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Amendements  sur le projet ou la proposition

Document

mis en distribution

le 23 juillet 2007


N° 101

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2007.

PROJET DE LOI

adopté par le sénat
après déclaration d’urgence

sur le dialogue social et la continuité du service public
dans les
transports terrestres réguliers de voyageurs,

TRANSMIS PAR

M. LE PREMIER MINISTRE

à

M. LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

(Renvoyé à une commission spéciale.)

Le Sénat a adopté, en première lecture après déclaration d’urgence, le projet de loi dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Sénat : 363, 385 et T.A. 112 (2006-2007).

TITRE Ier

CHAMP D’APPLICATION

Article 1er

La présente loi est applicable aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en œuvre des principes constitutionnels suivants :

– la liberté d’aller et venir ;

– la liberté d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ;

– la liberté du travail ;

– la liberté du commerce et de l’industrie.

Pour l’application de la présente loi, on entend par :

1° « Entreprise de transport » : toute entreprise ou toute régie, chargée d’une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;

2° « Autorité organisatrice de transport » : toute collectivité publique, groupement de collectivités ou établissement public compétent, directement ou par délégation, pour l’institution et l’organisation d’un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

TITRE II

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

Article 2

I. – Dans les entreprises de transport mentionnées à l’article 1er, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d’un préavis de grève ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis, dans les conditions prévues par l’accord-cadre.

Des négociations sont également engagées au niveau de la branche en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Les accords de branche qui prévoient des règles d’organisation ou de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa s’appliquent dans les entreprises de transport où aucun accord-cadre n’a pu être signé. L’accord-cadre régulièrement négocié s’applique, dès sa signature, en lieu et place de l’accord de branche.

Un décret en Conseil d’État fixe les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à la date du 1er janvier 2008, aucun accord-cadre n’a pu être signé et aucun accord de branche ne s’applique. Les règles d’organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L’accord de branche ou l’accord-cadre régulièrement négocié après cette date s’applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.

II. – L’accord-cadre prévu au premier alinéa du I détermine notamment :

1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu à l’article L. 521-3 du code du travail ;

2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;

3° La durée dont l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours à compter de cette notification ;

4° Les informations qui doivent être transmises par l’employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;

5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification et l’employeur se déroule ;

6° Les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer ;

7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l’employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

III. – Les accords-cadres signés les 30 mai 1996 et 23 octobre 2001 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que les accords relatifs à la prévention des conflits conclus dans les entreprises de transport avant le 1er juillet 2007 demeurent applicables jusqu’à la conclusion de nouveaux accords qui seront soumis au présent article et, au plus tard, jusqu’au 1er janvier 2009.

Article 3

Lorsqu’un préavis a été déposé dans les conditions prévues à l’article L. 521-3 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs avant l’échéance du préavis en cours et avant que la procédure prévue à l’article 2 n’ait été mise en œuvre.

TITRE III

ORGANISATION DE LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC EN CAS DE PERTURBATION PRÉVISIBLE
DU TRAFIC OU DE GRÈVE

Article 4

I. – Après consultation des représentants des usagers et dès lors qu’existent une ou plusieurs structures représentatives, l’autorité organisatrice de transport définit les dessertes à assurer qui concernent en priorité les déplacements quotidiens de la population en cas de perturbation prévisible du trafic.

Sont réputées prévisibles les perturbations qui résultent :

– de grèves ;

– d’incidents techniques, dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis leur survenance ;

– d’aléas climatiques, dès lors qu’un délai de trente-six heures s’est écoulé depuis le déclenchement d’une alerte météorologique ;

– de tout événement dont l’existence a été portée à la connaissance de l’entreprise de transport par le représentant de l’État, l’autorité organisatrice ou le gestionnaire de l’infrastructure depuis trente-six heures.

Pour assurer les dessertes prioritaires, l’autorité organisatrice de transport détermine différents niveaux de service en fonction de l’importance de la perturbation. Pour chaque niveau de service, elle fixe les fréquences et les plages horaires. Le niveau minimal de service doit permettre d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l’industrie et à l’organisation des transports scolaires. Il correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. Il doit également garantir l’accès au service public de l’enseignement les jours d’examens nationaux.

Les priorités de desserte et les différents niveaux de service sont rendus publics.

II. – L’entreprise de transport élabore :

– un plan de transport adapté aux priorités de desserte et aux niveaux de service définis par l’autorité organisatrice, qui précise pour chaque niveau de service les plages horaires et les fréquences à assurer ;

– un plan d’information des usagers conforme aux dispositions de l’article 7.

Après consultation des institutions représentatives du personnel, elle soumet ces plans à l’approbation de l’autorité organisatrice.

III. – Les plans visés au II sont intégrés aux conventions d’exploitation conclues par les autorités organisatrices de transport avec les entreprises de transport. Les conventions en cours sont modifiées en ce sens avant le 1er janvier 2008.

IV. – Le représentant de l’État est tenu informé par l’autorité organisatrice de transport de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendus, ainsi que de l’élaboration des plans visés au II et de leur intégration aux conventions d’exploitation.

En cas de carence de l’autorité organisatrice, et après une mise en demeure, le représentant de l’État arrête les priorités de desserte ou approuve les plans visés au II.

Article 5

I. – Dans les entreprises de transport, l’employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d’un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève.

L’accord collectif de prévisibilité du service recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d’agents et leurs effectifs, ainsi que les moyens matériels, indispensables à l’exécution, conformément aux règles de sécurité en vigueur, de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté.

Il fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l’organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en œuvre du plan de transport adapté. En cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels non grévistes.

À défaut d’accord, un plan de prévisibilité est défini par l’entreprise. L’accord ou le plan est notifié au représentant de l’État et à l’autorité organisatrice de transport.

II. – En cas de grève, les salariés relevant des catégories d’agents mentionnées au I informent, au plus tard quarante-huit heures avant l’heure mentionnée dans le préavis pour le début de la grève, le chef d’entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d’y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation du service durant la grève. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute personne autre que celles désignées par le chef d’entreprise comme étant chargées de l’organisation du service est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.

Est passible d’une sanction disciplinaire le salarié qui n’a pas informé son employeur de son intention de participer à la grève dans les conditions prévues au premier alinéa du présent II.

Article 6

I. – Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d’un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l’article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.

II. – Au-delà de huit jours de grève, l’employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l’organisation par l’entreprise d’une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions du vote sont définies, par l’entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d’organiser la consultation. L’entreprise en informe l’inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n’affecte pas l’exercice du droit de grève.

Article 7

En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d’une information précise et fiable sur le service assuré. Le plan d’information des usagers visé à l’article 4 doit permettre le plein exercice de ce droit.

En cas de perturbation prévisible, l’information aux usagers doit être délivrée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.

L’entreprise informe immédiatement l’autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.

Article 7 bis (nouveau)

L’entreprise de transport établit et communique à l’autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers, permettant d’apprécier leur conformité avec les moyens en personnel non gréviste ou disponible.

Article 8

En cas de défaut d’exécution dans la mise en œuvre du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers prévus à l’article 4, l’autorité organisatrice de transport impose à l’entreprise de transport, quand celle-ci est directement responsable du défaut d’exécution, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d’inexécution de ces plans.

L’autorité organisatrice de transport détermine par convention avec l’entreprise de transport les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d’usagers.

L’usager qui n’a pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de la validité de cet abonnement pour une durée équivalente à la période d’utilisation dont il a été privé, ou à l’échange ou au remboursement du billet non utilisé.

Le remboursement est effectué par l’autorité ou l’entreprise qui lui a délivré l’abonnement ou le billet dont il est le possesseur.

Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l’autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.

Article 9

L’article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause. »

Article 10 (nouveau)

Avant le 1er octobre 2008, un rapport d’évaluation sur l’application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.

Ce rapport présente notamment le bilan :

– des accords-cadres et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ;

– des procédures de dialogue social mises en œuvre et de leur impact au regard de l’objectif de prévention des conflits ;

– des actions de substitution du représentant de l’État éventuellement intervenues en application de l’article 4 ;

– des plans de transport adapté et des plans d’information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;

– des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;

– du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l’article 8.

Au vu de ce bilan, le rapport examine l’opportunité d’étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs.

Article 11 (nouveau)

Les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu’elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services (sociaux et environnementaux), afin d’élever la fiabilité et la prévisibilité des services et par conséquent permettre une meilleure continuité du service public.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 19 juillet 2007.

Le Président,

Signé : Christian PONCELET


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