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mis en distribution

le 3 décembre 2007


N° 442

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2007.

PROJET DE LOI

relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par Mme Rachida DATI,
garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi poursuit trois objectifs.

Le premier est d’assurer la prise en charge de personnes condamnées pour des crimes commis contre les mineurs, en particulier de nature sexuelle, et qui restent particulièrement dangereuses à leur libération.

Diverses mesures de sûreté sont prévues à cette fin et, pour les cas les plus graves, le projet de loi instaure une mesure de rétention de sûreté dans un centre socio-médico-judiciaire.

Le second est de rendre plus cohérent, plus efficace et plus transparent le traitement par l’autorité judiciaire des auteurs d’infractions déclarés pénalement irresponsables en raison d’un trouble mental.

Un débat en audience publique pourra précéder toute décision sur la responsabilité pénale ainsi que, le cas échéant, sur des mesures de sûreté à l’égard de la personne déclarée irresponsable.

Le projet de loi comporte à cette fin, dans ses trois titres, des dispositions modifiant le code de procédure pénale, des dispositions modifiant le code de la santé publique, ainsi que des dispositions de coordination.

Le troisième est de renforcer l’efficacité du dispositif d’injonction de soins.

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE

I. – Dispositions relatives à la rétention de sûreté

Dans un État de droit, garantir la sécurité des personnes est nécessaire à la sauvegarde des droits de valeur constitutionnelle.

Il en résulte qu’il n’est pas admissible que les auteurs des infractions les plus graves, commises sur les victimes les plus vulnérables que sont les enfants, ne fassent pas l’objet, lorsque cela est strictement nécessaire, de mesures de police ou de sûreté qui, tout en ne constituant ni une peine ni une sanction, sont indispensables au regard de leur dangerosité.

Deux mesures poursuivant cet objectif existent actuellement :

– il s’agit du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, institué par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui oblige les personnes qui y sont inscrites à justifier régulièrement de leur résidence après leur condamnation ;

– il s’agit également de la surveillance judiciaire, instituée par la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui permet au juge de l’application des peines de continuer à surveiller une personne à sa sortie de prison, pendant une durée égale aux réductions de peines accordées, en lui imposant le cas échéant une injonction de soins et une surveillance électronique mobile.

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces mesures, qui ne constituent pas des peines mais visent à prévenir la récidive, étaient conformes à la Constitution (décisions n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 et n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005).

Toutefois, ces mesures sont à l’évidence insuffisantes lorsqu’il s’agit de personnes particulièrement dangereuses dont le risque de récidive est extrêmement élevé, mais qui ne peuvent plus être retenues à la fin de la peine. Tel est spécialement le cas des pédophiles qui présentent des troubles graves de la personnalité ou du comportement.

C’est pourquoi, il apparaît nécessaire de permettre une mesure de rétention, dans le respect des exigences constitutionnelles de nécessité, de proportionnalité et de garantie judiciaire des libertés individuelles, à l’égard de ces personnes s’il apparaît qu’elles demeurent extrêmement dangereuses après avoir effectué l’intégralité de leur peine privative de liberté.

D’autres grandes démocraties disposent déjà de dispositifs comparables. C’est le cas notamment de l’Allemagne, des Pays-Bas, de la Belgique ou du Canada.

Cette rétention est entourée d’importantes garanties pour en limiter l’application aux cas extrêmes n’offrant aucune autre solution.

Elle ne pourra être prononcée qu’à l’encontre des personnes condamnées à une peine d’au moins quinze ans de réclusion, pour meurtre, assassinat, actes de torture ou de barbarie ou viol, commis sur un mineur de quinze ans.

Elle ne sera possible qu’à la suite d’une évaluation de la personne, intervenant un an avant la fin prévue de sa peine, réalisée par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, déjà compétente en matière de placement sous surveillance électronique mobile, qui se prononcera au vu de tous les éléments utiles et après une expertise médicale.

Si elle conclut à une particulière dangerosité du condamné et que la rétention de sûreté constitue l’unique moyen de prévenir une récidive dont la probabilité est particulièrement élevée, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté propose au procureur général de saisir une commission composée de magistrats de la cour d’appel qui devra se prononcer sur la nécessité de recourir à une rétention de sûreté.

Cette rétention présentera un caractère subsidiaire. Elle ne pourra être décidée que si aucun autre moyen ne s’avère suffisant pour canaliser la dangerosité de l’individu. Elle ne pourra ainsi intervenir que si les obligations résultant de l’inscription dans le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d’une injonction de soins et d’un placement sous surveillance électronique mobile, prononcées dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, apparaissent inefficaces pour prévenir une récidive.

La décision de rétention devra être prise par une commission régionale composée par un président de chambre et deux conseillers de la cour d’appel saisie à cette fin, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, par le procureur général, et qui statuera, par décision motivée, après un débat contradictoire au cours duquel le condamné sera assisté par un avocat choisi ou commis d’office.

Cette décision pourra être contestée devant une commission nationale composée de trois conseillers à la Cour de cassation, dont la décision motivée pourra faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

La décision de rétention sera valable pour une durée d’un an, mais elle pourra être prolongée, selon les mêmes modalités et pour la même durée tant que la dangerosité de la personne et le risque de récidive perdurent.

La personne retenue sera placée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté sous double tutelle ministérielle (ministère de la justice et ministère de la santé) dans lequel lui sera proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la mesure.

Une structure ad hoc sera créée à titre expérimental au sein de l’établissement public de Fresnes pour accueillir les personnes faisant l’objet d’une rétention de sûreté dès le 1er septembre 2008.

Pendant cette rétention, la personne bénéficiera de droits similaires à ceux des détenus, en matière notamment de visites, de correspondances, d’exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. 

Elle pourra à tout moment demander à la commission régionale ayant décidé de la mesure, qu’il y soit mis fin. La décision de cette commission régionale, susceptible de recours devant la commission nationale de la Cour de cassation, doit intervenir dans un délai de trois mois, à défaut de quoi il sera mis fin d’office à la rétention.

Si la rétention n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin, la personne pourra être soumise aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile et d’une injonction de soins, pendant une période d’un an renouvelable autant de fois que nécessaire, afin de prévenir toute récidive.

Si la personne ne respecte pas ces obligations et que cela traduit à nouveau une particulière dangerosité avec un risque élevée de récidive, elle pourra à nouveau faire l’objet d’une rétention de sûreté si sa dangerosité le justifie.

La rétention de sûreté pourra s’appliquer aux agresseurs d’enfants condamnés à plus de quinze ans de réclusion dans trois cas :

– avant la libération de prison du condamné lorsque la juridiction de jugement aura prévu un réexamen de sa situation ;

– après une mainlevée de la rétention de sûreté si la personne méconnaît les obligations qui lui ont été imposées par la commission régionale (surveillance électronique et/ou obligations de la surveillance judiciaire dont l’injonction de soins) et que cette violation des obligations traduit à nouveau une particulière dangerosité avec un risque élevé de récidive ;

– lorsque la personne dangereuse placée sous surveillance judiciaire méconnaît les obligations qui lui sont imposées dans ce cadre.

S’agissant de cette dernière hypothèse, le projet de loi prévoit que les personnes susceptibles de relever d’une rétention de sûreté peuvent être placées sous surveillance judiciaire au-delà de la limite actuelle (durée totale des réductions de peine accordées).

Elles pourront ainsi notamment être placées plus longtemps sous surveillance électronique mobile et/ou être soumises à une injonction de soins. Cette mesure pourra être prolongée en cas de nécessité par la commission régionale pour une durée d’un an renouvelable tant que la dangerosité de la personne le justifie.

La durée totale du placement sous surveillance électronique mobile ou de l’injonction de soins applicable à ces personnes ne sera donc plus limitée dans le temps. Il s’agira donc d’une véritable alternative à la rétention de sûreté.

Mais si ces personnes ne respectent pas leurs obligations, elles pourront alors être placées en rétention de sûreté, même si la mesure n’avait pas été envisagée ab initio par la juridiction de jugement, ce qui sera notamment le cas pour les personnes condamnées avant l’entrée en vigueur de la loi pour des faits entrant dans le champ d’application de la loi et placées sous surveillance judiciaire.

Les conditions très restrictives du recours à la rétention de sûreté – qui sont notamment sensiblement plus restrictives que celles concernant la surveillance judiciaire – et l’importance des garanties encadrant sa mise en œuvre – qui sont de même plus fortes que celles prévues en matière de surveillance judiciaire – permettent d’assurer que cette mesure ne pourra s’appliquer que de façon exceptionnelle, dans des cas d’une particulière gravité. Elle ne devrait concerner chaque année qu’une dizaine à une vingtaine de condamnés.

La création de la rétention de sûreté conduit, dans un souci de cohérence, à modifier d’autres dispositions du code de procédure pénale, notamment pour :

– s’assurer que deux ans avant la fin de leur peine, les condamnés susceptibles de faire l’objet d’une telle rétention soient convoqués par le juge de l’application des peines afin de faire le bilan de leur suivi médical et psychologique et de se voir proposer, le cas échéant, un traitement au sein d’un établissement pénitentiaire spécialisé : un tel traitement peut en effet être de nature à réduire leur dangerosité et à éviter une rétention de sûreté ;

– permettre le retrait des crédits de réduction de peine des condamnés qui refusent les soins qui leur sont proposés pendant leur détention, ou limiter dans cette hypothèse le montant des réductions de peines supplémentaires pouvant leur être accordées ;

– permettre aux agents et collaborateurs du service public pénitentiaire de transmettre aux personnels de santé intervenant auprès des détenus toutes les informations utiles à la mise en œuvre des mesures de protection des personnes.

II. – Dispositions relatives aux auteurs d’infractions pénalement irresponsables en raison d’un trouble mental

Le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

Cette règle de droit pénal de fond consacre un principe dont la valeur supra législative ne fait aucun doute ; seule une personne dotée de son libre arbitre peut répondre pénalement de ses actes et peut donc être déclarée coupable d’une infraction. Le Conseil constitutionnel a rappelé à cet égard dans sa décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 que « s’agissant des crimes et des délits (…) la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d’actes pénalement sanctionnés. »

À l’inverse, la personne déclarée pénalement irresponsable en raison d’un trouble mental demeure civilement responsable de ses actes en vertu de l’article 489-2 du code civil qui dispose que « celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation. »

Si le principe de l’irresponsabilité pénale des personnes atteintes d’un trouble mental aliénant n’est pas contestable, les modalités procédurales selon lesquelles les juridictions répressives décident de l’irresponsabilité et les conséquences qu’elles en tirent, font en revanche l’objet de vives critiques depuis de longues années. Elles ont déjà conduit à modifier à plusieurs reprises les textes applicables.

Ces modifications, parcellaires, n’ont toutefois pas répondu à la principale critique, qui est que le juge répressif, lorsqu’il applique les dispositions de l’article 122-1 du code pénal, soit rend une ordonnance de non-lieu qui met fin aux poursuites sans débat préalable, sans se prononcer sur les faits, sans informer les victimes des mesures prises ensuite à l’égard de l’auteur et sans statuer sur les conséquences civiles de l’acte commis, soit prononce une relaxe ou un acquittement qui sont perçus comme niant totalement la réalité des faits qui ont été matériellement commis.

Afin de répondre à ces différentes critiques, le présent projet propose de revoir dans son entier le traitement judiciaire de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par les juridictions répressives.

Les dispositions essentielles concernent la procédure d’instruction. Elles prévoient que si le juge d’instruction estime, à la fin de son information, qu’il est susceptible de faire application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, il en informe les parties et le procureur de la République.

Le procureur de la République ou les parties pourront alors demander la saisine de la chambre de l’instruction, qui devra statuer, à l’issue d’une audience publique et contradictoire, sur la question de l’applicabilité de l’article 122-1.

À cette audience, le président ordonnera soit d’office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen si l’état de cette dernière le permet. Elle sera alors obligatoirement assistée par un avocat, qui la représentera si elle ne peut comparaître.

Il sera procédé à l’interrogatoire du mis en examen, s’il est présent, à l’audition des experts et le cas échéant des témoins, qui pourront être interrogés par les parties.

À l’issue de l’audience l’avocat de la partie civile sera entendu, le ministère public prendra ses réquisitions et la personne mise en examen, si elle est présente, ainsi que son avocat présenteront leurs observations.

La chambre de l’instruction pourra alors rendre une des trois décisions suivantes :

– si elle estime qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés, elle prononcera un non-lieu ;

– si elle estime qu’il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal n’est pas applicable, elle ordonnera son renvoi devant la juridiction de jugement (tribunal correctionnel ou cour d’assises selon les cas).

Enfin, si elle estime les charges suffisantes mais que le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal est applicable, elle rendra un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :

– elle déclarera qu’il existe des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés ;

– elle déclarera la personne irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;

– si la partie civile le demande, elle renverra l’affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu’il se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément aux dispositions de l’article 489-2 du code civil, et qu’il statue sur les demandes de dommages et intérêts ;

– elle prononcera s’il y a lieu une ou plusieurs des mesures de sûreté à l’encontre de la personne (interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction ou certaines personnes spécialement désignées, de paraître dans tout lieu spécialement désigné, de détenir ou de porter une arme, ou d’exercer une activité professionnelle ou sociale spécialement désignée sans faire préalablement l’objet d’un examen psychiatrique déclarant la personne apte à exercer cette activité).

Si un accusé ou un prévenu doit être déclaré irresponsable pénalement pour cause de trouble mental, la juridiction de jugement – cour d’assises ou tribunal correctionnel – rendra également, non plus une décision de relaxe ou d’acquittement, mais une décision de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Les décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental seront inscrites au casier judiciaire.

Le débat public devant la chambre de l’instruction ne sera pas systématique. Il n’aura pas lieu si ni le juge d’instruction, ni le parquet, ni les parties ne l’estiment nécessaire. Ce sera le cas lorsque ni la commission matérielle de l’infraction, ni l’état d’irresponsabilité pénale du fait d’un trouble mental ne sont contestés et qu’aucune demande d’indemnisation n’est formée par la victime, ce qui peut notamment être le cas lorsque les faits ont été commis par un proche de celle-ci, tel un membre de sa famille. Le juge d’instruction rendra alors une ordonnance d’irresponsabilité pénale et non plus une ordonnance de non-lieu.

Ces dispositions permettent ainsi de clarifier et de rendre plus cohérent, plus humain et plus compréhensible le traitement par l’autorité judiciaire de la situation des personnes pénalement irresponsables en raison d’un trouble mental.

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Les dispositions du titre II du projet de loi coordonnent tout d’abord les dispositions du code de la santé public relatives à l’hospitalisation d’office avec la nouvelle terminologie du code de procédure pénale sur les décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Par ailleurs, l’importance accrue du dispositif de l’injonction de soins, la diversité et la gravité des infractions concernées implique une révision de ce dispositif pour en accroître l’efficacité et en faciliter la mise en œuvre.

À cet effet, il est proposé d’aménager le dispositif pour renforcer l’efficacité de la fonction de médecin coordonnateur chargé de l’interface entre les autorités judiciaires et les médecins traitants.

Le présent projet propose de réserver aux seuls médecins psychiatres la possibilité d’être médecins coordonnateurs. Par ailleurs, il consacre le rôle des médecins coordonnateurs dans l’évaluation du dispositif ainsi que dans la recherche et la formation. Il permet au médecin coordonnateur et au médecin traitant de disposer des informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions en autorisant la communication des informations médicales détenues par les praticiens dispensant des soins en milieu pénitentiaire.

Enfin, les dispositions relatives au psychologue traitant sont réécrites, afin que ce psychologue ne soit pas seul en charge d’un traitement, mais qu’il intervienne en renfort du médecin traitant.

Les dispositions permettant le recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido sont simplifiées. Il n’est plus exigé que le traitement soit réalisé par un médecin agréé ni que ces médicaments figurent sur une liste fixée par arrêté.

Enfin, en cas de risque pour la sécurité des personnes, les professionnels de santé intervenant au sein des établissements pénitentiaire ou des établissements de santé accueillant des personnes détenues ont l’obligation d’en informer le directeur dans les plus brefs délais.

Cette obligation, qui ne porte nullement atteinte au secret médical, est le pendant de celle prévue pour les agents des établissements pénitentiaires.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

Le projet de loi complète le code de la sécurité sociale afin que les personnes admises en centre socio-médico-judiciaire de sûreté bénéficient des mêmes droits sociaux que les détenus.

Il complète l’article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, afin que les mesures de sûreté qui peuvent être prononcées après la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental soient inscrites dans le fichier des personnes recherchées.

Il prévoit l’application aux personnes soumises à une mesure de surveillance judiciaire dès le 1er septembre 2008 des dispositions permettant la prolongation de la surveillance judiciaire et, en cas de violation des obligations, le placement éventuel du condamné en rétention de sûreté.

Du fait de son caractère de mesure de police, cette application immédiate aux personnes sous main de justice lors de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est en effet constitutionnellement possible, comme le Conseil constitutionnel l’a jugé en 2005 s’agissant de la surveillance judiciaire.

Le projet prévoit de même que ses dispositions relatives aux réductions de peine seront immédiatement applicables aux personnes exécutant une peine privative de liberté.

Il précise enfin les conditions de son application outre-mer.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

TITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT
LE CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la rétention de sûreté

Article 1er

I. – Après l’article 706-53-12 du code de procédure pénale, il est inséré les dispositions suivantes :

« Chapitre III

« De la rétention de sûreté

« Art. 706-53-13. – Lorsque la juridiction a expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne qu’elle a condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à quinze ans, pour l’un des crimes suivants commis sur un mineur de quinze ans :

« 1° Meurtre ou assassinat ;

« 2° Torture ou actes de barbarie ;

« 3° Viol.

« Cette personne peut, à compter du jour où la privation de liberté prend fin, faire l’objet d’une rétention de sûreté lorsqu’elle présente une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commettre à nouveau l’une de ces infractions.

« Cette mesure consiste dans le placement de la personne intéressée en centre fermé en vue de sa prise en charge médicale et sociale.

« Art. 706-53-14. – La situation des personnes mentionnées à l’article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l’article 763-10, afin d’évaluer leur dangerosité.

« À cette fin, la commission rassemble tous les éléments d’information utiles et fait notamment procéder à une expertise médicale dont elle détermine les modalités ainsi que, le cas échéant, aux enquêtes nécessaires.

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l’objet d’une rétention de sûreté dans le cas où : 

« 1° Les obligations résultant de l’inscription dans le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d’une injonction de soins ou d’un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d’être prononcés dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l’article 706-53-13 ;

« 2° Et cette rétention constitue ainsi l’unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est particulièrement élevée, de ces infractions.

« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au juge de l’application des peines pour qu’il apprécie la suite à donner au regard d’un éventuel placement sous surveillance judiciaire.

« Art. 706-53-15. – La décision de rétention de sûreté est prise par une commission régionale composée par un président de chambre et deux conseillers de la cour d’appel, désignés par le premier président de cette cour pour une durée de trois ans.

« La commission régionale est saisie à cette fin par le procureur général, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, au moins trois mois avant la date prévue pour la libération du condamné. Elle statue après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.

« La décision de rétention de sûreté doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l’article 706-53-14.

« Cette décision est exécutoire immédiatement à l’issue de la peine du condamné.

« Elle peut faire l’objet d’un recours devant une commission nationale composée de trois conseillers à la Cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de cette cour.

« La commission nationale statue par une décision motivée qui n’est pas susceptible de recours, à l’exception d’un pourvoi en violation de la loi devant la Cour de cassation.

« Art. 706-53-16. – La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d’un an.

« La rétention de sûreté peut être renouvelée selon les mêmes modalités et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues par l’article 706-53-14 sont toujours remplies.

« Art. 706-53-17. – La personne retenue est placée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention.

« Art. 706-53-18. – La personne qui fait l’objet d’une rétention de sûreté peut demander à la commission régionale qu’il soit mis fin à la mesure. Il est mis fin d’office à la rétention si la commission n’a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai de trois mois.

« La décision de la commission régionale peut faire l’objet du recours prévu à l’article 706-53-15.

« Art. 706-53-19. – La commission régionale ordonne d’office qu’il soit mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues par l’article 706-53-14 ne sont plus remplies.

« Art. 706-53-20. – Si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin en application des dispositions de l’article 706-53-18 ou de l’article 706-53-19 et si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l’article 706-53-13, la commission régionale peut, par la même décision et après débat contradictoire, soumettre celle-ci pendant une durée d’un an aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile conformément aux dispositions des articles 763-12 et 763-13 ainsi qu’à des obligations similaires à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire de l’article 723-30, et notamment à une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique.

« À l’issue de ce délai, la commission régionale peut prolonger tout ou partie de ces obligations pour une même durée par une décision prise, après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d’office. Cette décision peut faire l’objet du recours prévu à l’article 706-53-15. Ces obligations peuvent à nouveau être prolongées pour une même durée et selon les mêmes modalités.

« Si la méconnaissance par la personne des obligations qui lui sont imposées fait apparaître que celle-ci présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commission des infractions mentionnées à l’article 706-53-13, le président de la commission régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la commission régionale statuant conformément aux dispositions de l’article 706-53-15, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, à défaut de quoi il est mis fin d’office à la rétention.

« Art. 706-53-21. – Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la personne faisant l’objet d’une libération conditionnelle. 

« Elles ne peuvent faire obstacle aux obligations ordonnées dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire.

« Art. 706-53-22. – Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions et les modalités d’application du présent chapitre.

« Ce décret précise les restrictions justifiées par l’ordre public apportées à l’exercice des droits des personnes retenues dans un centre socio-médico-judicaire de sûreté, en matière notamment de visites, de correspondances, d’exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile.

« La liste des cours d’appel dans lesquelles siègent les commissions prévues au premier alinéa de l’article 706-53-15 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux. »

II. – L’article 717-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Deux ans avant la date prévue pour la libération d’un condamné susceptible de relever des dispositions de l’article 706-53-13, celui-ci est convoqué par le juge de l’application des peines auprès duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé en application du troisième alinéa du présent article. Au vu de ce bilan, le juge de l’application des peines lui propose, le cas échéant, de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé.

« Les agents et collaborateurs du service public pénitentiaire transmettent aux personnels de santé chargés de dispenser des soins aux détenus les informations nécessaires à la mise en œuvre des mesures de protection des personnes. »

III. – L’article 723-37 du même code devient l’article 723-39 et il est inséré, après l’article 723-36, deux articles ainsi rédigés :

« Art. 723-37. – Lorsque le placement sous surveillance judiciaire a été prononcé à l’encontre d’une personne faisant l’objet de l’une des condamnations visées à l’article 706-53-13, la commission régionale mentionnée à l’article 706-53-15 peut, selon les modalités prévues par cet article, décider d’en prolonger les effets, au-delà de la limite prévue à l’article 723-29, pour une durée d’un an.

« La commission régionale est saisie par le juge de l’application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la mesure.

« Cette prolongation ne peut être ordonnée que si le condamné a fait l’objet d’une expertise concluant qu’il présente toujours une dangerosité et à la condition qu’elle constitue l’unique moyen de prévenir la commission d’un crime mentionné à l’article 706-53-13 dont la probabilité est élevée.

« Elle ne peut être ordonnée que si les obligations résultant de l’inscription dans le fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour éviter la récidive.

« Cette prolongation peut être renouvelée selon les mêmes modalités et pour la même durée si les conditions prévues par le présent article demeurent remplies. 

« Les articles 723-30, 723-33 et 723-34 sont applicables.

« Les dispositions du dernier alinéa de l’article 706-53-20 sont applicables en cas de méconnaissance par la personne de ses obligations.

« Art. 723-38. – Lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d’une surveillance judiciaire à l’encontre d’une personne mentionnée à l’article 706-53-13, il peut être renouvelé tant que la mesure de surveillance judiciaire est prolongée. »

Chapitre II

Dispositions relatives aux réductions de peines

Article 2

I. – Après la première phrase du troisième alinéa de l’article 721 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il peut également ordonner le retrait lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur de quinze ans, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viols, agression sexuelle ou atteinte sexuelle et qu’elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l’application des peines en application des dispositions des articles 717-1 ou 763-7. »

II. – Le deuxième alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale est complété par les dispositions suivantes :

« Lorsque la personne a été condamnée pour les crimes ou délits, commis sur un mineur de quinze ans, de meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle, la réduction ne peut excéder deux mois par an ou quatre jours par mois, ou, si elle est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois, dès lors qu’elle refuse les soins qui lui ont été proposés. »

Chapitre III

Dispositions applicables en cas d’irresponsabilité pénale
en raison d’un trouble mental

Article 3

Il est inséré, après l’article 706-118 du code de procédure pénale, les dispositions suivantes :

« TITRE XXVIII

« DE LA PROCÉDURE ET DES DÉCISIONS D’IRRESPONSABILITÉ PÉNALE
POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL

« Chapitre Ier

« Dispositions applicables devant le juge d’instruction
et la chambre de l’instruction

« Art. 706-119. – Si le juge d’instruction estime, lorsque son information lui paraît terminée, qu’il est susceptible de faire application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal relatif à l’irresponsabilité pénale d’une personne en raison d’un trouble mental, il en informe les parties lorsqu’il les avise ainsi que le procureur de la République lorsqu’il lui communique le dossier, en application du premier alinéa de l’article 175.

« Le procureur de la République, dans ses réquisitions, et les parties, dans leurs observations, indiquent s’ils demandent la saisine de la chambre de l’instruction afin que celle-ci statue sur l’application de ces dispositions conformément aux articles 706-122 à 706-127.

« Art. 706-120. – Lorsqu’au moment du règlement de son information, le juge d’instruction estime, après avoir constaté qu’il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d’avoir commis les faits reprochés, qu’il y a des raisons plausibles d’appliquer le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, il ordonne, soit d’office soit si le procureur de la République ou une partie en a formulé la demande, que le dossier de la procédure soit transmis par le procureur de la République au procureur général près la cour d’appel aux fins de saisine de la chambre de l’instruction.

« À défaut de cette transmission, il rend une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

« Art. 706-121. – L’ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

« L’ordonnance de transmission de pièces ne met pas fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, qui se poursuit jusqu’à l’audience de la chambre de l’instruction, sans préjudice de la possibilité pour le juge d’instruction, par ordonnance distincte, d’ordonner la mise en liberté ou la levée du contrôle judiciaire. S’il n’a pas été mis fin à la détention provisoire, la chambre de l’instruction doit statuer dans un délai de six mois à compter de la date de l’ordonnance de transmission de pièces, à défaut de quoi la personne mise en examen est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause.

« Art. 706-122. – Lorsque la chambre de l’instruction est saisie en application des dispositions de l’article 706-120, son président ordonne soit d’office soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen si l’état de cette dernière le permet. Si celle-ci n’est pas assistée d’un avocat, le bâtonnier en désigne un d’office à la demande du président de la juridiction. Cet avocat représente la personne même si celle-ci ne peut comparaître.

« Les débats se déroulent et l’arrêt est rendu en audience publique, hors les cas de huis clos prévus par l’article 306.

« Le président procède à l’interrogatoire du mis en examen, s’il est présent, conformément aux dispositions de l’article 442.

« Les experts ayant examiné la personne mise en examen doivent être entendus par la chambre de l’instruction, conformément aux dispositions de l’article 168.

« Sur décision de son président, la juridiction peut également entendre au cours des débats, conformément aux dispositions des articles 436 à 457, les témoins cités par les parties ou le ministère public si leur audition est nécessaire pour établir si la personne a commis les faits qui lui sont reprochés ou déterminer si le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal est applicable.

« Le procureur général, l’avocat de la personne mise en examen et l’avocat de la partie civile peuvent poser des questions à la personne mise en examen, à la partie civile, aux témoins et aux experts, conforment aux dispositions de l’article 442-1.

« La personne mise en examen, si elle est présente, et la partie civile peuvent également poser des questions par l’intermédiaire du président.

« Une fois l’instruction à l’audience terminée, l’avocat de la partie civile est entendu et le ministère public prend ses réquisitions.

« La personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat présentent leurs observations.

« La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais la personne mise en examen, si elle est présente, et son avocat auront la parole les derniers.

« Art. 706-123. – Si elle estime qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés, la chambre de l’instruction déclare qu’il n’y a lieu à suivre.

« Art. 706-124. – Si elle estime qu’il existe des charges suffisantes contre la personne mise en examen d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés et que le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal n’est pas applicable, la chambre de l’instruction ordonne le renvoi de la personne devant la juridiction de jugement compétente.

« Art. 706-125. – Dans les autres cas, la chambre de l’instruction rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :

« 1° Elle déclare qu’il existe des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés ;

« 2° Elle déclare la personne irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;

« 3° Si la partie civile le demande, elle renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu’il se prononce sur la responsabilité civile de la personne, conformément aux dispositions de l’article 489-2 du code civil, et statue sur les demandes de dommages et intérêts ;

« 4° Elle prononce, s’il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.

« Art. 706-126. – L’arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

« Il peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

« Art. 706-127. – Les dispositions des articles 211 à 218 sont applicables aux décisions prévues aux articles 706-123 à 706-125.

« Art. 706-128. – Les dispositions des articles 706-122 à 706-127 sont applicables devant la chambre de l’instruction en cas d’appel d’une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou en cas d’appel d’une ordonnance de renvoi lorsque cet appel est formé par une personne mise en examen qui invoque l’application des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal.

« Chapitre II

« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel
ou la cour d’assises

« Section 1

« Dispositions applicables devant la cour d’assises

« Art. 706-129. – Lorsqu’en application des dispositions des articles 349-1 et 361-1, la cour d’assises a au cours du délibéré répondu positivement à la première question relative à la commission des faits et positivement à la seconde question portant sur l’application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, elle déclare l’irresponsabilité pénale de l’accusé pour cause de trouble mental.

« Art. 706-130. – Lorsque la cour d’assises rentre dans la salle d’audience en application des dispositions de l’article 366, le président prononce un arrêt portant déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

« Cet arrêt met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

« Art. 706-131. – En application des dispositions de l’article 371 du présent code et conformément aux dispositions de l’article 489-2 du code civil, la cour, sans l’assistance du jury, statue alors sur les demandes de dommages et intérêts formées par la partie civile.

« Elle prononce s’il y a lieu une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.

« Art. 706-132. – Pour l’application de l’article 380-2, le procureur général peut faire appel des arrêts portant déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. La cour d’assises statuant en appel est alors désignée conformément aux dispositions des articles 380-14 et 380-15.

« L’accusé et la partie civile peuvent faire appel de la décision sur l’action civile. L’appel est alors porté devant la chambre des appels correctionnels, conformément aux dispositions de l’article 380-5.

« Section 2

« Dispositions applicables devant le tribunal correctionnel

« Art. 706-133. – S’il estime que les dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal sont applicables, le tribunal correctionnel rend un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :

« 1° Il déclare que la personne a commis les faits qui lui étaient reprochés ;

« 2° Il déclare la personne irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;

« 3° Il se prononce sur la responsabilité civile de la personne auteur des faits, conformément aux dispositions de l’article 489-2 du code civil, et statue, s’il y a lieu, sur les demandes de dommages et intérêts formées par la partie civile ;

« 4° Il prononce s’il y a lieu une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre.

« Le jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

« Art. 706-134. – Les dispositions de l’article 706-133 sont applicables devant la chambre des appels correctionnels.

« Elles sont également applicables, à l’exception du 4°, devant le tribunal de police ou la juridiction de proximité.

« Chapitre III

« Mesures de sûreté pouvant être ordonnées
en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale
pour cause de trouble mental

« Art. 706-135. – Lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l’encontre de la personne les mesures de sûreté suivantes, pendant une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement :

« 1° Interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction ou certaines personnes spécialement désignées ;

« 2° Interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ;

« 3° Interdiction de détenir ou de porter une arme ;

« 4° Interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale spécialement désignée, dans l’exercice de laquelle ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise, sans faire préalablement l’objet d’un examen psychiatrique déclarant la personne apte à exercer cette activité.

« Ces interdictions, qui ne peuvent être prononcées qu’après une expertise psychiatrique, ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est susceptible de faire l’objet.

« Si la personne est hospitalisée en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, les interdictions dont elle fait l’objet sont applicables pendant la durée de l’hospitalisation et se poursuivent après la levée de cette hospitalisation, pendant la durée fixée par la décision.

« Art. 706-136. – La personne qui fait l’objet d’une interdiction prononcée en application de l’article 706-135 peut, après l’expiration d’un délai de six mois à compter du jour où la décision est devenue définitive, demander au juge des libertés et de la détention du lieu de la situation de l’établissement hospitalier ou de son domicile d’ordonner sa modification ou sa levée. Celui-ci statue en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, le demandeur ou son avocat entendus ou dûment convoqués. Il peut solliciter l’avis préalable de la victime. La levée de la mesure ne peut être décidée qu’au vu du résultat d’une expertise psychiatrique. En cas de rejet de la demande, aucune demande ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai de six mois.

« Art. 706-137. – Lorsque l’interdiction prévue au 1° de l’article 706-135 est prononcée, la partie civile peut demander à être informée par le procureur de la République de la levée de l’hospitalisation d’office dont cette personne aura pu faire l’objet en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique.

« La partie civile peut, à tout moment, indiquer au procureur de la République qu’elle renonce à cette demande.

« Art. 706-138. – La méconnaissance par la personne qui en a fait l’objet des interdictions prévues par l’article 706-135 est punie, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.

« Art. 706-139. – Un décret précise en tant que de besoin les modalités d’application du présent titre. »

Article 4

I. – La première phrase de l’article 167-1 du code de procédure pénale est remplacée par les dispositions suivantes :

« Lorsque les conclusions de l’expertise sont de nature à conduire à l’application des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal prévoyant l’irresponsabilité pénale de la personne en raison d’un trouble mental, leur notification à la partie civile est effectuée dans les conditions prévues par le premier alinéa de l’article 167, le cas échéant en présence de l’expert ou des experts. En matière criminelle, cette présence est obligatoire si l’avocat de la partie civile le demande. »

II. – Au deuxième alinéa de l’article 177 du même code, les mots : « le premier alinéa de l’article 122-1, » sont supprimés.

III. – L’article 199-1 du même code est abrogé.

IV. – L’article 361-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si elle a répondu positivement à la première question et positivement à la seconde question portant sur l’application des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, il est fait application des dispositions des articles 706-129 et suivants relatifs à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. »

V. – Il est inséré, après l’article 470-1 du même code, un article 470-2 ainsi rédigé :

« Art. 470-2. – Le tribunal correctionnel ne peut relaxer le prévenu en raison d’une cause d’irresponsabilité pénale prévues par les articles 122-2, 122-3, 122-4 (premier et second alinéas), 122-5 (premier et second alinéas) et 122-7 du code pénal qu’après avoir constaté que celui-ci avait commis les faits qui lui était reprochés.

« Dans le cas où il estime qu’est applicable le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, il statue conformément aux dispositions de l’article 706-133 relatif à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. »

VI. – L’article 768 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 10° Les jugements et arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. »

VII. – Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 769 du même code, il est inséré, après les mots : « des condamnations », les mots : « ou des décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».

VIII. – Après le 15° de l’article 775 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 16° Les décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, sauf si ont été prononcées des interdictions prévues par l’article 706-135, tant que ces interdictions n’ont pas cessé leurs effets. »

TITRE II

DISPOSITIONS MODIFIANT
LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique, les mots : « bénéficié d’un non-lieu, d’une décision de relaxe ou d’acquittement en application des dispositions de l’article 122-1 du code pénal », sont remplacés par les mots : « fait l’objet d’un classement sans suite motivé par les dispositions de l’article 122-1 du code pénal, d’une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou d’un jugement ou arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ».

Article 6

Le livre VII de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 3711-1 est modifié comme suit :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Pour la mise en œuvre de l’injonction de soins prévue par les articles 131-36-4 et 132-45-1 du code pénal et les articles 723-30 et 731-1 du code de procédure pénale, le juge de l’application des peines désigne, sur une liste de psychiatres établie par le procureur de la République, un médecin coordonnateur qui est chargé : » ;

b) Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :

« 5° De coopérer à la réalisation d’évaluations périodiques du dispositif de l’injonction de soins ainsi qu’à des actions de formation et d’étude. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 3711-2, est inséré l’alinéa suivant :

« Sans que leur soient opposables les dispositions de l’article 226-13 du code pénal, les praticiens chargés de dispenser des soins en milieu pénitentiaire communiquent les informations médicales qu’ils détiennent sur le condamné au médecin coordonnateur afin qu’il les transmette au médecin traitant. » ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 3711-3 est ainsi rédigé :

« Le médecin traitant est habilité à prescrire au condamné, avec le consentement écrit et renouvelé, au moins une fois par an, de ce dernier, un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido. » ;

4° Le premier alinéa de l’article L. 3711-4-1 est ainsi rédigé :

« Si la personnalité du condamné le justifie, le médecin coordonnateur peut inviter celui-ci à choisir, en plus du médecin traitant, un psychologue titulaire des diplômes précisés par arrêté du ministre chargé de la santé. »

Article 7

À la fin de la première phrase du neuvième alinéa de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, sont ajoutés les mots : « et aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté ».

Article 8

L’article L. 6141-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, il est inséré, après les mots : « des personnes incarcérées », les mots : « ou des personnes faisant l’objet d’une rétention de sûreté » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès lors qu’il existe un risque sérieux pour la sécurité des personnes au sein des établissements mentionnés au premier alinéa du présent article, les personnels soignants intervenant au sein de ces établissements et ayant connaissance de ce risque sont tenus de le signaler dans les plus brefs délais au directeur de l’établissement en lui transmettant, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, les informations utiles à la mise en œuvre de mesures de protection.

« Les mêmes obligations sont applicables aux personnels soignants intervenant au sein des établissements pénitentiaires. »

TITRE III

Dispositions diverses

Article 9

I. – La section 9 du chapitre Ier du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale est ainsi intitulée : « Détenus et personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté ».

II. – À la section 9 du chapitre Ier du titre VIII du livre III du code de la sécurité sociale, il est créé un article 381-31-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 381-31-1. – Les dispositions de la présente section s’appliquent aux personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. »

Article 10

Après le 11° du I de l’article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, il est inséré l’alinéa suivant :

« 11° bis Les interdictions prononcées en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale ; ».

Article 11

À compter du 1er janvier 2009, la référence à l’article 489-2 du code civil mentionnée aux articles 706-125, 706-131 et 706-133 du code de procédure pénale résultant respectivement des articles 3 et 4 de la présente loi est remplacée par la référence à l’article 414-3 du code civil.

Article 12

Les dispositions du III de l’article 1er sont applicables à compter du 1er septembre 2008 aux personnes faisant l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire.

Les dispositions de l’article 2 sont applicables aux personnes exécutant une peine privative de liberté à la date de publication de la présente loi.

Article 13

I. – Les articles 1er à 4, 6, 9 et 11 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

II. – La présente loi est applicable à Mayotte.

Fait à Paris, le 28 novembre 2007.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
La garde des sceaux, ministre de la justice


Signé :
Rachida DATI


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