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N2631

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la réforme de la gouvernance de la politique extérieure
de l’Union européenne
(E 5216, E 5220 et E 5417)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Elisabeth GUIGOU et M. Yves BUR,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE : GELER LA CONTROVERSE ENTRE FEDERALISTES ET INTERGOUVERNEMENTALISTES POUR NE PAS GACHER LES AVANCEES DU TRAITE DE LISBONNE EN MATIERE DE POLITIQUE EXTERIEURE EUROPEENNE 13

I. L’UNION EST UNE FÉDÉRATION D’ETATS NATIONS DONT LA COMBINAISON ORIGINALE ENTRE INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE ET COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE ALIMENTE UNE CONTROVERSE INSTITUTIONNELLE PERMANENTE ENTRE FÉDÉRALISTES ET INTERGOUVERNEMENTALISTES 13

II. LE TRAITÉ DE LISBONNE ORGANISE UN NOUVEL ÉQUILIBRE DES POUVOIRS POUR SURMONTER CE CLIVAGE ET PERMETTRE À L’UNION EUROPÉENNE DE DÉFINIR UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE GLOBALE ET COHÉRENTE 15

A. UN PRÉSIDENT STABLE DU CONSEIL EUROPÉEN POUR RENFORCER SON POUVOIR D’ORIENTATION STRATÉGIQUE ET UNE PRÉSIDENCE TOURNANTE SEMESTRIELLE CONCENTRÉE SUR LA COORDINATION DES POLITIQUES INTERNES AU CONSEIL DES AFFAIRES GÉNÉRALES. 16

B. UN HAUT REPRÉSENTANT DE L’UNION POUR LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ, ÉGALEMENT VICE-PRÉSIDENT DE LA COMMISSION, SEULE INSTITUTION DE L’UNION EUROPÉENNE COUVRANT TOUTE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE ET PRÉSIDANT LE CONSEIL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

C. UN PRÉSIDENT RENFORCÉ À LA TÊTE D’UNE COMMISSION EUROPÉENNE DONT L’ÉVOLUTION N’EST PAS ACHEVÉE 21

D. UN PARLEMENT EUROPÉEN DONT LE POUVOIR LÉGISLATIF ET BUDGÉTAIRE S’ACCROÎT DANS TOUS LES DOMAINES COMMUNAUTAIRES, Y COMPRIS L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’UNION EUROPÉENNE, MAIS PAS DANS LE DOMAINE DE LA PESC 21

DEUXIEME PARTIE : ORGANISER LE SERVICE EUROPÉEN D’ACTION EXTÉRIEURE POUR QUE LA HAUTE-REPRÉSENTANTE/VICE-PRÉSIDENTE PUISSE EXERCER LA PLÉNITUDE DES POUVOIRS QUE LUI A CONFÉRÉS LE TRAITÉ DE LISBONNE, DANS L’INTÉRÊT DE LA COHÉRENCE DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE ET DANS LE RESPECT DES COMPÉTENCES DES AUTRES INSTITUTIONS 25

I. LES ETAPES DE LA MISE EN œUVRE DU SEAE : DU TRAITÉ À L’ENTRÉE EN FONCTION 25

A. L’APPROBATION PAR LE CONSEIL EUROPÉEN EN OCTOBRE 2009 DU RAPPORT DE LA PRÉSIDENCE SUÉDOISE SUR LES LIGNES DIRECTRICES 25

B. L’ACCORD POLITIQUE DU CONSEIL LE 26 AVRIL SUR LA PROPOSITION DE DÉCISION SUR LE SEAE, PRÉSENTÉE PAR LA HAUTE REPRÉSENTANTE LE 25 MARS, ACCOMPAGNÉE D’UNE PROPOSITION MODIFIANT LE RÈGLEMENT FINANCIER, PRÉSENTÉE PAR LA COMMISSION LE 26 MARS 28

C. LES NÉGOCIATIONS AVEC LE PARLEMENT EUROPÉEN 34

II. QUATRE ENJEUX FONDAMENTAUX 37

A. LA COORDINATION 37

B. LA REPRÉSENTATION EXTÉRIEURE 41

C. L’AUTONOMIE DU SERVICE PAR RAPPORT À LA COMMISSION ET L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNELS DES ETATS MEMBRES, DU CONSEIL ET DE LA COMMISSION 46

D. L’AUTONOMIE DE LA STRUCTURE POLITICO-MILITAIRE DANS LE SEAE SOUS L’AUTORITÉ DIRECTE DE LA HAUTE REPRÉSENTANTE 48

TROISIEME PARTIE : ENGAGER UN PROCESSUS DE CONVERGENCE DES ETATS MEMBRES SUR UN PETIT NOMBRE DE PRIORITES DE LA POLITIQUE EXTERIEURE DE L’UNION EUROPEENNE 53

I. ENGAGER A L’INITIATIVE DE LA HAUTE REPRESENTANTE UN PROCESSUS DE CONVERGENCE DES ETATS MEMBRES DANS LES DOMAINES OU LA PESC PEUT APPORTER UNE VALEUR AJOUTEE PAR RAPPORT AUX POLITIQUES NATIONALES 53

II. SE CONCENTRER SUR QUELQUES PRIORITES 57

A. LES PRIORITÉS GÉOGRAPHIQUES 57

B. LES PRIORITÉS THÉMATIQUES 59

C. L’EUROPE DE LA DÉFENSE 61

QUATRIEME PARTIE : ORGANISER UN CONTRÔLE GLOBAL ET COHÉRENT DES PARLEMENTS NATIONAUX ET DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE ET INSTAURER UN RENDEZ-VOUS ANNUEL DE TOUTES LES INSTITUTIONS (CONSEIL, COMMISSION, PARLEMENT EUROPÉEN, PARLEMENTS NATIONAUX) AVEC LES CITOYENS EUROPÉENS SUR L’AVENIR DE L’UNION EUROPÉENNE 65

I. ORGANISER UN CONTRÔLE GLOBAL ET COHÉRENT DES PARLEMENTS NATIONAUX ET DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE 65

II. INSTAURER UN RENDEZ-VOUS ANNUEL DE TOUTES LES INSTITUTIONS (CONSEIL, COMMISSION, PARLEMENT EUROPÉEN, PARLEMENTS NATIONAUX) AVEC LES CITOYENS EUROPÉENS SUR L’AVENIR DE L’UNION EUROPÉENNE 69

CONCLUSION 71

TRAVAUX DE LA COMMISSION 77

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE 89

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 95

ENTSCHLIESSUNGSANTRAG 99

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 105

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’Europe a été un enjeu des relations internationales durant la guerre froide, puis elle a cru qu’elle en était devenue un acteur indispensable, pour découvrir récemment qu’elle risquait de se transformer en spectateur de l’accélération de l’histoire et de la métamorphose du monde.

La victoire de l’Occident en 1989 marque la fin du monde bipolaire, permet aux Etats-Unis de développer une mondialisation libérale fondée sur la démocratie et le marché et laisse augurer que l’Europe pourra y jouer un rôle international de premier plan.

Vingt ans après, de grands pays émergents ont pris en partie le contrôle du capitalisme mondial tout en contestant pour certains d’entre eux son lien avec la démocratie, les Etats-Unis ont en partie délégitimé leur leadership et le modèle occidental par leur intervention en Irak et la crise financière née chez eux, enfin l’Union européenne a découvert après la conférence de Copenhague sur le climat qu’elle n’avait pas pris rang parmi les grands acteurs mondiaux du XXIe siècle.

Cette évolution inattendue de l’Europe après les promesses de la fin de sa division mérite qu’on s’arrête sur son rôle international durant ces vingt dernières années.

En premier lieu, après l’élan du traité de Maastricht conduisant à l’euro et posant les jalons d’une politique étrangère et de sécurité commune (PESC), l’Union a vécu une longue période d’introspection institutionnelle de quinze années durant laquelle elle s’est d’abord intéressée à elle-même, à ses interrogations sur son identité, son organisation et son élargissement.

Elle s’est également affirmée comme une puissance régionale en conduisant trois politiques :

- une politique d’élargissement, réussissant l’exercice de politique étrangère sans précédent d’intégrer douze nouveaux membres, d’unifier un continent et de constituer un ensemble démocratique de 500 millions d’habitants ;

- une politique de voisinage à l’est et au sud fondée sur l’intégration économique et la coopération politique sans adhésion, dont le bilan est mitigé ;

- une politique de stabilisation des Balkans avec une perspective d’adhésion, après que ses dissensions politiques et ses impuissances militaires lors des conflits de l’ex-Yougoslavie l’ont obligée à appeler à l’aide les Etats-Unis dans une région non stratégique pour eux, puis à remédier à ses carences en constituant un embryon de politique européenne de sécurité et de défense (PESD) à la suite de l’accord de Saint-Malo de 1998 entre le Royaume-Uni et la France.

Enfin, l’Union européenne s’est présentée sur la scène internationale comme un promoteur déterminé du multilatéralisme.

Dans la gestion des crises, elle s’est révélée comme un partenaire d’appoint des Etats-Unis, sûrs de leur hyperpuissance et tentés par l’unilatéralisme, et elle a réussi à surmonter ses divisions face à la guerre en Irak en définissant fin 2003 une stratégie de sécurité fondée sur la défense du multilatéralisme et l’usage de la guerre comme ultime recours.

Par ailleurs, sa capacité à mobiliser toute la gamme des instruments civils et militaires dans la gestion des crises, à la différence d’organisations militaires comme l’OTAN, en a fait un partenaire indispensable des organisations internationales comme l’ONU ou l’Union africaine (UA).

Mais c’est surtout dans la promotion de nouvelles normes internationales pour faire face aux nouveaux défis mondiaux que l’Union européenne a voulu tirer parti de son expérience d’une construction européenne régulée par le droit et non plus par les rapports de force pour jouer le rôle d’une puissance normative dans le monde multipolaire.

Elle a d’abord réussi à exercer une influence décisive dans la décennie quatre-vingt-dix, parfois contre le leadership américain, et à faire adopter de nouvelles normes par la communauté internationale. Ainsi fut-elle l’inspiratrice des avancées du sommet de la Terre à Rio en 1992, de la création d’un organe de règlement des différends au sein de la nouvelle Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994, du protocole de Kyoto en 1997, de la création de la Cour pénale internationale en 1998.

Mais les blocages se sont multipliés au cours de la décennie deux mille sous l’effet des divisions des pays développés dans la réforme de la régulation du marché et des banques, ou de l’alliance des Etats-Unis avec des pays émergents pour écarter les propositions européennes à Copenhague ou enliser les négociations commerciales du cycle de Doha.

L’Europe a appris à Copenhague que le pouvoir doux d’une puissance normative fragmentée ne suffisait pas à influencer un monde de puissances globales dures.

Quatre raisons pourraient expliquer la perte d’influence de l’Europe dans le monde multipolaire.

Premièrement, l’Union européenne a appelé de ses vœux l’avènement d’un monde multipolaire, mais elle ne s’y est pas préparée en restant dans la logique d’un monde unipolaire dominé par les seuls Etats-Unis. L’Europe a continué à se définir par rapport aux seuls Etats-Unis et non par rapport à la mondialisation et à ses autres grands acteurs, en restant un partenaire d’appoint des Etats-Unis au lieu de se transformer en partenaire de plein exercice de son principal allié mais aussi des autres Etats-continents.

Deuxièmement, l’Union européenne a espéré que la mondialisation et l’avènement d’un monde multipolaire favoriserait la disparition des logiques traditionnelles de puissance au profit du développement des interdépendances, des logiques de coopération et du multilatéralisme pour faire face aux défis mondiaux. Ce multilatéralisme mondial spontané aurait été conforme au modèle multilatéral régional européen qui s’était efforcé de remplacer les rapports de puissance par le recours au droit pour réguler son espace. L’Union européenne pensait que l’exemplarité de son modèle multilatéral régional lui donnerait la légitimité pour exercer une influence décisive dans la régulation et la gouvernance mondiales.

Or la multipolarité n’a pas favorisé le multilatéralisme ni la coopération, mais plutôt le retour de la géopolitique traditionnelle sur la scène internationale. Plus précisément les Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine), mais aussi les Etats-Unis, n’utilisent le multilatéralisme que dans la mesure où il satisfait leur agenda national. L’Union européenne qui n’est pas un Etat capable de s’imposer par la puissance, a essayé de s’imposer par l’exemplarité de son plan énergie-climat.

Mais Copenhague a été un rappel au principe de réalité de la logique de puissance faiblement coopérative qui prévaut dans le nouveau monde multipolaire et a pris l’Union européenne à contre-pied.

Troisièmement, l’Union européenne a considéré qu’elle pourrait rester à mi-chemin de sa capacité à agir collectivement à l’extérieur comme elle avait réussi à le faire à l’intérieur et que cela n’affecterait pas son influence auprès de ses grands partenaires. Or ceux-ci demandent un partenaire global capable d’engager l’Union européenne et de parler d’une seule voix sur tous les sujets et considèrent que les enjeux sont trop lourds pour s’engager avec un interlocuteur protéiforme dont ils ne parviennent pas à identifier clairement le champ des responsabilités.

Quatrièmement, la fierté de l’Union européenne d’être la première puissance économique et commerciale du monde ne dissimule plus son décrochage économique dans la mondialisation par rapport aux pays émergents. L’Union européenne dont la démographie stagne et la population vieillit ne devrait plus représenter dans les années 2030-2040 que 6 % de la population mondiale et le monde occidental 12 %. Elle fait 1 % de croissance annuelle depuis vingt ans quand les pays émergents ont progressé de 4,8 % en moyenne, et depuis dix ans son poids dans le PIB mondial a reculé de 20 % à 15 % et dans les échanges commerciaux de 28 % à 22 %. Selon le prix Nobel d’économie, M. Robert Mundell, le PIB de la Chine devrait dépasser celui de la zone euro en 2030. De même, selon une étude du cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers, le PIB de la Chine pourrait dépasser celui des Etats-Unis en 2030 et le PIB cumulé des sept principaux pays émergents (Chine, Russie, Inde, Mexique, Indonésie, Turquie et Brésil) pourrait dépasser aussi en 2030 celui cumulé du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada).

L’Union européenne ne peut plus espérer exercer son influence internationale dans le confort d’un couple occidental dominant au sein duquel les rôles seraient répartis. Les Etats-Unis s’efforcent de relégitimer leur leadership mondial et resteront l’une des grandes puissances majeures du XXIe siècle. En revanche, l’Union européenne sortira du grand jeu international si ses Etats membres ne surmontent pas leurs contradictions, au moment où des crises multiples les invitent à réformer la gouvernance européenne dans trois domaines de souveraineté des Etats membres.

Ils doivent tirer les leçons de la crise grecque qui est aussi une crise de l’euro pour combler le déséquilibre entre le volet économique et le volet monétaire au sein de l’union économique et monétaire. La déclaration des seize chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro du 25 mars 2010 marque, avec le plan de sauvetage de la Grèce du 2 mai, un tournant historique. Ils ont en effet décidé de donner un gouvernement économique à la monnaie unique et se sont fixé rendez-vous au Conseil européen de décembre 2010 pour examiner les propositions d’un groupe de travail présidé par M. Herman Van Rompuy sur quatre objectifs : la coordination des politiques économiques, la surveillance des risques économiques et budgétaires, le renforcement des instruments d’action, la résolution des crises.

Les Etats membres doivent également tirer les leçons du demi-échec de la stratégie de Lisbonne 2000-2010 qui a été la première réponse organisée de l’Union européenne face à la mondialisation. La cause principale en est la méthode ouverte de coordination qui n’a pas suffisamment stimulé le volontarisme des Etats membres et le Conseil européen de juin 2010 devrait le prendre en compte lors de l’examen de la stratégie 2020.

Les Etats membres doivent enfin tirer les conséquences de la perte d’influence internationale de l’Union européenne pour qu’elle puisse développer une politique extérieure visible et cohérente et qu’elle puisse s’appuyer progressivement sur une PESC et une Europe de la défense substantielles, de manière à créer, à côté de l’union économique et monétaire, une union politique et de sécurité la constituant en acteur mondial de premier rang.

L’alternative serait un repli sur soi dans le cadre d’une Europe molle, où aucun Etat membre même le plus grand ne pourrait jouer seul dans la cour des grands.

La chance de l’Union européenne est d’avoir clos un débat institutionnel de quinze années grâce à l’adoption du traité de Lisbonne et de pouvoir passer à l’action.

Certes le traité de Lisbonne n’a pas simplifié l’architecture institutionnelle de l’Union européenne parce que la complexité est le prix du compromis entre vingt-sept Etats membres. Mais il a créé les instruments pour surmonter la complexité et permettre à l’Union européenne de parler d’une voix forte et cohérente sur la scène internationale.

La création d’un Haut représentant/vice-président et d’un service européen d’action extérieure sont deux innovations essentielles pour la réforme de la gouvernance de la politique extérieure de l’Union européenne.

Pour réussir cette réforme, nous pensons que quatre conditions doivent être remplies. Il faut :

– geler la controverse entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne ;

– organiser le service européen d’action extérieure pour que la Haute représentante/vice-présidente puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a conférés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions ;

– engager un processus de convergence des Etats membres sur un petit nombre de priorités de la politique extérieure de l’Union européenne ;

– organiser un contrôle global et cohérent des parlements nationaux et du Parlement européen sur la politique extérieure européenne et instaurer un rendez-vous annuel de toutes les institutions avec les citoyens européens sur l’avenir de l’Union européenne.

PREMIERE PARTIE :
GELER LA CONTROVERSE ENTRE FEDERALISTES
ET INTERGOUVERNEMENTALISTES POUR NE PAS GACHER LES AVANCEES DU TRAITE DE LISBONNE
EN MATIERE DE POLITIQUE EXTERIEURE EUROPEENNE

I. L’UNION EST UNE FÉDÉRATION D’ETATS NATIONS DONT LA COMBINAISON ORIGINALE ENTRE INTÉGRATION COMMUNAUTAIRE ET COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE ALIMENTE UNE CONTROVERSE INSTITUTIONNELLE PERMANENTE ENTRE FÉDÉRALISTES ET INTERGOUVERNEMENTALISTES

La construction européenne présente, depuis l’origine, quatre caractéristiques qui en font une organisation politique internationale d’un nouveau type.

Premièrement, elle a organisé un fédéralisme à l’envers. Son objectif premier a été d’établir les conditions définitives de la paix entre anciens ennemis par la mise en commun des souverainetés sur les bases de l’industrie d’armement avec la CECA. Mais après le rejet de la Communauté européenne de défense en 1954, elle a poursuivi l’intégration communautaire non plus dans les domaines régaliens de souveraineté – défense, justice, police, monnaie – mais dans ceux de l’intendance économique, c’est-à-dire le grand marché et les politiques communes sectorielles.

Deuxièmement, la construction européenne a organisé une union d’Etats fondée sur un fédéralisme juridique sans fédéralisme politique. Dans son domaine de compétences, la Communauté européenne a constitué un Etat de droit producteur de normes s’imposant aux Etats membres sous le contrôle d’une Cour de justice. En revanche, la Communauté européenne n’a pas constitué un Etat fédéral souverain au-dessus des Etats membres, mais une union d’Etats qui ont gardé chacun la compétence de la compétence en se prononçant sur la révision des traités à l’unanimité.

Troisièmement, la gestion des domaines intégrés a été confiée à un triangle institutionnel, au sein duquel l’organisation des fonctions exécutive et législative n’est pas fondée sur le modèle classique de la séparation des pouvoirs mais sur une combinaison originale. Le pouvoir exécutif est partagé entre la Commission, gardienne de l’intérêt général européen, qui propose et applique et le Conseil des ministres des Etats membres, qui décide le plus souvent à la majorité qualifiée. Le pouvoir législatif est partagé entre le Conseil et le Parlement européen qui représente les peuples et était à l’origine simplement consulté, et dispose par ailleurs du contrôle politique sur la Commission.

Quatrièmement, la Communauté européenne repose depuis l’origine sur le principe de l’égalité des droits entre les Etats membres quelle que soit leur taille, corrigée au Conseil et au Parlement européen par une pondération des voix et des sièges en fonction de la population. Ce principe situe la Communauté européenne à l’opposé de la coopération internationale classique où chaque Etat exerce une influence sur les décisions collectives en proportion de sa puissance.

La controverse institutionnelle entre les tenants de l’Europe fédérale et ceux de l’Europe intergouvernementale s’est développée, particulièrement depuis que le traité de Maastricht a fait entrer les trois grands domaines régaliens de souveraineté dans le champ de l’Union européenne :

- la monnaie, sous la forme d’une intégration communautaire complète avec la création de l’euro et de la Banque centrale européenne ;

- la justice et les affaires intérieures, qui ont fait l’objet d’une communautarisation progressive et d’une intégration dans les traités de l’espace Schengen créé en dehors ;

- la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), intégrant une politique européenne de sécurité et de défense (PESD), qui reste fondée sur les principes de la coopération intergouvernementale et non de l’intégration communautaire. Les Etats disposent d’un droit d’initiative exclusif. Ils décident par consensus ou à l’unanimité, avec possibilité d’abstention constructive. Le Conseil est assisté d’un Haut représentant pour la PESC qui en dépend, la Commission est seulement associée aux travaux du Conseil et le Parlement européen est informé de l’évolution de cette politique.

La PESD se limite à une politique de gestion de crises à l’extérieur du territoire de l’Union et ne s’étend pas à la défense de son territoire, garantie principalement par la clause de défense mutuelle du traité de l’Atlantique Nord.

La controverse est particulièrement vive dans le domaine de la politique extérieure où la séparation entre les domaines intergouvernementaux de la PESC et de la PESD et les domaines communautaires de l’action extérieure (en particulier élargissement, voisinage, développement, aide humanitaire, commerce) explique la difficulté de forger une politique extérieure européenne globale et cohérente.

Elle est sous-jacente aux débats sur la mise en œuvre des institutions créées par le traité de Lisbonne pour rapprocher ces deux volets d’une politique d’ensemble.

II. LE TRAITÉ DE LISBONNE ORGANISE UN NOUVEL ÉQUILIBRE DES POUVOIRS POUR SURMONTER CE CLIVAGE ET PERMETTRE À L’UNION EUROPÉENNE DE DÉFINIR UNE POLITIQUE EXTÉRIEURE GLOBALE ET COHÉRENTE

Le défi est de faire parler d’une seule voix sur une politique extérieure cohérente vingt-sept Etats membres, à travers un dispositif reposant sur quatre présidences exécutives, trois Conseils (européen, affaires étrangères, affaires générales sans compter les conseils sectoriels), un Parlement européen et des procédures de vote différentes.

Le traité exprime la volonté que la politique extérieure européenne ne se divise plus en domaines cloisonnés en reconnaissant explicitement la personnalité juridique de l’Union européenne (art. 47 du traité sur l’Union européenne (TUE)). La fusion de la Communauté européenne et de l’Union européenne au sein d’une même personnalité juridique rend possible la disparition de la structure de l’UE en trois piliers : le premier pilier communautaire et les deux piliers intergouvernementaux de la PESC et de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

Cependant la disparition des piliers a surtout valeur de symbole car les procédures continuent de différer entre la PESC et l’action extérieure communautaire. En effet, alors que les Etats membres ont accepté de partager l’exercice de leur souveraineté dans de nouvelles politiques communes comme l’énergie, la politique spatiale et la recherche, ils n’ont pas jugé possible de soumettre la politique étrangère, de sécurité et de défense commune aux procédures communautaires en raison de l’histoire et des traditions nationales et de la lente maturation d’un intérêt général européen dans ces domaines de souveraineté nationale par excellence.

La politique extérieure européenne conjugue donc une PESC dans laquelle l’unanimité est la règle, selon la formule 27 en 1 au cas par cas approuvée par tous sauf abstention constructive, avec une action extérieure communautaire à la majorité qualifiée. Cette dernière comprend des domaines de compétence exclusive comme la politique commerciale commune, selon la formule 27 en 1, et des domaines de compétence partagée ou d’appoint, comme la coopération au développement et l’aide humanitaire, la coopération avec d’autres pays tiers comme ceux du voisinage, et dans leur volet externe l’environnement, l’énergie, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, selon la formule 27 plus 1.

Le traité s’efforce de surmonter ce clivage en organisant un nouvel équilibre des pouvoirs pour donner à la politique extérieure européenne plus de visibilité, de stabilité, d’initiative et de cohérence. Il n’y a pas de président de l’Union européenne, mais des présidents d’institutions de l’UE dont les tâches sont distinctes mais ne peuvent être pleinement exercées qu’en étant mises en synergie.

A. Un président stable du Conseil européen pour renforcer son pouvoir d’orientation stratégique et une présidence tournante semestrielle concentrée sur la coordination des politiques internes au Conseil des affaires générales.

Le traité met fin au paradoxe suivant lequel les chefs d’Etat et de gouvernement qui exercent le pouvoir d’impulsion stratégique au plan national ne parvenaient pas à l’exercer au niveau européen en raison d’une mauvaise organisation de la Présidence du Conseil européen et des circuits de décision.

Elu par le Conseil européen à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois, le président stable du Conseil européen est plus qu’un président de séance mais moins qu’un président exécutif. Il se veut facilitateur pour faire émerger des positions communes entre les Etats membres sur les grandes orientations stratégiques de l’Union européenne et pour les faire connaître. Comme, par ailleurs, il assure la représentation extérieure de l’Union pour la PESC au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, le Conseil européen devait s’occuper plus que par le passé de politique étrangère pour donner à son président les orientations nécessaires à l’exercice de ses fonctions vis-à-vis des pays tiers.

Le président stable à plein temps offre au Conseil européen une garantie de continuité que ne permettait pas une Présidence tournante semestrielle absorbée par ses tâches nationales ou des difficultés susceptibles de gêner l’exercice de la présidence. Les changements de priorités présidentielles tous les six mois empêchaient le Conseil européen de suivre une ligne stratégique et la méthode de préparation des décisions le dispersait sur des arbitrages de détail en raison d’une coordination politique insuffisante au Conseil des affaires générales (CAG), ou sur des stratégies de papier que les Etats membres ne s’appropriaient pas, ou encore sur des compromis réduits au plus petit dénominateur commun.

Le Président Van Rompuy veut amener le Conseil européen à se concentrer sur les grands équilibres et à décider des stratégies à partir de quelques options simples.

Ce changement de méthode s’appuie sur la composition resserrée du Conseil européen qui ne comprend plus les ministres des affaires étrangères. Le traité autorise cependant les membres du Conseil européen à décider de se faire assister par un ministre, pas nécessairement le ministre des affaires étrangères, et le président de la Commission par un commissaire.

Le Président Van Rompuy a également décidé d’impliquer plus fortement les chefs d’Etat et de gouvernement dans la direction de l’Union européenne sur les grands sujets en convoquant le Conseil européen une fois par mois en session extraordinaire, au lieu des deux sessions ordinaires annuelles prévues par le traité.

Toutefois, si le président du Conseil donne des impulsions politiques au nom des chefs d’Etat et de gouvernement conformément au rôle dévolu au Conseil européen par le traité, il ne participe ni au pouvoir exécutif ni au pouvoir législatif exercé par le Conseil affaires générales ou le Conseil affaires étrangères et doit établir de bonnes relations avec leur présidence pour préparer les travaux du Conseil européen et assurer leur suivi.

Le traité écarte la Présidence tournante semestrielle de la politique extérieure puisqu’elle perd la Présidence du Conseil européen, la représentation extérieure de l’Union européenne pour la PESC au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, et la présidence du nouveau Conseil affaires étrangères alors qu’elle présidait l’ancien Conseil affaires générales et relations extérieures.

Le traité l’invite à profiter de sa présidence du CAG ainsi que de tous les conseils sectoriels pour se concentrer sur la coordination des politiques internes, afin de ne pas encombrer le Conseil européen de textes préparés par le COREPER qui auraient dû être arbitrés politiquement par le CAG et de régler à son niveau les litiges avec le Parlement européen qui vont s’accroître avec le développement de la codécision.

B. Un Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-président de la Commission, seule institution de l’Union européenne couvrant toute la politique extérieure et présidant le Conseil des affaires étrangères

La création d’un Haut représentant/vice-président à double chapeau représente une innovation majeure du traité puisqu’il le place au milieu des institutions dans un double rôle qui, jusqu’alors, n’existait pas et permet à lui seul de couvrir tout le champ de la politique extérieure.

En sa qualité de Haut représentant et mandataire du Conseil, il conduit la PESC et la PSDC, propose concurremment avec les Etats membres et exécute avec les moyens de l’Union européenne. Il représente l’Union européenne auprès des pays tiers et des organisations internationales, sous réserve du rôle du président du Conseil européen dans les sommets, et présente la position de l’Union au Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande des Etats membres qui y siègent (art. 18 § 2, art. 27 § 1 et 2, art. 34 § 2 TUE).

En sa qualité de vice-président de la Commission, il veille à la cohérence de l’action extérieure de l’Union et il est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union (art. 18 § 4 TUE).

L’action extérieure de l’Union comprend au sens de la cinquième partie du traité sur la fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : la politique commerciale commune ; la coopération avec les pays tiers comprenant la coopération au développement, la coopération économique financière et technique avec les pays tiers dont la politique de voisinage, l’aide humanitaire ; les sanctions économiques à l’encontre d’un pays tiers ; les accords internationaux concernant les politiques extérieures comme les volets externes des politiques internes ; les relations de l’Union avec les organisations internationales et les pays tiers et les délégations de l’Union ; la clause de solidarité en cas d’attaque terroriste ou de catastrophe naturelle ou d’origine humaine.

Le traité distingue deux niveaux de compétences pour le vice-président de la Commission : la responsabilité sur les relations extérieures qui ne constituent pas toute l’action extérieure, et la coordination sur les autres aspects de l’action extérieure de l’Union.

Les termes du traité laissaient penser que le portefeuille du nouveau Haut représentant/vice-président fusionnerait le champ de compétence pour la PESC de l’ancien Haut représentant, M. Javier Solana, et celui de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, Mme Benita Ferrero-Waldner, en particulier la politique de voisinage. Ce n’est pas l’option choisie par le Président José Manuel Barroso qui a attribué la politique de voisinage au commissaire chargé de l’élargissement, M. Stefan Füle. Il en résulte un déséquilibre dans les attributions de la Haute représentante/vice-présidente, Mme Catherine Ashton, de nature à faire du rôle de coordination de la HR/VP entre le Conseil et la Commission et au sein même de la Commission un enjeu capital de la mise en œuvre du service européen d’action extérieure (SEAE).

Le traité attribue des pouvoirs et des moyens au Haut représentant/vice-président sans aucune mesure avec ceux dont disposaient l’ancien Haut représentant : droit d’initiative et représentation extérieure en matière de PESC, présidence du nouveau Conseil des affaires étrangères, autorité sur un réseau diplomatique européen d’environ 5 000 membres et 132 délégations de l’Union européenne, et capacité de mobiliser un budget communautaire de plusieurs milliards d’euros. Cette réforme répond à une triple exigence d’impulsion, de continuité et de cohérence.

L’impulsion n’a pu être donnée dans le système précédent ni par les Etats membres qui ne pouvaient exercer leur droit d’initiative sans être soupçonnés par les autres de privilégier leurs propres intérêts ni par la Commission, qui n’avait pas de légitimité aux yeux des Etats membres dans le domaine de la PESC, ni par l’ancien Haut représentant privé du droit d’initiative. Le HR/VP, disposant du droit d’initiative autonome que la Commission a perdu et du SEAE, aura une véritable force de proposition et d’action.

La continuité de la politique étrangère de l’Union imposait de confier, sous une autre configuration, la Présidence de la session relations extérieures du Conseil Affaires générales au HR/VP pour la soustraire aux changements de priorités des présidences semestrielles.

Le traité distingue deux conseils et deux fonctions : le Conseil affaires générales et le Conseil affaires étrangères, présidé pour cinq ans par le HR/VP. Les filières de préparation du Conseil européen ne sont pas les mêmes et prennent leur source au COREPER pour le CAG et largement au Comité politique et de sécurité (COPS) pour le CAE. Deux garde-fous existent pour éviter que la présidence tournante du CAG profite de son rôle de synthèse de la préparation du Conseil européen pour reprendre la main sur le HR et le Conseil affaires étrangères :

- le CAG assurera le relais formel vers le Conseil européen des travaux du CAE sur l’action extérieure sans les reprendre au fond, parce que les deux conseils sont composés à l’identique des ministres des affaires étrangères, sauf pour la présidence ;

- le HR participe statutairement au Conseil européen et lui présentera les propositions du CAE selon l’ordre du jour fixé par M. Van Rompuy, alors que ni le ministre des affaires étrangères présidant le CAG ni les autres ministres des affaires étrangères n’y participent.

Enfin, le HR préside également les sessions informelles d’un conseil des ministres de la défense, dans le cadre du CAE pour ne pas modifier le traité, avec les ministres de la défense seuls ou en session conjointe avec les ministres des affaires étrangères.

La cohérence entre les initiatives relevant de la PESC et de l’action extérieure, qui avait dépendu jusqu’à présent de la bonne entente du Haut représentant et du commissaire chargé des relations extérieures, ne peut qu’être facilitée par l’exercice de la double responsabilité par une seule personne, même si le regroupement des fonctions en une seule personne paraît difficile à réaliser.

L’un des principaux intérêts de la création du HR/VP est qu’il puisse proposer à terme des initiatives globales intégrant des objectifs et des mesures relevant de la PESC et de l’action extérieure.

Il peut même faire adopter une action ou une position au Conseil à la majorité qualifiée en matière de PESC (mais pas de défense), à la suite d’une demande du Conseil européen qu’il aurait lui-même suscitée. En cas d’intérêt national vital invoqué par un Etat membre et d’échec de la médiation du Haut représentant, le Conseil, à la majorité qualifiée, peut demander au Conseil européen de statuer, à l’unanimité (art. 31 TUE). En outre, le HR pour la PESC et la Commission pour les autres domaines de l’action extérieure peuvent proposer des propositions conjointes au Conseil (art. 22 TUE).

Cependant, pour que le HR/VP puisse exercer ses doubles fonctions, deux conditions doivent être remplies.

D’une part, la double loyauté à l’égard du Conseil et de la Commission implique que le HR/VP agisse sur le fondement d’une distinction claire entre les deux domaines, dans le cadre du maintien de procédures différenciées préservant les équilibres entre le Conseil et la Commission.

D’autre part, le président de la Commission doit s’accommoder d’un vice-président autonome pour ce qui relève de la PESC au sein du collège des commissaires. Le HR/VP participe au Conseil européen aux côtés du président de la Commission, contrairement aux autres commissaires soumis à une autorisation du Conseil européen. Il est soumis à la collégialité de la Commission et est indépendant des Etats membres en tant que vice-président, mais il ne l’est pas en tant que mandataire des Etats membres pour la PESC. Il exerce un droit d’initiative individuel pour la PESC non soumis à l’approbation du collège.

Nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée avec l’accord du président de la Commission, il est, en tant que membre du collège, soumis à un vote d’approbation du Parlement européen avec le président et les autres membres de la Commission, avant la nomination de la Commission par le Conseil européen à la majorité qualifiée (art. 17 § 7 TUE).

Contrairement aux autres commissaires, il ne peut être démis de ses fonctions par le président de la Commission seul, mais par le Conseil européen à l’initiative du Conseil européen ou du président de la Commission. Dans ce cas, il démissionne de toutes ses fonctions (art. 18 § 1 TUE).

La censure de la Commission par le Parlement européen l’oblige à démissionner de ses fonctions de vice-président, mais pas de ses fonctions de Haut représentant (art. 17 § 8 TUE).

Le président de la Commission a attribué à la Haute représentante/vice-présidente, aux fortes prérogatives et aux fonctions ambivalentes, le cinquième rang dans l’ordre protocolaire des vice-présidences de la Commission.

C. Un président renforcé à la tête d’une Commission européenne dont l’évolution n’est pas achevée

Le traité renforce le poids politique du président de la Commission en lui donnant le pouvoir d’exiger la démission d’un commissaire ou de nommer des vice-présidents, sans l’approbation du collège, mais surtout en appelant le Conseil européen à tenir compte des élections au Parlement européen pour proposer, à la majorité qualifiée, un candidat au Parlement qui procède à son élection. Cette disposition s’appliquera au prochain président et devrait accroître sa visibilité politique auprès des citoyens.

Le traité prévoit aussi un resserrement de la composition de la Commission, à partir du 1er novembre 2014, correspondant aux deux tiers du nombre d’Etats membres, selon une rotation égale entre Etats membres reflétant l’éventail géographique et démographique.

La création du HR/VP et du SEAE intervient dans une période d’incertitudes pour la Commission. Ebranlée par la démission de la Commission Santer en mars 1999 sous la menace d’une censure du Parlement européen, elle souffre également de sa nécessaire extension à vingt-sept commissaires depuis l’élargissement, au risque de transformer le collège des commissaires indépendants des Etats en un COREPER bis. Elle cherche également son équilibre entre le pouvoir présidentiel et le collège des commissaires et peut constater que les procédures émollientes de la méthode ouverte de coordination ont corrompu en partie la méthode communautaire.

En outre, depuis que les Etats membres ont repris la direction politique et stratégique de l’Union européenne au Conseil européen, la Commission s’interroge sur la manière d’exercer son monopole d’initiative dans la définition de l’intérêt général européen par rapport aux nouvelles ambitions du Conseil européen.

Un réexamen de la méthode communautaire lui sera sans doute nécessaire pour renforcer son rôle unique d’initiative et de médiation entre les institutions, et pour ne pas devenir l’enjeu d’un affrontement entre le Conseil européen et le Parlement européen, risquant de la transformer en secrétariat général de l’un ou de la faire tomber dans la dépendance de l’autre.

D. Un Parlement européen dont le pouvoir législatif et budgétaire s’accroît dans tous les domaines communautaires, y compris l’action extérieure de l’Union européenne, mais pas dans le domaine de la PESC

Le traité a érigé le Parlement européen en co-décideur législatif et budgétaire avec le Conseil dans tous les domaines communautaires, y compris l’action extérieure de l’UE. En particulier, il étend le champ de l’approbation du Parlement européen (ancien avis conforme avec droit de veto sans pouvoir d’amendement) aux accords internationaux couvrant des domaines auxquels s’appliquent la procédure législative ordinaire ou la procédure législative spéciale lorsque l’approbation du Parlement européen est requise, ainsi qu’à tous les accords commerciaux (art. 218 § 6 et 207 § 2 TFUE).

En revanche, la PESC et la PSDC sont les seuls domaines où les pouvoirs du Parlement européen ne progressent pas, à l’exception du pouvoir budgétaire sur un budget de la PESC limité par rapport aux dépenses opérationnelles de la PSDC financées par les Etats membres.

Le président du Conseil européen présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen (art. 15 § 6 TUE).

Le HR consulte régulièrement le Parlement européen sur les principaux aspects et les choix fondamentaux de la PESC et de la PSDC, l’informe de leur évolution et prend en considération ses vues. Le Parlement européen peut adresser des questions ou des recommandations au Conseil et au HR et débat deux fois par an sur les progrès de ces deux politiques (art. 36 TUE).

Le Parlement européen a montré l’importance de son nouveau pouvoir dans le domaine des relations extérieures en rejetant en février 2010 l’accord intérimaire visant à reconduire le programme américain de pistage du financement du terrorisme (TFTP) donnant accès au Trésor américain aux données interbancaires européennes gérées par la société privée Swift.

Nul ne doute qu’il s’efforcera à l’avenir d’obtenir un droit de regard plus large sur la PESC et la PSDC en utilisant son pouvoir budgétaire sur le budget limité de la PESC.

*

* *

Le HR à double chapeau et le SEAE sont créés par un traité qui est un compromis entre deux visions institutionnelles de l’Europe. La première insiste sur le rôle d’initiative et de décision politique du Conseil européen et de son président, la deuxième sur celui de la Commission comme préfiguration d’un gouvernement fédéral.

Chaque partie est tentée de poursuivre la controverse institutionnelle à travers la mise en place du SEAE. Les Etats membres ne veulent pas d’une « contamination » de la PESC et de la PSDC par leur communautarisation. La Commission la vit comme une forme de dépossession et de menace pour la méthode communautaire. Le Parlement européen veut s’en saisir pour renforcer son contrôle et son pouvoir d’orientation sur toute l’action extérieure, y compris la PESC et, au-delà, en tant que seule institution élue par l’ensemble des citoyens européens, pour préserver la perspective d’une Union fédérale.

Nous pensons qu’après quinze ans de débats institutionnels, que nos partenaires internationaux ont observés avec étonnement, l’Union européenne n’a plus le temps de s’offrir le luxe de les poursuivre et de gâcher le compromis auquel elle est parvenue. Il faut donner sa chance au traité et l’appliquer loyalement pour donner une chance à l’Europe, car le monde ne l’attendra pas.

DEUXIEME PARTIE :
ORGANISER LE SERVICE EUROPÉEN D’ACTION EXTÉRIEURE POUR QUE LA HAUTE-REPRÉSENTANTE/VICE-PRÉSIDENTE PUISSE EXERCER LA PLÉNITUDE DES POUVOIRS QUE LUI A CONFÉRÉS LE TRAITÉ DE LISBONNE, DANS L’INTÉRÊT DE LA COHÉRENCE DE LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE ET DANS LE RESPECT DES COMPÉTENCES DES AUTRES INSTITUTIONS

I. LES ETAPES DE LA MISE EN œUVRE DU SEAE : DU TRAITÉ À L’ENTRÉE EN FONCTION

L’article 27, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne fonde la décision de créer le service européen pour l’action extérieure en ces termes :

« Dans l’accomplissement de son mandat, le Haut représentant s’appuie sur un service européen pour l’action extérieure. Ce service travaille en collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure sont fixés par une décision du Conseil. Le Conseil statue sur proposition du Haut représentant, après consultation du Parlement européen et approbation de la Commission ». Le Conseil statue à l’unanimité.

A. L’approbation par le Conseil européen en octobre 2009 du rapport de la Présidence suédoise sur les lignes directrices

Le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 approuve le rapport préparatoire de la Présidence suédoise sur les lignes directrices relatives au SEAE, en particulier les orientations suivantes :

domaine de compétence :

-  le Service permet au HR d’exercer pleinement son mandat, assiste également le président du Conseil européen et le président ainsi que les membres de la Commission et coopère étroitement avec les Etats membres ;

le Service regroupe des départements géographiques couvrant toutes les régions et tous les pays et des départements thématiques, mais l’élargissement (dont l’instrument financier de préadhésion) continuera à relever de la responsabilité de la Commission et la politique commerciale et de développement devrait rester sous la responsabilité des membres et des DG de la Commission ;

les structures PSDC et de gestion des crises sont intégrées au Service dans le respect de leurs spécificités ;

le Service prépare les actions relatives au budget et à l’instrument de stabilité au titre des dépenses d’urgence, pour décision par le Conseil sur la PESC et par la Commission sur l’instrument de stabilité, avec mise en œuvre technique par la Commission ;

- le Service est chef de file dans l’élaboration des décisions stratégiques et intervient à tous les stades de la programmation des instruments financiers. Le HR et le Commissaire compétent élaborent conjointement les décisions de programmation pour adoption par la Commission ;

des procédures de consultation efficaces seront mises en place entre le SEAE et les services de la Commission exerçant des responsabilités extérieures, notamment les services chargés des politiques internes présentant d’importantes dimensions extérieures ;

statut juridique :

- le Service devrait être un service sui generis, distinct de la Commission et du secrétariat du Conseil, disposant d’une autonomie en termes de budget administratif et de gestion du personnel ;

effectifs :

- les trois catégories de personnel provenant du Conseil, de la Commission et des Etats membres devraient bénéficier d’une égalité de traitement, y compris pour l’accès à tous les postes et la mobilité. Le personnel provenant des Etats membres devrait, à terme, représenter au moins un tiers des effectifs de niveau AD et, dès le départ, devrait être présent, y compris aux postes d’encadrement ;

- le HR nomme, selon la procédure transparente reposant sur le mérite, respectant un bon équilibre géographique ainsi qu’entre hommes et femmes, et associant des représentants des Etats membres, de la Commission et du secrétariat général du Conseil ;

- le nombre de postes combinés du SEAE, de la Commission et du secrétariat général du Conseil ne devrait, à terme, pas augmenter ;

financement :

- dans un but de neutralité budgétaire, il faudra prévoir un renforcement progressif des capacités du service, éviter tout double emploi avec d’autres structures, rationaliser et transformer des postes temporaires à la Commission et au Conseil pour accueillir dans le Service un nombre suffisant d’agents provenant des Etats membres ;

délégations de l’Union européenne :

- les délégations, composées de membres du personnel permanent du SEAE et du personnel issu des services compétents de la Commission, travailleront sous l’autorité du chef de délégation et recevront des instructions du HR et des services compétents de la Commission ;

- elles travailleront en étroite collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres et joueront un rôle de soutien pour la protection diplomatique et consulaire des citoyens de l’Union dans les pays tiers ;

perspectives :

- la première étape, commencée avec l’entrée en vigueur du traité, s’achèvera par l’adoption par le Conseil d’ici la fin avril 2010 au plus tard de la proposition de décision sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE, avec l’adaptation parallèle du statut du personnel et du règlement financier pour une adoption en même temps de tous les textes ;

- la deuxième étape de mise en place du Service se poursuivra jusqu’à ce qu’il atteigne sa vitesse de croisière et comportera un premier rapport sur l’état d’avancement en 2012 ;

- un réexamen du fonctionnement et de l’organisation du Service, y compris de son domaine de compétence et du rôle des délégations dans les affaires consulaires, aurait lieu en 2014.

Le Conseil européen pose plusieurs principes : maintien de la responsabilité de la Commission sur l’élargissement et, dans des termes plus souples, sur la politique commerciale et de développement ; intégration et autonomie des structures PSDC et de gestion de crises dans le Service ; rôle de chef de file du Service dans l’élaboration des décisions stratégiques pour l’assistance financière et élaboration conjointe avec la Commission des décisions de programmation ; équidistance et autonomie du Service par rapport au Conseil et à la Commission ; égalité de traitement, règle des trois tiers, recrutement au mérite respectant l’équilibre géographique ainsi qu’entre hommes et femmes ; neutralité budgétaire ; instructions du HR et de la Commission aux délégations de l’UE, composées de personnels du Service et de la Commission.

B. L’accord politique du Conseil le 26 avril sur la proposition de décision sur le SEAE, présentée par la Haute représentante le 25 mars, accompagnée d’une proposition modifiant le règlement financier, présentée par la Commission le 26 mars

La Haute représentante, nommée le 1er décembre 2009, entame des discussions avec les Etats membres et les institutions qui s’intensifient à partir de l’entrée en fonctions de la Commission, le 9 février 2010. Elles lui permettent de présenter au Conseil, le 25 mars, une proposition de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE, avec l’accord juridiquement non nécessaire mais politiquement utile de la Commission (document E 5220).

La proposition de la HR reprend, précise et complète les orientations définies par le Conseil européen, principalement sur les points suivants : la création d’un secrétaire général et de deux secrétaires généraux adjoints, la procédure de sélection du personnel notamment des chefs de délégation, enfin la responsabilité de la HR et du SEAE sur le budget et la programmation des instruments d’assistance de l’Union européenne aux pays tiers.

l administration centrale (art. 4 de la proposition)

La HR nomme :

- un secrétaire général et deux secrétaires généraux adjoints sous l’autorité de ce dernier qui sont créés pour gérer le Service et assurer la coordination au siège ainsi qu’avec les délégations de l’Union ;

- les directeurs généraux chargés des services géographiques et des services multilatéraux ou thématiques. Une direction générale des services administratifs, financiers, de gestion du personnel et d’autres services de soutien est placée sous l’autorité directe du secrétaire général ;

- les responsables du secteur de la PSDC et de la gestion de crises placé sous l’autorité et la responsabilité directe de la HR (la direction « gestion des crises et planification », la capacité civile de planification et de conduite, l’Etat-major de l’UE et le Centre de situation de l’UE) ;

- les présidents des instances préparatoires du Conseil présidées par un représentant de la HR, y compris le président du Comité politique et de sécurité (COPS), conformément à l’annexe II de la décision du Conseil du 1er décembre 2009 appliquant la décision du Conseil européen concernant la présidence des instances préparatoires du Conseil (2009/908/UE).

délégations de l’Union (art. 5)

Les délégations de l’Union font partie intégrante du Service et sont dirigées par un chef de délégation qui a autorité sur l’ensemble du personnel et des activités et est responsable de la gestion globale et de la coordination de toutes les actions de l’Union. Il reçoit ses instructions de la HR et du Service et la délégation exécute les instructions de la Commission, dans ses domaines de compétence, sous la responsabilité générale du chef de délégation. Il est responsable de la mise en œuvre des crédits opérationnels, selon la procédure de subdélégation définie par le règlement financier pour les programmes d’aide extérieure restant de la responsabilité de la Commission.

Personnel (art. 6)

Le Personnel du Service comprend des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne, y compris des membres des services diplomatiques des Etats membres nommés en tant qu’agents temporaires et, si nécessaire, des experts nationaux spécialisés détachés (END). Il est soumis au devoir de loyauté envers l’Union. Le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents s’appliquent au personnel du Service, à l’exception des END.

Un comité consultatif sur les nominations (CCN), comprenant des représentants des Etats membres, de la Commission et du secrétariat général du Conseil, compose le jury de sélection pour les nominations de hauts fonctionnaires, à partir des directeurs, et établit une liste de candidats susceptibles d’êtres nommés par la HR. Le CCN contrôle également les procédures de sélection à d’autres niveaux.

La nomination des chefs de délégation par la HR s’effectue, dans la proposition initiale, sur la base d’une liste de candidats approuvés par la Commission, compte tenu du rôle joué par les chefs de délégation dans la gestion des programmes d’aide financière, pour s’assurer que les candidats provenant des Etats membres puissent se conformer pleinement aux règles de gestion financière des programmes de la Commission.

Ce point a été modifié par le Conseil lors de l’accord politique du 26 avril. La Commission ne donne plus formellement son accord préalable sur la liste courte des candidats au poste de chef de délégation soumise à la HR et perd sa capacité de veto. La HR décide sur la base d’une présélection de candidats à laquelle la Commission aura donné son accord dans le respect des compétences dont elle dispose au titre des traités, mais cette dernière devra motiver tout avis négatif sur un candidat. Cette disposition devrait figurer dans le statut du personnel.

Budget et programmation (art. 7 et 8)

La HR est l’ordonnateur pour la section SEAE du budget général de l’Union et adopte les règles internes de gestion, notamment les délégations de pouvoir au Secrétaire général et les conditions de subdélégation.

La HR et le Service sont responsables du budget de la PESC, de l’instrument de stabilité pour les dépenses d’urgence, de l’instrument pour les pays industrialisés, de la communication, de la diplomatie publique et des missions d’observation électorale. La Commission est responsable de la mise en œuvre technique des crédits sous l’autorité de la HR, avec un service de la Commission situé dans le Service.

La programmation des instruments d’assistance financière a fait l’objet d’une discussion approfondie entre la HR et la Commission.

Premièrement, il en ressort que le Service ne contribue au cycle de programmation et de gestion que pour sept instruments de l’aide extérieure de l’Union européenne sur onze, représentant 48 milliards d’euros sur 72,3 milliards d’euros pour la période 2007-2013 :

- quatre instruments géographiques sur cinq : le Fonds européen de développement (FED représentant 22,7 milliards d’euros pour la période 2007-2013) ; l’instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP – 11,2 milliards d’euros) ; les programmes géographiques de l’instrument de coopération au développement (ICD – 10,1 milliards d’euros) ; l’instrument de coopération avec les pays industrialisés (ICI – 172 millions d’euros). L’instrument d’aide à la pré-adhésion (IAP – 11,5 milliards d’euros) est exclu depuis les conclusions du Conseil européen d’octobre 2009 ;

- deux instruments thématiques sur quatre : l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH – 1,1 milliard d’euros) ; l’instrument de coopération en matière de sûreté nucléaire (ICSN – 524 millions d’euros). Sont exclus les programmes thématiques de l’instrument de coopération au développement (ICD – 4,5 milliards d’euros) et la Facilité alimentaire (1 milliard d’euros pour 2008-2010) ;

- un instrument de réponse aux crises sur trois : l’instrument de stabilité (IS – 2,1 milliards d’euros pour 2007-2013). Sont exclues l’aide humanitaire (5,6 milliards d’euros) et l’assistance macro-financière utilisée ponctuellement pour répondre à des besoins financiers exceptionnels de pays tiers.

Deuxièmement, il a été convenu que la programmation des instruments financiers ne reposerait pas sur une division verticale qui aurait nui à la cohérence de l’action extérieure, mais sur une division horizontale répartissant la définition des priorités politiques et des premières étapes de la programmation au SEAE et la mise en œuvre à la Commission.

La HR a obtenu plus qu’il n’était prévu dans cette répartition puisque le Service prépare les décisions de la Commission sur les trois premières étapes (et non les deux premières) du cycle de programmation qui en comporte cinq. Elles concernent les mesures stratégiques pluriannuelles :

- l’allocation par pays déterminant l’enveloppe financière pour chaque région pour les sept années des perspectives financières, sous réserve de leur répartition indicative ;

- les documents de stratégie par pays et par région ;

- les programmes indicatifs nationaux et régionaux.

La Commission exerce la responsabilité sur les deux étapes suivantes :

- le programme annuel par pays ;

- la mise en œuvre sur le terrain.

En revanche, la HR a accepté que, sur les sept instruments d’assistance financière concernés, les trois plus importants reviennent principalement à la Commission pour l’élaboration des propositions et des documents de programmation.

En effet, les documents de tout le cycle de programmation concernant le fonds européen de développement, l’instrument de coopération au développement et l’instrument européen de voisinage et de partenariat, sont élaborés par le SEAE et les services de la Commission, sous la supervision et le contrôle directs des deux commissaires chargés respectivement du développement et de la politique européenne de voisinage, pour être soumis à la Commission conjointement avec la HR en vue d’une décision.

Finalement, la responsabilité de la HR et du Service sur la rubrique 4 du budget 2010 concernant l’Union européenne comme acteur mondial, d’un montant global de 8,1 milliards d’euros, se répartit approximativement de la manière suivante :

- une responsabilité directe sur le budget de la PESC (281 millions d’euros), sur une partie des crédits de l’instrument de stabilité, pour répondre en urgence aux situations de crise, et sur l’instrument de coopération avec les pays industrialisés (58 millions d’euros), représentant un peu plus de 4 % du budget global ;

- une contribution importante du Service sur les trois premières phases du cycle de programmation de l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (164 milliards d’euros), l’instrument de coopération avec les pays industrialisés (58 millions d’euros), l’instrument de coopération pour la sûreté nucléaire (70 millions d’euros), l’instrument de stabilité pour l’assistance dans le cadre de coopération stable (art. 4 du règlement (CE) no 1717/2006 du 15 novembre 2006) doté globalement de 219 millions d’euros, représentant près de 5 % du budget global ;

- une contribution limitée du Service sur l’instrument de coopération au développement (2,4 milliards d’euros) et sur l’instrument européen de voisinage (1,6 milliards d’euros) qui représentent 50,8 % du budget global, auxquels s’ajoute le F.E.D. (3,7 milliards d’euros) hors budget global ;

- une absence de contribution du Service sur l’instrument d’aide de préadhésion (1,5 milliard d’euros soit 19,5 % du budget global), l’aide humanitaire (800 millions d’euros), l’assistance macro-économique (98 millions d’euros), la réserve d’aide d’urgence (248 millions d’euros), le mécanisme d’aide alimentaire (170 millions d’euros), les autres actions et programmes y compris les agences décentralisées (300 millions d’euros), représentant 39,4 % de la rubrique 4 du budget global 2010.

L’accord politique qui s’est dégagé entre les Etats membres, avec la Commission, lors du Conseil Affaires générales le 26 avril, porte principalement sur les points suivants (hormis le rôle de la Commission dans la sélection des chefs de délégation déjà cité) :

- concernant la programmation financière (art. 8), l’accord souligne que la HR donne les orientations stratégiques et assure l’unité, la cohérence et l’efficacité de l’action extérieure de l’Union, tout en rappelant dans un considérant que le SEAE doit s’assurer que les programmes auxquels il contribue répondent aux objectifs de soutien au développement durable des pays en développement, et qu’ils respectent les objectifs de la politique de coopération au développement de l’Union, notamment ceux du consensus européen pour le développement et du consensus sur l’aide humanitaire (afin de garantir que le Service ne fera pas prédominer les objectifs de la PESC sur ceux du développement) ;

- un nouveau considérant invite la Commission à communiquer une copie de ses instructions aux délégations au chef de délégation et à l’administration centrale du Service, afin de garantir l’information de l’autorité responsable du Service ;

- l’accord précise que le mandat de la HR est aussi de contribuer par ses propositions à faire évoluer la PESC et la PSDC en fonction du mandat que lui donne le Conseil (art. 2) et que le SEAE et les services de la Commission se consultent sur toutes les questions de l’action extérieure, sauf sur les questions relevant de la PSDC (art. 3) ;

- la HR décide d’ouvrir ou de fermer une délégation en accord avec le Conseil et la Commission et les délégations soutiennent les Etats membres dans leurs relations diplomatiques et leur rôle de protection consulaire, à leur demande et sur une base financière neutre (art. 5) ;

la période d’activité des fonctionnaires des Etats membres nommés agents temporaires du SEAE ne dépasse pas huit ans, à moins d’être prolongée pour une durée de deux ans au maximum. Ils bénéficient d’une garantie immédiate de réintégration (art. 6) ;

- un nouveau considérant rappelle le respect du principe de neutralité budgétaire ;

- la révision de la décision de créer le SEAE aura lieu à la fin 2013 et non plus au début de 2014.

La Commission a présenté le 26 mars, en complément de la proposition de décision du SEAE, une proposition modifiant le règlement financier qui doit être approuvée par le Parlement européen et le Conseil, après consultation de la Cour des Comptes, conformément à l’article 322 du TFUE (document E 5216). Cette proposition met en œuvre les orientations no 16 et 17 du Conseil européen d’octobre 2009 sur le caractère sui generis du SEAE, distinct de la Commission et du secrétariat du Conseil et disposant d’une autonomie de son budget administratif et de sa gestion du personnel.

La proposition amendant le règlement financier :

- insère à son article 1er la mention du SEAE, pour qu’il puisse, en tant qu’institution au sens de ce règlement, disposer de sa propre section dans le budget européen et de la capacité d’exécuter ses propres dépenses ;

- adapte les procédures financières et comptables applicables aux programmes d’assistance extérieure de la Commission. Comme les délégations de l’Union continueront à exécuter ceux des programmes d’aide extérieure qui resteront de la responsabilité de la Commission, il est proposé que les directeurs généraux compétents de la Commission subdélèguent des pouvoirs d’exécution aux chefs des délégations de l’Union. Ces derniers deviendraient des ordonnateurs subdélégués de la Commission et seraient responsables devant le directeur général qui leur aurait subdélégué des tâches d’exécution budgétaire. Les chefs des délégations de l’Union, lorsqu’ils exécutent une partie de la section « Commission » du budget, appliquent les règles de la Commission relatives à l’exécution budgétaire et sont soumis aux mêmes devoirs et obligations que tout autre ordonnateur subdélégué de la Commission ;

- prévoit la possibilité d’établir un service d’appui unique, afin d’exécuter les dépenses administratives et d’appui des délégations de l’Union pour financer des coûts communs dans les délégations, quelle que soit la section du budget dans laquelle sont inscrits les crédits respectifs ;

- prévoit que l’instance de la Commission spécialisée en matière d’irrégularités sera également chargée du SEAE lorsque la Commission subdélègue des pouvoirs d’exécution aux chefs des délégations.

C. Les négociations avec le Parlement européen

Selon le Traité, le Parlement européen est saisi pour avis de la décision du Conseil sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE et détient un pouvoir de codécision pour les trois textes nécessaires à sa création : la révision du règlement financier ; celle du statut du personnel que la Commission présentera après consultation des syndicats ; le projet de budget rectificatif déposé par la Commission après la présentation par la HR d’un tableau d’effectifs du SEAE.

Les deux rapporteurs principaux sur la création du SEAE – MM. Elmar Brok pour la Commission des affaires étrangères compétente au fond et Guy Verhofstadt pour la Commission des affaires constitutionnelles saisie pour avis – ont indiqué dès le 19 mars leur volonté de lier ces textes en un paquet global et de demander au Parlement européen de ne donner son accord sur le règlement financier et le personnel qu’après être arrivé à un compromis avec le Conseil et la Commission sur l’organisation et le fonctionnement du Service.

Ils ont présenté le 4 mai, en commission des affaires constitutionnelles, puis des affaires étrangères, plusieurs amendements au projet de décision du Conseil sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE. Ces amendements ont été soutenus dans les grandes lignes par tous les principaux groupes politiques (PPE, S et D, ADLE, Verts) et constituent la position de négociation du Parlement européen, en opposition avec l’accord politique du Conseil du 26 avril sur plusieurs points essentiels.

l Premièrement, le Parlement européen demande que le SEAE soit intégré à la Commission en termes administratifs et budgétaires (art. premier) et en tire une double conséquence :

la Haute représentante, au nom de son Service, devient totalement responsable sur le plan politique et budgétaire devant le Parlement européen. L’accord interinstitutionnel de 2006 entre le PE, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière serait révisé à cette fin ;

le SEAE ne dispose pas de son propre budget mais figure sous celui de la Commission, au titre 5 de la section III du budget de l’Union (art. 7).

l Deuxièmement, le Parlement européen propose de clarifier la représentation politique de la HR/VP en précisant à l’article 2 (Tâches) que :

les trois commissaires européens chargés du Développement, de l’Aide humanitaire et de la politique de voisinage peuvent la représenter dans l’exercice de ses fonctions communautaires, en accord avec l’article 17 § 1 du traité sur l’Union européenne ;

des adjoints, désignés selon la procédure de l’article 33 du TUE sur les représentants spéciaux, peuvent la remplacer dans l’exercice de ses fonctions exclusivement liées à la politique étrangère et de sécurité ;

un mécanisme de coordination politique est créé au sein du Service pour veiller à la cohérence des actions extérieures de l’Union par des consultations régulières entre la HR, ses adjoints et les trois commissaires plus éventuellement d’autres commissaires si nécessaire.

l Troisièmement, à l’article 4 (administration centrale), le Parlement européen propose :

- de remplacer le poste de secrétaire général par celui de directeur général puisque le SEAE attaché à la Commission ne serait pas une nouvelle institution, et de ne pas créer d’adjoints qui lui seraient subordonnés puisque le directeur général chargé de la gestion quotidienne du Service ne représenterait pas la HR/VP à l’extérieur ;

- de créer une direction générale spécifique pour les droits de l’homme ;

- de créer un comité de prévention et de gestion de crises composé des différentes unités géographiques et thématiques du SEAE, sous l’autorité directe de la HR/VP, pour assurer une bonne coordination entre les différentes directions générales du Service et en cas de lancement de missions opérationnelles.

l Quatrièmement, à l’article 5 (délégations de l’Union européenne), le Parlement européen demande que les instructions de la Commission soient transmises par la voie de la HR/VP et qu’un désaccord entre la HR/VP et la Commission sur leur contenu soit tranché par une décision du collège des commissaires.

Par ailleurs, toutes les délégations comprendront des diplomates chargés de superviser la situation des droits de l’Homme dans le pays tiers.

l Cinquièmement, à l’article 6 (personnel), le Parlement européen demande qu’en vitesse de croisière du SEAE, au moins la moitié des diplomates de niveau AD vienne de la Commission, sans toucher à la règle du tiers venant des Etats membres, figurant dans l’accord politique du Conseil. Ce serait donc la part venant du secrétariat du Conseil qui serait réduite.

Il propose également qu’à la fin de leur période d’activité au sein du SEAE, les agents temporaires issus des Etats membres puissent rester dans le Service.

Enfin, le Parlement européen demande à bénéficier d’un accès continu à des documents confidentiels produits par le SEAE.

Deux députés européens, Jacek Saryusz-Wolski et Rafa Trzaskowski (PPE, polonais), ont souhaité la fixation d’objectifs indicatifs nationaux de recrutement pour chaque Etat membre, afin que ce qu’ils considèrent actuellement comme une sous-représentation de seize Etats membres dans la DG relex de la Commission ne se reproduise pas dans le SEAE.

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La Haute représentante, la Commission et le Conseil sont parvenus à un compromis politiquement agréé par le Conseil à la fin avril 2010, dans le délai imparti par le Conseil européen en octobre 2009. La volonté du Parlement européen de traiter les quatre textes – création du SEAE, règlement financier, statut du personnel et budget rectificatif – en un paquet global ne permet pas de prévoir avec certitude la date d’entrée en fonctions effective du SEAE. L’objectif est que l’adoption de l’ensemble des textes ou qu’au moins un pré-accord puisse intervenir avant l’été pour permettre l’engagement des procédures de recrutement et pour nommer notamment une trentaine de chefs de délégation au cours de l’été.

II. QUATRE ENJEUX FONDAMENTAUX

L’organisation du Service européen d’action extérieure pour que la Haute représentante puisse exercer la plénitude de ses pouvoirs dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne, doit répondre à quatre enjeux fondamentaux : la coordination ; la représentation extérieure ; l’autonomie du Service par rapport à la Commission et l’égalité de traitement entre les personnels des Etats membres, du Conseil et de la Commission ; l’autonomie de la structure politico-militaire dans le SEAE sous l’autorité directe de la HR.

A. La coordination

Le traité assigne à la HR/VP et au SEAE une triple mission de coordination :

- la coordination entre les Etats membres pour faire émerger des positions communes sur la PESC grâce à la mise en œuvre au sein du Service d’une réelle capacité de conception de la politique étrangère. Elle implique des relations resserrées avec les Etats membres, une bonne entente entre le président du Conseil européen et la HR et une bonne coordination entre le Conseil des affaires étrangères et le Conseil européen grâce à l’articulation entre le SEAE chargé du fond et le secrétariat général du Conseil chargé de la procédure ;

- la coordination entre le Conseil et la Commission pour assurer la cohérence de la politique extérieure européenne, conformément à l’article 21, paragraphe 3, du TUE, impliquant une certaine maîtrise de la HR dans les domaines relevant des deux autres institutions ;

- la coordination de toute l’action extérieure de la Commission, avec un degré de responsabilité plus élevé dans le domaine des relations extérieures où la HR et le SEAE devraient disposer de la capacité de définir la stratégie générale des relations extérieures sans piétiner les responsabilités des autres commissaires ni les responsabilités nationales.

La mission devrait définir le périmètre du Service par rapport à celui de la Commission, mais des décisions structurelles du Conseil européen et du président de la Commission ont réduit son champ de compétences.

Contrairement à la vision la plus large défendue par la France, le service n’a aucune compétence sur le commerce ni l’élargissement, alors que la perspective européenne de la région est affectée par les incertitudes pesant sur la Bosnie-et-Herzégovine et le Kosovo, toujours sous une tutelle internationale et européenne prenant la forme de missions de crise civilo-militaires depuis quinze et dix ans, et pour le second pays, toujours non reconnu par cinq Etats membres. L’élargissement relèvera donc du Conseil affaires générales. En revanche, la France a obtenu que le commerce relève du Conseil affaires étrangères, même si dans cette hypothèse le CAE sera présidé par la présidence tournante.

La HR/VP ne reprend pas la responsabilité directe du voisinage qui est confié au commissaire à l’élargissement, emploi à plein temps, alors que la Commission et l’Union européenne n’ont cessé de marteler que ces deux politiques n’obéissaient pas à la même logique et que les questions de la PESC influencent largement la politique de voisinage au sud et à l’est, en particulier le processus de paix au Moyen-Orient et les relations avec la Russie.

Enfin, dans l’organisation de la Commission définie par son président, la HR/VP n’assure la coordination que sur trois des commissaires de la famille relex (voisinage, développement, aide humanitaire) dans des conditions indéterminées, alors que s’accroît le nombre de commissaires chargés de politiques comportant des volets externes (énergie, climat, justice). Ni les lettres de mission du président de la Commission aux commissaires ni le règlement intérieur de la Commission ne définissent les conditions de la coordination.

Pourtant le besoin d’un organe de coordination des différentes actions extérieures de la Commission se fait d’autant plus sentir que cette fonction n’a jamais été pleinement assumée. La formule des commissaires coordonnateurs n’a en effet jamais fonctionné parce qu’ils forment un collège d’égaux. Il en est résulté un ensemble de politiques spécifiques conduites par les commissaires et leurs directions générales en parallèle, parfois sans arbitrage de leurs éventuelles contradictions ou de la prédominance de l’une sur l’autre ni hiérarchisation effective des priorités.

En dépit des progrès de la politique de voisinage constatés récemment par le commissaire Füle pour douze des seize pays relevant de cette politique, l’objectif central fixé il y a quinze ans de créer en 2010 une zone de libre-échange euro-méditerranéenne n’a toujours pas été réalisé parce qu’il ne tenait pas suffisamment compte de la diversité des attentes des partenaires du Sud à l’égard de l’Union européenne et qu’il reflétait une vision très euro-centrée.

Par ailleurs, l’accord d’avril 2010 entre la Russie et l’Ukraine, échangeant un gaz à prix réduit contre une prolongation du bail de la base navale de Sébastopol jusqu’en 2042, prouve l’étroite imbrication entre l’énergie et la politique étrangère et les interférences des relations des voisins avec la Russie sur la politique de voisinage. La question des infrastructures de transit énergétique du gaz russe vers l’Europe exerce également une influence majeure sur la politique de voisinage aussi bien en Ukraine et en Biélorussie que dans le Caucase, de la même manière que le partenariat énergétique UE-Russie est au centre de la négociation d’un nouvel accord de partenariat avec la Russie.

La politique de coopération au développement, centrée sur la lutte contre la pauvreté, a également besoin d’une nouvelle vision stratégique, dépassant le concept de neutralité politique et de préservation de toute interférence de politique étrangère et de sécurité et de toute considération extérieure à sa propre logique, qui semble encore prévaloir actuellement.

La lutte contre la pauvreté a été placée par la communauté internationale et l’Union européenne au centre des objectifs de l’aide au développement, lors de la déclaration sur les objectifs du millénaire en 2000, en partie pour corriger les effets sur les systèmes sociaux des pays pauvres des programmes d’ajustement décidés dans les années quatre-vingts pour résorber leurs dettes.

L’accroissement de la population mondiale de 2,5 milliards de personnes au cours des quarante ans à venir par rapport à une population de 6,5 milliards en 2010, représentera l’équivalent de la population de la Terre en 1950 et sera concentrée pour 95 % dans les pays du Sud.

La pauvreté frappe en particulier un milliard de personnes dans une soixantaine de pays et l’accélération de la croissance des pays émergents selon un modèle de développement non durable accroît encore la pression sur les pays et les populations les plus pauvres.

Ce bouleversement appelle une nouvelle approche de l’aide au développement qui ne peut plus être détachée des nouvelles contingences géopolitiques ni de négociations globales dans le cadre d’un nouveau multilatéralisme nord-sud.

Il est probable qu’à terme la lutte contre la pauvreté se déclinera en plusieurs objectifs, dans le cadre d’une stimulation de la croissance économique des pays en retard, d’une redistribution sociale mondiale en partie financée par des taxations internationales, de la reconstruction d’Etats défaillants, de l’organisation multilatérale d’une gestion partagée des biens publics mondiaux.

Dans cette perspective, le maintien d’une politique de développement géopolitiquement neutre paraît d’autant plus anachronique que, dans le passé, elle n’a pas souffert des interférences de la PESC mais de celles d’autres politiques communautaires, en particulier la politique commerciale.

Dix ans après l’accord de Cotonou en 2000 avec les pays ACP, l’échec des négociations sur les accords de partenariat économique avec l’Afrique montre une emprise excessive de la politique du commerce extérieur, sur le mode Trade Not Aid, et une insuffisante prise en compte des attentes et besoins de nos partenaires.

Par ailleurs, dans la hiérarchie des priorités, la lutte contre la faim dans le monde est passée bien après la politique climatique dans les objectifs de l’Union européenne. La Commission n’a pas réussi à mobiliser les chefs d’Etat et de gouvernement pour qu’ils participent au cinquième sommet de la F.A.O. en novembre 2009. Pourtant la faim dans le monde frappe désormais plus d’un milliard de personnes et il n’est plus question de diminuer de moitié le nombre d’affamés en 2015 comme le sommet de l’alimentation l’avait affirmé en 1996, ni même d’éradiquer substantiellement la faim d’ici à 2025.

Contrairement à certaines interprétations restrictives, Mme Ashton n’est pas la dame aux crises. Sa mission de coordination de la politique extérieure européenne ne s’arrête pas à la gestion des crises. Au demeurant, la sécurité de l’Union a un sens large et concerne d’abord la stabilité économique et sociale, avant le domaine militaro-diplomatique. La stratégie de sécurité de l’Union européenne conçoit le recours à la force comme un ultime recours quand toutes les autres politiques ont été épuisées, notamment la prévention, le multilatéralisme et la lutte contre la pauvreté.

Deux conditions doivent être remplies pour que la HR/VP puisse assumer efficacement la mission de coordination de l’action extérieure au sein de la Commission.

D’une part, il faut créer un mécanisme de coordination de l’action extérieure sous l’autorité de la HR/VP.

Ce ne peut être le groupe des commissaires sur les relations extérieures figurant dans une liste de dix groupes de commissaires créés le 22 avril par le président de la Commission. Ces groupes se réuniront le mercredi après-midi sur un sujet précis sans prendre de décision, sous le contrôle du président de la Commission. Ils travailleront sur la base d’un mandat du président qu’il pourra modifier ultérieurement. Les membres du cabinet du président ainsi que le Secrétaire général de la Commission participeront à tous les groupes et le président pourra décider d’assister aux réunions dont il prendra immédiatement la présidence. Le groupe des relations extérieures, présidé par la HR et composé des commissaires aux affaires économiques et monétaires (Olli Rehn), au développement (Andris Piebalgs), au commerce (Karel De Gucht), à l’aide humanitaire (Kristalina Georgieva), à l’élargissement et au voisinage (Stefan Füle), ainsi que d’autres commissaires éventuellement, manque d’autonomie pour constituer la réponse appropriée.

Le mécanisme de coordination politique proposé par le Parlement européen, composé de la HR, de ses adjoints et des trois commissaires relex plus d’autres éventuellement, semble être un commencement de réponse. Il conviendrait de préciser que ce groupe serait présidé par la HR ou son représentant mais surtout de déterminer qui trancherait au sein du groupe en cas de désaccord ou, sinon, qui arbitrerait en dehors du groupe, quand le désaccord porte sur la coordination de politiques communautaires ou quand il porte sur la coordination entre la PESC et une politique communautaire.

D’autre part, il faut garantir que la supervision et le contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et de la politique européenne de voisinage dans la programmation des instruments d’assistance financière, ne dépouillent pas la HR de sa responsabilité globale.

Un équilibre délicat doit être respecté. Il ne faut ni subtiliser tout le voisinage et le développement à la HR et au SEAE, ni transformer les deux commissaires en commissaires adjoints de la HR.

Les deux commissaires disposent d’une autonomie pour le développement concret d’un programme, mais ils travaillent sous les ordres de la HR pour la vision et la HR vérifie que le programme du commissaire est conforme aux priorités générales qu’elle a définies.

Pour garantir que la transmission conjointe des propositions par le commissaire et la HR à la Commission ne se transforme pas en une procédure formelle de transmission, il pourrait être ajouté qu’elles sont soumises conjointement « et en accord » avec le Haut représentant.

B. La représentation extérieure

Le traité confie la représentation extérieure de l’Union européenne au président du Conseil européen, à son niveau et en sa qualité, pour la PESC, sans préjudice des attributions de la Haute représentante (art. 15 § 6 TUE) et à la Commission pour les autres domaines, sauf autres cas prévus par les traités (art. 17 § 1 TUE).

Pour les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement (G8-G20), un arrangement entre le Président Van Rompuy et le Président Barroso prévoit que les deux participeront et interviendront, l’un au titre de la PESC, l’autre au titre des compétences de la Commission, ou décideront à l’avance de l’intervenant sur les compétences partagées, comme l’énergie. La HR/VP n’y participe pas.

Il semble que l’arrangement ne traite pas de la présidence d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement par l’Union européenne. Jusqu’à présent, jamais la Commission n’a présidé un sommet avec des pays tiers, rôle qui incombait à la présidence tournante.

Le traité définit les attributions de la Haute représentante dans le domaine de la PESC, en complément de celle du président du Conseil européen, de la manière suivante : elle représente l’Union en matière de PESC, elle conduit le dialogue politique avec les pays tiers, elle exprime la position de l’Union dans les organisations internationales et les conférences internationales autres que les sommets (art. 27 § 2 TUE), elle organise la coordination de l’action des Etats membres dans les organisations internationales et lors des conférences internationales et peut présenter une position de l’Union au Conseil de sécurité des Nations unies si les Etats membres qui y siègent le lui demandent (art. 34 TUE).

Elle peut représenter la Commission à une conférence internationale ou dans une organisation internationale en tant que vice-présidente de la Commission chargée des responsabilités de la Commission dans le domaine des relations extérieures (art. 19 § 4 TUE).

La démultiplication de la représentation externe comme interne de la HR/VP est une question essentielle puisque le traité n’a pas créé de poste d’adjoint de la HR/VP.

Or la HR/VP doit mener 150 dialogues politiques avec des pays tiers et participer à 60 réunions de la Commission européenne, 40 sessions du Parlement européen, 6 à 8 Conseils européens, sans compter les Conseils « Affaires étrangères », 15 jours de session à l’ONU, soit 400 jours de réunions par an.

La proposition de la HR de créer deux adjoints auprès d’un secrétaire général du SEAE, qui pourraient être chargés l’un de la représentation extérieure et du dialogue politique, l’autre de la coordination interinstitutionnelle et des relations avec les institutions (Parlement européen, parlements nationaux) a été agréée par l’accord politique du Conseil, le 26 avril, et est proche de la conception française.

Cependant, la discussion continue avec le Parlement européen qui considère que la HR doit être représentée au niveau politique et non par des hauts fonctionnaires. Le Parlement européen conçoit sa proposition de remplacer la HR par les trois commissaires dans ses fonctions communautaires ou par des adjoints politiques dans ses fonctions PESC, dans le cadre d’une intégration du SEAE à la Commission et d’une transformation du secrétaire général en directeur général purement gestionnaire du Service.

Dans le cadre d’une autonomie du Service par rapport à la Commission, qui à la préférence des Etats membres, l’Allemagne avait proposé de faire des adjoints du secrétaire général des représentants personnels de la HR, sur le modèle allemand des secrétaires d’Etat politiques représentant les ministres au Bundestag. Cette proposition avait suscité les réticences de certains Etats membres et de la Commission dans la mesure où elle renforçait l’autonomie institutionnelle du Service au risque de le couper des autres institutions. Elle posait aussi le problème du statut et de la responsabilité des adjoints par rapport au secrétaire général.

Pour les conférences ministérielles internationales, la HR a envisagé d’utiliser les vingt-sept ministres des affaires étrangères pour représenter éventuellement l’UE à sa place et l’a déjà fait pour la première conférence sur Haïti à Montréal, où M. Bernard Kouchner a représenté la France et l’Union européenne. Toutefois, M. Guy Verhofstadt, co-rapporteur du Parlement européen, s’est exprimé contre le recours à cette solution.

Le compromis en train de se dessiner semble être que le secrétaire général et ses deux adjoints ne représenteront pas la HR à l’extérieur ni au Parlement européen, mais qu’elle aura le choix de sa représentation : les trois commissaires relex ou, dans des fonctions exclusivement liées à la PESC, le ministre des affaires étrangères de la présidence tournante ou d’un des pays du trio présidentiel.

La conduite des négociations des accords internationaux est un sujet majeur, comme l’a montré la conférence de Copenhague où les Etats membres ont négocié dans un domaine de compétences partagées entre l’Union européenne et les Etats membres, avec une coordination européenne qui a fonctionné selon un format variable.

Le traité prévoit à l’article 218 § 2 et 3 que le Conseil autorise l’ouverture des négociations et désigne le négociateur sur recommandation de la Commission ou de la HR lorsque l’accord envisagé porte exclusivement ou principalement sur la PESC. Le Conseil a une certaine marge pour désigner le négociateur, même s’il devrait être logiquement la HR pour la PESC et la Commission pour le reste.

Toutefois, si le rôle de négociateur de la Commission n’est pas contesté dans les domaines de compétence exclusive de l’UE, des Etats membres le rejette dans les domaines de compétence partagée entre l’UE et les Etats membres. Tel est le cas de la négociation sur le climat qui relève d’une compétence partagée sur l’environnement.

Cependant, le traité a repris la jurisprudence de l’arrêt AETR du 31 mars 1971 de la Cour de justice sur le parallélisme entre compétences internes et externes de l’Union et a étendu les cas où l’UE dispose d’une compétence externe, au détriment des compétences partagées impliquant des accords mixtes conclus à la fois par les Etats membres et par l’Union.

L’article 216 du TFUE reprend la jurisprudence AETR sur les compétences externes implicites en instaurant la compétence de l’Union pour conclure un accord non seulement dans le cas où les traités le prévoient, mais dans les trois cas suivants : la conclusion d’un accord est nécessaire pour réaliser l’un des objectifs des traités dans le cadre des politiques de l’Union, elle est prévue dans un acte juridique contraignant, elle est susceptible d’affecter des règles communes ou d’en altérer la portée.

L’article 3 § 2 du TFUE reprend également la jurisprudence AETR sur les compétences externes exclusives en prévoyant la compétence de l’Union pour conclure un accord lorsqu’elle est nécessaire pour exercer sa compétence interne ou si cette conclusion peut affecter des règles communes ou en altérer la portée.

En conséquence, dans la négociation d’un accord mixte, si la compétence des Etats membres n’est pas exercée en interne par l’Union, les Etats membres gardent leur compétence externe et ont la possibilité de désigner un négociateur de leur choix pour négocier dans leur domaine de compétence. La Présidence tournante pourrait assumer cette mission et ne ferait pas partie de l’équipe de négociation de l’UE désignée par le Conseil. Cette formule risquerait néanmoins de menacer la lisibilité et la cohérence de l’action extérieure de l’Union, alors que le Conseil peut adresser des directives au négociateur de l’Union et le soumettre aux consultations d’un comité spécial qu’il désigne.

Les délégations de l’Union européenne ont formellement remplacé les délégations de la Commission le 1er décembre 2009 et vont progressivement assumer un nouveau rôle d’ambassades de l’Union européenne que les délégations de la Commission, chargées des programmes d’assistance, n’étaient pas prêtes à prendre en charge immédiatement. Ces tâches étaient assumées localement par la présidence tournante dans les pays tiers ou les organisations internationales.

Une instruction de la Présidence espagnole et de la Commission a transféré les fonctions de la présidence tournante qu’elle exerce localement dans 52 pays d’importance variable et maintenu ces fonctions à la présidence espagnole dans les pays avec lesquels était prévu un sommet sous sa présidence (Etats-Unis, Russie, Amérique latine). A la fin de la présidence espagnole, le transfert devrait être réalisé dans 92 pays. Resteraient les pays sans délégation ou ceux dans lesquels les délégations ne peuvent pas assumer cette fonction.

Les 132 délégations vont connaître trois changements :

- ouvrir des postes à des ressortissants des Etats membres et non plus seulement à des fonctionnaires de la Commission. La rotation des chefs de délégations en 2010 concerne 32 postes, notamment en Chine, au Japon, au Brésil et en Afrique du Sud, dont les Etats membres récolteront une petite moitié ;

- rapprocher l’organisation des délégations de celle d’une ambassade, avec un conseiller politique et un service spécialisé dont le recrutement sera ouvert aux Etats membres et à la Commission ;

- intégrer les fonctions d’analyse politique, de représentation, de concertation locale et de négociation pour l’UE, sans se substituer sur tout aux ambassades des Etats membres. Dans un premier temps, un renforcement des ambassades des Etats membres sera probablement nécessaire pour accompagner par un tutorat le renforcement des délégations.

Par ailleurs, les délégations vont conserver la gestion des programmes d’assistance de la commission sur lesquels elles disposent d’une grande responsabilité depuis que la Commission a décentralisé leur gestion vers les délégations il y a une dizaine d’années.

La Commission veut donc exercer un droit de regard sur le recrutement des chefs de délégation par la Haute représentante parce qu’ils doivent être capables de surveiller la gestion budgétaire de ces programmes selon le règlement financier communautaire, et que la Commission n’a que les délégations pour la mise en œuvre du volet externe de ses politiques, contrairement aux Etats membres qui disposent également de leurs ambassades.

Le Parlement européen souhaitait procéder à des auditions des chefs de délégation avant leur nomination par la HR, sur le modèle du Congrès américain. Un compromis de bon sens est intervenu prévoyant qu’après la nomination par la HR, les chefs de délégation seront auditionnés par la commission compétente du Parlement européen pour un échange de vues, sans droit de veto.

Concernant la protection consulaire, la France a plaidé en octobre 2009 pour qu’on n’écarte pas le rôle des délégations de l’UE en la matière. L’accord politique du Conseil, le 26 avril, a entériné cette position sous conditions d’une demande des Etats membres et d’une neutralité budgétaire, reflétant l’opposition initiale du Royaume-Uni et les réticences de l’Allemagne.

Enfin le rôle des quinze représentants spéciaux de l’Union européenne dont le mandat a été prolongé jusqu’en août 2010, devrait évoluer en raison de l’apparition de nouveaux chefs de délégations et privilégier ceux qui ont un champ régional ou une visibilité politique particulière.

La représentation extérieure de l’Union européenne dans les organisations internationales et les conférences internationales en tant qu’entité internationale devrait évoluer parallèlement à sa capacité de définir une position commune et de parler d’une seule voix sur la scène internationale.

La représentation extérieure de l’Union européenne en tant que telle dans les organisations internationales obéit à quatre formules : l’UE est absente et seuls ses Etats membres participent (désarmement) ; l’UE est observateur (AIEA) ; l’UE a un statut renforcé d’observateur (ONU) ; l’UE est membre de plein droit (CNUCED, OMC).

Ce serait une illusion de chercher à instaurer une représentation commune tant que la voix de l’Europe n’a rien à dire, sauf à démontrer sa désunion aux partenaires. Il faut donc commencer par définir une position commune avant qu’une voix l’exprime dans les enceintes internationales au nom d’une représentation de l’UE.

L’Union européenne devrait se concentrer sur les points où elle a des intérêts communs à défendre et à représenter, comme au FMI ou au G20. L’Union européenne négocie déjà en tant qu’ensemble les questions commerciales, il pourrait en être de même pour les relations économiques extérieures, comme y invitent les répercussions de la crise, par exemple sur la réglementation bancaire, ou la constitution d’un gouvernement économique européen.

Aussi bien le Conseil européen que la Commission sont présents au G20 par la voix de leurs présidents, en plus des Etats membres. La constitution d’un gouvernement économique européen pourrait également conduire la zone euro à réfléchir à sa propre représentation au FMI, comme l’y a invité le Président Van Rompuy, mais il conviendrait de résoudre le conflit de représentation susceptible d’apparaître entre les organes de la zone euro et la Commission européenne.

C. L’autonomie du Service par rapport à la Commission et l’égalité de traitement entre les personnels des Etats membres, du Conseil et de la Commission

Il est capital que le principe d’équidistance du SEAE par rapport aux Etats membres, au Conseil et à la Commission soit respecté pour que la HR/VP puisse pleinement exercer son rôle de coordination. Revenir sur ce principe prévu par le traité et intégrer le Service à l’administration de l’une des trois parties comme le propose le Parlement européen serait ruiner le caractère novateur du HR et du SEAE créés précisément pour surmonter la dichotomie entre la PESC et l’action extérieure communautaire. Les Etats membres veulent l’autonomie du Service pour que la PESC ne soit pas absorbée par la Commission. Celle-ci l’a compris en acceptant la proposition de la Haute représentante.

Il faut également respecter la règle des trois tiers dans la composition du Service, telle qu’elle a été implicitement posée par le traité, dans la mesure où tout déséquilibre entre les parties pourrait casser la synergie qui doit s’instaurer entre elles.

La règle des trois tiers pousse en effet la Commission, le Conseil et les Etats membres à trouver des compromis et à dépasser les aspects bureaucratiques pour construire une culture diplomatique commune et établir un réseau harmonieux fondé sur des nominations au mérite et non sur des logiques de chevaux de Troie ou de simples quotas.

Pour que la création du SEAE soit un succès, il faut établir un bon équilibre entre les trois parties, entre les Etats membres par la création d’un service universel le plus large possible offrant à tous de vraies perspectives, ainsi qu’entre des fonctions potentiellement concurrentes, comme entre les directeurs politiques et le président du Comité politique et de sécurité, ou entre les structures géographiques et les structures thématiques transversales.

La composition du Service selon la règle des trois tiers devrait conduire, à terme, au recrutement de 1 000 fonctionnaires de catégorie A au siège à Bruxelles. La DG relex de la Commission, composée de 1 800 agents, basculera en grande partie dans le SEAE et une partie de la DG extérieure du Conseil également. En revanche, la règle des trois tiers ne pourra s’appliquer que progressivement à des diplomaties nationales qui auront du mal à fournir plus de 1 000 membres, en dépit de la sous-représentation dans les institutions communautaires dont se plaignent les nouveaux Etats membres(2).

La France désignera des agents à tous les niveaux de l’organigramme et aura un candidat pour tout poste. Cette règle devrait s’imposer dès le début pour éviter que des Etats membres s’accordent avec la Commission pour que ses fonctionnaires remplissent leur quota.

Il faudrait également prévoir une obligation de rotation pour les agents de la DG relex et éviter une fonctionnarisation des agents de la Commission par rapport à la mobilité à laquelle seront astreints les agents des Etats membres.

Le commissaire européen aux relations interinstitutionnelles et à l’administration, M. Maroš Šefčovič, a achevé le 7 mai la première phase de conciliation avec les syndicats sur la révision du statut des fonctionnaires. Le comité interinstitutionnel du statut du personnel et le comité central du personnel de la Commission ont disposé de quinze jours pour rendre leurs avis. La Commission européenne a présenté la proposition de règlement modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces communautés le 9 juin (document E 5417).

Par ailleurs, la neutralité budgétaire de la création du SEAE, notamment par rationalisation des structures et élimination des doublons, est un objectif que les Etats membres ont constamment rappelé. Ils ont, en particulier, retenu le principe que les bureaux géographiques du SEAE devront être uniques et ne seront pas dupliqués à la Commission. L’organigramme proposé par la HR crée une DG thématique (droits de l’homme, non-prolifération, relations avec l’ONU, questions globales) et quatre DG géographiques.

Enfin, la proposition de la HR adoptée par le Conseil ne définit pas le régime linguistique applicable au SEAE. Deux régimes existent : dans le domaine de la PESC, l’anglais et le français bénéficient d’une interprétation, dans le domaine communautaire, l’anglais, le français et l’allemand. L’Allemagne demande que l’allemand soit aussi une langue de travail pour la PESC, sinon, elle semblerait marquer sa préférence pour le tout en anglais.

D. L’autonomie de la structure politico-militaire dans le SEAE sous l’autorité directe de la Haute représentante

Sans avoir les mêmes pouvoirs que la nouvelle Haute représentante, son prédécesseur, M. Javier Solana disposait déjà d’une structure civilo-militaire capable de mettre en œuvre vingt-trois opérations de gestion de crise durant la dernière décennie.

Sous l’autorité du Conseil, le Comité politique et de sécurité (COPS), rassemblant les 27 ambassadeurs dédiés à la PESC/PESD, exerce le contrôle politique et la direction stratégique de toutes les opérations de l’Union européenne, embrassant les problématiques diplomatiques, militaires et civiles.

La direction de gestion de crises et planification (CMPD : Crisis Management and Planning Directorate) intègre les organes de planification de niveau stratégique civil et militaire et produit le concept de gestion de crise. Ce document, approuvé à l’unanimité par les Etats membres, valide les objectifs stratégiques de l’Union européenne pour une crise et définit le cadre militaire et/ou civil de l’éventuelle action de l’UE.

La capacité de planification et de conduite des missions civiles (CPCC : Civilian Planning and Conduct Capacity) définit les options civiles stratégiques et la planification opérationnelle.

L’Etat-major de l’UE (EMUE) définit les options militaires stratégiques et la directive militaire initiale. A défaut d’un quartier général européen équivalant au CPCC pour les opérations civiles dont la création se heurte aux réserves du Royaume-Uni, la planification opérationnelle des opérations militaires de gestion de crise est dévolue à des quartiers généraux de cinq nations-cadres certifiées (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Grèce) ou au Shape dans le cadre des accords de Berlin plus de 1999 entre l’UE et l’OTAN. Le Shape a conduit l’opération en Bosnie, la France l’opération au Tchad, le Royaume-Uni l’opération navale Atalante au large de la Somalie.

L’intégration des structures politico-militaires dans le SEAE sous l’autorité de la HR/VP va faire bénéficier la gestion de crises de l’intégration de tous les instruments de l’UE participant aux crises : diplomatiques (délégations de l’UE), financiers (instrument de stabilité pour les dépenses d’urgence), structures de planification civiles et militaires (CMPD, CPCC, EMUE).

La gestion de crises va également bénéficier des nouveaux pouvoirs de la HR : droit d’initiative en matière de PESC, présidence au Conseil affaires étrangères et participation au Conseil européen, pouvoir de nomination et d’instruction au siège du SEAE et dans le réseau des délégations.

L’enjeu du regroupement des outils dans le SEAE est de renforcer leur cohérence, sans aboutir à communautariser la sécurité et la défense, tout en bénéficiant d’une intégration sur le plan financier.

L’autonomie complète de la structure civilo-militaire au sein du SEAE sous l’autorité directe de la HR préserve l’unicité et l’intégrité de la chaîne de commandement et ne place pas les militaires sous l’autorité de fonctionnaires du SEAE. Elle garantit son efficacité et respecte la spécificité du risque politique et humain de la gestion militaire des crises. Les gouvernements et les états-majors nationaux ont besoin d’avoir confiance en un dispositif dans lequel ils vont engager des forces et des vies humaines.

L’autorité directe de la HR sur la structure politico-militaire, sans échelons administratifs intermédiaires, garantit aussi aux gouvernements et aux militaires la réactivité indispensable.

Les attentes à l’égard de la HR et du service portent sur leur capacité à assurer un enchaînement efficace entre l’action militaire et l’action civile pour mettre fin à un séquençage trop étanche.

L’opération au Tchad a été la première opération pertinente à cet égard dans la mesure où le mandat de la force militaire lui a permis d’assurer un soutien aux camps de réfugiés organisés et financés dans le cadre de l’action civile de la Commission.

L’opération Atalante, efficace et dissuasive, montre néanmoins les limites de l’action militaire si elle n’est pas complétée par une action civile coordonnée. Sur plus de 200 pirates appréhendés, les Etats membres ont dû en relâcher plus de la moitié. Des accords ont été conclus avec le Kenya, la Tanzanie et les Seychelles pour organiser des mesures d’accompagnement judiciaire et pénitentiaire, mais leur application dépendra de l’assistance à ces pays que la Commission sera prête à organiser et financer.

En sa qualité de Vice-président de la Commission, la HR ne dispose pas de droit de tirage sur le budget de l’aide humanitaire ou de la coopération au développement, mais elle a une capacité d’influence sur les programmes d’assistance dans le cadre de la coordination avec les commissaires au développement et à l’aide humanitaire.

Lors de la catastrophe en Haïti, la mise en place immédiate d’un dispositif militaire de sécurité par les Etats-Unis a conduit l’Union européenne à intervenir directement dans le cadre de l’action humanitaire puis de l’aide à la reconstruction gérées par les deux commissaires à l’aide humanitaire et à la coopération au développement, après la mise au point d’une vision globale de la crise coordonnée avec la HR.

La crise en Haïti met en lumière les propositions du rapport Barnier de 2006 sur la création d’une force européenne de protection civile.

Les militaires préféreraient que, au moins dans une première étape, l’Union européenne commence par mettre en place un minimum de procédures pour mobiliser les moyens d’Etats membres déjà programmés et organiser une capacité de réaction plutôt que de créer une force immobilisée. Jusqu’à présent, les engagements des Etats membres pour la réponse à des crises comme les Tsunamis se font toujours au cas par cas et la mobilisation des moyens est empirique, donc insuffisamment rapide.

En revanche, la nécessité d’un patron de crises assurant l’interface entre le Conseil et la Commission n’est pas contestée. Mais au-delà de la coordination, il conviendrait que la HR ait un mandat permanent pour déclencher les moyens civils et militaires et qu’elle donne une impulsion politique lors de la prochaine crise, permettant aux Etats membres de se mobiliser collectivement sans attendre que tous se mettent d’accord.

Cette fonction de la HR semble suffisamment importante pour que des Etats membres comme l’Allemagne et la Pologne souhaitent qu’un secrétaire général adjoint du SEAE soit dédié à la gestion des crises.

L’importance de cette fonction devrait se refléter dans l’administration centrale du service mais aussi dans les délégations de l’UE. Un conseiller pour la gestion des crises dans les zones sensibles conviendrait peut-être mieux qu’un attaché de défense et son rôle d’observateur de proximité pourrait être tenu par un civil ou un militaire.

Enfin, les attentes sont fortes à l’égard du rôle que pourrait jouer la HR à la tête de l’Agence européenne de défense (AED). La HR préside en effet le comité directeur de l’AED, dans le format avec les ministres de la défense.

L’AED, créée en 2004, a un rôle essentiel dans le domaine de l’armement et de l’industrie de défense. Comme le rappelle l’ingénieur général de l’armement, M. Jean-René Le Goff(3), elle est l’instrument de mesure statistique du niveau réel des efforts de chaque Etat, elle est le lieu unique où les Européens peuvent se rencontrer pour bâtir ensemble des stratégies communes en matière de développement capacitaire, de priorités pour la recherche, de règles communes spécifiques à la défense en matière de marchés et de politique industrielle. Elle est enfin le lieu où se dégagent des constellations de pays volontaires pour mener ensemble de nouveaux programmes d’acquisitions. Lorsque c’est le cas, ces projets naissants sont transférés à l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement), créée par la convention de Farnborough en 1998 et comprenant l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume Uni auxquels se sont jointes la Belgique et l’Espagne.

Le premier apport de la HR serait de favoriser la complémentarité entre l’AED pour la conception et l’OCCAR pour la réalisation. L’AED, dotée d’un budget de 37 millions d’euros et d’une centaine d’agents, ne peut réaliser de grands programmes dans la situation actuelle. En revanche, elle peut démontrer son utilité également dans le développement de programmes petits par leur montant mais néanmoins très importants.

Tel est le cas du laboratoire scientifique d’analyse des IED (engins explosifs improvisés), programme d’un million d’euros au service de la lutte contre ce fléau du conflit afghan.

Le deuxième apport de la HR serait de stimuler la remontée des besoins capacitaires nationaux en vue de forger des programmes communs, par le canal des échanges entre l’AED et le Comité militaire de l’UE (CMUE) qui est l’organe militaire le plus élevé auprès du Conseil. Composé des chefs d’Etat-major des Etats membres, il formule des avis et recommandations au COPS sur les aspects militaires de la PSDC. Son président, désigné par le Conseil sur proposition des chefs d’Etat-major pour trois ans, est le conseiller militaire auprès de la HR et participe aux réunions du COPS et du Conseil.

Le troisième apport de la HR serait de favoriser la coopération de l’AED avec la Commission européenne dans la phase amont des programmes militaires relevant des Etats membres qui sont à la jonction des programmes civils relevant de la Commission.

La Commission n’a pas compétence en matière de défense, mais elle en a en matière de sécurité, d’espace, de navigation aérienne civile, de gestion des fréquences, de surveillance maritime, de démantèlement des installations polluantes ou de l’emploi des composants nocifs pour l’environnement. Elle définit avec le Parlement européen le cadre juridique de la concurrence sur le marché, dans la limite de la protection des intérêts essentiels de la sécurité des Etats membres sur le marché de l’armement (art. 346 TFUE). Elle dispose d’un budget en matière de recherche et technologie de 1,4 milliard pour la sécurité et du même montant pour l’espace, pour la période 2007-2013. Enfin, elle dirige des grands projets stratégiques comme Galileo et GMED (global monitoring for environment and security).

Rapprocher les programmes militaires et civils sur des produits à double usage, comme les drones, est particulièrement opportun dans une période de contraintes budgétaires et d’élimination des doublons et dans un contexte international où l’industrie de défense des pays émergents ne connaît pas la distinction très européenne entre financements des équipements militaires et des équipements civils.

TROISIEME PARTIE :
ENGAGER UN PROCESSUS DE CONVERGENCE DES ETATS MEMBRES SUR UN PETIT NOMBRE DE PRIORITES DE LA POLITIQUE EXTERIEURE DE L’UNION EUROPEENNE

I. ENGAGER A L’INITIATIVE DE LA HAUTE REPRESENTANTE UN PROCESSUS DE CONVERGENCE DES ETATS MEMBRES DANS LES DOMAINES OU LA PESC PEUT APPORTER UNE VALEUR AJOUTEE PAR RAPPORT AUX POLITIQUES NATIONALES

Il faut d’abord dissiper un malentendu. La politique extérieure et de sécurité commune d’une union de vingt-sept Etats membres n’est pas la politique extérieure et de sécurité unique d’un Etat fédéral. La Haute représentante ne propose ni n’applique une politique unique comme le ferait le ministre des affaires étrangères d’un Etat fédéral, mais elle doit contribuer à la construction progressive d’une politique commune de l’union des Vingt-sept.

La PESC n’a pas pour vocation d’embrasser tout le champ de la politique étrangère et de sécurité des Etats membres, mais seulement de définir un intérêt général européen dans les domaines où elle apporte une valeur ajoutée par rapport aux politiques nationales(4).

La valeur ajoutée implique que l’intérêt général européen ne repose pas sur le plus petit dénominateur commun, laissant l’influence de l’Union se diluer dans une diplomatie déclarative. Les Etats membres ont eu recours à la coopération intergouvernementale dans les domaines de la politique étrangère et de la défense, de peur que les contraintes de la méthode communautaire ne les entraînent dans une politique intégrée qui serait contraire à leurs intérêts nationaux les plus importants ou qui serait moins ambitieuse que leur propre politique étrangère. Si l’intérêt général européen doit être plus que la somme des intérêts nationaux, il ne peut être son contraire. Il doit également être porteur d’un message fort pour que la voix unique de l’Europe ne soit pas qu’un filet de voix et que les Etats membres lui cèdent la parole.

La formation d’une vision commune doit précéder l’assouplissement des conditions de vote et non l’inverse. Depuis le traité d’Amsterdam, l’Union européenne pouvait déjà agir en principe selon la règle de la majorité qualifiée pour sa politique à l’égard de la Russie, de l’Ukraine et de la Méditerranée dans le cadre des trois stratégies communes qu’elle avait adoptées, mais leur bilan mitigé montre qu’il ne suffit pas d’introduire des règles de majorité qualifiée pour lever les indéterminations et les blocages des Etats membres dans le domaine de la PESC. La crise irakienne a souligné qu’aucun des deux groupes d’Etats membres d’une UE divisée n’aurait accepté, après sa mise en minorité, d’appliquer une décision majoritaire.

Les Etats membres disposent désormais des institutions leur permettant d’enclencher un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la PESC.

L’article 32 du traité sur l’Union européenne en pose le fondement juridique en prévoyant notamment que « les Etats membres assurent, par la convergence de leurs actions, que l’Union puisse faire valoir ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale. ».

Mais surtout le renforcement du Conseil européen donne aux Etats membres la capacité de bâtir ensemble une politique extérieure ambitieuse et cohérente. Une plus grande implication des grands Etats membres de l’Union au centre des décisions de l’Union pourrait aussi équilibrer ce que l’émergence d’une voix unique pourrait leur faire perdre en terme de représentation sur la scène internationale.

Il convient de mesurer la difficulté d’un exercice qui, s’il va au bout de sa logique, implique que les Etats membres dévoilent à leurs partenaires leurs priorités les plus intimes et les secrets de fabrication de leur diplomatie. Elle suppose une confiance et une loyauté qui ne se décrètent pas dans les textes mais se construisent pas à pas dans les actes, sur le terrain diplomatique comme sur celui des opérations extérieures.

L’ambition serait de passer d’une coordination ponctuelle sur des actions communes au cas par cas en réaction à un événement à une convergence durable sur des priorités précises et anticipées.

La HR, en accord avec le président du Conseil européen, proposerait aux Etats membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Ils procéderaient, sur proposition de la HR à un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où ils pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune.

Dans ces domaines, des programmes de convergence définiraient les lignes directrices et les voies et moyens nécessaires à la mise en œuvre des propositions et établiraient, le cas échéant, en accord avec la Commission, leur cohérence avec les autres domaines de l’action extérieure de l’Union européenne. Le Conseil européen déciderait de l’adoption des programmes de convergence, sur proposition de la HR après avis du Conseil des affaires étrangères.

Enfin, la HR présenterait chaque année un rapport sur les progrès de la convergence au sein de la politique étrangère et de sécurité commune au Parlement européen et aux parlements nationaux.

Le processus de convergence répond à la nécessité d’une remise à plat de la PESC au moment où les bouleversements géopolitiques et l’unification du continent européen obligent l’Union à 27 à redéfinir ses intérêts stratégiques dans les relations avec ses grands partenaires et son voisinage.

Il repose sur une approche globale afin de procéder à un examen approfondi libéré de tous les cloisonnements antérieurs. Le champ de l’examen concerne la PESC et donc la PSDC qui en est un sous-ensemble et peut s’étendre aux autres domaines de l’action extérieure de l’Union, afin d’assurer la cohérence des programmes de convergence qui résulteront de cet examen général.

Il n’engage que le premier pas du processus de convergence, c’est-à-dire une obligation d’examen complet, et laisse au Conseil européen la maîtrise des suites à lui donner. A l’issue de cet examen complet, dans les domaines où ils auront à définir leurs intérêts communs et où une approche commune sera jugée plus efficace qu’une action nationale, les Etats membres auront le choix, à l’unanimité, de coopérer à vingt-sept ou de s’unir à vingt-sept en un. Pour chaque programme de convergence, l’ambition la plus haute serait de dégager des intérêts communs et de prendre en compte les intérêts essentiels des Etats dans une synthèse suffisamment forte pour s’engager non pas dans une coopération, mais dans une politique commune intégrée, permettant à l’Union de parler durablement d’une seule voix.

Enfin la présentation d’un rapport annuel de la HR aux institutions parlementaires permettra de suivre les progrès de la convergence et de mobiliser les Etats membres sur cet objectif.

La souplesse et la différenciation des rythmes de réalisation des programmes de convergence par les Etats membres pourraient être l’une des conditions de leur réussite. Si l’unanimité est requise pour leur adoption au Conseil européen, l’abstention constructive au Conseil permet à un Etat membre de ne pas être tenu d’appliquer d’emblée la décision et de ne le faire ultérieurement que lorsqu’il est prêt. Il doit seulement s’abstenir de toute action susceptible d’entrer en conflit avec l’action de l’Union fondée sur cette décision ou d’y faire obstacle.

Cette souplesse permet de ne pas converger d’un coup à vingt-sept au risque de ne rien faire et de laisser un groupe pionnier avancer pour être rejoint par des Etats membres au moment de leur choix. Les coopérations renforcées pourraient être également un instrument utile.

La question de l’impulsion et du leadership collectif est une clé de la mobilisation d’un ensemble démocratique de vingt-sept Etats membres et de cinq cent millions d’habitants. Dans une Union fondée sur l’égalité de droit des Etats membres, le leadership est le contraire de la domination qui impose, suscite le rejet et conduit à l’échec. C’est un pouvoir d’impulsion qui propose, entraîne le consentement des partenaires et répond avec créativité à une attente d’initiatives pour que l’Union ne se contente pas de fonctionner mais de progresser.

Dans le domaine de la PESC comme pour les autres politiques européennes, l’entente franco-allemande est toujours indispensable mais n’est désormais plus suffisante. Plusieurs configurations sont envisageables et ne sont pas exclusives les unes des autres.

L’Europe des fondateurs élargie à d’autres Etats membres déterminés en est une.

Dans le domaine de la défense, le Royaume-Uni, première puissance militaire européenne, a la légitimité s’il décide de s’impliquer, de même que les six Etats membres sièges d’une industrie de défense (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne, Suède) ou la Pologne qui s’affirme comme puissance régionale et a marqué sa volonté de faire de l’Europe de la défense la première priorité de sa présidence de l’Union.

La constitution d’un futur gouvernement économique de la zone euro reflèterait une solidarité entre ses membres susceptible d’en faire le noyau central de la volonté d’unification européenne, dans tous les domaines, à moins que chacun des grands domaines de souveraineté repose sur l’impulsion de groupes d’Etats à géométrie variable.

Quelle que soit la configuration, le président du Conseil européen et la Haute représentante ne pourront faire émerger une volonté et une voix forte de l’Europe sans que des Etats membres déterminés et solidaires ne convainquent leurs partenaires d’avancer et de converger sur quelques sujets essentiels pour l’Union.

II. SE CONCENTRER SUR QUELQUES PRIORITES

A. Les priorités géographiques

Réussir en tant que puissance régionale est pour l’Union européenne une condition préalable à l’exercice d’une influence mondiale. Elle ne sera prise au sérieux par ses grands partenaires qu’à cette condition. Balkans, voisinage et Asie centrale sont en tête des priorités géographiques.

Avec les voisins du Sud méditerranéen, l’approche de l’Union européenne, homogène, régionale, axée sur le libre-échange nord-sud, le décloisonnement des marchés au sud et leur ouverture aux produits industriels et aux services européens a eu du mal à rencontrer l’approche des pays partenaires, plus hétérogène, bilatérale, axée sur l’accès à l’espace Schengen et au marché agricole européen ainsi que sur le maintien d’une relation asymétrique pour les produits industriels et les services. L’accord a pu se faire dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée sur le développement de projets concrets susceptibles d’intéresser l’ensemble des partenaires selon des formats à géométrie variable. Cependant le défi est de déterminer comment organiser une sphère de co-développement entre les 500 millions d’Européens et les 450 millions d’Arabo-musulmans, d’Israéliens et de Turcs pour dynamiser leurs complémentarités et en tirer un avantage réciproque.

Une autre question est de savoir si l’Union européenne serait prête à utiliser son association avec toutes les parties au conflit du Proche-Orient pour prendre des initiatives et s’engager plus activement en faveur de la paix dans la région.

La première urgence est de mettre fin à la cacophonie entre les Etats membres de l’Union européenne sur ce sujet majeur. Elle s’est manifestée lors du vote de la résolution du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le 2 juin à Genève, demandant une enquête internationale sur la réaction israélienne à l’arrivée de la flottille au large de Gaza, en réplique à la résolution du Conseil de sécurité en faveur d’une enquête prompte, impartiale, crédible et transparente, dans le respect des normes internationales, mais sans caractère international. Il est en effet inadmissible que l'Union européenne se soit divisée en trois, la Slovénie votant pour, l’Italie et les Pays-Bas votant contre (avec les Etats-Unis), la Belgique, la France, le Royaume-Uni, la Hongrie et la Slovaquie s’abstenant.

La deuxième urgence est peut-être de se demander si l'Union européenne doit continuer d’attendre le résultat des initiatives des Etats-Unis ou si, comme premier partenaire commercial d’Israël et premier pourvoyeur d’aide à l’Autorité palestinienne, elle ne pourrait pas prendre le relais et mettre les deux parties face à leurs responsabilités, dans l’esprit de la déclaration de Venise de 1980 où l’Europe avait su poser le choix en termes parfaitement clairs : soit un plan de deux Etats viables, soit un plan à un seul Etat avec des votes égaux pour tous les résidents.

En effet, compte tenu de l’évolution démographique, l’Etat d’Israël ne pourra conjuguer dans la paix et la sécurité que deux des trois ambitions de ses pères fondateurs : un Etat juif, un Etat démocratique, un Etat recouvrant l’intégralité du territoire de la Palestine mandataire.

Une initiative européenne serait d’autant plus opportune que les Etats-Unis n’ont jamais été aussi proches de l’esprit de la déclaration de Venise, depuis qu’ils ont été défiés par le gouvernement israélien sur la condition du gel des colonisations de peuplement en Cisjordanie comme préalable à la relance du processus de paix. Non seulement la perpétuation du conflit israélo-palestinien empêche d’établir un rapport de confiance entre l’Occident et le monde arabo-musulman, mais elle devient un risque stratégique pour Israël et ses voisins au moment où la menace nucléaire iranienne est proche de bouleverser les équilibres régionaux.

Par ailleurs, la politique de voisinage à l’Est a son dynamisme propre, mais elle doit aussi répondre à la question de savoir si elle s’inscrit dans un cadre de relations complémentaires ou conflictuelles avec la politique de voisinage de la Russie. Le pays-clé de la politique de voisinage à l’Est, l’Ukraine, vient de marquer sa préférence pour des relations intensifiées et apaisées avec ses deux grands voisins et de choisir une complémentarité conforme à sa géographie. Le réchauffement des relations entre les Etats-Unis et la Russie modifie un contexte dans lequel l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie n’a plus la même actualité.

Définir un nouveau partenariat euro-américain est aussi une condition préalable à la clarification de nos rapports avec la Russie et les grands pays émergents.

L’Union européenne s’est en effet engagée dans une dizaine de partenariats et de stratégies régionales sans avoir repensé celui qui détermine l’attitude de l’Europe à l’égard de tous les autres.

Les Etats-Unis ont évolué. L’Administration Obama a rompu avec l’unilatéralisme, elle construit progressivement un partenariat d’égal à égal avec la Chine, elle ne veut plus que les Etats-Unis qui représentent 40 % de la puissance militaire mondiale assument seuls la sécurité du monde. Le partenariat avec l’Europe est une alliance parmi d’autres qui sera évaluée en fonction de sa capacité à relever le défi mondial commun. Les Etats-Unis veulent passer de la protection de l’Europe qui n’est plus militairement menacée à un partenariat global, comme l’a exprimé le Président Obama lors d’une visite en Europe : « Nous voulons des alliés forts. Nous ne nous considérons pas comme les patrons de l’Europe. Nous nous considérons comme les partenaires de l’Europe ». Les Etats-Unis montrent qu’ils collaborent avec les Européens sur les crises permanentes, lorsqu’il existe un consensus européen élevé, comme sur le dossier iranien.

La relance du partenariat transatlantique n’est pas un problème américain mais un problème européen. Soixante ans après la création de l’Alliance atlantique, il n’existe toujours pas un pilier européen au sein de l’OTAN et l’Union européenne continue de se tourner instinctivement vers les Etats-Unis en quête de réponses. Il n’y aura pas de partenariat transatlantique tant que le partenaire européen ne se constitue pas et n’accède pas à un degré plus élevé d’unité politique.

L’Union européenne a défini en 2008 un partenariat stratégique avec l’Afrique pour combler la fracture de développement entre les deux continents. La population du continent africain passera d’un milliard d’habitants en 2009 à deux milliards en 2050. La poussée démographique sera encore plus forte en Afrique subsaharienne dont la population passera de 500 millions d’habitants en 1990 à 1,3 milliard dès 2030.

Le choix de la monoculture exportatrice au détriment des productions agricoles vivrières a été d’autant plus catastrophique que le continent africain connaîtra un grand basculement des campagnes vers les villes et, si les populations n’y peuvent vivre convenablement, vers l’émigration.

En Afrique subsaharienne, 650 millions de personnes habiteront les villes en 2030 au lieu de 165 millions en 1990 et les besoins en infrastructures seront considérables. Or l’investissement direct étranger en Afrique ne représente que 2 à 3 % des IDE dans le monde. Le défi est de faire évoluer les conditions du développement et de la gouvernance, en dépit de la pression qu’exercent des pays émergents sur les richesses du continent sans se soucier de ces conditions, pour que le développement du continent se diffuse de plus en plus à partir de la classe moyenne de 300 millions d’habitants solvables qui est en train de se constituer en Afrique subsaharienne.

B. Les priorités thématiques

La réforme de la gouvernance mondiale pourrait constituer l’une des premières priorités thématiques.

Elle ne concerne plus seulement la question de l’élargissement du Conseil de sécurité de l’ONU à de nouveaux membres permanents pour y représenter le nouvel équilibre du monde, mais aussi la réforme des procédures de vote à l’unanimité.

L’échec de la conférence de Copenhague sur le climat est aussi due au vote négatif de cinq Etats sur 192 membres de l’ONU qui a empêché de donner un caractère juridique contraignant au compromis difficilement négocié.

La gouvernance mondiale rencontre les mêmes difficultés que la gouvernance de l’Union européenne. Face aux grandes crises internationales et à la nécessité de prendre des décisions stratégiques, on ne peut plus compter sur des décisions prises à l’unanimité et il faut constituer des coalitions au sein de groupes pertinents pour établir des normes auxquelles les autres se rallieront.

Le G20 est devenu le forum clé de la gouvernance économique mondiale à la suite de la crise financière et économique mondiale. Composé des Etats représentant 85 % du PIB mondial, il constitue ce groupe pertinent, bien que l’on regrette qu’il ne comprenne aucun autre Etat africain que l’Afrique du Sud. Il doit compléter le système de l’ONU mais leur articulation reste posée.

La représentation extérieure de l’Union européenne au G20 l’est également. Bien que l’Espagne ne fasse pas partie de la liste initiale des membres du G20, le Premier ministre espagnol a assisté aux trois précédents sommets à Washington, Londres et Pittsburgh, grâce à un accord de novembre 2008 avec la France qui avait offert l’un des deux sièges dont elle disposait grâce à la présidence de l’Union européenne. La présidence espagnole de l’Union européenne occupera le siège de l’Union européenne au sommet du G20 de juin à Toronto, contrairement à la prochaine présidence belge qui le laissera au président du Conseil de l’Union européenne, M. Van Rompuy. La question est de savoir si le président du Conseil européen, le président de la Commission et les dirigeants d’Allemagne, de France, d’Italie et du Royaume-Uni parviendront à coordonner davantage leurs interventions et à parler d’une seule voix.

La conciliation entre la défense collective des droits de l’Homme et la concurrence des intérêts commerciaux pose un dilemme qui s’est avivé avec l’émergence de pays conjuguant la croissance économique avec le dédain des principes démocratiques. L’Union européenne doit se poser la question de savoir comment concilier la promotion individuelle de ses intérêts économiques avec la défense collective de ses valeurs, notamment face à des grands pays comme la Chine ou d’autres prêts à diviser ses Etats membres en jouant de l’accès à leurs marchés.

La politique des droits de l’Homme fait partie intégrante de l’identité européenne, mais le juste équilibre est difficile à trouver entre la promotion des droits de l’Homme et la Realpolitik. Les droits de l’Homme sont un principe indivisible et s’ils ne peuvent tenir lieu à eux seuls de politique étrangère, l’important est que l’Union européenne montre la même exigence avec les puissants qu’avec les petits.

La question nucléaire iranienne a contribué à relier désarmement et non-prolifération nucléaire. Depuis que le Président Obama a proposé en avril 2009 un monde sans armes nucléaires, les Etats-Unis ont présenté une nouvelle doctrine militaire, inscrite dans un projet de désarmement et de lutte contre la prolifération et considérée comme la plus vaste révision stratégique depuis la fin de la guerre froide. Cependant la nouvelle doctrine restreint les conditions d’emploi sans renoncer à la dissuasion. Ils ont ensuite signé, le 8 avril 2010, avec la Russie, un accord Start II de réduction des arsenaux stratégiques de 2 200 armes en 2010 à 1 550 armes détenues par chacun en 2017. Les deux partenaires détiennent plus de 90 % des 22 000 armes nucléaires dans le monde et la France rappelle que d’autres étapes essentielles doivent être franchies, comme l’interdiction complète des essais nucléaires et celle de la production de matière fissile dans le monde.

La conférence d’examen du traité de non-prolifération nucléaire qui s’est ouverte le 3 mai à New York, a montré une volonté de renforcement de l’efficacité du traité mais aussi un clivage nord-sud sur le nucléaire.

Or l’Union européenne ne parle pas de ces questions. La menace iranienne qui pèse sur son territoire à l’échelle du continent a motivé l’initiative américaine d’une défense anti-missiles en Pologne et en République tchèque, puis en Roumanie et avec une force navale en Méditerranée, dans une version remaniée pour ne plus froisser la Russie. Mais l’Union européenne n’a eu à connaître aucune des deux versions parce que la PESD, limitée à la question des crises à l’extérieur de l’Union européenne, ne donnait pas compétence pour traiter d’un sujet de défense du territoire de l’Union européenne relevant de l’OTAN et des compétences nationales.

L’article 42 § 7 du traité sur l’Union européenne a prévu une clause d’assistance mutuelle entre les Etats membres en cas d’agression armée, qui devrait permettre à l’Union européenne de mettre fin à une anomalie et de traiter d’un sujet qui la concerne au premier chef.

C. L’Europe de la défense

L’Europe de la défense en formation devra résoudre ses contradictions entre l’ampleur des budgets de défense des Etats (200 milliards d’euros) et des effectifs (2 millions de militaires), l’insuffisance des budgets d’équipement (42 milliards) et l’incapacité à projeter 60 000 soldats dans une opération extérieure de gestion de crise.

En dépit des progrès réalisés par la PESD, notamment avec la création des groupements tactiques et le renforcement des capacités, l’Europe de la défense n’a toujours pas réalisé l’objectif du Conseil européen d’Helsinki de décembre 1999 de pouvoir déployer, à partir de 2003, 60 000 soldats dans un délai de 60 jours et pendant au moins un an, avec un soutien logistique, aérien et naval, afin d’assumer l’ensemble des missions de gestion de crise.

L’article 43 § 1 du traité sur l’Union européenne étend les missions de crise à l’extérieur de l’Union, dites de Petersberg, aux missions de désarmement, de conseil et d’assistance en matière militaire, de prévention des conflits et de stabilisation à la fin des conflits. Toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire.

L’Europe de la défense n’a pas pour vocation de transformer l’Union européenne en grande puissance militaire à l’instar des Etats-Unis, mais de doter la grande puissance civile qu’est l’Union européenne d’une capacité militaire suffisante. Au moment où un risque de coupes budgétaires massives pèse sur le budget de défense des Etats membres en raison de la crise, elle ne peut cependant négliger le fait que le budget global de défense des Etats-Unis est deux fois supérieur aux budgets morcelés européens, le budget d’équipement est trois fois supérieur, le budget de recherche est sept fois supérieur. Les contraintes budgétaires rendent encore plus nécessaire une mutualisation des efforts.

Sur un budget global européen de défense de 200 milliards d’euros en 2008, environ 42 milliards sont consacrés aux dépenses d’armement, dont 7 milliards en coopération. Ce secteur représente 600 000 emplois. Il existe donc une marge pour développer la coopération. Toutefois, l’Agence européenne de défense (AED) n’est pas encore un outil structurant à cause des réticences du Royaume-Uni. L’absence de budget pluriannuel ne donne pas de visibilité et bride la définition des programmes.

Le Livre vert sur la défense du Royaume-Uni, sans préjuger des options du nouveau gouvernement, pose la relation avec les Etats-Unis comme la plus importante, mais marque aussi une ouverture à la coopération avec la France érigée en partenaire-clé et privilégie un cadre plus bilatéral qu’européen.

Le budget des Vingt-sept en recherche de défense ne représente que 15 % du budget R&D des Etats-Unis et ne concerne que six Etats membres : Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Suède, Espagne. L’Europe s’est fixé l’objectif de consacrer 2 % du budget de la défense à la recherche au lieu de 1,2 %-1,3 % actuellement.

En fait, le budget de recherche et technologie de défense est porté pour les deux tiers par le Royaume-Uni et la France et n’est pas un effort collectif européen mais principalement celui de deux nations. On ne convaincra pas le Royaume-Uni, qui assume un tiers de l’effort de recherche en Europe, de participer à une coopération européenne dans laquelle la plupart des autres Etats membres n’investissent pas. Il pourrait incomber à la Haute représentante de provoquer une remise en cause collective dans l’Union européenne à cet égard car il n’y aura pas une sécurité et une défense collectives européennes tant qu’elles reposeront essentiellement sur deux Etats membres en matière de recherche.

Conduire un débat démocratique au Parlement européen et dans les parlements nationaux, à partir d’un Livre blanc sur la sécurité et la défense européennes, pour définir les priorités stratégiques et capacitaires de l’Europe de la défense, serait une initiative très opportune.

L’adaptation de la stratégie de sécurité de l’Union européenne définie en 2003 paraît s’imposer. Jusqu’à présent, l’Union européenne a pu conduire 24 missions de gestion de crise sans définir une politique commune sur les crises faisant l’objet de missions. Peut-être conviendra-t-il de compléter la stratégie commune de sécurité et de défense par une stratégie de politique étrangère, dans la mesure où la convergence entre les Etats-Unis et l’Union européenne ne suffit pas à résoudre les crises dans le monde multipolaire.

La clause d’assistance mutuelle entre les Etats membres en cas d’agression armée contre l’un d’entre eux est moins contraignante que la clause d’assistance militaire automatique de l’article V de l’UEO puisqu’elle fait référence à une assistance par tous moyens, pas forcément militaires, ainsi qu’aux engagements souscrits au sein de l’OTAN qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective(5).

La mise en œuvre de cette clause au sein de l’UE pourrait être l’occasion pour les 21 Etats membres de l’Union européenne également membres de l’OTAN de définir une stratégie commune de l’Union européenne pour l’OTAN, au moment où l’OTAN s’est engagée dans une réforme structurelle et une révision stratégique.

Concernant les normes d’interopérabilité, la Haute représentante préside l’AED qui travaille avec l’ACT, son correspondant à l’OTAN. Elle pourrait favoriser une concertation européenne beaucoup plus forte dans les instances OTAN avec les Américains, même s’ils s’affranchissent des normes OTAN qui définissent une interopérabilité descendante pour eux et si les grands Etats membres garderont la liberté de choisir le cadre bilatéral ou multilatéral de leurs programmes.

Enfin, l’article 42 § 6 du traité sur l’Union européenne a créé une coopération structurée permanente entre les Etats membres remplissant des critères plus élevés de capacités militaires et souscrivant des engagements plus contraignants en vue de missions plus exigeantes.

Sa mise en œuvre devra prendre en compte l’Europe de la défense actuelle. L’AED a été créée, les capacités ont progressé, les contraintes budgétaires frappent tous les Etats membres. Afin de ne pas gâcher le potentiel politique de ce concept, la CSP pourrait être transformée en mécanisme de suivi des engagements pris par ses membres afin de produire des capacités pour l’UE dans un contexte budgétaire difficile.

QUATRIEME PARTIE :
ORGANISER UN CONTRÔLE GLOBAL ET COHÉRENT DES PARLEMENTS NATIONAUX ET DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE ET INSTAURER UN RENDEZ-VOUS ANNUEL DE TOUTES LES INSTITUTIONS (CONSEIL, COMMISSION, PARLEMENT EUROPÉEN, PARLEMENTS NATIONAUX) AVEC LES CITOYENS EUROPÉENS SUR L’AVENIR DE L’UNION EUROPÉENNE

I. ORGANISER UN CONTRÔLE GLOBAL ET COHÉRENT DES PARLEMENTS NATIONAUX ET DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE EUROPÉENNE

Il faut sortir du paradoxe dans lequel le traité de Lisbonne favorise l’émergence d’une politique extérieure globale et cohérente sans édifier parallèlement un contrôle parlementaire adéquat.

D’une part le Parlement européen est simplement consulté sur les grandes orientations de la PESC (mais il cherchera à accroître son contrôle par le biais budgétaire) et n’a aucun pouvoir de contrôle sur les matières relevant de la politique européenne de défense, ni sur les opérations, ni au plan budgétaire.

D’autre part, le contrôle exercé collectivement par les parlements nationaux sur la politique européenne de sécurité et de défense par l’Assemblée consultative de l’UEO, même s’il était virtuel, vient d’être éliminé par une décision de dix Etats membres de l’UEO du 31 mars 2010, sans avoir été remplacé dans le cadre de l’UE. L’UEO sera démantelée d’ici à juin 2011.

Le traité de Lisbonne est le premier traité de l’Union européenne qui prévoit un rôle spécifique pour les parlements nationaux dans plusieurs domaines, en réponse à l’éloignement des citoyens vis-à-vis de l’Union européenne.

Le protocole no 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne, accompagnant le traité de Lisbonne, prévoit à son article 10 que la conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union (COSAC) peut « organiser des conférences interparlementaires sur des thèmes particuliers, notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune. Les contributions de la conférence ne lient pas les parlements nationaux et ne préjugent pas de leur position ».

Le minimum serait de créer une structure réunissant des parlementaires des 27 Etats membres spécialisés dans les questions de défense.

La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a adopté en avril une résolution proposée par la Commission des affaires européennes, pour créer une structure sur le modèle de la COSAC qui rassemble les Commissions des affaires européennes.

La nouvelle structure comprendrait six parlementaires par Etat membre (soit trois représentants par chambre dans les parlements bicaméraux) et six membres du Parlement européen, soit au total 168 membres, c’est-à-dire trois fois moins que l’actuelle Assemblée consultative de l’UEO. L’organisation et le secrétariat devraient relever des parlements nationaux, par rotation, pour organiser une réunion par semestre. Elle se substituerait à l’Assemblée de l’UEO et aux réunions semestrielles des présidents des commissions de la défense de l’Union européenne. En l’absence d’accord unanime des vingt-sept parlements nationaux, cette initiative pourrait rassembler les parlements nationaux les plus motivés sur une base volontaire.

Lors d’un échange de vues sur le contrôle parlementaire de la PSDC dans la période post-UEO qui s’est tenu à la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, le 4 mai, M. Andrew Duff a présenté trois options de coopération interparlementaire :

– la première repose sur le modèle des réunions interparlementaires organisées par le Parlement européen auxquelles les parlements nationaux seraient conviés ;

– la deuxième option consiste à reprendre la proposition du Sénat visant à instituer une COSAC consacrée aux questions PSDC. Mais les inconvénients qu’il avançait (faible participation du Parlement européen, coût pour les parlements nationaux) lui semblaient dissuasifs ;

– la troisième option qui avait la préférence de M. Andrew Duff consistait à organiser, deux fois par an à Bruxelles, dans les locaux du Parlement européen, des réunions conjointes co-présidées par le Parlement européen et les parlements nationaux. La Haute représentante ainsi que le président du Conseil européen seraient appelés à y participer. Il a suggéré que ces nouveaux arrangements sur la coopération interparlementaire en matière de PESC et PSDC soient inclus dans un accord interinstitutionnel sur le SEAE entre le Parlement européen et la Haute représentante. La dimension des délégations était également une affaire très délicate.

Lors du débat, un consensus s’est dégagé sur la troisième option.

La question serait de savoir jusqu’où les parlements nationaux et le Parlement européen ainsi que les Etats membres seraient prêts à aller pour organiser, de manière formelle ou informelle, un double contrôle parlementaire sur la PESC mais aussi sur la cohérence de toute l’action extérieure de l’Union européenne, correspondant à la double citoyenneté européenne et nationale, dépassant le clivage intergouvernemental–communautaire, alors que le Parlement européen et les parlements nationaux ne craignent plus de travailler ensemble dans tous les domaines.

Il convient de rappeler que les trois formules envisagées organisent un dialogue interparlementaire qui permet de débattre et éventuellement d’adopter des positions communes indicatives. S’inscrivant dans les limites du protocole no 1 sur les parlements nationaux et dans les pratiques des rencontres interparlementaires actuelles, ce dialogue interparlementaire donnerait une indication politique absolument indispensable pour progresser, mais n’engagerait pas le Parlement européen ni les parlements nationaux qui resteraient libres d’exercer leur contrôle respectif dans le cadre des compétences fixées par le traité et les constitutions nationales.

Après avoir clarifié la portée de ce dialogue interparlementaire, il faut éviter qu’il ne se transforme en un conflit interparlementaire dans la défense ou la conquête des espaces de contrôle respectifs qui seraient contraires à l’esprit du traité de Lisbonne.

Le traité de Lisbonne s’est efforcé de surmonter le clivage intergouvernemental-communautaire au niveau des exécutifs, il faut désormais traduire cette volonté au niveau du dialogue interparlementaire.

Cela signifie que le Parlement européen peut débattre avec les parlements nationaux de la politique de défense qui relève en principe des seuls parlements nationaux parce qu’ils votent les budgets de défense et autorisent l’envoi de troupes à l’étranger.

Mais cela signifie aussi que les parlements nationaux peuvent débattre avec le Parlement européen de tous les aspects d’une politique extérieure globale et cohérente, y compris des relations extérieures de l’Union ou des volets extérieurs des politiques communes lorsqu’elles sont en interaction avec la PESC.

Il doit être organisé de manière suffisamment souple pour impliquer, selon les cas, ensemble ou séparément, les commissions de la défense, les commissions des affaires étrangères et les commissions des affaires européennes des parlements nationaux et les commissions compétentes du Parlement européen.

Le dialogue interparlementaire sur la politique extérieure européenne ne peut pas rester fragmenté quand tout l’effort du traité de Lisbonne vise à dépasser cette fragmentation des politiques et à assurer la cohérence d’une politique extérieure européenne.

Le dialogue interparlementaire doit d’abord prendre en compte les réalités d’une union d’Etats qui n’est pas un Etat fédéral. Le gouvernement des Pays-Bas a dû démissionner parce qu’il n’avait plus de majorité parlementaire pour soutenir la présence du contingent militaire hollandais en Afghanistan.

La Cour constitutionnelle allemande, dans sa décision du 30 juin 2009, a rappelé qu’il n’existe pas de peuple européen en état d’exprimer une volonté politique majoritaire fondée sur le principe d’égalité de représentation des citoyens, selon le principe « une personne, une voix ». Cependant, la construction européenne telle qu’elle est organisée n’enfreint pas le principe de démocratie parce que, pour un regroupement d’Etats doté d’une compétence d’attribution, la légitimation fournie par les parlements et gouvernements nationaux, complétée et étayée par le Parlement européen directement élu, est en principe suffisante.

Le dialogue interparlementaire doit aussi prendre en compte les réalités de l’émergence d’une citoyenneté européenne à côté de la citoyenneté nationale et assumer pleinement la combinaison des deux légitimités afin d’en tirer des conséquences institutionnelles respectueuses de ce nouvel équilibre.

II. INSTAURER UN RENDEZ-VOUS ANNUEL DE TOUTES LES INSTITUTIONS (CONSEIL, COMMISSION, PARLEMENT EUROPÉEN, PARLEMENTS NATIONAUX) AVEC LES CITOYENS EUROPÉENS SUR L’AVENIR DE L’UNION EUROPÉENNE

Depuis dix ans, les citoyens européens ont envoyé plusieurs signaux négatifs à leurs dirigeants, en particulier lors des référendums, qui sont autant d’appels de détresse sur le rôle dynamique mais aussi protecteur de l’Europe face à la mondialisation et sur l’avenir du projet européen.

Les jeunes Européens tiennent pour acquis la paix, la stabilité et la prospérité qu’a apportées la construction européenne et attendent une nouvelle motivation. Les citoyens européens interprètent comme une fuite en avant des politiques qu’ils ne comprennent plus.

Personne n’explique directement au citoyen européen le sens du projet européen, parce que les chefs d’Etat et de gouvernement s’adressent principalement et légitimement aux citoyens nationaux qui les ont élus.

Le traité a créé les institutions qui permettent de raconter au citoyen européen, non plus le passé, mais l’avenir du projet européen que leurs dirigeants leur proposent.

Comme cela a été proposé par le Président Pierre Lequiller, il faudrait que, lors d’un rendez-vous annuel rassemblant le Conseil, la Commission, le Parlement européen, les parlements nationaux, toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adressent un message clair sur les orientations et les décisions fondamentales pour l’avenir de l’Europe, afin de fixer le cap à des citoyens européens désorientés et d’engager un débat démocratique avec eux.

CONCLUSION

L'Union européenne s’est efforcée jusqu’à présent de projeter vers l’extérieur son modèle de paix, de stabilité et de prospérité. Elle doit désormais projeter son unité pour exercer son influence dans le monde.

A cet égard, le traité de Lisbonne est une heureuse surprise, car personne n’aurait pu imaginer que vingt-sept Etats membres aussi différents dans leur histoire et leur mentalité accepteraient d’aller aussi loin dans le compromis tendant à assurer la cohérence de la politique extérieure commune.

Dès lors qu’il était absolument impossible de franchir le cap d’une unification des procédures de la politique étrangère et de sécurité commune et de l’action extérieure de l'Union européenne, la création d’un Haut représentant à double chapeau et d’un service européen d’action extérieure, creuset et vivier d’une future diplomatie commune, était une idée féconde dont il faut absolument préserver tout le potentiel au niveau de sa mise en œuvre.

Sur ce point, le projet de décision sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE et les décisions sur son périmètre prises par le Conseil européen et le président de la Commission européenne sont une déception, mais non une surprise.

Certes le projet comporte beaucoup de dispositions de nature à conforter le rôle unique de la Haute représentante pour surmonter la fragmentation des instruments de l’action extérieure et établir une politique extérieure globale et cohérente. C’est le cas en particulier de l’autonomie budgétaire et administrative du service par rapport à la Commission et de l’égalité de traitement entre les personnels des Etats membres, du Conseil et de la Commission, ainsi que de l’intégration et de l’autonomie de la structure politico-militaire dans le service sous l’autorité directe de la Haute représentante.

Mais le projet est décevant dans la mesure où la Haute représentante ne disposera pas de tout le champ des compétences qu’elle pouvait espérer recevoir si les ambitions du traité avaient été parfaitement respectées. Le président de la Commission européenne ne lui a pas confié les attributions de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, en particulier la politique de voisinage, et le Conseil européen a placé l’élargissement et le commerce international hors du champ du service.

En outre, le service ne contribue au cycle de programmation que pour sept instruments de l’aide extérieure de l’UE sur onze. Or, le compromis entre la Haute représentante et la Commission européenne sur la programmation des instruments d’assistance financière aux pays tiers est déséquilibré puisqu’il place sous la supervision et le contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et de la politique européenne de voisinage la programmation des trois plus importants d’entre eux : le fonds européen de développement, les programmes géographiques de l’instrument de coopération au développement, l’instrument européen de voisinage et de partenariat.

L’idée, partagée par un certain nombre d’Etats membres, que les politiques et les instruments sectoriels comme ceux du développement devaient poursuivre leur logique propre, nous parait être à l’opposé de l’ambition qui a présidé à la création du Haut représentant et du service par le traité.

La création du Haut représentant et du service est en effet partie du constat que l'Union européenne avait graduellement édifié des politiques et des instruments sectoriels, gérés verticalement par des commissaires et mal coordonnés par le Conseil, dont l’accumulation et la fragmentation ne faisaient pas une politique extérieure globale et cohérente.

Il fallait donc introduire un contrôle politique mieux affirmé sur les orientations stratégiques grâce au renforcement du Conseil européen par une présidence stable, ainsi qu’une coordination transversale et une mise en cohérence de toutes les politiques et instruments sectoriels grâce à la création du Haut représentant et du service.

Qu’il y ait des réticences et des reculs par rapport aux ambitions du traité n’est pas une surprise dans la mesure où cette innovation représente une véritable révolution pour toutes les institutions et les Etats membres.

Nous appelons cependant à donner le maximum de pouvoir et de compétences à la Haute représentante et au service au plus près de l’esprit du traité, pour que l’Europe parle d’une seule voix sur une politique extérieure globale et cohérente et retrouve son influence internationale.

Notre proposition sur la Haute représentante et le service s’articule en trois temps et propose d’aller de la détente à la coordination et à la convergence.

La détente d’abord. Le point 1 appelle à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes, après quinze ans d’introspection institutionnelle, pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne, et passer enfin à l’action, car le monde ne nous attendra pas.

Le point 2 invite à organiser le service européen d’action extérieure de manière que la Haute représentante puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions.

La coordination ensuite, qui est l’un des enjeux fondamentaux de cette réforme. Après avoir approuvé les principes retenus dans le projet de décision sur le service par l’accord politique du Conseil du 26 avril (point 3), nous regrettons que la Haute représentante n’ait pas reçu la politique de voisinage et que le périmètre du service n’inclue pas la politique commerciale ni l’élargissement (point 4). L’article 18§ 4 du traité sur l'Union européenne pose pourtant le principe que le Haut représentant « est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union ».

En conséquence, au point 5, nous rappelons d’abord que, contrairement à certaines interprétations restrictives, la mission de coordination de la politique extérieure européenne confiée par le traité à la Haute représentante ne s’arrête pas à la gestion des crises et que Mme Ashton n’est pas « la dame aux crises ».

Nous demandons ensuite la création d’un mécanisme de coordination de l’action extérieure, présidé par la Haute représentante ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l’Union. Ce mécanisme autonome doit être distinct du groupe des commissaires sur les relations extérieures créé le 22 avril par le président de la Commission, avec neuf autres groupes de commissaires qui se réunissent sans prendre de décision sur la base d’un mandat du président et sous son contrôle.

Le point 6 demande que, pour la programmation des trois plus importants instruments d’assistance financière soumise à la supervision et au contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et du voisinage, les propositions soient transmises à la Commission par le commissaire compétent conjointement « et en accord » avec la Haute représentante, afin de garantir que la Haute représentante ne sera pas dépouillée de son pouvoir d’orientation stratégique.

Le point 7 demande une représentation suffisante de la France à tous les échelons au sein du service ainsi qu’une garantie pour la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, qui est son statut actuel dans le cadre de la PESC ou des domaines communautaires.

La convergence enfin, qui est l’un des objectifs fixés par l’article 32 premier alinéa du traité sur l'Union européenne, selon lequel « les Etats membres, assurent, par la convergence de leurs actions, que l'Union puisse faire valoir ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale ».

Au point 8, nous invitons la Haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux Etats membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Ce processus comprendrait :

- sur proposition de la Haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où les Etats membres pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune,

- l’adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, par consensus ou à l’unanimité, sur proposition de la Haute représentante après avis du Conseil des affaires étrangères,

- la présentation par la Haute représentante d’un rapport annuel sur les progrès de la convergence au Parlement européen et aux parlements nationaux.

Le traité a mis en place les éléments d’une gouvernance de la politique extérieure commune avec en particulier :

le pilotage politique par le Conseil européen et le Conseil affaires étrangères présidés respectivement par le président stable et la Haute représentante,

la coordination transversale assurée par la Haute représentante dotée d’un pouvoir d’initiative,

la formation d’une culture diplomatique européenne commune grâce aux analyses et aux expériences partagées au sein du service européen d’action extérieure.

Le traité a jeté les bases de la formation d’un consensus entre Etats membres mais ce dispositif ne créera pas automatiquement du consensus si une démarche n’est pas entreprise en ce sens.

Nous proposons donc de le compléter par l’engagement d’un processus de convergence distinct de la méthode communautaire classique. Fondée sur un objectif, une procédure et un calendrier, celle-ci a brillamment réussi à entraîner les Etats membres dans le développement des politiques communes, mais elle est inopérante dans le domaine de la politique étrangère où le consensus se forge patiemment et progressivement mais ne s’impose pas.

C’est la raison pour laquelle ce processus de convergence n’engage à franchir que la première étape – un examen complet du champ de la PESC – qu’il repose sur le consensus ou l’unanimité du Conseil européen et qu’il ne comporte aucun calendrier.

Enfin le point 9 appelle à organiser un contrôle parlementaire global et cohérent conforme à l’objectif du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d’une politique extérieure commune.

Ce qui est en cause après la disparition de l’assemblée consultative de l’U.E.O., est l’organisation d’une coopération interparlementaire conduisant à des positions communes indicatives, distincte du contrôle exercé par les parlements nationaux et le Parlement européen dans le cadre fixé par le traité et les constitutions nationales.

Cette coopération interparlementaire doit être organisée de manière suffisamment souple pour que Parlement européen et parlements nationaux puissent débattre collectivement, au-delà des champs respectifs de leurs compétences – PESC et défense d’un côté, action extérieure communautaire de l’autre -, d’une politique extérieure européenne qui doit surmonter ses cloisonnements au niveau parlementaire comme au niveau des exécutifs.

Enfin, il n’y aura pas de politique extérieure commune efficace si elle ne s’appuie pas sur un soutien et une appropriation de cette politique par des citoyens européens jusqu’à présent désorientés. Le point 10 propose d’instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre d’un rendez-vous annuel sur l’état de l’Union que le Président Pierre Lequiller et la Commission des affaires européennes ont appelé de leur vœux à de nombreuses reprises, afin que toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adressent aux citoyens européens un message clair sur l’avenir du projet européen.

*

* *

Nous sommes en faveur de tout ce qui renforce la cohérence de la politique extérieure européenne dans la mise en œuvre des pouvoirs de la Haute représentante et dans l’organisation et le fonctionnement du service européen d’action extérieure.

Cependant l’ambition du traité et la meilleure des structures ne créeront pas automatiquement de la volonté politique, du consensus et du leadership, si elles ne sont pas relayées par l’ambition des personnalités auxquelles a été confié le redoutable honneur de les faire vivre. Nous attendons de leur part une détermination sans faille pour que l’Europe adopte un profil haut et retrouve une influence internationale qu’elle n’aurait jamais dû perdre. A cet égard, après six mois tout reste à prouver.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 16 juin 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

« Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Nous sommes partis du constat que l’Union européenne court un danger de déclassement et de marginalisation durable sur la scène internationale s’il n’y a pas un sursaut de sa part. Ce qui s’est passé à Copenhague où l’Union européenne n’était pas dans la salle de négociation finale a été un moment pénible pour tous les Européens et a matérialisé la crainte éprouvée depuis un certain temps que l’Union européenne ne comptait plus.

En premier lieu, l’Union européenne a vécu une longue période d’introspection institutionnelle de quinze années durant laquelle elle s’est d’abord intéressée à elle-même. Elle s’est également affirmée comme une puissance régionale en conduisant une politique d’élargissement réussie ainsi qu’une politique de voisinage et une politique de stabilisation des Balkans qui commencent à porter leurs fruits. Enfin, l’Union européenne s’est présentée comme un promoteur déterminé du multilatéralisme et a acquis une visibilité par contraste avec la politique du Président Bush.

Dans la promotion de nouvelles normes internationales pour faire face aux nouveaux défis mondiaux, l’Union européenne a voulu tirer parti de son expérience d’une construction européenne régulée par le droit pour jouer le rôle d’une puissance normative dans le monde multipolaire.

Quatre raisons pourraient expliquer la perte d’influence de l’Europe dans le monde multipolaire. Premièrement, l’Europe a continué à se définir par rapport aux seuls Etats-Unis et non par rapport à la mondialisation et à ses autres grands acteurs. Deuxièmement, contrairement à ce qu’espérait l'Europe, la multipolarité n’a pas favorisé le multilatéralisme ni la coopération, mais plutôt le retour de la logique traditionnelle de puissance sur la scène internationale. Troisièmement, l’Union européenne n’est pas encore sortie de sa réflexion sur ses politiques internes et ne se projette pas suffisamment à l’extérieur dans un monde où on ne peut exister sans avoir cette capacité. Quatrièmement, la fierté de l’Union européenne d’être la première puissance économique et commerciale du monde ne dissimule plus son décrochage économique dans la mondialisation par rapport aux pays émergents.

L’Union européenne sortira du grand jeu international si ses Etats membres ne surmontent pas leurs contradictions et ne parviennent pas à parler d’une seule voix, au moment où des crises multiples en montrent l’urgence. Ils doivent tirer les leçons de la crise grecque qui est aussi une crise de l’euro comme ils doivent tirer les conséquences de la perte d’influence internationale de l’Union européenne, de manière à créer un acteur mondial de premier rang.

La chance de l’Union européenne est d’avoir surmonté quinze ans d’impasse institutionnelle grâce à l’adoption du traité de Lisbonne et de pouvoir passer à l’action. Certes le traité de Lisbonne n’a pas simplifié l’architecture institutionnelle de l’Union européenne. Mais il a créé les instruments pour surmonter la complexité et permettre à l’Union européenne de parler d’une voix forte et cohérente sur la scène internationale si ses membres le veulent.

Le défi est d’organiser une capacité de l’Europe à agir collectivement à l’extérieur dans une union de 27 Etats nations qui n’est pas un Etat fédéral et comporte deux puissances nucléaires, quatre pays neutres, des intérêts divergents et pas de politique fédérale extérieure. Le défi est de mener non pas une politique étrangère commune, peut-être y arrivera-t-on un jour, mais des actions communes pensées, organisées, appliquées dans certains domaines clés malgré ces différences. Le traité de Maastricht avait eu le mérite de s’aventurer dans les domaines régaliens mais la politique extérieure de l’Union européenne reste divisée entre la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) comprenant la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), relevant de la coopération intergouvernementale entre les Etats membres, et les autres domaines de l’action extérieure de l’Union européenne, relevant de l’intégration communautaire.

La solution du traité de Lisbonne n’a pas été de fusionner les deux logiques, c’est-à-dire de communautariser l’ensemble de la politique extérieure, mais de surmonter ce clivage par une innovation majeure : la création du Haut représentant/Vice-président de la Commission. Le Haut représentant, nommé par le Conseil européen à la majorité qualifiée avec l’accord du président de la Commission, est la seule institution de l’Union européenne couvrant l’ensemble du champ de la politique extérieure européenne au niveau de son élaboration.

En tant que Haut représentant mandataire du Conseil, il est chargé d’élaborer, de conduire et d’exécuter la PESC. En tant que Vice-président de la Commission, il est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. Enfin, il remplace la présidence tournante à la présidence du Conseil des affaires étrangères qui élabore la politique extérieure de l’Union européenne selon les lignes fixées par le Conseil européen et en assure la cohérence.

Son rôle s’inscrit dans un nouvel équilibre des pouvoirs caractérisé en particulier par le renforcement du pouvoir d’orientation stratégique du Conseil européen, grâce à la création d’une président stable et à l’élimination de la présidence tournante du champ de la politique extérieure européenne pour la concentrer sur la coordination des politiques internes au Conseil « Affaires générales » et dans les conseils spécialisés.

L’autre innovation majeure est la création d’un service européen d’action extérieure, sous l’autorité du Haut représentant, regroupant des services du secrétariat général du Conseil et des services de la Commission.

Le Haut représentant/Vice-président dispose donc d’un pouvoir d’initiative en matière de PESC et d’un pouvoir de coordination en matière d’action extérieure. C’est une architecture compliquée mais il n’y a pas d’autre chemin pour aller vers une unification de l’action européenne en matière extérieure. C’est une idée féconde à condition qu’elle soit bien appliquée.

Les étapes de la mise en œuvre du SEAE ont commencé avec l’adoption par le Conseil européen en octobre 2009 du rapport de la présidence suédoise sur les lignes directrices. Elles se sont poursuivies avec l’accord politique du Conseil le 26 avril sur la proposition de décision sur le SEAE, présentée par la Haute représentante le 25 mars, accompagnée d’une proposition modifiant le règlement financier, présentée par la Commission le 26 mars. Elles continuent avec les négociations difficiles engagées avec le Parlement européen, à l’initiative des deux co-rapporteurs, MM. Brok et Verhofstadt, de la Commission des affaires étrangères et de la Commission des affaires institutionnelles, qui voudraient communautariser complètement la politique extérieure européenne pour assurer le contrôle du Parlement européen.

Par rapport à l’ambition du traité, le projet de décision sur l’organisation et le fonctionnement du SEAE répond de manière satisfaisante sur deux des quatre enjeux fondamentaux pour que la Haute représentante puisse exercer la plénitude de ses pouvoirs dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne : d’une part, sur l’autonomie budgétaire et administrative du service par rapport à la Commission et de l’égalité de traitement entre les personnels des Etats membres, du Conseil et de la Commission, d’autre part sur l’intégration et l’autonomie de la structure politico-militaire dans le service sous l’autorité directe de la Haute représentante.

Sur le troisième enjeu de la représentation extérieure, l’accord politique du 26 avril au Conseil et les discussions avec le Parlement européen devraient permettre d’aboutir à des solutions équilibrées.

En particulier, la démultiplication de la représentation externe comme interne de la HR/VP est une question essentielle puisque le traité n’a pas créé de poste d’adjoint de la HR/VP. Or la HR/VP doit mener 150 dialogues politiques avec des pays tiers et participer à 60 réunions de la Commission européenne, 40 sessions du Parlement européen, 6 à 8 Conseils européens, sans compter les Conseils « Affaires étrangères », et à 15 jours de session à l’ONU, soit 400 jours de réunions par an.

Pour résoudre cette question, le Conseil a accepté la proposition de la Haute représentante de créer un secrétaire général secondé par deux adjoints, mais le Parlement européen refuse que le secrétaire général et ses adjoints suppléent la HR dans la représentation extérieure comme devant lui-même. Le compromis en train de se dessiner semble être que le secrétaire général et les deux adjoints ne représenteront pas la HR à l’extérieur ni au Parlement européen, mais qu’elle aura le choix de sa représentation : les trois commissaires relex ou, dans des fonctions exclusivement liées à la PESC, le ministre des affaires étrangères de la présidence tournante ou d’un des pays du trio présidentiel.

Les délégations de l’Union européenne vont progressivement assumer un nouveau rôle d’ambassades de l’Union européenne, tout en conservant la gestion des programmes d’assistance de la Commission. La HR nommera les chefs de délégation sur la base d’une présélection de candidats à laquelle la Commission aura donné son accord, mais celle-ci devra motiver tout avis négatif sur un candidat. Le Parlement européen souhaitait procéder à des auditions des chefs de délégation avant leur nomination par la HR. Un compromis de bon sens est intervenu prévoyant qu’après la nomination par la HR, les chefs de délégation seront auditionnés par la commission compétente du Parlement européen pour un échange de vues, sans droit de veto.

En revanche, sur le quatrième enjeu de la coordination, le projet et les décisions sur le périmètre du service prises par le Conseil européen et le président de la Commission européenne sont une déception. La Haute représentante ne disposera pas de tout le champ des compétences qu’elle pouvait espérer recevoir si les ambitions du traité avaient été parfaitement respectées. Le président de la Commission européenne ne lui a pas confié les attributions de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, en particulier la politique de voisinage, et le Conseil européen a placé l’élargissement et le commerce international hors du champ du service.

En outre, le compromis entre la Haute représentante et la Commission européenne sur la programmation des instruments d’assistance financière aux pays tiers est déséquilibré puisqu’il place sous la supervision et le contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et de la politique européenne de voisinage la programmation des trois plus importants d’entre eux : le fonds européen de développement, les programmes géographiques de l’instrument de coopération au développement, l’instrument européen de voisinage et de partenariat.

Qu’il y ait des réticences et des reculs par rapport aux ambitions du traité n’est pas une surprise. Les Etats membres ne veulent pas d’une « contamination » de la PESC et de la PSDC par leur communautarisation. La Commission la vit comme une forme de dépossession. Le Parlement européen veut s’en saisir pour renforcer son contrôle et son pouvoir d’orientation sur toute l’action extérieure, y compris la PESC.

Nous appelons cependant à donner le maximum de pouvoir et de compétences à la Haute représentante et au service au plus près de l’esprit du traité, mais, même si la proposition est adoptée, il faudra que Mme Ashton fasse vivre cette innovation et à cet égard tout reste à prouver.

M. Yves Bur, co-rapporteur. Notre proposition sur la Haute représentante et le service s’articule en trois temps et propose d’aller de la détente à la coordination et à la convergence.

La détente d’abord. Le point 1 appelle à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne, et passer enfin à l’action.

Nous pensons qu’après quinze ans de débats institutionnels, que nos partenaires internationaux ont observés avec étonnement, l'Union européenne n’a plus le temps de s’offrir le luxe de les poursuivre et de gâcher le compromis auquel elle est parvenue. Il faut donner sa chance au traité et l’appliquer loyalement pour donner une chance à l'Europe, car le monde ne l’attendra pas.

Le point 2 invite à organiser le service européen d’action extérieure de manière que la Haute représentante puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions.

La coordination ensuite, qui est l’un des enjeux fondamentaux de cette réforme. Après avoir approuvé les principes retenus dans le projet de décision sur le service par l’accord politique du Conseil du 26 avril (point 3), nous regrettons que la Haute représentante n’ait pas reçu la politique de voisinage et que le périmètre du service n’inclue pas la politique commerciale ni l’élargissement (point 4), contrairement au rôle de coordination générale que lui confère l’article 18 § 4 du traité sur l'Union européenne.

En conséquence, au point 5, nous rappelons d’abord que, contrairement à certaines interprétations restrictives, la mission de coordination de la politique extérieure européenne confiée par le traité à la Haute représentante ne s’arrête pas à la gestion des crises et que Mme Ashton n’est pas « la dame aux crises ». Nous demandons ensuite la création d’un mécanisme de coordination de l’action extérieure, présidé par la Haute représentante ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l’Union. Le besoin d’un organe de coordination des différentes actions extérieures de la Commission se fait d’autant plus sentir que cette fonction n’a jamais été pleinement assumée. La formule des commissaires coordonnateurs n’a en effet jamais fonctionné parce qu’ils forment un collège d’égaux. Ce mécanisme autonome doit être distinct du groupe des commissaires sur les relations extérieures créé le 22 avril par le président de la Commission, et sous son contrôle.

Le point 6 demande que, pour la programmation des trois plus importants instruments d’assistance financière soumise à la supervision et au contrôle directs des deux commissaires chargés du développement et du voisinage, les propositions soient transmises à la Commission par le commissaire compétent conjointement « et en accord » avec la Haute représentante, afin de garantir que la Haute représentante ne sera pas dépouillée de son pouvoir d’orientation stratégique.

Le point 7 demande une représentation suffisante de la France à tous les échelons au sein du service ainsi qu’une garantie pour la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, qui est son statut actuel dans le cadre de la PESC ou des domaines communautaires.

La convergence enfin, qui est l’un des objectifs fixés par l’article 32 premier alinéa du traité sur l'Union européenne. Au point 8, nous invitons la Haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux Etats membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

La PESC n’a pas pour vocation d’embrasser tout le champ de la politique étrangère et de sécurité des Etats membres. Le processus de convergence se limiterait aux domaines où la PESC peut apporter une valeur ajoutée par rapport aux politiques nationales. L’ambition serait de passer d’une coordination ponctuelle sur des actions communes au cas par cas en réaction à un événement à une convergence durable sur des priorités précises et anticipées.

Ce processus comprendrait :

- sur proposition de la Haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où les Etats membres pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune,

- l’adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, par consensus ou à l’unanimité, sur proposition de la Haute représentante après avis du Conseil des affaires étrangères,

- la présentation par la Haute représentante d’un rapport annuel sur les progrès de la convergence au Parlement européen et aux parlements nationaux.

Le traité a mis en place les éléments d’une gouvernance de la politique extérieure commune avec en particulier : le pilotage politique par le Conseil européen et le Conseil affaires étrangères présidés respectivement par le président stable et la Haute représentante ; la coordination transversale assurée par la Haute représentante dotée d’un pouvoir d’initiative ; la formation d’une culture diplomatique européenne commune grâce aux analyses et aux expériences partagées au sein du service européen d’action extérieure.

Nous proposons de les compléter par l’engagement d’un processus de convergence distinct de la méthode communautaire classique. Fondée sur un objectif, une procédure et un calendrier, celle-ci a brillamment réussi à entraîner les Etats membres dans le développement des politiques communes, mais elle est inopérante dans le domaine de la politique étrangère où le consensus se forge patiemment et progressivement mais ne s’impose pas. C’est la raison pour laquelle ce processus de convergence n’engage à franchir que la première étape – un examen complet du champ de la PESC – qu’il repose sur le consensus ou l’unanimité du Conseil européen et qu’il ne comporte aucun calendrier.

Enfin le point 9 appelle à organiser un contrôle parlementaire global et cohérent conforme à l’objectif du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d’une politique extérieure commune.

Ce qui est en cause après la disparition de l’assemblée consultative de l’U.E.O., est l’organisation d’une coopération interparlementaire conduisant à des positions communes indicatives, distincte du contrôle exercé par les parlements nationaux et le Parlement européen dans le cadre fixé par le traité et les constitutions nationales. Cette coopération interparlementaire doit être organisée de manière suffisamment souple pour que Parlement européen et parlements nationaux puissent débattre collectivement, au-delà des champs respectifs de leurs compétences – PESC et défense d’un côté, action extérieure communautaire de l’autre -, d’une politique extérieure européenne qui doit surmonter ses cloisonnements au niveau parlementaire comme au niveau des exécutifs.

Enfin, il n’y aura pas de politique extérieure commune efficace si elle ne s’appuie pas sur un soutien et une appropriation de cette politique par des citoyens européens jusqu’à présent désorientés. Le point 10 propose d’instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre d’un rendez-vous annuel sur l’état de l’Union que le Président Pierre Lequiller et la Commission des affaires européennes ont appelé de leur vœux à de nombreuses reprises, afin que toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adressent aux citoyens européens un message clair sur l’avenir du projet européen.

Nous sommes en faveur de tout ce qui renforce la cohérence de la politique extérieure européenne dans la mise en œuvre des pouvoirs de la Haute représentante et dans l’organisation et le fonctionnement du service européen d’action extérieure.

Cependant l’ambition du traité et la meilleure des structures ne suffiront pas à créer de la volonté politique, du consensus et du leadership, si elles ne sont pas relayées par l’ambition des personnalités auxquelles a été confiée la responsabilité de les faire vivre. Nous étions partis avec un regard sceptique sur la possibilité de réaliser en six mois cette difficile réforme, ce qui finalement sera fait à quelque délai près, mais il reste maintenant à Mme Ashton à s’imposer dans la représentation extérieure de l’Union européenne et le rétablissement de son influence internationale. L’Europe marginalisée après Copenhague n’a en effet plus le temps d’attendre au moment où le rythme des crises s’accélère.

Le Président Pierre Lequiller. Je voudrais, avant de passer la parole à mes collègues, poser une question. Mme Elisabeth Guigou a rappelé la lourdeur de l’agenda de la Haute représentante et évoqué la possibilité de demander une suppléance à la présidence tournante. Ne craignez-vous pas que cela aboutisse à un cruel retour en arrière ? Nous nous sommes pourtant battus pour que soit créé le haut représentant… Ne serait-il pas plutôt envisageable que l’on rende au haut représentant la plénitude de son portefeuille, notamment en matière de voisinage, de relations commerciales internationales et d’élargissement, et que les commissaires européens puisse le suppléer sous son autorité au cas par cas ?

M. Pierre Forgues. Je voudrais remercier les deux rapporteurs pour la qualité de leur travail, et notamment Mme Guigou, qui nous a expliqué les subtilités de ce traité. Je regrette toutefois que notre collègue soit restée si modeste et n’ait pas fait preuve du romantisme qui est habituellement le sien quand il s’agit d’Europe… Je reste dubitatif. On ne peut pas reprocher sa personnalité à Mme Ashton, puisqu’elle a été nommée justement pour ne pas faire d’ombre à quiconque. Elle a une administration, qui vient du Conseil, de la Commission, des Etats. Elle disposera même d’un secrétaire général, qui n’aura toutefois pas compétence pour la représenter. Elle a beaucoup de travail, peut-être à dessein pour l’empêcher de réfléchir aux graves problèmes qui se posent… Je note que nous avons créé un instrument, le Haut Représentant, mais que ceux qui nous représentent en Europe, que ce soit le président de la Commission européenne ou les Etats membres, n’ont pas grande confiance dans ces nouveaux instruments puisqu’ils veulent garder leurs prérogatives. L’union européenne peut-elle réellement parler d’une seule voix ? Cet objectif semble difficile à atteindre. Quant à son pouvoir d’initiative, il semble plutôt que Mme Ashton doive attendre que les Etats membres s’engagent d’eux-mêmes dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères. La quadrature du cercle a été résolue en mathématiques, pas en matière de politique étrangère européenne… Nous devons continuer toutefois à aller de l’avant de façon pragmatique, pas à pas.

Mme Marietta Karamanli. Je suis moi aussi dubitative quant à ce que l’on peut attendre actuellement de l’action de la Haute représentante ; que peut-elle réellement faire ? Tout cela nous interpelle sur l’Europe. Concernant les propositions des rapporteurs, je tiens à souligner deux points. En premier lieu, alors que la presse britannique a abondamment souligné l’importance des collaborateurs britanniques auprès de Mme Ashton, et alors qu’un gouvernement conservateur libéral vient d’arriver au pouvoir au Royaume-Uni, peut-on réellement attendre une position impartiale de Mme Ashton, ou sera-t-elle influencée par les positions britanniques ? En second lieu, je pense que le point 9 devrait évoquer plus précisément la question du contrôle. Vous estimez que l’organisation de la coopération interparlementaire doit être « suffisamment souple » ; une telle souplesse ne risque-t-elle pas de conduire à l’évaporation de cette coopération ? Peut-être vaudrait-il mieux parler d’une coopération moins coûteuse, mais permanente. Je viens de présenter un rapport à l’UEO, dont l’assemblée est actuellement en session. Je pense qu’il faut vraiment veiller à respecter les représentations parlementaires en ce domaine en se rappelant qu’en matière de défense, ce sont les parlements nationaux qui votent les budgets et autorisent les opérations extérieures.

M. Gérard Voisin. Merci pour cet excellent rapport, qui constitue un véritable mode d’emploi à notre attention. Je suis pour ma part très critique quant à l’action de Mme Ashton. Après six mois d’exercice, il semble qu’elle ne soit pas à sa place. Ne pourrait-on pas envisager de nommer quelqu’un d’autre ? Les parlements nationaux devraient faire savoir à travers leurs commissions des affaires européennes leur mécontentement, car on est en train de tuer l’Europe à petit feu. Je ne crois pas qu’il faille être diplomate en la matière. On a les bons processus et les modes d’emplois, mais pas les personnes pour les animer.

M. Jean Gaubert. Dans le même esprit, j’indique que tant au moment du traité constitutionnel que du traité de Lisbonne, je m’interrogeais sur la pertinence de la création du poste. Néanmoins, s’il y a bien un secteur dans lequel il est difficile de mettre d’accord les Etats membres au-delà de deux ou trois d’entre eux, c’est celui des affaires étrangères. Il y a de très fortes différences. On peut effectivement considérer que les progrès viendront avec la pratique et que la création du poste peut apporter des améliorations.

Néanmoins, en réalité, il ne faut pas se focaliser sur la personne qui a été nommée mais réfléchir sur les motivations de ceux qui l’ont nommée. Ils ont, en effet, procédé à un choix et ce dernier n’est pas neutre. Il a une composante tactique qui est de confier aux Anglo-saxons la responsabilité de la politique étrangère de manière qu’ils y soient associés. La difficulté est que la personnalité nommée n’a pas l’ambition nécessaire pour que le poste prenne sa consistance. Lorsque l’on compare avec la situation précédente, les réussites de M. Javier Solana qui existait davantage avec moins de pouvoirs, on mesure un certain écart. C’est une question d’ambition. La Haute représentante ne doit pas se concentrer sur les crises car, sinon, elle ne fera que passer d’un dossier à un autre mais, au contraire, se concentrer sur quelques sujets de fond et de longue haleine pour affirmer une existence européenne. On peut néanmoins craindre que ces objectifs ne soient pas atteints.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. Pour ce qui concerne la représentation de la Haute représentante, le système du secrétaire général et de ses adjoints n’a pas été accepté, malheureusement, par le Parlement européen. Le dossier n’est pas encore réglé. On a un nouveau texte de compromis. Mieux vaut la solution des trois commissaires relex ou des ministres des affaires étrangères du trio présidentiel plutôt que celle du ministre des affaires étrangères de la présidence tournante. D’ailleurs, incidemment, il nous faut surveiller de près le Conseil des affaires étrangères où l’actuel ministre de la présidence tournante exerce une très grande influence.

En ce qui concerne les compétences, le manque le plus choquant est celui de la politique de voisinage. Pour leur part, les domaines de l’élargissement et de la politique commerciale exigent de s’y consacrer à plein temps. Il est cependant indispensable d’envisager une coordination.

Sur le fond, il faut être lucide. En matière européenne, la réussite dépend de la volonté politique. C’est le seul élément qui compte. Le traité a créé de nouvelles institutions plus opérationnelles que celles du traité précédent. Encore faut-il s’en servir. On peut estimer que la mise en œuvre de ses dispositions ne va pas aussi loin qu’on aurait pu le souhaiter, néanmoins il y a progrès par rapport à la situation actuelle. Tout va dépendre maintenant de ce qu’on en fait. Avec un dispositif moins favorable, M. Solana avait réussi à faire adopter une stratégie de sécurité en 2003 encore présente dans tous les esprits. Mme Ashton est une personnalité de qualité qui l’a prouvé dans ses fonctions antérieures, mais les questions de politique étrangère ne lui sont pas familières. Elle n’a donc pas réussi à incarner encore un poste, en plus totalement nouveau, au niveau des symboles et il n’y a pas eu d’action spectaculaire. Son déplacement à Gaza n’a pas eu l’écho auquel on aurait pu s’attendre. Cependant, Mme Ashton ne porte pas la responsabilité de toutes les difficultés. Elle est certes responsable d’avoir accepté le poste mais elle n’est pas responsable de ne pas disposer d’un avion personnel, ce qui est anormal compte tenu de son emploi du temps, ni d’avoir été désignée dans des circonstances politiques telles que le nom de Tony Blair avait été refusé et que Gordon Brown ne voulait pas se séparer de certains de ses ministres peu de temps avant une échéance électorale. Les conditions de sa nomination sont révélatrices d’une certaine crise de l'Union européenne.

La question de l’influence britannique, considérée comme exagérée parmi les collaborateurs de Mme Ashton, est souvent soulevée. Certes une Britannique n’a pas la même sensibilité qu’un Français sur l’alliance atlantique ou l’autonomie de la défense. A l’examen, on peut observer qu’elle a fait des premiers choix montrant le souci d’un certain équilibre et l’exigence d’éviter certains écueils.

Ce n’est pas parce qu’il y a des difficultés de convergence sur la politique étrangère et qu’il y a des réticences de tous les ministres des affaires étrangères présents et passés – et c’est une dépossession que de perdre la présidence du Conseil des affaires étrangères mais je ne la déplore pas –, que nous n’avons pas intérêt à ce qu’elle réussisse.

Sur le fond, il n’y aura pas de politique étrangère européenne avant très longtemps mais si la Haute représentante peut avoir le contrôle du groupe des commissaires relex et si elle arrive à définir certaines priorités à commencer par les Balkans ou le conflit israëlo-palestinien et Gaza, il peut y avoir deux ou trois points sur lesquels l'Union européenne pourrait s’affirmer. L’Europe s’est déjà affirmée dans les accords d’Oslo et elle avait défini les termes d’un règlement israëlo-palestinien que tout le monde accepte. Il ne faut surtout pas, pour éviter de s’épuiser, qu’elle se laisse cantonner dans les crises comme semble le souhaiter le président Barroso. Il est donc impératif de définir quelques priorités. La création de ce poste le permet mieux que le précédent traité.

Concernant les interventions militaires qui relèvent des Etats membres et dont s’occupera activement Mme Ashton, c’est un sujet sur lequel des évolutions sont nécessaires. Il est en effet regrettable que faute d’en avoir eu la volonté, les Etats membres ne soient pas encore en mesure de respecter l’objectif d’Helsinki, du déploiement d’une force de réaction rapide de 60.000 hommes. Il n’est pas non plus admissible qu’aucun progrès ne soit intervenu depuis près de dix ans dans la convergence des industries européennes de défense.

En conclusion, il faut croire au succès de la Haute représentante. C’est, pour l'Europe, un impératif. Elle n’a pas le choix. A défaut, elle n’existera plus sur le plan international et ses Etats membres non plus. Il faut donc faire en sorte que Mme Ashton réussisse le mieux possible.

M. Yves Bur, co-rapporteur. Il faut rappeler que la création d’un service européen pour l’action extérieure est une idée que la France a largement soutenue dans la mesure où il n’y avait pas d’autre alternative pour surmonter les clivages et rapprocher les politiques. Durant la période de négociations sur la mise en place de cette nouvelle institution, la France a été en permanence aux côtés de Mme Ashton et l’a aidée à faire face aux multiples difficultés qui se dressaient sur son chemin. Aujourd’hui se pose le problème de l’équidistance du service entre la Commission et le Conseil. Des problèmes sont encore irrésolus. Ainsi, que M. Barroso ait placé la Haute représentante au cinquième rang des vice-présidences de la Commission européenne est significatif. De la même façon, il n’est pas neutre qu’il ne lui ait pas attribué un rôle de coordination autonome sur l’action extérieure au sein de la Commission, alors que cela est prévu par le traité de Lisbonne. Notre résolution souligne tous ces points.

Cependant je peux comprendre un scepticisme se nourrissant de la complexité de la construction européenne, une autre formule pour assurer la cohérence entre intérêt communautaire et intérêts nationaux au niveau international est-elle possible? Il est certain que la construction de cette politique souffre de sa complexité sur laquelle se greffent des problèmes d’incarnation médiatique de la nouvelle institution. Nous avons émis certaines critiques. Cependant, le fait que l’on ait abouti, somme toute assez rapidement, à un accord politique au Conseil et que Mme Ashton, malgré une tentation anglo-saxonne, ait su répondre à certaines inquiétudes, a montré qu’elle avait un réel savoir faire. Un accord politique rapide n’était pas écrit d’avance !

Nous devons soutenir cette initiative car nous n’avons pas d’autre issue. Les pays européens ne peuvent pas continuer à parler de manière divergente dans le concert mondial. Ceci étant dit, nous devons être attentifs à la composition de ce service et veiller à ce que soit respecté un équilibre entre la Commission, le Conseil et les Etats. Le discours du Parlement européen consiste à renforcer la présence communautaire et, dans l’esprit de ses rapporteurs, il s’agissait de réserver la moitié des postes à la Commission au sein du service, et non le tiers. Le gouvernement français attachera du prix à ce que la présence française soit visible. Cela passe en particulier par la défense de la langue française comme langue de travail, qui est un point sur lequel il ne faut pas transiger.

Il appartient maintenant à la personnalité de Mme Ashton de s’imposer et d’incarner aux yeux, tant de l’opinion publique que du Parlement européen, cette volonté d’une politique étrangère convergente .

A la suite de la disparition de l’Assemblée consultative de l’UEO, il est nécessaire d’organiser une structure à l’image de la COSAC, dotée d’un secrétariat permanent mais selon une procédure moins lourde.

Le Parlement européen a essayé de prendre la main. En effet, il est normal qu’il ait voulu exercer un droit de regard sur ce nouveau service dans la mesure où il dispose d’un pouvoir budgétaire sur les instruments d’assistance aux pays tiers et sur la PESC, mais pas sur la défense.

En tout état de cause, le scepticisme ne doit pas nous décourager mais nous devons, de manière très vigilante, soutenir ce service.

Mme Elisabeth Guigou, co-rapporteure. On peut tirer une leçon de cette affaire : lorsque l’on attribue un rôle clé à un représentant du Royaume-Uni, on s’expose inévitablement à ce type de difficultés. L’erreur de départ a été d’accepter la nomination de Mme Ashton en contrepartie du refus de la présidence européenne à Tony Blair au prétexte que cela allait faire perdre les élections au parti travailliste… Il ne faut pas confier de telles responsabilités à un pays qui se met volontairement en dehors de toute politique de convergence.

M. Pierre Forgues. Il y a beaucoup de non-dits en la matière !

Mme Marietta Karamanli. S’agissant de la création de cette nouvelle instance et de la disparition de l’UEO, je souhaiterais souligner la responsabilité des parlements nationaux. Il serait utile que notre Commission, associée avec la Commission de la défense et celle des affaires étrangères, se prononce sur le sujet dans la mesure où cela engage des crédits.

Le Président Pierre Lequiller. Je voulais remercier les rapporteurs pour leur rapport important et très complet ainsi que pour la teneur de leurs conclusions. Le traité de Lisbonne a donné des outils afin que les diplomates puissent travailler ensemble à la préparation de positions de long terme. Il serait grave que le Parlement français ne se prononce pas en faveur de la création du service européen pour l’action extérieure. »

Puis la Commission a approuvé la proposition de résolution européenne dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le rapport de la présidence suédoise concernant les lignes directrices relatives au Service européen pour l’action extérieure (doc. 14930/09) approuvé par le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,

Vu le projet de décision du Conseil fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (8029/10/no E 5220),

Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes en ce qui concerne le service européen pour l’action extérieure (COM [2010] 85 final/no E 5216),

Vu le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier :

- l’article 18 § 4 du traité sur l'Union européenne selon lequel le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. (…) »,

- l’article 32 premier alinéa du traité sur l'Union européenne selon lequel « les Etats membres assurent, par la convergence de leurs actions, que l’Union puisse faire valoir ses intérêts et ses valeurs sur la scène internationale. (…) »,

Vu le Protocole no 1 sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne,

Vu les Déclarations 13 et 14 sur la politique étrangère et de sécurité commune,

Vu la résolution européenne no 86 adoptée par le Sénat, le 11 avril 2010, sur le suivi parlementaire de la politique de sécurité et de défense commune,

Vu la communication du Président Pierre Lequiller sur la modernisation du contrôle parlementaire de l'Union européenne présentée le 27 mai 2009 à la Commission des affaires européennes, proposant la création d’un rendez-vous annuel sur l’« état de l’Union »,

Rappelant que :

- l’enjeu pour l'Union européenne est de conjurer le risque d’une perte d’influence internationale et de constituer dans le nouveau monde multipolaire un partenaire capable d’engager l'Union européenne et de parler d’une seule voix sur une politique extérieure globale et cohérente,

- le défi est d’organiser une capacité de l’Europe à agir collectivement à l’extérieur dans une union de vingt-sept Etats membres qui n’est pas un Etat fédéral, et dont la politique extérieure commune se divise entre, d’une part, une politique étrangère et de sécurité commune et une politique de sécurité et de défense commune relevant des procédures de la coopération intergouvernementale entre les Etats membres, et, d’autre part, les autres domaines de l’action extérieure de l’Union européenne relevant des procédures de l’intégration communautaire,

- la solution du traité de Lisbonne n’a pas été de fusionner les deux logiques mais de surmonter ce clivage en organisant un nouvel équilibre des pouvoirs et en procédant à une innovation majeure, la création d’un Haut représentant/vice-président de la Commission et d’un service européen d’action extérieure, sous son autorité,

Considérant qu’après quinze ans de débats institutionnels, il faut donner sa chance au nouveau traité et l’appliquer loyalement pour donner une chance à l’Europe de passer à l’action, car le monde ne l’attendra pas,

1. Appelle toutes les parties à geler la controverse institutionnelle entre fédéralistes et intergouvernementalistes pour ne pas gâcher les avancées du traité de Lisbonne dans le domaine de la politique extérieure européenne ;

2. Invite à organiser le service européen d’action extérieure de manière que la Haute représentante/vice-présidente puisse exercer la plénitude des pouvoirs que lui a confiés le traité de Lisbonne, dans l’intérêt de la cohérence de la politique extérieure européenne et dans le respect des compétences des autres institutions ;

3. Approuve les principes retenus dans le projet de décision sur le service européen d’action extérieure par l’accord politique du Conseil du 26 avril, en particulier l’autonomie budgétaire et administrative du service par rapport à la Commission et l’égalité de traitement entre les personnels des Etats membres, du Conseil et de la Commission, ainsi que l’intégration et l’autonomie des structures de la politique de sécurité et de défense commune et de gestion de crises dans le service européen d’action extérieure sous l’autorité directe de la Haute représentante ;

4. Regrette que, contrairement aux dispositions du traité conférant un rôle de coordination générale à la Haute représentante, celle-ci n’ait pas reçu, en tant que vice-présidente de la Commission, les attributions de l’ancienne commissaire chargée des relations extérieures, en particulier la politique de voisinage, et que le périmètre de ce service n’inclue pas la politique commerciale ni l’élargissement ;

5. Rappelle que la mission de coordination de la politique extérieure européenne confiée par le traité à la Haute représentante/vice-présidente ne s’arrête pas à la gestion des crises ; demande, par conséquent, la création d’un mécanisme de coordination de l’action extérieure, présidé par la Haute représentante/vice-présidente ou son représentant, autonome au sein de la Commission et couvrant le domaine des relations extérieures ainsi que le volet externe des politiques internes de l’Union ;

6. Considère que la supervision et le contrôle directs par les deux commissaires chargés du développement et de la politique européenne de voisinage sur la programmation des trois plus importants instruments d’assistance financière aux pays tiers dépouillent la Haute représentante de son pouvoir d’orientation stratégique et demande, pour que la transmission conjointe des propositions par le commissaire compétent et la Haute représentante à la Commission ne se transforme pas en une procédure formelle, qu’elles soient soumises conjointement « et en accord » avec la Haute représentante ;

7. Demande au gouvernement d’assurer, au sein du service européen d’action extérieure, une représentation suffisante de la France à tous les échelons et de garantir la place de la langue française comme langue de travail et de communication du service, en son sein comme avec les citoyens de l’Union européenne, les pays tiers et les organisations internationales ;

8. Invite la Haute représentante, en accord avec le président du Conseil européen, à proposer aux Etats membres de s’engager dans un processus de convergence de leurs politiques étrangères et de sécurité dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce processus comprendrait :

- sur proposition de la Haute représentante, un examen complet du champ de la politique étrangère et de sécurité commune, afin d’identifier les domaines où les Etats membres pourraient soit renforcer leur coopération soit mener une politique commune,

- l’adoption de programmes de convergence dans ces domaines par le Conseil européen, sur proposition de la Haute représentante après avis du Conseil des affaires étrangères,

- la présentation par la Haute représentante d’un rapport annuel sur les progrès de la convergence au sein de la politique étrangère et de sécurité commune au Parlement européen et aux parlements nationaux ;
9. Propose d’organiser un contrôle global et cohérent par les parlements nationaux et le Parlement européen de la politique extérieure européenne, à partir des considérations suivantes :

- la coopération interparlementaire permet de débattre et éventuellement d’adopter des positions communes indicatives, mais le Parlement européen et les parlements nationaux restent libres d’exercer leur contrôle respectif dans le cadre des compétences fixées par le traité et les constitutions nationales,

- la coopération interparlementaire doit à la fois respecter la délimitation des espaces respectifs de contrôle parlementaire par le traité et refléter la volonté du traité de dépasser la fragmentation des politiques pour assurer la cohérence d’une politique extérieure,

- l’organisation de la coopération interparlementaire doit donc être suffisamment souple pour que, selon les cas, le Parlement européen puisse débattre avec les parlements nationaux de la politique de défense qui relève en principe des seuls parlements nationaux, mais aussi que les parlements nationaux puissent débattre avec le Parlement européen de tous les aspects d’une politique extérieure globale et cohérente, y compris des relations extérieures de l’Union ou des volets extérieurs des politiques communes lorsqu’ils interagissent avec la politique étrangère et de sécurité commune ;

10. Propose d’instaurer un débat sur la politique extérieure commune dans le cadre du rendez-vous annuel sur l’« état de l'Union » que la Commission des affaires européennes a appelé de ses v
œux, rassemblant le Conseil, la Commission, le Parlement européen, les parlements nationaux, au cours duquel toutes les institutions, en particulier le président du Conseil européen et le président de la Commission européenne, adresseraient aux citoyens européens un message clair sur l’avenir du projet européen.

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION

The National Assembly,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of the report by the Swedish presidency on the guidelines on the European Service for External Action (doc. 14930/09) approved by the European Council of 29 and 30 October 2009,

In the light of the draft decision of the Council laying down the organisation and operation of the European Service for External Action (8029/10/no. E 5220),

In the light of the motion for a regulation amending regulation (EC, Euratom) no. 1605/2002 on the Financial Regulation applicable to the general budget of the European Communities with regard to the European Service for External Action (COM [2010] 85 final/no. E 5216),

In the light of the Treaty on European Union and the Treaty on the Functioning of the European Union, in particular:

- Article 18 § 4 of the Treaty on European Union according to which the High Representative of the Union for Foreign Affairs and Security Policy 'shall be responsible, within the Commission, for responsibilities incumbent on it in external relations and for coordinating other aspects of the Union's external action. (…)',

- Article 32, paragraph one, of the Treaty on European Union according to which 'Member States shall ensure, through the convergence of their actions, that the Union is able to assert its interests and values on the international scene.' (…)',

In the light of Protocol no. 1 on the role of national parliaments in the European Union,

In the light of Declarations 13 and 14 on the common foreign and security policy,

In the light of the European resolution no. 86, adopted by the Senate on 11 April 2010, on parliamentary monitoring of the common security and defence policy,

In the light of the speech by Chairman Pierre Lequiller on the modernisation of parliamentary scrutiny over the European Union given on 27 May 2009 at the European Affairs Committee and proposing the creation of an annual meeting on the 'State of the Union'.

Recalling that:

- The challenge for the European Union is to avert the risk of a loss of international influence and form in the new multipolar world a partner capable of committing the union of Member States and speaking in a single voice on a global and coherent external policy,

- The issue is to organise Europe's capacity to act collectively externally as a union of twenty-seven Member States which is not a federal State, and whose external policy is divided between, on the one hand, a common foreign and security policy and a common security and defence policy falling within the scope of intergovernmental cooperation between the Member States, and, on the other hand, the other fields of the European Union's external action, falling within the scope of Community integration procedures,

- The solution provided by the Lisbon Treaty has not been to merge the two logics but to overcome this cleavage by organising a new balance of powers and by introducing a major innovation, the appointment of a High Representative/Vice-President of the Commission and the creation of a European Service for External Action under his/her authority,

Whereas after fifteen years of institutional debates, the new treaty should be given its chance and should be applied loyally so that Europe has a chance to take action because the world won't wait for it,

1. Calls on all the parties to halt the institutional controversy between federalists and intergovernmentalists so as not to waste the advances of the Lisbon Treaty in the European external policy field;

2. Calls for the European Service for External Action to be organised in such a way that the High Representative/Vice-President can exercise the totality of the powers entrusted to her by the Lisbon Treaty, in the interest of the coherence of European external policy and while respecting the competences of the other institutions;

3. Approves the principles adopted, in the draft decision on the European Service for External Action, by the political agreement of the Council of 26 April, especially budgetary and administrative autonomy of the service with respect to the Commission and equal treatment between the personnel of the Member States, Council and Commission, as well as integration and autonomy of the structures of the common security and defence policy and of crisis management in the European Service for External Action under the direct authority of the High Representative;

4. Regrets that, contrary to the provisions of the treaty granting a general coordination role to the High Representative, the latter has not received, as Vice-President of the Commission, the duties of the former commissioner for external relations, especially as regards neighbourhood policy, and that the scope of this service does not include trade policy or enlargement;

5. Recalls that the mission of coordinating European external policy which the treaty grants the High Representative/Vice-President does not stop at crisis management; calls, consequently, for the creation of an external action coordination mechanism presided by the High Representative/Vice-President or her representative which would be independent within the Commission and would cover the field of external relations and the external aspects of the Union's internal policies;

6. Considers that direct supervision and control by the two commissioners for development and for European neighbourhood policy over the programming of the three major financial assistance instruments for third countries strip the High Representative of her strategic orientation power. It calls for proposals to be be transmitted to the Commission jointly by the competent commissioner 'and in agreement' with the High Representative so that their joint transmission does not become merely a formal procedure;

7. Calls on the government to ensure, within the European Service for External Action, sufficient representation of France at all levels and secure the place of the French language as a working and communication language within it and with the citizens of the European Union, third countries and international organisations;

8. Invites the High Representative, in agreement with the President of the European Council, to propose to the Member States that they bring about a convergence of their foreign and security polices within the framework of the common foreign and security policy. This process would comprise:

- On proposal by the High Representative, a comprehensive examination of the common foreign and security policy in order to identify the fields where the Member States could either strengthen their cooperation or conduct a joint policy,

- The adoption of convergence programmes in these fields by the European Council, on proposal by the High Representative on the basis of the opinion of the Foreign Affairs Council,

- Presentation by the High Representative of an annual report to the European Parliament and to national parliaments on the progress of convergence within the common foreign and security policy;

ENTSCHLIESSUNGSANTRAG

Die Nationalversammlung,

unter Hinweis auf Artikel 88-4 der Verfassung;

unter Hinweis auf den Bericht des schwedischen Vorsitzes mit Leitlinien für den Europäischen Auswärtigen Dienst (Dok. 14930/09), den der Europäische Rat auf seiner Tagung vom 29. und 30. Oktober 2009 gebilligt hat;

unter Hinweis auf den Entwurf des Beschlusses des Rates über die Organisation und die Arbeitsweise des Europäischen Auswärtigen Diensts (8029/10/Nr. E 5220);

unter Hinweis auf den Vorschlag für eine Verordnung zur Änderung der Verordnung (EG, Euratom) Nr. 1605/2002 über die Haushaltsordnung für den Gesamthaushaltsplan der Europäischen Gemeinschaften in Bezug auf den Europäischen Auswärtigen Dienst (KOM [2010] 85 endgültig/Nr. E 5216);

unter Hinweis auf den Vertrag über die Europäische Union und den Vertrag über die Arbeitsweise der Europäischen Union, insbesondere auf:

- Artikel 18 Absatz 4 des Vertrags über die Europäische Union, der in Bezug auf den Hohen Vertreter der Union für Außen- und Sicherheitspolitik Folgendes bestimmt: „Er ist innerhalb der Kommission mit deren Zuständigkeiten im Bereich der Außenbeziehungen und mit der Koordinierung der übrigen Aspekte des auswärtigen Handelns der Union betraut. (…)“;

- Artikel 32 Absatz 1 des Vertrags über die Europäische Union, der Folgendes bestimmt: „Die Mitgliedstaaten gewährleisten durch konvergentes Handeln, dass die Union ihre Interessen und ihre Werte auf internationaler Ebene geltend machen kann. (…)“;

unter Hinweis auf das Protokoll Nr. 1 über die Rolle der einzelstaatlichen Parlamente in der Europäischen Union;

unter Hinweis auf die Erklärungen Nr. 13 und 14 zur Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik;

unter Hinweis auf die vom Senat am 11. April 2010 angenommene Entschließung Nr. 86 zur parlamentarischen Verfolgung der Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik;

unter Hinweis auf die Mitteilung von Präsident Pierre Lequiller zur Modernisierung der parlamentarischen Kontrolle der Europäischen Union, die dem Ausschuss für europäische Angelegenheiten am 27. Mai 2009 vorgelegt wurde und in der eine jährliche Tagung zum „Stand der Union“ vorgeschlagen wird;

erinnert daran, dass:

- dass es für die Europäische Union darum geht, das Risiko eines Verlusts ihres internationalen Einflusses abzuwenden und gleichzeitig in der neuen multipolaren Welt ein Partner zu sein, der für die Europäische Union Verpflichtungen einzugehen und in Bezug auf eine globale und kohärente Außenpolitik mit einer Stimme zu sprechen imstande ist;

- die Herausforderung darin besteht, Europa in die Lage zu versetzen, gemeinsam außenpolitisch handelsfähig zu sein in einer Union von siebenundzwanzig Mitgliedstaaten, die keinen Bundesstaat darstellt und deren gemeinsame auswärtige Politik sich aufteilt zum einen in eine Gemeinsame Außen- und Sicherheitspolitik und eine Gemeinsame Sicherheits- und Verteidigungspolitik, die unter die Verfahren der zwischenstaatlichen Zusammenarbeit zwischen den Mitgliedstaaten fallen, und zum anderen in die übrigen Bereich des auswärtigen Handels der Europäischen Union, die unter die Verfahren der gemeinschaftlichen Integration fallen;

- die Lösung des Vertrags von Lissabon nicht darin besteht, diese beiden Logiken miteinander zu verschmelzen, sondern diese Trennung zu überwinden durch die Herbeiführung eines neuen Kräftegleichgewichts und die Einführung einer wichtigen Neuerung, nämlich die Benennung eines Hohen Vertreters/Vizepräsidenten der Kommission und die Schaffung eines Europäischen Auswärtigen Diensts, der ihm untersteht;

In der Erwägung, dass nach einer fünfzehn Jahre währenden institutionellen Diskussion der neue Vertrag seine Chance erhalten und buchstabengetreu umgesetzt werden muss, damit Europa die Möglichkeit zum Handeln hat, da die Welt nicht auf Europa wartet;

1. fordert alle Parteien auf, die institutionelle Kontroverse zwischen Föderalisten und Vertretern der zwischenstaatlichen Zusammenarbeit einzustellen, damit die Fortschritte des Vertrags von Lissabon im Hinblick auf die europäische Außenpolitik nicht zunichte gemacht werden;

2. ruft dazu auf, den Europäischen Auswärtigen Dienst so zu organisieren, dass die Hohe Vertreterin/Vizepräsidentin alle ihre Befugnisse, die ihr der Vertrag von Lissabon übertragen hat, zur Gewährleistung der Kohärenz der europäischen Außenpolitik und unter Beachtung der Zuständigkeiten der anderen Einrichtungen wahrnehmen kann;

3. billigt die Grundsätze im Entwurf des Beschlusses zum Europäischen Auswärtigen Dienst, die im Zuge der politischen Einigung des Rates vom 26. April angenommen wurden, insbesondere im Hinblick auf die Haushalts- und Verwaltungsautonomie des Diensts gegenüber der Kommission und die Gleichbehandlung der Bediensteten der Mitgliedstaaten, des Rates und der Kommission sowie die Integration und die Autonomie der Strukturen der Gemeinsamen Sicherheits- und Verteidigungspolitik und der Krisenbewältigung im Europäischen Auswärtigen Dienst unter unmittelbarer Aufsicht der Hohen Vertreterin;

4. bedauert, dass entgegen den Bestimmungen des Vertrags, der der Hohen Vertreterin eine allgemeine Koordinierungsrolle zuweist, dieser als Vizepräsidentin der Kommission nicht die Befugnisse der früheren Kommissarin für Außenbeziehungen, insbesondere in Bezug auf die Nachbarschaftspolitik, übertragen wurden und dass weder die Handelspolitik noch die Erweiterung in den Zuständigkeitsbereich dieses Diensts fällt;

5. erinnert daran, dass sich die Koordinierungsaufgabe im Bereich der europäischen Außenpolitik, die der Hohen Vertreterin/Vizepräsidentin durch den Vertrag übertragen wurde, nicht auf die Bewältigung von Krisen beschränkt; fordert daher die Schaffung eines Mechanismus zur Koordinierung der Außenpolitik, der von der Hohen Vertreterin/Vizepräsidentin oder ihrem Vertreter geleitet wird, der innerhalb der Kommission autonom ist und der sowohl die Außenbeziehungen als auch die auswärtigen Aspekte der Innenpolitik der Union abdeckt;

6. vertritt die Auffassung, dass die direkte Überwachung und Kontrolle der Planung der drei wichtigsten Instrumente für die finanzielle Unterstützung von Drittländern durch die beiden für die Entwicklung und die europäische Nachbarschaftspolitik zuständigen Kommissare die Hohe Vertreterin ihrer Befugnis beraubt, strategische Leitlinien vorzugeben, und fordert, dass die gemeinsame Übermittlung von Vorschlägen durch den zuständigen Kommissar und die Hohe Vertreterin an die Kommission nicht zu einem förmlichen Verfahren wird, sondern dass diese gemeinsam „und im Einvernehmen“ mit der Hohen Vertreterin unterbreitet werden;

7. ersucht die Regierung, sicherzustellen, dass Frankreich innerhalb des Europäischen Auswärtigen Diensts auf allen Ebenen ausreichend vertreten ist und die französische Sprache ihren Platz als Arbeits- und Kommunikationssprache des Diensts erhält, sei es in innerhalb des Diensts oder bei seinen Beziehungen mit den Bürgern der Europäischen Union, den Drittländern und den internationalen Organisationen;

8. fordert die Hohe Vertreterin auf, im Einvernehmen mit dem Präsidenten des Europäischen Rates den Mitgliedstaaten vorzuschlagen, im Rahmen der Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik einen Prozess der Konvergenz ihrer Außen- und Sicherheitspolitik in die Wege zu leiten. Dieser Prozess würde Folgendes umfassen:

- auf Vorschlag der Hohen Vertreterin eine vollständige Prüfung der gesamten Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik, um die Bereiche, in denen die Mitgliedstaaten ihre Zusammenarbeit intensivieren oder eine gemeinsame Politik verfolgen könnten, zu ermitteln;

- die Annahme von Konvergenzprogrammen in diesen Bereichen durch den Europäischen Rat auf Vorschlag der Hohen Vertreterin nach Stellungnahme des Rates „Außenbeziehungen“;

- die Vorlage eines jährlichen Berichts der Hohen Vertreterin über die Fortschritte bei der Konvergenz der Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik für das Europäische Parlament und die einzelstaatlichen Parlamente;

9. schlägt eine globale und kohärente Kontrolle der europäischen Außenpolitik durch die einzelstaatlichen Parlamente und das Europäische Parlament auf der Grundlage folgender Erwägungen vor:

- die Zusammenarbeit zwischen den Parlamenten ermöglicht die Erörterung und gegebenenfalls die Annahme gemeinsamer indikativer Standpunkte; das Europäische Parlament und die einzelstaatlichen Parlamente können aber ihre jeweilige Kontrolle im Rahmen der im Vertrag und in den nationalen Verfassungen festgelegten Zuständigkeiten weiterhin frei ausüben;

- bei der Zusammenarbeit zwischen den Parlamenten muss dafür Sorge getragen werden, dass die Abgrenzung der jeweiligen Zuständigkeiten der parlamentarischen Kontrolle durch den Vertrag gewahrt wird und dass das Ziel des Vertrags, die Fragmentierung der Politiken zu überwinden, nicht außer Acht gelassen wird, um eine kohärente Außenpolitik gewährleisten zu können;

- die Organisation der Zusammenarbeit zwischen den Parlamenten muss daher ausreichend flexibel sein, damit das Europäische Parlament je nach Fall mit den einzelstaatlichen Parlamenten über die Verteidigungspolitik, die grundsätzlich in die alleinige Zuständigkeit der einzelstaatlichen Parlamente fällt, diskutieren kann und damit die einzelstaatlichen Parlamente aber auch mit dem Europäischen Parlament alle Aspekte einer globalen und kohärenten Außenpolitik erörtern können, einschließlich der Außenbeziehungen der Union oder der auswärtigen Aspekte der gemeinsamen Politiken, wenn diese einen Bezug zur Gemeinsamen Außen- und Sicherheitspolitik haben;

10. schlägt eine Diskussion über die Gemeinsame Außenpolitik im Rahmen einer jährlichen Tagung zur „Lage der Union“ vor, für die sich der Ausschuss für europäische Angelegenheiten ausgesprochen hat und an der sich der Rat, die Kommission, das Europäische Parlament und die einzelstaatlichen Parlamente beteiligen. Bei dieser Tagung könnten alle Institutionen, insbesondere der Präsident des Europäischen Rates und der Präsident der Europäischen Kommission, an die europäischen Bürger eine klare Botschaft zur Zukunft des europäischen Projekts richten.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

A Paris

Ministère des affaires étrangères et européennes

- MM. Jonathan Lacôte, directeur de cabinet, et Alexandre Vulic, conseiller technique, de M. Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes auprès du ministre des affaires étrangères et européennes ;

- M. Pierre Sellal, secrétaire général ;

- M. Jean-Michel Casa, directeur de l'Union européenne ;

- M. Patrick Maisonnave, directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, et Mme Muriel Domenach, sous-directrice des affaires stratégiques ;

- M. Philippe Setton, chef du service des politiques internes et des questions institutionnelles de l'Union européenne ;

- M. Nicolas Suran, adjoint au chef du service des relations extérieures de l'Union européenne.

Ministère de la défense

- M. Jérôme Montant, conseiller technique pour les affaires européennes au cabinet de M. Hervé Morin, ministre de la défense.

A Bruxelles

- M. Philippe Leglise-Costa, représentant permanent adjoint de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Pierre de Boissieu, secrétaire général du Conseil de l'Union européenne ;

- M. João Vale de Almeida, directeur général des relations extérieures auprès de la Commission européenne ;

- M. Christian Leffler, membre du cabinet de Mme Catherine Ashton, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Le projet de budget rectificatif no 6 (COM(2010)315 final, présenté par la Commission européenne le 17 juin 2010, crée une nouvelle section X « Service européen pour l’action extérieure » dans le budget de l’UE. Son tableau des effectifs en 2010 comprend 411 postes transférés de la section II (Conseil européen et Conseil) et 1 114 postes transférés de la section III (Commission) vers le SEAE, plus 100 nouveaux postes AD, soit au total 1 625 postes dont 1 082 au siège et 543 dans les délégations.

3 () Newsletter no X - novembre 2009.

4 () Les Déclarations 13 et 14 sur la politique étrangère et de sécurité commune annexées au traité soulignent :

– la première, que les dispositions du traité sur l’Union européenne ne portent pas atteinte aux responsabilités des Etats membres, telles qu’elles existent actuellement, pour l’élaboration et la conduite de leur politique étrangère ni à leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales ;

– la deuxième, qu’elles n’affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités ni les compétences de chaque Etat membre en ce qui concerne l’élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l’appartenance d’un Etat membre au Conseil de sécurité des Nations unies. La Conférence note par ailleurs que les dispositions couvrant la PESC ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l’initiative de décisions ni n’accroissent le rôle du Parlement européen.

5 () Article V du traité de l’UEO : « Au cas où l’une des Hautes parties contractantes serait l’objet d’une agression armée en Europe, les autres lui porteront, conformément aux dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations unies, aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires et autres ».

Article 5 du traité sur l’OTAN : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties et, en conséquence, elles conviennent que si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales ».

Article 42 § 7 du traité sur l'Union européenne : « Au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres.

Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».