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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

NOR :

MAEJ1002191L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

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ÉTUDE D’IMPACT

I - Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention :

La France et la Suisse sont liées par une convention, signée à Paris le 9 septembre 1966, en vue d’éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée par deux avenants signés à Paris le 3 décembre 1969 et le 22 juillet 1997. Dans son état actuel, cette convention ne permet l’échange de renseignements à des fins fiscales que pour les renseignements nécessaires à son application. Son objet, centré sur l’élimination des doubles impositions, ne couvre pas la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Le nouvel avenant à cette convention, signé le 27 août 2009 à Berne par Christine LAGARDE et Hans-Rudolph MERZ, constitue la traduction des engagements pris par la Suisse le 13 mars dernier de renforcer l’échange d’informations avec ses partenaires en révisant notamment le réseau de ses conventions fiscales bilatérales afin d’adopter les standards de l’OCDE en matière d’échange de renseignements.

Cet avenant constitue une avancée significative vers une plus grande transparence dans les relations entre autorités fiscales française et suisse et crée un cadre favorable au renforcement de leur coopération dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

II - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention :

Conséquences économiques :

Traitement conventionnel des caisses de retraites, fonds de pension et institutions de prévoyance

La France a accepté l’insertion d’une clause permettant d’accorder le bénéfice de la convention aux intérêts, dividendes et redevances de source française perçus par les caisses de retraite, fonds de pensions et institutions de prévoyance dont la majorité des bénéficiaires sont des personnes physiques résidentes de France ou de Suisse.

Une telle mesure concerne en pratique essentiellement les fonds de pensions suisses dès lors qu’il n’existe pas de structures équivalentes en France. Elle aurait toutefois vocation à s’appliquer si de telles entités étaient créées ultérieurement en France.

Ainsi, les intérêts, dividendes et redevances perçus par ces organismes suisses, soumis à l’heure actuelle en France aux retenues à la source de droit interne (de 0 ou 18 % s’agissant des intérêts, 25 % s’agissant des dividendes et 33 1/3 % s’agissant des redevances) seront respectivement soumis aux retenues à la source aux taux prévus par la convention (0 pour les intérêts, 15 % pour les dividendes, 5 % pour les redevances).

Le coût de ces dispositions devrait être compensé par les gains réalisés grâce à d’autres dispositions de l’avenant (notamment celles relatives au recouvrement des créances fiscales). Elles sont en tout état de cause de nature à favoriser les investissements des fonds de pension suisses en France.

Insertion d’une clause d’arbitrage

Par ailleurs, une clause d’arbitrage, limitée aux seules problématiques de prix de transfert et d’existence d’un établissement stable, a été insérée dans la convention.

Cette clause apporte aux opérateurs économiques la certitude que toutes les doubles impositions liées à des problématiques de prix de transfert ou d’existence d’un établissement stable seront éliminées.

Conséquences financières :

Amélioration de l’échange de renseignements à l’aune de l’article 26 du Modèle de l’OCDE

Très favorable aux intérêts français, cet avenant est l’accord le plus ouvert à l’échange de renseignements jamais signé par la Suisse.

L’avenant permet désormais à la France d’obtenir des renseignements de la part des autorités suisses sans limitation quant à la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande de renseignements.

Il est en outre assorti d’aménagements rédactionnels destinés à autoriser explicitement la partie suisse à accéder aux informations bancaires dans tous les cas.

La nouvelle rédaction proposée est très proche de celle de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE dans sa dernière version de juillet 2008. Elle ne s’en écarte que sur deux points.

Les autorités suisses ont d’une part souhaité compléter la rédaction du paragraphe 2 de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE par la précision suivante: « Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un Etat contractant peuvent être utilisés à d’autres fins lorsque cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l’autorité compétente de l’Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation. »

Cette précision, prévue en tant qu’alternative par les commentaires de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE, a pour objet de permettre d’utiliser les renseignements échangés à des fins non fiscales, notamment sociales.

Les autorités suisses ont d’autre part souhaité compléter la rédaction du paragraphe 5 de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE par la précision suivante : « Aux fins de l’obtention des renseignements mentionnés dans le présent paragraphe, nonobstant le paragraphe 3 ou toute disposition contraire du droit interne, les autorités fiscales de l’Etat contractant requis disposent ainsi des pouvoirs de procédure qui leur permettent d’obtenir les renseignements visés par le présent paragraphe. »

Cette précision a pour objet de clarifier l’articulation entre les paragraphes 3 et 5 de cet article et de permettre aux autorités suisses de déroger aux dispositions de leur droit interne qui limitent l’accès de l’administration fiscale aux renseignements, notamment bancaires, aux fins de l’établissement des impôts.

Les autres dispositions de l’article reprennent la rédaction de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE mis à jour en juillet 2008.

Des précisions sur les modalités d’échange de renseignements ont également été insérées dans le protocole à la Convention selon des modalités rédactionnelles qui permettent d’éviter tout risque d’amoindrir l’effectivité de l’échange de renseignements.

Enfin, le titre de la convention est modifié, afin de faire explicitement référence à l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ce qui constitue un signal politique fort.

L’extension du champ de l’échange de renseignements prévu par l’avenant favorisera la lutte contre les schémas d’évasion fiscale.

Modernisation des clauses anti-abus

Les clauses anti-abus de la convention sont rendues plus efficaces.

L’exonération de retenue à la source sur les dividendes entre sociétés liées, prévue à l’article 11 paragraphe 2, b, i, est étendue aux sociétés détenues par des résidents d’Etats tiers qui pourront établir que la chaîne de participations n’a pas un objet principalement fiscal.

En outre, la nouvelle rédaction du dispositif anti-abus de l’article 14 de la convention permettra, si le récipiendaire d’un revenu et son bénéficiaire effectif sont des entités liées, de refuser le bénéfice de la convention, lorsque cette dernière permet d’obtenir des avantages supérieurs à ceux de la convention applicable entre l’Etat source du revenu et l’Etat de résidence de son bénéficiaire effectif.

Ces modifications permettront donc de refuser les avantages de la convention dans les situations abusives.

Notification des créances fiscales aux personnes résidant en Suisse

Bien que la Suisse s’oppose par principe à toute coopération en matière de recouvrement et se soit toujours tenue à l’écart de tous les accords internationaux en la matière, un accord a pu être trouvé sur le principe de la notification des créances fiscales par la voie postale (envoi en recommandé avec accusé de réception), facilitant ainsi le recouvrement des créances du Trésor français à l’égard de résidents suisses. Lors des négociations, le montant des créances fiscales françaises non recouvrées relatives à des personnes résidant en Suisse dépassait en effet les 56 millions d’euros.

Ces dispositions sont applicables aux impôts couverts par la convention, ainsi qu’à la TVA, aux droits d’enregistrement, à la taxe de 3 %, à la taxe professionnelle, à la taxe d’habitation et aux taxes foncières.

Cette possibilité de notifier les créances fiscales françaises à des personnes résidant en Suisse facilitera le recouvrement des sommes dues par ces personnes.

Conséquences juridiques :

Pour les contribuables

Remise en cause des doubles exonérations des pensions privées

L’avenant instaure un principe d’imposition des pensions privées à la source, mais dans les seuls cas où l’Etat de la résidence n’exerce pas son droit d’imposer.

Les pensions du deuxième pilier de source Suisse, correspondant aux prestations de retraite complémentaire, peuvent être versées sous forme de capital, option qui n’existe pas en droit français pour ce type de pension.

L’article 20 de la convention dans sa version actuelle attribue à la France un droit exclusif d’imposer les pensions versées par des caisses de retraite suisses à des personnes résidentes de France, au titre d’un emploi exercé pour le compte d’une personne privée.

Or, le droit interne français ne permet pas d’imposer ce type de pensions. Dès lors, ces pensions en capital ne sont aujourd’hui imposées ni en Suisse, du fait de l’application de l’actuel article 20 de la convention fiscale, ni en France, du fait du droit interne français.

L’avenant permet donc de mettre fin à une situation de double exonération des pensions en capital de source suisse perçues par des résidents français, tout en préservant pour la France le droit d’imposer les pensions en capital en cas d’évolution de son droit interne.

Modification des modalités d’imposition de certains revenus d’emploi

Les règles relatives aux rémunérations versées par des personnes morales de droit public exerçant une activité industrielle ou commerciale ont été modifiées. A l’instar des salaires versés par les personnes privées, celles-ci sont désormais imposables dans l’Etat d’exercice de l’activité, et non au lieu d’établissement du débiteur. Toutefois, les personnels des entreprises de transport ferroviaire international seront imposés dans l’Etat d’établissement du siège de direction de l’entreprise, afin d’harmoniser leur traitement avec celui des personnels des entreprises de transport maritime ou aérien international.

En droit interne

Les stipulations de l’avenant n’impliquent pas de modification du droit interne.

III - Historique des négociations

La France et la Suisse sont liées par une convention en vue d’éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 9 septembre 1966, qui limite l’échange d’informations fiscales aux fins de bonne application de la convention, ce qui exclut la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, conformément à la pratique traditionnelle suisse.

Des négociations en vue d’une modification large de cette convention avaient été engagées en juin 2005, dans le prolongement des engagements pris par la Suisse dans le cadre de l’accord sur la fiscalité de l’épargne et des travaux de l’OCDE sur la concurrence fiscale dommageable et avaient abouti à la signature d’un avenant le 12 janvier 2009 qui constituait, à la date de sa négociation (fin 2006), une avancée significative.

Le champ de l’échange de renseignements demeurait toutefois en retrait par rapport aux standards internationaux et aux engagements pris par la Suisse en mars 2009 de réviser son réseau conventionnel afin d’adopter les normes les plus récentes de l’OCDE en matière d’échange de renseignements.

Sa ratification ne pouvait donc être envisagée dans le contexte international actuel.

Les délégations française et suisse se sont donc rencontrées le 5 juin 2009 afin d’adapter l’avenant du 12 janvier 2009 à ces nouvelles exigences en matière d’échange de renseignements.

IV - Etat des signatures et ratifications

L’avenant a été signé à Berne le 27 août 2009 par Christine LAGARDE, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, et Hans-Rudolf MERZ, Président de la Confédération suisse.

Le processus de ratification avait été suspendu par la Suisse, suite à une difficulté résultant de l’interprétation du e) de l’article 10, qui prévoit que l’autorité qui demande les informations doit communiquer le nom de l’établissement bancaire concerné, dans la mesure où il est connu. Les deux pays ont toutefois précisé, au sein du groupe de travail mis en place à cet effet, les conditions d’application de cette stipulation. Ainsi, dans tous les cas où l’État requérant, dans le cadre d’une demande d’échange de renseignements de nature bancaire, aura connaissance du nom de l’établissement bancaire détenant le compte du contribuable concerné, il communiquera cette information à l’État requis. Dans le cas, exceptionnel, où l’autorité requérante présumerait qu’un contribuable détient un compte bancaire dans l’État requis sans pour autant disposer d’informations lui ayant permis d’identifier avec certitude la banque concernée, elle fournira tout élément en sa possession de nature à permettre l’identification de cette banque.

Le département fédéral des finances s’est engagé à ce que la Suisse reprenne rapidement le processus de ratification de l’avenant.


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