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le 24 mars 2009


N° 1521

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2009.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe

pour la protection des enfants contre l’exploitation
et les
abus sexuels,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,
Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes
.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

I. – Contexte

L’exploitation et les abus sexuels font partie des pires formes de violence à l’égard des enfants. Selon l’UNICEF, l’industrie dite « du sexe » fait travailler environ deux millions d’enfants chaque année et plus d’un million de photographies représentant 10 000 à 20 000 enfants victimes d’abus sexuels circulent sur Internet.

Deux congrès mondiaux contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ont eu lieu à Stockholm en 1996 et à Yokohama en 2001, permettant l’adoption de la Déclaration et le Programme d’action de Stockholm ainsi que l’Engagement mondial de Yokohama.

Le Conseil de l’Europe, pour sa part, s’est saisi de la question de la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels depuis de nombreuses années.

Ainsi, le plan d'action adopté à l’issue du deuxième sommet des chefs d’État et de Gouvernement (Strasbourg, octobre 1997) a appelé les États membres à réexaminer leurs législations nationales en vue de parvenir à des normes communes de protection des enfants victimes ou menacés de traitements inhumains, et à développer leur coopération, dans le cadre du Conseil de l'Europe, en vue de prévenir toute forme d'exploitation des enfants, y compris par la production, la vente, la commercialisation et la détention de matériel pornographique impliquant des enfants.

Cet engagement politique, qui s’est traduit notamment par l’adoption, en 2001, de la Recommandation (2001) 16 sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, a été réitéré à l’occasion du troisième sommet des chefs d’État et de Gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe (Varsovie, 16 mai 2005).

Suite au plan d'action adopté à l’issue du sommet, prévoyant notamment l’élaboration d’instruments juridiques pour mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté, le 22 mars 2006, un mandat confiant au comité d’experts sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (PC-ES) le soin de « procéder à un examen de la mise en œuvre des instruments internationaux en vigueur dans le domaine de la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle et, si nécessaire, des instruments relatifs à la coopération juridique, en vue d’évaluer la nécessité d’un nouvel instrument international juridiquement contraignant, doté d’un mécanisme de suivi, ou d’un instrument non contraignant, et/ou d’amendements aux instruments existants. »

Ce comité d’experts a été mandaté par le comité directeur pour les problèmes criminels (CDPC) de préparer un instrument juridiquement contraignant comportant, en particulier, des incriminations et des dispositions relatives aux enquêtes et aux sanctions, aux droits des victimes, y compris le droit à réparation, à la prévention et à la coopération internationale, ainsi qu’au suivi de la mise en œuvre de leurs obligations par les États Parties.

Le projet de convention élaboré par le groupe d’experts, après approbation par le comité directeur pour les problèmes criminels, a été adopté par le comité des ministres le 12 juillet 2007.

Cette convention, ouverte à l’adhésion d’États non membres du Conseil de l’Europe, constitue le premier texte global sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels à portée universelle.

Elle a été ouverte à la signature des États membres en marge de la vingt-huitième conférence des ministres de la justice du Conseil de l’Europe, qui se tenait à Lanzarote (Espagne), les 25 et 26 octobre 2007, et signée à cette occasion, pour la France, par le garde des sceaux, ministre de la justice.

II. – Principales dispositions

La convention, qui comporte une cinquantaine d’articles, aborde l’ensemble des questions liées à l’exploitation et aux abus sexuels dont sont victimes les enfants.

Les articles 1er à 3 précisent l’objet de la convention, rappellent la prohibition de toute discrimination dans la mise en œuvre des mesures qu’elle édicte et énoncent plusieurs définitions employées dans le reste de la convention. Ces définitions n’opèrent pas de distinction entre les « abus sexuels » à l’encontre des enfants et « l’exploitation sexuelle » des enfants, en raison de la difficulté à classer dans l’une ou l’autre de ces catégories certaines des infractions établies par la convention.

Les articles 4 à 9 traitent des mesures préventives que les États Parties doivent mettre en œuvre pour éviter l’exploitation et les abus sexuels à l’encontre des enfants. La convention impose de prendre en compte ces questions dans le recrutement et la formation des personnes amenées à entretenir des contacts avec des enfants dans un cadre professionnel, en particulier en s’assurant de l’absence d’antécédents judiciaires pour des faits d’abus sexuels par les candidats aux professions impliquant un contact habituel avec les enfants. Au titre des mesures préventives, l’article 7 prévoit la possibilité, pour les personnes qui ne sont ni poursuivies ni condamnées mais qui présentent des risques de passage à l’acte à l’encontre de mineurs, d’avoir accès à des programmes et mesures d’intervention tels que ceux figurant au chapitre V.

La convention requiert également qu’au cours de leur scolarité, les enfants soient sensibilisés aux risques d’exploitation et d’abus sexuels et que le grand public soit informé du phénomène et des mesures permettant de le prévenir. Elle impose également de prévenir ou d’interdire la diffusion des matériels qui en font la publicité, et encourage d’associer des enfants eux-mêmes, des composantes de la société civile et du secteur privé à la définition et à la mise en œuvre des politiques de prévention.

Tirant les conséquences du caractère pluridisciplinaire des réponses à apporter dans la prévention et la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels à l’encontre des enfants, l’article 10 impose aux Parties de recueillir les données permettant de mieux connaître le phénomène, de prévoir des mesures de coordination des différents acteurs de la protection de l’enfance et de désigner des autorités spécialement en charge de la promotion et de la protection des droits des enfants.

Les articles 11 à 14 établissent les principes qui doivent être suivis pour la protection et l’assistance aux victimes. Ainsi, la convention favorise le signalement des soupçons d’exploitation ou d’abus sexuels sur les enfants, notamment en aménageant les règles du secret auxquelles peuvent être astreints certains professionnels. Elle prévoit également un soutien psychologique au profit de la victime et de sa famille, ainsi que l’éloignement du mis en cause du domicile de la victime.

Les articles 15 à 17 exigent le développement de programmes d’intervention au bénéfice des personnes poursuivies pour l’une des infractions établies par la convention afin de permettre la prise en charge des délinquants sexuels. Ces programmes doivent s’adresser aux personnes poursuivies ou condamnées, sur la base d’une adhésion ou d’un consentement libre et éclairé, et être accessibles à tous les stades de la procédure, que la personne concernée soit ou non incarcérée.

Les articles 18 à 29 sont relatifs aux mesures de droit pénal et exigent que différents comportements soient érigés en infraction pénale, en particulier :

– les abus sexuels ;

– certains comportements encourageant ou favorisant la prostitution enfantine ;

– certains comportements en matière de pédopornographie ;

– certains comportements se rapportant à la participation d’un mineur à des spectacles pornographiques ;

– la corruption de mineurs.

Deux incriminations figurent pour la première fois dans un instrument international. Il s’agit, d’une part, de la consultation, même sans téléchargement, d’images pédopornographiques (article 20, paragraphe 1, point f), d’autre part, de la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles par le biais de moyens de communication et d’information (article 23).

La convention prévoit également l’incrimination de la complicité et, sauf certaines possibilités de réserve, de la tentative (article 24).

L’article 28 prévoit par ailleurs plusieurs circonstances aggravantes, par exemple lorsque l’infraction a porté une atteinte grave à la santé de la victime, que les faits ont été commis dans le cadre d’une organisation criminelle, ou encore par plusieurs personnes, un membre de la famille de l’enfant ou une personne qui cohabite avec lui.

En outre, les Parties doivent prévoir la possibilité de prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de la peine, les condamnations prononcées par les juridictions d’autres Parties pour les infractions établies conformément à la convention (article 29).

La responsabilité, le cas échéant pénale, des personnes morales doit pouvoir être engagée (article 26).

L’article 25 énonce les règles de compétence que les États Parties doivent mettre en œuvre. Les critères qu’il énonce sont habituels et reposent principalement sur la territorialité et la compétence personnelle, active ou passive. La convention comporte également des dispositions ambitieuses s’agissant de la compétence pour connaître des infractions commises à l’étranger, dans le but de garantir une lutte plus efficace contre le « tourisme sexuel ». Ainsi, toute Partie doit être en mesure d’assumer sa compétence pour poursuivre certaines des infractions les plus graves établies par la convention lorsqu’elles sont commises par un de ses ressortissants en dehors de son territoire, y compris lorsque les faits ne sont pas pénalement répréhensibles dans le droit de l’État sur le territoire duquel ils ont été commis (dérogation au principe de la double incrimination) et ce, sans pouvoir exiger une dénonciation officielle des faits ou une plainte préalable de la victime.

Les articles 30 à 36 prescrivent les mesures devant être prises pour garantir que les enquêtes et procédures pénales se déroulent conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant et assurent la protection des droits, des intérêts et de la vie privée des victimes.

L’article 34 pose le principe de la spécialisation d’enquêteurs, d’unités ou de services d’enquête, dans la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels concernant des enfants. En outre, il exige des Parties qu’elles traitent les procédures sans retard indu, qu’elles tiennent les victimes informées de l’évolution de celles-ci, qu’elles leur assurent la possibilité d’exprimer leurs vues et de présenter leurs moyens de preuve, et qu’elles leur fournissent toute assistance appropriée, y compris un accès à l’aide juridictionnelle et la désignation d’un représentant spécial, s’il y a lieu.

L’article 35 énonce les dispositions particulières que les États Parties doivent également prévoir pour l’audition des mineurs, telles que l’audition dans des locaux spécialement aménagés et par des professionnels spécialement formés à cette fin, ainsi que l’enregistrement audiovisuel des auditions.

L’article 36, consacré spécifiquement aux procédures judiciaires, prévoit l’organisation de formations au profit des acteurs de la procédure judiciaire, ainsi que la possibilité de permettre le recours à des mesures de nature à éviter le caractère traumatisant d’une confrontation de la victime à l’auteur des faits ou au public lors de l’audience, notamment par le recours au huis clos ou à l’audition par le biais de technologies de communication appropriés, tels que la visioconférence.

Certaines règles procédurales doivent également être aménagées pour garantir que la prescription de certaines infractions ne puisse pas être acquise au cours de la minorité de la victime (article 33).

Aux fins de prévention et de répression, l’article 37 prévoit l’enregistrement et la conservation des données relatives au profil ADN des personnes condamnées pour les infractions établies par la convention et la possibilité de pouvoir échanger ces donnée entre les États Parties.

L’article 38 pose les principes généraux de la coopération entre les Parties en vue de prévenir et combattre l’exploitation et les abus sexuels à l’encontre des mineurs, de protéger les victimes et de diligenter les investigations.

Enfin, les articles 39 à 41 établissent un mécanisme de suivi, reposant sur la mise en place d’un comité des Parties, chargé de veiller à la mise en œuvre de la convention, mais également de faciliter les échanges d’informations et de bonnes pratiques entre les Parties.

Les articles 42 à 44 régissent les relations de la convention avec d’autres instruments internationaux et établissent les règles permettant d’amender la convention.

Les articles 45 à 50 constituent les clauses finales, relatives en particulier à l’entrée en vigueur de la convention, qui interviendra lorsque cinq États signataires l’auront ratifiée, la convention étant ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, à celle des États non membres qui ont participé à son élaboration, et à celle de la Communauté européenne. L’article 46 autorise également tout État non membre n’ayant pas participé à l’élaboration de la convention à y devenir Partie.

Enfin, en application de l’article 48, aucune réserve n’est admise, à l’exception de celles expressément prévues. Ces possibilités de réserve sont extrêmement limitées et concernent uniquement les articles 20, 21, 24 et 25.

La plupart de ces possibilités de réserve, particulièrement celles relatives à la restriction de la portée des incriminations, ne sont pas soumises à une obligation de déclaration (la convention reproduit, sur ce point, le même dispositif que celui prévu par la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, dont les dispositions ont fortement inspiré les articles d’incrimination de la convention du Conseil de l’Europe).

Seules les réserves relatives à l’établissement des critères de compétence et aux modalités d’exercice de leur compétence pénale par les États Parties sont soumises à obligation de déclaration, à effectuer lors du dépôt des instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion (cf. article 25, paragraphes 3 et 5). Le Gouvernement n’entend pas déclarer de réserves, le droit positif étant d’ores et déjà conforme aux obligations résultant de la convention, à l’exception d’une incrimination pour laquelle le Gouvernement pourra se prévaloir de la faculté de réserve ouverte par l’article 24 (sans obligation de déclaration).

****

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, signée à Lanzarote le 25 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 18 mars 2009.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre
des affaires étrangères et européennes,


Signé :
Bernard KOUCHNER


© Assemblée nationale