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Amendements  sur le projet ou la proposition

Document
mis en distribution

le 12 décembre 2008


N° 1314

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 décembre 2008.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44
de la
Constitution
,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Roger KAROUTCHI,

secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a profondément rénové les dispositions du titre V de la Constitution qui traitent des rapports du Gouvernement et du Parlement, en particulier celles qui régissent la procédure législative.

Plus de quinze des articles de ce titre V ont été modifiés ; cinq articles nouveaux y ont été ajoutés. Certaines des nouvelles dispositions constitutionnelles requièrent l’adoption de dispositions organiques pour entrer en vigueur. Tel est le cas des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Le présent projet de loi rassemble les dispositions de nature organique qui sont nécessaires pour permettre l’application de ces trois articles de la Constitution. Il met ainsi en œuvre les instruments prévus par la révision constitutionnelle aux fins d’améliorer la qualité de la loi, de renforcer l’efficacité du travail parlementaire et de diversifier les modalités d’expression du Parlement.

Le chapitre Ier comprend les dispositions organiques nécessaires à l’application du nouvel article 34-1 de la Constitution relatif aux résolutions. Destiné à renforcer les capacités d’expression du Parlement dans le débat public, le droit de chaque assemblée d’adopter des résolutions évitera aussi de charger les lois de dispositions insuffisamment normatives.

L’article 1er précise que les propositions de résolution doivent être signées par un ou plusieurs membres de l’assemblée et sont déposées sur le bureau de l’assemblée.

L’article 2 prévoit que les propositions de résolution sont renvoyées à l’examen d’une des commissions permanentes de l’assemblée et sont transmises au Premier ministre.

L’article 3 dispose, conformément à ce que prévoit l’article 34-1 de la Constitution, qu’une proposition est irrecevable et ne peut être examinée en commission ni être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée, si le Premier ministre fait connaître que le Gouvernement estime que la proposition met en cause sa responsabilité ou contient une injonction à son égard.

L’article 4 détermine les conditions dans lesquelles les propositions de résolution peuvent être inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée. Un délai minimum de huit jours doit séparer l’examen en commission de la discussion en séance. Par ailleurs, un délai minimum de douze mois doit s’écouler avant que puisse être réinscrite à l’ordre du jour de l’assemblée une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition précédente.

L’article 5 indique que les membres du Gouvernement sont entendus sur leur demande au cours de la discussion des propositions de résolution en commission et en séance. Il précise, en outre, que la proposition de résolution ne peut être amendée et que le texte mis aux voix est celui qui a été initialement présenté, le cas échéant rectifié par les signataires de la proposition.

Le chapitre II rassemble les dispositions organiques destinées à permettre l’application des nouvelles dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 39 de la Constitution, qui prévoient que « la présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale et le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » et déterminent les conséquences qui s’attacheraient à la méconnaissance de ces conditions.

L’article 6 prévoit que les projets de loi sont précédés d’un exposé des motifs.

L’article 7 prévoit qu’il est joint aux projets de loi déposés un ou plusieurs documents rendant compte des travaux d’évaluation préalable qui ont été réalisés avant la présentation des projets au Parlement. Cette évaluation préalable vise à mettre en oeuvre l’objectif poursuivi par le pouvoir constituant de maîtrise de l’inflation législative et de qualité du processus normatif. L’article 7 définit la teneur des travaux d’évaluation préalable, en précisant qu’elle est fonction de l’ampleur de la réforme proposée et de son urgence ainsi que, le cas échéant, de l’importance de son incidence prévisible pour les comptes publics ou du nombre de personnes directement concernées. L’évaluation préalable intègre, notamment, une appréciation de la législation existante, la définition des objectifs poursuivis, les options possibles en dehors de la modification des règles législatives. Elle comporte également une estimation des conséquences économiques, financières, sociales, environnementales de la réforme. Elle rend compte des consultations menées. Elle analyse l’application dans le temps de la nouvelle législation et, s’il y a lieu, les mesures transitoires envisagées.

L’article 8 précise le délai dans lequel la Conférence des présidents de l’assemblée saisie initialement se prononce sur le respect des règles de présentation des projets de loi.

L’article 9, modifiant l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, insère dans ce texte organique les dispositions organisant les modalités de son intervention en matière de présentation des projets de loi au titre du quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution. Le nouvel article 26-1 ajouté à l’ordonnance organique prévoit que l’autorité qui saisit le Conseil constitutionnel en cas de refus d’inscription à l’ordre du jour, c’est-à-dire le président de l’assemblée intéressée ou le Premier ministre, avise immédiatement l’autre autorité ayant compétence à cet effet. Il précise également que le Conseil constitutionnel se prononce dans le délai prévu par la Constitution par une décision motivée qui est ensuite notifiée au président de l’assemblée intéressée et au Premier ministre puis publiée au Journal officiel.

L’article 10 énumère les catégories de projets de loi pour lesquelles le dépôt de documents rendant compte des travaux d’évaluation préalable soit n’est pas exigé (projets de révision constitutionnelle, projets de loi de programmation, projets de loi relatifs aux états de crise et projets de loi de ratification pour lesquels la procédure n’a pas de signification ou n’est pas adaptée, ainsi que projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, dont les règles de présentation obéissent à des règles particulières), soit répond à un régime particulier dérogatoire eu égard à leurs spécificités (projets de loi d’habilitation d’ordonnances visés à l’article 38 de la Constitution et projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation d’accords internationaux visés à l’article 53 de la Constitution).

L’article 14 précise que les dispositions de ce chapitre II s’appliqueront aux projets de loi déposés à compter du 1er octobre 2009. Ce délai est nécessaire pour permettre au Gouvernement d’appliquer avec la rigueur voulue les règles qui désormais s’imposeront à la préparation en amont des projets de lois.

Le chapitre III du projet rassemble les dispositions de nature organique relatives à l’application du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, selon lequel le droit d’amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement, « s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». La rationalisation des conditions d’exercice du droit d’amendement est une attente forte et ancienne et le principe posé à l’article 42 modifié de la Constitution, qui veut désormais que sauf exceptions la discussion en séance porte sur le texte adopté en commission, impose de rénover les règles en vigueur. Les règlements des assemblées complèteront le cadre prévu par le présent projet de loi organique.

L’article 11 énonce des règles encadrant de façon générale l’exercice du droit d’amendement. Outre des règles sommaires de présentation, il prévoit les conditions de recevabilité dans le temps des amendements afin de garantir la clarté et la sincérité du débat parlementaire ainsi que la qualité du travail législatif. Il précise que l’examen et le vote des amendements en commission interviendront en présence du Gouvernement, à sa demande ou à celle du bureau de la commission.

Les articles 12 et 13 habilitent les règlements des assemblées à adopter des règles particulières applicables dans l’hypothèse où ces règlements institueraient une procédure d’examen simplifié ou une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte. Dans le premier cas, le texte adopté par la commission sera seul mis en discussion sauf amendement du Gouvernement ou de la commission ; dans le second, les amendements des membres du Parlement qui n’auraient pas été débattus dans les délais requis pourront être mis aux voix sans discussion.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Chapitre Ier

Dispositions, prises en vertu de l’article 34-1 de la Constitution, relatives aux résolutions parlementaires

Article 1er

Les propositions de résolution déposées sur le bureau d’une assemblée au titre de l’article 34-1 de la Constitution sont signées par un ou plusieurs membres de cette assemblée.

Article 2

Le président de l’assemblée renvoie toute proposition de résolution à l’une des commissions mentionnées à l’article 43 de la Constitution.

Il les transmet sans délai au Premier ministre.

Article 3

Lorsque le Premier ministre fait savoir au président de l’assemblée qu’une proposition de résolution contient une injonction à l’égard du Gouvernement ou que son adoption ou son rejet serait de nature à mettre en cause la responsabilité de celui-ci, cette proposition ne peut être examinée en commission ni inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée.

Article 4

Une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée moins de huit jours après son examen en commission.

Une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour avant l’expiration d’un délai de douze mois suivant la discussion en séance de la proposition antérieure.

Article 5

Au cours de la discussion des propositions de résolution en commission et en séance, les membres du Gouvernement sont entendus à leur demande.

Aucun amendement n’est recevable. Le texte mis aux voix est celui de la proposition initiale, le cas échéant rectifié par ses signataires après l’examen en commission.

Chapitre II

Dispositions, prises en vertu de l’article 39 de la Constitution,
relatives à la présentation des projets de loi

Article 6

Les projets de loi sont précédés de l’exposé de leurs motifs.

Article 7

Il est joint aux projets de loi déposés sur le bureau de l’assemblée saisie un ou plusieurs documents qui rendent compte des travaux d’évaluation préalable réalisés.

L’évaluation préalable comprend une appréciation de la législation existante, la définition des objectifs poursuivis, l’exposé des options possibles en dehors de l’intervention de règles de droit nouvelles ainsi qu’une estimation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales de la réforme.

Elle rend compte des consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’État. Elle analyse l’application dans le temps de la nouvelle législation et les mesures transitoires éventuellement proposées.

La teneur de l’évaluation est fonction de l’ampleur de la réforme proposée et de son urgence ainsi que, le cas échéant, de l’importance de son incidence prévisible pour les comptes des administrations publiques ou du nombre de personnes directement concernées.

Article 8

La Conférence des présidents de l’assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé se prononce sur le respect des règles fixées par le présent chapitre dans un délai de dix jours suivant le dépôt.

Article 9

Est inséré, après le chapitre III du titre II de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, un chapitre III bis ainsi rédigé :

« Chapitre III bis

« De l’examen des conditions de présentation des projets de loi

« Art. 26-1. – Lorsque survient le désaccord évoqué au quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitution, celle des deux autorités qui fait usage du pouvoir, conféré par cet alinéa, de saisir le Conseil constitutionnel en avise aussitôt l’autre.

« La décision du Conseil constitutionnel est motivée et notifiée au président de l’assemblée intéressée et au Premier ministre. Elle est publiée au Journal officiel de la République française. »

Article 10

L’article 7 n’est pas applicable aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, aux projets de loi de programmation visés à l’article 34 de la Constitution, aux projets de loi de ratification d’ordonnances ainsi qu’aux projets de loi relatifs aux états de crise.

L’article 7 n’est pas applicable aux projets de loi par lesquels le Gouvernement demande au Parlement, en application de l’article 38 de la Constitution, l’autorisation de prendre des mesures par ordonnances. Toutefois le dépôt de ces projets est accompagné de la présentation d’éléments d’évaluation succincts.

L’article 7 n’est pas applicable aux projets de loi présentés au titre de l’article 53 de la Constitution. Toutefois, le dépôt de ces projets est accompagné de documents précisant les objectifs poursuivis par les traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières, sociales et environnementales et analysant leurs effets sur l’ordre juridique français.

Chapitre III

Dispositions, prises en vertu de l’article 44 de la Constitution,
relatives au droit d’amendement

Article 11

Les amendements sont présentés par écrit et sont sommairement motivés.

Les amendements des membres des assemblées cessent d’être recevables après le début de l’examen du texte. Les règlements des assemblées peuvent déterminer les conditions dans lesquelles est fixée une date antérieure à compter de laquelle ces amendements ne sont plus recevables.

Après l’expiration de ces délais, sont seuls recevables les amendements déposés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond.

Les amendements sont examinés et votés en commission en présence du Gouvernement, à sa demande ou répondant à l’invitation du bureau de la commission.

Article 12

Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure d’examen simplifié pour des textes qui s’y prêtent, prévoir que le texte adopté par la commission saisie au fond est seul mis en discussion, sauf amendement du Gouvernement ou de la commission.

Article 13

Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion.

Chapitre IV

Dispositions transitoires

Article 14

Les dispositions du chapitre Ier et du chapitre III de la présente loi entrent en vigueur le 1er mars 2009.

Celles de son chapitre II sont applicables aux projets de loi déposés à compter du 1er octobre 2009.

Fait à Paris, le 10 décembre 2008.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le
secrétaire d’État chargé des relations
avec le Parlement,

Signé : Roger Karoutchi


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