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N° 1655

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 mai 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique
(E 4140, E 4106, E 4107, E 4108, E 4143 et E 4222)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. André SCHNEIDER et Philippe TOURTELIER,

Députés

——

La Commission chargée des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Thierry Mariani, Pierre Moscovici, Didier Quentin, vice-présidents ; MM. Jacques Desallangre, Jean Dionis du Séjour, secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Chantal Brunel, MM. Christophe Caresche, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Daniel Garrigue, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Elisabeth Guigou, MM. Régis Juanico, Mme Marietta Karamanli, MM. Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Robert Lecou, Céleste Lett, Lionnel Luca, Noël Mamère, Jacques Myard, Christian Paul, Mmes Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : LE VOLET EXTERNE DE LA SECURITE ENERGETIQUE PASSE PAR LA DIVERSIFICATION DES SOURCES ET DES VOIES D’APPROVISIONNEMENT 11

I. LA DEPENDANCE ENERGETIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE 11

II. LA CRISE GAZIERE DE JANVIER 2009 : L’UNION EUROPEENNE, OTAGE D’UNE EPREUVE DE FORCE ENTRE LA RUSSIE ET L’UKRAINE 21

III. QUELLES LEÇONS L’UNION EUROPEENNE DOIT-ELLE TIRER DE CETTE CRISE ? 27

A. A COURT TERME : L’UNION DOIT PRENDRE PART À LA MODERNISATION DU RÉSEAU UKRAINIEN, DÉFINIR LES TERMES DE SON NOUVEAU PARTENARIAT AVEC LA RUSSIE, ET AMÉLIORER SES PROPRES MÉCANISMES DE GESTION DES CRISES D’APPROVISIONNEMENT 27

1. La relation d’interdépendance entre l’Union européenne et la Russie : « énergie contre devises » 27

2. L’Union européenne doit s’impliquer dans la rénovation du réseau de transit gazier en Ukraine 31

3. L’exercice de la solidarité au sein de l’Union européenne a buté sur des contraintes qu’il faut au plus vite mesurer et éliminer 32

a) Vers la révision de la directive de 2004 sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel 33

b) Le problème de l’inversion des flux de gaz en cas de crise 33

c) La question des stocks et de la gestion future des crises 35

(1) La Commission européenne propose une révision a minima du dispositif relatif aux stocks obligatoires de pétrole 35

(2) La question d’un éventuel dispositif similaire pour les stocks de gaz et la question de l’avenir des contrats de long terme ne sont pas tranchées 36

B. A MOYEN ET LONG TERME : L’UNION DOIT DÈS AUJOURD’HUI COMMENCER À DIVERSIFIER SES VOIES ET SOURCES D’APPROVISIONNEMENT ET œUVRER AINSI À LA CONSTRUCTION D’UNE VÉRITABLE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE EXTERNE 37

1. Diversifier les voies et sources d’approvisionnement 38

a) Des projets très lourds dont l’état d’avancement est inégal : North Stream, South Stream, Nabucco 38

b) D’autres voies d’approvisionnement en gaz sont possibles 45

2. Vers une véritable « diplomatie énergétique » européenne ? 47

DEUXIEME PARTIE : LE VOLET INTERIEUR DE LA SECURITE ENERGETIQUE PASSE PAR L’UTILISATION DE TOUTES LES RESSOURCES EN ENERGIE DONT L’UNION EUROPÉENNE DISPOSE SUR SON TERRITOIRE ET PAR UNE AMÉLIORATION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGETIQUE 51

I. ELEMENTS SUR L’ETAT D’AVANCEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR DE L’ELECTRICITÉ ET DU GAZ 55

A. VERS UN RENFORCEMENT DE LA COORDINATION 55

1. Les gestionnaires de réseau 55

2. Les régulateurs 56

B. L’ACCORD ENTRE LE CONSEIL ET LE PARLEMENT EUROPÉEN SUR LE TROISIÈME PAQUET DE LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DE L’ÉNERGIE 57

C. CONCURRENCE ET SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE 57

D. L’INDISPENSABLE DÉVELOPPEMENT DES INTERCONNEXIONS 61

II. QUELLE PLACE POUR L’ELECTRICITÉ NUCLÉAIRE EN EUROPE ? 67

A. LE DÉBAT SUR LA PLACE DU NUCLÉAIRE DANS LE « BOUQUET ÉNERGÉTIQUE » RESTE EXTRÊMEMENT SENSIBLE DANS L’UNION EUROPÉENNE, MAIS LES PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT DU NUCLÉAIRE SONT IMPORTANTES 67

B. LA COMMISSION EUROPÉENNE PROPOSE UNE DIRECTIVE ÉTABLISSANT UN CADRE COMMUNAUTAIRE POUR LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE 70

III. LES ENERGIES RENOUVELABLES DOIVENT DEVENIR UN ELEMENT CENTRAL DE L’ACTION COMMUNAUTAIRE 73

A. LES OBJECTIFS EUROPÉENS 73

B. L’ÉNERGIE ÉOLIENNE : LA COMMISSION EUROPÉENNE PRÉCONISE UN RECOURS ACCRU AUX ÉOLIENNES EN MER (OFF SHORE) 78

1. Que représente actuellement l’énergie éolienne dans l’Union européenne et quelles sont ses perspectives de développement ? 78

2. La Commission européenne recommande le déploiement à grande échelle de l’éolien en mer 81

C. L’ÉNERGIE SOLAIRE : EXPLOITER LE FORMIDABLE POTENTIEL DE L’AFRIQUE SAHARIENNE ? 85

1. L’énergie solaire dans l’Union européenne 85

2. Le projet solaire saharien 86

IV. L’EFFICACITÉ ENERGETIQUE DOIT DEVENIR UN OBJECTIF CONTRAIGNANT POUR L’UNION EUROPÉENNE 89

A. LE POTENTIEL D’ÉCONOMIES D’ÉNERGIE N’EST PAS EXPLOITÉ SUFFISAMMENT VITE POUR ESPÉRER ATTEINDRE L’OBJECTIF DE 20 % 90

B. L’AMÉLIORATION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DES BÂTIMENTS 93

C. LES PROPOSITIONS EN MATIÈRE D’ÉTIQUETAGE ÉNERGÉTIQUE DES PRODUITS 95

1. La proposition de révision de la directive sur l’étiquetage énergétique 95

2. La proposition de directive sur l’étiquetage des pneumatiques 96

TROISIEME PARTIE : QUELLES RESSOURCES PEUVENT ETRE MOBILISÉES À L’ECHELLE COMMUNAUTAIRE POUR COMPLETER LES FINANCEMENTS PRIVES ET LES FINANCEMENTS NATIONAUX ? 97

I. LA CONTRIBUTION DU BUDGET COMMUNAUTAIRE NE PEUT ÊTRE QUE LIMITÉE EN VOLUME 99

A. LES INSTRUMENTS BUDGÉTAIRES PLURIANNUELS TRADITIONNELS : LES RÉSEAUX TRANSEUROPÉENS D’ÉNERGIE (RTE-E), LES FONDS STRUCTURELS, LA POLITIQUE EUROPÉENNE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE 99

B. L’INSTRUMENT BUDGÉTAIRE EXCEPTIONNEL : LE VOLET « ÉNERGIE » DE LA CONTRIBUTION DU BUDGET COMMUNAUTAIRE AU PLAN EUROPÉEN DE RELANCE ÉCONOMIQUE 101

II. UN ACTEUR-CLÉ : LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT 105

A. L’ACTIVITÉ DE LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT (BEI) 105

B. LES PROJETS SOUTENUS PAR LA B.E.I DANS LE DOMAINE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES 107

C. LES PROJETS SOUTENUS PAR LA B.E.I DANS LE DOMAINE DE L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE 108

D. LE RÔLE DE LA B.E.I DANS LE VOLET EXTERNE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE 109

1. Les voies d’approvisionnement de l’Union européenne 109

2. L’activité de la B.E.I dans les pays tiers dans le domaine de l’énergie 110

TRAVAUX DE LA COMMISSION 113

1. Audition de M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, sur la sécurité énergétique de l'Europe, le mercredi 28 janvier 2009 113

2. Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, sur le marché intérieur de l’énergie, le mercredi 4 février 2009 125

3. Examen du rapport d’information de MM. André Schneider et Philippe Tourtelier sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique (E 4140), le mercredi 6 mai 2009 133

PROPOSITION DE RESOLUTION 137

ANNEXES 141

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 143

ANNEXE 2 : LISTE DES PRINCIPAUX DOCUMENTS ET PROJETS DE TEXTES MENTIONNÉS PAR LA « DEUXIÈME ANALYSE STRATÉGIQUE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE » 145

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’énergie se trouvait au centre de la construction européenne à l’époque des « pères fondateurs » : c’est avec le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier signé en 1951 que cette construction a commencé. Mais par la suite elle n’a plus occupé qu’une place marginale dans les débats européens, au moins jusqu’à l’Acte unique de 1986. Les premières directives opérant l’ouverture du marché intérieur de l’énergie datent de 1996 pour l’électricité et de 1998 pour le gaz.

Fort heureusement, les questions énergétiques ont désormais retrouvé une place centrale dans les travaux européens, et ce, y compris au plus haut niveau juridique (puisque le traité de Lisbonne instaure une véritable base juridique pour une politique communautaire de l’énergie de dimension renouvelée) et politique (le Conseil européen a fait de l’énergie un des principaux sujets de son agenda au cours des années récentes). L’énergie a été l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne du second semestre 2008, et est également l’une des priorités de la présidence tchèque du premier semestre 2009.

Dans l’attente de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il est possible de progresser résolument dans le cadre des instruments existants, et la Commission européenne, à la demande du Conseil européen de mars 2007, a présenté dans ce but une communication, le 13 novembre 2008, proposant un vaste « Plan d’action européen en matière de sécurité et de solidarité énergétiques ».

C’est cette « deuxième analyse stratégique de la politique énergétique » de l’Union européenne, dont le contenu a été très largement inspiré par la Présidence française de l’Union européenne au second semestre 2008, qui fait l’objet du présent rapport. Cette stratégie a été approuvée par les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Conseil européen des 19 et 20 mars 2009, et doit servir de base à un plan d’action dans le domaine de l’énergie pour l’après-2010, lequel devra être adopté par le Conseil européen du printemps 2010.

Cette communication peut apparaître au premier abord comme un vaste ensemble disparate de propositions déjà déposées, d’annonces de travaux ultérieurs et de réaffirmations d’engagements antérieurs. Elle a toutefois le mérite de regrouper en un seul document les axes d’action de l’Union européenne tendant vers un objectif unique ultime : la sécurité énergétique.

L’objectif majeur, ultime, de la politique énergétique de l’Union européenne est bien la sécurité énergétique. Selon l’analyse stratégique de la Commission européenne, atteindre cet objectif passe par la réalisation de plusieurs objectifs intermédiaires, dont chacun constitue à lui seul un défi lourd à relever : l’amélioration de l’efficacité énergétique dans l’Union européenne, qui passe notamment par les économies d’énergie ; l’achèvement du marché intérieur de l’énergie ; l’amélioration des réseaux et des interconnexions ; la sûreté nucléaire ; le développement des énergies renouvelables ; la mise en place de meilleurs dispositifs pour prévenir et résoudre les crises d’approvisionnement ; la diversification des voies d’approvisionnement et des pays tiers fournisseurs d’énergie.

La difficulté vient de ce que chacun de ces objectifs intermédiaires n’est pas seulement une condition d’obtention de la sécurité énergétique, mais est aussi un instrument pour la réalisation d’au moins un autre objectif important de l’Union européenne.

Par exemple, la question des relations avec les pays tiers dans le domaine de l’énergie ne relève pas seulement de la préoccupation de sécurité énergétique, mais plus largement de la conception du rôle de l’Union européenne dans le monde, de sa contribution au développement des pays émergents, etc. De même, le développement des énergies renouvelables et la recherche d’efficacité énergétique sont liés à la volonté de respecter les engagements que l’Union européenne a pris dans la lutte contre le changement climatique(2). Quant à l’amélioration des interconnexions à l’intérieur de l’Union européenne, elle permettra non seulement une plus grande sécurité mais aussi la concrétisation de la solidarité entre les Etats membres.

La stratégie de l’Union européenne en matière énergétique est donc complexe. La Commission européenne lui assigne, dans sa « deuxième analyse stratégique », un double horizon temporel : 2020 et 2050.

Pour la clarté du propos, on distinguera dans la suite du présent rapport les actions qui relèvent du volet « extérieur » de la sécurité énergétique et les actions qui contribuent à la sécurité énergétique à l’intérieur des frontières de l’Union européenne. Il convient toutefois de souligner que ces deux volets sont indissociables (ainsi, la libéralisation du marché gazier européen, par exemple, est un enjeu important pour les fournisseurs de l’Europe – au premier rang desquels se trouve la Russie – car elle est susceptible de modifier les liens jusque-là établis) et d’une égale importance, en particulier en ce qui concerne les questions de financement.

PREMIERE PARTIE :
LE VOLET EXTERNE DE LA SECURITE ENERGETIQUE PASSE PAR LA DIVERSIFICATION DES SOURCES ET DES VOIES D’APPROVISIONNEMENT

La crise gazière russo-ukrainienne, qui a montré l’ampleur des vulnérabilités européennes, tend à conforter les orientations politiques déjà arrêtées et les grands axes d’action préconisés par la Commission européenne dans la « deuxième analyse stratégique », mais également à en souligner l’urgence, qui était peut-être jusqu’alors sous-estimée : la nécessité d’organiser l’interdépendance avec les pays fournisseurs et de transit, le besoin de stabilité juridique, la rénovation du réseau de transit ukrainien, la diversification des sources et des routes, le renforcement de la solidarité et de la transparence.

I. LA DEPENDANCE ENERGETIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

La situation énergétique actuelle de l’Union européenne est complexe(3). La consommation totale d’énergie (sous toutes ses formes) est élevée, mais globalement stable depuis plusieurs années, sauf en ce qui concerne les transports où elle augmente. Le secteur des transports est d’ailleurs le plus gros consommateur d’énergie finale dans l’UE-27 (environ un tiers), suivi par le secteur des industries (28 %) et le secteur des bâtiments et habitations (26 %).

Le pétrole demeure la source d’énergie la plus importante du « bouquet énergétique » européen. En comparaison avec les années 1990, sa part n’a que légèrement diminué (- 1 point), à 37 %. En revanche, sur la même période, la part du gaz et celle de l’énergie nucléaire ont augmenté (respectivement de 6 points et 2 points), tandis que la part des combustibles solides (charbon, lignite) a chuté de 10 points pour ne plus représenter que 18 % du total de l’énergie consommée par l’Union européenne. La part des énergies renouvelables est encore inférieure à 10 % du total consommé, mais est en hausse.

Il faut souligner que ce « bouquet énergétique » est celui de l’Union européenne considéré dans son ensemble, ce qui dissimule des disparités considérables d’un pays à l’autre. A titre d’exemple, la part du pétrole dans la consommation nationale d’énergie s’élève à 97 % à Chypre, 55 % en Grèce et au Portugal, 42 % aux Pays-Bas, 33 % en France et 19 % en Slovaquie.

Toutefois, dans son ensemble l’Union européenne est un importateur net d’énergie, en dépit des progrès qu’elle a accomplis en termes d’intensité énergétique, car la production d’énergie totale sur le territoire de l’Union est non seulement insuffisante à couvrir ses besoins mais est en baisse. En 2006, alors que l’Union européenne a consommé au total 1 825 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole) toutes énergies confondues, elle a produit moins de 880 Mtep. Parmi les vingt-sept Etats membres, le Danemark est aujourd’hui le seul pays à être exportateur net d’énergie.

Production d’énergie primaire en 2006 dans l’Union européenne (en milliers de tep)

 

Pétrole brut (4)

Gaz naturel

Charbon et lignite

Energie nucléaire

Energie renouvelable (biomasse, hydro…)

Production totale
d’énergie primaire
(
5)

Belgique

0

0

0

12 032

1 335

13 367

Bulgarie

28

374

4 307

5 028

1 173

10 911

Rép. tchèque

269

147

23 719

6 719

2 200

33 074

Danemark

17 231

9 323

0

0

2 957

29 511

Allemagne

3 453

14 052

53 309

43 148

21 169

136 850

Estonie

0

0

3 099

0

624

3 858

Irlande

0

411

766

0

420

1 597

Grèce

95

26

8 137

0

1 793

10 050

Espagne

140

55

6 049

15 510

9 442

31 195

France

1 119

1 059

0

116 128

17 261

135 567

Italie

5 850

8 992

13

0

12 198

27 053

Chypre

0

0

0

0

50

50

Lettonie

0

0

3

0

1 839

1 842

Lituanie

184

0

15

2 232

813

3 244

Luxembourg

0

0

0

0

79

79

Hongrie

1 356

2 382

1 818

3 472

1 282

10 344

Malte

0

0

0

0

0

0

Pays-Bas

2 084

55 395

0

895

2 389

60 763

Autriche

1 004

1 564

0

0

7 019

9 587

Pologne

808

3 880

67 105

0

5 054

76 848

Portugal

0

0

0

0

4 320

4 320

Roumanie

5 091

9 558

6 480

1 453

4 831

27 413

Slovénie

0

3

1 210

1 431

771

3 415

Slovaquie

32

176

562

4 646

886

6 302

Finlande

0

0

3 224

5 909

8 654

17 787

Suède

0

0

185

17 277

14 813

32 275

Royaume-Uni

78 006

72 008

10 421

19 463

4 048

183 946

TOTAL UE-27

116 728

179 413

190 424

255 342

127 962

871 777

Source : Eurostat.

La dépendance énergétique montre le degré jusqu’auquel une économie dépend des importations pour faire face à ses besoins énergétiques. L’indicateur est le ratio entre les importations nettes et la somme de la consommation intérieure brute d’énergie et des réservoirs. Comme le montre le tableau suivant, le Royaume-Uni est passé d’une situation d’indépendance énergétique à une situation de (faible) dépendance énergétique. Le Danemark a suivi l’évolution inverse.

Dépendance énergétique

 

1997

2006

Belgique

77,0 %

77,9 %

Bulgarie

52,7 %

46,2 %

République tchèque

24,7 %

28,0 %

Danemark

17,0 %

- 36,8 %

Allemagne

60,0 %

61,3 %

Estonie

34,2 %

33,5 %

Irlande

77,3 %

90,9 %

Grèce

66,9 %

71,9 %

Espagne

72,0 %

81,4 %

France

48,8 %

51,4 %

Italie

81,0 %

86,8 %

Chypre

98,3 %

102,5 %

Lettonie

60,0 %

65,7 %

Lituanie

56,7 %

64,0 %

Luxembourg

98,4 %

98,9 %

Hongrie

52,8 %

62,5 %

Malte

100,0 %

100,0 %

Pays-Bas

26,8 %

38,0 %

Autriche

67,3 %

72,9 %

Pologne

6,5 %

19,9 %

Portugal

84,1 %

83,1 %

Roumanie

32,6 %

29,1 %

Slovénie

55,3 %

52,1 %

Slovaquie

74,3 %

64,0 %

Finlande

56,1 %

54,6 %

Suède

38,4 %

37,4 %

Royaume-Uni

- 15,4 %

21,3 %

TOTAL UE - 27

45,0 %

53,8 %

Source : Eurostat.

Evolution de la dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis des pays tiers
(prévisions de la Commission européenne basées sur les tendances actuelles,
sans changement de politique)

Légende : Total – Pétrole – Gaz naturel – Combustibles solides (charbon, lignite)

Source : Document de travail des services de la Commission européenne, « Données sur la politique énergétique de l'Union européenne » SEC (2007) 12 (10 janvier 2007).

Importations nationales nettes d’énergie primaire(6)
(en milliers de TEP)

 

Importations nettes d’énergie primaire

Importations nettes de pétrole brut et de produits pétroliers

Importations nettes de gaz naturel

 

1997

2006

1997

2006

1997

2006

Belgique

49 316

53 486

29 570

32 177

11 280

15 030

Bulgarie

10 846

9 545

4 652

5 176

3 852

2 609

Rép tchèque

10 563

12 930

8 053

9 703

7 611

7 913

Danemark

3 855

- 8 082

- 777

- 8 227

- 2 791

- 4 688

Allemagne

209 419

215 548

136 632

121 515

58 161

66 434

Estonie

1 944

1 885

1 123

1 246

624

808

Irlande

9 477

14 217

6 693

8 749

865

3 602

Grèce

19 264

24 853

18 174

21 544

129

2 721

Espagne

80 812

123 811

62 491

79 158

11 540

31 427

France

122 820

141 728

89 414

93 813

29 350

39 469

Italie

134 887

164 570

88 615

80 105

31 976

63 088

Chypre

2 132

2 971

2 112

2 928

0

0

Lettonie

2 701

3 169

1 576

1 714

1 048

1 530

Lituanie

5 064

5 481

3 232

2 791

2 002

2 480

Luxembourg

3 304

4 662

1 920

3 012

626

1 234

Hongrie

13 616

17 347

5 504

6 106

6 549

9 417

Malte

1 018

897

1 018

897

0

0

Pays-Bas

23 706

37 227

37 446

47 883

- 25 247

- 21 131

Autriche

19 357

24 864

11 238

13 739

5 129

6 541

Pologne

6 639

19 645

18 533

24 049

6 583

8 899

Portugal

18 645

21 569

14 674

13 947

99

3 662

Roumanie

14 804

11 888

7 297

4 772

4 031

4 791

Slovénie

3 599

3 838

2 741

2 628

785

896

Slovaquie

13 225

12 048

3 530

3 482

5 163

5 193

Finlande

18 678

20 946

10 464

11 570

2 907

3 876

Suède

19 817

19 797

16 651

16 059

799

882

Royaume-Uni

- 34 785

49 295

- 48 426

7 496

- 588

9 552

Source : Eurostat.

Le pétrole représente plus de la moitié des importations d’énergie de l’Union (60 %), suivi par le gaz (26 %) et les combustibles solides (charbon) (13 %). Plus de 70 % du pétrole importé par l’Union vient soit de la Russie, soit des pays de l’OPEP. En revanche, les fournisseurs extérieurs de gaz et de charbon sont plus variés.


Source :
Eurostat.

Source : Eurostat.

Les problèmes liés au pétrole seront peu abordés dans la suite du présent rapport. Même si la volatilité des prix du pétrole a particulièrement marqué l’année 2008, l’actualité récente a plutôt mis en avant, s’agissant des hydrocarbures, les problèmes d’approvisionnement en gaz. Pour autant, il ne faut pas oublier que même dans les scenarii les plus volontaristes ou les plus optimistes, le pétrole et la volatilité de son prix continueront pendant longtemps à représenter un enjeu central pour tous les pays de l’Union européenne et une source d’énergie difficile à remplacer. L’augmentation de la demande liée au plafonnement de l’offre nécessite d’élaborer dès maintenant pour l’Union européenne des scenarii de transition vers l’ « après-pétrole ».

Approvisionnement de l’Union européenne en pétrole :
le document de travail de la Commission sur les infrastructures pétrolières existantes et en projet
(SEC (2008) 2869)

En complément du Livre vert sur les réseaux d’énergie(7) présenté en même temps que la communication sur la « deuxième analyse stratégique de la politique énergétique », la Commission européenne a publié un document de travail dressant le tableau des infrastructures d’approvisionnement en pétrole de l’Union européenne.

Le pétrole sera toujours l’élément principal du mix énergétique européen en 2020 et, en raison du déclin de la production en Mer du Nord, 90% du pétrole consommé dans l’Union européenne sera importé.

L’accroissement du trafic maritime qui en résultera comporte des risques pour l’environnement et pour la sécurité d’approvisionnement. La construction de nouveaux oléoducs peut être une alternative. Actuellement, 80% du pétrole importé arrive en Europe par transport maritime. Le reste est acheminé par deux oléoducs : Druzhba, qui relie la Russie aux pays d’Europe centrale et orientale et Norpipe, qui relie les champs de pétrole norvégiens et britanniques en Mer du Nord à Teeside au Royaume-Uni. Le gouvernement russe a approuvé en mai 2007 la construction d’un oléoduc BPS2 (contournement de la Biélorussie).

A l’intérieur du territoire de l’Union européenne, il existe un important réseau d’oléoducs mais les connexions entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale sont peu développées.

La région de la mer Caspienne dispose de très importantes réserves pétrolières mais leur exploitation nécessitera la construction de nouveaux oléoducs.

La Commission européenne soutient les conclusions du Conseil des ministres de la « Communauté européenne de l’énergie » de juin 2008, qui appellent au développement d’une dimension « pétrole » de cette organisation de coopération internationale. Elle souhaite que soit examinée la possibilité d’inclure les infrastructures pétrolières dans les Réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E).

Source : Eurostat.

L’Union européenne aura encore longtemps besoin d’importer des quantités considérables de gaz naturel, car la production de gaz dans l’Union va chuter (de 40 % d’ici 2020) et même des efforts importants et fructueux en faveur des économies d’énergie et des énergies renouvelables ne suffiront pas à moyen terme à compenser cette chute. Dans le même temps, la demande mondiale de gaz va fortement augmenter, avec les besoins croissants des pays émergents.

Quel est le degré exact de dépendance de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie pour son approvisionnement en gaz naturel ? Selon l’analyse de M. Claude Mandil, lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes, « le gaz représente un quart de l’énergie primaire consommée en Europe et la Russie fournit le quart de ce quart » ; mais – et c’est « un très grand ‘mais’ » – cette proportion « est une proportion moyenne qui recouvre des situations très disparates. Certains pays, dont le nôtre, consomment très peu de gaz ; d’autres, comme les Pays-Bas et l’Italie, en consomment beaucoup. Certains pays, tels l’Espagne et le Portugal, ne dépendent pas du tout de la Russie pour leur approvisionnement en gaz ; d’autres, tels la Slovaquie, la Pologne ou les pays baltes, en dépendent entièrement. (…) pour que les données européennes moyennes soient pertinentes, il faudrait qu’existe une parfaite solidarité européenne (…) ».

Dans son rapport au Premier ministre du 21 avril 2008 (« Sécurité énergétique et Union européenne ; propositions pour la présidence française »), M. Claude Mandil a souligné à juste titre qu’ « importer de l’énergie n’est pas un problème en soi », ou du moins que l’ampleur des importations d’énergie ne constitue pas à elle seule l’« indicateur de danger » permettant de qualifier de préoccupante la situation énergétique de l’Union européenne. Les risques que court l’Europe sont de quatre sortes : le manque de souplesse ou de choix s’agissant des sources d’énergie provenant de pays tiers, la volatilité des prix de l’énergie au niveau mondial (les interlocuteurs des rapporteurs ont été nombreux à souligner que les prix de l’énergie vont tendre à l’avenir à augmenter de manière conséquente, en raison de facteurs structurels), l’insuffisance des investissements, et un manque de transparence créant un sentiment accru d’insécurité.

II. LA CRISE GAZIERE DE JANVIER 2009 :
L’UNION EUROPEENNE, OTAGE D’UNE EPREUVE DE FORCE
ENTRE LA RUSSIE ET L’UKRAINE

Après avoir coupé une première fois le gaz à l’Ukraine en janvier 2006, puis le pétrole à la Biélorussie en janvier 2007, la Russie a de nouveau eu recours à l’arme que constitue l’interruption des approvisionnements pour imposer à l’un de ses voisins son point de vue dans une négociation commerciale.

Cette crise a surpris par sa durée (près de trois semaines) et son ampleur : les Etats membres de l’Union européenne ont été sévèrement touchés et obligés de puiser dans leurs réserves stratégiques, voire, dans le cas de la Bulgarie et de la Slovaquie, de recourir à la solidarité de leurs partenaires. Comme l’a souligné M. Jean-Marie Chevalier lors de son entretien avec les rapporteurs, la crise a été exacerbée par la situation économique de la Russie et de l’Ukraine, durement affectées par la crise financière et économique mondiale.

Dans les tout premiers jours de la crise, peu d’Etats membres de l’Union européenne ont été touchés de façon significative par une baisse des approvisionnements en gaz, mais la situation a été immédiatement préoccupante pour la Bulgarie et la Roumanie, puis est devenue critique pour ces deux pays qui manquaient de solutions alternatives. La Slovaquie, qui ne disposait au 12 janvier que de stocks pour une douzaine de jours, a envisagé de redémarrer la centrale nucléaire de Jaslovske Bohunice, fermée le 31 décembre 2008 et dont la disparition constituait une condition à l’entrée de la Slovaquie dans l’Union en 2004 (la Bulgarie a également envisagé de redémarrer une centrale nucléaire).

En revanche la France a peu subi les conséquences de cette crise. Les livraisons de gaz russe, qui représentent 15 % des importations françaises de gaz en temps normal, ont certes été fortement réduites mais cette interruption n’a pas eu de conséquences sur l’approvisionnement des consommateurs français car celui-ci est plus diversifié que dans la plupart des autres pays européens. La situation a néanmoins été tendue du fait de la conjonction d’une vague de froid entraînant une hausse de consommation et de la chute des livraisons russes.

La Russie a accusé l’Ukraine de détourner le gaz destiné aux pays européens pour sa propre population. Selon l’Ukraine, la Russie aurait planifié cette crise et ses accusations à l’encontre de l’Ukraine seraient injustifiées et son attitude, condamnable. Du point de vue de l’Union européenne, les responsabilités apparaissent partagées entre Kiev et Moscou.


La crise du gaz de janvier 2009

I. Rappels sur les crises précédentes mettant en cause la Russie et l’Ukraine :

- Crise de 2006 : Le 1er janvier 2006, Gazprom coupe ses livraisons à l’Ukraine après plusieurs mois de contentieux portant sur le prix du gaz. La coupure perturbe l’approvisionnement de plusieurs pays européens, en pleine vague de froid. Gazprom accuse l’Ukraine d’avoir « prélevé illégalement » du gaz destiné à l’Europe, ce qu’elle dément. Le 4 janvier, un accord est trouvé entre Gazprom et la société ukrainienne Naftogaz.

- Crise de 2007 : Le 2 octobre 2007, Gazprom menace de réduire ses livraisons si l’Ukraine n’honore pas avant fin octobre une dette de 1,3 milliard de dollars. Intervenue au lendemain des élections législatives ukrainiennes, cette menace est interprétée par plusieurs observateurs comme une tentative d’empêcher la formation d’un gouvernement « pro-occidental » à Kiev. Le 9 octobre, un accord est trouvé entre Gazprom et l’Ukraine.

- Crise de mars 2008 : Le 4 mars 2008, Gazprom réduit de moitié ses livraisons vers l’Ukraine. Un accord, le 13 mars, aborde le problème de la dette ukrainienne pour le gaz reçu en janvier-février, le prix du gaz en 2008 et le futur schéma de livraison du gaz à l’Ukraine.

II. La crise de fin 2008 – début 2009 : déroulement

2008 :
- 2 octobre : protocole d’accord entre la Russie et l’Ukraine pour passer graduellement à des prix de marché

- 20 novembre : la Russie exige que l’Ukraine rembourse à Gazprom sa dette, évaluée à 2,4 milliards de dollars.

- 22 novembre : Gazprom menace de cesser ses livraisons à partir du 1er janvier 2009 si un accord sur un nouveau contrat n’était pas conclu.

- 4 décembre : le Premier ministre russe, M. Vladimir Poutine, menace de réduire les livraisons de gaz en cas de non-paiement par l’Ukraine ou de prélèvement illégal de gaz. Le Président ukrainien, M. Viktor Iouchtchenko, assure que son pays va payer tous ses achats de gaz russe et garantit la « sécurité » du transit vers l’Europe.

- 31 décembre : l’Ukraine doit encore 2,1 milliards de dollars à Gazprom. Le contrat d’approvisionnement de l’Ukraine en gaz russe expire sans que les deux parties ne s’entendent sur une nouvelle politique tarifaire ni sur le paiement d’arriérés que Gazprom réclame à Kiev. La Commission européenne appelle les deux parties à trouver une solution négociée au conflit.

2009 :
- 1er janvier : Gazprom arrête ses livraisons de gaz destiné à la consommation de l’Ukraine, tout en maintenant ses livraisons de transit à destination de l’Europe. Gazprom et Naftogaz assurent que les livraisons à l’Union européenne ne seront pas perturbées.

- 5 janvier : GDF Suez annonce une baisse « très importante, de plus de 70 % en France, de ses livraisons de gaz naturel russe transitant par l’Ukraine ». La Russie accuse l’Ukraine de voler du gaz destiné à l’Europe. Gazprom fait ensuite savoir qu’il réduit de 65,3 millions de mètres cubes ses livraisons à l’Europe via l’Ukraine, un volume correspondant à celui prétendument "volé" par l’Ukraine au cours des derniers jours. L’Ukraine réplique qu’il s’agit du gaz "technique" nécessaire au transit, c’est-à-dire du gaz nécessaire à la mise sous pression des gazoducs ukrainiens. La présidence tchèque de l’Union européenne recommande de traiter la crise comme un différend commercial ; une mission technique Commission/République tchèque se rend néanmoins sur place.

- 7 janvier
: l’Ukraine ferme complètement tous les gazoducs à l’export vers l’Europe qui transitent sur son territoire. A ce stade, les pays d’Europe se répartissent en trois catégories : les pays très fortement affectés, qui ont dû procéder à des coupures et mobiliser des sources d’énergie alternatives (Bulgarie, Slovaquie, Serbie, A.R.Y.M., Bosnie-Herzégovine) ; un groupe de pays également affectés mais restant en mesure de faire face à la situation (Grèce, Autriche, Pologne, République tchèque, Slovénie, Hongrie, Roumanie, Croatie) ; et des pays moins touchés (Allemagne, France, Italie), en raison d’approvisionnements provenant d’autres pays tiers et d’installations de stockage plus importantes. La topologie du réseau limite les possibilités d’envoyer du gaz vers les pays les plus affectés à l’Est de l’Europe.

- 8 janvier : des délégations russe et ukrainienne rencontrent la Commission européenne et la présidence tchèque en bilatéral, pour évoquer l’envoi d’observateurs européens accompagnés de représentants de Gazprom en Ukraine et de Naftogaz en Russie.

- 9 et 10 janvier : un compromis est négocié par la présidence tchèque de l’Union européenne et un accord est signé sur la présence d’observateurs russes, ukrainiens et européens.

- 12 janvier : un accord  est signé par des représentants ukrainiens, russes et européens, pour la reprise des livraisons de gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine.

- 13 janvier : alors que la Russie annonce avoir rouvert les vannes approvisionnant l’Europe en gaz, Gazprom annonce que l’Ukraine bloque les livraisons de gaz russe vers l’Europe. En fait, Gazprom oblige l’Ukraine à un trajet gazier compliqué, qui compromet son propre approvisionnement national en privant de gaz russe les régions du sud et de l’est du pays, où sont concentrées ses industries. Le conflit s’enlise, le gaz ne circule toujours pas vers l’Europe, car l’Ukraine a choisi de renverser le flux de ses gazoducs, acheminant du gaz des réservoirs situés à l’ouest du pays vers les régions industrielles de l’est et du sud, ce qui rend par conséquent impossible le passage du gaz dans l’autre sens, vers l’Europe.

- 19 janvier : la Russie et l’Ukraine signent un accord de dix ans reconduisant l’approvisionnement de gaz russe vers l’Ukraine et l’Europe.

- 20 janvier : les livraisons de gaz à destination de l’Europe via l’Ukraine reprennent. La Slovaquie et la Hongrie sont les premières livrées.

- 21 janvier : dans la matinée, le gaz russe arrive en France, à un niveau comparable à celui enregistré avant le 6 janvier. On peut noter qu’en France, le manque de gaz russe et l’augmentation de la consommation due au froid ont été en majeure partie compensés par le recours aux stockages.

III. Les termes de l’accord conclu les 18 et 19 janvier 2009 :


Le 18 janvier 2009, le Premier ministre russe, M. Poutine, et son homologue ukrainien, Mme Timochenko, ont conclu un accord-cadre sur le rétablissement des exportations de gaz russe vers l’Europe via l’Ukraine. Conformément à cet accord, Gazprom et Naftogaz ont signé le lendemain deux contrats distincts portant tous deux sur une période de dix ans (2009-2018).

Le premier contrat porte sur la fourniture de gaz russe à l’Ukraine. Il entérine de nouvelles modalités de calcul des prix, l’objectif étant de converger vers les prix de marché européens à partir du 1er janvier 2010. D’ici là, l’Ukraine bénéficiera d’une remise portant dans l’immédiat le prix du gaz à 360 $ / 1000 m3 (contre
179,5 $ / m3 en 2008). La formule prévoit un réajustement trimestriel de ce tarif afin de prendre en compte les évolutions du prix du marché du gaz. Le contrat porte sur l’achat de 40 Gm3 en 2009 et 52 Gm3 à partir de 2010 (contre 55 Gm3 en 2008).

Le second contrat porte sur la question du transit. En contrepartie de la réduction tarifaire accordée à l’Ukraine sur les volumes de gaz (réduction par rapport au prix payé par les clients européens), la redevance sur le transit facturée à Gazprom n’évoluera pas en 2009 par rapport à 2008 (1,7 $ pour 1000 m3 et 100 km parcourus). En revanche, en 2010, parallèlement à l’alignement complet de l’Ukraine sur le référentiel européen, Gazprom paiera près de 2,1 $ pour 1000 m3 et 100 km parcourus, ce qui est nettement supérieur au tarif négocié avant la crise (1,8 $).


Les incertitudes et les faiblesses de l’accord sont les suivantes :


Le contrat de fourniture instaure un système de paiement a posteriori du gaz naturel livré, mais en cas de défaut de paiement de Naftogaz, Gazprom dispose d’un droit contractuel de basculer vers un mécanisme de
pré-paiement intégral des livraisons. Si l’Ukraine reste dans l’incapacité de régler sa facture, Gazprom peut suspendre unilatéralement, en partie ou totalement, les ventes de gaz à l’Ukraine. Une suspension des livraisons reste donc possible.

Elle est d’autant plus à redouter que la situation économique de l’Ukraine est particulièrement dégradée, ce qui alimente les risques de défaut de paiement de la part de la société nationale Naftogaz, actuellement soumise à un très fort déséquilibre financier (Naftogaz est directement touchée par l’incapacité d’une grande partie de l’industrie ukrainienne, en crise, de payer le gaz qu’elle consomme au prix de marché ; le gaz produit en Ukraine est acheté à un tarif officiel inférieur aux coûts de production).

Par ailleurs, la question du « gaz technique » demeure un point de litige potentiel. Le nouveau contrat de transit stipule qu’il incombe à Naftogaz de fournir le gaz technique mais n’aborde pas explicitement la tarification de ces volumes. Il ressort des déclarations des autorités ukrainiennes que Naftogaz et Gazprom auraient convenu d’un tarif relativement bas pour 2009, mais qu’en sera-t-il pour 2010 et au-delà ?

Enfin, aucun règlement n’est officiellement intervenu sur la question des arriérés de paiement (environ 2 milliards de dollars que Gazprom réclamait à l’Ukraine). Il est toutefois possible que ce différend ait été résolu. D’une part, le contrat de transit prévoit un prépaiement par Gazprom de droits de transit pour un montant de 1,7 milliard de dollars, que Naftogaz doit ensuite utiliser pour racheter les 50% de la société intermédiaire RosUkrEnergo(8) détenus par Gazprombank. D’autre part, selon la presse ukrainienne, Gazprom aurait récupéré les volumes de gaz stockés en Ukraine par RosUkrEnergo, soit 11 Gm3, ce qui, au prix du « gaz technique », représenterait une valeur d’environ 1,7 milliard de dollars. Si l’ensemble de ces informations sont exactes, l’accord aurait permis de rembourser ainsi Gazprom « en nature ».

A ces risques inhérents à l’accord lui-même s’ajoutent les inquiétudes non dissimulées de la Russie vis-à-vis d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine à la Communauté européenne de l’énergie, actuellement en cours de négociation, et vis-à-vis d’un accord UE-Ukraine conclu sans participation de la Russie sur un programme de modernisation du réseau ukrainien.

Comme l’a indiqué aux rapporteurs M. Fabrizio Barbaso, directeur général adjoint de la DG « Energie » de la Commission européenne, l’Europe étant prise en otage dans le conflit commercial russo-ukrainien qui était aussi un conflit politique, le choix de l’Union européenne a été de réagir par une démarche politique, d’agir en tant que médiateur entre les deux pays. Le caractère très positif de cette coopération européenne est illustré par le fait que même des pays tiers, tels que la Croatie, ont accepté d’être représentés par l’Union européenne dans la recherche d’un accord.

La Russie a terni sérieusement sa réputation de fournisseur fiable héritée de l’URSS. Il est possible que les autorités russes aient voulu démontrer à cette occasion la capacité de la Russie à peser face à un partenaire ukrainien divisé politiquement, et l’intérêt pour les Européens de développer des routes contournant l’Ukraine. De son côté, l’Ukraine a manifestement été victime des rivalités entre le Président Iouchtchenko et le Premier ministre, Mme Timochenko. L’accord conclu fin janvier sous l’égide du Premier ministre russe et du Premier ministre ukrainien est d’ailleurs proche du projet d’accord de la fin décembre, auquel le Président ukrainien s’était opposé.

Cet accord de janvier 2009 est présenté comme le moyen de parvenir à une normalisation des relations énergétiques russo-ukrainiennes, avec la clause selon laquelle, à partir de 2010, l’Ukraine paiera son gaz aux prix du marché. Peut-on en espérer la fin des crises gazières entre les deux pays ? Il subsiste de nombreuses zones d’ombre, notamment s’agissant de l’existence de l’intermédiaire RosUkrEnergo et des tarifs du transit à partir de 2010.

La crise a révélé de nouveau l’interdépendance inévitable entre pays consommateurs (européens), de transit (Ukraine) et fournisseurs (Russie). Elle a toutefois montré également la capacité de l’Union européenne à parler d’une seule voix, malgré les tentatives de la Russie et de l’Ukraine d’impliquer bilatéralement les pays européens les plus exposés. Si les mécanismes d’échange d’information ont bien fonctionné, les dispositifs de solidarité ont rapidement trouvé leurs limites faute des infrastructures nécessaires.

La présidence tchèque de l’Union et la Commission européenne se sont attachées à favoriser les conditions d’une reprise du dialogue entre la Russie et l’Ukraine, par des contacts bilatéraux et par le déploiement à partir du 13 janvier 2009 d’observateurs européens sur les points de passage du gaz russe transitant par l’Ukraine. Ces observateurs ont constitué le moyen indispensable d’atteindre un accord car ils ont permis une plus grande transparence et ont amené les parties russes et ukrainiennes à se faire confiance. Parallèlement, un effort particulier a été fait pour préserver l’unité des Etats membres et l’unicité de leur message aux parties.

La crise gazière a mis en exergue les vulnérabilités de plusieurs Etats membres (tout particulièrement en Europe centrale et orientale) et de l’Union dans son ensemble : l’absence de « bouquet énergétique » suffisamment diversifié, la forte dépendance au gaz russe, le défaut d’interconnexions avec les pays adjacents, les capacités de stockage limitées, les contraintes techniques pour inverser les flux.

Dans le même temps, elle a vu se mettre en place des initiatives de solidarité qui ont permis d’atténuer les conséquences de la rupture d’approvisionnement. Ces initiatives ont été tantôt le fait des entreprises du secteur gazier (par exemple de GDF-Suez ou des compagnies allemandes vers la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie, et des exportations britanniques vers le continent), tantôt des décisions d’Etats membres (augmentation du soutirage de stocks, par exemple par la Hongrie au profit de la Croatie, de la Serbie et de la Bosnie). Il est incontestable que la solidarité a, à l’occasion de cette crise, commencé à devenir une réalité, mais pas de manière suffisante puisque c’était la première fois qu’elle était réellement indispensable. Ainsi que l’a fait remarquer lors de son audition M. Claude Mandil, le fait que la solidarité européenne soit loin d’être parfaite explique que chaque Etat membre cherche à assurer seul sa sécurité d’approvisionnement en gaz et que les appels à la solidarité solennellement lancés par les Conseils européens successifs soient restés largement « incantatoires ».

III. QUELLES LEÇONS L’UNION EUROPEENNE DOIT-ELLE
TIRER DE CETTE CRISE ?

Comme l’a indiqué le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, lorsque les livraisons de gaz vers l’Europe ont repris, « il est difficile de se féliciter de quelque chose qui au départ n’aurait pas dû se produire, il était tout à fait inacceptable que les consommateurs européens soient pris en otage dans ce conflit entre l’Ukraine et la Russie. (…) Toutes les parties ont des leçons à tirer de ce qui s’est passé » (conférence de presse du 20 janvier 2009).

En matière de sécurité énergétique, il n’existe certes pas de réponse unique, mais différents leviers d’action complémentaires, pour tenir compte des spécificités de chaque pays. Cependant, les Etats membres de l’Union européenne doivent impérativement agir ensemble pour remédier aux carences révélées – une nouvelle fois – par la crise. Celle-ci ne remet pas vraiment en question les axes fondamentaux de la politique de l’Union européenne ; elle en souligne plutôt la pertinence et l’urgence.

A. A court terme : l’Union doit prendre part à la modernisation du réseau ukrainien, définir les termes de son nouveau partenariat avec la Russie, et améliorer ses propres mécanismes de gestion des crises d’approvisionnement

1. La relation d’interdépendance entre l’Union européenne et la Russie : « énergie contre devises »

La relation de l’Union européenne avec la Russie dans le domaine énergétique est une relation d’interdépendance très étroite. Quels que soient les griefs que l’on puisse avoir à l’égard du comportement de la Russie, il restera dans l’intérêt des Européens, dans un contexte de concurrence croissante dans l’accès à l’énergie au niveau mondial, de consolider la relation avec ce fournisseur majeur qu’est la Russie.

Il n’est pas inutile de rappeler, même en termes « simplistes », que l’Union européenne a besoin du gaz russe ; que la Russie a besoin de l’Union européenne pour l’acheter et pour l’aider à moderniser ses infrastructures ; et que l’intérêt de l’Union européenne est que la Russie vende son gaz à l’Europe plutôt qu’à la Chine. Au cours de son entretien avec les rapporteurs, la rapporteure du Parlement européen sur la « deuxième analyse stratégique », Mme Anne Laperrouze (ADLE, France), a souligné l’existence de ce risque que la Russie choisisse à plus ou moins brève échéance de réorienter ses exportations de gaz vers la Chine. Les travaux de Mme Catherine Locatelli, chargée de recherche au CNRS, également entendue par les rapporteurs, en font aussi état.

La Russie détient 38 % des réserves gazières mondiales et est le premier producteur mondial de gaz (653 Gm3 en 2007). Les exportations gazières russes à destination de l’Europe se sont chiffrées en 2006 à 166,4 Gm3 (dont 142 Gm3 pour l’UE-27, avec 34,4 Gm3 pour l’Allemagne, 22,1 Gm3 pour l’Italie et 10 Gm3 pour la France), soit plus de 60 % des exportations gazières totales de la Russie.

Au total les importations russes représentaient en 2006, 23 % de l’approvisionnement gazier de l’UE-27. Toutefois, pris individuellement les pays de l’Union européenne n’importent pas les mêmes quantités de gaz russe. Les pays baltes, la Bulgarie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne et la République tchèque sont dans une situation de dépendance très forte, avec près de 90 % de leurs importations de gaz provenant de Russie. A l’inverse, l’Espagne ou le Portugal n’importent pas de gaz russe.

Avec une production de 556 Gm3 en 2006, Gazprom (holding détenue à 51 % par l’Etat russe) assure 85 % de la production gazière de la Russie et détient 61 % des réserves prouvées du pays ; de plus Gazprom a le monopole du transport et des exportations de gaz naturel de la Russie. Le reste de la production gazière russe est le fait des compagnies pétrolières russes (58 Gm3 de gaz) et de producteurs gaziers indépendants (47 Gm3).

Les relations gazières, forgées sous l’Union soviétique, ont pour l’essentiel été structurées par la signature de contrats de long terme, contrats qui d’une part lient le producteur gazier avec chacun des grands monopoles d’importation des Etats de l’Union européenne, et d’autre part permettent d’organiser le partage des risques (volume et prix) entre l’acheteur et le vendeur.

Principaux contrats de long terme entre Gazprom
et les opérateurs gaziers européens entre 2005 et 2007

Pays et année de signature

Société

Durée du contrat

Quantités

Prolongation ou nouveau contrat

Remarques

Allemagne (2006)

E.ON Ruhrgas

2011-2036

100 Gm3

Nouveau

Par le Nord Stream

Allemagne (2006)

E.ON Ruhrgas

2020-2035 ?

300 Gm3

Prolongation

 

Allemagne (2005)

E.ON Ruhrgas

2009-2020

 

Prolongation

 

Allemagne (2006)

WIEH

2014-2031

90 Gm3

Prolongation

 

Autriche (2006)

OMV

2012-2027

7,5 Gm3 / an

Prolongation

25 % commercialisé par deux sociétés contrôlées respectivement à 50 % et 100% par des intérêts russes

Bulgarie

(2006)

Bulgargaz

2011-2030

3 Gm3 / an

Nouveau

 

Danemark (2006)

Dong

2011-2030

1 Gm3 / an

Nouveau

Par le Nord Stream

Italie (2006)

ENI

2017-2035

22 Gm3 / an

Prolongation

 

France
(2006)

GDF

2017-2030

12 Gm3 / an

Prolongation

A partir de 2010 viendra s’ajouter un volume complémentaire de 2,5 Gm3/an (par le Nord Stream)

République tchèque (2006)

RWE
Transgaz

2014-2035

9 Gm3 / an

Prolongation

 

République tchèque (2007)

Vemex

2008-2012

0,55 Gm3 / an

Nouveau

Possibilité d’extension sur 5ans ; Vemex est détenue à 33% par Gazprom

Roumanie (2005)

WIEH

2013-2030

Prolongation

   

Source : Travaux cités par Mme Catherine Locatelli dans « Les stratégies d’exportation de Gazprom sous la contrainte institutionnelle du marché gazier russe », Cahier de recherche n° 6 du LEPII, février 2008.

La dépendance de la Russie à ses exportations vers l’Europe est importante : ces exportations, comme le souligne Mme Catherine Locatelli, « sont à l’origine de la rentabilité de la société gazière [Gazprom] », car « en raison des régulations en vigueur, les prix intérieurs s’établissent à un niveau très inférieur à celui du marché européen » : en 2006, les prix de gros aux consommateurs industriels régulés, sur le marché russe, s’élevaient en moyenne à 44 dollars pour 1 000 m3 et étaient encore plus faibles pour le secteur résidentiel, tandis que le prix à l’export sur le marché européen s’établissait la même année à une moyenne de 240 dollars pour 1 000 m3. En 2005, les recettes liées au pétrole et au gaz ont représenté 35 % des recettes publiques en Russie (50 % des recettes du budget fédéral).

Depuis de nombreuses années, la balance commerciale UE-Russie est largement excédentaire au bénéfice de la Russie : de 1999 à 2007, selon Eurostat, le déficit cumulé de la balance commerciale de l’Union européenne avec la Russie atteint 375,4 milliards d’euros, et l’essentiel des importations communautaires en provenance de Russie sont constituées de pétrole et de gaz. La Russie s’est montrée un fournisseur fiable pendant très longtemps (elle est notamment un fournisseur de gaz pour GDF de manière ininterrompue depuis 1975).

Gazprom développe actuellement une stratégie de diversification des exportations vers l’Asie, voire même les Etats-Unis. Les projets consistent à développer une filiale GNL et des gazoducs sur longue distance pour approvisionner la Chine, la Corée, voire le Japon. Mais il s’agit de stratégies à long terme. Alors pourquoi la Russie a-t-elle pris le risque d’interrompre l’approvisionnement de l’Union européenne en gaz ? Tout d’abord pour peser sur la situation politique et économique en Ukraine, peut-être également pour porter atteinte à la crédibilité de l’Ukraine comme interlocuteur de l’Union européenne, et enfin pour valoriser les projets de gazoduc de contournement préconisés par la Russie (Nord Stream et South Stream) contre le projet de gazoduc Nabucco. Malgré les pertes financières considérables que la rupture de l’approvisionnement a entraînées pour Gazprom comme pour les recettes du budget fédéral russe (un manque à gagner d’environ 2 milliards de dollars pour Gazprom et environ 700 millions de dollars de taxes non perçues par l’Etat), la Russie n’a pas hésité à recourir à ce moyen extrême.

Force est de constater que si une nouvelle crise gazière a lieu l’hiver prochain, l’Union européenne ne dispose actuellement pas des instruments pour s’en prémunir, et qu’en l’espace de quelques mois le nombre de mesures qu’elle peut prendre est limité : installer des pompes permettant l’inversion de flux au bénéfice des pays les plus vulnérables, préparer des plans régionaux d’urgence permettant d’automatiser les mécanismes de solidarité entre pays, et maintenir la présence d’observateurs en Ukraine et en Russie.

Ces mesures de très court terme sont indispensables. Les rapporteurs appellent les autorités nationales et communautaires à les mettre en œuvre sans le moindre délai.

Il convient d’insister sur le fait que, malgré l’accord passé à la fin du mois de janvier entre la Russie et l’Ukraine, une nouvelle crise reste possible. Cette perspective reste inquiétante pour l’ensemble de l’Union européenne.

L’Europe va dépendre encore un certain temps dans une assez large mesure des importations d’énergie russe. Toutefois, un choix politique fondamental et clair doit être opéré à vingt-sept sur la nature de la relation entre l’Union européenne et la Russie. Si la France, l’Allemagne et les autres « grands » pays de l’Union européenne choisissent individuellement de manifester leur pleine confiance vis-à-vis de la Russie, dans le souci de ménager ce partenaire essentiel, on peut craindre que les pays d’Europe centrale et orientale n’exigent alors une réouverture du paquet énergie-climat et une remise en question des accords de fermeture des centrales nucléaires datant de l’époque communiste.

Certains soutiennent l’idée de la création d’un consortium international pour la gestion du système de transit du gaz en Ukraine, consortium tripartite réunissant l’Ukraine, l’Union européenne et la Russie, qui serait co-géré par les trois parties pour satisfaire à la fois les partisans d’un rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine et les partisans d’un rapprochement avec la Russie(9). Cette idée est cependant loin de recueillir un large soutien à ce jour, même si le Parlement européen semble s’en faire l’écho en appelant, dans sa résolution du
3 février 2009 sur la deuxième analyse stratégique, « à la conclusion d’un accord tripartite entre l’Union, la Russie et l’Ukraine sur le transit du gaz ».

Les négociations en cours entre l’Union européenne et la Russie sur un nouvel accord de partenariat sont difficiles, notamment en ce qui concerne le volet énergétique. La commission chargée des affaires européennes y consacrera des travaux ultérieurs.

Se pose également le problème de l’avenir des relations entre la Russie et l’Ukraine. L’Union européenne se trouve-t-elle, à cet égard, condamnée au rôle de spectateur impuissant ? Même si l’Union européenne n’a pas à s’immiscer dans les différends commerciaux russo-ukrainiens, il est de son intérêt que la relation entre ces deux pays soit stabilisée, afin que la voie d’approvisionnement ukrainienne (80 % du gaz russe importé par l’Union européenne) soit sécurisée. L’application de dispositions juridiquement contraignantes, le respect des obligations, la transparence des contrats, la mise en place de mécanismes de règlement des différends, sont à cet égard fondamentaux.

L’Ukraine est fragilisée par la corruption et l’instabilité politique, mais l’Union européenne dispose avec elle du levier des négociations du futur accord d’association et de son adhésion à la Communauté européenne de l’énergie. La Russie apparaît, au contraire, réticente à prendre des engagements contraignants (rejet de la Charte de l’énergie, souhait d’un accord cadre minimal). Mais les difficultés économiques qu’elle traverse actuellement pourraient donner aux Européens un atout supplémentaire pour proposer un renforcement de l’intégration commerciale et juridique dans une perspective mutuellement bénéfique (adhésion de la Russie à l’OMC, mise au point d’un accord ambitieux prolongé par un volet commercial, réflexion sur un nouvel instrument succédant à la Charte de l’énergie).

Compte tenu de la situation d’interdépendance, qui ne caractérise pas seulement les relations UE-Russie mais les relations de l’Union européenne avec chacun de ses fournisseurs (pays de l’OPEP, Algérie…), et aussi, dans une certaine mesure, avec les pays de transit, il est par ailleurs crucial pour l’Union européenne de prendre l’initiative de proposer à ses partenaires extérieurs des investissements financés en commun.

2. L’Union européenne doit s’impliquer dans la rénovation du réseau de transit gazier en Ukraine

L’Ukraine est particulièrement frappée par la crise économique et financière mondiale, et a d’ailleurs été l’un des premiers pays à devoir faire appel à un soutien important du FMI. Afin d’attirer les investissements internationaux dans la modernisation de son réseau de transport du gaz, l’Ukraine s’est engagée à procéder à une profonde réforme de son secteur gazier avant fin 2011.

Lors de la Conférence du 23 mars 2009 sur la modernisation du réseau de transit gazier ukrainien, les institutions de l’Union européenne (Commission européenne et Banque européenne d’investissement), ainsi que la BERD et la Banque mondiale, ont pris l’engagement de contribuer à cette modernisation sous condition de mise en œuvre par l’Ukraine d’un plan de réformes structurelles du secteur. En signant un contrat de coopération avec l’Union européenne et les trois grandes banques d’investissement présentes à cette Conférence (la BEI, la BERD et la Banque mondiale), l’Ukraine s’est engagée à garantir un transport « sûr, transparent et prévisible » du gaz vers l’Union, notamment en créant une instance indépendante pour gérer le système de transport du gaz, financée par les revenus du système et chargée d’instaurer des tarifs transparents, objectifs et non discriminatoires.

Le programme d’investissements correspondant vise à remplacer les installations vétustes (la majeure partie du réseau date des années 1960), à introduire un système de mesure de haute précision, et à moderniser les installations souterraines de stockage. Les investissements nécessaires pour
2009-2015 sont estimés à 2,5 milliards d’euros.

Il est à noter que le montant de ces investissements est inférieur à celui de chacun des différents projets de construction de nouveaux gazoducs contournant l’Ukraine, projets que la Russie soutient activement.

Les autorités russes ont réagi de manière très vive à l’annonce de l’accord de coopération UE-Ukraine du 23 mars, accusant l’Union européenne de vouloir tenir la Russie à l’écart de ce projet de coopération alors que la Russie en est nécessairement partie prenante en tant que fournisseur du gaz qui transite par l’Ukraine. Cette Conférence a sans doute constitué un pas important dans le rapprochement entre l’Union européenne et l’Ukraine, mais ne pourra être considérée comme un succès que si la mise en œuvre des engagements pris par l’Ukraine est effective.

3. L’exercice de la solidarité au sein de l’Union européenne a buté sur des contraintes qu’il faut au plus vite mesurer et éliminer

La solidarité au sein de l’Union européenne a buté sur des contraintes. Pour les surmonter, il est indispensable d’améliorer les interconnexions, de permettre l’inversion des flux de gaz, de se doter d’une politique de stockage plus transparente et plus efficace, et de renforcer les ressources en GNL. La difficulté, au plan politique, vient de la nécessité de créer un système qui trouve un équilibre entre responsabilité, souveraineté et solidarité des Etats membres.

a) Vers la révision de la directive de 2004 sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel

Les mesures que prévoit la directive 2004/67 sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel se sont clairement révélées insuffisantes à l’occasion de cette crise. Mise en œuvre depuis 2006, cette directive prévoit trois paliers en cas de crise d’approvisionnement : premièrement, l’industrie doit réduire sa consommation et faire appel à des unités de production d’énergie alternatives. Si ces mesures ne suffisent pas, une action est prévue au niveau national. Le niveau communautaire n’est activé que si la rupture de l’approvisionnement réduit de 20 % l’ensemble des importations de gaz (c’est ce qui s’est produit avec la crise de janvier 2009). De plus, la directive définit, en théorie, un délai de huit semaines de rupture d’approvisionnement avant que l’Union européenne n’entre en action.

La « deuxième analyse stratégique » appelle à procéder à une révision de cette directive, ce qui paraît effectivement s’imposer. La Commission européenne préconise notamment que soient activés automatiquement les plans d’urgence, nationaux et communautaires, en cas de rupture d’importance « certaine ».

b) Le problème de l’inversion des flux de gaz en cas de crise

Deuxième étape des réformes nécessaires : le double problème des interconnexions et de la réversibilité des flux. Dans les derniers jours de la crise, l’Allemagne a prouvé que l’inversion des flux est possible techniquement puisqu’elle a pu faire parvenir du gaz vers la République tchèque et la Slovaquie, mais cela a pris du temps.

Plusieurs membres du Parlement européen se sont inquiétés, dans un courrier adressé à la Commission à la fin du mois de février, du manque de transparence sur les obstacles matériels, techniques et politiques à l’exercice réel de la solidarité entre les Etats membres lors de la crise gazière. Comme l’a reconnu le commissaire européen à l’Energie, M. Andris Piebalgs, lors de l’audition publique sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique organisée par la commission de l’énergie du Parlement européen le 2 avril 2009, « la crise a démontré le manque profond de transparence dans les flux gaziers et les stocks stratégiques ». Le commissaire a également reconnu la nécessité de nouvelles interconnexions gazières. Cette question des interconnexions sera abordée dans la Deuxième partie du présent rapport.

Le problème de la réversibilité des flux de gaz, c’est-à-dire la possibilité technique de rendre les gazoducs bidirectionnels en cas de besoin, n’est pas abordée dans la communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » ; c’est l’une des lacunes de ce document, compréhensible dans la mesure où il a été élaboré plusieurs mois avant la crise gazière de janvier 2009.

Pour autant, il est urgent pour les Etats membres de l’Union européenne de se saisir de ce problème, et la France est activement favorable à cette idée, au nom de la solidarité, d’une part, et d’autre part pour des raisons de coût : il coûterait moins cher d’installer, en des points « névralgiques », des dispositifs rendant possible la réversibilité sur les tuyaux existants que de construire de nouveaux tuyaux. Cette question importante du coût a été soulignée aussi bien par le directeur général adjoint de la DG « Energie » que par le directeur général de l’Energie et du Climat du MEDDADT ou par le directeur général adjoint de
GDF-Suez lors de leurs entretiens respectifs avec les deux rapporteurs.

Les transporteurs européens de gaz, regroupés dans le cadre de l’ENTSOG(10), ont lancé une étude sur la capacité de flux inversés nécessaires en Europe ; ce rapport doit en principe être présenté mi-2009. Il conviendra que la Commission et les Etats membres prennent rapidement les décisions qui s’imposeront sur la base des résultats de cette enquête.

Il est clair que, pour que la solidarité ne demeure pas théorique, l’Union européenne doit, sans attendre le cadre juridique du traité de Lisbonne(11), se doter le plus rapidement possible des moyens nécessaires pour la concrétiser.

Un effort important d’investissement est évidemment indispensable. Mais le manque de moyens financiers n’est pas le seul obstacle : lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes, M. Philippe de Ladoucette a indiqué qu’ « en ce qui concerne la France, la réversibilité, à condition de faire les investissements nécessaires, est possible avec les pays du Sud, notamment l’Espagne, ainsi qu’avec la Suisse ; mais elle ne l’est pas avec les pays du Nord, notamment la Belgique et l’Allemagne, pour des raisons règlementaires. En effet le gaz est odorisé en France et en Espagne, alors qu’il ne l’est pas en Allemagne et en Belgique. Entre le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne, en revanche, la circulation peut se faire dans les deux sens, les investissements nécessaires ayant été réalisés ».

Cette double question des investissements insuffisants et des réglementations contradictoires illustre parfaitement le fait que tout progrès de la solidarité entre les Etats membres passe par des efforts à faire par chacun des Etats membres au niveau national : la solidarité ne libère pas les Etats de leur responsabilité, qui en est même une condition préalable, et n’est pas contradictoire avec le respect de leur souveraineté.

c) La question des stocks et de la gestion future des crises

(1) La Commission européenne propose une révision a minima du dispositif relatif aux stocks obligatoires de pétrole

S’agissant des stocks de pétrole, une obligation existe déjà à la charge des Etats membres. Le problème est qu’il faut créer plus de transparence, et imposer aux Etats non membres de l’Agence Internationale de l’Energie les obligations prévues par celle-ci.

Comme l’a rappelé M. Claude Mandil lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes, « il faut mettre en place un mécanisme efficace de décision et d’application des décisions. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a créé un tel mécanisme pour la gestion des crises pétrolières. Ce dispositif de solidarité – les Etats ayant adhéré à l’AIE sont astreints à constituer des stocks de pétrole représentant 90 jours d’importation nette – a fait la preuve de son utilité en 2005 [aux Etats-Unis, lorsque des ouragans ont détruit les raffineries du Texas et de la Louisiane] (…). Mais, on le sait, certains Etats membres de l’Union ne sont pas encore membres de l’AIE »(12). Le système de l’AIE crée pour chaque Etat membre l’obligation de maintenir sur son territoire des stocks stratégiques, de les financer, et de se doter des instruments réglementaires pour les mettre sur le marché en cas de décision collective.

La Commission européenne a accompagné sa communication de novembre 2008 sur la « deuxième analyse stratégique » du dépôt d’une proposition de directive(13), qui vise à codifier et à modifier les directives antérieures de 1968 et 1996. Ce texte est l’un des quatre textes législatifs présentés en même temps que la « deuxième analyse stratégique », et le seul qui concerne la sécurité d’approvisionnement, le texte sur la sécurité d’approvisionnement en gaz n’étant à ce stade qu’une communication. Il vise essentiellement à renforcer le système des stocks pétroliers d’urgence et les mécanismes de crise, et à le rapprocher du système de l’Agence internationale de l’énergie. Son second objectif est d’améliorer la transparence s’agissant des informations sur les stocks commerciaux.

Cette proposition de directive sur les stocks pétroliers n’introduit pas de changements fondamentaux, seulement un alignement de l’ensemble de l’Union européenne sur les règles existantes, car tous les Etats sont d’accord sur la nécessité de ces stocks de pétrole. Elle introduit la communication hebdomadaire – et non plus mensuelle – d’informations sur les stocks commerciaux des différents pays, à laquelle le Gouvernement français est favorable. L’objectif est, pour ce texte, d’aboutir à une adoption avant la fin de la présidence tchèque. Pour la France, ce texte n’introduit pas de changement important car la France est déjà dotée d’un système exigeant de stockage de produits pétroliers.

Le Parlement européen s’est prononcé sur cette proposition de directive le 22 avril 2009.

(2) La question d’un éventuel dispositif similaire pour les stocks de gaz et la question de l’avenir des contrats de long terme ne sont pas tranchées

En revanche, le système « AIE » pour le pétrole n’a pas d’équivalent pour le gaz(14). Dans la « deuxième analyse stratégique », la Commission européenne annonce une démarche pouvant amener à la révision de la directive 2004/67 du 26 avril 2004 sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Or les Etats de l’Union européenne sont en désaccord sur la nécessité de constituer des stocks obligatoires de gaz. A ce jour seuls deux Etats membres sont favorables à des stocks stratégiques obligatoires ; tous les « anciens » Etats membres, dont la France, y sont opposés pour des raisons de coût, de principe et de praticabilité (selon M. Jean-Marie Chevalier, l’opposition de la France est due au fait que le système français actuel de stockage est optimal au niveau national, et risquerait de perdre ce caractère avec l’ouverture de ces stocks au profit d’autres Etats membres).

Dans ces conditions, il est probable que la révision annoncée de la directive, qui constituera un élément important des travaux de la présidence suédoise de l’Union au second semestre 2009, ira vers des définitions plus précises des exigences de sécurité, tout en laissant aux Etats la possibilité d’y répondre de différentes manières, dans le respect de leurs responsabilités propres. En revanche, les mécanismes existants de gestion de crise (Réseau de correspondants pour la sécurité énergétique « NESCO », Groupe de coordination Gaz, mécanisme d’alerte précoce, plans d’urgence régionaux) peuvent certainement être améliorés.

La transparence doit être encore accrue, ce qui, pour la Commission européenne et de nombreux Etats membres, suppose une adoption rapide du troisième paquet de libéralisation du marché intérieur du gaz et de l’électricité.

Toutefois, s’agissant des conséquences de la mise en œuvre future de ce troisième paquet vis-à-vis des pays tiers – qui suivent avec attention l’évolution des travaux européens – les rapporteurs souhaitent souligner que, si l’achèvement d’un véritable « marché unique de l’énergie » constitue un objectif légitime, notamment en ce qui concerne le « maillage » du territoire européen par un réseau et des interconnexions améliorés, les règles spécifiques à ce marché communautaire ne doivent en aucun cas venir empêcher à l’avenir la conclusion de contrats d’approvisionnement de long terme avec les entreprises des pays tiers, qui, certes, suscitent depuis longtemps l’hostilité des services de la Concurrence de la Commission européenne mais qui sont indispensables pour apporter une réelle sécurité et ainsi pour ne pas décourager les entreprises d’opérer les investissements lourds indispensables. La résolution du Parlement européen sur la « deuxième analyse stratégique » rappelle l’importance de ces contrats « pour le développement de relations durables et de confiance entre les pays producteurs et les pays consommateurs, ainsi que leur importance pour garantie les investissements nécessaires en amont comme en aval ».

Les règles de la concurrence, dans le domaine de l’énergie, ne doivent pas constituer une fin en soi. Il est dangereux de les laisser jouer au détriment de la sécurité d’approvisionnement de l’Europe, ou que leur application conduise à négliger les grands enjeux stratégiques et géopolitiques.

Une réflexion sur les règles de concurrence doit également prendre en compte la question des grands groupes européens dans le secteur de l’énergie. Faut-il, comme l’a indiqué M. Jean-Marie Dauger aux rapporteurs, déroger aux règles du traité au motif que l’Europe a besoin d’acteurs puissants, solides, capables d’opérer des investissements lourds et risqués et de dialoguer d’égal à égal avec les « géants » des pays tiers tels que Gazprom ? A cette vision d’autres observateurs répondent qu’il y a parfois trop d’intérêts conjoints entre ces grands groupes, quelle que soit leur « nationalité », et qu’il n’est pas souhaitable de maintenir une situation d’oligopole pour le contrôle du réseau d’approvisionnement. Ces questions se rattachent toutefois à un débat beaucoup plus large, celui sur la politique industrielle européenne et l’idée de « champions » européens ; par conséquent, le présent rapport n’y consacrera pas de plus longs développements.

B. A moyen et long terme : l’Union doit dès aujourd’hui commencer à diversifier ses voies et sources d’approvisionnement et œuvrer ainsi à la construction d’une véritable politique énergétique externe

Si les actions évoquées ci-après s’inscrivent nécessairement dans le long terme, cela ne signifie pas que l’Union européenne peut se dispenser de les mener dès à présent.

1. Diversifier les voies et sources d’approvisionnement

Les trois grands corridors existants d’approvisionnement gazier de l’Union européenne sont actuellement :

- l’axe « Nord », c’est-à-dire les gazoducs en provenance de la mer du Nord (principalement de Norvège), qui ont une capacité de près de 140 Gm3 par an, à destination principalement de l’Allemagne, de la Belgique, de la France (Dunkerque) et du Royaume-Uni ; ce corridor a une capacité d’extension limitée en raison de l’épuisement des réserves gazières du Royaume-Uni et des politiques de développement de leurs réserves nationales menées par la Norvège et les Pays-Bas ;

- l’axe « Sud », c’est-à-dire les gazoducs en provenance d’Afrique du Nord (Algérie et Libye), à destination de l’Italie et de l’Espagne ; des extensions de capacités ainsi que la mise en œuvre de nouveaux gazoducs sont prévues, tant pour l’Algérie que pour la Libye. Les échanges commerciaux entre l’Union européenne et l’Algérie ont augmenté d’environ 9,3 % entre 2003 et 2007, principalement à cause des exportations de pétrole ; en 2007, les exportations d’énergie ont représenté 70 % des exportations de l’Algérie vers l’Union européenne, ce qui en fait le cinquième plus grand fournisseur d’énergie de l’Union (son troisième fournisseur de gaz et son treizième fournisseur de pétrole) ;

- l’axe « Est », les gazoducs en provenance de Russie : le principal via l’Ukraine (140 Gm3 dans trois directions : Allemagne, Italie, Grèce), le second via la Biélorussie (« Yamal I », 33 Gm3, vers l’Allemagne). Pour diversifier ses trajets d’exportation vers l’Europe, en échappant au seul transit par l’Ukraine et la Biélorussie, les projets « Nord Stream » et « South Stream » répondent aux objectifs de la Russie. Dans un avenir plus éloigné, un « Yamal II » est envisagé pour doubler le « Yamal I ». Mais dans l’attente de la réalisation de ces projets, l’Ukraine demeure absolument prioritaire pour Gazprom.

a) Des projets très lourds dont l’état d’avancement est inégal : North Stream, South Stream, Nabucco

Le projet North Stream a été lancé par l’accord signé en septembre 2005 entre Gazprom, BASF et E.ON, prévoyant l’ouverture d’une nouvelle voie d’exportation, le North Transgas, de la Russie vers l’Europe du Nord (Allemagne). Pour la réalisation de ce gazoduc, Gazprom, BASF-Wintershall, E.ON-Ruhrgas et le néerlandais Gasunie ont créé une joint venture détenue à 51 % par Gazprom (des négociations sont en cours sur l’entrée de GDF-Suez dans ce consortium). Sa capacité devrait être de l’ordre de 27 Gm3 pour la première phase, et, à terme, de 55 Gm3.

C’est le projet le plus avancé à ce jour : les participants au montage financier sont identifiés, et le projet est entré dans la dernière phase précédant sa construction avec le début, le 9 mars 2009, du processus de consultation publique transfrontalière dans les neuf pays riverains sur la sécurité écologique du pipeline sous-marin, processus qui s’achèvera en juin 2009. Les travaux de construction devraient débuter en 2010. Il sera le premier gazoduc russe à ne traverser aucun pays de transit puisqu’il passera sous la mer Baltique.

Suite à un accord signé par Gazprom avec l’ENI en juin 2007, le projet de gazoduc South Stream, d’une capacité de 30 Gm3, devrait permettre d’approvisionner directement la Bulgarie en gaz russe. A partir de là, il se diviserait en deux branches, l’une vers la Roumanie, la Hongrie et la Slovénie, et l’autre vers la Grèce et le sud de l’Italie. Ce projet est un concurrent direct du projet Nabucco initialement envisagé pour diminuer la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe. On ignore encore si ce projet va effectivement être réalisé ; la date de lancement initialement prévue pour 2012 a été repoussée. Comme l’a souligné M. Claude Mandil lors de son audition, « South Stream a été uniquement conçu pour contourner l’Ukraine et porter un coup fatal à Nabucco, lequel cumule les handicaps. »

Enfin, le projet Nabucco, sur lequel les discussions ont commencé en 2002, est fondé sur le constat que les pays riverains de la mer Caspienne, Azerbaïdjan, Kazakhstan et Turkménistan, pourraient contribuer à la multiplication des fournisseurs gaziers de l’Union européenne. Leurs réserves, bien qu’encore incertaines, seraient importantes (sans toutefois être comparables à celles de la Russie ou de l’Iran). La réalisation de ce potentiel est en partie fonction des voies d’exportation à créer vers les marchés consommateurs, dont ceux de l’Union européenne.

Une série d’entreprises de différents pays européens se sont déclarées prêtes à participer à son financement. Politiquement il s’agit du projet le plus intéressant car c’est le seul à envisager un approvisionnement ayant des sources ailleurs qu’en Russie.

Toutefois, des incertitudes majeures pèsent sur le projet Nabucco. Tout d’abord, une incertitude persistante sur les sources potentielles d’approvisionnement. L’approvisionnement en gaz turkmène et kazakh est conditionné par la possibilité de réaliser un gazoduc sous la mer Caspienne jusqu’à Bakou, projet problématique du fait notamment de la persistance de fortes oppositions entre les Etats sur le statut juridique de la Caspienne. D’autre part, compte tenu des tensions politiques actuelles, il est difficile d’affirmer que l’on pourrait considérer à moyen terme le gaz iranien comme une source possible pour Nabucco, et ce, alors que l’Iran détient la deuxième réserve gazière mondiale.

Face à ces incertitudes, il est même parfois envisagé d’approvisionner le gazoduc Nabucco avec, en partie, du gaz russe (c’est la solution prônée, notamment, par M. Claude Mandil), mais cette solution irait justement à l’encontre de l’objectif de diversification des fournisseurs. Comme l’a souligné M. Fabrizio Barbaso lors de son entretien avec les rapporteurs, en l’absence d’une telle diversification, l’Union européenne restera toujours dépendante de l’état des relations – difficiles – entre la Russie et l’Ukraine.

Il convient enfin de souligner, s’agissant des pays de la Caspienne, que si l’Azerbaïdjan a d’ores et déjà clairement fait le choix de faire de l’Europe un des principaux débouchés de ses exportations gazières, il n’en va pas de même pour le Turkménistan et le Kazakhstan, qui maintiennent ouvertes toutes les options : les besoins gaziers de l’Asie (Chine, Inde, Pakistan…) sont immenses et en font des marchés potentiels attractifs pour les pays de la Caspienne, comme d’ailleurs pour la Russie(15), s’agissant tant du gaz que du pétrole.

Des projets de gazoducs entre le Kazakhstan, le Turkménistan et la Chine sont à l’étude ; les premiers accords entre le Turkménistan et la Chine portent sur un volume de 20 Gm3 par an de gaz naturel à partir de fin 2009 pour atteindre 30 Gm3 en 2014. La Russie elle-même continue, paradoxalement, de représenter un débouché pour le gaz des pays de la Caspienne. Tous ces éléments font qu’il y a un risque réel que peu de gaz caspien demeure disponible pour approvisionner un gazoduc transcaspien puis Nabucco. L’Union européenne pourrait être la grande perdante de la réorientation des exportations des pays d’Asie centrale, même si celle-ci demeure partielle.

Malgré les incertitudes qui pèsent sur le projet Nabucco, les Etats situés sur le tracé du projet ont fermement réaffirmé, à l’occasion d’un sommet organisé par la Hongrie et consacré à ce projet les 26 et 27 janvier 2009, leur soutien politique et l’engagement de signer avant la fin du mois de juin 2009 l’accord intergouvernemental nécessaire au lancement. Par ailleurs, lors d’un récent déplacement à Ankara, le commissaire européen à l’Elargissement, M. Olli Rehn, a plaidé pour que les difficultés rencontrées dans les négociations d’adhésion avec la Turquie n’empêchent pas l’Union européenne et la Turquie d’approfondir entre-temps leur coopération énergétique, notamment pour mener à bien le projet Nabucco, auquel l’Union attache « la plus haute priorité » ; la Turquie a clairement réaffirmé son soutien au projet, se percevant comme un « pont énergétique » entre les réserves gazières et pétrolières d’Asie centrale et du Moyen-Orient et les consommateurs d’énergie européens.

Il convient de noter que les vingt-sept Etats de l’Union européenne n’affichent pas tous le même degré de soutien à Nabucco. La France, notamment, ne prend pas partie pour telle ou telle infrastructure mais appelle les institutions de l’Union européenne à améliorer l’information sur les enjeux de chacun des projets et donner ainsi le maximum de clarté aux investisseurs privés. Quant au Parlement européen, dans sa résolution sur la « deuxième analyse stratégique » adoptée le
3 février 2009, il ne marque pas non plus un soutien plus affirmé à l’un des grands projets plutôt qu’aux autres, préconisant « la mise en
œuvre rapide de tous les projets d’infrastructure actuellement prévus en matière de gaz naturel et d’électricité ».

Les quatre principaux projets de gazoducs internationaux Russie/Caspienne vers UE

 

Nord Stream

Nabucco

South Stream

Interconnexion Turquie-Grèce-Italie (ITGI)

Capacités

En 1ère phase : 27,5 Gm3
En phase finale : 55 Gm3

En 1ère phase : 8 Gm3
En phase finale : 31 Gm3

30 Gm3

En 1ère phase : 3,5 Gm3
En phase finale : 11,5 Gm3

Longueur

1220 km de Vyborg (Russie) à Greifswald (Allemagne)

3300 km

900 km off shore

285 km vers la Grèce puis 200 km sous la mer vers l’Italie

Coût estimé

Estimation initiale :
3 milliards de dollars
Estimation actuelle :
environ 10 milliards de dollars

Estimation initiale :
5,8 milliards de dollars
Estimation actuelle :
10 milliards de dollars

Estimation initiale :
14,6 milliards de dollars
Estimation actuelle :
20 milliards de dollars

2 milliards de dollars

Sources du gaz

Russie

Azerbaïdjan + sources imprécises (Iran, Turkmenistan, Kazakhstan, Irak)

Imprécises : Russie, Asie centrale

Azerbaïdjan (Shah Deniz)

Date de mise en service prévue

1ère phase : 2011
2ème phase : 2012

Initialement, fin 2009
Désormais 2013

2013

2012

Avancée du projet

- un tronçon en construction
- études de faisabilité et d’impact en cours
- levée des obstacles juridiques inachevée

- études de faisabilité
- protocoles d’accord
- problème des négociations avec la Turquie

- étude de faisabilité
- tous les Etats de transit ont signé les protocoles intergouvernementaux d’intention

- accords intergouvernementaux
- construction du tronçon vers la Grèce achevé fin 2007
- financement disponible pour le second tronçon (vers l’Italie)

Destinataires principaux

Allemagne

Europe centrale

Italie

Italie et Grèce

Destinataires secondaires

Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique, France, Danemark

Turquie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Autriche

Balkans
Europe centrale et orientale

Turquie

Pays de transit

Allemagne, Belgique, Pays-Bas

Turquie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Autriche

Balkans

Turquie, Grèce

Partenaires

Gazprom (51 %),
BASF/Wintershall (20 %), E.ON Ruhrgas (20%), Gasunie (9 %)

Des négociations sont en cours sur l’entrée de GDF-Suez dans le consortium

Botas (Turquie) (16,5 %),
Bulgargaz (Bulgarie) (16,5 %), MOL (Hongrie) (16,5 %), OMV (Autriche) (16,5%),
RWE (16,5 %), Transgaz (Roumanie) (16,5 %)

ENI
Gazprom

Edison
Depa

Soutien de l’UE

Statut de « projet d’intérêt européen » dans le cadre des RTE-E
Financement possible par la BEI et la BERD

Statut de « projet d’intérêt européen », financement des études de faisabilité, établissement d’un plan de financement, nomination d’un coordinateur européen

 

Statut spécifique de « projet d’intérêt européen » prioritaire, financement des études de faisabilité

Points forts

- partenaires présents en amont, pour le transport et en aval
- soutien de l’UE
- pas d’Etats de transit

- trois phases, dont la 1ère peut être lancée sans le Transcaspien
- soutien de l’UE et des pays concernés

- partenaires présents en amont, dans le transport et en aval
- expérience de ENI sur la construction du Blue Stream

- utilisation du réseau de gazoducs de Turquie

Faiblesses

- coûts par rapport à des alternatives (Yamal II ou Amber)
- risques liés au transit par la mer Baltique
- incertitude sur le tracé
- incertitude sur la mise en oeuvre

- absence de producteurs en amont
- risques liés au transit par la Géorgie et la Turquie
- désaccords sur les tarifs et les modalités du transit par la Turquie
- concurrence de South Stream
- tracé traversant un terrain difficile

- passage par l’Ukraine moins cher
- dépendance de la ZEE de l’Ukraine en mer Noire
- coût très élevé

 

Conséquences favorables pour la sécurité énergétique

- meilleur approvisionnement de l’Europe du Nord
- diversification des voies de transport
- absence de pays de transit

- désenclavement de l’Europe centrale et orientale
- diversification des sources et voies d’approvisionnement
- accès possible au gaz iranien et/ou turkmène

Diversification des voies de transport

Diversification des sources et des voies d’approvisionnement pour l’Europe du Sud-Est

Conséquences défavorables

- dépendance accrue vis-à-vis de la Russie
- contrôle de Gazprom
- incertitude sur la disponibilité du gaz ou sur d’éventuelles surcapacités

- risques liés à l’instabilité dans le Sud Caucase
- incertitudes liées à l’Iran

- renoncement probable au projet Nabucco
- risque politique
- affaiblissement d’Etats traditionnels de transit comme l’Ukraine

 

Auteur : M.-A. Eyl-Mazzega, Centre d’Etudes et de Recherches Internationales (CERI), septembre 2008.

b) D’autres voies d’approvisionnement en gaz sont possibles

D’autres sources de diversification existent pour l’Union européenne, que ce soit à partir du Moyen-Orient ou de l’Afrique (Algérie, Egypte, Libye…)(16).

Ainsi, un nouveau gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie est prévu pour entrer en fonctionnement en mai 2012 : l’accord intergouvernemental entre les deux pays sur ce projet « G.A.L.S.I » (Gazoduc Algérie Sardaigne Italie) a été signé en novembre 2007 et prévoit l’acheminement de 8 milliards de mètres cube de gaz par an vers l’Italie. Ce gazoduc viendra compléter le gazoduc « Transmed » qui relie l’Algérie à l’Italie depuis 1984, et permettra de porter à 40 milliards de mètres cube par an au total les livraisons de gaz naturel algérien à l’Europe.

Un autre projet, celui du gazoduc transsaharien, reliant le Nigeria à l’Algérie, est encore à un stade très peu avancé mais il intéresse bien sûr, à terme, l’Europe : la communication de la Commission européenne indique que « l’Union européenne est disposée à collaborer à sa réalisation grâce aux différents instruments dont elle dispose, et notamment au travers de la coopération bilatérale, de l’Instrument européen de voisinage et de partenariat, du Fonds européen de développement et de la Banque européenne d’investissement ».

Par ailleurs, le commissaire européen à l’Energie, M. Andris Piebalgs, a appelé le 11 mars 2009, lors de la septième conférence internationale sur le gaz naturel, à un renforcement des liens énergétiques entre l’Union européenne et le Qatar, son quatrième fournisseur de gaz actuellement (après la Russie, la Norvège et l’Algérie). Le Qatar détient les troisièmes réserves de gaz naturel du monde et pourrait accroître ses fournitures à l’Union européenne aussi bien par l’intermédiaire de méthaniers transportant du GNL que par celui d’un gazoduc reliant l’émirat au marché communautaire.

Enfin, la communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » souligne la nécessité de s’affranchir au moins partiellement de la fourniture de gaz par voie de gazoducs, en développant le recours au gaz naturel liquéfié (GNL), qui est livré par bateaux. Comme l’a souligné lors de son audition par les rapporteurs M. Jean-Marie Dauger, directeur général adjoint de GDF-Suez, le recours au GNL permet d’obtenir du gaz auprès de pays fournisseurs autres que les fournisseurs majeurs et « traditionnels ».

La Commission européenne considère que « des capacités suffisantes pour le GNL – autrement dit, des installations de liquéfaction dans les pays producteurs ainsi que des terminaux GNL et des installations de regazéification navales dans l’Union européenne – devraient être mises à la disposition de tous les Etats membres, directement ou par l’intermédiaire d’autres Etats membres sur la base d’arrangements de solidarité ». Le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février 2009, a souscrit à cette proposition de la Commission européenne. D’ici la fin de l’année 2009, la Commission européenne évaluera la situation globale du GNL dans l’Union en vue de proposer un « plan d’action concernant le GNL ».

Interrogé par les rapporteurs, le directeur général adjoint de la DG Energie a estimé qu’il existe un grand potentiel pour le GNL en Europe, que l’Espagne notamment a clairement choisi de le développer (avec sept terminaux), et que dans la crise gazière récente, c’est l’existence d’un terminal GNL sur le territoire de la Grèce qui a évité à ce pays de ne pas se retrouver dans une situation aussi critique que celle de la Bulgarie. Toutefois, il a reconnu que l’installation de nouveaux terminaux méthaniers est loin de recueillir facilement l’assentiment des populations des sites envisagés.

M. Jean-Marie Dauger, quant à lui, a reconnu que le recours au GNL était appelé à se développer en Europe – ce qui est tout à l’avantage de GDF-Suez – mais qu’il ne viendra pas pour autant remplacer les sources traditionnelles de gaz, et qu’il serait imprudent de faire des investissements de capacité importants en construisant des terminaux méthaniers en nombre si l’Europe n’a pas suffisamment de GNL à y traiter.

*

* *

Il convient de se montrer lucides : la diversification des voies et sources d’approvisionnement en gaz, entreprise longue et ardue, ne suffit pas, mais elle est absolument indispensable. Même en menant une politique déterminée de diversification de son « bouquet énergétique », l’Union européenne à l’horizon 2020 aura encore essentiellement besoin de quantités considérables de pétrole et de gaz, qu’elle devra continuer à importer. La diversification des sources d’hydrocarbures doit impérativement être menée dès aujourd’hui, pour espérer produire son plein effet à l’horizon 2020 ou au-delà.

Et elle doit aller de pair – on développera ce point plus longuement dans la Deuxième partie du rapport – avec un nécessaire rééquilibrage du « bouquet énergétique » européen en faveur de sources internes et avec un effort concerté, contraignant et considérable en termes d’efficacité énergétique.

Ce n’est qu’à ce prix que l’Europe peut véritablement espérer assurer sa sécurité énergétique, et ce, d’autant que la moitié des centrales de production d’énergie à l’intérieur de l’Union européenne devrait être remplacée d’ici 2030, ce qui correspond selon la Commission européenne à un investissement global de 900 milliards d’euros ; il est impératif de « flécher » dès aujourd’hui ces investissements vers les deux grandes priorités européennes : la sécurité et la lutte contre le changement climatique.

Le recours accru aux énergies renouvelables est également susceptible de concerner les relations de l’Union européenne avec certains pays tiers, les plus proches géographiquement. Le développement des fournitures d’énergie à l’Europe par les pays du bassin méditerranéen doit aller bien au-delà du problème des hydrocarbures (pétrole et gaz) : la communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » appelle à juste titre à donner un caractère prioritaire à la réalisation de l’« anneau énergétique » méditerranéen, priorité à laquelle la France apporte tout son soutien, notamment pour assurer la réalisation du Plan solaire méditerranéen (PSM)(17).

2. Vers une véritable « diplomatie énergétique » européenne ?

Pour achever l’examen des problématiques du volet « externe » de la politique énergétique de l’Union européenne, il est temps d’appeler, pour compléter les grands projets d’infrastructures reliant l’Union européenne à des pays tiers, à l’élaboration d’une politique extérieure au service des intérêts de l’Europe en matière énergétique, en utilisant tous les instruments dont dispose l’Union européenne, qu’il s’agisse de la politique de voisinage, de la politique d’aide au développement ou de la politique commerciale.

De nombreuses enceintes de coopération associant les pays de l’Union européenne à d’autres pays existent à l’échelle internationale en matière énergétique. Certains sont anciens, comme le dialogue fructueux de l’Union européenne avec la Norvège, et la communication de la Commission européenne appelle avec raison à ne surtout pas négliger celui-ci.

D’autres sont de création récente. C’est le cas du Forum
euro-méditerranéen de l’énergie, de l’Initiative européenne pour l’énergie lancée en 2002, du Fonds mondial de capital-risque annoncé en 2006… C’est aussi le cas de la « Communauté européenne de l’énergie ».

Le traité créant une Communauté européenne de l’énergie, entré en vigueur en 2006, est ouvert à tout pays désireux d’accepter les règles du marché de l’énergie de l’Union européenne ayant des liens physiques directs avec les réseaux électriques et gaziers de l’Union. Ses membres actuels sont les 27 Etats membres de l’Union européenne, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro, l’Albanie, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, et la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (UNMIK). La Turquie, l’Ukraine, la Moldavie et la Norvège ont le statut d’observateur. Ce dispositif doit permettre l’intégration des marchés énergétiques à la périphérie de l’Union européenne : les membres de la Communauté s’obligent à appliquer l’acquis communautaire dans le domaine de l’énergie.

L’Ukraine souhaite devenir membre à part entière de la Communauté de l’énergie, et négocie actuellement son adhésion, ce qui suscite des inquiétudes en Russie dans la mesure où l’adoption par l’Ukraine de l’acquis communautaire serait susceptible de remettre en question l’environnement juridique du pays de transit et en particulier de remettre en cause les contrats de long terme conclus antérieurement.

Dans le cadre de cette Communauté de l’énergie, deux nouveaux programmes de prêts en faveur des Balkans occidentaux ont été lancés à la fin du mois de mars 2009, soutenus par la BERD.

D’autres cadres de coopération enfin sont encore à l’état de projet mais devraient bientôt être mis en place ; c’est le cas du volet « Energie » du futur Partenariat oriental de l’Union européenne, auquel la commission chargée des affaires européennes consacrera prochainement un rapport d’information. C’est également le cas de la toute nouvelle « IRENA » (International Renewable Energy Agency), la première organisation internationale consacrée aux énergies renouvelables, résultat d’une initiative de l’Allemagne, de l’Espagne et du Danemark et dont l’acte fondateur a été signé par 77 pays à ce jour (dont 19 Etats de l’Union européenne, parmi lesquels la France) ; le commissaire européen à l’Energie a invité les 27 Etats membres de l’Union européenne à mandater la Commission européenne pour faire de l’Union européenne en tant que telle un membre de cette organisation.

Au-delà des différents instruments de coopération internationale, indispensables et auxquels l’Union européenne doit participer pleinement, l’Union doit impérativement progresser dans l’élaboration d’une véritable politique énergétique extérieure, dont elle est pour l’instant dépourvue, pour protéger ses intérêts.

Il est heureux – on en parlera plus longuement dans la suite du présent rapport – que sur le volet interne de la politique énergétique l’Union européenne travaille activement sur l’amélioration de son marché intérieur de l’énergie ; mais elle ne dispose pas encore d’une véritable stratégie commune vis-à-vis de l’extérieur : à l’égard des pays tiers, chacun des vingt-sept Etats membres conduit sa politique, parfois en concurrence avec celle de ses voisins. Le 1er février 2008, M. Javier Solana, Haut représentant de l’Union européenne pour la PESC, avait appelé à une politique extérieure de l’énergie pour l’Union européenne, en dénonçant les dangers de son absence et en réclamant au moins, pour commencer, un meilleur échange d’informations sur les négociations nationales qu’aujourd’hui chaque Etat membre mène comme il le souhaite. Or il n’apparaît pas que des progrès significatifs aient été réalisés sur ce terrain. Le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février 2009 sur la « deuxième analyse stratégique », a également appelé les Etats membres à parler d’une seule voix, soulignant que « leur pratique actuelle est opposée à cette aspiration ».

L’Union européenne dispose d’instruments qui lui sont propres, dont elle doit user de manière réfléchie et cohérente, ce qui suppose de rassembler tous les Etats membres dans la détermination des actions à mener. On citera comme exemple le nouvel Instrument de coopération en matière de sûreté nucléaire (ICSN) qui a été succédé au programme TACIS avec une portée géographique plus étendue. La communication sur la « deuxième analyse stratégique » souligne également la nécessité de formuler une nouvelle génération de « clauses d’interdépendance énergétique » à intégrer dans les accords passés avec les pays producteurs non membres de l’Union européenne. Ces clauses doivent avoir pour but d’établir un cadre juridique et politique de long terme, favorable aux investissements ; cette exigence concerne évidemment au premier chef la Russie, mais également chacun des autres pays tiers fournisseurs.

Dans sa résolution du 3 février 2009, le Parlement européen emploie la notion plus précise de « clause de sécurité énergétique », en invitant l’Union européenne à « favoriser l’inclusion, dans les accords commerciaux, d’association et de partenariat ainsi que de coopération avec les pays producteurs et de transit, de la « clause de sécurité énergétique » qui établirait un code de conduite, interdirait toute perturbation due à des litiges commerciaux et énoncerait explicitement (…) les mesures à prendre en cas de perturbation unilatérale (…) par l’un des partenaires ».

DEUXIEME PARTIE :
LE VOLET INTERIEUR DE LA SECURITE ENERGETIQUE PASSE PAR L’UTILISATION DE TOUTES LES RESSOURCES EN ENERGIE DONT L’UNION EUROPÉENNE DISPOSE SUR SON TERRITOIRE ET PAR UNE AMÉLIORATION DE L’EFFICACITÉ ÉNERGETIQUE

L’Union européenne doit utiliser plusieurs voies pour accroître sa sécurité énergétique à l’intérieur de ses frontières. Ceci nécessite, comme le propose la Commission européenne dans sa communication sur la « deuxième analyse stratégique », que de nombreuses démarches soient menées, non pas de manière alternative mais simultanément.

Compte tenu des objectifs très ambitieux – et légitimes – que l’Union s’est à elle-même fixés, elle n’a pas d’autre choix que de se lancer résolument dans tous ces chantiers en même temps.

Les défis à relever sont par nature de dimension transfrontalière, et si les actions nationales telles que le « Grenelle de l’environnement » en France sont indispensables, elles doivent s’inscrire dans une vision communautaire pour développer les interconnexions entre les pays, pour promouvoir le recours aux énergies renouvelables, et pour coordonner, voire harmoniser, les efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Il sera proposé, pour aller au-delà des propositions de la Commission européenne, de s’engager encore plus fortement : l’objectif que l’Union européenne s’est engagée à atteindre en termes d’efficacité énergétique doit être rendu contraignant.

Si la dépendance énergétique de l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers est importante, il n’en demeure pas moins que les Etats de l’Union, bien qu’inégalement dotés, possèdent sur leurs territoires des ressources en énergie, et que le potentiel de développement de l’utilisation de certaines de ces ressources est considérable.

Il ne s’agit bien entendu pas des hydrocarbures – il est à craindre que les ressources propres des quelques Etats de l’Union qui en sont dotés n’arrivent à épuisement progressif, du moins à l’horizon 2050 qui est l’horizon temporel que la Commission européenne assigne à sa stratégie énergétique.

Mais l’amélioration des réseaux européens, pour rendre possible la meilleure circulation de l’énergie dans l’Union européenne, et le recours accru aux énergies renouvelables et – pour les pays qui feront ou ont fait ce choix – à l’énergie nucléaire doivent être des priorités pour l’action commune et ce, à l’horizon 2020 – c’est-à-dire dès aujourd’hui.

Actuellement, la production et la consommation « domestiques » d’énergie dans l’Union européenne se répartissent ainsi (chiffres Eurostat) :

La stratégie de l’Union dans les années à venir doit viser à agir simultanément sur la quantité d’énergie produite, la répartition entre types d’énergies produites, la quantité d’énergie consommée et la composition du « bouquet » (ou « mix »).

Cette démarche à la fois quantitative et qualitative fait appel à toute la gamme des instruments dont disposent l’Union européenne et les Etats membres, et qui sont : la poursuite de la construction d’un véritable « marché intérieur de l’énergie » (électricité et gaz), une priorité à donner aux énergies renouvelables, une place à définir ensemble pour l’énergie nucléaire, et enfin – ce qui constitue en réalité l’instrument essentiel de la sécurité énergétique – l’efficacité énergétique.

I. ELEMENTS SUR L’ETAT D’AVANCEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR DE L’ELECTRICITÉ ET DU GAZ

Le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie, présenté par la Commission européenne en septembre 2007, vise à atteindre l’objectif d’un marché de l’énergie unifié en Europe, favorisant la sécurité d’approvisionnement et le développement durable, ainsi que la compétitivité des prix et un niveau élevé de service.

Les cinq propositions constituant le paquet ont déjà fait l’objet d’un examen par un groupe de travail commun à la commission chargée des affaires européennes et à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale(18). Il ne s’agit donc pas ici de revenir sur les détails des propositions mais plutôt de faire un bilan des discussions intervenues depuis l’examen à l’Assemblée nationale, alors que l’adoption définitive du troisième paquet approche.

A. Vers un renforcement de la coordination

1. Les gestionnaires de réseau

Les gestionnaires de réseaux de transport (GRT) sont, résultat de l’histoire, des acteurs dont le champ d’action géographique s’arrête aux frontières nationales, ce qui est loin d’être optimal.

Le troisième paquet de libéralisation prévoit la création de deux structures de coopération obligatoire des gestionnaires de réseau, le « réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité » et le « réseau européen des gestionnaires de réseau de transport de gaz ». Ces organisations auront pour mission d’élaborer des codes techniques et commerciaux, ainsi que d’adopter un plan décennal d’investissement.

Le 19 décembre 2008, 42 gestionnaires de réseaux de transport de 34 pays(19) ont décidé la création du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport de l’électricité (REGRT-E), qui préfigure la coopération prévue dans le troisième paquet de libéralisation. Les fonctions des associations existantes(20) sont progressivement transférées au REGRT-E. Lorsque le troisième paquet sera adopté, la Commission européenne devra donner son avis sur la liste des membres et les statuts de cette organisation.

Le renforcement de la coordination entre les gestionnaires de réseau reste absolument nécessaire. Un récent rapport de l’Union pour la coordination du transport de l’électricité (UCTE)(21) souligne que le respect par les gestionnaires de réseaux de plusieurs exigences opérationnelles importantes a reculé en 2008 par rapport aux deux années précédentes. Cependant, cette moindre performance peut s’expliquer par une meilleure auto-évaluation des gestionnaires. Les prescriptions les moins respectées sont les mesures communes face aux congestions identifiées, les procédures liées aux actions réparatrices transfrontières (limitant le risque et la propagation des perturbations), les actions en situation d’urgence et en cas de restauration du système.

2. Les régulateurs

Il existe également une coopération des régulateurs, dans le cadre du Conseil européen des régulateurs de l’énergie (CEER), de l’ERGEG (groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz) et des Forums européens de régulation du secteur électrique (Forum de Florence) et du secteur gazier (Forum de Madrid). Le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie prévoit la création d’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie.

Le compromis adopté par le Parlement européen en deuxième lecture prévoit un renforcement des pouvoirs et de l’indépendance des régulateurs nationaux et de l’Agence des régulateurs de l’énergie.

Comme l’a indiqué M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes le 4 février 2009, les régulateurs nationaux sont favorables à la création d’une agence européenne, en raison de la problématique des interconnexions.

B. L’accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie

Les moyens envisagés par la Commission européenne dans le troisième paquet de libéralisation pour parvenir à un marché de l’énergie unifié en Europe étaient, d’une part, le renforcement de la régulation et de la coordination, déjà évoqué, et qui fait l’objet d’un consensus, et d’autre part la mise en place d’une séparation patrimoniale des réseaux et des activités de production et de fourniture, qui a été contestée par plusieurs Etats membres, dont la France et l’Allemagne.

Le Conseil « Energie » du 10 octobre 2008 est parvenu à un accord politique. Il a approuvé une solution alternative aux deux options proposées par la Commission européenne, la séparation patrimoniale et la désignation d’un gestionnaire de réseau indépendant (option ISO), qui prévoit la séparation entre l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et l’entité chargée de la gestion de ces infrastructures. Cette troisième option est celle du gestionnaire de réseau de transport indépendant (ITO). Elle permettrait aux entreprises de conserver la propriété des réseaux de transport, tout en garantissant l’indépendance effective des gestionnaires, de la gestion et de l’organe de surveillance.

Alors qu’en première lecture, le 18 juin 2008, le Parlement européen avait opté pour la séparation patrimoniale sur le marché de l’électricité, il a adopté en séance plénière le 22 avril dernier un compromis qui renonce à cette exigence, tout en renforçant les garanties d’indépendance des gestionnaires de réseaux de transport dans le cadre de l’option ITO, en matière d’investissement et de gouvernance. Le compromis prévoit également de renforcer les droits des consommateurs (par exemple avec la possibilité de changer de fournisseur d’énergie dans un délai maximum de trois semaines), de lutter contre la pauvreté énergétique et de rendre obligatoire le déploiement de compteurs « intelligents », distinguant les heures pleines et les heures creuses.

C. Concurrence et sécurité énergétique

En janvier 2007, la Commission européenne avait publié les résultats d’une enquête sectorielle sur les marchés de l’énergie, concluant à l’existence de nombreux problèmes de concurrence, comme le degré élevé de concentration du marché, l’intégration verticale de l’offre, de la production et de l’infrastructure, qui empêche un accès équitable aux infrastructures, l’insuffisante intégration des marchés, le manque de transparence, des mécanismes de formation des prix peu clairs et la persistance de tarifs réglementés, des mécanismes d’équilibrage qui favorisent les opérateurs historiques et des marchés de détail encore trop peu compétitifs.

Le troisième paquet de libéralisation visait à corriger cette situation mais la Commission européenne avait aussi annoncé son intention d’utiliser ses pouvoirs de contrôle en matière de concurrence.

Concernant la France, elle a ouvert le 13 juin 2007 une enquête approfondie sur les tarifs industriels réglementés, c’est-à-dire les tarifs « standards » et les tarifs « de retour » s’appliquant aux grandes et moyennes entreprises. Les tarifs de retour (« tarifs réglementés transitoires d’ajustement au marché » ou TARTAM) sont des tarifs inférieurs aux prix du marché, dont peuvent demander à bénéficier les clients qui ont quitté le marché réglementé depuis début 2007. Ces tarifs pourraient constituer selon la Commission européenne des aides d’Etat contraires au droit de la concurrence. Le 10 mars 2009, l’enquête a été étendue à la prolongation des tarifs de retour (TARTAM) jusqu’en juin 2010 et à l’ouverture de ce dispositif à de nouveaux bénéficiaires, décidées en août 2008.

Comme elle l’explique dans son récent rapport sur l’état d’avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l’électricité(22), la Commission européenne estime que les tarifs réglementés peuvent constituer des barrières à l’entrée de nouveaux fournisseurs et des effets dissuasifs concernant le changement de fournisseur, empêcher l’émission de signaux de prix corrects, propres à encourager les investissements et l’efficacité énergétique. Elle se prononce en faveur d’une réglementation des prix ciblée pour protéger certains consommateurs dans des conditions particulières.

En novembre 2008, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, ont nommé une commission chargée de faire des propositions d’organisation du marché électrique conciliant la protection des consommateurs, le développement de la concurrence et le financement des investissements nécessaires à la production d’électricité et au développement des réseaux et l’incitation aux économies d’énergie. Le rapport de cette commission, présidée par M. Paul Champsaur, a été rendu public le 24 avril 2009.

Les principales recommandations de la commission Champsaur

« La commission préconise d’attribuer à tout fournisseur un droit d’accès à l’électricité de base à un prix régulé reflétant les conditions économiques du parc nucléaire historique pour un volume proportionné à son portefeuille de clientèle sur le territoire national. En ce qui concerne l’accès régulé à la production d’électricité en base aux conditions du parc historique :

- les volumes devraient être attribués, en suivant l’évolution du portefeuille de clients, non pas en temps réel mais ex-ante à une fréquence d’abord trimestrielle ou semestrielle puis annuelle en référence à une prévision commerciale ;

- le prix devrait couvrir l’ensemble des coûts présents et futurs (charges d’exploitation, investissements de maintenance et d’allongement de la durée de vie des centrales) supportés par EDF sur son parc historique, sans augmenter la dette ;

- cet accès régulé à la production d’électricité en base devrait être ajusté ex-post en fonction du portefeuille réel de clients soit par les volumes soit par les prix ;

- la forme des contrats devrait prendre en compte l’essentiel de l’avantage compétitif tiré du parc nucléaire actuel et notamment du fait qu’il produit plus en hiver qu’en été ;

- dans la limite des volumes faisant l’objet de la régulation, il faudrait permettre aux fournisseurs de négocier librement avec EDF des contrats plus risqués à un prix plus compétitif.

La régulation proposée par la commission nécessitera de mettre en place un contrôle fin et continu par le régulateur. La mise en place d’une comptabilité séparée et auditée pour le parc nucléaire historique d’EDF permettra le calcul du juste prix des contrats régulés. Par ailleurs, en terme d’allocation de volumes, la régulation devra être dynamique et prendre en compte le développement effectif des acteurs du marché de l’électricité.

Cette intervention publique vise à placer sur un pied d’égalité tous les fournisseurs d’électricité agissant sur le marché français de l’électricité et doit être conçue de façon à déboucher à terme sur un fonctionnement concurrentiel et efficace du marché de l’électricité, incitant les acteurs à investir dans de nouvelles capacités de production. Certains membres de la commission soulignent néanmoins leur attachement à ce que le parc nucléaire soit opéré par un acteur public. Il s’agit donc bien d’une intervention transitoire, d’une durée d’une dizaine d’années, qui nécessitera un nouvel examen de la situation lorsque seront connues les conditions de l’allongement éventuel de la durée de vie des centrales existantes.

A l’aval, les tarifs réglementés de vente aux consommateurs industriels (verts et une partie des jaunes) et le TaRTAM n’apparaissent plus nécessaires dès lors que la régulation à l’amont et la concurrence permettront de garantir aux consommateurs industriels l’accès à une électricité reflétant la compétitivité du parc de production.

En revanche, pour les petits consommateurs (tarifs bleus voire une partie des jaunes), du fait de leurs caractéristiques spécifiques (inertie, insuffisance du comptage), la commission préconise le maintien des tarifs réglementés :

- le niveau de ces tarifs doit être tel qu’il permette à la concurrence d’élaborer des offres compétitives basées sur l’approvisionnement par un accès régulé à la production en base. Il devra être élaboré par la même institution que pour les contrats d’accès régulé à la production d’électricité en base aux conditions économiques du parc historique, et basé sur l’empilement des différents coûts sous-jacents ;

- les consommateurs devront pouvoir aller et venir sans contrainte des offres réglementées aux offres libres et réciproquement ;

- tous les fournisseurs pourront proposer les offres aux tarifs réglementés.

L’organisation ainsi proposée assurera le développement du marché de l’électricité tout en garantissant la sécurité de l’approvisionnement électrique, et des prix justes pour les consommateurs finals. Elle permettrait des signaux de prix incitant à la maîtrise de la demande, notamment en période de pointe. »

Par ailleurs, la Commission européenne a adressé à EDF en décembre 2008 une communication des griefs sur la nature et la durée des contrats avec des

grands clients industriels en France. Elle estime que ces contrats pourraient constituer une infraction aux règles du traité sur les abus de position dominante, en raison de leur nature exclusive, de leur durée et de la part de marché qu’ils concernent.

Prix du gaz et de l’électricité en Europe au 1er janvier 2007

Electricité

- usage domestique : la Grèce est, devant la Finlande et la France, le pays de l’UE-15 où le prix de l’électricité HTT et TTC est le moins cher. L’Italie en HTT et le Danemark en TTC présentent les prix les plus élevés.

Moyennes de l’UE-15 en prix HTT : 120,5 euros/MWh ; en prix TTC : 158,1 euros/MWh
Moyennes de l’UE-27 en prix HTT : 117,2 euros/MWh ; en prix TTC : 152,8 euros/MWh
France : 92,1 euros/MWh en prix HTT, et 121,1 euros/MWh en prix TTC.

Sur l’année 2006, la tendance à la hausse s’est confirmée avec une augmentation de 9 % de la moyenne dans l’UE-27 en TTC.

- usage industriel : la France est le pays où l’électricité à usage industriel est la moins chère en HTT et la Suède, en TTC. L’Irlande est le pays le plus cher en HTT, suivie par l’Italie et le Royaume-Uni. L’Italie est le pays le plus cher en TTC, suivie par l’Irlande.

Moyennes de l’UE-15 (hors Danemark et Luxembourg) : 80,3 euros/MWh prix HTT ; 104,4 euros/MWh prix TTC
Moyennes de l’UE-27 (hors Danemark et Luxembourg) : 78,6 euros/MWh prix HTT et 101,7 euros/MWh prix TTC
France : 54,1 euros/MWh en prix HTT et 70,1 euros/MWh en prix TTC.

En dynamique, la tendance est également à la hausse avec une augmentation de 9 % de la moyenne de
l’UE-27 entre le 1er janvier 2006 et le 1er janvier 2007.

Gaz


- usage domestique : la Belgique est le pays où le prix du gaz est le moins cher en HTT et le Royaume-Uni, en TTC. La Suède et l’Irlande sont les plus chers en HTT, le Danemark et la Suède les plus chers en TTC.

Moyennes de l’UE-15 (hors Finlande et Grèce) : 43,8 euros/MWh en prix HTT et 56,4 euros/MWh en prix TTC
Moyennes de l’UE-27 (hors Finlande et Grèce) : 42,3 euros/MWh en prix HTT et 54,2 euros/MWh en prix TTC
France : 41,1 euros/MWh en prix HTT et 48,4 euros/MWh en prix TTC.

Sur l’année 2006, la moyenne dans l’UE-27 a augmenté d’environ 16 %.

Pour mémoire, il n’y a pas de réseau de gaz naturel à Chypre ni à Malte.

- usage industriel : les Pays-Bas sont le pays où le prix est le moins cher en HTT, l’Espagne et le Portugal étant les moins chers en TTC. L’Allemagne est le pays le plus cher en HTT et en TTC, suivie par la Suède et le Royaume-Uni pour les prix HTT, et par l’Autriche et le Royaume-Uni pour les prix TTC.

Moyennes de l’UE-15 (hors Danemark, Grèce et Irlande) : 31,4 euros/MWh en prix HTT et 38,9 euros/MWh en prix TTC

Moyennes de l’UE-27 (hors Danemark, Estonie, Grèce, Irlande et Slovaquie) : 30,6 euros/MWh en prix HTT et 37,8 euros/MWh en prix TTC


France : 27,1 euros/MWh en HTT et 32,9 euros/MWh en TTC

En dynamique, la moyenne à 27 a augmenté de 9 % entre le 1er janvier 2006 et le 1er janvier 2007.

En France les prix du gaz sont très proches de la moyenne de l’UE-15, tant pour les usages industriels que domestiques, et l’écart HTT-TTC est très faible car seule la TVA s’applique dans ce cas, alors que d’autres pays ajoutent des taxes énergétiques.

Les moyennes de prix sont celles calculées par Eurostat sur la base de pondérations par Etat membre en fonction de sa consommation nationale. Les comparaisons portent sur les pays de l’UE-15 car les prix des autres pays de l’UE sont en général nettement inférieurs au groupe des Quinze.

Les consommations types suivantes (abonnement compris) sont retenues :
- électricité à usage domestique : 3 500 kWh annuels consommés, dont 1 300 kWh la nuit
- électricité à usage industriel : 10 GWh annuels consommés, avec une demande maximal de 2 500 kWh, pendant 4 000 heures par an
- gaz à usage domestique : 23 260 kWh par an
- gaz à usage industriel : 11,63 GWh par an, 250 jours pour 4 000 heures.

Source : Observatoire de l’Energie, ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (2007).

D. L’indispensable développement des interconnexions

La construction d’un véritable marché intérieur de l’énergie implique un développement substantiel des interconnexions au niveau européen, nécessaires pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité et en gaz et le développement de la production d’électricité basée sur l’utilisation d’énergies renouvelables, conformément aux objectifs que l’Union européenne s’est fixés.

La crise gazière de janvier 2009 a démontré par exemple le caractère illusoire d’un « marché unique » européen dans lequel la Bulgarie est dépourvue d’interconnexions gazières avec ses voisins européens.

Le développement des interconnexions et le couplage progressif des marchés permettent à la fois de progresser en termes de sécurité d’approvisionnement, de solidarité, de rapprochement des prix et d’efficacité ; par exemple, en matière d’électricité, comme l’a souligné M. Philippe de Ladoucette lors de son audition, du fait du décalage entre les « heures de pointe » dans les différents pays européens, un bon niveau d’interconnexion permettrait de mieux répartir l’énergie sur le territoire européen en fonction des besoins.

Alors que le Conseil européen de Barcelone de 2002 avait défini l’objectif d’un niveau minimum d’interconnexion entre les Etats membres de 10%, le Conseil européen du 16 octobre 2008 a invité la Commission européenne à « renforcer et achever des infrastructures essentielles ». La « deuxième analyse stratégique » met l’accent sur la question des interconnexions, ce qui a paru tout à fait justifié à l’ensemble des personnalités entendues par les rapporteurs.

L’ERGEG a lancé en février 2006 des initiatives régionales :

- trois régions énergétiques pour le gaz : région « Nord-Ouest » (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grande-Bretagne, Irlande, Pays-Bas et Suède) ; région « Sud » (Espagne, France, Portugal) ; et région « Sud-Est » (Autriche, Grèce, Italie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie) ;

- sept régions pour l’électricité : région « Baltique » (les trois Etats baltes) ; région « Centre-Est » (Autriche, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Pologne, Slovaquie, Slovénie) ; région « Centre-Sud » (Autriche, France, Allemagne, Grèce, Italie, Slovénie) ; région « Centre-Ouest » (Belgique, France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas) ; région « Nord » (Danemark, Finlande, Allemagne, Norvège, Pologne, Suède) ; région « Sud Ouest » (France, Portugal, Espagne) ; et région « France-Royaume-Uni-Irlande ».

Des partenariats d’entreprise existent pour concrétiser les interconnexions. On peut citer par exemple le partenariat entre le français RTE et l’italien TERNA qui vise, en complément d’un accord intergouvernemental bilatéral, à accroître les liaisons électriques existantes entre la France et l’Italie et à construire une nouvelle ligne à courant continu traversant les Alpes.

En janvier 2007, la Commission européenne a proposé un plan d’interconnexion prioritaire(23), dans lequel elle identifiait quarante-deux projets d’intérêt européen dans les domaines du gaz et de l’électricité. Plusieurs de ces projets sont très importants pour la France.

Pour quatre projets transfrontaliers complexes, des coordonnateurs ont été nommés par l’Union européenne en septembre 2007. Il s’agit des interconnexions électriques France-Espagne, Pologne-Lituanie, des éoliennes off shore de la mer du Nord et de la mer Baltique et du corridor dévié méridional.

M. Philippe de Ladoucette, Président de la Commission de régulation de l’énergie, a indiqué lors de son audition que les initiatives régionales progressent. Ainsi, le marché français est couplé depuis 2006 avec les marchés belge et néerlandais et l’extension à la totalité de la région Centre-Ouest est prévue pour mars 2010. Le rapprochement avec l’Espagne et le Portugal est en cours (un accord avec l’Espagne ayant été signé le 27 juin 2008) mais des problèmes techniques de compatibilité se posent. Pour le gaz, la réversibilité des connexions, très importante en cas de difficultés d’approvisionnement, n’est pas toujours possible entre Europe du Sud et Europe du Nord, pour des raisons réglementaires (le gaz étant odorisé en France et en Espagne, mais pas en Allemagne ni en Belgique).

Dans son rapport précité sur l’état d’avancement de la création du marché intérieur du gaz et de l’électricité, la Commission européenne souligne une tendance à l’accroissement des volumes échangés sur le marché au comptant de l’électricité.

Volumes échangés sur le marché au comptant de l’électricité

 

Volume en % de la consommation

2006

2007

Grèce

102,75

105,70

Danemark

96,09

99,16

Suède

70,22

85,32

Espagne

51,90

80,06

Italie

58,22

65,11

Finlande

42,00

45,85

Portugal

0,00

43,63

Lituanie

18,88

21,98

Allemagne

15,60

21,48

Pays-Bas

17,14

18,48

Roumanie

7,74

9,32

France

6,19

9,20

Belgique

0,59

8,43

Royaume-Uni

4,33

4,71

Autriche

2,70

3,73

Pologne

1,11

1,60

Slovénie

0,01

0,01

Source : Données fournies par les autorités nationales de régulation.

Les volumes échangés sur les plateformes de négoce de gaz ont augmenté de 44 % en 2006 et de 33 % en 2007 mais ils ne représentent encore qu’une faible part de la consommation.

Les réseaux sont de plus en plus interdépendants. Comme le soulignent MM. Jean-Marie Chevalier et Jacques Percebois dans leur rapport sur le marché européen du gaz et de l’électricité(24) : « la libéralisation a profondément changé la logique de l’interconnexion. C’était une logique de solidarité et de secours à court terme ; c’est maintenant une logique commerciale qui, au-delà du commerce, crée une puissante solidarité entre les réseaux ».

A titre d’exemple, le tableau suivant décrit les échanges contractuels transfrontaliers d’électricité pour la France en 2007 :

Pays

Exportations (en TWh)

Importations (en TWh)

Royaume-Uni

9,1

3,1

Belgique

11,8

1,6

Allemagne

8,0

16,2

Suisse

26,1

4,4

Italie

20,7

0,3

Espagne

7,3

1,9

TOTAL France

83,0

27,5

Source : RTE.

Le solde des échanges atteint + 55 TWh, ce qui représente 12 % de la consommation française. Le rapport du Conseil d’analyse économique précité indique que la France reste le premier exportateur d’électricité en termes physiques, mais que, du point de vue commercial, elle importe des quantités croissantes à certaines périodes de pointe.

Que prévoit la « deuxième analyse stratégique » en termes d’interconnexions électriques et gazières, à l’horizon 2020 ? La Commission européenne indique que « la connexion des marchés de l’énergie encore isolés en Europe est une priorité. Avec les Etats membres concernés et en collaboration étroite avec les régulateurs nationaux de l’énergie, la Commission élaborera en 2009 un plan d’interconnexion pour la région balte concernant le gaz, l’électricité et les questions de stockage. (…) Des interconnexions gazières et électriques traversant l’Europe du Centre et du Sud-Est selon un axe nord-sud doivent être développées de façon prioritaire ; (…) un schéma directeur pour un réseau énergétique en mer du Nord devrait être mis au point en vue d’interconnecter mutuellement les réseaux électriques nationaux du Nord-Ouest de l’Europe et d’y raccorder les nombreux projets prévus d’énergie éolienne en mer » .

Ces priorités en matière d’infrastructures figuraient déjà dans un document présenté par la Présidence française de l’Union européenne et annexé aux conclusions du Conseil européen d’octobre 2008. Le but est de fixer une hiérarchie dans les priorités. Les interconnexions baltes, pour désenclaver l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie, sont un projet que la France soutient depuis longtemps, car la situation de ces pays constitue une vulnérabilité évidente pour l’Union européenne. Par ailleurs, la France soutient également le projet de réseau pour la mer du Nord, considérant que le recours aux éoliennes off shore est un instrument important pour la réalisation par l’Union européenne de ses objectifs (cette question des éoliennes sera de nouveau abordée dans la suite du présent rapport).

Par ailleurs, à l’horizon 2050 la Commission européenne suggère que l’Union européenne s’engage à construire un « réseau électrique interconnecté intelligent ».

Selon son analyse, le réseau actuel a été construit pour transporter l’électricité des grandes centrales vers les réseaux nationaux de distribution d’énergie au détail. Le réseau de demain devra tenir compte des répercussions du changement climatique et desservir un marché européen intégré comptant une multitude de petits fournisseurs d’énergie renouvelable, qu’il s’agisse de parcs d’éoliennes ou de producteurs domestiques, qui contribueront de plus en plus, parallèlement aux centrales plus importantes, à garantir l’électricité essentielle pour l’économie européenne. Il faudra modifier le réseau électrique de l’Union européenne en profondeur pour l’adapter à une production décentralisée. Il conviendra d’approfondir les concepts tels que la construction en mer d’un « super-réseau entourant l’Europe et raccordant l’énergie solaire du sud, l’énergie houlomotrice de l’ouest et l’énergie éolienne ou hydraulique du nord aux grands centres de consommation ».

Dans sa résolution sur la « deuxième analyse stratégique » adoptée le 3 février 2009 sur la base du rapport présenté par Mme Anne Laperrouze, le Parlement européen s’est alarmé du retard dans la réalisation des réseaux d’intérêt européen du transport de l’énergie. Il a approuvé les propositions de la Commission européenne concernant la réalisation prioritaire d’interconnexions électriques et gazières visant à intégrer les pays baltes et l’Europe centrale et du sud-est dans le réseau européen, ainsi qu’à créer un réseau en mer du Nord. A ces priorités il a ajouté « la mise en place d’interconnexions avec les îles et régions distantes et isolées de l’Union » et « le développement d’interconnexions dans l’Europe du sud-ouest, en particulier à partir de la péninsule ibérique jusqu’au nord de la France ».

La construction de nouvelles interconnexions et l’amélioration des interconnexions existantes, dans tous les cas où elles sont nécessaires, doivent demeurer une priorité de l’Union européenne et de chacun des Etats membres. Pour autant, il convient d’attirer l’attention sur un élément parfois négligé dans ces projets : leur degré d’acceptabilité, l’adhésion des habitants. Comme l’a remarqué M. Dominique Maillard, président de RTE, lors de son entretien avec les rapporteurs, le problème est rarement celui de l’insuffisance des financements mais souvent un problème d’acceptation par les populations résidant sur le tracé des lignes électriques, qui ne perçoivent pas toujours les retombées bénéfiques d’une interconnexion. A cet égard, il faut saluer le travail des coordonnateurs européens lorsqu’ils existent, et s’interroger sur l’opportunité d’en désigner un plus grand nombre pour accompagner d’autres projets.

La question du développement et de l’amélioration des interconnexions, s’agissant de l’électricité, est étroitement liée aux deux problématiques suivantes :

Quelle doit être la place de l’électricité d’origine nucléaire dans la stratégie européenne en matière de politique énergétique ?

Dans quelle proportion et de quelle manière l’Union européenne
doit-elle favoriser le développement du recours aux différentes énergies dites « renouvelables » ?

II. QUELLE PLACE POUR L’ELECTRICITÉ NUCLÉAIRE EN EUROPE ?

A. Le débat sur la place du nucléaire dans le « bouquet énergétique » reste extrêmement sensible dans l’Union européenne, mais les perspectives de développement du nucléaire sont importantes

Tout en reconnaissant que le débat sur l’utilisation du nucléaire demeure extrêmement sensible à l’échelle européenne, plusieurs personnalités entendues par les rapporteurs ont souligné que la question de la place du nucléaire dans le « bouquet énergétique » européen doit impérativement être soulevée : pour être capable d’atteindre ses objectifs en termes de sécurité d’approvisionnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’Union européenne ne peut se permettre d’écarter aucune option. La présence de l’électricité nucléaire dans le « bouquet énergétique » contribue à équilibrer celui-ci et donc contribue à la sécurité énergétique.

Les divergences entre Etats européens sur le recours à l’électricité nucléaire sont profondes et paraissent insurmontables, au point de rendre cette question largement « taboue » dans les débats communautaires. Le Conseil « Energie », lorsqu’il s’est prononcé le 19 février 2009 sur la « deuxième analyse stratégique », a pris soin de rappeler la liberté des Etats « d’opter pour le bouquet énergétique de leur choix », tout en affirmant que l’Union « doit exploiter au mieux ses propres ressources énergétiques, y compris (…), dans les pays qui en font le choix, l’énergie nucléaire ».

Pour autant, le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février sur la « deuxième analyse stratégique », n’a pas manqué de rappeler « l’importance de l’énergie nucléaire, qui est produite dans 15 des 27 Etats membres, utilisée dans un plus grand nombre encore d’Etats membres et qui couvre près du tiers de la demande en électricité de l’Union ».

La France occupe bien évidemment une position très particulière, puisque plus de 80 % de l’énergie qu’elle produit est le fait de ses centrales nucléaires et que, toutes formes d’énergie confondues (pétrole, gaz, électricité…), 41 % de l’énergie consommée en France en 2004 était constituée par de l’énergie d’origine nucléaire.

La production d’énergie nucléaire dans les Etats membres de l’UE en 2006

Pays

Energie nucléaire produite

(en milliers de tep – « tonnes équivalent pétrole »)

Part de l’énergie nucléaire dans le total de l’énergie primaire produite

(en %)

Belgique

12 032

90 %

Bulgarie

5 028

46,1 %

République tchèque

6 719

20,3 %

Danemark

0

0

Allemagne

43 148

31,5 %

Estonie

0

0

Irlande

0

0

Grèce

0

0

Espagne

15 510

49,7 %

France

116 128

85,7 %

Italie

0

0

Chypre

0

0

Lettonie

0

0

Lituanie

2 232

68,8 %

Luxembourg

0

0

Hongrie

3 472

33,6 %

Malte

0

0

Pays-Bas

895

1,5 %

Autriche

0

0

Pologne

0

0

Portugal

0

0

Roumanie

1 453

5,3 %

Slovénie

1 431

41,9 %

Slovaquie

4 646

73,7 %

Finlande

5 909

33,2 %

Suède

17 277

53,5 %

Royaume-Uni

19 463

10,6 %

TOTAL UE - 27

255 342

29,3 %

Source : Eurostat.

S’agissant de l’énergie primaire consommée dans l’Union européenne, le nucléaire représentait 14 % du total en 2006 (et environ 30 % du total de l’électricité consommée).

La majorité des centrales nucléaires existantes dans l’Union européenne arriveront au bout de la durée de vie initialement prévue dans les dix à vingt prochaines années. On s’interroge sur l’opportunité de prolonger leur durée de vie.

En Allemagne, la loi sur l’énergie atomique entrée en vigueur en avril 2002 prévoit l’abandon de la production nucléaire d’électricité d’ici 2021 au plus tard. Des pays comme le Portugal, l’Autriche, l’Irlande et le Danemark (parmi les « anciens » Etats membres), mais aussi la Pologne et deux des trois Etats baltes (parmi les « nouveaux » Etats membres) n’ont pas de centrale nucléaire sur leur territoire – ce qui ne signifie pas que ces pays n’aient jamais recours à des importations d’électricité produite par des centrales nucléaires situées chez leurs voisins immédiats.

Plusieurs annonces officielles récentes font état d’une volonté affirmée de différents Etats d’avoir recours – davantage ou à nouveau – à la production d’électricité nucléaire sur leur territoire.

En Finlande, la construction d’un quatrième réacteur, de type EPR (« réacteur pressurisé européen »), est en cours. La construction de centrales est prévue en Grande-Bretagne, pour renouveler le parc de centrales vieillissant. Lors de la crise gazière, la Slovaquie et la Bulgarie ont fait savoir qu’elles envisageaient de réactiver des réacteurs pour lesquels une décision de fermeture avait pourtant été prise lors de leur adhésion à l’Union européenne ; la Bulgarie prévoit de construire deux réacteurs. En Pologne, où actuellement plus de 90 % de l’électricité est produite dans des centrales à charbon, le Premier ministre a annoncé la construction d’une ou de deux centrales nucléaires d’ici à 2020. Le 5 février 2009, la Suède a opéré un retournement de sa position, l’ensemble de la coalition au pouvoir s’étant mis d’accord sur la construction de centrales pour remplacer les dix réacteurs existants répartis dans trois centrales. L’Italie, dont tous les réacteurs ont été fermés à la fin des années 1980, envisage désormais de relancer ses installations et de construire de nouvelles centrales, dans le cadre d’un partenariat avec la France signé le 24 février 2009. En France, le Président de la République a annoncé la construction d’un deuxième EPR (à Penly, en Seine-Maritime).

Cette « relance » du nucléaire civil est une tendance qui s’observe à l’échelle mondiale. Les Etats-Unis, l’Argentine, l’Inde, la Chine, la Corée du Sud, la Russie, entre autres, ont chacun un ou plusieurs réacteurs en construction, sans compter les projets annoncés mais dont la réalisation n’est pas encore engagée. Selon la World Nuclear Association, qui rassemble les industriels du secteur, ce sont au total près de 240 réacteurs qui sont annoncés pour les vingt prochaines années.

Dans ces conditions, se posent les questions suivantes : peut-on vraiment construire tous ces réacteurs ? Les ressources en uranium
couvriront-elles les besoins(
25) ? N’y aura-t-il pas une pénurie de personnels formés (techniciens et ingénieurs), tant pour la construction des centrales que pour leur maintenance et leur surveillance ? Les industriels sollicités pour la fabrication des centrales seront-ils en mesure de produire les éléments et composants nécessaires ? C’est au niveau mondial que ces questions doivent être appréhendées. Mais une action de dimension européenne doit également être entreprise.

B. La Commission européenne propose une directive établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire

Au niveau européen, il est bien entendu hors de question de porter atteinte aux prérogatives de chaque Etat membre en ce qui concerne le choix de la composition de son propre « bouquet énergétique ». En revanche, les questions de sûreté nucléaire intéressent l’ensemble des Etats membres, qu’ils soient ou non producteurs d’électricité nucléaire, et doivent donner lieu à de réelles avancées, quelles que soient les positions nationales de principe sur l’usage du nucléaire.

Traiter de la sécurité nucléaire au niveau européen comporte un volet externe et un volet interne. S’agissant du premier, la communication sur la « deuxième analyse stratégique » souligne que « bon nombre de pays en développement ne disposent pas actuellement de l’arsenal législatif et réglementaire nécessaire pour garantir que la priorité soit donnée à la sécurité dans les décisions en matière de conception, de construction et de mise en service. » L’Union européenne dispose d’un instrument spécifique de coopération en matière de sûreté nucléaire avec les pays tiers, dont la Commission européenne rappelle l’existence(26).

S’agissant du volet interne, la « deuxième analyse stratégique » reconnaît la place de l’énergie nucléaire dans le « mix » énergétique considéré à l’échelle de l’Union : « l’énergie nucléaire contribue à la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’UE » ; de plus, dans la mesure où elle « n’accroît pas les émissions de gaz à effet de serre, [elle] permet donc de lutter contre le changement climatique ». La décision d’investir ou non dans l’énergie nucléaire « appartient à chaque Etat membre, mais le cadre de sûreté et de sécurité nucléaire appliqué sur tout le territoire de l’UE relève de l’intérêt commun (…) L’UE doit donc établir un cadre législatif commun en ce qui concerne la sûreté des installations nucléaires et la gestion des déchets nucléaires». Les Etats membres, au niveau du Conseil « Energie », et le Parlement européen ont appelé à l’élaboration de ce cadre commun.

La Commission européenne a donc accompagné sa communication sur la « deuxième analyse stratégique » d’une proposition de directive établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire(27). Ce texte vise à définir des obligations fondamentales et des principes généraux en matière de sûreté des installations nucléaires, les Etats demeurant libres d’appliquer des règles plus strictes s’ils le souhaitent. Le champ d’application de la proposition de directive englobe la conception, le choix des sites, la construction, l’entretien, l’exploitation et le déclassement des installations nucléaires. Son dispositif repose sur les exigences posées, au niveau mondial, par l’Agence internationale de l’énergie atomique. Cette proposition a été examinée en première lecture par le Parlement européen le 22 avril 2009, et est actuellement en cours d’examen au Conseil.

La France soutient l’objectif de ce texte, qui est d’établir un cadre réglementaire susceptible de rassurer les citoyens européens. Mais le dispositif proposé est clairement insuffisant : il faut impérativement qu’il soit complété par des règles strictes sur la gestion et le transport des déchets. La résolution du Parlement européen du 22 avril 2009 va dans ce sens, puisqu’elle amende la notion d’ « installation nucléaire » concernée par le texte en y incluant les centres de stockage de déchets radioactifs, et qu’elle exige que l’amélioration de la sûreté nucléaire apportée par la directive soit également imposée aux gestionnaires de déchets.

III. LES ENERGIES RENOUVELABLES DOIVENT DEVENIR UN ELEMENT CENTRAL DE L’ACTION COMMUNAUTAIRE

A. Les objectifs européens

La communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » met clairement l’accent sur l’importance du potentiel des énergies renouvelables : « le développement des énergies renouvelables telle que l'énergie éolienne, l'énergie solaire, l'énergie hydraulique, l'énergie tirée de la biomasse et les ressources marines doit être considéré comme la source potentielle d'énergie indigène la plus importante de l'UE. Elle représente aujourd'hui quelque 9 % de la consommation énergétique de l'UE, l'objectif fixé étant une contribution de 20 % d'ici 2020. » Le Parlement européen, dans sa résolution sur la « deuxième analyse stratégique », a adopté une démarche encore plus ambitieuse, en invitant l’Union et les Etats membres à porter à 60 % la part des énergies renouvelables d’ici à 2050.

Rappelant qu’une proposition de directive sur les énergies renouvelables est actuellement en cours de négociation(28), la Commission européenne annonce qu’elle « s'inspirera de l'expérience acquise avec la nouvelle directive sur les énergies renouvelables pour présenter une communication sur l'élimination des obstacles aux énergies renouvelables dans l'UE ».

On l’a vu, la Commission européenne propose que l’Union européenne se fixe notamment comme objectif de long terme, à l’horizon 2050, la constitution d’un réseau électrique intégrant une multitude de fournisseurs d’électricité d’origine renouvelable, et connectant aux consommateurs des unités de production d’électricité éolienne, solaire, hydraulique…

Le souci de développer la production et la consommation d’énergies renouvelables a une double motivation : contribuer progressivement à la « transition énergétique » de l’Europe vers un « après-pétrole » et réaliser les objectifs ambitieux que l’Europe s’est assignée en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Des considérations politiques, économiques et environnementales concourent donc à justifier une action déterminée de l’Union en faveur des énergies renouvelables.

La proposition de directive présentée en janvier 2008, et sur laquelle la commission chargée des affaires européennes s’est prononcée en novembre dernier, vise à obliger les Etats membres à porter collectivement à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l’Union européenne. Pour parvenir à ce résultat global, des objectifs nationaux différenciés mais contraignants sont fixés (30 % pour le Danemark, 18 % pour l’Allemagne, 20 % pour l’Espagne, 23 % pour la France…), et trois secteurs d’activité spécifiques sont visés (l’électricité, le chauffage/refroidissement, les transports), à charge pour chaque Etat de décider de l’importance relative des contributions de chacun de ces secteurs pour atteindre l’objectif national. Les objectifs nationaux ont été fixés de manière à tenir compte des efforts déjà consentis par certains pays. Une clause de révision est prévue pour 2014, mais ne permettra pas de revoir les objectifs à la baisse. Des coopérations seront possibles, et même encouragées, entre les Etats membres.

L’objectif global de porter à 20 % la part des renouvelables dans le mix énergétique a été notamment décliné au niveau local par plus de 400 villes européennes (de pays de l’Union européenne et de pays tiers comme la Suisse, la Norvège et la Turquie), regroupées dans le « Pacte des maires », qui se sont engagées, en février 2009, à au moins atteindre cet objectif de 20 % en 2020, voire à faire mieux, en faisant rapport tous les deux ans à leurs habitants et à la Commission européenne.

Cette initiative vient utilement rappeler que les objectifs énergétiques et climatiques de l’Union européenne nécessitent des partenariats entre les autorités communautaires, nationales et locales. L’apport de l’Union européenne à cette initiative consiste en une assistance technique de la Commission européenne dans l’élaboration des plans d’action et en une mobilisation de crédits de la Banque européenne d’investissement.

Le présent rapport n’abordera pas toutes les formes existantes d’énergies renouvelables, mais se contentera d’évoquer deux des pistes les plus prometteuses : l’énergie éolienne et l’énergie solaire. Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que la diversité des énergies renouvelables va permettre à chaque Etat membre d’encourager, selon ses ressources nationales en ensoleillement, en forêts, en cours d’eau, etc, telle ou telle énergie renouvelable pour atteindre son objectif national. On le constate déjà dans la répartition actuelle de la production d’énergies renouvelables dans les Etats membres :

Production primaire d’énergie renouvelable dans l’Union européenne en 2006
(en milliers de tep)

 

Production primaire
énergie solaire

Production primaire
biomasse / déchets

Production primaire
énergie géothermique

Production primaire
énergie hydraulique

Production primaire
énergie éolienne

Total énergies renouvelables

Belgique

3

1 267

2

31

31

1 335

Bulgarie

0

774

33

364

2

1 173

Rép. Tchèque

3

1 973

0

219

4

2 200

Danemark

10

2 408

12

2

525

2 957

Allemagne

472

16 175

167

1 714

2 641

21 126

Estonie

0

616

0

1

7

624

Irlande

1

217

1

62

139

420

Grèce

109

1 006

11

520

146

1 793

Espagne

84

5 173

8

2 198

1 979

9 442

France

29

12 072

130

4 845

185

17 261

Italie

38

3 758

4 966

3 181

255

12 198

Chypre

43

7

0

0

0

50

Lettonie

0

1 603

0

232

4

1 839

Lituanie

0

776

2

34

1

813

Luxembourg

2

63

0

9

5

79

Malte

0

0

0

0

0

0

Hongrie

2

1 174

86

16

4

1 282

Pays-Bas

22

2 123

0

9

235

2 389

Autriche

101

3 737

35

2 999

148

7 019

Pologne

0

4 844

13

176

22

5 054

Portugal

24

3 011

88

946

252

4 320

Roumanie

0

3 235

18

1 578

0

4 831

Slovénie

0

462

0

309

0

771

Slovaquie

0

501

6

378

1

886

Finlande

1

7 651

0

988

13

8 654

Suède

6

9 415

0

5 307

85

14 813

Royaume-Uni

37

3 251

1

396

363

4 048

TOTAL UE - 27

987

87 751

5 577

26 569

7 077

127 962


Source :
Eurostat.

Part des énergies renouvelables dans la consommation brute d’énergie

 

1997

2006

Belgique

1,2 %

2,9 %

Bulgarie

2,3 %

5,5 %

République tchèque

1,6 %

4,3 %

Danemark

8,3 %

15,6 %

Allemagne

2,2 %

6,0 %

Estonie

10,6 %

9,8 %

Irlande

1,5 %

2,7 %

Grèce

5,2 %

5,7 %

Espagne

6,3 %

6,6 %

France

7,1 %

6,3 %

Italie

5,3 %

7,0 %

Chypre

2,0 %

1,9 %

Lettonie

29,5 %

31,0 %

Lituanie

6,1 %

9,3 %

Luxembourg

1,4 %

1,7 %

Malte

n.c

n.c

Hongrie

2,0 %

4,6 %

Pays-Bas

2,0 %

3,6 %

Autriche

20,8 %

21,4 %

Pologne

3,8 %

5,1 %

Portugal

17,3 %

17,0 %

Roumanie

10,7 %

11,7 %

Slovénie

8,1 %

10,5 %

Slovaquie

2,5 %

4,6 %

Finlande

20,5 %

22,7 %

Suède

27,4 %

29,1 %

Royaume-Uni

0,9 %

1,9 %

TOTAL UE - 27

5,4 %

7,1 %

Source : Eurostat.

Les objectifs nationaux fixés sont-ils réalistes ? Seront-ils atteints ? S’agissant de la France, les autorités françaises ont accepté l’objectif de 23 %, tout en regrettant l’absence de prise en compte de l’énergie nucléaire. Plusieurs personnalités entendues par les rapporteurs, notamment les représentants du secteur de l’hydroélectricité en France, se sont montrés pessimistes sur la possibilité d’atteindre cet objectif national, tout en reconnaissant que le « Grenelle de l’environnement » a eu le mérite de fixer des orientations claires, de rassembler les acteurs concernés pour travailler ensemble, et de démontrer l’existence d’une volonté politique forte.

Le paquet énergie-climat a prévu un accès prioritaire des énergies renouvelables au réseau électrique, ce qui recouvre à la fois un accès au marché (trouver un acheteur) pour ces producteurs d’énergie et le raccordement au réseau. Le raccordement de plusieurs milliers de mégawatts d’énergies renouvelables, essentiellement d’origine éolienne et solaire, dans les années à venir nécessite d’importants investissements à mener dès aujourd’hui. De manière générale, du fait du développement des énergies renouvelables, les réseaux électriques sont confrontés à de nouvelles contraintes. Les gestionnaires de réseaux doivent s’adapter aux caractéristiques de ces modes de production.

Source : Eurostat.

Electricité consommée provenant des énergies renouvelables(29)
(en % de la consommation brute d’électricité)

 

1997

2006

Belgique

1,0 %

3,9 %

Bulgarie

7,0 %

11,2 %

République tchèque

3,5 %

4,9 %

Danemark

8,9 %

26,0 %

Allemagne

4,3 %

12,0 %

Estonie

0,1 %

1,4 %

Irlande

3,8 %

8,5 %

Grèce

8,6 %

12,1 %

Espagne

19,7 %

17,7 %

France

15,2 %

12,5 %

Italie

16,0 %

14,5 %

Chypre

0,0 %

0,0 %

Lettonie

46,7 %

37,7 %

Lituanie

2,6 %

3,6 %

Luxembourg

2,0 %

3,4 %

Hongrie

0,8 %

3,7 %

Malte

0,0 %

0,0 %

Pays-Bas

3,5 %

7,9 %

Autriche

67,5 %

56,6 %

Pologne

1,8 %

2,9 %

Portugal

38,3 %

29,4 %

Roumanie

30,5 %

31,4 %

Slovénie

26,9 %

24,4 %

Slovaquie

14,5 %

16,6 %

Finlande

25,3 %

24,0 %

Suède

49,1 %

48,2 %

Royaume-Uni

1,9 %

4,6 %

TOTAL UE - 27

13,1 %

14,6 %

Source : Eurostat.

B. L’énergie éolienne : la Commission européenne préconise un recours accru aux éoliennes en mer (off shore

1. Que représente actuellement l’énergie éolienne dans l’Union européenne et quelles sont ses perspectives de développement ?

L’électricité d’origine éolienne ne représente une part tangible de la production totale d’électricité que dans une poignée d’Etats membres(30), mais son importance va croissant : plus de 40 % des nouvelles capacités de production d’électricité ajoutées au réseau européen au cours de l’année 2007 étaient fondées sur l’énergie éolienne, faisant de celle-ci la technologie de production ayant la croissance la plus rapide parmi les technologies basées sur les énergies renouvelables. L’Union européenne dispose d’une capacité éolienne installée de 65 000 MW (soit un peu plus de la moitié des capacités installées dans le monde) :

Evolution des capacités éoliennes cumulées dans l’UE et dans le monde entre 1996 et 2008 (en MW)

Source : « The Economics of Wind Energy » (Economie de l’énergie éolienne), étude publiée en mars 2009 par la European Wind Energy Association (EWEA).

En France notamment, le marché de l’installation d’éoliennes est dynamique. Comme l’a souligné M. Benoît Praderie, porte-parole de l’association « Planète Eolienne », devant les rapporteurs, ce marché a progressé de 40 % en 2008 (soit 1 000 MW de capacité nouvelle). Compte tenu des permis d’installation accordés, au total la France devrait disposer d’une capacité installée d’environ 8 000 MW en 2010. Il y a quelques années, la France était au dernier rang en Europe, elle est au quatrième rang aujourd’hui et a donc effectué un spectaculaire « rattrapage », même si la part de l’éolien reste extrêmement faible dans la consommation totale d’énergie (toutes énergies confondues).

Part de l’énergie éolienne dans la consommation intérieure totale d’énergie

 

1997

2002

2006

Belgique

0

0

0,1 %

Bulgarie

0

0

0

République tchèque

0

0

0

Danemark

0,8 %

2,1 %

2,5 %

Allemagne

0,1 %

0,4 %

0,8 %

Estonie

0

0

0,1 %

Irlande

0

0,2 %

0,9 %

Grèce

0

0,2 %

0,5 %

Espagne

0,1 %

0,6 %

1,4 %

France

0

0

0,1 %

Italie

0

0,1 %

0,1 %

Chypre

0

0

0

Lettonie

0

0

0,1 %

Lituanie

0

0

0

Luxembourg

0

0,1 %

0,1 %

Hongrie

0

0

0

Malte

n.c

n.c

n.c

Pays-Bas

0,1 %

0,1 %

0,3 %

Autriche

0

0,1 %

0,4 %

Pologne

0

0

0

Portugal

0

0,1 %

1,0 %

Roumanie

0

0

0

Slovénie

0

0

0

Slovaquie

0

0

0

Finlande

0

0

0

Suède

0

0,1 %

0,2 %

Royaume-Uni

0

0

0,2 %

Total UE - 27

0

0,2 %

0,4 %

Source : Eurostat.

En termes d’emploi, le secteur de l’énergie éolienne se montre également dynamique (fabricants de turbines, fabricants de composants, développeurs des projets, personnels chargés de l’installation et de la maintenance…). Actuellement, 75 % des emplois directs dans ce secteur dans l’Union européenne sont localisés dans les trois plus grands pays producteurs de cette forme d’énergie, le Danemark (23 500 emplois directs), l’Allemagne (38 000 emplois directs) et l’Espagne (20 500 emplois directs). En France, 7 000 emplois directs sont liés à cette activité ; ce chiffre peut paraître faible, mais si les objectifs fixés par le « Grenelle de l’environnement » sont atteints l’emploi dans le secteur de l’éolien pourrait concerner directement environ 60 000 personnes à terme.

La communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » adopte une démarche volontariste, en se basant sur un scénario dans lequel l’énergie éolienne fournira d’ici à 2020 plus du tiers de la part des renouvelables dans la production totale d’électricité, et près de 40 % de cette part d’ici 2030 – ce qui suppose un investissement cumulé d’au moins 200 à
300 milliards d’euros d’ici à 2030 (soit environ un quart du total des investissements dans les installations de production d’énergie préconisés par la Commission européenne).

Investissements dans le secteur de l’énergie éolienne dans l’UE – 27 sur la période 2000-2030

Légende : « Off shore investments » : investissements dans l’éolien en mer ; « on shore investments » : investissements dans l’éolien terrestre ; pour la période 2007-2030, les chiffres donnés sont des prévisions.

Source : EWEA.

Coût d’une éolienne de 2 MW installée en Europe (en euros 2006)

 

Investissement
(en euros par MW)

Part du coût total

Turbine

928 000

75,6 %

Connexion au réseau

109 000

8,9 %

Fondations

80 000

6,5 %

Occupation du terrain (loyer)

48 000

3,9 %

Installations électriques

18 000

1,5 %

Services de conseil

15 000

1,2 %

Frais financiers

15 000

1,2 %

Construction de routes

11 000

0,9 %

Systèmes de contrôle

4 000

0,3 %

TOTAL

1 227 000

100 %

Source : EWEA.

2. La Commission européenne recommande le déploiement à grande échelle de l’éolien en mer

La communication de la Commission européenne sur l’énergie éolienne en mer(31) reconnaît que l’énergie éolienne terrestre restera prédominante dans un premier temps, mais estime que les installations en mer prendront de plus en plus d’importance et qu’il faut favoriser cette évolution. La France soutient également cette idée.

Du fait de vents plus puissants et plus réguliers en mer, une éolienne off shore peut produire jusqu’à 50 % d’électricité en plus par rapport à une éolienne installée sur les terres. Les autres avantages des éoliennes off shore tiennent à une bien meilleure acceptabilité pour les habitants du pays concerné, puisque ces éoliennes, bien que dotées d’hélices de taille supérieure, sont peu ou pas visibles ni audibles pour les résidents des côtes(32).

Toutefois, ces éoliennes demeurent beaucoup plus coûteuses à fabriquer et à installer que les éoliennes on shore : les fondations, le montage et la connexion au réseau sont significativement plus chères ; une turbine off shore coûte en moyenne 20 % de plus et les tours et fondations peuvent coûter jusqu’à 150 % plus cher (chiffres cités par l’Agence internationale de l’énergie(33)). C’est ce qui a conduit M. Claude Mandil, lors de son audition par la commission chargée des affaires européennes, à se prononcer clairement en faveur d’une orientation des efforts vers le développement de l’éolien terrestre, qui « n’est pas loin d’être compétitif », plutôt que vers l’éolien en mer, « terriblement coûteux et donc rigoureusement non rentable ».

En revanche, M. Dominique Maillard a souligné devant les rapporteurs le caractère prometteur de l’éolien off shore, par opposition aux projets éoliens terrestres qui se heurtent à des difficultés importantes d’acceptation par les populations (particulièrement en France).

Géographiquement, la ressource éolienne off shore n’existe que pour certains Etats membres de l’Union européenne. Mais l’ampleur globale de cette ressource rend envisageable, à condition de disposer des interconnexions correspondantes, de diffuser cette électricité au sein de l’Union. Actuellement, les unités de production off shore d’électricité éolienne sont ainsi réparties :

Source : « The Economics of Wind Energy », EWEA, mars 2009.

Fermes éoliennes off shore récemment installées dans les Etats membres de l’Union européenne

Localisation de la ferme

Fonctionne depuis l’année

Nombre de turbines

Taille des turbines

Capacité totale de la ferme

Coût de l’investissement en millions d’euros

Nombre d’heures de pleine charge par an

Middelgrunden (Danemark)

2001

20

2 MW

40 MW

47

2 500

Horns Rev I (Danemark)

2002

80

2 MW

160 MW

272

4 200

Samsø (Danemark)

2003

10

2,3 MW

23 MW

30

3 100

North Hoyle (Royaume-Uni)

2003

30

2 MW

60 MW

121

3 600

Nysted (Danemark)

2004

72

2,3 MW

165 MW

248

3 700

Scroby Sands (Royaume-Uni)

2004

30

2 MW

60 MW

121

3 500

Kentish Flats (Royaume-Uni)

2005

30

3 MW

90 MW

159

3 100

Barrows (Royaume-Uni)

2006

30

3 MW

90 MW

n.c

n.c

Burbo Bank (Royaume-Uni)

2007

24

3,6 MW

90 MW

181

3 550

Lillgrunden (Suède)

2007

48

2,3 MW

110 MW

197

3 000

Robin Rigg (Royaume-Uni)

2008

60

3 MW

180 MW

492

3 600

Source : Risø (Laboratoire national de recherche sur les énergies renouvelables, Université technique du Danemark).

La construction de plusieurs parcs est prévue, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, à la limite des ZEE de la Suède, de l’Allemagne et du Danemark… En incluant les projets engagés, la répartition des capacités éoliennes off shore en Europe est la suivante :

Source : EWEA.

L’Union européenne a nommé un coordinateur européen (M. Georg Wilhelm Adamowitsch, désigné en novembre 2007) pour surveiller les progrès réalisés dans la mise au point de connexions entre les éoliennes en mer du Nord et en mer Baltique et le réseau à terre. M. Adamowitsch a remis à la Commission européenne son premier rapport annuel d’activité en septembre 2008. Le groupe de travail qu’il anime étudie la faisabilité d’un réseau sous-marin pour l’interconnexion et la distribution de la production éolienne de ces deux mers.

Cependant, pour qu’une plus grande part de la demande en électricité dans l’Union puisse être satisfaite par l’énergie éolienne produite en mer, il faut que soient mis en place de nouvelles unités de production et de nouveaux réseaux. Dans le Livre vert de novembre 2008 « Vers un réseau d’énergie européen sûr, durable et compétitif », la Commission européenne regrette que « dans les Etats membres, la planification stratégique se révèle insuffisante et le dialogue avec le public inadéquat ».

En France par exemple, il n’existe pas à ce jour pour l’éolien off shore de dispositif comparable aux « Zones de Développement de l’Eolien » terrestre permettant de définir de manière concertée des zones favorables pour installer les fermes. Actuellement, l’éolien français est à 100 % terrestre, comme l’a rappelé M. Dominique Maillard pendant son audition. Toutefois, l’éolien off shore n’est pas absent de l’action des autorités françaises, puisque l’Etat s’est fixé comme objectif, dans sa Programmation Pluriannuelle des Investissements, une capacité de 4 000 MW d’éolien off shore à l’horizon 2015 (et de 17 000 MW d’éolien en tout), et de 6 000 MW d’éolien off shore en 2020 (pour 25 000 MW d’éolien au total) dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ». La France dispose d’un potentiel important en Manche et en mer du Nord où les conditions de vent et de profondeur sont favorables. Quelques projets sont également pressentis sur la façade Atlantique, mais en revanche pas en Méditerranée où la profondeur est un obstacle.

Les différents interlocuteurs des rapporteurs se sont montrés partagés sur la possibilité pour la France d’atteindre ou non ces objectifs ambitieux. Si M. Dominique Maillard, président de RTE, s’est dit plutôt confiant, M. Benoît Praderie, de « Planète Eolienne », s’est montré plus sceptique, insistant sur la longueur excessive des procédures administratives préalables à la mise en service des éoliennes.

De manière générale, par rapport aux autres projets dans le domaine des énergies renouvelables, les projets d’éoliennes off shore sont confrontés à plusieurs séries de difficultés spécifiques :

Des enjeux technologiques et donc financiers, tout d’abord. Par rapport à l’énergie éolienne terrestre, l’énergie éolienne en mer demeure une technologie relativement chère et peu développée. Le financement des projets est difficile. Peu de fabricants disposent d’une expérience conséquente en la matière, et il existe des goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement (fabrication des composants d’éoliennes, navires d’installation, installations portuaires adéquates, personnel qualifié…). Comme le résume la Commission européenne, « les pionniers de l’éolien en mer se battent pour passer du statut de niche à celui d’industrie à part entière car, tant que cette technologie est en phase de maturation, les investisseurs hésitent beaucoup à réaliser de lourds investissements dans la recherche et le développement et dans les augmentations nécessaires de capacité ».

Le deuxième problème est l’insuffisance de planification stratégique intégrée au niveau des Etats membres et de coordination transfrontalière. Le troisième problème est la question de la compatibilité entre le développement des éoliennes off shore et l’application de certains textes communautaires en matière de protection de l’environnement : selon la Commission européenne, le retard pris par les Etats membres dans la désignation des zones protégées au titre des directives « habitats » et « oiseaux » en milieu marin rend impossible de déterminer avec certitude la liste des sites susceptibles de recevoir l’installation d’éoliennes.

L’une des principales difficultés pour l’avenir est de parvenir à éviter que plusieurs démarches légitimes – le développement de l’éolien terrestre, la prospection gazière et pétrolière en mer, le développement de l’éolien en mer – ne se fassent concurrence pour attirer les investissements, notamment au niveau des programmes de recherche-développement. La Commission européenne attire avec justesse l’attention sur ce risque, ainsi que sur l’impérieuse nécessité de mener simultanément le développement de l’éolien off shore et l’adaptation du réseau électrique existant pour intégrer cette production d’électricité dans le système.

C. L’énergie solaire : exploiter le formidable potentiel de l’Afrique saharienne ?

1. L’énergie solaire dans l’Union européenne

Comme l’éolien, le secteur de l’énergie solaire connaît actuellement une croissance forte. L’électricité solaire ne représente aujourd’hui qu’une part infime de la consommation énergétique en Europe, mais évite déjà le rejet de quatre millions de tonnes de CO2 par an.

Part de l’énergie solaire
dans la consommation intérieure totale d’énergie

 

1997

2002

2006

Belgique

0

0

0

Bulgarie

0

0

0

République tchèque

0

0

0

Danemark

0

0

0

Allemagne

0

0,1 %

0,1 %

Estonie

0

0

0

Irlande

0

0

0

Grèce

0,3 %

0,3 %

0,3 %

Espagne

0

0

0,1 %

France

0

0

0

Italie

0

0

0

Chypre

1,6 %

1,4 %

1,6 %

Lettonie

0

0

0

Lituanie

0

0

0

Luxembourg

0

0

0

Hongrie

0

0

0

Malte

n.c

n.c

n.c

Pays-Bas

0

0

0

Autriche

0,2 %

0,2 %

0,3 %

Pologne

0

0

0

Portugal

0,1 %

0,1 %

0,1 %

Roumanie

0

0

0

Slovénie

0

0

0

Slovaquie

0

0

0

Finlande

0

0

0

Suède

0

0

0

Royaume-Uni

0

0

0

Total UE - 27

0

0

0,1 %

Source : Eurostat.

Même si la France est l’un des marchés les plus dynamiques d’Europe pour le solaire thermique, avec 323 000 m2 de capteurs installés au cours de l’année 2007 (soit l’équivalent de 226 MW thermiques mis en service sur l’année), notre pays est encore bien loin derrière l’Allemagne, la Grèce et l’Autriche. Fin 2006, le parc de l’Union européenne était supérieur à 20 millions de m2 installés. L’Allemagne représente à elle seule près de la moitié du marché du solaire thermique de l’Union européenne, avec plus de 8,5 millions de m2 de capteurs en service fin 2006, devant la Grèce (3,2 millions de m2) et l’Autriche (2,8 millions de m2).

S’agissant du solaire photovoltaïque, l’activité est également très dynamique. A l’échelle de l’Union européenne, le parc installé s’établissait fin 2007 à 4 690 MW (+ 57 % par rapport à 2006), et cette filière représente aujourd’hui près de 15 000 emplois. La France possédait fin 2007 un parc photovoltaïque de 75 MW mais reste encore loin derrière l’Espagne ou l’Allemagne. Le Portugal, l’un des pays les plus ensoleillés d’Europe, s’efforce également de rattraper son retard en matière d’installations photovoltaïques.

Malgré les progrès de la recherche, le photovoltaïque demeure une technologie très coûteuse (près de 5 millions d’euros par mégawatt installé, contre environ 1,2 million d’euros pour l’éolien terrestre). De nombreux projets de recherche en cours sont toutefois prometteurs, ainsi que dans le domaine du solaire thermodynamique (concernant, par exemple, l’utilisation de l’énergie thermique solaire pour le dessalement de l’eau de mer).

2. Le projet solaire saharien

La proposition de directive sur la promotion de l’utilisation des énergies de source renouvelable autorise explicitement la prise en compte, pour la réalisation des objectifs nationaux, des importations d’électricité en provenance de pays tiers, à condition que l’électricité provienne d’installations construites après son entrée en vigueur. L’électricité produite par des centrales solaires thermodynamiques à concentration situées dans le Sahara entrerait donc dans ce cadre. Elle est, selon M. Cédric Philibert (Agence internationale de l’énergie, Division des énergies renouvelables), susceptible d’apporter une contribution décisive, car il s’agirait de capacités électriques garanties non intermittentes étant donné les conditions d’ensoleillement tout au long de l’année dans cette région du monde.

L’Algérie et l’Allemagne ont récemment mis à l’étude la réalisation d’un câble d’une capacité de 6 GW et long de 3 300 km entre le Sud algérien et Aix-la-Chapelle, dans lequel la part d’électricité d’origine solaire atteindrait 80 % en dix ans. Il est possible d’envisager des projets analogues entre la France et les pays du Maghreb notamment. En comptant de façon conservatrice 9 % de pertes en ligne pour un trajet d’environ 2 500 km entre le Sud algérien et Marseille, par exemple, il serait possible d’obtenir entre 19 et 38 TWh solaires utiles, soit 1,6 à 3,2 Mtep – une contribution de 8 à 16 % à l’objectif français d’augmenter de
20 Mtep la consommation nationale d’énergies renouvelables.

Parmi les pays de l’Union européenne, seuls quelques-uns ont des conditions très favorables d’ensoleillement pour produire de l’électricité solaire (certains d’entre eux comme l’Autriche et Chypre en font d’ailleurs dès à présent un usage important pour le chauffage), mais même ces potentiels nationaux additionnés sont dérisoires par rapport à l’ensoleillement des pays d’Afrique du Nord :

Potentiel de production d’énergie solaire par pays (en TWh par an)

Espagne

1 278

Algérie

168 972

Portugal

142

Libye

139 477

Chypre

20

Egypte

73 656

Italie

7

Maroc

20 146

Grèce

4

Tunisie

9 244

Malte

2

   

Total Europe du Sud

1 453

Total Afrique du Nord

411 495

Source : Agence internationale de l’énergie.

Le coût de l’électricité solaire produite au Sud de la Méditerranée dans des centrales thermodynamiques peut être estimée, selon l’AIE, entre 120 et 160 euros/MWh. Le transport, dont le coût est évalué à 20 euros/MWh pour le projet Algérie-Allemagne pour un fonctionnement continu, est largement justifié par la différence de coût avec l’électricité solaire produite en France (près de 300euros/MWh quel que soit le type de centrale). Au total, la différence de coût est principalement due au bien meilleur ensoleillement direct des pays d’Afrique du Nord (et accessoirement au coût inférieur du terrain).

Bien entendu, comme l’ont souligné M. Cédric Philibert et Mme Anne Laperrouze au cours de leurs entretiens avec les rapporteurs, il ne saurait être question de construire en Afrique du Nord des centrales solaires dont l’intégralité de la production serait exportée vers l’Europe : ces pays ont eux-mêmes des besoins croissants en énergie et doivent prioritairement les satisfaire ; toutefois, la possibilité d’exporter une partie de l’électricité ainsi produite, en faisant supporter aux consommateurs européens un surcoût que n’auraient ainsi pas à payer les consommateurs locaux, n’est pas contradictoire avec les objectifs de développement de ces pays.

L’énergie solaire constitue l’un des six grands projets mobilisateurs que se sont engagés à réaliser ensemble les pays de l’Union Pour la Méditerranée (UPM), dans leur déclaration fondatrice du 13 juillet 2008. Le « plan solaire méditerranéen » correspondant a des objectifs ambitieux : construire 20 GW de capacités additionnelles de production d’électricité bas carbone, et notamment solaire, dans les pays du pourtour méditerranéen à l’horizon 2020, garantir la rentabilité et la viabilité des projets en exportant une partie de l’énergie produite vers l’Union européenne, maîtriser la demande d’énergie tout en augmentant l’efficacité énergétique et les économies d’énergie dans tous les pays de la région.

Ce plan comporte une première phase (2009-2010) avec un « plan d’action immédiat » composé de projets pilotes, qui sera suivie d’une seconde phase (2011-2020) pour le déploiement à grande échelle de projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.

IV. L’EFFICACITÉ ENERGETIQUE DOIT DEVENIR UN OBJECTIF CONTRAIGNANT POUR L’UNION EUROPÉENNE

Le dernier axe d’action préconisé par la « deuxième analyse stratégique » est, de l’avis des deux rapporteurs, en réalité le plus crucial, ou du moins celui sur lequel il convient d’être encore plus combatif et résolu que la Commission européenne : il s’agit de la démarche à la fois quantitative et qualitative de « l’efficacité énergétique », consistant à mieux consommer l’énergie afin de moins en consommer.

Placer l’économie européenne toute entière dans un modèle orienté vers l’efficacité énergétique constitue une véritable révolution des références et des comportements. Bien entendu, il ne s’agit pas d’une démarche nouvelle. Les économies d’énergie sont prônées et encouragées, notamment en France, depuis plusieurs décennies au moins. Mais il manque encore à l’Europe une vision d’ensemble, cohérente, pédagogique et contraignante, permettant d’accélérer significativement l’amélioration de l’efficacité énergétique de son économie et du mode de vie de ses citoyens.

L’Union européenne s’est engagée à améliorer son efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020. Cet objectif est indissociable des autres buts précis qu’elle s’est fixés en matière environnementale et énergétique : réaliser l’objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans sa consommation l’aideront à mieux et moins consommer, et inversement, une politique ambitieuse dans le domaine de l’efficacité énergétique contribuera de manière indispensable à la réduction des gaz à effet de serre. De plus, diminuer la consommation grâce à l’efficacité énergétique est la manière la plus durable de réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et donc la dépendance de l’Union européenne vis-à-vis de pays tiers à travers ses importations.

Tous ces éléments sont rappelés par la Commission européenne dans sa communication sur la « deuxième analyse stratégique », mais sans qu’elle aille jusqu’au bout du raisonnement : puisque l’efficacité énergétique est essentielle pour la sécurité énergétique de l’Union européenne et pour sa contribution à la lutte contre le changement climatique, il faut placer l’objectif « + 20 % d’efficacité énergétique d’ici 2020 » sur le même plan que les deux autres éléments constitutifs du « 20-20-20 » en le rendant impératif et contraignant.

A. Le potentiel d’économies d’énergie n’est pas exploité suffisamment vite pour espérer atteindre l’objectif de 20 %

Afin de réduire l’intensité énergétique totale de 20 % d’ici à 2020, une réduction de la consommation d’énergies primaires d’environ 10 % par rapport à 2004 sera nécessaire. Des gains substantiels d’efficacité énergétique pourraient résulter d’une amélioration des bâtiments (résidentiels et commerciaux), des transports, de la production et de la distribution d’électricité ainsi que de l’industrie. Le potentiel d’amélioration est important mais le nombre et la diversité des acteurs qui doivent prendre les décisions requises pour agir sont impressionnants.

L’intensité énergétique des économies européennes s’est améliorée depuis les chocs pétroliers des années 1970, mais les gains d’efficacité énergétique ont ralenti depuis les années 1990. Cet indicateur est le ratio entre la consommation intérieure brute d’énergie et le PIB calculé pour une année donnée. Il mesure l’efficacité énergétique globale d’une économie.

Intensité énergétique de l’économie de quelques pays européens
(en kilogrammes d’équivalent pétrole par 1000 euros)

 

1996

2001

2006

UE – 27, dont :

240,36

214,71

202,45

Allemagne

179,15

163,70

154,75

Danemark

161,67

125,04

118,05

Estonie

1 863,41

1 229,71

848,28

Espagne

220,25

219,99

211,33

France

209,25

190,14

179,06

Italie

190,11

180,28

185,00

Pays-Bas

233,22

198,59

188,39

Pologne

972,89

649,20

573,97

Suède

268,41

222,46

188,34

Royaume-Uni

256,11

222,42

193,25

Source : Eurostat.

Au sein de l’Union européenne, les politiques mises en œuvre depuis la fin des années 1990 et les progrès technologiques ont contribué à améliorer l’efficacité énergétique finale de 1,3 % par an en moyenne entre 1997 et 2006. Au cours de cette période, c’est le secteur industriel qui a le plus progressé en termes d’efficacité énergétique (+ 24 %), tandis que celle-ci n’a progressé que de 9 % dans le secteur des transports et dans celui des ménages.

L’Union européenne s’est fixé un objectif à l’horizon 2020 pour accélérer considérablement l’amélioration de l’efficacité énergétique sur son territoire, et a adopté en 2006 un « Plan d’action pour l’efficacité énergétique », dont seulement un tiers des actions sont terminées. La commission chargée des affaires européennes a déjà eu l’occasion, sous la précédente Législature, de se pencher sur l’action communautaire dans ce domaine(34; elle avait alors jugé particulièrement opportune la volonté de la Commission européenne de privilégier une relance des actions en faveur des économies d’énergie, face au relâchement des efforts entrepris, et avait estimé nécessaire de concentrer les actions sur les deux secteurs pour lesquels les potentialités d’économies d’énergie dont les plus élevées, à savoir les transports et le bâtiment.

Selon la Commission européenne, « si l’objectif de réduction de 20 % est atteint, l’UE ne réduirait sa consommation d’énergie primaire que d’environ 400 Mtep, mais elle éviterait par là même la construction de quelque 1 000 unités de production d’électricité à partir de charbon, ou encore d’un demi-million d’éoliennes. La réduction des émissions de CO2 s’élèverait à environ 860 Mt »(35). Elle annonce également que « si les Etats maintiennent leur cadence de mise en œuvre actuelle, il est clair que notre objectif de réduction d’ici à 2020 est sérieusement compromis ».

Le potentiel d’économies d’énergie n’est pas exploité suffisamment vite. Dans ses conclusions, en février 2006, la commission (alors Délégation) chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale avait suggéré que des objectifs contraignants puissent être imposés au niveau communautaire, en tenant compte de la diversité des situations nationales et en faisant preuve de réalisme. Elle avait également insisté sur la nécessaire exemplarité du secteur public, tant au niveau national que local, et sur l’accent à mettre sur la formation de professionnels qualifiés en nombre suffisant.

Ces propositions sont toujours pertinentes aujourd’hui et peuvent être utilement réitérées par la commission chargée des affaires européennes.

Le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février dernier sur la « deuxième analyse stratégique », ainsi que lors de l’adoption, le 19 février, du rapport d’initiative de M. Andras Gyürk (PPE, Allemagne) sur le suivi des plans nationaux en matière d’efficacité énergétique, a exigé que l’objectif communautaire de réduction de 20 % de la consommation d’énergie par rapport aux projections d’ici 2020 soit rendu juridiquement contraignant.

Cette exigence paraît justifiée aux deux rapporteurs, d’autant que cette démarche, loin de mettre en danger la compétitivité de l’économie européenne, est susceptible de créer de nombreux emplois et que l’Europe est en pointe au niveau mondial dans le domaine des services d’efficacité énergétique(36). Le fait que la démarche d’efficacité énergétique constitue un gisement important d’emplois pour l’Europe, notamment dans l’expertise et le conseil, a été confirmé aux rapporteurs par les représentants de la Fédération française des entreprises gestionnaires de services aux équipements, à l’énergie et à l’environnement (FG3E) : qu’il s’agisse de la gestion du chauffage urbain, de l’incinération des déchets, des services d’installation et des services après-vente pour les équipements de chauffage ou de climatisation individuels ou collectifs, les entreprises françaises, notamment, ont une activité dynamique et qui s’étend désormais à l’Europe entière – la difficulté étant plutôt située au niveau des formations, pour trouver des techniciens en nombre suffisant.

La commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale a déjà exprimé, lors de l’examen du paquet énergie-climat(37), son regret que, parmi les « trois 20 », l’objectif d’efficacité énergétique n’ait qu’une place secondaire du fait de son caractère non contraignant.

Certes, la Commission européenne a eu raison de souligner, dans sa communication consacrée à ce sujet, l’application peu satisfaisante de la législation communautaire en vigueur et le « fossé entre l’engagement politique des Etats membres en faveur de l’efficacité énergétique et les mesures qu’ils prennent ». Il n’est pas inutile de rappeler qu’à la fin du mois de janvier 2009, pas moins de vingt des vingt-sept Etats membres se trouvaient en infraction pour n’avoir pas communiqué les mesures nationales de transposition de la directive du 5 avril 2006 relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques. Ces vingt Etats (la France n’en fait pas partie) ont reçu un avis motivé, ce qui constitue la deuxième étape de la procédure d’infraction.

Il est clair qu’avant d’envisager de se fixer des obligations encore plus ambitieuses, les Etats membres se doivent de mettre leur droit national en conformité avec leurs engagements antérieurs. Chaque Etat membre, y compris la France, doit s’interroger sur l’existence de rigidités ou de lacunes, dans sa législation nationale, qui font obstacle à la réalisation des objectifs européens.

La Commission européenne a présenté, en même temps que la « deuxième analyse stratégique », une série d’initiatives dans le domaine de l’efficacité énergétique pour compléter les mesures existantes. Ces initiatives concernent le secteur du bâtiment, l’étiquetage des produits consommateurs d’énergie, et un nouvel étiquetage pour les pneus de voiture, ainsi que la cogénération(38). Elle annonce également que des mesures complémentaires seront présentées ultérieurement pour poursuivre la mise en œuvre de la directive du 6 juillet 2005 sur l’éco-conception, et pour réviser la directive du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques.

B. L’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments

Dans l’Union européenne, les bâtiments comptent pour 40 % de la consommation totale d’énergie (42,5 % en France), et cette consommation d’énergie est à l’origine de 36 % des émissions totales de CO2 de l’Union
(19 % des émissions en France). Le potentiel d’économies d’énergie dans ce secteur est considérable (30 % d’ici à 2020 selon la Commission européenne, ce qui représenterait une réduction de 11 % de la consommation totale d’énergie de l’Union).

Aussi, parmi les mesures du paquet sur l’efficacité énergétique annoncé par la « deuxième analyse stratégique », figure la révision de la directive du
16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments(
39). Cette proposition a pour objet de clarifier et de simplifier la directive actuelle, d’élargir son champ d’application, de renforcer certaines dispositions pour les rendre plus efficaces, et d’assigner un rôle moteur au secteur public. Ces modifications sont nécessaires, même si elles entraîneront des coûts supplémentaires.

Les seuils de surface sont supprimés ou abaissés pour les exigences minimales de performance énergétique des bâtiments lorsqu’ils font l’objet de rénovations importantes, pour les études de faisabilité des approvisionnements en énergie dans les bâtiments neufs (afin d’encourager le recours aux énergies renouvelables), et pour l’affichage du certificat de performance énergétique dans les bâtiments recevant du public. Le texte renforce les dispositions relatives aux certificats de performance énergétique (appelés « diagnostics de performance énergétique » ou DPE en France) et aux systèmes de chauffage et de climatisation, en imposant notamment la mise en place d’un système de vérification des certificats ou des rapports d’inspection. Les Etats membres devront chacun établir un plan national pour le développement des bâtiments dont la consommation d’énergie et les émissions de CO2 sont basses, à transmettre à la Commission européenne avant juin 2011.

La France est globalement favorable à la révision proposée. Elle a transposé la directive actuellement en vigueur dans le droit national, et est même allée plus loin sur certains points, ce qui a permis d’anticiper sur la révision proposée de la directive : la mise en place d’exigences de performance énergétique pour tous les bâtiments quelle que soit leur surface est déjà en application en France, de même que la disponibilité du certificat de performance énergétique lors de la mise en vente ou en location d’un bâtiment. En revanche, plusieurs dispositions de la proposition de révision nécessiteront des mesures de transposition, par exemple l’obligation qui serait faite aux annonceurs immobiliers d’afficher un indicateur de performance énergétique dans toute annonce de vente ou de location d’un bâtiment.

S’agissant des changements envisagés dans le dispositif qui régit les certificats de performance énergétique, des précisions sont apportées par la proposition de directive sur le contenu de ces certificats. Le gouvernement français reconnaît que la partie « recommandations » du DPE est actuellement un point faible du dispositif en vigueur, mais tient à ce que ces recommandations ne gardent qu’un caractère informatif et ne deviennent pas des prescriptions de travaux.

S’il est effectivement difficile d’envisager dès à présent de transformer les DPE en prescriptions de travaux, les rapporteurs considèrent que cette piste doit être étudiée à moyen terme. Il est essentiel, en matière d’efficacité énergétique des bâtiments comme d’ailleurs en matière d’efficacité énergétique des appareils domestiques, de privilégier la sensibilisation des consommateurs et leur responsabilisation, ce qui suppose au préalable leur parfaite information. S’agissant des bâtiments anciens, il serait nécessaire que soient établis des diagnostics approfondis, par immeuble et non pas simplement par appartement, comportant des prescriptions de travaux à effectuer en particulier lors de la revente.

La rapporteure du Parlement européen sur cette proposition de directive, Mme Silvia-Adriana Ticãu (PSE, Roumanie) a proposé d’introduire dans le texte des exigences bien plus ambitieuses que celles du texte initial, notamment l’obligation que tous les nouveaux bâtiments produisent eux-mêmes autant d’énergie qu’ils en consomment, grâce à des panneaux solaires ou à des pompes à chaleur par exemple. En plénière, le 23 avril 2009, le Parlement européen a repris cette proposition de la rapporteure, en exigeant que « les Etats membres veillent à ce que tous les nouveaux bâtiments [c’est-à-dire ceux dont le permis de construire sera obtenu après l’entrée en vigueur de la directive] soient des bâtiments dont la consommation nette d’énergie est nulle (…). »

La résolution adoptée le 23 avril demande également que les Etats membres fixent des objectifs nationaux intermédiaires pour les bâtiments déjà construits. Dans le cas des bâtiments déjà construits, le Parlement européen exige que, lors de rénovations importantes (couvrant plus de 25 % de la surface de l’enveloppe du bâtiment ayant un effet direct sur la performance énergétique de celui-ci, ou impliquant un coût supérieur à 20 % de la valeur du bâtiment) ou du remplacement d’éléments tels que les chaudières ou les systèmes d’air conditionné, ces bâtiments soient mis au moins aux normes minimales de performance énergétique en la matière.

On peut noter, s’agissant de la France, que l’une des principales mesures du « Grenelle de l’environnement », l’éco-prêt à taux zéro, prévu par la loi de finances pour 2009, vise à inciter les ménages français propriétaires ainsi que les copropriétés à entreprendre des travaux de rénovation thermiques dans leurs logements.

C. Les propositions en matière d’étiquetage énergétique des produits

1. La proposition de révision de la directive sur l’étiquetage énergétique

L’étiquetage énergétique consiste à informer les consommateurs sur la performance d’un produit ou d’un appareil à l’aide d’une échelle allant de « A » (vert) pour les plus efficaces à « G » (rouge) pour les moins efficaces, ce qui permet une comparaison simple des produits.

Ce système a été introduit par une directive du 22 septembre 1992, qui est une directive-cadre : elle a donné lieu à l’adoption de mesures d’exécution selon la procédure de « comitologie » pour huit catégories d’appareils (réfrigérateurs, congélateurs, lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge, lampes, climatiseurs et fours électriques). La Commission européenne propose(40) de réviser la directive de 1992 pour l’étendre à tous les produits ayant une incidence sur la consommation d’énergie pendant leur utilisation, destinés aussi bien aux ménages qu’aux secteurs commerciaux et industriels (comme par exemple les vitrages, chambres froides, distributeurs automatiques…) car elle ne couvre pour l’instant que les appareils domestiques. Le texte ne s’appliquera toutefois pas aux véhicules, concernés par d’autres règles.

Cet étiquetage harmonisé avec l’échelle allant de « A » à « G » est désormais familier pour les consommateurs européens, et il paraît effectivement utile d’étendre son champ d’application à de nouveaux produits. Le potentiel d’économies d’énergie et le souci de poursuivre l’amélioration de l’information des consommateurs justifient cette démarche. Il conviendra toutefois de définir avec précision le concept de « produits liés à l’énergie » auxquels le champ d’application de la directive sera ainsi étendu.

La proposition de directive a été examinée en première lecture par le Parlement européen le 5 mai 2009, et est en instance d’examen au Conseil. Dans sa résolution, le Parlement européen a exigé que toute publicité et tout document promotionnel sur les produits couverts par cette directive fournissent aux utilisateurs finaux les informations nécessaires sur la consommation d’énergie ou les économies d’énergie de ces produits, ou comportent une référence à leur classe énergétique.

2. La proposition de directive sur l’étiquetage des pneumatiques

L’objectif de cette proposition(41), présentée en même temps que la communication sur la « deuxième analyse stratégique », est de promouvoir l’évolution du marché vers des pneumatiques qui réduisent la consommation de carburant, tout en garantissant que des informations normalisées seront données aux consommateurs, non seulement sur l’efficacité énergétique mais aussi sur l’adhérence et le bruit.

La Commission européenne propose un étiquetage simple et compréhensible sous forme d’autocollant mentionnant notamment l’efficacité énergétique des pneus, allant de « A » à « G », semblable à celui en vigueur pour les appareils domestiques évoqué ci-dessus. Avec la mise en place de ce système harmonisé d’étiquetage, qui entrerait en vigueur en 2012, les consommateurs pourront choisir en connaissance de cause leurs pneus en disposant d’informations objectives. Le but est à la fois de permettre aux consommateurs de réduire leurs dépenses en carburant et de réduire les émissions polluantes.

Ce texte constitue une mesure d’application concrète du « Plan d’action communautaire pour l’efficacité énergétique » visant à réduire de 20 % la consommation d’énergie dans l’Union européenne et de l’engagement pris par l’Union de diminuer de 20 % les émissions de CO2 d’ici 2020 (le transport routier est responsable de 23 % des émissions totales de CO2 en Europe, et les pneumatiques comptent pour 20 à 30 % dans la consommation de carburant d’un véhicule). Les industries du secteur sont globalement favorables à la proposition, qui a été examinée par le Parlement européen en première lecture le 22 avril 2009 et qui est actuellement en cours d’examen par le Conseil. Le Parlement européen, dans sa résolution du 22 avril, a demandé que le texte soit un règlement plutôt qu’une directive, afin de le rendre plus rapidement et directement applicable.

TROISIEME PARTIE :
QUELLES RESSOURCES PEUVENT ETRE MOBILISÉES À L’ECHELLE COMMUNAUTAIRE POUR COMPLETER LES FINANCEMENTS PRIVES ET LES FINANCEMENTS NATIONAUX ?

Le problème du financement des nombreux investissements indispensables à la réalisation de la « deuxième analyse stratégique » est très insuffisamment abordé par la communication de la Commission européenne. Celle-ci annonce en effet une future « initiative de financement de l’UE en faveur de l’énergie durable » sans même donner de date pour sa présentation, ni bien sûr de montant. La communication ne comporte aucune estimation chiffrée sur les investissements correspondant à chacun des axes d’action qu’elle préconise, et renvoie à une étape ultérieure (« durant la période 2009-2010 ») le recensement des besoins financiers et des sources potentielles de financement.

Le Livre vert « Vers un réseau d’énergie européen sûr, durable et compétitif » reconnaît que, s’agissant des réseaux d’énergie, « la question budgétaire s’avère cruciale », et exprime fortement l’inquiétude suivante, justifiée en période de crise économique : « Il y a lieu (…) de se demander si le marché effectuera les investissements nécessaires, répondant à des intérêts publics, sans une intervention publique importante ».

Il est normal, compte tenu de l’application du principe de subsidiarité, du volume actuel du budget communautaire, des différences d’approche entre Etats membres, et de la place primordiale des investisseurs privés dans le secteur de l’énergie, que les centaines de milliards d’euros d’investissements indispensables à la concrétisation de la stratégie énergétique européenne ne puissent être principalement trouvés dans des fonds communautaires, qu’il s’agisse des crédits du budget ou des prêts obtenus grâce à la Banque européenne d’investissement.

Pour autant, il y a urgence à calculer et à trouver les fonds nécessaires, et les instruments communautaires peuvent du moins jouer un rôle
– quantitativement faible mais décisif – dans l’orientation des investissements
vers les projets d’intérêt majeur pour l’Union européenne. Par ailleurs, il est important que les fonds communautaires consacrés à l’énergie soient affectés à des réalisations concrètes, visibles, qui permettent de rendre compréhensible pour les citoyens de l’Union les enjeux de la politique européenne de l’énergie dans leur environnement local.

I. LA CONTRIBUTION DU BUDGET COMMUNAUTAIRE NE PEUT ÊTRE QUE LIMITÉE EN VOLUME

A. Les instruments budgétaires pluriannuels traditionnels : les réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E), les Fonds structurels, la politique européenne en faveur de la recherche

La Commission européenne estime à 300 milliards d’euros les besoins d’investissement pour les réseaux d’électricité et de gaz pour les vingt-cinq ans à venir. L’Union pour la coordination du transport de l’électricité (UCTE) évalue les besoins en interconnexions pour l’électricité(42) à 17 milliards d’euros pour les cinq ans à venir.

Le soutien financier du budget de l’Union européenne se fait en premier lieu par le biais des réseaux transeuropéens dans le secteur de l’énergie
(RTE-E).
Ces réseaux, lancés en 1996, sont actuellement régis par la décision du 6 septembre 2006 établissant des orientations relatives aux RTE-E, qui contient en annexe une liste des axes et projets prioritaires(
43). Le budget alloué aux réseaux transeuropéens d’énergie finance pour l’essentiel des études de faisabilité et ne concerne actuellement que l’électricité et le gaz ; ceci explique pourquoi l’enveloppe budgétaire correspondante est faible : 155 millions d’euros pour la période 2007-2013 pour 300 projets admissibles à l’aide. Dans le cadre du budget 2009, les RTE-E se voient allouer 26 millions d’euros en crédits d’engagement et 15,1 millions d’euros en crédits de paiement. Les RTE-E bénéficient par ailleurs d’autres financements communautaires, au titre des Fonds structurels ou des interventions de la Banque européenne d’investissement notamment.

Sur la période 1995-2007, la ligne budgétaire « RTE-E » a permis de financer à hauteur de 23,6 millions d’euros des études de faisabilité pour des projets d’infrastructures électriques et gazières situées en France :

Financements au titre des RTE-E pour des projets situés en France sur la période 1995-2007

Année

Description

Montant (en euros)

1995

Etude de faisabilité concernant l’ « anneau baltique » (électricité)

150 000

1996

Etudes de faisabilité économique, d’impact environnemental et études techniques sur les trajets possibles pour l’interconnexion électrique France-Espagne à travers les Pyrénées Centrales

150 000

1997

Interconnexion électrique France-Espagne : étude technique et de faisabililté pour l’installation d’un transformateur

100 000

1998

Etudes techniques et de faisabilité sur l’expansion du réseau électrique dans le Nord-Est de la France et entre la France et l’Allemagne

230 000

1999

Etude de faisabilité sur la conversion d’un site en site de stockage souterrain de gaz naturel

4 300 000

1999

Etudes techniques et environnementales pour l’interconnexion électrique France-Espagne

344 200

2000

Etudes techniques et environnementales pour l’interconnexion électrique France-Espagne

394 150

2000

Etudes techniques et environnementales et évaluation financière pour l’interconnexion gazière France-Espagne

911 350

2001

Etudes préparatoires pour le développement de capacités souterraines de stockage de gaz naturel en Alsace

1 488 000

2002

Etudes de faisabilité et environnementales pour l’interconnexion électrique France-Espagne

900 350

2002

Etudes préparatoires pour le développement de capacités souterraines de stockage de gaz naturel dans la région Centre

2 165 500

2002

Etudes préparatoires pour le développement de capacités de stockage souterrain de gaz naturel dans la vallée du Rhône

1 450 000

2002

Extension du site de stockage de TotalFinaElf à Lussagnet

1 500 000

2003

Etudes préparatoires (deuxième phase) pour le développement de capacités souterraines de stockage de gaz naturel en Alsace

1 910 000

2003

Stockage souterrain de gaz naturel dans le Sud-Ouest

3 300 000

2003

Gazoduc d’interconnexion France-Espagne entre Arcangues et Irun

1 042 000

2005

Etudes techniques et environnementales pour une nouvelle interconnexion électrique France-Belgique

503 450

2006

Développement de capacités souterraines de stockage de gaz naturel dans la région Centre

2 802 000

Source : Commission européenne.

La Commission européenne préconise dans le Livre vert une révision des orientations des RTE-E. Elle envisage une extension de leur champ d’action aux oléoducs et considère que l’Union européenne devrait examiner la possibilité d’accroître leur budget. Dans la « deuxième analyse stratégique », elle note qu’« avec l’enveloppe budgétaire de 22 millions d’euros par an actuellement accordée aux RTE-E les possibilités de catalyser le développement des grands projets d’intérêt communautaire sont limitées. L’instrument du RTE-E a été initialement conçu et mis en place lorsque l’UE était nettement plus restreinte et faisait face, en matière énergétique, à des difficultés dont l’ampleur n’avait rien de comparable à la situation actuelle ».

Une réflexion doit donc être lancée sur le remplacement de cet instrument budgétaire par un nouvel instrument, que la Commission européenne nomme « instrument européen pour la sécurité et les infrastructures énergétiques » et sur lequel elle présentera en 2010 une proposition législative.

Les RTE-E ne constituent pas la seule réponse du budget communautaire aux besoins considérables de financement en matière d’énergie.

Le septième programme-cadre communautaire pour la recherche-développement (PCRD) comporte des enveloppes destinées à la recherche et à l’innovation dans le domaine de l’énergie, notamment avec un montant de 100 millions d’euros pour la période 2007-2009 en ce qui concerne les réseaux d’électricité. Ce septième PCRD va également être utilisé, dans le cadre du plan de relance européen en réponse à la crise économique, pour financer, conjointement avec les industries européennes, les Etats membres et la Banque européenne d’investissement, deux nouveaux partenariats public-privé : l’« Initiative européenne en faveur des voitures vertes », qui doit permettre d’élaborer des technologies pour développer des véhicules non polluants, et l’« Initiative européenne en faveur des bâtiments économes en énergie », pour le développement de technologies et de matériaux destinés aux bâtiments neufs et à la rénovation de bâtiments existants.

Les Fonds structurels, instruments de la politique régionale de l’Union, sont également utilisés pour financer des investissements liés à l’énergie. Ainsi, ces fonds vont allouer plus de 9 milliards d’euros à la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables pour la période 2007-2013. Ces fonds soutiennent en effet un large éventail d’activités, y compris des améliorations de l’efficacité énergétique dans l’industrie, le commerce, le transport, les bâtiments, l’innovation en faveur de l’énergie durable, et la formation.

Toutefois, l’énergie n’est qu’un aspect parmi d’autres de l’activité de ces Fonds et de la politique communautaire de recherche-développement, et il paraît difficile d’augmenter significativement les montants alloués aux projets énergétiques au titre de ces instruments, du moins dans le cadre financier pluriannuel actuel.

B. L’instrument budgétaire exceptionnel : le volet « énergie » de la contribution du budget communautaire au plan européen de relance économique

Dans le cadre du plan de relance européen présenté le 26 novembre 2008, il a été prévu de financer par le budget communautaire différents projets énergétiques, incluant des projets d’interconnexions d’électricité et de gaz (intra et extra-européens), mais aussi d’éoliennes en mer et de captage et stockage du carbone. C’est le volet le plus important du plan de 5 milliards d’euros proposé par la Commission européenne aux Etats membres et au Parlement européen pour compléter au niveau communautaire les différents plans de relance nationaux.

La proposition initiale de la Commission européenne(44) a été contestée par les Etats membres, dont la France, tant en ce qui concerne l’équilibre géographique et la maturité des projets que leur capacité à relancer effectivement l’économie. Les discussions sur le financement (sur la base d’une proposition de révision des perspectives financières, prévoyant notamment l’utilisation des marges de 2008(45) ) ont aussi fait apparaître de fortes critiques.

Le Conseil européen des 19 et 20 mars derniers est parvenu à un accord politique sur une liste de projets modifiée ainsi que sur les modalités de leur financement par le budget communautaire. Selon cet accord, le financement, par le budget communautaire, des projets dans le secteur de l’énergie s’élèvera au total à 3,98 milliards d’euros répartis sur 2009 et 2010. L’utilisation des marges de 2008 est exclue.

Au titre de ce plan « d’urgence », les projets d’interconnexion gazières bénéficieront d’un financement de 1,44 milliard d’euros, les projets d’interconnexions électriques de 910 millions d’euros, les projets d’éoliennes en mer de 565 millions d’euros et les projets de piégeage et de stockage du carbone de 1,05 milliard d’euros. Les projets seront financés selon leur ordre de maturité (définie par le fait qu’un projet en est au stade de l’investissement, ce qui suppose l’engagement de dépenses en capital substantielles avant la fin 2010).

Pour la France, la nouvelle liste de projets est plus favorable que la liste initiale. Les projets la concernant seront les suivants :

- 200 millions d’euros pour le renforcement du réseau gazier français sur l’axe France-Afrique-Espagne ;

- 200 millions d’euros pour l’amélioration de la connexion gazière France-Belgique ;

- 225 millions d’euros pour l’interconnexion électrique France-Espagne ;

- 165 millions d’euros pour le réseau off shore en Mer du Nord ;

- 50 millions d’euros pour un démonstrateur industriel de capture et de stockage de carbone à Florange.

Suite au Conseil européen, les négociations entre le Conseil et le Parlement européen ont permis d’aboutir à un accord politique entre les deux branches de l’autorité budgétaire communautaire sur ce volet « énergie » du plan de relance, ce qui permet d’espérer un accord en première lecture, compte tenu de l’urgence qu’il y a à voir ce dispositif entrer en application.

Le compromis prévoit que si les 3,98 milliards d’euros de fonds alloués aux projets énergétiques n’ont pas été dépensés intégralement d’ici fin 2010, les fonds restants pourront être utilisés pour d’autres projets, en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.

Cet accord a été approuvé en séance plénière au Parlement européen le 6 mai 2009 et doit à présent être validé formellement par le Conseil.

II. UN ACTEUR-CLÉ : LA BANQUE EUROPÉENNE D’INVESTISSEMENT

La Banque européenne d’investissement est citée à plusieurs reprises dans la communication de la Commission européenne sur la « deuxième analyse stratégique » ; il est prévu de faire appel à son concours dans de nombreux volets de la politique énergétique de l’Union européenne. La BEI est également citée dans la proposition de règlement « établissant un programme d’aide à la relance économique par l’octroi d’une assistance financière communautaire à des projets dans le domaine de l’énergie », présentée le 28 janvier 2009. Toutefois, cette proposition de règlement n’est accompagnée que d’une liste d’une vingtaine de projets, bien spécifiques ; l’action de la BEI va bien au-delà, en contribuant à financer un très grand nombre de projets dont plusieurs exemples sont donnés ci-après.

Bien que son existence et son activité demeurent largement méconnues des citoyens européens, la BEI est un acteur important des politiques communautaires, de plus en plus sollicité, qui joue un rôle souvent déterminant dans la réalisation de projets concrets et visibles dans les Etats de l’Union (ainsi que dans les pays tiers). Ceci est particulièrement illustré par ses interventions dans le secteur de l’énergie.

A. L’activité de la Banque européenne d’investissement (BEI)

La Banque européenne d’investissement (BEI) coopère avec un nombre important d’institutions financières et de banques commerciales. Elle conclut avec celles-ci des lignes de crédit destinées au financement d’investissements de petite ou moyenne dimension dans l’industrie, les services, les infrastructures… Elle accorde également des prêts affectés à un projet donné par l’intermédiaire d’institutions financières et de banques commerciales. Elle accorde enfin des prêts directs à des entreprises ou à des collectivités publiques lorsque les projets entrent dans ses priorités.

En pratique, l’approche actuelle de la BEI se concentre sur le soutien aux projets dont les promoteurs sont proches de parvenir à « boucler » leur montage financier mais qui ont des difficultés pour le faire dans le contexte actuel, l’état des marchés financiers les empêchant de trouver les derniers financements nécessaires. Pour contribuer à répondre à la crise actuelle, la BEI apporte à la fois une contribution décisive sur des projets existants, et réfléchit à la création de nouveaux produits pour aider de futurs projets.

La BEI n’accorde pas ses prêts en fonction de « quotas » liés à telle ou telle source d’énergie ni en vertu de quotas géographiques. Elle cherche cependant à répartir ses opérations de manière équilibrée, et exige que les projets qu’elle finance soient « viables ».

De conserve avec la Commission européenne et d’autres investisseurs institutionnels européens, la BEI œuvre à la création du Fonds européen 2020 pour l’énergie, le changement climatique et les infrastructures (« Fonds Marguerite ») pour financer des investissements en fonds propres et quasi-fonds propres dans ces secteurs.

En matière de recherche-développement, la BEI promeut le développement de technologies sobres en carbone ; elle a donc mis en place une politique sélective lorsqu’elle finance des projets de production d’électricité à base d’énergies fossiles (charbon, lignite…) afin que ces centrales utilisent les meilleures technologies disponibles.

Entre 1970 et 1987, la Banque a financé une partie non négligeable de l’expansion des investissements dans l’énergie au sein de la Communauté européenne (entre 3 et 4 % au total). Les prêts dans le domaine de l’énergie ont représenté pendant cette période 34 % des prêts de la Banque dans l’Union européenne (un tiers de ces prêts étant consacré au nucléaire). Puis la proportion des prêts de la Banque dans le domaine de l’énergie par rapport au total de ses prêts dans l’Union a progressivement reculé pour ne plus représenter que 9 % au cours de la période 2000-2005, ce qui reflétait le degré moindre de priorité accordé à la politique énergétique pendant cette période. L’énergie est redevenue désormais une priorité importante pour la BEI. En 2007, les prêts de la BEI dans le secteur de l’énergie ont atteint 6,8 milliards d’euros, dont plus de
5,4 milliards pour des projets situés dans l’Union européenne.

Sur la période 2003-2007, tous domaines confondus, la BEI a signé des contrats de financement pour un montant total de prêts de 203,7 milliards d’euros dans l’ensemble des pays de l’Union européenne et de l’AELE(46), dont un total de 41,4 milliards d’euros pour la seule année 2007. L’énergie a représenté sur cette période 8,6 % de l’activité de la Banque.

Prêts accordés par la BEI dans l’Union européenne sur la période 2003-2007
en faveur de projets dans le secteur de l’énergie (en millions d’euros)

 

Montant

% du total des prêts BEI

Montant total des prêts BEI accordés dans l’UE en 2003-2007, tous secteurs confondus (transports, assainissement, industrie, éducation…)

203 685

100,0

dont Energie :

17 432

8,6

Production d’énergie :

9 623

4,7

- électricité

7 167

3,5

- chaleur

1 254

0,6

- hydrocarbures

1 201

0,6

Transport et distribution d’énergie :

7 609

3,7

- électricité

5 314

2,6

- hydrocarbures

2 250

1,1

- chaleur

46

0,02

Production et traitement de combustibles nucléaires

200

0,10

Source : Rapport statistique annuel de la BEI pour l’exercice 2007.

L’objectif pour 2008, qui était fixé à 6,5 milliards d’euros, a été dépassé : en 2008 la BEI a signé des prêts pour un montant total supérieur à 8,6 milliards d’euros à l’appui de l’objectif « énergie » dans les 27 Etats membres de l’Union européenne. Les réseaux électriques (28 %) et les infrastructures de transport et de stockage de gaz naturel (21 %) ont bénéficié d’une part importante des prêts que la BEI a accordés l’année dernière. Les centrales électriques alimentées aux énergies fossiles n’ont totalisé que 1 % des sommes prêtées.

Prêts de la BEI en faveur du secteur de l’énergie en 2008 (répartition sectorielle)

Usines de regazéification et de liquéfaction

6 %

Centrales électriques alimentées en charbon ou en lignite

5 %

Centrales électriques alimentées au gaz naturel

8 %

Production combinée de chaleur et d’électricité

2 %

Réseaux électriques

28 %

Centrales électriques alimentées au pétrole

1 %

Réseaux de gaz naturel (y compris le stockage du gaz)

21 %

Chauffage urbain

1 %

Enrichissement d’uranium

2 %

Sources d’énergie renouvelables et production

23 %

Divers

3 %

Source : Conférence de presse annuelle de la BEI, 9 mars 2009.

L’objectif pour 2009 a été porté à 7 milliards d’euros, ainsi que pour 2010 (dont 1 milliard pour les énergies renouvelables). Elle a fixé à 20 % au minimum le pourcentage des futurs projets énergétiques dans l’Union européenne qui doivent porter sur les énergies renouvelables.

B. Les projets soutenus par la B.E.I dans le domaine des énergies renouvelables

Les prêts octroyés dans le secteur des énergies renouvelables ont totalisé 2,16 milliards d’euros en 2007 et 2,22 milliards en 2008, ce qui représente des montants considérables par rapport aux années antérieures (553 millions d’euros en 2004, 570 millions d’euros en 2005 et 524 millions d’euros en 2006). Ces prêts en faveur de projets liés aux énergies renouvelables ont non seulement concerné des technologies éprouvées comme les éoliennes terrestres, l’hydroélectricité ou l’énergie géothermique, mais aussi des technologies en cours de développement comme l’énergie thermique solaire ou photovoltaïque.

Dans le passé, l’hydroélectricité a bénéficié de l’essentiel des prêts BEI en faveur des énergies renouvelables. Ces dernières années, cependant, les prêts destinés à l’hydroélectricité ont sensiblement baissé au profit de ceux destinés à l’énergie éolienne. En 2006, la BEI a prêté 450 millions d’euros, soit le plus gros prêt individuel de son histoire en faveur des énergies renouvelables, à Iberdrola, le numéro un mondial du marché de l’énergie éolienne. L’objectif de la Banque est maintenant de diversifier son portefeuille de prêts en faveur des énergies renouvelables pour y inclure des énergies moins développées telles que l’énergie solaire et les biocarburants.

Quelques projets clés auxquels participe la BEI dans le domaine des énergies renouvelables :

- La BEI a signé en 2007 un apport de 25 millions d’euros en faveur du fonds EnerCap Power qui soutiendra des projets d’infrastructures liées aux énergies renouvelables dans le centre et le sud-est de l’Europe (République tchèque, Croatie, Hongrie, Pologne et Slovaquie notamment). Ce fonds doit en principe atteindre un total de 100 à 150 millions d’euros.

- Toitures solaires (Allemagne et Espagne) : ce prêt de 77 millions d’euros concernait l’installation d’un maximum de 35 centrales photovoltaïques de moyenne dimension raccordées au réseau électrique, d’une capacité totale d’environ 30 MW, la plupart d’entre elles placées sur des toitures-terrasses de centres logistiques en Allemagne et en Espagne. Le principal promoteur du projet est une PME expérimentée dans la pose de toitures. Un fonds de participation à capital fixe a cofinancé le projet, qui permettra d’éviter l’émission de quelque 15 000 tonnes de CO2 par an. Les centrales photovoltaïques bénéficient de règlementations tarifaires attrayantes dans les deux pays concernés.

- Parc éolien marin au Royaume-Uni : en 2008, la BEI a prêté 250 millions d’euros pour appuyer la construction et l’exploitation d’un parc éolien marin d’une capacité totale de 172 MW au Royaume-Uni, au large des côtes de l’Essex. L’électricité qu’il produira servira à alimenter le réseau public.

- En 2006, la BEI a accordé à l’Espagne un prêt d’un montant de 70 millions d’euros pour financer la construction de la première grande centrale héliothermique commerciale de l’Union européenne, la centrale AndaSol-1, située près de Grenade. Cette centrale pratique un nouveau système de stockage thermique à haute température qui doit permettre de porter la durée de production quotidienne d’électricité à plus de
12 heures en hiver et à 20 heures en été. Ces générateurs solaires viendront remplacer des centrales électriques à énergies fossiles, et doivent servir d’exemple pour promouvoir une nouvelle génération de centrales solaires à concentration dans l’Union européenne.

C. Les projets soutenus par la B.E.I dans le domaine de l’efficacité énergétique

La Banque a également renforcé ses activités à l’appui d’améliorations de l’efficacité énergétique, en particulier en collaborant avec la Commission européenne dans le cadre d’initiatives conjointes telles que la « Convention des maires » lancée en février 2009, qui concerne les bâtiments publics, l’éclairage public et les transports publics propres, et le « Plan stratégique européen pour les technologies énergétiques » (« Plan SET ») qui est conçu pour accélérer le développement de technologies rentables et à faible intensité de carbone.

La Banque a récemment entrepris d’intensifier ses efforts pour soutenir la régénération du tissu urbain. Elle participe dans ce but au programme JESSICA (Joint European Support pour Sustainable Investment in City Areas – Alliance européenne d’appui aux investissements durables en zone urbaine) lancé en 2006. JESSICA est un instrument financier innovant qui combine différents types de financement provenant de sources européennes dans le but d’investir dans des programmes de rénovation urbaine (plus de 30 milliards d’euros de prêts accordés pendant la période 2002-2007), qui peuvent concerner aussi bien des bâtiments publics que des bâtiments privés.

Les opérations dans le domaine de l’efficacité énergétique sont un domaine d’activité très récent pour la BEI. Il s’agit typiquement de projets de petite taille, très locaux, beaucoup de ces projets étant fragmentés et se heurtant à des contraintes d’endettement des collectivités locales. La BEI, au cours des derniers mois, a mené des discussions avec la Commission européenne afin de développer son rôle dans ce type d’opérations.

La BEI peut tout à fait soutenir financièrement, via les banques locales, en liaison avec des administrations et avec le secteur privé, des projets de rénovation de bâtiments ayant pour but l’amélioration de leur efficacité énergétique. Les projets existants concernent essentiellement, mais pas exclusivement, des bâtiments publics.

En 2007, la Banque a notamment signé le projet « Facilité Haute Qualité Energie Environnement » en France. Ce projet vise à soutenir le financement de projets de construction et la remise à neuf de bâtiments publics français (écoles, universités, crèches, bâtiments administratifs, centres sportifs, maisons de quartier…) en conformité avec des normes environnementales et des critères d’efficacité énergétique plus stricts que ceux en vigueur actuellement.

En 2007 la BEI a également participé au financement de plusieurs centrales de cogénération à haut rendement, à la modernisation de réseaux de chauffage urbain (par exemple dans le cadre du projet Vilniaus Energija en Lituanie),  au financement de bâtiments respectant des normes strictes d’efficacité énergétique et à la réhabilitation de zones de logements sociaux.

D. Le rôle de la B.E.I dans le volet externe de la politique énergétique

1. Les voies d’approvisionnement de l’Union européenne

La Banque soutient les projets de réseaux transeuropéens d’énergie (RTE-E). En 2007, ses prêts en faveur de ces projets ont atteint au total
1,4 milliard d’euros, et 2,9 milliards d’euros en 2008 (dont 1,4 milliard pour les infrastructures de transport de gaz).

La BEI intervient dans la plupart des projets gaziers prioritaires paneuropéens. Elle a par exemple financé en 2006 un projet en Grèce centré sur la construction et l’exploitation d’un gazoduc de 85 km reliant les réseaux gaziers nationaux de Grèce et de Turquie. Le 13 mars 2009, la BEI et son organisme spécialisé dans les relations avec la zone EuroMed, la FEMIP, ont signé une lettre d’intention portant sur l’octroi d’un prêt pour le financement à hauteur de 500 millions d’euros du projet de gazoduc Medgaz qui doit relier directement l’Algérie à l’Espagne pour assurer un approvisionnement pour l’Europe. Elle participe également au financement de projets liés au gaz naturel liquéfié (GNL) ainsi qu’au stockage du pétrole et du gaz.

La BEI est largement impliquée dans les discussions relatives au projet Nabucco, et pourrait être amenée à en financer jusqu’à 25 % si le projet devient assez « mûr » et assez intéressant économiquement.

2. L’activité de la B.E.I dans les pays tiers dans le domaine de l’énergie

La BEI finance également des projets situés à l’extérieur de l’Union européenne, dans l’ensemble des pays partenaires. Au total, sur la période
2003-2007, elle a financé des projets liés à l’énergie à hauteur de 2,7 milliards d’euros dans les pays méditerranéens (Egypte, Maroc, Syrie, Jordanie…),
606 millions d’euros dans l’ensemble des pays ACP, 586 millions d’euros en Asie (Chine, Pakistan, Laos), 577 millions d’euros en Europe du Sud-Est (Croatie, Bosnie, Turquie…), et 70 millions d’euros en Amérique latine. En 2008, les prêts liés à des projets dans le secteur de l’énergie hors de l’Union européenne ont totalisé 1,6 milliard d’euros.

Par ailleurs, la BEI prend une part active à la mise en œuvre du Plan solaire méditerranéen, et à la mise en place du Fonds mondial pour la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables (Global Energy Efficiency and Renewable Energy Fund), qui investira à l’échelle mondiale au travers de fonds régionaux dans des projets de petite et moyenne dimension ayant trait à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables dans les pays en développement et les économies émergentes. Ce Fonds, dont la création a été décidée en 2006, a démarré ses activités en décembre 2008, par le lancement d’une première série d’investissements qui financeront, en Afrique subsaharienne et australe et en Asie, des projets à petite échelle dans le domaine des énergies renouvelables.

Exemples de prêts accordés grâce à la BEI
à des projets dans le secteur de l’énergie en 2007-2008

1) Dans l’Union européenne :

- Belgique : extension et mise à niveau technique du terminal de GNL à Zeebrugge (85 millions d’euros) ;

- Allemagne : conception, construction et exploitation d’une centrale à charbon de pointe, d’une capacité de 750 MW, dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (397 millions d’euros) ; réalisation de sites de fabrication de silicium polycristallin destiné à être utilisé comme matière première dans des cellules et modules photovoltaïques (200 millions d’euros)

- Danemark : extension d’un parc éolien en mer au sud-ouest des côtes danoises (240 millions d’euros)

- Grèce : modernisation d’une centrale électrique (prêt de 80 millions d’euros à la Compagnie nationale d’électricité) ; extension du réseau national de gaz naturel de la Grèce (65 millions d’euros)

- Espagne : renforcement et extension du réseau de distribution d’électricité dans plusieurs régions relevant des Objectifs 1 et 2 (270 millions d’euros) ; construction de deux centrales héliothermiques à concentration à Sanlucar la Mayor, près de Séville (50 millions d’euros) ; construction et exploitation d’une deuxième centrale héliothermique à concentration à Grenade (AndaSol-2 ; 99,5 millions d’euros) ; investissements dans un ensemble de parcs éoliens dans les régions de Castille-La Manche, d’Andalousie, de Galice et de Cantabrique (100 millions d’euros) ; construction et exploitation de réservoirs stratégiques de stockage de pétrole (66 millions d’euros) ; prise de participation dans un fonds de capital-investissement axé sur les projets en faveur des énergies renouvelables (25 millions d’euros) …

- France : financement, sous forme de prêt-cadre, de projets de petite et moyenne dimension dans le secteur des énergies renouvelables, en particulier dans l’éolien (prêt à Unifergie, 100 millions d’euros) ; remplacement d’installations obsolètes d’enrichissement d’uranium en service au Tricastin (200 millions d’euros) ; prêt-cadre de 250 millions d’euros, via le Crédit Agricole, pour le financement d’investissements de petite et moyenne dimension dans le domaine de l’énergie ;

- Lettonie : remplacement d’une centrale de production combinée de chaleur et d’électricité à Riga (20 millions d’euros) ; renforcement et modernisation du réseau de distribution d’électricité moyenne tension et basse tension sur l’ensemble du territoire letton (100 millions d’euros) ;

2) Hors de l’Union européenne :

- Turquie : projet concernant huit centrales hydroélectriques (d’une capacité totale d’environ 955 MW) ainsi que les besoins de retenue et les barrages connexes, tous situés dans le sud-est de la Turquie. Le prêt de la BEI (135 millions d’euros) couvre toutes les phases de l’investissement, notamment les études préalables, les travaux de conception, les ouvrages de génie civil pour les voies d’accès, la construction des barrages et l’exploitation des centrales électriques.
- Inde : mécanisme de financement de 150 millions d’euros en faveur de la banque Export-Import Bank of India, une banque de développement détenue à 100 % par les pouvoirs publics indiens. Le prêt-cadre de la BEI soutiendra une série d’investissements, les deux tiers des crédits étant liés à des projets réalisés dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1. Audition de M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, sur la sécurité énergétique de l'Europe, le mercredi 28 janvier 2009

« Le Président Pierre Lequiller. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, pour faire le point sur la sécurité énergétique de l’Europe. Je lui demanderai d’abord quelle est son analyse de la dernière crise gazière et quels enseignements l’Union européenne doit tirer de l’interruption inédite de la fourniture de gaz par la Russie. Je lui demanderai ensuite son opinion sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique présentée par la Commission européenne en décembre 2008. Je lui demanderai enfin quelle appréciation il porte sur le paquet énergie-climat et quelles sont les perspectives pour l’accord post-Kyoto au sommet de Copenhague. Au terme de son exposé, j’appellerai les questions de mes collègues.

M. Claude Mandil. Je me dois de rappeler en préambule que je n’ai ni fonction ni mission. Je suis maintenant retraité, et même si je continue à m’intéresser de très près à ce sujet, je ne dispose peut-être pas de toutes les informations pertinentes. Il y a un an, alors que se préparait la présidence française de l’Union européenne, le Premier ministre m’a demandé de rédiger un rapport relatif à la sécurité énergétique de l’Union, que je lui ai remis en avril 2008. Il contient des recommandations qui restent valables, mais il est empreint d’une tonalité bienveillante à l’égard de la Russie que je ne reprendrais peut-être pas aujourd’hui.

Si l’on envisage l’Europe globalement, l’inquiétude qui se manifeste est parfois excessive, car la situation énergétique n’est pas mauvaise. En effet, le bouquet énergétique européen est assez bien réparti entre le pétrole, le gaz, le nucléaire et les énergies renouvelables, et les fournisseurs sont également diversifiés. Ainsi, le gaz représente un quart de l’énergie primaire consommée en Europe et la Russie fournit le quart de ce quart, soit moins de 7 % de la consommation énergétique européenne globale. Ce ne devrait donc pas être un sujet d’angoisse – si ce n’est qu’un très grand « mais » justifie que l’on s’en préoccupe : cette proportion est une proportion moyenne, qui recouvre des situations très disparates. Certains pays, dont le nôtre, consomment très peu de gaz ; d’autres, comme les Pays-Bas et l’Italie, en consomment beaucoup. Certains pays, tels l’Espagne et le Portugal, ne dépendent pas du tout de la Russie pour leur approvisionnement en gaz ; d’autres, tels la Slovaquie, la Pologne ou les pays baltes, en dépendent entièrement. Ce n’est donc pas simple spéculation intellectuelle de se demander si, en cette matière, les données pertinentes sont les données moyennes ou les données nationales.

Or, pour que les données européennes moyennes soient pertinentes, il faudrait qu’existe une parfaite solidarité européenne telle que, si une rupture d’approvisionnement se produit en un lieu, la relève est prise immédiatement. C’est ce qui se passe au niveau national : personne ne se préoccupe du taux de dépendance de la Bretagne ou de l’Alsace, et l’on sait que si un tuyau se rompt en Alsace, on trouvera quoi qu’il en soit le moyen d’alimenter la région en gaz.

Les choses ne se passent pas ainsi au sein de l’Union européenne actuellement. Cela explique, même si c’est très regrettable, que chaque pays cherche à assurer seul sa sécurité d’approvisionnement en gaz et, cela explique par ricochet le caractère incantatoire des appels à la solidarité qui jalonnent les Conseils européens successifs. Ils restent lettre morte et cette absence de solidarité a eu pour conséquence, il y a quelques jours encore, les très grandes difficultés que certains pays ont connues.

Une des conclusions de mon rapport reste donc valable : il est vain de parler de sécurité énergétique européenne si l’on ne commence pas par assurer la solidarité. Cette prise de position n’est pas seulement celle d’un partisan convaincu de la construction européenne idéaliste ou naïf ; c’est un avis presque cynique. En effet, la solidarité est en soi une assurance, car elle permet de garantir la sécurité au moindre coût. De plus, elle permettrait d’éviter que des gens qui ne nous sont pas spécialement favorables tentent en permanence d’enfoncer un coin entre les Etats membres. Ainsi a-t-on vu M. Dmitri Medvedev refuser à la présidence tchèque ce qu’il a accordé à Mme Angela Merkel ; ainsi a-t-on assisté à des interférences inadmissibles pour amener la Bulgarie à accepter des discussions bilatérales avec la Russie. Rien de tout cela ne se produirait s’il existait une solidarité européenne complète. Comment y arriver ?

Il faut, en premier lieu, une volonté politique. Or, elle ne va pas de soi. Pour préparer mon rapport, j’ai parcouru les capitales européennes ; à Berlin et à Prague, j’ai reçu un accueil très frais. On m’y a indiqué ne pas du tout aimer cette idée, que l’on m’a prié de ne pas retenir. Ce serait une version contemporaine de « La cigale et la fourmi », ont fait valoir mes interlocuteurs : nous ferions toutes les dépenses et nous prendrions toutes les précautions pour que certains de nos voisins se sentent protégés sans avoir consenti aucun effort. Allemands et Tchèques n’ont pas entièrement tort. C’est pourquoi j’ai adjoint, dans mon rapport, la notion de responsabilité à celle de solidarité.

Chacun doit faire des efforts. Des textes existent qui l’exigent, mais ils ne sont malheureusement pas appliqués. Ainsi, la directive 2004-67 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel prévoit que chaque Etat membre doit établir et communiquer à la Commission européenne un plan de crise – mais qui a seulement songé demander à la Bulgarie, il y a quinze jours, quel était son plan d’urgence ? Comme cela arrive très souvent, il suffirait parfois, pour améliorer une situation, que les décisions prises soient appliquées…

La solidarité responsable ne suffit pas néanmoins. Il faut aussi des interconnexions permettant de transporter le gaz là où on a besoin. Or, elles font si singulièrement défaut que certains pays européens, les Pays baltes par exemple, sont isolés du reste de l’Union pour ce qui concerne la distribution du gaz – comme de l’électricité. On a encore prétendu que certains tuyaux ne pourraient fonctionner que dans un sens ; cela me paraît peu vraisemblable mais, si tel est le cas, il est urgent de prendre les dispositions techniques permettant qu’il en aille autrement.

Pour que le système fonctionne, il faut aussi mettre au point un mécanisme efficace de décision et d’application des décisions. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a créé un tel mécanisme pour la gestion des crises pétrolières. Ce dispositif de solidarité – les Etats ayant adhéré à l’AIE sont astreints à constituer des stocks de pétrole représentant 90 jours d'importation nette – a fait la preuve de son utilité en 2005. Après que des ouragans eurent détruit les raffineries du Texas et de Louisiane, il a suffi d’une demi-journée au conseil d’administration de l’AIE pour constater la crise, mettre 60 millions de barils sur le marché et juguler immédiatement la rupture d’approvisionnement qui menaçait les Etats-Unis. Mais, on le sait, certains Etats membres de l’Union ne sont pas encore membres de l’AIE. L’Union européenne devrait donc mettre au point un dispositif spécifique pour le gaz – et aussi pour l’électricité, qui pose un problème différent en ce qu’elle ne peut être stockée. Il ne peut s’agir que d’un mécanisme supranational à confier à la Commission européenne ; sous le contrôle du Conseil, les décisions nécessaires pourraient être prises en quelques heures.

En résumé, ce qui manque à l’Union européenne, c’est un mécanisme pratique et actif de solidarité, assorti d’investissements urgents pour le transport transfrontalier du gaz et de l’électricité.

Quelques mots sur l’attitude de la Russie. Il y a un an, j’invitais à ne pas exagérer les difficultés avec ce pays et à tenir compte du fait que le gaz russe ne représente qu’une fraction de l’approvisionnement en gaz de l’Union européenne – à condition, encore une fois, que l’on parle de l’approvisionnement européen comme d’un tout, mais pas si l’on envisage, par exemple, la seule Slovaquie. J’observais que l’Union européenne, en se montrant plus inquiète qu’elle ne devrait l’être, donnait des armes à la Russie, qui se croit plus forte qu’elle ne l’est. Je plaidais pour que l’Union européenne fasse savoir à la Russie que certes son gaz lui plaît mais qu’elle dispose de solutions alternatives pour le gaz marginal : l’efficacité énergétique et le gaz naturel liquéfié. Ce dernier présente la caractéristique très attrayante pour la sécurité d’approvisionnement d’être « flexible ». Qui est alimenté par un tuyau dépend de son fournisseur ; en revanche, les méthaniers peuvent charger du gaz dans tout terminal méthanier et débarquer leur cargaison là où on la leur paye plus cher. Cette souplesse a un coût, mais elle procure une sécurité d’approvisionnement incomparable. Pour cette raison, la multiplication des terminaux méthaniers en Europe est une nécessité absolue. Il faut ajouter que dans la plupart des pays le gaz est utilisé pour fabriquer de l’électricité. Dans ce contexte, demander la fermeture de certaines centrales nucléaires qui ne demandent qu’à tourner n’est pas le meilleur des signaux à adresser à MM. Poutine et Medvedev.

A ce que je disais il y a un an, j’ajouterai aujourd’hui qu’au cours de la dernière crise, l’attitude du gouvernement russe a été inqualifiable ; ce n’est pas celle d’un gouvernement civilisé. Sans prendre parti dans la querelle entre l’Ukraine et la Russie, je constate qu’elle a initialement été présentée comme un différend commercial. Pour régler ce type de litige, on a recours aux tribunaux d’arbitrage, qui sont faits pour cela. En France, on a admis progressivement qu’un locataire doit payer son loyer mais que s’il ne le paye pas, on ne l’expulsera pas avant le mois de mars. Couper l’approvisionnement en gaz de populations entières au plus froid de l’hiver n’est pas la marque d’un pays civilisé. Il n’est que trop clair que la motivation du gouvernement russe était au moins autant politique que commerciale ; il a jugé utile de faire exploser la coalition au pouvoir en Ukraine et considéré que c’était une manière intelligente de le faire.

De plus, le système gazier russo-ukrainien est d’une opacité complète. L’entreprise gazière ukrainienne Naftogaz Ukraïny n’achetait pas directement à Gazprom mais par le biais de l'intermédiaire RosUkrEnergo. Cette entreprise, dont le siège se trouve dans le canton suisse de Zoug, est détenue pour moitié par Gazprom et pour moitié par des hommes de paille dont nul ne sait pour qui ils travaillent. Personne ne sait non plus à qui vont les bénéfices réalisés. Il a été convenu que RosUkrEnergo n’interviendrait plus dans le processus, mais on ignore ce que devient l’entreprise : est-elle dissoute ? Sert-elle de conseil à quelqu’un qui encaisse les bénéfices ?

En conclusion sur ce point, j’ai le regret de dire qu’il faut moins faire confiance au fournisseur russe que je ne le pensais il y a un an. Cela rend plus urgente la nécessité de renforcer l’efficacité énergétique de l’Union européenne et la répartition de ses sources d’approvisionnement. Pour plus de transparence, il faut aussi exiger des protagonistes, dont l’Ukraine, qu’ils se dotent d’un régulateur.

Il faudra aussi tirer de cet épisode des enseignements quant aux projets de gazoducs Nord Stream, South Stream et Nabucco. Dans le rapport que j’ai rendu au Premier ministre, je soulignais que l’Union européenne devait tenir un discours beaucoup plus entreprenant aux pays producteurs de gaz riverains de la Caspienne. Jusqu’à présent, ils ont cherché à ménager la chèvre et le chou, encouragés qu’ils étaient à garder de bonnes relations avec la Russie par la grande faiblesse politique d’une Union européenne qui ne parle pas d’une seule voix, ce qui est bien dommage. Ils ont donc conclu avec la Russie des contrats de livraison de gaz considérables, si considérables qu’il restera bien peu de gaz à transporter dans le gazoduc Nabucco. Au Turkménistan, au Kazakhstan, il faut dire : « Voyez ce qui se passe quand vous dépendez de Gazprom ; on n’hésite pas à couper les tuyaux. Considérez qu’il serait peut-être utile de garder une part significative de votre gaz pour la vendre à l’Union européenne ».

Pour m’en tenir au temps que vous m’avez imparti, je m’arrêterai là, mais je suis à la disposition des commissaires qui voudraient m’interroger.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie pour cet exposé passionnant.

M. Philippe Tourtelier. Vous avez en partie répondu aux questions que M. André Schneider et moi-même, désignés par notre commission comme rapporteurs d’information sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique, nous nous posions. Je vous demanderai toutefois quelques éclaircissements. Selon vous, la Russie constitue-t-elle un risque réel ou bien, l’interdépendance économique étant avérée, sommes-nous engagés dans une partie de poker menteur ? Après tout, la Russie doit écouler son gaz. Peut-on par ailleurs considérer comme un partenaire politiquement crédible, avec lequel négocier des accords, un gouvernement que vous décrivez comme n’étant pas civilisé ? Ne sera-t-on pas constamment engagé dans un rapport de forces ? S’agissant de l’opacité dans le secteur gazier, on a souvent l’impression d’une connivence ; pensez-vous, par exemple, que des actions contentieuses seront lancées par les compagnies gazières européennes, comme elles devraient l’être puisque des contrats n’ont pas été respectés ? Qui, selon vous, contrôle les réseaux de transport de gaz – les constructeurs, les pays de transit, d’autres ?

Lors de la réunion de la XLème COSAC, vous avez déclaré qu’il fallait à la fois plus d’énergies renouvelables et plus d’énergie d’origine nucléaire – mais dans quelles proportions respectives ? Même si la Chine mène à bien son programme de construction de vingt centrales nouvelles à l’horizon 2020, cela ne fera passer sa consommation d’énergie d’origine nucléaire que de 1,5 à 3 % de sa consommation énergétique totale. Cela signifie-t-il que le nucléaire restera toujours une source d’énergie marginale dans le monde ?

L’électricité n’étant pas stockable, vous appelez à une mutualisation européenne. Mais quelle conséquence la mutualisation aura-t-elle sur les tarifs tant pour les entreprises que pour les ménages, le tarif réglementé étant dès lors voué à disparaître ? Que deviendra la rente nucléaire ? Considérez-vous, comme d’autres, qu’il faut, par l’augmentation du prix de l’énergie, donner un signal aux consommateurs, et utiliser la rente nucléaire pour aider les ménages les plus modestes pendant la période de transition ?

Vous avez indiqué, lors de la même réunion de la COSAC, que le bilan coût-efficacité de certaines énergies renouvelables n’est pas forcément le meilleur ; pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ? D’autre part, dans un entretien accordé à L’Usine nouvelle en septembre 2007, vous indiquiez que l’« on ne peut guère aller plus loin sur l'efficacité énergétique des véhicules » ; mais alors, que pensez-vous des normes définies à ce sujet dans le paquet énergie-climat ? Enfin, pensez-vous que les contrats conclus entre les pays de la mer Caspienne et la Russie pourraient être remis en cause ?

Le Président Pierre Lequiller. Quels pays seraient favorables à l’instauration d’une solidarité européenne complète ? Selon vous, la France l’est-elle vraiment ?

M. Christophe Caresche. Le président de la République et le gouvernement s’interrogent sur la possibilité de lancer un nouveau réacteur nucléaire EPR, dont l’utilité pour le marché français n’apparaît pas de manière flagrante. Serait-ce une stratégie visant à faire de la France le fournisseur d’énergie nucléaire de l’Europe pour desserrer un peu l’étreinte gazière ?

M. Claude Mandil. La Russie représente-t-elle un risque réel ? L’expérience du mois dernier incite à répondre par l’affirmative. Elle ne représente pas un très, très gros risque, mais un risque, oui, puisqu’elle a administré la preuve qu’elle pouvait décider de fermer les vannes. Il faut savoir qu’il est difficile et périlleux d’intervenir sur le niveau de la production d’un gisement de gaz ; ce qui n’est pas produit doit être stocké sans mettre le gisement en péril. Or, il est intéressant de se reporter à une annonce faite par l’AIE et passée inaperçue : en novembre et en décembre derniers, les stockages de Gazprom en Russie étaient anormalement bas. Cela signifie que « l’opération ukrainienne » était préméditée : la Russie avait pris les dispositions nécessaires pour couper le gaz sans porter préjudice au gisement, sans que l’on puisse dire pour combien de temps.

La question des grands gazoducs est très perturbante, et je n’ai pas d’idée arrêtée à ce sujet. Trois projets sont envisagés : Nord Stream, South Stream et Nabucco. Nord Stream, qui passerait au fond de la mer Baltique pour relier directement la Russie à l’Allemagne, a été présenté de façon si calamiteuse que la Pologne y a vu une agression dirigée contre elle. Cela étant, je pense qu’il s’agit d’un projet utile, bon pour la Russie, bon pour l’Allemagne et indirectement bon pour l’Union européenne car dans quelques années le gigantesque gisement de Shtokman, dont Total possède 25 %, sera mis en exploitation dans la mer de Barents, et Nord Stream sera très utile pour acheminer ce gaz en Europe. Il faut démontrer à la Pologne que ce gazoduc est aussi utile pour elle ; ce n’est pas difficile puisque, pour alimenter la Pologne, il suffit de prévoir une petite bretelle de raccordement au-delà de l’Oder. Mais la tension politique est apparemment telle entre la Pologne et l’Allemagne que l’entremise d’un pays tiers – peut-être celle de la France ? – serait nécessaire pour l’apaiser.

South Stream a été uniquement conçu pour contourner l’Ukraine et porter un coup fatal à Nabucco, lequel cumule les handicaps. Le premier est qu’actuellement il n’a pas, ou plus assez, de gaz à transporter, l’essentiel du gaz provenant des gisements des pays riverains de la mer Caspienne faisant l’objet de contrats de vente à Gazprom – et je ne puis vous dire s’il est possible de modifier ces contrats, car l’opacité la plus grande règne. A terme, il y aura le gaz iranien, et c’est pourquoi le projet Nabucco est intéressant, mais cela ne se fera que lorsqu’on pourra travailler avec un Iran civilisé – quand ? Autre handicap : Nabucco traverse la Turquie, dont les dirigeants, outre qu’ils font savoir qu’ils ne laisseront dans le tuyau que le gaz dont leur pays n’aura pas besoin, se livrent à un chantage en indiquant qu’ils détermineront leur position sur le projet en fonction de la position que prendra l’Union européenne sur leur demande d’adhésion.

Dans ce contexte, si l’on me disait qu’un seul de ces projets se fera, et qu’on me demandât lequel, je répondrais Nord Stream.

La Russie est-elle un partenaire crédible ? Je l’avais espéré, j’en suis moins sûr. On pourrait encore faire un test. Boris Eltsine étant président, la Russie a signé le traité instituant la Charte de l’énergie mais elle refuse de le ratifier pour différentes raisons, bonnes – « Vous nous demandez de ratifier la Charte mais vous ne le demandez pas à la Norvège, qui est notre principal concurrent » – ou mauvaises. Toutefois, les chefs d’Etat et de gouvernement du G8, réunis en 2006 à Saint-Pétersbourg sous la présidence de M. Poutine, ont déclaré « adhérer aux principes » de la Charte. Cette déclaration étant à la fois très forte et très creuse, il serait utile que la prochaine réunion du G8, sous présidence italienne, soit l’occasion d’en préciser la signification et de dire par quels outils juridiques ou diplomatiques, existants ou à créer, on la fera appliquer. On verra alors comment réagit la Russie ; si elle dit considérer ces principes comme caducs, elle donnera une nouvelle preuve de ce qu’elle n’est pas un partenaire fiable.

Hors de l’Union européenne, l’opacité est totale, notamment pour ce qui concerne le transit du gaz en Ukraine. L’Union européenne a fait d’énormes progrès en matière de transparence par le biais de la directive sur le gaz, en séparant les fonctions de transporteur, de fournisseur et de régulateur. Je suis favorable à la séparation patrimoniale des activités de production, distribution et de transport – ownership unbundling –, et la crise a donné une preuve supplémentaire de son utilité. L’Union européenne, ayant besoin d’experts à dépêcher en Ukraine, les a trouvés là où ils sont, dans les réseaux de transport. Ce sont des gens éminemment compétents, mais ils appartiennent à GDF-Suez, une entreprise en concurrence avec les autres opérateurs ; on ne peut donc s’attendre à ce qu’ils portent une appréciation équitable sur ce qui se passe en Ukraine. S’il y avait eu séparation patrimoniale – qui n’existe pas davantage en Allemagne –, il en aurait été tout autrement. Il faut prendre son parti de la nouvelle donne : désormais, en Europe, les opérateurs sont en concurrence les uns avec les autres.

Y aura-t-il des actions contentieuses ? Je crains que non, car le fonds de commerce des intéressés, ce sont les accords avec Gazprom

Qui contrôle les réseaux ? Les gestionnaires de réseau, un peu trop souvent liés aux opérateurs. En Russie, c’est Gazprom, en Ukraine, formellement c’est Naftogaz Ukraïny mais en réalité on ne sait pas ; on peut demander avec force à l’Ukraine une plus grande transparence.

Il est très difficile de dire avec précision quelle sera, sur le long terme, la part des énergies renouvelables. L’ampleur de l’objectif est si considérable qu’on a du mal à l’appréhender. Actuellement, les rejets de gaz à effet de serre, tous pays confondus, sont de 25 milliards de tonnes par an. Si nous laissons la tendance se prolonger, le total des émissions sera de 65 milliards de tonnes en 2050. Or, selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), si l’on veut limiter l’augmentation moyenne de la température, il faut qu’à cette date les émissions d’équivalent CO2 ne dépassent pas 13 milliards de tonnes. Je suis pessimiste.

Cette situation signifie en tout cas que l’on ne peut privilégier une solution plutôt qu’une autre. Il faudra beaucoup de tout – nucléaire et énergies renouvelables -, avec tout le monde et, serais-je tenté de dire, tout de suite. A cet égard, l’action qui a l’effet le plus immédiat et le plus important est l’efficacité énergétique, c’est-à-dire une moindre consommation énergétique pour un même PIB. On peut en espérer entre le tiers et la moitié de l’objectif fixé. Pour le reste, il faudra beaucoup d’énergies renouvelables, avec les limites qu’on leur connaît, beaucoup de nucléaire, beaucoup de capture et de séquestration de carbone. L’une des difficultés spécifiques au nucléaire, que perçoivent même ceux qui, comme moi, y sont extrêmement favorables, c’est qu’il doit lui-même se renouveler. La plupart des centrales en activité arriveront en fin de vie en 2020, et leur seul remplacement demandera à l’industrie des efforts gigantesques. Cela signifie qu’en valeur relative l’augmentation de l’énergie d’origine nucléaire ne sera pas considérable.

Vous m’avez interrogé sur le devenir des prix réglementés. Je suis favorable à l’achèvement du marché intérieur, et je considère que les prix réglementés – c’est-à-dire subventionnés – sont une mauvaise chose, pour trois raisons. En premier lieu, ils indiquent aux producteurs qu’ils ne pourront pas augmenter leurs prix, ce qui les dissuade d’investir. Ensuite, des prix bas n’incitent pas les consommateurs à économiser l’énergie. Enfin, les prix réglementés ont un effet contraire à la volonté politique de ceux qui les promeuvent puisqu’on subventionne plus les riches – qui consomment plus – que les pauvres.

Plutôt que de maintenir des prix réglementés, il faut parvenir à un marché vraiment concurrentiel – et il y a beaucoup à faire pour cela. Certes, la libéralisation du marché est achevée au sein de l’Union européenne, mais à quoi est-on arrivé à ce jour ? A vingt-sept marchés libéralisés, avec des possibilités pratiques d’échanges très limitées faute d’interconnexions suffisantes, les réseaux de transport n’ayant pas les mêmes particularités. Pour ne donner qu’un exemple, la teneur en impuretés admissible n’étant pas la même en France et en Belgique, nous ne pouvons pas exporter du gaz vers la Belgique. C’est absurde.

En France même, on ne peut dire que le marché « libéralisé » fonctionne correctement quand l’opérateur historique détient 85% des parts de marché. J’ai beaucoup d’estime pour les petits opérateurs qui se sont créés, mais je ne pense pas qu’ils suffiront à susciter une concurrence réelle à EDF. Elle sera le fait des grands groupes que sont GDF-Suez, E.ON, Enel ou RWE. Le consommateur doit pouvoir négocier pour acheter son électricité en base.

Je suis très favorable aux énergies renouvelables, mais je sais que l’argent va manquer. Il faut donc commencer par ce qui est obtenu au moindre coût. A cet égard, l’éolien sur terre n’est pas loin d’être compétitif ; il faut l’accepter, et plus il y en aura mieux ce sera. Il en va autrement pour l’éolien off shore, terriblement coûteux et donc rigoureusement non rentable ; je ne suis pas certain qu’il soit judicieux de faire supporter ce surcoût par les consommateurs.

La production d’énergie photovoltaïque est encore bien plus onéreuse. Or, au lieu de privilégier les programmes de recherche et développement sur le photovoltaïque du futur, dont les scientifiques s’accordent à dire qu’il diffèrera complètement de ce qui existe actuellement, on permet, par des subventions considérables, le maintien sur le marché d’une technologie sans avenir et on dépense en pure perte l’argent des consommateurs.

M. Philippe Tourtelier. Cet avis n’est pas unanimement partagé, et bien des communes se lancent dans des projets d’envergure.

M. Claude Mandil. C’est qu’il y a un effet d’aubaine que je juge pernicieux, car l’argent serait beaucoup mieux utilisé s’il était consacré à la recherche sur le photovoltaïque de la génération suivante.

Si j’ai dit à l’Usine nouvelle ce que vous avez mentionné, j’ai eu tort ! Je pense qu’il existe encore de très importantes possibilités de progrès avec les moteurs actuels. Les constructeurs les chiffrent à 30 %, ce doit donc être davantage encore… Certaines pistes d’amélioration relèvent du législateur. Ainsi, les normes de consommation énergétiques des véhicules doivent maintenant être affichées. Ce qu’on ne dit pas, c’est que, la réglementation étant muette sur ce point, les essais sont faits phares, chauffage, radio et climatisation éteints. Il en résulte, puisque l’on ne mesure jamais leur consommation énergétique spécifique, que l’on n’a aucun moyen de savoir lesquels de ces accessoires consomment peu, ni aucune incitation à les choisir. Or si certains systèmes de climatisation sont très efficaces, d’autres ne le sont pas, et ils devraient être chassés du marché.

Quels pays ont donné leur accord à la mutualisation énergétique ? La Pologne, avec enthousiasme ; la Grande-Bretagne, après quelques hésitations, a estimé que c’était une très bonne idée. Il ne me revient pas de dire quelle est la position du gouvernement français mais il s’y est déclaré très favorable, et la présidence française a repris cette partie de mes conclusions dans les documents préparatoires au Conseil « Transports, Télécommunications et Energie » et au Conseil européen. Je suis convaincu que les problèmes énergétiques en Europe ne peuvent plus être traités prioritairement au niveau des Etats – il faut désormais une vision européenne.

M. Christophe Caresche m’a interrogé sur le nucléaire. J’y suis, je vous l’ai dit, très favorable. Cela me met très à l’aise pour dire que si la politique suivie est uniquement nationale, la France aura trop d’énergie d’origine nucléaire : 80 % d’électricité ainsi produite, c’est risqué – mais aussi inefficace. Il faut en effet savoir que le taux de disponibilité de nos centrales est sensiblement inférieure à celui de l’Allemagne car, notre marché étant essentiellement national, certains doivent être arrêtés durant les heures creuses. Si le nucléaire français ne représentait plus 80 % de la production d’électricité française mais 15 à 20 % de la production d’électricité européenne, les centrales tourneraient sans cesse – temps de maintenance excepté – et, durant les heures creuses, elles exporteraient massivement. Ce serait bon pour les consommateurs et pour les opérateurs et très bon pour la planète car on remplacerait par cette électricité d’origine nucléaire un peu de l’électricité allemande produite au charbon. Ce serait donc un très grand progrès. En résumé, ce n’est pas la France qui a besoin de deux EPR, mais l’Europe ; s’ils sont en France, pourquoi pas ? Mais pour qu’il soit simple à un Allemand d’acheter de l’électricité nucléaire française, il faut des interconnexions et un marché intérieur achevé.

Le Président Pierre Lequiller. Quelles sont précisément les entraves ?

M. Claude Mandil. Si un consommateur allemand veut acheter de l’électricité à EDF, il doit négocier avec deux opérateurs de réseau qui n’ont pas les mêmes normes et avec deux régulateurs dont l’un est tout récent et connaît mal son métier. Il doit aussi s’assurer que les capacités de transport sont suffisantes ; or les lignes manquent.

M. Christophe Caresche. Si l’on vous comprend bien, la France aurait tout à gagner à favoriser une politique énergétique européenne ?

M. Claude Mandil. Oui. Notre pays a été l’un de ceux qui ont le plus traîné les pieds pour l’achèvement du marché énergétique intérieur, alors même que nous avons le premier électricien, le premier constructeur de centrales nucléaires, une des premières entreprises gazières et une des cinq premières entreprises pétrolières mondiales ! Nous aurions dû nous battre pour que le marché intérieur soit achevé au plus vite, et les autres Etats membres être pétrifiés d’angoisse à l’idée que nos champions allaient pouvoir surgir chez eux !

Le Président Pierre Lequiller. Pourquoi n’en a-t-il rien été ?

M. Claude Mandil. C’est à vous plus qu’à moi qu’il revient de répondre. Je pense que l’opinion publique n’est absolument pas consciente de ce qui se joue. Prenons l’exemple de la ligne à haute tension entre la France et l’Espagne. Que l’on ne soit pas très heureux d’avoir une de ces lignes au-dessus de son jardin, soit, mais les arguments avancés laissent pantois : « La ligne ne sert à rien sinon à engraisser les actionnaires d’EDF » – alors que celle-ci est à 80 % propriété de l’Etat… Surtout, on n’a pas compris que cette ligne est essentielle à la sécurité de l’Espagne – qui, très dépendante de son réseau hydraulique, est gravement handicapée en cas de grande sécheresse – et qu’elle serait d’un intérêt majeur pour le consommateur français : si une panne affectait une de nos centrales nucléaires, nous serions heureux de pouvoir bénéficier de l’électricité provenant d’Espagne… Rien de tout cela n’a été expliqué.

Enfin, je suis très favorable aux terminaux méthaniers, y compris au Verdon-sur-mer et au Havre.

M. Didier Quentin. On voit cela autrement à Royan, ville dont je suis le maire. Toute la population de la rive droite de l'estuaire de la Gironde s’y oppose, et 75 à 80 % des habitants de la rive gauche. Le projet d’implantation d’un terminal méthanier au Verdon-sur-Mer a été très mal présenté par l’opérateur néerlandais, qui s’appuie sur le fonds d’investissement américain Carlyle. Nous ne nous y opposons pas par obscurantisme ou par égoïsme: nous avons déjà une centrale nucléaire dans le Blayais, en amont, et nous étions prêts à nous lancer dans le photovoltaïque, mais vos propos sur ce sujet donnent à penser.

Si nous sommes contre le projet de terminal, c’est en raison d’un risque de pollution majeure, notamment paysagère ; mais aussi du risque pour la biodiversité avec le passage de méthaniers de 300 mètres de long et 15 mètres de tirant d'eau, faisant remonter les métaux lourds dans le chenal d'accès, ce qui inquiète beaucoup les ostréiculteurs et les plaisanciers très nombreux. Si l’on a besoin de plus de GNL et donc de plus de terminaux méthaniers, pourquoi ne pas doubler les installations à Montoir-de-Bretagne, où cela ne pose aucun problème et où l'on est demandeur, et qui n'est pas un grand site touristique comme le nôtre. Je rappelle que la Charente-Maritime est le deuxième département touristique après le Var. Il y a aussi d'autres lieux d'accueil possibles, sans les mêmes problèmes à Dunkerque et à Antifer par exemple. Alors que nous sommes, nous dit-on, en surcapacité de stockage, pourquoi installer un terminal méthanier dans le dernier estuaire naturel d’Europe ?

Il n’est donc pas étonnant que les manifestations contre le projet d’implantation rassemblent de grandes foules. Ce serait un contresens énergétique, économique et surtout écologique. Il y a des lieux à aménager , d'autres à ménager ! J’aimerais que vous parveniez à en convaincre les instigateurs de ce projet. Quant à l’interconnexion dont vous nous dites qu’elle serait très utile pour l’Espagne, pourquoi l’Espagne ne l'accueille-t-elle pas ?

M. Claude Mandil. L’Espagne a déjà bien avancé les travaux lui incombant. Mon rôle n’est pas de convaincre qui que ce soit, et ce n’est pas l’objet de notre rencontre. Quoi qu’il en soit, l’implantation d’un terminal méthanier ne peut se faire contre l’opinion publique : si elle le refuse, cela ne se fera pas là. Vous avez évoqué Montoir-de-Bretagne ; la plage de La Baule est à cinq kilomètres, Saint-Brévin est encore plus près, et l’implantation du terminal méthanier n’a rien changé à l’affluence touristique.

M. Didier Quentin. La configuration des lieux n’est pas du tout la même. On ne voit absolument pas les cuves de Montoir-de-Bretagne depuis La Baule...

M. Claude Mandil. Vous tenez un raisonnement uniquement français, alors que les terminaux méthaniers ont un usage européen. C’est le syndrome « pas dans mon jardin », « not in my backyard », qui conduit insidieusement au « build absolutely nothing anytime any place », autrement dit « ne rien construire, nulle part, jamais » ! En tout cas, si je voulais acheter une maison à Saint-Georges-de-Didonne, la présence d’un terminal méthanier ne me gênerait en rien !

Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, Monsieur Mandil, pour cet échange de vues particulièrement intéressant. »

2. Audition de M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, sur le marché intérieur de l’énergie, le mercredi 4 février 2009

« Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le président, vous êtes à la tête de la Commission de régulation de l’énergie, autorité administrative indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel. Nous vous recevons au moment où les discussions communautaires sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie sont sur le point de reprendre. Vous aviez déjà accepté d’être auditionné lorsque nous avions constitué avec la Commission des affaires économiques un groupe de travail sur ce sujet.

L’actualité du secteur énergétique est également marquée par la récente crise gazière, dont l’Europe doit tirer les leçons. Nous souhaiterions tout d’abord connaître votre position sur la délicate question de la séparation patrimoniale. Si en effet les grands groupes estiment que la crise entre l’Ukraine et la Russie a démontré la nécessité des entreprises intégrées, susceptibles de peser face à Gazprom, M. Claude Mandil a défendu devant nous la semaine dernière le point de vue inverse. Par ailleurs, nous aimerions entendre votre appréciation sur le niveau des infrastructures de transport, notamment dans le domaine de l’électricité, et sur les besoins en interconnexions. Au-delà des informations que vous nous donnerez concernant la France, sans doute pourrez-vous, en tant que membre du Groupe des régulateurs européens, élargir votre analyse à la dimension communautaire.

M. Philippe de Ladoucette. Je suis heureux de venir devant votre commission à un moment où l’énergie se trouve au cœur de l’actualité, tant du fait de la crise du gaz russe et des tensions sur le réseau électrique provoquées par la récente tempête que des discussions européennes sur le troisième paquet relatif au marché intérieur et de l’adoption du « paquet énergie-climat » à la fin de l’année dernière.

L’énergie était, à l’origine, au centre de la construction européenne – qui a commencé avec le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, signé le 18 avril 1951 et entré en vigueur le 23 juillet 1952. Mais par la suite et pendant de longues années, elle fut absente du débat européen. Il fallut attendre l’Acte unique européen de 1986 pour que la Commission européenne décide d’appliquer les principes du libre-échange à l’énergie. Cependant en 1992, le « deuxième paquet Cardoso », qui comportait déjà l’ensemble des orientations encore en débat aujourd’hui – libre circulation de l’énergie, libre implantation des producteurs, choix par le consommateur de son fournisseur – ne fut pas accepté par les Etats membres. Les premières directives jetant les bases de l’ouverture du marché intérieur ont été adoptées respectivement en 1996 pour l’électricité et en 1998 pour le gaz. Elles ont été transposées dans le droit français par la loi de 2000, qui a créé la Commission de régulation de l’énergie.

La CRE est constituée d’un collège de neuf commissaires, aux expériences professionnelles diverses. Depuis la loi de décembre 2006, certains sont à temps complet et d’autres à temps partiel ; de plus, siègent désormais un représentant des consommateurs domestiques et un représentant des grands consommateurs.

Les services de la CRE réunissent environ 125 personnes, réparties entre une direction financière, une direction du gaz, une direction de l’accès au réseau électrique, une direction internationale et une direction des marchés de l’électricité et du gaz. Mais tandis que notre direction internationale compte cinq personnes, son homologue anglaise en compte quarante. L’attention des pouvoirs publics doit être appelée sur la nécessité pour les autorités de régulation de disposer des moyens dont elles ont besoin, surtout lorsqu’il est question de leur donner des responsabilités supplémentaires, comme c’est le cas pour l’énergie dans le cadre du troisième paquet.

La CRE appartient au Conseil européen des régulateurs de l’énergie (CEER), association qui regroupe les régulateurs des vingt-sept Etats membres et qui se réunit tous les mois. Elle fait également partie du Groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz (ERGEG), qui joue un rôle de conseil auprès de la Commission européenne et qui se réunit tous les trimestres. Elle participe à la plupart des groupes de travail mis en place par le CEER et l’ERGEG et en préside plusieurs, en particulier celui qui traite des sujets concernant les consommateurs et celui qui s’occupe de la stratégie internationale.

J’en viens au troisième paquet énergie. Il porte non seulement sur la séparation patrimoniale, mais aussi sur l’évolution des pouvoirs des autorités de régulation nationales et sur la création, au niveau européen, d’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie.

En ce qui concerne la séparation patrimoniale, le Conseil est arrivé à un consensus en faveur d’une solution alternative, défendue par un groupe de pays mené par la France et l’Allemagne, consistant à donner la possibilité de conserver les entreprises intégrées verticalement tout en renforçant l’indépendance des gestionnaires de réseaux. Les discussions se poursuivent avec la Commission et le Parlement, celui-ci ayant, en première lecture, voté pour le gaz des dispositions assez proches de ce schéma, mais n’ayant pas, en revanche, retenu cette option, dite « ITO », pour l’électricité. Nous espérons que les points de vue pourront se rapprocher, mais la question n’est pas encore réglée.

On parle moins du deuxième sujet en débat, qui concerne les compétences des régulateurs nationaux. Les divergences essentielles entre le Parlement européen et le Conseil portent sur l’autonomie financière des régulateurs, sur l’approbation des programmes d’investissement – et à cet égard nous avons été un peu surpris (mais il s’agit certainement d’une erreur !) de voir l’administration française s’opposer à l’amendement donnant aux régulateurs des pouvoirs que la loi française nous reconnaît déjà –, ainsi que sur la possibilité de prendre des mesures pour promouvoir la concurrence sur le marché intérieur.

Quant à la création d’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, elle fait l’objet d’un relatif consensus entre les Etats. Le souhait du Parlement européen de donner à cette instance de véritables pouvoirs se heurte à la jurisprudence fixée par l’arrêt Meroni, rendu le 13 juin 1958 par la Cour de justice des Communautés, qui empêche la Commission européenne de déléguer des pouvoirs de décision. Quoi qu’il en soit, alors que dans le secteur des télécoms les régulateurs nationaux n’étaient pas très favorables à la mise en place d’une agence européenne, dans celui de l’énergie ils le sont, en raison de la problématique des interconnexions. L’existence d’une vision générale permet en effet de faire prévaloir l’intérêt commun.

On peut penser que l’agence sera opérationnelle dans le courant de l’année 2010. La France pourrait, me semble-t-il, proposer de l’implanter à Paris, puisqu’elle est plutôt en pointe en matière de régulation des réseaux énergétiques.

Quelques mots sur l’impact du paquet énergie-climat, brillamment défendu par la présidence française, sur le fonctionnement et la régulation du marché intérieur.

Nous serons très attentifs à la manière dont sera transposé le principe de l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux, défini à l’article 16 de la directive relative aux énergies renouvelables. La première difficulté est sa conciliation avec le principe d’accès non discriminatoire qui régit actuellement le marché intérieur. Cette priorité pose également problème pour le dispatching d’électricité. En effet, l’intégration d’une production conséquente d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, en raison de leur caractère intermittent, difficilement prédictible et décentralisé, n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement des réseaux. Enfin, cette priorité risque de remettre en cause les installations de production d’électricité utilisant des sources d’énergie conventionnelles, qu’elles soient déjà raccordées ou à l’état de projet. La priorité d’injection des énergies renouvelables entraînerait, pour les producteurs conventionnels, de fortes incertitudes sur les volumes susceptibles d’être vendus par eux. Il s’agit donc là d’un sujet important pour l’équilibre du réseau, en termes de fonctionnement comme de sécurité d’approvisionnement.

J’en arrive à la constitution du marché intérieur, dont la crise du gaz russe a bien montré la nécessité. Elle progresse pas à pas, par le biais des initiatives régionales.

Pour l’électricité, celles-ci sont au nombre de sept, et la France participe à quatre d’entre elles. Elles visent à passer de vingt-sept marchés théoriquement libéralisés, mais en fait juxtaposés, à un véritable marché intérieur. Les avancées ne pouvant être que graduelles, le couplage se fait région par région. Nous avons déjà couplé en 2006 le marché français avec les marchés belge et néerlandais, ce qui nous a permis d’avoir un prix commun sur le marché de gros pendant 70 % du temps en 2008 – et même pendant 95 % du temps si l’on considère seulement deux marchés – France et Belgique ou Belgique et Pays-Bas. Un accord signé en juin 2007 vise à étendre ce mécanisme de couplage à la totalité de la région Centre-Ouest, c’est-à-dire la France, l’Allemagne et le Benelux ; l’échéance, initialement fixée à janvier 2009, a été repoussée à mars 2010. L’Allemagne essaie par ailleurs de réaliser un couplage avec le Danemark. Une plateforme continentale de l’électricité se constitue donc progressivement.

Nous commençons à nous rapprocher des Espagnols et des Portugais, entre lesquels le couplage fonctionne déjà très bien mais dont le système a l’inconvénient majeur de poser des problèmes de compatibilité avec celui que nous construisons. Il faut donc parvenir à dépasser ces particularismes, ce qui techniquement n’est pas simple. La Commission européenne, consciente de la complexité du sujet, organise une réunion tous les six mois avec l’ensemble des acteurs pour faire le point.

Le Président Pierre Lequiller. Pouvez-vous préciser la nature de cette incompatibilité ?

M. Philippe de Ladoucette. Le modèle de marché ibérique est très différent du nôtre. Il est d’ailleurs important de veiller aux spécificités de chaque marché afin, par exemple, de ne pas reproduire les erreurs qui ont conduit l’Allemagne et le Danemark à l’échec lorsqu’ils ont tenté de coupler leurs marchés il y a quelques mois.

En ce qui concerne le gaz, la crise récente a montré qu’il était difficile de faire jouer la solidarité au sein de l’Europe. En particulier, on ne peut pas toujours utiliser les tuyaux dans les deux sens. Ayant lu le compte rendu de l’audition de M. Mandil, je me suis renseigné sur le sujet : en ce qui concerne la France, la réversibilité, à condition de faire les investissements nécessaires, est possible avec les pays du Sud, notamment l’Espagne, ainsi qu’avec la Suisse ; mais elle ne l’est pas avec les pays du Nord, notamment la Belgique et l’Allemagne, pour des raisons réglementaires. En effet le gaz est odorisé en France et en Espagne, alors qu’il ne l’est pas en Allemagne et en Belgique. Entre le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne, en revanche, la circulation peut se faire dans les deux sens, les investissements nécessaires ayant été réalisés. De ce fait, nous n’avons pas été directement concernés par le mécanisme de solidarité qui a été mis en œuvre, pendant la crise du gaz russe, entre les pays du Nord et de l’Est de l’Europe.

Il faut donc impérativement faire un gros effort d’investissement pour développer les interconnexions. Comme l’a dit M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l’énergie, il est essentiel de tisser progressivement une toile de réseaux, dans toutes les directions – du nord vers le sud et du sud vers le nord, de l’est vers l’ouest et de l’ouest vers l’est. Le Livre vert de la Commission européenne intitulé Vers un réseau énergétique européen sûr, durable et compétitif, publié en novembre dernier, donne une idée des investissements requis : environ 1000 milliards d’euros pour l’électricité et 150 milliards d’euros pour le gaz. Il expose une stratégie de développement des liaisons régionales et transfrontalières autour de six grandes initiatives : interconnexion balte, réseau éolien en mer du Nord, anneau énergétique méditerranéen, corridor Sud d’acheminement du gaz de Caspienne, intégration des systèmes électriques et gaziers d’Europe centrale et du sud-est, stratégie pour le GNL. Considérant, comme l’ensemble des régulateurs européens, que le GNL est un élément essentiel de diversification et de sécurité d’approvisionnement en gaz, nous avons mis en place l’année dernière un groupe de travail pour examiner la problématique des terminaux méthaniers sur le plan de la tarification et de l’éventuelle dérogation à la règle de l’accès des tiers aux réseaux au titre de l’article 22 de la directive gaz de 2003.

Le couplage des marchés n’a pas pour seul but d’harmoniser le prix de l’énergie en Europe. C’est aussi une manière d’optimiser les moyens de production. En matière de consommation électrique, par exemple, quand l’heure de pointe est à 19 heures en France, elle est à 21 heures en Espagne et à 17 heures en Angleterre. Du fait de ce décalage, une bonne interconnexion permettrait de bénéficier partout d’une énergie moins chère et moins polluante. On ne le dit pas assez : le développement des interconnexions est un facteur d’efficacité.

S’agissant de l’exercice de la solidarité, la récente tempête a montré tout l’intérêt de nos interconnexions avec l’Espagne : la région de Perpignan, par exemple, ne pouvant plus être alimentée par le réseau français, l’a été par le réseau espagnol.

Sans entrer dans plus de détails afin de répondre à vos questions, je conclurai mon propos en exprimant une conviction. A la question de savoir si, dans le contexte économique et financier actuel, il faut ou non continuer à construire l’Europe de l’énergie, les régulateurs que nous sommes répondent sans hésiter que ce projet, fondamental pour la construction européenne et pour la sécurité de notre approvisionnement énergétique, doit impérativement se poursuivre.

M. André Schneider. Monsieur le président, j’aurais trois questions à vous poser.

La Commission européenne a annoncé qu’elle engagerait des procédures à l’encontre d’EDF et GDF-Suez pour manquement aux règles de la concurrence. Selon vous, les griefs formulés, en particulier l’abus de position dominante qui résulterait des contrats d’EDF avec les grands clients industriels, sont-ils justifiés ?

La semaine dernière, M. Mandil disait ici même que le régulateur allemand « connaît assez mal son métier ». Le même jour, M. Philippe Tourtelier et moi-même auditionnions M. Jean-Marie Chevalier, universitaire spécialiste des questions énergétiques, qui jugeait « dramatique » la situation énergétique allemande. Quel est votre sentiment sur le marché de notre voisin ? La vente par E-ON et RWE d’une partie de leurs réseaux de transport, sous la pression de la Commission européenne, va-t-elle selon vous le faire évoluer ?

Enfin, pensez-vous nécessaire de mettre en place un régulateur européen ?

M. Philippe de Ladoucette. EDF a reçu, le 23 décembre 2008, de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne une communication de griefs relative aux contrats à long terme de fourniture d’électricité conclus en France avec des grands consommateurs industriels. Selon elle, ces contrats pourraient empêcher les clients de s’adresser à d’autres fournisseurs et relever de l’abus de position dominante. Cette communication de griefs est la première étape d’une procédure contradictoire, mais contrairement à ce qui se passe en général, nous n’avons pas été directement interrogés par la Direction européenne de la concurrence.

L’Allemagne a libéralisé les marchés de l’électricité et du gaz avant la France. Les Allemands avaient alors considéré qu’il s’agissait d’activités comme les autres et que l’autorité de concurrence allemande serait en mesure d’assurer la régulation nécessaire. Constatant au bout de quelques années que ce n’était pas le cas, ils ont créé un régulateur sectoriel ; mais celui-ci, contrairement à ses homologues, n’a que trois ans d’expérience, puisqu’il a été créé en 2005. En outre, la situation à laquelle il est confronté est beaucoup plus complexe que la nôtre : il existe en Allemagne quatre réseaux de transport, correspondant aux quatre grandes entreprises qui se partagent le marché – E-ON, RWE, Vattenfall et EnBW –, et ils n’ont pas du tout le niveau d’indépendance dont RTE bénéficie en France, ce dont on a d’ailleurs vu les conséquences lors de la grande panne de novembre 2006 ; concernant la distribution, alors que chez nous il y a un réseau de distribution électrique et un nombre relativement limité d’entreprises locales de distribution (ELD), en Allemagne il y en a 900 à gérer. C’est d’ailleurs largement en raison de la situation allemande, et non de la situation française, que la Commission européenne a voulu faire le troisième paquet.

Enfin, je suis très favorable à la création d’une entité de régulation européenne, qui ait de réels pouvoirs. Mais l’Agence s’occupera principalement des interconnexions et sera avant tout une instance de coopération entre les régulateurs, bien loin d’être un régulateur européen.

M. Philippe Tourtelier. Ma première question concerne l’adaptation des réseaux français et européens à l’accueil de la production décentralisée, mais je reviens d’abord sur ce que vous avez dit à propos de l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux : qu’il y ait une remise en cause de la production d’énergie conventionnelle, c’est une évidence, puisque c’est le but !

En France, RTE a déclaré vouloir adapter le réseau français, très centralisé, à la collecte d’énergies renouvelables. Je pensais que les choses seraient plus faciles au niveau européen, d’autant que la critique faite à l’énergie éolienne d’être intermittente ne vaut pas si l’on raisonne à l’échelle de l’Europe, où il est rare que le vent ne souffle pas quelque part : si les interconnexions étaient réalisées, l’éolien deviendrait un élément de sécurité. Je suis un peu inquiet de constater qu’en ce qui concerne l’Allemagne, vous avez parlé des réseaux de transport et de distribution, mais pas du tout de la collecte.

Ma deuxième interrogation porte sur le marché. Vous avez parlé de petits pas, mais avez-vous une idée du calendrier ? A quelle échéance peut-on penser que les interconnexions et l’organisation seront suffisantes pour qu’il y ait un vrai marché ? N’a-t-on pas mis la charrue avant les bœufs, en libéralisant la concurrence sans en avoir réuni les conditions ?

Cela m’amène à ma troisième question, l’une de vos missions étant de concilier concurrence et service public : quelles répercussions ce développement à petits pas du marché européen aura-t-il sur les tarifs que paieront les entreprises et les ménages ?

Enfin, considérez-vous, comme plusieurs personnes que nous avons auditionnées, que les prix de l’énergie vont évoluer à la hausse ? Dans ce cas, peut-on imaginer en France un système comportant un tarif de base, réglementé, pour le niveau de fourniture considéré comme de service public – tant de kWh pour un ménage de tant de personnes –, et appliquant au reste de la consommation le prix du marché, éventuellement majoré pour compenser le tarif de base ?

M. Philippe de Ladoucette. En ce qui concerne l’accès prioritaire des énergies renouvelables aux réseaux, je voulais simplement souligner qu’il peut entrer en contradiction avec le principe légal de non-discriminationla priorité d’accès étant une discrimination. C’est tout le problème de la combinaison entre le « paquet énergie-climat » et la construction du marché intérieur. Il faut savoir si l’on est dans le « peut » ou dans le « doit », dans le « may » ou dans le « shall » : ce principe d’accès prioritaire relève-t-il de la simple recommandation, ou de l’obligation ? Dans ce dernier cas, certains projets d’investissement qui existent en France, notamment en centrales à gaz, risqueraient de ne pas être réalisés. En la matière, il faut avoir à l’esprit un principe de précaution, d’autant que la production des éoliennes peut souffrir de l’absence de vent.

S’agissant du calendrier, en ce qui concerne la France, le couplage avec l’Allemagne et le Benelux pourrait être réalisé en mars 2010. L’étape suivante sera le couplage avec la péninsule ibérique.

Le système fonctionnera sur les prix de gros, qui ont un lien avec les prix de détail dans certains pays, mais non en France, où les tarifs réglementés en sont totalement déconnectés. Le Parlement nous a donné en 2006 la responsabilité de surveiller la formation de ces prix de gros, et notre premier rapport sur le sujet vient de sortir. Il montre que le « marginal nucléaire », c’est-à-dire la période pendant laquelle c’est le coût marginal du nucléaire qui détermine le prix de gros, représente 15 % du temps annuel – même si le nucléaire représente 80 % de la production française d’électricité. Le « marginal » est de 25 % pour l’hydraulique et entre 25 et 30 % pour le charbon – brûlé en France ; il se situe entre 20 et 25 % pour l’électricité venant des autres pays par les interconnexions. En conclusion de notre rapport, nous constatons n’avoir rien découvert d’anormal dans la formation des prix, mais nous demandons des explications supplémentaires à EDF sur la valorisation du nucléaire et de l’hydraulique. En effet lorsque le nucléaire est marginal, il est valorisé à un coût supérieur au coût de production, et c’est encore plus vrai pour l’hydraulique. Nous allons lancer un audit sur ce sujet.

En ce qui concerne les tarifs, la commission présidée par M. Champsaur, qui comprend deux députés, deux sénateurs et des experts, doit remettre ses conclusions à la fin du mois de mars. Pour notre part, nous avons expertisé deux grands modèles mis en avant par les acteurs du marché, à savoir maintien des tarifs réglementés, avec ouverture du marché et cession d’une part de l’énergie nucléaire aux nouveaux entrants, ou suppression de ces tarifs, moyennant compensation pour que les consommateurs continuent à bénéficier de l’avantage compétitif du nucléaire. Reste à savoir quel est le modèle le plus « eurocompatible ». Le sujet n’est pas simple, et l’on aurait sans doute pu se poser en 1995 les questions que nous nous posons aujourd’hui.

Le Président Pierre Lequiller. Merci beaucoup. »

3. Examen du rapport d’information de MM. André Schneider et Philippe Tourtelier sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique (E 4140), le mercredi 6 mai 2009

La Commission s’est réunie le mercredi 6 mai 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. Gérard Voisin. Je remercie les rapporteurs pour leur présentation et attends avec intérêt leur rapport complet. Pouvez-vous aborder le thème de l’énergie éolienne, qui suscite beaucoup d’espoirs mais aussi, de façon étonnante, beaucoup de réticences ? D’autre part, alors que pour le pétrole, le débat est monopolisé par les grands groupes pétroliers, pouvez-vous nous dire s’il existe des consortiums organisés pour le gaz ? Ce secteur semble en effet plus opaque.

M. Daniel Garrigue. Le rapport est très exhaustif mais je souhaiterais avoir plus d’informations sur l’avancement des débats relatifs à la distinction entre les gestionnaires de réseaux et les producteurs. Les entreprises chimiques en France critiquent le fait que GDF possède la totalité du réseau car elles estiment que cela pose des problèmes de concurrence avec les entreprises chimiques des autres Etats membres.

Vous avez évoqué les bénéfices potentiels du projet d’énergie solaire dans le Sahara pour l’Europe et les pays du Maghreb. Je pense qu’un tel projet serait également très positif pour les pays au sud du Sahara.

Enfin, je souhaiterais avoir des précisions sur le rôle de la BEI en matière de projets énergétiques. Il s’agit d’un outil essentiel, qui peut permettre de financer des investissements très importants.

Le Président Pierre Lequiller. Le Président de la BEI, M. Philippe Maystadt, sera auditionné par la Commission le 3 juin.

M. Daniel Fasquelle. L’énergie éolienne suscite des réticences de plus en plus fortes dans la population. Son développement pourrait nuire au tourisme. L’implantation d’éoliennes en mer n’est pas neutre non plus. Les marins pêcheurs de ma circonscription m’ont ainsi alerté des risques liés aux projets d’éoliennes dans le détroit du Pas-de-Calais. Quels sont donc les espoirs de développement d’autres sources d’énergie renouvelables ?

M. André Schneider, co-rapporteur. Quel que soit l’endroit où elles seront implantées, les éoliennes poseront toujours problème. Ainsi, sous la pression des Verts, des éoliennes ont été installées sur la ligne des crêtes en Forêt noire et à présent les écologistes locaux contestent en justice cette décision. Il faut cependant prendre en compte les besoins énergétiques.

Dans le secteur du gaz, l’acteur principal est Gazprom, dont nous n’avons pas réussi à rencontrer des représentants. La crise gazière a cependant montré le rôle des pays de transit. Pour le pétrole, ce sont en effet quelques sociétés qui jouent le rôle principal. La crise gazière pourrait peut-être inspirer les pays de transit. Nous avons dans le rapport mis l’accent sur les problèmes liés au gaz car ils sont un révélateur du problème énergétique européen.

La question de la séparation patrimoniale a été traitée dans un rapport que j’avais présenté en 2008 sur le troisième paquet de libéralisation. Elle est liée à la question de la régulation, qui est opérée selon des modalités très variables dans les différents Etats membres. Une authentique régulation européenne est souhaitable. La nomination de coordonnateurs pour les grands projets d’interconnexion représente un progrès.

Nous avons rencontré des représentants de la BEI dans le cadre de la préparation du rapport et, comme l’a indiqué le Président Pierre Lequiller, une audition de son Président par la Commission est prévue.

M. Philippe Tourtelier, co-rapporteur. L’éolien est une des seules technologies d’énergie renouvelable matures. Son coût est parfois inférieur à celui de l’électricité sur le marché spot. Le problème est que, pendant la courbe d’apprentissage, des mécontentements surgissent. Avant, seul le nucléaire faisait débat en France, maintenant l’éolien est un deuxième sujet. Il est cependant indispensable si l’on veut atteindre les objectifs que l’Europe s’est fixés dans le paquet énergie-climat, ainsi que ceux définis en France dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ». L’hydraulique arrive en effet à saturation et peut poser des problèmes d’environnement. Le photovoltaïque est trop coûteux. De plus, mon avis personnel est que l’éolien est plus facile à démanteler que le nucléaire. La Commission européenne ne va pas si loin : elle constate que l’éolien terrestre est très contesté et recommande de développer l’éolien en mer. Mais celui-ci pose des problèmes environnementaux, son acceptabilité n’est pas évidente et il coûte très cher. Il faudra faire des choix pour atteindre les objectifs fixés et adapter les réseaux aux énergies renouvelables. Sinon, il nous sera reproché dans trente ans de ne pas avoir pris nos responsabilités face au changement climatique.

M. Robert Lecou. Ce sujet est très sensible et important, notamment dans les territoires comme celui du Languedoc-Roussillon caractérisé par la présence du soleil et du vent. Les associations que je rencontre régulièrement préconisent le développement de l’énergie photovoltaïque plutôt que celui de fermes éoliennes. Cependant dans des zones où il est procédé à des arrachages de vigne ou autres cultures, l’énergie photovoltaïque pourrait constituer une source de revenu complémentaire pour les exploitants agricoles mais pour autant, ceux-ci sont soucieux de ne pas se voir démunir des terres arables. Pour atteindre l’objectif de 20 % d’énergie renouvelable, il faudrait développer cette source d’énergie mais il faudrait le faire sur les toits des bâtiments. L’installation d’éoliennes off shore peut constituer une solution car les fermes éoliennes sur les cimes et les crêtes posent un réel souci paysager.

M. Daniel Fasquelle. Les éoliennes off shore peuvent être visibles des plages.

M. Robert Lecou. En tout état de cause, le mitage en la matière est la pire des choses et il faudrait instituer un zonage afin de déterminer les régions les plus adaptées à tel ou tel type d’énergies.

M. Philippe Tourtelier, co-rapporteur. La Banque européenne d’investissement apparaît comme une source de ressources indispensable notamment pour les collectivités territoriales dont les projets s’inscrivent dans le cadre des objectifs européens. La BEI viendra en appui des financements des banques régionales et nationales.

S’agissant du projet d’énergie solaire au Sahara, les personnes responsables nous ont indiqué que le bénéficiaire sera d’abord l’Europe mais qu’une part sera réservée aux pays producteurs. Par contre, les autres pays d’Afrique risquent de ne pas être concernés. C’est effectivement une préoccupation majeure.

M. André Schneider, co-rapporteur. Nous avons essayé de présenter une proposition de résolution aussi complète que possible et qui contienne un fil conducteur auquel on puisse se référer pour définir les actions souhaitables dans le domaine de l’énergie. La question essentielle est en effet de savoir quel monde nous voulons laisser à nos petits-enfants.

M. Jérôme Lambert. Un des textes qui est soumis ce matin à notre Commission en application de l’article 88-4 de la Constitution concerne le projet de budget rectificatif n°4 pour l’exercice 2009 et a un rapport direct avec le sujet de l’énergie. En effet, il est fait mention de 3,98 milliards d’euros qui seront consacrés à des projets énergétiques. Cette option est indispensable, voire vitale même si la crise économique actuelle apporte un répit momentané aux coûts de l’énergie. Dès que l’économie reprendra à un rythme plus soutenu, les prix flamberont à nouveau ; dès lors il est important de s’adapter, de se moderniser et de se transformer. Le projet de budget rectificatif prévoit que si les 3,98 milliards ne sont pas consommés, le solde sera affecté à d’autres projets : il faut donc se saisir de ce problème de façon positive et active.

M. Gérard Voisin. Le point 7 de la proposition de résolution fait mention de la possibilité pour le Gouvernement de recourir à la contrainte. Cela apparaît tout à fait justifié car il est un moment où les négociations en la matière ne mènent plus à rien. Pour atteindre les objectifs fixés, on ne pourra pas échapper à la contrainte.

M. André Schneider, co-rapporteur. La problématique est triple.

Tout d’abord, qui dit recommandation dit faculté. Cependant dans toute pédagogie, il est nécessaire d’instituer une dose de contraintes sur des points majeurs.

Par ailleurs, dans le Livre vert sur l’énergie, le cap était défini pour 2012 mais le Gouvernement peut anticiper sur cette date.

Enfin, il est vrai qu’aujourd’hui, les prix et la consommation d’énergie sont relativement sages du fait de la crise et l’on pourrait en conséquence s’interroger sur l’opportunité d’investir alors que le prix du baril de pétrole est de cinquante euros. La réponse est clairement : oui car demain, on n’évitera pas, au mieux, des fluctuations importantes de cours. Si vous me permettez l’expression : il faut maintenir la pression dans les tuyaux. »

A la suite de ce débat et sur proposition des rapporteurs, la Commission a adopté la proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions du Conseil européen des 8 et 9 mars 2007,

Vu les conclusions du Conseil européen des 13 et 14 mars 2008,

Vu les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 mars 2009,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – Deuxième analyse stratégique de la politique énergétique – Plan d’action européen en matière de sécurité et de solidarité énergétiques (COM (2008) 781 final / E 4140),

Vu la proposition de directive du Conseil faisant obligation aux Etats membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (COM (2008) 775 final / E 4106),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie (refonte) (COM (2008) 778 final / E 4107),

Vu la proposition de directive au Parlement européen et du Conseil sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels (COM (2008) 779 final / E 4108),

Vu la proposition de directive du Conseil (Euratom) établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire (COM (2008) 790 final / E 4143),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) (COM (2008) 780 final / E 4222),

1. Prend acte des orientations stratégiques proposées par la Commission européenne pour la politique énergétique de l’Union européenne à l’horizon 2020 et à l’horizon 2050, et invite l’Union européenne et les Etats membres à traduire rapidement en actes ces orientations qu’ils ont approuvées ;

2. Souligne la nécessité pour l’Union européenne de tirer, à court terme, les leçons de la crise gazière de janvier 2009, en prenant dès à présent les mesures indispensables pour rendre possible la réversibilité des flux de gaz en cas de rupture d’approvisionnement, et en définissant les termes de nouveaux partenariats avec les pays tiers fournisseurs et les pays de transit basés sur la sécurité juridique et la transparence ;

3. Constate la nécessité, à moyen terme, d’assurer une diversification des voies et des sources d’approvisionnement en gaz des pays de l’Union européenne ;

4. Relève que cette diversification, qui est indispensable pour assurer la sécurité énergétique de l’Union, ne sera pas suffisante pour garantir celle-ci et qu’elle doit donc aller de pair avec, d’une part, un rééquilibrage de la consommation d’énergie en Europe en faveur des énergies renouvelables, et d’autre part, avec un effort concerté, contraignant et considérable dans le domaine de l’efficacité énergétique ;

5. S’alarme de ce que les progrès réalisés en matière de recours aux énergies renouvelables et en matière d’économies d’énergie sont trop lents pour espérer atteindre en 2020 les objectifs que l’Union européenne s’est fixés, et appelle le Gouvernement français à soutenir la demande faite par le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février 2009, de rendre juridiquement contraignant l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique dans l’Union européenne d’ici 2020 ;

6. S’agissant tant des énergies renouvelables que de l’efficacité énergétique, invite l’Union européenne à promouvoir la coordination entre les différents programmes nationaux de recherche-développement ;

7. Invite le gouvernement français, dans le cadre du processus du « Grenelle de l’environnement », à ne pas s’interdire de recourir partiellement à la contrainte pour que la France atteigne les objectifs nationaux et européens en matière d’efficacité énergétique, en particulier en ce qui concerne la performance énergétique des bâtiments existants ; recommande un effort important de « pédagogie » et de communication en direction de nos concitoyens ;

8. Accueille avec satisfaction la proposition de directive visant à instaurer un cadre communautaire en matière de sûreté nucléaire, mais demande que ce dispositif soit complété rapidement par des règles strictes de sûreté applicables à la gestion et aux transports des déchets nucléaires ;

9. Approuve la priorité élevée que la Commission européenne donne dans son analyse stratégique au développement des interconnexions électriques et gazières dans l’Union européenne, et à l’adaptation du réseau électrique européen à l’intégration de nouveaux producteurs d’électricité de source renouvelable ;

10. Salue le travail des coordonnateurs européens qui ont été nommés pour quatre grands projets d’interconnexions en Europe et exprime le souhait que, pour assurer la meilleure information des citoyens et favoriser ainsi l’acceptabilité des projets, d’autres coordonnateurs puissent le cas échéant être désignés.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

A Paris :

- S. Exc. M. Kostiantyn TYMOSHENKO, ambassadeur d’Ukraine en France ;

- Mme Anne LAPERROUZE, rapporteure du Parlement européen sur la « deuxième analyse stratégique » ;

- M. Pierre-Franck CHEVET, directeur général de l’énergie et du climat (ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire), Mme Carole LANCEREAU (Cellule internationale) et M. Philippe GEIGER (sous-direction Sécurité d’approvisionnement et Nouveaux produits énergétiques) ;

- M. Jean-Marie CHEVALIER, professeur à Paris-Dauphine et directeur du Centre géopolitique de l’énergie et des matières premières ;

- Mme Catherine LOCATELLI, chargée de recherche au CNRS ;

- M. Daniel SOREAU, président, et M. Wladimir GAUTHIER, délégué général, Fédération des producteurs indépendants d’électricité ;

- M. Dominique MAILLARD, président du directoire de RTE ;

- M. Jean-Marie DAUGER, directeur général adjoint en charge de la branche Global Gaz et GNL chez Gaz de France–Suez ;

- MM. François DUPOUX, Denis GIVOIS et Patrick de BEAUREPAIRE, Fédération française des entreprises gestionnaires de services aux équipements, à l’énergie et à l’environnement (FG3E) ;

- M. Cédric PHILIBERT, administrateur principal, Agence internationale de l’énergie (division des énergies Renouvelables) ;

- M. Philippe PRADEL, directeur (direction de l’énergie nucléaire), M. Marc LEGER, directeur des affaires juridiques, et M. Claude AYACHE, directeur délégué aux affaires européennes, Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ;

- M. Benoit PRADERIE, porte-parole de l’association « Planète Eolienne ».

A Bruxelles :

- M. Patrice LIAUZU (Bureau de la Banque européenne d’investissement à Bruxelles) et M. Edward CALTHROP (division énergie, transport et environnement de la BEI) ;

- M. Fabrizio BARBASO, directeur général adjoint, direction générale énergie et transports, Commission européenne ;

- Mme Lise DEGUEN, conseillère, Représentation permanente de la France.

ANNEXE 2 :
LISTE DES PRINCIPAUX DOCUMENTS ET PROJETS DE TEXTES MENTIONNÉS PAR LA « DEUXIÈME ANALYSE STRATÉGIQUE DE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE »

(COM(2008) 781 final du 13 novembre 2008)

Documents et projets de textes déjà déposés :

§ Cinq textes législatifs :

- Proposition de directive du Conseil faisant obligation aux Etats membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers (COM (2008) 775 final / document E 4106)

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) (COM (2008) 780 final / document E 4222)

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie - refonte (COM (2008) 778 final / document E 4107)

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels (COM (2008) 779 final / document E 4108)

- Proposition de directive du Conseil (Euratom) établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire (COM (2008) 790 final / document E 4143)

§ Livre vert « Vers un réseau d’énergie européen sûr, durable et compétitif » (COM (2008) 782 final 2) ;

§ Communication de la Commission européenne sur l’énergie éolienne en mer (COM (2008) 768 final)

§ Communication de la Commission européenne « Relever le défi international de la sûreté et de la sécurité nucléaires » (COM (2008) 312 final)

§ Communication de la Commission européenne sur le rapport d’évaluation relatif à la directive 2004/67/CE sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel (COM (2008) 735 final)

§ Communication de la Commission européenne « Mise à jour du Programme Nucléaire Indicatif dans le contexte de la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique » (COM (2008) 776 final)

Documents et projets de textes annoncés par la Deuxième analyse stratégique et qui seront présentés ultérieurement :

§ Plan d’interconnexion pour la région balte concernant le gaz, l’électricité et les questions de stockage (2009)

§ Communication relative au corridor gazier sud-européen (2009)

§ Plan d’action concernant le gaz naturel liquéfié (2009)

§ Evaluation du plan d’action pour l’efficacité énergétique et établissement d’un plan d’action plus ciblé (2009)

§ Recensement des mécanismes concrets nécessaires pour garantir la transparence entre les Etats membres et l’Union européenne (2009), éventuellement suivi de la présentation d’une proposition de révision du règlement n°736/96 qui impose aux Etats membres de communiquer à la Commission des projets d’investissement d’intérêt communautaire dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et de l’électricité

§ Communication sur le financement des technologies à faible émission de carbone (2009)

§ Communication sur la capacité de raffinage et la demande de pétrole de l’Union européenne (2010)

§ Proposition de révision de la directive sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz naturel (2010)

§ Communication sur l’application de la directive du 11 février 2004 sur la cogénération (sans indication de date)

§ Proposition de révision de la directive sur la taxation de l’énergie (sans indication de date)

§ Communication sur l’anneau méditerranéen de l’énergie (au plus tard en 2010)

§ Elaboration, par l’ENTSO, du premier plan décennal de développement du réseau gazier et électrique traversant l’Europe du Centre et du Sud-Est selon un axe nord-sud (2010)

§ Communication sur l’élimination des obstacles aux énergies renouvelables dans l’Union européenne (sans indication de date).

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () L’Union européenne s’est fixé à l’horizon 2020 un triple objectif, le « 20-20-20 » : une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, une part de 20 % d’énergies renouvelables dans sa consommation totale d’énergie, et une réduction de 20 % de cette consommation totale d’énergie.

3 () Les éléments descriptifs ci-après sont tirés des publications d’Eurostat et des documents de travail publiés par la Commission européenne en novembre 2008 et qui accompagnent la communication sur la « deuxième analyse stratégique » : « Commission staff working document – Europe’s current and future energy position : Demand – resources – investments », volumes I et II (documents SEC [2008] 2871 du 13 novembre 2008). Sauf indication contraire, les chiffres cités sont ceux de l’année 2006.

4 () Cet indicateur couvre la production primaire à l’intérieur du territoire national, y compris la production off shore.

5 () La production primaire est tout type d’extraction de produits énergétiques d’une source naturelle sous une forme utilisable. Il y a production primaire lorsque des ressources naturelles sont exploitées, par exemple dans les mines de charbon, les champs de pétrole, les centrales hydroélectriques… La transformation d’énergie d’une forme en une autre, comme la production d’électricité ou de chaleur dans les centrales thermiques ou la production de coke dans les cokeries, n’est pas considérée comme une production primaire.

6 () Les importations nettes sont les importations diminuées des exportations. Les importations représentent toutes les quantités entrant dans le territoire national, à l’exclusion des quantités en transit (notamment dans les gazoducs et oléoducs). L’énergie électrique est une exception et son transit est toujours enregistré dans le commerce extérieur.

7 () Livre vert « Vers un réseau d’énergie européen sûr, durable et compétitif » (COM (2008) 782 final).

8 () Cette société basée en Suisse, créée en 2006, avait pour objet de gérer l’intégralité des exportations gazières russes à destination de l’Ukraine, mais l’accord de janvier, qui stipule que les ventes de gaz russe à l’Ukraine se feront désormais directement entre Gazprom et Naftogaz, prive de raison d’être l’intermédiaire RosUkrEnergo.

9 () C’est la thèse défendue notamment par Michael Emerson et Elena Gnedina (Center for European Policy Studies), « The case for a gas transit consortium in Ukraine : a cost-benefit analysis », CEPS Policy Brief n° 180, 19 janvier 2009.

10 () « European Network of Transmission System Operators for Gas » (ENTSOG).

11 () L’article 4 du traité de Lisbonne insère l’énergie parmi les domaines où s’applique la compétence partagée entre l’UE et les Etats membres. L’article 122 introduit explicitement la solidarité en cas de rupture d’approvisionnement. L’article 170 cite explicitement l’objectif de la réalisation des réseaux transeuropéens. L’article 192 confie au Parlement européen et au Conseil la responsabilité de légiférer en ces matières en délibérant à la majorité (et non pas à l’unanimité, sauf pour les aspects fiscaux). Enfin, l’article 194 établit le principe de solidarité et en indique les objectifs, parmi lesquels la sécurité d’approvisionnement.

12 () A ce jour, huit Etats membres de l’Union européenne ne sont pas membres de l’AIE : Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Malte, Slovénie et Chypre.

13 () Proposition de directive du Conseil faisant obligation aux Etats membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et/ou de produits pétroliers, COM (2008) 775 final du 13 novembre 2008/document E 4106.

14 () Ni, d’ailleurs, pour l’électricité mais celle-ci soulève des problèmes différents du fait de l’impossibilité de la stocker, sauf par l’intermédiaire des grands réservoirs hydroélectriques de montagne.

15 () L’ouverture récente par Gazprom, sur l’île de Sakhaline, d’une première usine de liquéfaction de gaz naturel, va permettre désormais à la Russie de commencer à fournir du gaz sous forme de GNL, donc sans qu’il soit nécessaire de construire des gazoducs, au Japon. Au même moment, la Russie et la Chine ont signé un accord prévoyant des livraisons de pétrole vers la Chine sur vingt ans. Il est à noter que la Chine devrait devenir d’ici moins de dix ans le plus gros importateur mondial d’hydrocarbures, devant les Etats-Unis.

16 () La question de l’éventuel approvisionnement de l’Europe en électricité d’origine solaire en provenance d’Afrique sera abordée dans la Deuxième partie du présent rapport.

17 () En juillet 2008, les chefs d’Etat et de gouvernement euro-méditerranéens ont soutenu le lancement du Plan solaire méditerranéen (PSM), l’un des projets prioritaires de l’Union pour la Méditerranée. Ce plan vise à développer toutes les sources d’énergie renouvelables dans le bassin méditerranéen, l’accent étant mis sur l’éolien et le solaire. Le potentiel de développement de nouvelles installations de production à faible intensité de carbone dans le bassin méditerranéen est estimé à 20 GW à l’horizon 2020, et les investissements nécessaires (y compris les réseaux électriques connexes) sont de l’ordre de 80 milliards d’euros.

18 () Voir le rapport d’information de M. André Schneider n° 886 du 13 mai 2008 et la résolution du 3 juin 2008, TA n °149.

19 () Les Etats membres de l’Union européene (à l’exception de Malte), ainsi que la Suisse, l’Islande, la Norvège, le Monténégro, la Croatie, la Bosnie Herzégovine, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine(ARYM) et la Serbie.

20 () Différentes structures de coopération des gestionnaires de réseaux de transport existaient déjà sur une base volontaire : l’ETSO (Association européenne des gestionnaires de transport d’électricité) et l’UCTE (Union pour la coordination du transport de l’électricité). Pour le gaz, les structures existantes sont le GTE (Gas transmission Europe) et l’EASEE-Gas (Association européenne pour la rationalisation des échanges d’énergie).

21 () « Compliance oversight report », UCTE, janvier 2009.

22 () COM [2009] 115 du 11 mars 2009.

23 () Communication « Plan d’interconnexion prioritaire » (COM [2006] 846 final).

24 () « Gaz et électricité : un défi pour l’Europe et pour la France », rapport du Conseil d’analyse économique, 2008.

25 () 85 % des ressources mondiales connues sont réparties entre neuf pays : Australie (23 %), Kazakhstan (15 %), Russie (10 %), Afrique du Sud (8 %), Canada (8 %), Etats-Unis (6 %), Niger (5 %), Namibie (5 %), Brésil (5 %) – chiffres de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour l’année 2007.

26 () L’Instrument de coopération en matière de sûreté nucléaire (ICSN) est doté, pour la période 2007-2013, d’une enveloppe de 524 millions d’euros.

27 () Proposition de directive du Conseil (Euratom) établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire – COM [2008] 790 final/n°  E 4143.

28 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (COM [2008] 19 final/n°  E 3780) ; voir le rapport d’information de la commission chargée des affaires européennes sur le « paquet énergie-climat » présenté par MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert (rapport d’information n° 1260 du 18 novembre 2008) et la résolution de l’Assemblée nationale du 12 décembre 2008 (TA n° 216).

29 () Cet indicateur est le ratio entre l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables (centrales hydrauliques, énergie éolienne, énergie solaire, énergie géothermique, biomasse/déchets) et la consommation nationale brute d’électricité calculée pour une année civile. Il mesure la contribution de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables dans la consommation nationale d’électricité. La consommation nationale brute d’électricité comprend la production nationale brute totale d’électricité à partir de tous les combustibles plus les importations et moins les exportations d’électricité.

30 () Voir tableau ci-dessus page 75.

31 () « Energie éolienne en mer : réaliser les objectifs de politique énergétique à l’horizon 2020 et au-delà » (COM [2008] 736 final).

32 () A l’heure actuelle, la plupart des éoliennes off shore existantes sont installées en eau peu profonde ; des turbines flottantes destinées à être installées encore plus loin des côtes, en eau très profonde (deep off shore) sont en phase d’expérimentation et de démonstration, notamment en Norvège et en Italie, où des prototypes doivent entrer en fonctionnement dans le courant de cette année. Une société française (Nénuphar) travaille également sur de tels équipements.

33 () Agence internationale de l’énergie (AIE), « Renewable Energy Essentials : Wind », 2008.

34 () Rapport d’information de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne (n° 2839) sur l’efficacité énergétique dans l’Union européenne, présenté par M. André Schneider (1er février 2006).

35 () Communication de la Commission européenne « Efficacité énergétique : atteindre l’objectif des 20 % » (COM [2008] 772 final).

36 () A titre d’exemple, les services énergétiques représentent pour GDF-Suez un chiffre d’affaires d’environ 8 milliards d’euros et le groupe emploie pour ces activités, qui vont de la gestion des réseaux de chaleur et de froid à l’exploitation de centrales de cogénération, 35 000 salariés en Europe.

37 () Voir le rapport d’information précité présenté par MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert.

38 () Communication de la Commission européenne « Economiser plus d’énergie en Europe grâce à la production combinée de chaleur et d’électricité » (COM [2008] 771 final).

39 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments – refonte (COM [2008] 780 final/n° E 4222).

40 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie – refonte (COM [2008] 778 final/n° E 4107).

41 () Proposition de directive sur l’étiquetage des pneumatiques en relation avec l’efficacité en carburant et d’autres paramètres essentiels (COM [2008] 779 final/n° E 4108).

42 () « Transmission development Plan », UCTE, édition 2008.

43 () Décision n° 1364/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 établissant des orientations relatives aux réseaux transeuropéens d’énergie et abrogeant la décision 96/391/CE et la décision n° 1229/2003/CE.

44 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d'aide à la relance économique par l'octroi d'une assistance financière communautaire à des projets dans le domaine de l'énergie (COM [2009] 35 final/n° E4271) ; cette proposition a été examinée par la commission chargée des affaires européennes le 1er avril 2009.

45 () Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant l’accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière en ce qui concerne le cadre financier pluriannuel (COM [2008] 859 final/n° E 4204) ; cette proposition a également été examinée par la commission chargée des affaires européennes le 1er avril 2009.

46 Sur cette période, 20,8 milliards de prêts « BEI » ont bénéficié à des projets situés en France.