausse de la température moyenne du globe et que les études du GIEC étaient surtout destinées à procurer des crédits de recherche supplémentaires à leurs auteurs. Il les a également invités à se réfugier dans son ranch dans le cas où Paris viendrait à être noyée sous les eaux…

Ces déclarations ne traduisent certainement pas la position majoritaire des élus au Congrès. Ils sont globalement d’accord pour admettre que les GES devront être réduits à l’avenir, mais les modalités, les objectifs et le calendrier de ces efforts à entreprendre sont encore loin de faire consensus. Ces divergences ne coïncident d’ailleurs pas obligatoirement avec les appartenances partisanes : beaucoup d’élus démocrates représentent des circonscriptions fortement industrielles ou charbonnières et conserveront la tentation de donner la priorité à la technologie et au long terme, plutôt qu’à des mesures contraignantes à court terme ; à l’inverse, le sénateur républicain John McCain avait coparrainé en 2003 la première proposition législative du Sénat prévoyant des réductions contraignantes des GES.

La difficulté à rassembler une majorité sur une proposition contraignante est clairement apparue en juin 2008 lors de l’examen de la proposition Boxer-Libermann-Warner (Climate security act), qui proposait la création d’un marché de permis pour réduire les émissions américaines d’environ 19 % par rapport à 2005 en 2020 (ce qui correspondrait à un niveau équivalent aux émissions de 1990) et de 71 % à l’horizon 2050. Ce texte a été le premier à franchir le barrage de la commission de l’Environnement et des travaux publics mais, en plénière, le chef de la majorité démocrate a dû retirer le texte faute d’avoir pu réunir les 60 voix nécessaires pour surmonter une procédure d’obstruction (les Républicains avaient fait lire pendant plus de 9 heures, les 492 pages de la proposition). On observe que 6 Républicains avaient voté pour la poursuite de la discussion et que 4 sénateurs démocrates ont joint leur voix à celle des opposants.

Selon un conseiller de la Présidente de la commission de l’Environnement du Sénat, un texte pourrait de nouveau être soumis aux voix au printemps 2009 si le nouveau Président américain en faisait une priorité. Mais un collaborateur du Président de la commission de l’Energie et des ressources naturelles doutait de la possibilité pour les Etats-Unis de se doter d’une loi nationale avant la conférence de Copenhague de décembre 2008.

2) La perception d’une menace pour la sécurité du pays

Les difficultés rencontrées pour l’adoption d’une législation nationale seront encore plus grandes pour la ratification d’un accord international.

En 1997, le Sénat a approuvé à l’unanimité la résolution Byrd-Hagel pour encadrer les engagements susceptibles d’être pris à l’avenir par les négociateurs américains sans accord préalable du Sénat. Ce texte proclamait que le Sénat ne ratifierait pas un accord comportant, d’une part, des engagements d’émissions pour les pays industrialisés sans dispositions semblables pour les pays en développement ou, d’autre part, des mesures entraînant un grave préjudice pour l’économie américaine.

Cette résolution résume les réserves du Sénat face à tout engagement visant à imposer un système de contrôle multilatéral de la politique américaine. Un tel accord est souvent perçu comme une atteinte inacceptable à la souveraineté nationale. La question énergétique est particulièrement sensible car considérée comme un élément fondamental de la sécurité du pays.

Cette position pourrait ne pas être contradictoire avec l’adoption d’engagements ambitieux sur le plan domestique.

D. Une priorité accordée à l’action nationale

Le refus de s’appliquer une contrainte internationale n’empêche pas les Etats-Unis de s’engager dans la voie d’une réduction de leurs émissions de GES, sans se fixer pour le moment des ambitions correspondant aux efforts considérés comme nécessaires par le GIEC.

Ces actions prennent la forme d’initiatives fédérales, mais aussi locales ou privées. Elles se traduisent surtout dans une politique de soutien à la recherche et à l’innovation.

1) De nombreuses initiatives publiques et privées

En 2001, alors même qu’il renonçait à demander la ratification du protocole de Kyoto, le Président George W. Bush a lancé un programme volontaire basé sur des « objectifs d’intensité » en GES(36), visant à réduire de 18 % entre 2002 et 2012 l’intensité en GES de l’économie américaine par des engagements volontaires du secteur industriel.

Lesdits objectifs étaient, en réalité, assez peu ambitieux et accompagnaient une amélioration de l’intensité en GES déjà observée depuis plusieurs années et qui s’est effectivement poursuivie depuis l’annonce présidentielle.

Cette amélioration a, pour une bonne part, résulté d’initiatives lancées par des organismes fédéraux comme, par exemple, le programme d’étiquetage Energy star(37), associant depuis 1992 les fabricants, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement et le Département de l’énergie. De même, le programme de lutte contre les émissions de méthane, développé par le Département de l’agriculture, a obtenu des résultats significatifs.

En décembre 2007 une nouvelle loi sur l’énergie, Energy and security Act, a été promulguée. Elle introduit notamment de nouvelles normes d’efficacité énergétique pour les voitures et l’électroménager et elle vise à promouvoir les biocarburants.

Des initiatives privées, regroupant des entreprises volontaires, se proposent de poser les bases de marchés américains de limitation des GES.

Ainsi, le Chicago climate exchange (CCX), instauré en 2003, compte plus de 400 membres émettant environ 5 % des GES américains. Depuis mars 2007, le Climate registry (TCR) se propose de standardiser la méthodologie de mesure et de vérification des émissions de GES pour servir aux futurs programmes de réduction.

Par ailleurs, plusieurs municipalités et Etats américains mettent en œuvre des politiques destinées à réduire les émissions de GES sur leurs territoires, avec des ambitions très différentes.

39 Etats ont publié ou sont en train de préparer des « plans d’action climat » et 20 Etats ont déjà annoncé des objectifs de réduction des GES.

En septembre 2006, la Californie – qui constitue la huitième économie mondiale et le quinzième plus gros émetteur de GES – a promulgué la première loi aux Etats-Unis tendant à contraindre à des réductions de GES (le California assemby Bill 32 ou AB 32).

Depuis, plusieurs Etats (23 en tant que participants et 9 en tant qu’observateurs) ont signé des accords régionaux, par lesquels ils acceptent d’être partenaires (avec des collectivités canadiennes et mexicaines) pour atteindre des objectifs communs de réduction dans le cadre de systèmes d’échanges de permis. Ils sont regroupés dans la Regional greenhouse gas initiative (RGGI) pour les Etats du Nord-Est, la Western climate Initiative (WCI) avec laquelle coopère la Californie et le Midwest regional greenhouse gas reduction accord. La carte de la page suivante illustre la large diffusion des initiatives des Etats.

Initié en novembre 2007 à Lisbonne, le réseau International carbon action partneship (ICAP) permet aux Européens de dialoguer avec les responsables de ces initiatives.

Ces programmes en sont encore au stade préparatoire. Lors de son audition, le professeur Denny Ellerman a exprimé une certaine défiance à leur égard, constatant que la première vente aux enchères de quotas dans le cadre du RGGI, le 25 septembre 2008, s’est conclue par un prix de 3,07 $ la tonne (environ 2,40 €, soit dix fois moins que le prix actuel dans le cadre de l’ETS européen). Il craint également que ces initiatives régionales ne constituent des obstacles à l’émergence future d’un système fédéral.

Initiatives des différents Etats en rapport
avec le changement climatique

Source : Pew Center on Global Climate Change, juin 2008.

2) Une loi nationale avant un accord international

La plupart des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs aux Etats-Unis ont fait part de leur volonté de voir adopter une loi fédérale, avant d’envisager la signature d’un accord international contraignant. Dès lors, il est certain que cette loi nationale serait présentée comme un modèle que le reste du monde serait invité à imiter.

Comme cela a déjà été précisé, le contexte politique exclut l’adoption d’une telle législation avant fin 2009. A supposer que les membres du Congrès acceptent de s’engager dans cette voie, une législation ne pourrait pas voir le jour avant fin 2010 probablement.

Les discussions seront d’autant plus compliquées qu’il subsiste encore un débat sur le mécanisme le plus apte à autoriser une réduction des émissions.

Même si les Etats-Unis ont été les premiers à mettre en œuvre, dans les années 1990, un système d’échange de permis d’émissions pour limiter les émissions de SO2 (dioxyde de soufre) responsables des pluies acides, il n’y a pas encore un consensus pour privilégier un tel dispositif contre les émissions de CO2. Ses opposants ont profité des débuts chaotiques de l’ETS européen pour répandre l’idée que le mécanisme avait échoué, se gardant de donner de la publicité aux progrès enregistrés dans la seconde phase. Un représentant du Département d’Etat rencontré par les rapporteurs a déclaré que les réunions MEM des principaux pays émetteurs de GES devraient rechercher des approches alternatives au cap and trade développé dans le cadre du protocole de Kyoto, évoquant l’approche sectorielle ou encore la recherche technologique.

3) Un soutien à la recherche

La présentation du Climate change science and technology program a permis aux rapporteurs de prendre la mesure des moyens déployés pour mieux comprendre les conséquences du changement climatique (2 milliards de dollars par an) et pour développer une approche stratégique en matière de choix technologiques (3 milliards de dollars).

Par ailleurs, un état raisonné des moyens fédéraux alloués chaque année au développement des technologies innovantes fait mention d’un montant de 36 milliards de dollars. Les rapporteurs ont, à cet égard, pu rencontrer des chercheurs développant des applications de la supraconductivité pour réduire les pertes d’énergie sur le réseau électrique ou bien encore étudiant les perspectives offertes par les nanotechnologies dans l’exploitation pétrolière ou les éoliennes.

Alors que le Japon ou l’Allemagne tentent de développer des stratégies de niches, les responsables américains tiennent à préserver une présence dans toutes les technologies. Les universitaires du Baker Institute de Houston ont néanmoins regretté une réduction des crédits, dans la recherche sur l’énergie solaire particulièrement.

II. LE JAPON PROMOTEUR DE L’APPROCHE SECTORIELLE

Le Japon constitue un symbole de la lutte contre le changement climatique, dans la mesure où le protocole de Kyoto a été signé sur son territoire. Il s’agit aussi d’un négociateur ayant un rôle majeur à jouer dans l’année à venir, compte tenu de son influence potentielle sur les grands émergents de la zone asiatique (Chine et Inde, en particulier) et de sa volonté de promouvoir une approche sectorielle, alternative à celle retenue dans le cadre de Kyoto.

Ce pays dépend des importations pour plus de 80 % de son énergie (un peu moins de 50 % en France). La question énergétique est donc un sujet fondamental pour son avenir.

A l’issue d’une mission au Japon, en septembre 2008, les rapporteurs ont pu constater qu’il fait preuve de modération tant dans ses objectifs nationaux de réduction des émissions de GES que dans sa vision de la conduite des négociations internationales. Il développe, en revanche, des efforts soutenus dans certains secteurs de la recherche.

A. Des objectifs nationaux modestes

Produisant plus de 66 % de son électricité avec des centrales thermiques (au charbon, au gaz et, dans une moindre mesure, au pétrole), le Japon est responsable de 4,5 % des émissions mondiales de CO2. Conscient des problèmes liés au changement climatique, il a signé et ratifié le protocole de Kyoto, mais il peine à tenir ses engagements et semble réticent à s’imposer de nouvelles contraintes ambitieuses.

1) Des difficultés pour s’acquitter des engagements de Kyoto

Le Japon s’est engagé à réduire de 6 % ses émissions de GES à l’horizon 2012 par rapport à 1990. Pourtant, à ce jour, ses émissions ont, au contraire, augmenté de plus de 7 % et il prévoit que, d’ici 2010, la hausse constatée sera encore de 6 % par rapport au niveau de 1990.

Cette dérive est d’abord imputable à une raison accidentelle : après un tremblement de terre, le 16 juillet 2007, dont l’épicentre se situait à une dizaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, l’exploitant a stoppé les sept tranches de la plus grande centrale du pays. Cet arrêt, qui doit être compensé par l’utilisation de centrales thermiques, pourrait se poursuivre de longs mois encore (selon Areva Japon, deux tranches seulement pourraient être remises en activité fin 2009 et il faudrait encore patienter pour les cinq autres). Les autorités japonaises continuent, toutefois, de soutenir le développement du nucléaire. Le pays est le deuxième producteur mondial d’électricité d’origine nucléaire et le troisième en capacité installée, derrière les Etats-Unis et la France. Si cette énergie contribue pour 26 % à la production électrique, il est prévu de porter cette part à 40 % en 2030. Deux centrales sont en construction en ce moment et une dizaine d’autres sont en projet.

Le non-respect probable des engagements souscrits à Kyoto tient aussi à la frilosité de certains secteurs industriels à investir encore en vue de la réduction de leurs émissions de GES, alors qu’ils estiment avoir déjà consenti de gros efforts en matière d’efficacité énergétique. Les graphiques suivants, tirés d’une présentation faite aux rapporteurs au ministère japonais de l’Economie, du commerce et de l’industrie (METI) tendent à prouver le niveau des performances de l’industrie japonaise :

Intensité energetique des secteurs industriels

Energie nécessaire à la Energie nécessaire à la production

production d’1 kWh (2004) d’une tonne de ciment (2000)

Source : ECOFYS (Pays-Bas) Source : Battelle Memorial Institute

Energie nécessaire pour Energie nécessaire à la production

affiner du cuivre d’ 1Kl de produit pétrolier (2002)

Source : Japan Mining Industry Source : Solomon Associates

Energie nécessaire à la production Energie nécessaire à la production

d’une tonne d’acier (2003) d’une tonne de papier

Source : Japan Iron and Steel Federation Source : ANRE, UK Annual Statistics

2) Des programmes aux ambitions limitées

En avril 2005, le Japon a établi son plan national pour atteindre les objectifs du protocole de Kyoto. La disposition la plus significative demeurait néanmoins de l’ordre du symbole : chaque année désormais, entre le 1er juin et le 30 septembre, les employés de l’administration sont invités à venir au bureau sans veste, ni cravate et en chemisette, dans le cadre de la campagne Cool biz, visant à régler les climatiseurs sur la température de 28° C, dans un pays où la consommation liée à la climatisation l’été est plus élevée que celle imputable au chauffage l’hiver.

En juin dernier, l’ex-Premier ministre M. Yasuo Fukuda, a présenté des mesures susceptibles d’autoriser une évolution vers une « société à faible émission de carbone ». Il proposait d’abord au reste du monde de réduire de moitié les émissions de CO2 d’ici 2050 conformément au programme Cool Earth. Il annonçait surtout une réduction des émissions de CO2 au Japon de l’ordre de 14 % d’ici 2020, ce qui – selon lui – permettrait d’atteindre les objectifs de Kyoto en 2012 et correspondrait à une réduction similaire à celle recherchée par le paquet énergie-climat de l’Union européenne pour la période 2005-2020.

Toutefois, des organisations non gouvernementales ont estimé que l’objectif envisagé pour 2020 représentait une baisse de 4 % seulement par rapport à 1990 (si l’on ne prend pas en compte les émissions forestières). L’effort japonais ne pourrait donc pas être comparé à celui des Européens dont les émissions ont diminué de 7,7 % entre 1990 et 2006 (alors qu’elles ont subi une hausse de 7 % au Japon sur la même durée). Le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, M. Yvo de Boer, a d’ailleurs jugé que cet objectif du Japon « n’allait pas assez loin » et constituait une contre-proposition face à celle de l’Union européenne. Cette querelle sur les objectifs respectifs du Japon et de l’Union européenne est assez révélatrice d’un certain « dédain » signalé par le conseiller climat du Premier ministre, qui constate que les industriels japonais ont tendance à considérer que les projets de l’Union européenne sont assez aisés à concrétiser en raison de l’adhésion des nouveaux entrants(38).

Parmi les mesures concrètes devant contribuer à la réussite de la « vision Fukuda », le Premier ministre avait mentionné, outre une révision du système fiscal dans une optique environnementale ou la labellisation carbone des produits de consommation, la création à partir d’octobre 2008 d’un marché des droits d’émission de CO2. Ce marché ne se développera cependant que sur une base volontaire, conformément aux souhaits du patronat japonais.

Il convient de signaler que la municipalité de Tokyo promeut une politique plus dynamique que celle du Gouvernement. Elle vise une réduction des émissions de CO2 de 25 % en 2020 par rapport au niveau de 2000 grâce à un marché de quotas contraignant applicable, à compter de 2010, à environ 1 300 entreprises (usines manufacturières, immeubles de bureau, commerces, hôtels et hôpitaux).

La modestie des ambitions japonaises se traduit, enfin, dans la place accordée aux énergies renouvelables dans le mix énergétique : 3 % du bouquet énergétique primaire d’ici 2010.

Il est exact, néanmoins, que le développement de l’énergie éolienne se heurte à des régimes de vents caractérisés par une forte variabilité. De même la biomasse soulève des problèmes de rentabilité économique.

La technologie du captage et du stockage du carbone (CSC) – qui ne participe pas des énergies renouvelables – semble elle aussi difficile à mettre en œuvre à une grande échelle dans ce pays, à cause de la rareté des cavités géologiques et du risque sismique.

Ces contraintes locales ne s’opposent pas au développement d’activités de recherche pour exporter la technologie japonaise à l’international. Le groupe Mitsubishi, par exemple, s’intéresse beaucoup au CSC et considère être en avance sur son principal concurrent américain.

B. Des efforts de recherche soutenus dans le solaire et l’hydrogène

Comme l’illustre le cas du CSC, les innovations technologiques restent au cœur du modèle japonais de lutte contre les émissions de GES.

Le Japon alloue près de 3,5 % de son PIB à la recherche. Le NEDO (Organisation pour le développement des énergies nouvelles et des technologies industrielles), organisme para-public fondé en 1980 pour favoriser la recherche appliquée, consacre 50 % de son budget (1,5 à 2 milliards d’euros) au financement de travaux dans les domaines environnementaux et énergétiques. L’AIST (Institut national de la science et des technologies industrielles avancées) fait porter 25 % de ses travaux sur ces thèmes. Quant au constructeur automobile Toyota, il consacre près de 1,5 milliard de dollars par an à la recherche-développement en matière d’énergies alternatives sur les 7 milliards de dollars qu’il dédie annuellement à l’ensemble de sa R et D. Enfin, le précédent Gouvernement a annoncé un « plan pour l’innovation technologique en énergie et environnement », d’un montant total de 30 milliards de dollars sur cinq ans.

L’un des principaux points forts de la recherche japonaise est l’énergie solaire. Le Japon, qui se place au deuxième rang mondial en termes de capacité de production installée dans le photovoltaïque (après l’Allemagne), souhaite multiplier sa production d’énergie solaire par 10 d’ici à 2020, puis par 40 en 2030.

Les rapporteurs ont aussi perçu un fort volontarisme dans le domaine des véhicules propres. Le Japon tient à préserver sa place de leader mondial sur le marché des véhicules hybrides. Il s’attache également à mettre au point des véhicules à pile à combustible au sein du JHFC (Japan hydrogen and fuel cell demonstration project), qui associe tous les constructeurs du pays (même si chacun développe son propre modèle). Ce programme prévoyait, initialement, la commercialisation de 50 000 véhicules en 2010 et de 15 millions en 2030, mais ses responsables admettent que ces objectifs sont désormais irréalistes.

Du fait de son avancée technologique, le Japon est l’un des acteurs qui a le plus à gagner à l’accroissement des transferts de technologie dans le cadre des négociations internationales.

C. Un acteur mesuré dans les négociations internationales

Dans le cadre du dialogue sur le régime post-Kyoto, le Japon peut être situé à mi-chemin entre les positions américaine et européenne. Il se montre aussi actif auprès des pays en développement, notamment auprès des grands pays émergents de la zone asiatique.

1) L’approche sectorielle

Pour les autorités japonaises, les pays industrialisés, comme les pays en développement, doivent accorder la priorité à des débats moins idéologiques et ne plus se situer à « un niveau cosmique », selon l’expression de M. Mutsuyoshi Nishimura, conseiller climat du Premier ministre.

Cette approche pragmatique pourrait, selon elles, se traduire par des politiques sectorielles.

Les objectifs de limitation de GES ne seraient plus fixés a priori, comme dans le cadre de Kyoto, par un gouvernement pour l’ensemble de l’économie nationale (approche dite top-down), mais seraient établis en additionnant les potentiels de réduction de chaque secteur (industrie, transport, agriculture, bâtiment…).

Le METI a indiqué aux rapporteurs que cette méthode, dite bottom-up, serait plus commode pour définir des objectifs vérifiables et que, de plus, cela autoriserait, par exemple, d’assigner des engagements ambitieux au secteur de la production électrique en Inde, secteur qui se situe au niveau de ses concurrents des pays développés alors même que l’économie indienne dans son ensemble produit beaucoup moins de CO2 par habitant que les pays développés ou même la Chine.

C’est justement ce que les pays émergents reprochent à l’approche sectorielle. Ils y perçoivent un instrument destiné à accroître leurs propres efforts de réduction des GES après 2012. L’ambassade de Chine en France a néanmoins indiqué aux rapporteurs que ce pays n’avait pas d’avis préconçu sur ce sujet.

2) Le souci d’associer les Etats-Unis aux négociations

Aux yeux du Japon, il est absolument indispensable que les Etats-Unis soient intégrés dans le dispositif post- Kyoto.

Il prône donc une stratégie des « petits pas » susceptibles d’inciter les Américains à franchir l’étape – que le Japon sait très difficile – de l’acceptation d’un engagement contraignant international.

Cela implique, en premier lieu, une inflexion de la position européenne, dont le rôle leader est reconnu par tous, mais qui devrait, selon les Japonais, se montrer moins ambitieuse et moins dogmatique.

Cela signifie, ensuite, que la conférence de Copenhague en décembre 2009 ne devrait pas être considérée comme une étape ultime des négociations, et que celles-ci devraient pouvoir se poursuivre au moins jusqu’à mi-2010 pour donner le temps à la nouvelle Administration américaine de pouvoir y contribuer pleinement.

3) La volonté d’assumer un rôle moteur en Asie

Le ministre de l’Environnement, M. Tetsuo Saito, a déclaré aux rapporteurs que le Japon se devait d’être exemplaire pour amener les autres puissances économiques de la zone – la Chine, surtout – à accepter des engagements contraignants. Ce rôle spécifique du Japon en Asie est clairement accepté (tandis que les pressions à exercer sur les Etats-Unis nécessitent, selon lui, une alliance de l’ensemble des pays industrialisés).

Les responsables japonais estiment d’ailleurs que l’importance que la Chine attache à son image de puissance mondiale et d’acteur responsable la conduira à s’engager davantage.

III. LES SITUATIONS HÉTÉROGÈNES DES PAYS EN DÉVELOPPEMENT

Le protocole de Kyoto n’impose d’obligations contraignantes qu’à 38 pays industrialisés, mais le problème planétaire du changement climatique ne peut être combattu par les seuls pays industrialisés, même si avec 20 % seulement de la population mondiale, ils sont responsables de 46 % des émissions de CO2.

L’implication des pays en développement dans le régime post-Kyoto est indispensable. Elle devra se faire en respectant le principe des responsabilités communes mais différenciées, et aussi en s’interrogeant sur le rôle spécifique des grands pays émergents.

A. Des responsabilités communes mais différenciées

Les pays ayant bénéficié de la révolution industrielle depuis le XIXe siècle doivent bien entendu prendre dans la réduction des émissions la part correspondant à leurs responsabilités passées et à leurs capacités actuelles.

On ne peut exiger des efforts similaires entre ces pays et ceux dont les bilans carbone sont beaucoup plus faibles du fait d’une moindre industrialisation et d’un accès restreint aux services énergétiques modernes (en 2004, 1,6 milliard de personnes n’avaient pas accès à l’électricité). On estime, par exemple, qu’une réduction de 50 % des émissions de CO2 de l’Asie du Sud et de l’Afrique subsaharienne signifierait seulement 4 % des émissions mondiales en moins, alors que des réductions similaires dans les pays développés abaisseraient les émissions globales de 20 %. Les fortes variations d’émissions de CO2 à travers le monde peuvent notamment être illustrées par la carte suivante :

Emissions de CO2 dues à l’énergie, 2004 (en Gt CO2)

Source : Rapport mondial sur le développement humain 2007/2008.

Pour autant, la contribution des pays en développement est nécessaire en raison notamment de la part croissante des pays émergents dans les émissions mondiales de CO2 d’origine énergétique. Entre 2010 et 2020, la part de la Chine, en particulier, devrait connaître un fort développement, passant de 21 % à 25 %.

Source : World ressource Institute, 2008.

Le protocole de Kyoto repose déjà sur le principe des responsabilités communes mais différenciées et n’impose donc d’engagements chiffrés qu’aux pays industrialisés ou aux pays « en transition vers une économie de marché » listés dans une annexe (il s’agit des « pays de l’annexe 1 »).

Le plan d’action de Bali confirme ce principe en envisageant, pour l’atténuation des changements climatiques :

« - des engagements ou des initiatives d’atténuation appropriés au niveau national, mesurables, notifiables et vérifiables, y compris des objectifs chiffrés de limitation et de réduction des émissions, de la part de tous les pays parties développés, en veillant à ce que les efforts des uns et des autres soient comparables, compte tenu des différences existant dans la situation de chaque pays ;

des mesures d’atténuation appropriées au niveau national de la part des pays en développement parties dans le cadre d’un développement durable, soutenues et rendues possibles par des technologies, des moyens de financement et un renforcement des capacités, d’une façon mesurable, notifiable et vérifiable. ».

Le problème désormais est de s’entendre sur la portée exacte de cette différenciation.

Lors du sommet des principales économies émettrices (MEM) à Toyako, au Japon, en juillet dernier, les pays les plus industrialisés se sont mis d’accord sur une réduction d’au moins 50 % d’ici 2050 des émissions mondiales de GES. Il s’agit d’un accord à long terme mais, pour la première fois, les Etats-Unis ont souscrit à une perspective chiffrée au niveau international.

Toutefois, les pays du G5 (Afrique du Sud, Brésil, Chine, Inde et Mexique) ont jugé ce progrès insuffisant et ont demandé aux pays développés de réduire leurs émissions d’au moins 25 à 40 % en 2020, par rapport à leur niveau de 1990, et de 80 à 95 % en 2050.

A Accra, fin août 2008, les pays développés ont ouvert le débat de la différenciation pour tenter de convenir d’une grille de critères permettant de déterminer la nature des obligations de chaque pays. Cette initiative, qui ouvre la voie à une demande d’engagements de la part des pays émergents, a été vivement contestée par l’Inde.

B. Les pays émergents sont-ils encore des pays en développement ?

La Chine, l’Inde (et la Corée du Sud, qui ne figure pas non plus dans la liste des pays industrialisés en annexe du protocole de Kyoto) représentent, à elles seules, le tiers de la population mondiale. Il semble impossible de ne pas les voir participer au futur accord international. Des engagements des autres pays du G5 (Afrique du Sud, Brésil et Mexique) seraient tout aussi nécessaires.

Ces pays ont connu des taux de croissance remarquables ces dernières années et il leur appartient d’assumer leurs nouvelles responsabilités internationales.

Le cas de la Chine est particulièrement significatif puisque ce pays est devenu le premier émetteur mondial de CO2 en 2007.

La part de la Chine dans la consommation mondiale d’énergie est ainsi passée de 10,41 % en 2000 à 16,80 % en 2007.

Dans le même temps, ses capacités installées pour la production d’électricité ont été multipliées par deux (de 319 millions KW à 713 millions KW).

capacites installees pour la production electrique en Chine

(en millions KW)

Source : Ambassade de Chine.

Ces dernières années, l’augmentation annuelle a été supérieure à 90 millions de KW, ce qui confirme que les besoins énergétiques de la Chine lui imposent l’ouverture de l’équivalent d’une centrale électrique chaque semaine.

Or la production d’énergie est réalisée principalement avec du charbon (76,6 % de la production en 2007), combustible fossile dont la Chine possède de grandes réserves.

Le représentant de l’ambassade de Chine auditionné par les rapporteurs estime, cependant, que la Chine doit encore être considérée comme un pays en développement car il existe des différences considérables entre les zones urbaines et rurales de ce pays, ce qui explique que le PIB par habitant n’excède pas les 2000 $. Il ajoute qu’une forte proportion des émissions de GES (40 %) est imputable à la production de biens destinés à l’exportation.

Il est évident, par ailleurs, que l’intensité carbone de l’économie chinoise demeure très éloignée de celle d’autres grandes économies asiatiques.

intensite carbone des économies asiatiques en 2003

(Kg de CO2 émis pour 1000 dollars de PIB

exprimé en parité de pouvoir d’achat)

Source : Mission climat de la Caisse des Dépôts.

L’acceptation par les pays émergents d’engagements contraignants au niveau international n’est donc pas encore acquise. Les conclusions du sommet de Pékin, fin octobre 2008, entre les dirigeants asiatiques et européens se contentent d’évoquer, à cet égard, leur volonté de coopérer avec « détermination et urgence » pendant la conférence de Poznan.

C. Des actions nationales mises en œuvre par les pays émergents

Réticents sur le plan international, les grands émergents ont toutefois conscience des problèmes rattachés aux changements climatiques. Leurs dirigeants ont même généralement déjà mis en place des actions nationales.

Dans le cadre de son 11e plan quinquennal, le gouvernement chinois a établi une vaste série d’objectifs pour l’abaissement des émissions futures :

Intensité énergétique : les objectifs visent à réduire l’intensité énergétique de 20 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2010. Les progrès à ce jour ont été plus lents que prévu puisqu’on se situe à un quart du niveau requis ;

Entreprises de plus grande taille : en 2006, le programme des 1 000 plus grandes entreprises, a prévu d’améliorer le rendement énergétique des principales entreprises du pays par le biais de plans ;

Initiatives technologiques avancées : la Chine est désormais active dans la mise au point de technologies pouvant renforcer le rendement énergétique et préparer le terrain pour une transition anticipée vers le captage et le stockage du carbone. Cependant, malgré l’autorisation accordée pour un projet de démonstration, la mise en œuvre a été retardée par des contraintes financières et des incertitudes concernant les risques commerciaux ;

Retrait des centrales électriques et des entreprises industrielles à faible rendement : en 2005, seulement 333 des 6 911 centrales électriques fonctionnant au charbon disposaient de capacités supérieures à 300 MW. Parmi les autres centrales, beaucoup se situaient en dessous de 100 MW. Ces unités plus petites utilisent souvent des modèles obsolètes de turbine qui combinent un faible rendement et des niveaux élevés d’émission. Un plan envisage la fermeture accélérée des centrales petites et inefficaces dont la capacité est inférieure à 50 MW d’ici 2010. Des objectifs portent également sur la fermeture des centrales au rendement bas dans des domaines tels que la sidérurgie et la production de ciment et établissent des parts de réduction pour les gouvernements régionaux et provinciaux ;

Energies renouvelables : en vertu d’une loi sur les énergies renouvelables de 2005, la Chine s’est fixé pour objectif de tirer 15 % de l’énergie qu’elle consomme de sources renouvelables d’ici 2020, soit plus du double du niveau actuel. L’hydroélectricité est envisagée comme principale source, car il subsiste de fortes potentialités de développement dans ce domaine. Toutefois, des objectifs ambitieux ont été formulés pour l’énergie éolienne et la biomasse, et sont accompagnés d’incitations financières et de subventions.

développement d’énergies renouvelables en Chine

(capacités installées en millions KW)

 

2010

2020

Hydroélectricité

190

300

Eolien

5(a)

30

Solaire

0,3

1,8

(a) Ce seuil a déjà été atteint en 2007.

Source : Ambassade de Chine.

Selon l’Ambassade de Chine, ce pays investit aussi beaucoup dans les véhicules « propres » (encore faudrait-il préciser comment l’électricité rechargeant les batteries des véhicules électriques ou servant à la fabrication de l’hydrogène sera produite). Dès à présent, quatre villes de 200 000 habitants environ ont été désignées comme des villes où la circulation des véhicules à combustion sera interdite.

On peut, enfin, rappeler que la Chine devrait représenter plus de 49 % des crédits MDP d’ici 2012.

Le Mexique, l’Inde et l’Afrique du Sud ont annoncé ces derniers mois des plans climat pour limiter leurs émissions de GES. La Corée du Sud et le Brésil devraient en faire de même en 2009.

Il convient de signaler que l’Afrique du Sud (11e émetteur mondial de CO2 énergie) est le premier pays émergent à envisager officiellement des « réductions absolues » d’émissions après 2030-2035.

IV. CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE :
Quelle stratégie pour l’Europe ?

Le paquet énergie-climat ne saurait être conçu comme un instrument à vocation exclusivement communautaire.

Les négociations au sein du Conseil des ministres, du Conseil européen et du Parlement européen contribuent aussi à définir la position de l’Europe dans le cadre des conférences sur le changement climatique organisées sous l’égide des Nations unies.

En proposant le paquet énergie-climat en janvier 2008, la Commission européenne a clairement souhaité confirmer le rôle leader de l’Europe dans ces négociations internationales. La fixation d’objectifs ambitieux à l’horizon 2020 doit avoir un effet d’entraînement sur l’ensemble des parties de la prochaine conférence de Copenhague en décembre 2009.

Il reste à ce jour, une année pour parvenir à un accord sur le régime devant succéder à celui mis en place par le protocole de Kyoto pour la période 2008-2012. Les informations données précédemment sur les Etats-Unis, le Japon et les pays en développement montrent que le résultat n’est pas acquis d’avance. S’il existe manifestement une conscience universelle de la gravité du problème du réchauffement climatique, si les responsables politiques discutent désormais d’actions dont l’ordre de grandeur est du niveau des risques à combattre, l’acceptation de contraintes imposées par la communauté mondiale, ainsi que la répartition et l’échéance de ces contraintes donnent encore lieu à de nombreux débats.

Un accord satisfaisant ne pourra être trouvé à Copenhague que si l’Europe maintient ses objectifs ambitieux pour préserver son rôle de leader, actuellement reconnu par tous. Il lui faudra également nouer des alliances et l’analyse des positions des différents partenaires conduit les rapporteurs à préconiser un rapprochement avec les pays en développement.

A. Préserver le rôle exemplaire de l’Europe

Schématiquement, les négociations internationales sur le changement climatique mettent en présence trois catégories de pays :

- les pays industrialisés ayant souscrit des engagements de réduction de leurs émissions de GES en ratifiant le protocole de Kyoto (les pays « de l’annexe 1 ») ;

- les Etats-Unis, pays ayant fortement contribué aux émissions de GES au long du siècle précédent, mais qui a refusé de ratifier le protocole de Kyoto ;

- les pays en développement, qui font valoir le principe des responsabilités communes mais différenciées.

En réalité, ce jeu à trois bandes est beaucoup plus complexe.

Dans le groupe des pays industrialisés de l’annexe 1, le volontarisme de l’Union européenne est loin d’être partagé par tous.

On a déjà souligné que le Japon entendait être plus prudent pour des raisons d’ordre intérieur, mais aussi pour faciliter une implication croissante des Etats-Unis dans le processus international.

De son côté, la Russie, qui n’a ratifié le protocole de Kyoto qu’après avoir longuement marchandé avec l’Union européenne alors même que les objectifs qui lui sont assignés sont peu élevés, ne paraît pas avoir arrêté de stratégie sur le post-2012. Il faut ajouter que, lors du débat de ratification à la Douma en octobre 2004, les députés russes ont adopté une déclaration stipulant que les obligations de Kyoto ne valaient que jusqu’à 2012 et que tout engagement ultérieur serait examiné à l’aune de l’intérêt national. On peut simplement signaler que, fin octobre 2008, le Premier ministre, Vladimir Poutine, a demandé à son Gouvernement d’élaborer des mesures pour réduire l’intensité énergétique de l’économie russe(39) d’au moins 40 % à l’horizon 2020 par rapport à 2007.

L’Australie, enfin, n’a ratifié le protocole de Kyoto qu’en décembre 2007, juste avant la conférence de Bali, après s’y être longtemps refusée.

Le camp des pays en développement connaît aussi de fortes divisions.

Le groupe des G77, qui représente 130 pays du Sud, est extrêmement hétérogène, mêlant les pays les moins avancés à des pays émergents, au sujet desquels on a pu s’interroger sur leur appartenance à la catégorie des pays en développement.

Les pays émergents s’expriment d’ailleurs par l’intermédiaire du G5 (Chine, Inde, Afrique du Sud, Mexique, Brésil), mais les positions de ses membres sont loin d’être harmonisées. Leur seul point commun réside dans l’exigence d’objectifs très ambitieux de la part des pays industrialisés (réduction des émissions de GES de 25 à 40 % en 2020 et de 80 à 95 % en 2050), conditionnant leur acceptation de se soumettre à des objectifs contraignants, d’un niveau moindre, afin de préserver leur croissance.

Dans une telle configuration, le régime post-Kyoto ne pourra afficher des objectifs suffisamment ambitieux que s’il existe un leader, faisant valoir son exemplarité pour entraîner les autres parties dans les voies qu’il aura tracées.

L’adoption, du paquet énergie-climat conforterait le rôle exemplaire de l’Union européenne, à condition que les ambitions initiales de cette réglementation soient préservées, sous réserve également qu’elle offre des perspectives de coopération avec d’autres partenaires.

B. Privilégier une alliance avec les pays en développement

Deux grandes options stratégiques sont ouvertes pour l’Europe.

La première, soutenue par le Japon, consisterait à donner la priorité au retour des Etats-Unis dans le jeu de la négociation. Cette solution a notamment été préconisée aux rapporteurs par les conseillers climat de celui qui était alors le candidat Barack Obama, lors de leur mission à Washington en juillet 2008 : ils ont affirmé que c’est en obtenant des engagements plus nets des pays émergents que la nouvelle Administration américaine parviendrait à faire accepter une contrainte internationale au Congrès et, selon eux, il serait nécessaire d’identifier au préalable les convergences possibles avec l’Europe.

On perçoit aisément que, dans un tel cas de figure, l’Europe devrait modérer ses ambitions actuelles. De plus, la probabilité d’obtenir, dans une échéance raisonnable, la ratification par le Sénat d’un engagement contraignant, susceptible d’être perçu comme une atteinte à la souveraineté et à la sécurité du pays, est finalement assez faible.

La seconde option obtient donc la préférence des rapporteurs.

Elle consiste à privilégier un accord avec la majorité des Etats parties à la négociation, les pays d’Afrique et les petits Etats insulaires du Pacifique Sud.

Le Conseil Environnement du 20 octobre 2008 a déjà affirmé que l’Union européenne est résolue à mettre en place une vaste coalition pour l’avenir de la planète, unissant particulièrement l’Europe et les pays les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique.

Il serait toutefois nécessaire d’aller plus loin et de faire figurer dans le texte même du paquet énergie-climat des dispositions susceptibles d’apparaître comme un volet à usage externe, comme une main tendue vers des partenaires en attente de ce geste.

A cet égard, le meilleur signal consisterait à décider l’affectation d’une partie des enchères provenant de la vente des quotas d’émission dans le cadre de l’ETS en faveur d’actions d’adaptation et d’atténuation au changement climatique dans les pays en développement. Dans un rapport sur la communication de la Commission européenne poussant à une « Alliance mondiale contre le changement climatique », le Parlement européen a déjà proposé une telle affectation pour au moins 25 % des enchères et sa commission Environnement a même envisagé de porter ce ratio à 50 %, mais beaucoup d’Etats membres s’opposent encore à ce qu’ils conçoivent comme une atteinte à leur souveraineté nationale.

Le paquet énergie-climat, pourrait aussi être assoupli quant au plafonnement des mécanismes de flexibilité, en particulier, des mécanismes pour un développement propre (MDP) prévus pour être mis en œuvre dans les pays du Sud. Tout en ne prenant en compte que les projets du marché réglementé sous l’égide des Nations unies et en écartant ceux du marché volontaire, qui ne fournissent pas les mêmes garanties, l’Europe pourrait chercher à redéployer ces investissements sur l’Afrique.

Lors de son audition, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat en charge de l’écologie et de l’énergie, a indiqué qu’il proposerait également aux pays africains et aux Etats insulaires du Pacifique Sud de souscrire aux objectifs du paquet énergie-climat.

Une telle alliance pourrait être confortée par des actions « hors paquet », destinées à rendre opérationnel le Fonds d’adaptation du protocole de Kyoto, à une refondation du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) qui est le principal financeur multilatéral pour la protection de l’environnement, ou encore à lutter contre la déforestation (l’Union européenne œuvre déjà d’ailleurs pour la création d’un mécanisme mondial pour le carbone forestier).

On peut espérer que cela inciterait les pays émergents à s’aligner sur leurs partenaires des pays en développement et à souscrire à des objectifs de réduction de leurs émissions d’ici à 2020 (le dernier Conseil Environnement a jugé que ces pays émergents devraient collectivement les réduire de 15 % à 30 % par rapport à l’évolution attendue).

Cet espoir n’est pas chimérique. Les rapporteurs ont observé que la Chine avait accepté, pour la première fois, de signer en novembre 2007 une déclaration commune avec la France pour renforcer leur coopération dans le domaine de l’environnement et du changement climatique. Ils ont surtout noté que, lors de son audition, le responsable de l’ambassade de Chine avait précisé que son pays serait solidaire des pays en développement, ne conditionnant pas un engagement de la Chine à la position des Etats-Unis.

La conférence de Poznan, du 1er au 12 décembre 2008, réunissant les 190 parties à la Convention-cadre des Nations unies, ne sera qu’une réunion de transition. Le rendez-vous essentiel aura lieu à Copenhague dans une année. L’Europe doit y arriver dotée d’une réglementation interne exemplaire et de propositions de coopération avec les pays en développement. Si l’on peut raisonnablement douter que toutes les questions en débat seront réglées avant la fin 2009, au moins peut-on espérer qu’un cadre sera établi, permettant de finaliser les engagements respectifs au cours de l’année 2010. C’est objectivement l’intérêt de tous.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 18 novembre 2008, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Le Président Pierre Lequiller. Dans le contexte actuel de crise économique, et en ayant à l’esprit les réactions de nos partenaires tchèques, polonais et allemands, pensez-vous qu’il sera nécessaire de faire des concessions lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre prochains ?

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Il est difficile de répondre avec certitude. Le Gouvernement n’a pas été formel lors du débat en séance publique de ce matin. Des négociations sont en cours, puisque M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, sont cet après-midi même à Strasbourg.

Une chose est certaine : il faut aboutir en respectant l’objectif des « trois fois vingt », car il s’agit d’une nécessité pour donner une impulsion aux négociations au plan mondial. Si l’Europe était en retrait, cela aurait des conséquences sur les conférences de Poznan et de Copenhague. La crise économique ne doit pas être un prétexte. Le système bancaire et financier doit évoluer, mais une évolution du système d’échanges et de production est également nécessaire. Sans changement du système énergétique, nous allons au bord du gouffre.

M. Gérard Voisin. Je tiens à saluer le travail colossal des rapporteurs, qui sont devenus de véritables scientifiques. Alors que la Chine joue un rôle extrêmement important dans ce dossier, pourquoi avoir choisi de vous rendre au Japon, même si, comme vous l’avez expliqué, il peut être considéré comme la « clé de l’Asie » ? Quelle est la place des phénomènes climatiques naturels dans le réchauffement ? Alors que l’on sait bien que les véhicules purement électriques ne peuvent être une solution, pourquoi le développement des véhicules hybrides n’est-il pas plus important ? Enfin, il convient de souligner que les lobbies pétroliers sont très actifs pour freiner les engagements des Etats en matière d’énergie et de climat.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Les scientifiques et les industriels que nous avons rencontrés nous ont dit qu’il existait un marché pour les véhicules électriques mais que cela ne règlera pas tous les problèmes. Le développement de véhicules hybrides électriques rechargeables est particulièrement intéressant car ce type de véhicule est beaucoup plus rapide à recharger que les véhicules électriques purs et est bien adapté aux déplacements de courtes distances de la vie quotidienne.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Ces véhicules permettent de rouler 20 à 30 kilomètres avec de l’énergie électrique. Or beaucoup d’automobilistes ne parcourent pas plus que cette distance chaque jour.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Notre choix de nous rendre au Japon s’explique d’abord par la dimension symbolique de Kyoto. Ensuite, le Japon a un rôle important dans les négociations internationales puisqu’il est la deuxième puissance industrielle mondiale. Il est conscient qu’il doit fournir des efforts technologiques considérables car ses résultats en termes d’émission de gaz à effet de serre ne sont pas bons. Enfin, il est susceptible de ramener dans le jeu les autres pays asiatiques, notamment la Chine. Il a également une capacité d’influence sur les Etats-Unis.

Sur la réalité du réchauffement climatique, les chiffres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sont très clairs. Cet organisme rassemble des milliers de scientifiques qui ont mis en place des modélisations. Ils sont arrivés à la conclusion que si rien n’est fait d’ici 2100, la température moyenne s’élèvera de 1,4 à 6°. Au dessus de 2°, il y aura de très fortes perturbations économiques, des mouvements de population et de graves problèmes pour la biosphère. Quelques scientifiques seulement contestent cette vision. Nous avons auditionné M. Claude Allègre, qui ne conteste pas le réchauffement climatique. En revanche, il conteste la compétence des glaciologues pour mesurer ce phénomène et le rôle exclusif imputé aux émissions de CO2.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Par rapport à une période récente, la réalité du réchauffement climatique est unanimement reconnue. Puisque l’on peut mesurer la part des émissions de carbone imputable à l’activité humaine, la corrélation entre les émissions de CO2, la présence de CO2 dans l’atmosphère, son action comme gaz à effet de serre et le réchauffement climatique est faite. Tous les efforts pour limiter les dégâts seront utiles.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Le GIEC souligne que l’augmentation de la température due aux émissions de gaz à effet de serre lors du siècle passé a été de 0,74° et que d’ici 2100, elle sera de 1,4 à 6°, ce qui est bien supérieur.

Nous n’avons pas eu la possibilité de nous rendre en Chine mais nous avons rencontré le responsable de ces questions à l’ambassade de Chine à Paris grâce, d’ailleurs, à l’intervention de notre collègue M. Michel Herbillon, que je remercie à nouveau. Il nous est apparu que la Chine est aujourd’hui beaucoup plus réceptive sur ce sujet. Les différents ministères concernés ont élaboré un rapport très complet, qui nous a été communiqué. Le problème lié à la production d’électricité par le charbon est reconnu.

M. Jacques Myard. Si, de toute évidence, il importe de lutter contre les excès d’émission de carbone dont personne ne conteste aujourd’hui l’ampleur, il ne faut pas pour autant surestimer la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. L’histoire a connu de nombreuses et aléatoires périodes de changements climatiques qui ne doivent rien à la main de l’homme, comme elle a aussi connu des emballements scientifiques et médiatiques tirant des conclusions apocalyptiques hâtives à partir de preuves contestables. J’ai ainsi pu mesurer cette propension au cours de la négociation du protocole de Montréal en 1986 et 1987 au cours de laquelle certains Etats, en particulier les Etats-Unis, cherchaient à faire prévaloir une position dogmatique visant à l’interdiction pure et simple des chlorofluorocarbones (CFC). Les rapporteurs doivent rester prudents et modestes, et les Etats se garder de gestes inconsidérés, même si le développement des énergies nouvelles est bien sûr bienvenu, ne serait-ce que pour faire face au déclin programmé du pétrole.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Il est vrai que l’humanité a connu des périodes de brusque changement climatique, avec l’exemple bien connu du « petit âge glaciaire » au crépuscule du règne de Louis XIV, responsable de près d’un million et demi de morts en 1692-1693, comme nous l’a rappelé le professeur Le Roy Ladurie lorsque nous l’avons auditionné. Cependant, les recherches concordent aujourd’hui, par exemple grâce aux carottages pratiqués dans la calotte glaciaire, pour mesurer une montée très brutale des taux de CO2 depuis la révolution industrielle, qui ne laisse aucun doute sur la responsabilité humaine. Et d’ailleurs, l’exemple du protocole de Montréal est éloquent : les CFC, terriblement nocifs pour l’atmosphère, ont été progressivement mais efficacement jugulés et réduits, sans que le coût industriel soit exorbitant.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. L’originalité de notre ère est en effet sans appel. Les précédentes périodes de fluctuation climatique avaient deux caractéristiques : soit, lorsqu’elles étaient brutales, elles se concentraient sur des périodes très brèves, soit, lorsqu’elles s’étendaient au-delà d’un siècle, elles étaient très progressives, avec une augmentation des températures graduée sur des millénaires. Or, aujourd’hui, le rythme calculé est de plusieurs degrés par siècle !

M. Régis Juanico. Concernant l’objectif d’atteindre le seuil de 20 % d’énergie renouvelable en 2020, la France est-elle en retard, en particulier du côté du parc éolien et photovoltaïque ? Où en est-on dans les débats sur l’efficacité énergétique contestée de ces nouvelles sources ? La perspective posée par l’Union est-elle crédible ? S’agissant des véhicules à l’hydrogène, quel est l’état des réflexions sur le couplage de notre parc nucléaire avec un parc à hydrogène ambitieux qui pourrait être mis en place à proximité des centrales ? Enfin, y a-t-il une vraie volonté politique dans l’Union pour promouvoir la recherche sur le stockage du carbone ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Sur le stockage du carbone, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous a rappelé ce matin que l’Union européenne ambitionne de consacrer 6 milliards d’euros au financement d’une douzaine de « pilotes industriels » chargés de confronter les expériences avant d’engager, avec l’espoir d’aboutir dans une ou deux décennies, la phase industrielle. Il est vrai que les Etats-Unis font preuve d’une détermination encore supérieure, confrontés à la nécessité de rendre « propre » leur très vaste parc de centrales à charbon. Mais l’Europe peut se donner les moyens d’être à la hauteur bien qu’évidemment cette question soit moins prégnante pour un pays comme la France, dont 80 % de l’électricité procède du nucléaire. Sur les énergies renouvelables, un tableau annexé au rapport permet de mesurer les efforts que les Etats membres sont prêts à consentir. Relevons que la France part de très haut, avec en 2005 10 % d’énergie renouvelable, grâce en particulier à l’énergie hydraulique. L’effort qui lui est demandé est par conséquent très ambitieux, avec 23% en 2020. Les Etats moins bien placés, comme le Royaume-Uni (1,3 %) ou la Belgique (2,2 %) ont dans cet esprit une cible moins élevée (respectivement 15 et 13 %) mais qui représente un travail tout aussi considérable.

Trois négociations sont bien engagées : la diminution de 10 % des émissions de gaz à effet de serre des secteurs non couverts par l’ETS, l’augmentation à 20 % de la part des énergies renouvelables, ainsi que le captage et le stockage du carbone. Le point qui fait débat est la mise aux enchères des quotas d’émission dans le cadre du système d’échange (l’ETS). Aujourd’hui, 10.000 installations industrielles européennes sont déjà concernées, l’ouverture à la chimie et à l’aluminium ainsi que la mise aux enchères progressive à partir de 2013 des quotas constituent encore des points de blocage. Mais, aujourd'hui, trois points sur quatre sont réglés.

Le Président Pierre Lequiller. Je suis très heureux de ce rapport, tant sur la forme que sur le fond. Il est très important que ce débat ait lieu, comme l’ont montré ce matin en séance publique les discussions des différentes commissions concernées. Sur le fond, je suis en accord avec les rapporteurs et approuve leur proposition de résolution. Je tiens à souligner l’importance du lien entre ce sujet et la sécurité énergétique européenne, qui conduit de plus en plus de pays à se tourner vers l’énergie nucléaire. L’indépendance énergétique en Europe est un sujet majeur, attisé par les craintes suscitées par la Russie chez certains pays. Lutter contre le réchauffement permet également de résoudre la question de l’indépendance énergétique.

A la suite de ce débat et sur proposition des rapporteurs, la Commission a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (COM [2008] 16 final / n° 3771),

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 (COM [2008] 17 final / n° E 3772),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 (COM [2008] 18 final / n° E 3774),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (COM [2008] 19 final / n° E 3780),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants utilisés dans le transport routier, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE (COM [2007] 18 final / n° E 3452),

Vu le Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes (COM [2007] 140 final / n° E 3494),

Vu le Livre vert présenté par la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Adaptation au changement climatique en Europe: les possibilités d'action de l'Union européenne (COM [2007] 354 final / n° E 3573),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers. (COM(2007) 0856 final / n° E 3756),

1. soutient pleinement les objectifs ambitieux que l’Europe se fixe à l’horizon 2020, visant à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, à accroître de 20 % son efficacité énergétique et à porter à 20 % la part des énergies renouvelables. Ces objectifs correspondent effectivement à l’ampleur du défi du réchauffement climatique et confortent l’Europe dans son rôle moteur dans le cadre des négociations internationales avant l’échéance de la conférence de Copenhague de décembre 2009 ;

2. s’oppose à l’automaticité d’un passage de 20 à 30 % de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en cas de signature d’un accord international et demande que le Conseil et le Parlement européen soient préalablement consultés pour vérifier que les autres pays développés s’engagent à réaliser des réductions d’émissions comparables et que les pays émergents apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités ;

3. regrette la place secondaire accordée à l’objectif d’efficacité énergétique, alors que les potentialités des économies d’énergie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont très importantes. A cet égard, il serait opportun que les gouvernements des Etats membres s’attachent à préserver un « signal-prix » sur les tarifs énergétiques, afin de les maintenir à un niveau incitatif pour la réalisation d’investissements liés aux économies d’énergie, tout en veillant à adopter des mesures d’accompagnement en faveur des plus défavorisés ;

4. refuse une mise aux enchères progressive des quotas du secteur de la production électrique sur l’ensemble de la période 2013-2020 et serait favorable, tout au plus, à l’octroi de dérogations d’ampleur et de durée limitées, sur la base de critères précis, comme celui d’une intégration insuffisante du pays bénéficiaire dans le marché européen de l’électricité ;

5. comprend le besoin de prévisibilité des opérateurs économiques, qui impose de déterminer dès 2009 la liste des secteurs et sous-secteurs à forte intensité d’énergie susceptibles de bénéficier de mesures protectrices au cas où l’accord international n’apporterait pas de garanties suffisantes ;

6. rappelle que, dans ce cas également, un « ajustement aux frontières », visant à inclure les importateurs dans le système communautaire d’échange des quotas d’émission, doit demeurer une option ouverte et note, à cet égard, qu’un mécanisme similaire est prévu par la récente directive relative au transport aérien ;


7. approuve l’encadrement quantitatif de l’usage des biocarburants de première génération et demande un renforcement des efforts de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules à pile à combustible dans le cadre du plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET);

8. juge nécessaire de trouver dès 2009 des moyens de financement pour les projets de démonstration des technologies de captage et de stockage du carbone ;

9. encourage un renforcement du volet externe du paquet énergie-climat, afin de favoriser un rapprochement avec les pays en développement dans les négociations internationales sur le changement climatique ; suggère, à cette occasion, de prévoir l’affectation d’une partie du produit de la mise aux enchères des quotas en faveur des actions d’adaptation et d’atténuation dans ces pays ; de même, propose d’assouplir les plafonds fixés pour le recours aux mécanismes pour un développement propre (MDP), sous réserve que ne soient pris en compte que ceux réalisés dans le marché réglementé sous l’égide des Nations Unies, à l’exclusion des projets du marché volontaire.

ANNEXE :
Liste des personnes entendues par les rapporteurs

Ø Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement et de l’aménagement du territoire :

– M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

– M. Brice Lalonde, ambassadeur en charge des négociations sur le réchauffement climatique ;

– M. Raymond Cointe, préfigurateur de la direction générale des affaires européennes et internationales ;

– M. Youenn Dupuis, conseiller technique ;

– M. Paul Watkinson, chargé de la coordination des négociations internationales.

Ø Parlement européen :

– Mme Françoise Grossetête, député européen.

Ø Ambassade de Chine :

– M. Shi Qin Zhang, ministre conseiller en charge des questions scientifiques ;

– M. Qi Feng Xha.

Ø Personnalités scientifiques :

– M. Claude Allègre, ancien ministre, professeur émérite à l’université Denis Diderot ;

– M. Denis Ellerman, professeur au MIT, conseiller CO2 à la Caisse des Dépôts ;

– M. Jean-Paul Hourcade, directeur du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, co-coordinateur du groupe de rédaction des chapitres économiques au sein du GIEC ;

– M. Jean Jouzel, directeur de l’institut Pierre Simon Laplace, université de Versailles-Saint-Quentin ;

– M. Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur honoraire au Collège de France ;

– M. Hervé Le Treut, directeur du laboratoire de météorologie dynamique, Ecole polytechnique.

Ø Agence internationale de l’énergie :

– M. Cédric Philibert, division efficacité énergétique et environnement.

Ø Airbus :

– M. Christian Dumas, vice-président développement durable et écoefficacité ;

– M. Bruno de Pradel, directeur des relations internationales.

Ø Air liquide :

– M. Thierry Sueur, vice-président ;

– M. Dominique Bernal, directeur des technologies avancées ;

– M. Erwin Penfornis, chef de projet énergie hydrogène ;

– M. Eric Sebellin, directeur « greenhouse gazes manager ».

Ø Areva :

– M. Jean-Pol Poncelet, directeur du développement durable et du progrès continu ;

– M. Philippe Brunet-Debaines, responsable des relations institutionnelles.

Ø Banque mondiale :

– Mme Joëlle Chassard, manager, carbon finance unit ;

– Mme Michèle Bailly, senior counsellor, external affairs.

Ø Blue-e, entreprise prestataire de services d’éco-efficacité :

– M. Tanguy Mathon, président ;

– M. Dominique Jouvaud, directeur technique.

Ø Bureau Veritas Certification France :

– M. Romain Petit, directeur général ;

– Mme Aurélie Gilotte, responsable produits environnementaux.

Ø Centre scientifique et technique du bâtiment :

– M. Jean Carassus, directeur du département économie et sciences humaines, chef du projet « comparaison internationale bâtiment et énergie » du Prebat ;

– M. Hervé Charrue, directeur de la recherche et du développement.

Ø Comité des constructeurs français d’automobiles :

– M. Xavier Fels, président ;

– M. André Douaud, directeur technique.

Ø Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment :

– M. Jean-Marie Carton, vice-président ;

– M. Dominique Proux, chargé des relations avec les élus.

Ø Electricité de France :

– M. Claude Jeandron, directeur de l’environnement ;

– M. Michel Mathieu, directeur adjoint de la stratégie ;

– M. Cédric Lewandowski, directeur des transports et des véhicules stratégiques ;

– M. Sylvain Vitet, adjoint au directeur des transports et des véhicules stratégiques ;

– M. Bertrand Le Thiec, responsable de la communication avec les élus.

Ø Europlace :

– M. Arnaud de Bresson, délégué général ;

– M. Vincent Remay, Euronext.

Ø Fédération française des tuiles et briques :

– M. Bruno Martinet, directeur général ;

– M. François Amzulesco, président de la commission environnement.

Ø Gaz de France :

– M. Didier Sire, directeur de la stratégie ;

– Mme Florence Fouquet, chef du service des affaires européennes.

Ø Greenpeace :

– Mme Karine Gavand, chargée de la campagne climat.

Ø Institut français du pétrole :

– M. Olivier Appert, président ;

– Mme Karine Ragil, chargée des relations institutionnelles.

Ø Mission climat de la Caisse des Dépôts :

– M. Christian de Perthuis, mission climat de la Caisse des Dépôts et université Paris-Dauphine ;

– M. Benoît Leguet, chef de projet.

Ø PSA-Peugeot :

– Mme Thérèse Martinet, directeur de l’environnement automobile et du développement durable ;

– M. Hervé Pichon, chargé des relations avec le Parlement.

Ø Renault :

– M. Luc Bastard, délégué à l’environnement et vice-président du comité des constructeurs automobiles ;

– Mme Catherine Winia van Opdorp, déléguée au développement durable et à la mobilité ;

– Mme Louise d’Harcourt, déléguée aux affaires publiques.

Ø Réseau Action Climat France :

– Mme Morgane Créach ;

– Mme Diane Vandaele.

Ø Shell :

– M. Christian Balmes, président de Shell France ;

– M. Hans van der Loo, chef de liaison auprès de l’Union européenne.

Ø Total :

– M. Jean-Michel Gires, directeur du développement durable et de l’environnement ;

– M. Luc de Marliave, direction du développement durable ;

– M. Christophe Cevasco, chargé des relations avec le Parlement et les élus.

Ø Union française de l’électricité :

– M. Robert Durdilly, président.

Ø Veolia :

– M. Gérard Fries, directeur technique de Veolia Propreté ;

– M. Bernard Saint André, directeur de la stratégie de Veolia Energie ;

– Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des relations institutionnelles.

Ø WWF :

– M. Damien Demailly, chargé du programme énergie et climat.

MISSION AU JAPON

Ø M. Tetsuo Saito, ministre de l’environnement.

Ø M. Mutsuyoshi Nishimura, conseiller climat du Premier ministre.

Ø M. Sugiyama, directeur général des questions globales au ministère des affaires étrangères.

Ø AIST (National institute of advanced industrial science and technology) :

– M. Akira Ono, vice-président ;

– M. Owadano, coordinateur du pôle recherche en technologies environnementales et énergétiques.

Ø JHFC (hydrogen and fuel cell demonstration project) :

– M. Norikazu Ogino, manager, technical research division, Japan automobile research institute (JARI).

Ø NEDO (New energy and industrial technology development organisation) :

– M. Kazuaki Koizawa, directeur ;

– M. Yamazaki et Fujisaki, division de l’énergie et techniques environnementales.

Ø Entreprises françaises au Japon :

– M. Rémy Autebert, président d’AREVA Japan ;

– M. Serge Villatte, président de RHODIA Japan.

Ø Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie :

– M. Hombu, directeur général des ressources naturelles et de la politique énergétique ;

– M. Atsushi Taketani, directeur du bureau des affaires environnementales ;

– M. Tomoya Ichimura, directeur de la stratégie énergétique.

Ø Parlementaires membres de Globe Japan :

– M. Takashi Kosugi, député ;

– Mme Wakako Hironaka, sénatrice ;

– M. Shuichi Kato, sénateur ;

– M. Takeshi Maeda, sénateur ;

– M. Masaharu Nakagawa, sénateur ;

– M. Masayoshi Yoshino, député ;

– M. Masatoshi Wakabayashi, sénateur.

Ø Ville de Tokyo, direction générale de l’environnement :

– M. Akira Haseigawa, directeur de la politique environnementale ;

– M. Takeshi Aritame, directeur général ;

– M. Teruyuki Ohno, directeur de la division de l’environnement urbain.

MISSION AUX ETATS-UNIS

A Houston :

Ø Baker Institute :

– M. Wade Adams ;

– M. Joe Barnes ;

– M. Matthew E. Chen ;

– M. Kenneth B. Medlock.

Ø Chevron :

– M. Arthur Lee, HES global team, principal advisor on climate change ;

– M. Ali Mushiri, président Chevron Africa and Latin America operating company ;

– M. Fernando Paiva.

Ø Conseil National du pétrole :

– M. Rod Nelson ;

– M. Andrew Slaughter.

Ø Marathon Oil :

– M. Ahmed Chaouch, directeur.

Ø Suez :

– M. Rob Minter, Senior VP for Government Affairs ;

– M. Karim Barbir ;

– M. Sam Henry ;

– M. Michel Sirat.

Ø Total Holdings USA :

– M. Bertrand de la Noue, président.

Ø University of Houston Science Center :

– Professeur Wei Kan Chu.

A Washington :

Ø Congrès :

– M. Joe Barton, représentant du Texas, membre de la commission de l’énergie et du commerce ;

– M. Jonathan Black, conseiller principal du sénateur Bingaman, président du comité de l’énergie et des ressources naturelles du Sénat ;

– M. James R. Wrathall, conseiller principal du sénateur Barbara Boxer, présidente de la commission de l’environnement et des ressources naturelles.

Ø Département d’Etat :

– M. David Henry, energy and natural resources division ;

– M. Jeffrey Miotke.

Ø Conseillers climat de Barack Obama :

– M. Franck Loy, conseiller de la campagne de Barack Obama, ancien secrétaire d’Etat pour les affaires globales sous l’administration Clinton et négociateur de la convention climat ;

– M. Nigel Purvis, président de Climate Advisors.

Ø Climate change Science and Technology Program :

– M. David Allen ;

– Dr Robert Marlay ;

– Dr Peter Schultz.

Ø Fonds pour l’environnement mondial :

– Mme Monique Barbut, présidente.

Ø Office of International Energy and Commodity Policy, Energy, Sanctions and Commodities, Economic Affairs :

– M. Stephen J. Callogly, directeur.

1 () Le soleil rayonne de l’énergie solaire sur la Terre. A son tour, la Terre « renvoie » une partie de cette énergie dans l’espace sous forme de rayonnement infrarouge. Les gaz à effet de serre contenus dans l’atmosphère (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et ozone troposphérique) interceptent et piègent une partie des infrarouges émis. Sans leur action, les températures sur Terre seraient inférieures à
- 18 degrés.

2 () Cette courbe vient d’être actualisée par ses auteurs dans une étude publiée par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 105, n° 36, septembre 2008, qui fait mieux apparaître le « petit optimum médiéval ».

3 () Voir Frank Convery, Denny Ellerman et Christian Deperthuis, « Le marché européen du carbone en action : enseignements de la première phase – Rapport intermédiaire », Mission climat de la Caisse des Dépôts, 2008.

4 () SEC (2008) 2636, publié le 16 octobre 2008.

5 () MDP : Mécanisme pour un développement propre, concernant les investissements dans les pays en développement ;

MOC : Mise en œuvre conjointe, relatif aux investissements dans les pays de l’Est (Russie et Ukraine, essentiellement).

6 () Julia Renaut, « Issues behind competitiveness and carbon leakage », octobre 2008.

7 () COM (2006) 818 final. Voir la communication sur ce document E 3390 présentée par M. Jérôme Bignon le 6 novembre 2007 devant la Délégation pour l’Union européenne (rapport d’information n° 434).

8 () Rapportée à la seule consommation intérieure brute d’électricité, la part des renouvelables était de 13 % en 2007 dans notre pays.

9 () « The EU’s target for renewable energy : 20 % by 2020 ».

10 () COM (2005) 265 final, document E 2914. Voir le rapport d’information de M. André Schneider (n° 2839).

11 () « World energy outlook », 2006.

12 () « Evaluation of energy efficiency in EU new member countries and in the EU-25 : indicators and policies » et « Evaluation of energy efficiency in the EU-15 : indicators and policies ».

13 () Directive 2005/32/CE.

14 () Hervé Kempf, « Ecologie et énergie : une bataille perdue ? ».

15 () Voir le rapport du CSTB, « Comparaison internationale bâtiment et énergie », décembre 2007.

16 () Cité par Jean-Claude Hourcade, « La taxe-carbone : pour ne pas disqualifier une idée d’avenir », Notes et arguments, CIRED, novembre 2007.

17 () « State and trends of the carbon market 2007 ».

18 () COM (2007) 18 final, document n° E 3452.

19 () Le considérant 11 de la proposition de directive sur les spécifications de l’essence et du gazole dispose que « la Commission s’est fixée pour objectif de faire en sorte que les biocarburants représentent au moins 10 % des carburants utilisés pour les transports d’ici 2020 ».

20 () SEC (2008) 85.

21 () Note de veille n° 104, « Régulation climatique globale : quels mécanismes d’inclusion des importateurs de carbone eu Europe ? », juin 2008.

22 () L’intensivité ajustée tient compte de la structure de l’industrie (en terme de valeurs ajoutées) et des parités de pouvoir d’achat.

23 () Note d’étude n° 8 de la Mission climat de la Caisse des Dépôts, avril 2006.

24 () Pour 2007, la moyenne de l’ACEA est de 157 g/km, celle de la JAMA 159 g/km et celle de la KAMA 161 g/km.

25 () COM (2007) 856 final, document E 3756.

26 () E-Sedan (une berline) ; E-Kangoo (électrification de l’actuel modèle utilitaire) et Specific EV (pour les trajets autoroutiers).

27 () « Energie et changement climatique », Le Monde, 17 octobre 2008.

28 () Voir p. 53 du présent rapport.

29 () « Perspectives des technologies de l’énergie 2008 ».

30 () En France, compte tenu de l’importance du parc nucléaire dans la production électrique, les énergéticiens ne se répartissaient que 33 % des quotas durant la première phase.

31 () Note de veille n° 101, juin 2008.

32 () En euros 2008.

33 () Notons qu’en France, un accord de janvier 2007 entre EDF et le consortium Exeltium rassemblant les entreprises fortement consommatrices d’électricité (Alcan, Arcelor-Mittal, Arkema, Air liquide, UPM, Solvay et Rhodia) fixe les conditions de fourniture de ces sociétés, en termes de volumes et de prix, sur des durées allant de 15 à 25 ans.

34 () Pour être précis, les Etats-Unis se situaient au septième rang mondial en termes d’émissions par personne, précédés du Qatar (50,3 tonnes), du Koweit (28,6 tonnes), du Brunei (24,4 tonnes), des Emirats Arabes Unis (24,1 tonnes), du Bahrein (22,9 tonnes)… mais aussi du Luxembourg

35 () « Dures réalités. Regarder en face les dures réalités de l’énergie ».

36 () L’intensité en GES correspond aux émissions de GES divisées par la production de richesses (PIB).

37 () Dans le cadre d’un accord passé avec les Etats-Unis, la Communauté européenne participe au programme Energy star pour ce qui concerne les équipements de bureau.

38 () Sur les efforts des Etats membres par rapport au niveau de 1990, voir le tableau p. 34 du présent rapport.

39 () L’intensité énergétique russe est de très loin la plus mauvaise de tous les pays de l’annexe 1 et fournit à la Russie de très larges marges de manœuvre pour améliorer ses performances.