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PROJET DE LOI

Relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité

ETUDE D’IMPACT

Mars 2010

Introduction

Le droit de l’Union européenne régit de plus en plus aujourd’hui le droit des étrangers, à l’instar des autres branches du droit. Ce résultat découle de la nouvelle approche prise depuis les Accords de Schengen, la Convention de Dublin et le Traité d’Amsterdam : le niveau d’appréhension des problématiques de l’immigration est aujourd’hui prioritairement européen et non plus seulement national. Le gouvernement français, de longue date, s’inscrit dans cette politique européenne dont il souhaite être l’un des moteurs et que vient renforcer le Traité de Lisbonne.

Dans le cadre de cette « communautarisation » progressive du droit des étrangers, et en droite ligne avec les dispositions du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, le Parlement européen et/ou le Conseil des ministres ont adopté trois directives qui, après les premières directives relatives au séjour et celles relatives à l’asile, touchent désormais des domaines nouveaux mais essentiels dans le cadre d’une politique de maîtrise des flux migratoires sur le sol européen :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, dite « directive retour » (JOUE L348 du 24 décembre 2008 pp. 98-107) ;

- la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié, dite directive « carte bleue » (JOUE L155 du 18 juin 2009, pp. 17-29) ;

- la directive 2009/52/CE du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2009, prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « sanction » (JOUE L168 du 30 juin 2009, pp. 24-32).

Ces trois textes ont des incidences variables sur le droit national. Si la directive « sanction » intervient dans un champ déjà largement abordé en France, qui fait figure de précurseur en matière d’arsenal juridique destiné à lutter contre le travail illégal d’étrangers sans titre de séjour, et si la directive « carte bleue européenne » conduit à créer un nouveau titre de séjour sans toutefois remettre en cause les principales règles de l’admission au séjour des travailleurs salariés, la directive « retour » impose quant à elle d’adapter de manière conséquente le droit national en raison d’une nouvelle approche du droit de l’éloignement des étrangers. L’impact est tel qu’il est indispensable de procéder, dans le même temps que la transposition, à une réorganisation de la procédure d’éloignement, que ce soit dans sa phase administrative comme dans sa phase juridictionnelle, dans le double souci, partagé aussi bien par le niveau européen que par le niveau national, d’améliorer l’efficacité des procédures et de consolider les droits des étrangers soumis à une procédure d’éloignement du territoire français.

Ce souci d’efficacité est majeur en l’espèce. Il s’est concrétisé, au fil des dernières années, par la mise en place d’une politique très volontariste en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et par la création d’un nouveau ministère avec une administration centrale chargée notamment de l’immigration. La recherche de l’efficacité dans la mise en œuvre de cette politique publique avait également motivé l’installation d’une commission placée sous la présidence de Monsieur Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, chargée de réfléchir aux voies possibles d’une simplification du contentieux des étrangers. Les travaux de cette commission ont également nourri la réflexion préalable à l’élaboration du projet de loi.

Le même souci d’efficacité a justifié l’introduction de nouvelles dispositions tendant à prendre en considération, dans notre droit, l’hypothèse de l’arrivée d’un groupe d’étrangers à la frontière ou l’interpellation ou le contrôle simultané d’un groupe d’étrangers en situation irrégulière. Si la directive « retour » autorise la prise en compte de ce type d’hypothèses pour assouplir les exigences qu’elle contient, le projet de loi tente d’envisager le problème de manière globale, sans se limiter au seul cas de l’éloignement, en fixant un nouveau cadre, qui fait actuellement défaut, pour le maintien en zone d’attente et le placement en rétention administrative.

*

* *

L’une des conclusions du séminaire gouvernemental présidé par le Premier ministre le 8 février 2010 est la nécessité de renforcer l’intégration des immigrés qui entrent et séjournent sur le territoire national. Ceci constitue également l’objet du présent projet de loi.

Le projet cherche d’abord à mieux prendre en compte les efforts d’intégration pour le renouvellement des titres de séjour et la délivrance des cartes de résident. Il vise également à mieux prendre en compte les efforts d’intégration pour l’accès à la nationalité française, en mettant en place une procédure d’accès accéléré à la nationalité française pour les ressortissants étrangers. Il modifie enfin l’accès à la nationalité française, en renforçant d’une part les conditions à remplir pour la naturalisation et en solennisant davantage la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté des nouveaux Français.

L’ensemble de ces mesures est présenté dans la quatrième partie de l’étude d’impact.

*

* *

Ce projet de loi contient enfin, et au-delà de la stricte transposition des trois directives susmentionnées et de la traduction législative des conclusions du séminaire gouvernemental du 8 février 2010, plusieurs dispositions diverses en matière de droit des étrangers. L’essentiel de ces modifications, dont une partie concerne l’outre-mer et la création de la nouvelle collectivité de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, sont exposées et analysées spécifiquement dans la quatrième partie de la présente étude. Par exception, quelques dispositions, touchant à l’accès au séjour des jeunes majeurs entrés seuls peu avant leur majorité sur le territoire national, à l’immunité pénale prévue pour les personnes apportant un soutien humanitaire aux étrangers en situation de détresse ou encore aux modalités de recouvrement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine sont, sans être directement liées à la transposition des trois directives, d’un plus grand impact et sont également détaillées.

L’ensemble des données chiffrées dans la présente étude ont été obtenues auprès du département des statistiques, des études de la documentation (DSED) du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Lorsqu’elles émanent d’autres sources, celles-ci sont spécifiquement mentionnées.

SOMMAIRE

1. LE CONTEXTE DE LA RÉFORME 14

1.1. Bilan de la situation actuelle 14

1.1.1. Bilan en matière de politique française d’immigration professionnelle 14

1.1.1.1. Données sur la politique d’immigration professionnelle 14

- Le bilan quantitatif de la délivrance des cartes de séjour triennales 16

- Le bilan de la mise en place de la liste nationale des métiers ouverts sans opposition de la situation de l'emploi aux ressortissants d'un Etat membre de l'UE soumis à une période transitoire 16

- Le bilan de la mise en place de la liste nationale des métiers ouverts sans opposition de la situation de l'emploi aux ressortissants d'un Etat tiers à l'UE 17

1.1.1.2. Un enjeu communautaire 18

1.1.2. Bilan en matière de situation du travail illégal en France 19

1.1.2.1. L'emploi d'étrangers sans titre 21

1.1.2.2. Cette infraction est souvent commise en concomitance 24

avec celle du travail dissimulé 24

1.1.2.3. Les droits des étrangers sans titre 25

Bilan en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière 26

1.1.3. 26

1.1.3.1. Données relatives à l’activité administrative en matière d’éloignement 26

1.1.3.2. Des chiffres qui masquent une réalité plus complexe 28

- L’exécution des OQTF et des APRF 28

- Le poids de la question contentieuse 28

- Le poids des charges administratives 31

1.2. Analyse du cadre juridique actuel 32

1.2.1. L’état du droit français sur les dispositifs d’emploi légal des étrangers 32

1.2.1.1. Les instruments juridiques d'admission au séjour pour 32

motifs professionnels 32

1.2.1.2. Les conditions d'admission au séjour et au travail des 32

étrangers hautement qualifiés 32

1.2.1.3. La mise en perspective de la "carte bleue européenne" 34

avec les titres nationaux 34

1.2.2. L’état du droit français sur les dispositifs de lutte contre le travail 35

illégal des étrangers 35

1.2.2.1. Les principaux textes de lutte contre le travail illégal 35

- Les sanctions financières 38

- Les sanctions pénales 40

- Les peines complémentaires 41

1.2.2.2. Les structures institutionnelles existantes (niveau national 42

et départemental) 42

- Avant la réforme du 18 avril 2008 42

- Après la réforme du 18 avril 2008 43

1.2.2.3. Les actions concrètes menées sur le terrain notamment les opérations conjointes 45

- Les agents habilités 45

- Les opérations conjointes 47

1.2.3. L’état du droit français sur l’éloignement des étrangers en situation irrégulière 49

1.2.3.1. Descriptif synthétique du cadre juridique français en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière 49

1.2.3.2. Les facteurs de complexité du régime de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière 53

- Le poids du contentieux administratif est un effet de cette complexité du droit 53

- Le coût budgétaire des actions d’éloignement et de rétention 54

- La saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention détermine largement la poursuite effective de la procédure d’éloignement 55

- Le poids de ce contentieux de la rétention 60

- L’affirmation de principe du retour volontaire n’est pas assortie d’un cadre juridique suffisant 60

1.2.4. Les avancées du droit communautaire en ce qui concerne la directive « carte bleue » 63

1.2.4.1. L’état du droit européen 63

Les directives antérieures à la directive "carte bleue". 63

- Les négociations en cours 65

- L'adoption de la directive 2009/50/CE dite "directive carte bleue" 66

- 67

Les objectifs globaux définis dans l’étude d’impact de la Commission européenne sont les suivants : 67

- Les objectifs spécifiques 70

1.2.5. Les avancées du droit de l’Union en ce qui concerne la directive « sanctions aux employeurs » 71

1.2.5.1. La lutte contre le travail illégal en Europe 71

- Des situations très différentes au regard des mesures dissuasives et répressives des Etats membres 72

- Un contexte géopolitique générant ou ayant généré des flux migratoires différents selon les Etats membres 73

1.2.5.2. Définition des objectifs de la directive : 74

- L'objectif global 74

- Les objectifs spécifiques 75

1.2.6. Les avancées du droit de l’Union en matière d’éloignement des 77

étrangers en situation irrégulière 77

1.2.6.1. Présentation de la directive « retour » 77

1.2.6.2. Le contenu de la directive 78

1.2.6.3. Quelques éléments de droit comparé (droit en vigueur) 80

- Allemagne 80

- Espagne 81

- Belgique 82

2. LES PRINCIPALES OPTIONS 83

2.1. Sur l’emploi des étrangers en situation régulière en France : 83

la carte bleue européenne 83

2.1.1. Les options en matière de modalités d’admission à la carte bleue européenne 83

2.1.1.1. Le seuil minimum de revenu (article 5 §5 de la directive) 83

2.1.1.2. L'accès au marché national du travail (articles 8 §2, 12 §1 première phrase) 84

2.1.1.3. L'égalité de traitement avec les nationaux 86

- L'accès aux emplois hautement qualifiés (articles 12 §1 seconde phrase, 12 § 3 et 12 § 4) 86

- Les autres domaines (article 14) 87

2.1.1.4. La durée de la carte (article 7 § 2) 88

- La durée standard 88

- En cas de contrat d'une durée inférieure à la durée standard 89

2.1.1.5. L'intégration 89

2.1.2. Les options en matière d'avantages liés à l’octroi de la "carte bleue" : la mobilité professionnelle et familiale 90

2.1.2.1. Les membres de famille (article 15 de la directive) 90

- Le regroupement familial 90

- L'acquisition d'un droit de séjour autonome 90

- Le séjour dans un deuxième Etat membre des membres de famille rejoignant le travailleur hautement qualifié (article 19 § 4 a et b) 91

2.1.2.2. Les résidents de longue durée (article 16 §5) 92

2.1.3. Les options en matière de changement de situation 92

2.1.3.1. La période de chômage temporaire autorisée 92

(article 13 de la directive) 92

2.1.3.2. La procédure de changement d’employeur (article 12 §2) 93

2.1.3.3. Le retrait ou le non-renouvellement de la carte 94

(article 9 §3 b) 94

- La demande de bénéfice de l'aide sociale 94

- Les autres cas de retrait ou de non-renouvellement 94

2.1.3.4. Les frais liés à la réadmission (article 18 §6) 95

2.2. Les options sur l’emploi des étrangers en situation irrégulière 96

2.2.1. Interdire l’emploi de ressortissants de pays tiers en situation 96

irrégulière afin de lutter contre l’immigration illégale 96

2.2.1.1. Paiement des sommes dues par les employeurs et informations des étrangers sans titre concernant leurs droits 96

- Les indemnités liées à la rupture de la relation de travail 96

- Le recouvrement, la consignation et le versement des sommes dues au ressortissant de pays tiers en situation irrégulière 101

- L'information aux ressortissants de pays tiers en situation irrégulière relative à leurs droits 104

2.2.1.2. Renforcer la responsabilité des donneurs d'ordre et/ou des maîtres d'ouvrage ainsi que l'ensemble des sous-traitants intervenant dans l'exécution d'un contrat 105

- Extension du périmètre des créances concernées par le mécanisme de la solidarité financière 105

- Extension et modalités de mise en œuvre de la solidarité financière 106

- La facilitation des plaintes 108

- Renforcement des pouvoirs des agents de contrôle habilités à constater l’infraction d’emploi d’étranger sans titre 109

2.2.2. Harmoniser les dispositifs de lutte contre le travail illégal entre les 111

Etats membres 111

2.2.2.1. Périmètre des subventions et aides publiques accordées aux entreprises 111

2.2.2.2. Fermeture temporaire ou définitive d'établissements 112

2.2.2.3. Exclusion de la participation à une procédure de marché 113

public 113

2.2.2.4. Les sanctions financières administratives 114

2.3. Les options relatives à l’éloignement des étrangers en 116

situation irrégulière 116

2.3.1. Simplifier le droit de l’éloignement 116

2.3.1.1. La suppression du dualisme OQTF/APRF 116

2.3.1.2. L’affirmation du principe du délai de départ volontaire 117

- Le délai de départ accordé peut être supérieur à trente jours mais il ne peut ensuite être ni prolongé ni réduit 117

- L’exception au principe du délai de départ volontaire 118

2.3.1.3. Une transposition simple pour la mesure d’interdiction de retour 119

2.3.1.4. Les mesures permettant la préparation de l’éloignement par l’administration 120

- La rétention administrative 120

- L’assignation à résidence alternative à la rétention 135

2.3.2. Renforcer l’efficacité des procédures de retour 136

- Un droit assoupli et plus pragmatique 136

- Une priorité au retour volontaire concrétisée 137

- Une interdiction de retour comportant une « dimension européenne » 138

3. ANALYSE DE L’IMPACT DE LA RÉFORME 140

3.1. Sur les enjeux socio-économiques de l’immigration 140

3.1.1. Pour les travailleurs en situation régulière 140

3.1.1.1. L’enjeu démographiques et sa conséquence sur la population active 140

L'immigration professionnelle hautement qualifiée 142

3.1.1.2. 142

- Diplôme et métier : 143

- Métier et salaire 146

3.1.2. Pour les travailleurs en situation irrégulière 148

3.1.2.1. Impact sur l'immigration légale 148

3.1.2.2. Impacts sur la précarité et la vulnérabilité de ces travailleurs 149

- La lutte contre les filières d’immigration illégale 149

- La lutte contre les marchands de "sommeil" 150

- La lutte contre les conditions de travail abusives 150

3.1.2.3. Les droits attachés au statut salarial 151

3.1.2.4. L'incidence de l'immigration irrégulière sur les conditions de vie des étrangers en situation régulière 152

3.1.2.5. Au plan national : impact sur la concurrence entre les entreprises et sur le marché du travail 153

3.1.2.6. Au plan européen : neutraliser l'avantage économique conféré par l'emploi illégal et donc créer des conditions égales pour toutes les entreprises de l'Union européenne 155

3.1.2.7. Au plan international : impacts économiques négatifs dans le pays d'origine des étrangers en situation irrégulière 155

3.2. Impact sur l'efficience des politiques publiques en matière d’immigration 156

3.2.1. Impact sur l’efficacité de l’action de l’administration 156

3.2.1.1. Pour les travailleurs en situation irrégulière 156

3.2.1.2. En matière d’éloignement 158

3.2.2. Impact budgétaire 160

3.2.2.1. Abaisser le coût des procédures de reconduite à la frontière 160

3.2.2.2. Tenter d’améliorer le recouvrement des taxes, impôts et frais 163

- Evasion de recettes fiscales et sociales 163

- Coût significatif de la prise en charge sociale et médicale du ressortissant étranger en situation irrégulière 164

- Les sanctions financières, infligées à l'employeur délictueux, sont insuffisantes pour couvrir l'ensemble des frais occasionnés par la prise en charge du ressortissant étranger jusqu'à son retour volontaire ou forcé vers son pays d'origine 165

3.3. Impact juridique 167

3.3.1. Impact sur l’ordonnancement juridique 167

3.3.1.1. Liste des textes à abroger, modifier et codification 167

- Carte bleue 167

- Sanctions employeurs 167

- Retour 167

3.3.2. Modalités d’application dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution 169

3.3.2.1. Directive carte bleue 169

3.3.2.2. Directive sanctions 170

3.3.2.3. Directive retour 171

3.3.3. Impact contentieux 171

3.3.4. Impact sur les droits des personnes concernées 176

4. MESURES AUTONOMES 178

4.1. Mesures d’adaptation et de coordination 178

4.1.1. Modification de la mention apposée sur la carte de séjour des 179

chercheurs (article L. 313-8 du CESEDA) 179

4.1.2. Clarification de la rédaction de l’article L. 313-14 du CESEDA 180

relatif à l’admission exceptionnelle au séjour 180

4.1.3. Correction d’une omission pour la délivrance de la carte de résident 181

(article L. 314-9) 181

4.1.4. Actualisation du CESEDA du fait de l’adoption du code frontières 182

Schengen (CFS) 182

4.2. Droit au séjour des mineurs étrangers isolés à leur majorité 183

4.2.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 183

4.2.2. Description de la réforme proposée 185

4.2.3. Incidences de la mesure 186

4.2.4. Mise en œuvre de la réforme 186

4.3. Modification des conditions de délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » et de fonctionnement de la commission nationale « compétences et talents » 187

4.3.1. Contexte de la réforme 187

4.3.2. Description de la réforme 190

4.3.3. Incidences de la mesure 190

4.3.4. Mise en œuvre de la réforme 191

4.4. Dispositions relatives aux zones d’attente 191

4.4.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 191

4.4.2. Description de la réforme proposée 193

4.4.3. Incidences de la mesure 194

4.4.4. Mise en œuvre de la réforme 194

4.5. Condition de déclenchement de la procédure prioritaire pour l’examen de la demande d’asile 194

4.5.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 194

4.5.2. Description de la réforme proposée 195

4.5.3. Incidence de la mesure 196

4.5.4. Mise en œuvre de la mesure 197

4.6. Transfert à l’OFII de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement 197

4.6.1. Situation actuelle 197

4.6.2. Description de la réforme proposée : 197

4.6.3. Impact de la réforme 198

4.6.4. Mise en œuvre de la réforme 198

4.7. Modification des termes de l’immunité pénale pour l’aide aux étrangers (article L. 622-4 du CESEDA) 198

4.7.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 198

4.7.2. Description de la réforme et des objectifs poursuivis 201

4.7.3. Incidences de la mesure 202

4.7.4. Mise en œuvre de la réforme 202

4.8. Dispositions relatives à la nationalité française 202

4.8.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 203

4.8.2. Description de la réforme proposée 209

4.8.3. Incidences des réformes 213

4.8.4. Mise en œuvre 214

4.9. Dispositions relatives à l’intégration des étrangers en France 215

4.9.1. Contexte de la réforme et situation actuelle 216

4.9.2. Description de la réforme envisagée 219

4.9.3. Impact de la réforme 221

4.9.4. Présentation de la mise en œuvre et du suivi de la réforme 222

4.10. Pénalisation des infractions liées aux obligations de faire accepter chaque sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage 222

5. CONSULTATIONS MENÉES 224

5.1. Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) 224

5.2. Réunions du comité de contact à Bruxelles 224

5.3. Commission nationale de la négociation collective 224

6. MISE EN ŒUVRE, SUIVI ET ÉVALUATION 225

6.1. Directive « Carte Bleue » 225

6.1.1. Les modifications du CESEDA 225

6.1.2. Les modifications du Code du travail 226

6.2. Directive « Sanctions employeurs » 226

6.3. Directive « retour » 227

7. LISTE DES ANNEXES 229

7.1. Tableaux de transposition des directives 229

7.1.1. directive « retour » 229

7.1.2. directive « sanction » 229

7.1.3. directive « carte bleue » 229

7.2. Tableaux des textes comparés 229

7.3. Extraits du rapport au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire » (2008) de la commission présidée par Pierre Mazeaud 229

7.4. Tableau : droits pécuniaires des salariés étrangers 229

7.5. Tableau comparatif : CST "carte bleue européenne" / CST "salarié" / CST "salarié en mission" / CST "compétences et talents" 229

7.6. Tableau : présentation des dispositifs d'immigration au bénéfice des travailleurs hautement qualifiés (THQ) au Royaume-Uni et en Irlande 229

Index des sigles utilisés

AAR Assignation à résidence

ACOSS Agence centrale des organismes de sécurité sociale

AE Autorisation d’engagement

AELE Association européenne de libre échange

AGDREF Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France

AME Aide médicale d’Etat

ANAEM Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations

ANPE Agence nationale pour l’emploi

APRF Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière

CAA Cour administrative d’appel

CADA Centre d'accueil pour demandeurs d'asile

CAI Contrat d’accueil et d’intégration

CEDM Centre d’évaluation du dispositif médical

CE Conseil d’Etat

CCT Carte « compétences et talents »

CEDH Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CESEDA Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

CFS Code frontières Schengen

CITP Classification internationale des types de professions

CICI Comité interministériel de contrôle de l’immigration

CIP Classification internationale type des professions

CLLF Comité local de lutte contre la fraude

CLULF Comité local unique de lutte contre la fraude

CNLTI Commission nationale de lutte contre le travail illégal

COLTI Comité opérationnel de lutte contre le travail illégal

CP Crédit de paiement

CPH Centre provisoire d'hébergement des réfugiés

CR Carte de résident

CST Carte de séjour temporaire

DACG Direction des affaires criminelles et des grâces

DACS Direction des affaires civiles et du sceau

DCPAF Direction centrale de la police aux frontières

DCPJ Direction centrale de la police judiciaire

DCRI Direction centrale du renseignement intérieur

DDTEFP Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

DGT Direction générale du travail

DILTI Délégation interministériel lutte travail illégal

DIRECTE Direction régionale de l’économie, de la concurrence, du travail et de l’emploi

DNLF Délégation nationale à la lutte contre la fraude

EEE Espace économique européen

ESI Etranger en situation irrégulière

JLD Juge des libertés et de la détention

LPC Laissez-passer consulaire

MEI Mineur étranger isolé

MIIINDS Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

MIOMCT Ministère de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales

OCRIEST Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre

OCDE Organisation de coopération et de développement économique

OQTF Obligation de quitter le territoire français

OFII Office français de l’immigration et de l’intégration

OSCAR Outil de statistique et de contrôle de l’aide au retour

SIS Système d’information Schengen

TCE Traité instituant la Communauté européenne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

THQ Travailleur hautement qualifié

UE Union européenne

1. LE CONTEXTE DE LA RÉFORME

1.1. Bilan de la situation actuelle

1.1.1. Bilan en matière de politique française d’immigration professionnelle

1.1.1.1. Données sur la politique d’immigration professionnelle

La nouvelle politique en matière de migrations menée par le Gouvernement français depuis 2006 vise à rééquilibrer le flux d'immigration familiale et le flux d'immigration économique au profit de ce dernier.

Les mesures prises depuis deux ans en vue de favoriser l’immigration économique sont de trois ordres :

- La délivrance de cartes de séjour triennales. Ainsi, les titres de séjour "compétences et talents", "travailleur saisonnier" et "salarié en mission" sont des titres qui facilitent la fluidité des migrations à caractère économique en permettant à leurs titulaires de pouvoir se rendre régulièrement en France sans avoir à se soumettre à une procédure administrative annuelle.

- La fixation de listes de métiers ouverts aux travailleurs étrangers pour des métiers connaissant des difficultés de recrutement. Lors de l’instruction d’une demande d’autorisation de travail dans un métier figurant sur les listes régionales concernant les ressortissants de pays tiers, sur la liste de 150 métiers ouverts aux ressortissants d’Etats membres de l’Union européenne (UE) soumis à des mesures transitoires, ou sur les listes annexées aux accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires, la situation de l'emploi n’est pas prise en considération. En revanche, restent d’application les autres critères prévus par le Code du travail tels que l'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, le respect par l’employeur de la législation relative au travail et à la protection sociale, les conditions d'emploi et de rémunération comparables à celles des travailleurs nationaux.

- La décision de mettre fin à la période de transition à laquelle étaient soumis les ressortissants des Etats membres de l’UE ayant adhéré le 1er mai 2004.

Le bilan de ces actions est positif comme le tableau ci-dessous le démontre. Le total des titres de séjour délivrés pour motif professionnel était de 14 470 en 2006, 18 119 en 2007 et 27 994 en 2008, soit une croissance de 93 % en l’espace de deux ans.

Pays tiers + 10 nouveaux Etats membres de l’Union européenne

         

Métropole uniquement

         

Catégories de titres

 

Années

 

2006

2007

2008

         

Professionnel 

1 - Compétences et talents

 

5

183

2 - Actif non salarié

804

1 100

980

3 - Scientifique

1 404

1 594

1 956

4 - Artiste

241

285

294

5 - Salarié

7 479

11 210

16 678

6 - Saisonnier ou temporaire

4 542

3 925

7 998

Total

14 470

18 119

28 089

Familial 

Total

98 344

87 719

83 436

Etudiants et stagiaires

Total

47 192

47 866

52 908

Divers

Total

14 339

12 305

11 764

Humanitaire

Total

16 795

15 467

17 262

 

 

     
 

TOTAL GENERAL

191 140

181 476

193 459

Part des différentes catégories

de titrespar rapport à l'ensemble :

% Professionnel

7,6 %

10 %

14,5 %

% Familial

51,4 %

48,3 %

43,1 %

% Etudiants et stagiaires

24,7 %

26,4 %

27,3 %

% Divers

7,5 %

6,8 %

6,1 %

% Humanitaire

8,8 %

8,5 %

9,0 %

- Le bilan quantitatif de la délivrance des cartes de séjour triennales

Le bilan du nombre de carte de séjour "compétences et talents" délivrées est plutôt positif : en 2008, 473 cartes de séjour "compétences et talents" ont été délivrées, dont 303 (soit 64%) pour l'exercice d'activités professionnelles salariées. En 2009, on en compte 593 dont 382 (soit 64%) délivrées à des salariés.

Il en va de même pour la carte de séjour temporaire "salarié en mission". 1 839 ressortissants étrangers en sont devenus titulaires en 2008. Sur les sept premiers mois de l’année 2009, elle a été délivrée 1 247 d'entre eux contre 685 pour la même période en 2008, ce qui représente une progression de 82 %.

En revanche, pour ce qui concerne la carte de séjour temporaire "saisonnier", le bilan 2009 est nettement inférieur à celui de 2008. Sur les sept premiers mois de l’année 2009, 1 780 cartes ont été délivrées à des ressortissants étrangers contre 3 173 pour la même période en 2008, soit une diminution de 44 %. Cependant, 4 635 ressortissants étrangers en avaient bénéficié en 2008. Cette diminution s’explique par le fait d'une part que les employeurs agricoles recrutent habituellement les mêmes saisonniers d’année en année, d'autre part que les mesures transitoires à l'égard de la Pologne ont été levées le 1er juillet 2008.

- Le bilan de la mise en place de la liste nationale des métiers ouverts sans opposition de la situation de l'emploi aux ressortissants d'un Etat membre de l'UE soumis à une période transitoire

La liste nationale des "métiers en tension" (61 métiers jusqu'à fin 2007 et 150 depuis le 18 janvier 2008), c'est-à-dire des métiers ouverts sans opposition de la situation de l’emploi aux ressortissants des Etats membres de l’UE, ayant adhéré à l’UE le 1er mai 2004 (UE-8) et le 1er janvier 2007 (UE-2) représentait un peu plus de 40 % des offres d’emploi recensées à l’ANPE en janvier 2008.

Le nombre de titres délivrés pour motif professionnel aux ressortissants des Etats concernés a été, pour la liste des 61 métiers, de 2 204 en 2003, 2 792 en 2006, de 6 368 en 2007 et, pour celle des 150, de 6 684 en 2008. Après une forte augmentation en 2007, la stabilisation constatée en 2008 s’explique par le fait que depuis le 1er juillet 2008, les ressortissants des Etats ayant adhéré à l’Union européenne le 1er mai 2004 bénéficient de la libre circulation des travailleurs. Ils ne sont donc plus astreints à l’obligation de détenir une autorisation de travail. En conséquence, ils ne sont plus comptabilisés dans les statistiques d’immigration professionnelle.

Au regard du recensement enregistré par les services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) lors des visites médicales, le nombre de titres délivrées aux ressortissants des Etats ayant adhéré à l’Union européenne en 2007 (Bulgarie et Roumanie), après avoir fortement augmenté en 2007 et 2008, a diminué d’un tiers entre juillet 2008 et juillet 2009. 

La non opposition de la situation de l’emploi pour les métiers figurant dans la liste nationale précitée a donc induit un accroissement des flux migratoires intra-européens, sans pour autant modifier en profondeur la structure du marché du travail.

- Le bilan de la mise en place de la liste nationale des métiers ouverts sans opposition de la situation de l'emploi aux ressortissants d'un Etat tiers à l'UE

Alors que la liste des métiers concernés ne représentait que 4 % des offres d’emplois proposées par l’ANPE en décembre 2007, la part de ces métiers s’élève à 8 % des autorisations de travail délivrées par les directions départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP).

Cette part est de 27 % en Midi-Pyrénées, de 24 % en Bretagne et est supérieure à 10 % en Picardie, dans le Centre et en Ile-de-France. A l’inverse, elle est inférieure à 1 % en Corse, en Basse-Normandie, et en Auvergne et est inférieure à 2 % dans le Limousin.

A cet égard, le classement des métiers de la liste en pourcentage des autorisations de travail délivrées suffit à s’en convaincre. Les métiers de l’informatique représentent 70 % de l’ensemble des autorisations de travail délivrées pour les métiers figurant sur la liste des métiers ouverts sans opposition de l’emploi quand les métiers du BTP en représentent 15 %. Il est à noter la part des autorisations de travail délivrées pour le métier de cadre de l’audit et du contrôle comptable et financier et pour le métier de géomètre, indicateur d’un résultat honorable en raison des spécificités du marché du travail dans les domaines concernés.

A l’inverse, aucune autorisation de travail n’a été délivrée pour quatre métiers :

- Inspecteur de mise en conformité ;

- Façonneur de bois et matériaux associés (production en série) ;

- Pilote d’installation de production cimenterie ;

- Opérateur de formage de verre.

1.1.1.2. Un enjeu communautaire

La directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié — dite directive "carte bleue" — s’inscrit dans le cadre de l’objectif d’élaboration d’une politique européenne en matière d’immigration.

Depuis 2000, l'axe majeur de la politique économique et de développement de l'UE, exprimée dans la Stratégie de Lisbonne, est de devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale. La définition d'une stratégie décennale vise ainsi à remédier aux faiblesses de la croissance économique et de la productivité de l'UE.

Lors du Conseil européen de Göteborg en juin 2001, les Etats membres ont prévu des mesures destinées à attirer et à conserver une main-d'œuvre hautement qualifiée provenant de pays tiers dans le cadre d'une approche fondée sur les besoins. Ces mesures s'inscrivent dans le contexte plus large établi par la Stratégie de Lisbonne et par les lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi.

Le Programme de La Haye de novembre 2004 reconnaît que l’immigration légale devrait jouer un rôle important dans le renforcement de l’économie de la connaissance en Europe et dans le développement économique et contribuer ainsi à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

Comme le Programme de La Haye l'y invitait, la Commission présente en 2005 son Programme d'action relatif à l'immigration légale prévoyant la définition des conditions d'admission applicables à certaines catégories de migrants (travailleurs hautement qualifiés, travailleurs saisonniers, stagiaires rémunérés et salariés transférés temporairement), la garantie d'un statut juridique aux travailleurs issus de pays tiers déjà admis ainsi que l'instauration des simplifications de procédures pour les demandeurs.

En 2005, le Conseil européen adopte l'Approche globale des migrations relevant des politiques extérieures de l'Union. Recouvrant l'ensemble des questions ayant trait aux migrations et à l'asile, elle tend à développer la coopération entre pays d’origine, de transit et de destination des migrations. Processus en constante évolution, cette approche constitue désormais un cadre équilibré, global et cohérent dans lequel l’Union doit développer son action.

Dans ce contexte et cet esprit, le Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008 adopte, sous présidence française, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Ce document politique engage solennellement l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne autour de cinq actions :

1. Organiser l'immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d'accueil déterminés par chaque Etat membre et favoriser l'intégration ;

2. Lutter contre l'immigration irrégulière, notamment en assurant le retour dans leur pays d'origine ou vers un pays de transit, des étrangers en situation irrégulière ;

3. Renforcer l'efficacité des contrôles aux frontières ;

4. Bâtir une Europe de l'asile ;

5. Créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.

La directive 2009/50/CE est donc conforme à la politique de développement de l'UE, notamment centrée sur l'éradication de la pauvreté. Elle reconnaît à cet égard que son impact sur les pays extérieurs à l'Union peut varier d'un pays à l'autre et cherche à réduire au minimum les effets négatifs des migrations de travailleurs hautement qualifiés et à en maximaliser les effets positifs sur les pays en développement qui souffrent déjà d'une pénurie de main-d'œuvre dans certains secteurs.

Par ailleurs, ce texte respecte les droits fondamentaux car il reconnaît et garantit les droits des migrants hautement qualifiés et des membres de leur famille en tant que travailleurs et résidents de l'UE, y compris et le droit au respect de la vie familiale et l’égalité de traitement avec les nationaux en matière de conditions de travail et de rémunération, de formation professionnelle, d’éducation et d'accès aux biens et aux services…, ainsi que les garanties procédurales.

1.1.2. Bilan en matière de situation du travail illégal en France

La lutte contre le travail illégal constitue l’une des priorités gouvernementales, dont les objectifs sont la répression de cette pratique, la défense des droits essentiels des travailleurs et de la qualité de leurs emplois, l'équilibre des comptes financiers de la nation, le respect de la concurrence loyale, la maîtrise des flux de main d'œuvre étrangère et la préservation du modèle social français dans le cadre de la construction d'un marché européen du travail. Plusieurs plans nationaux d'actions de lutte contre le travail illégal ont été mis en œuvre entre 2004 et 2009, le dernier plan ayant été validé par la Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) le 26 novembre 2009, pour la période 2010-2011.

Le phénomène de fraudes majeures à l'exercice d'une activité professionnelle et à l'emploi des salariés se manifeste notamment par l'utilisation de mécanismes de dissimulation aux pouvoirs publics. L'article 86 de la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises vise à renforcer la répression des infractions constitutives du travail illégal dont la liste retenue est la suivante, aujourd’hui codifiée à l’article L. 8211-1 du code du travail :

- le travail dissimulé totalement ou partiellement, soit par dissimulation d'activité, soit par dissimulation de salariés,

- le prêt illicite de main d'œuvre,

- le marchandage ou la fourniture illicite de main d'œuvre,

- les cumuls irréguliers d'emplois,

- les fraudes aux revenus de remplacement,


- l'emploi d'un étranger démuni d'un titre de travail.

S’ajoutent parfois à ces infractions des délits connexes tels que la traite des êtres humains, les abus de vulnérabilité, les trafics de main d'œuvre étrangère et l'utilisation de faux documents. Ces infractions visées par le code du travail ou le CESEDA peuvent être commises par des entrepreneurs français comme par des prestataires étrangers établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays tiers. S’agissant toutefois d’activités occultes, ces infractions sont par nature difficilement quantifiables.

L’emploi d’un étranger démuni de titre, qui constitue une fraude majeure - tant par sa nature que par son volume - est à l’origine du vote par le Conseil et le Parlement européen de la directive du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales pour les sanctions et les mesures prises à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. L’infraction de travail dissimulé est généralement commise concomitamment.

1.1.2.1. L'emploi d'étrangers sans titre

La législation du travail exige qu'un étranger soit pourvu d'un titre délivré par une autorisation administrative, lui permettant d'exercer une activité salariée en France (cf. articles L. 8251-1, L. 5221-2 et R. 5221-1 du code du travail). En conséquence, l'emploi d'étranger sans titre constitue une infraction dès lors qu'un employeur embauche ou conserve à son service pour quelque durée que ce soit, un étranger en situation irrégulière vis-à-vis du séjour parce qu'il ne dispose pas des documents et visas nécessaires (cf. article L. 211 -1 du CESEDA).

Est également constitutif d'une infraction, l'emploi d'un étranger en situation régulière vis-à-vis du séjour mais démuni d'un titre de travail l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Il s'agit notamment des demandeurs d'asile, des étudiants dépassant le quota d'heures annuel autorisé, des personnes gravement malades. Ces derniers n'entrent pas dans le champ d'application de la directive.

Enfin, la directive ne vise pas l'ensemble des étrangers définis à l'article L. 111-1 du CESEDA mais seulement les ressortissants de pays tiers. Les ressortissants roumains et bulgares, dont les pays ont intégré l'Union européenne le 1er janvier 2007, sont inclus dans ce dispositif mais restent assujettis à une période transitoire de 5 ans jusqu'au 31 décembre 2012. En revanche, les ressortissants de Suisse1, Andorre2, Monaco2 et Saint-Marin2 et les ressortissants des Etats membres de l'Association européenne de libre échange (AELE)3 sont dispensés d'une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle sur le territoire français.

L’infraction d’emploi d’étranger sans titre implique donc, d'une part, des employeurs qui utilisent une main d'œuvre étrangère bon marché et docile en s'exonérant des dispositions protectrices de la législation du travail vis-à-vis des salariés et, d’autre part, des ressortissants étrangers, parfois victimes de la traite des êtres humains ou de conditions de travail abusives. Ces derniers ne peuvent dénoncer leur situation parce qu'ils se trouvent en situation irrégulière au regard du séjour et/ou du travail.

Les statistiques de cette infraction relèvent de l'index 94 de l'état 40014 qui affiche des chiffres en constante évolution.

En effet, en 2008, les infractions constatées portant sur l’emploi d’étrangers sans titre ont augmenté de 18,01 % par rapport à 2007, ce qui représente une part de 12,91 % sur l'ensemble des infractions commises au titre du travail illégal. En revanche, les autres infractions liées au travail illégal, notamment le travail dissimulé (index 93), n'augmentent que de 9% et seulement de 8,3% concernant le marchandage-prêt de main d'œuvre (index 95), en 2008.

Résultats des faits constatés par corps de contrôle et par index en 2008

 

Police aux frontières

Gendarmerie nationale

Sécurité publique

Préfecture de Police

Total des services

Taux d'évolution par infraction par rapport à 2007

Travail dissimulé (93)

1 880

5 382

2 555

1 079

10 896

9,0 %

Emploi d’étrangers sans titre (94)

1526

1 004

463

282

3 275

18,1 %

Marchandage - Prêt de main d’œuvre (95)

142

171

48

32

393

8,3 %

Total

3 548

6 557

3 066

1 393

14 564

10,9 %

Source MIOMCT – DCPJ

Les secteurs d’activités concernés par l’emploi d’étrangers sans titre de travail sont principalement le bâtiment et les travaux publics (17 % des faits constatés), l’industrie (16 % des faits constatés), les hôtels-café-restaurants (H.C.R.)(14 % des faits constatés), le secteur de l’agriculture (10 % des faits constatés).

Au cours des années 2006 à 2008, seul le taux d’emploi d’étrangers sans titre dans le secteur agricole s'est maintenu à 10 %. L’ensemble des autres secteurs ont au cours de cette période progressé : Industrie de 14 à 16%; H.C.R. de 12 à 14 % et le B.T.P. de 16 à 17 %. Ce dernier secteur se place en tête des secteurs occupant le plus d’emploi d’étrangers sans titre avec 6 878 infractions en 2008.

Répartition par secteur d'activité de la part des infractions relatives à l'emploi d'étrangers sans titre (index 94)

 

2006

2007

2008

Secteurs d'activité

Nombre d'infractions

Dont emploi d'étrangers sans titre (index 94)

Nombre d'infractions

Dont emploi d'étrangers sans titre

(index 94)

Nombre d'infractions

Dont emploi d'étrangers sans titre

(index 94)

Agriculture

985

10 %

1 058

10 %

881

10 %

Industrie

693

14 %

1 319

14 %

1161

16 %

HCR

2 590

12 %

3 649

14 %

4 068

14 %

BTP

5 241

16 %

6 932

16 %

6 878

17 %

Source DGT

S'agissant des personnes mises en cause pour emploi d'étrangers sans titre, elles ont également fortement progressé entre 2007 et 2008 allant de 1 688 à 3 031 employeurs, soit une hausse de 79,56 %. Cette hausse peut s'expliquer par une augmentation des infractions commises au titre d'emploi d'étrangers sans titre, dans des secteurs d'activité spécifiques nécessitant une forte main d'œuvre, de surcroît peu qualifiée et disposée à effectuer un travail difficile et pénible.

Résultats de l’index 94

Index 94

2006

2007

2008

Evolution

2008/2007

2009

Evolution

2009/2008

Total des personnes mises en cause

1 218

1 688

3 031

+79,56 %

3 204

5,7%

Source MIOMCT – DCPJ

1.1.2.2. Cette infraction est souvent commise en concomitance

avec celle du travail dissimulé

L'infraction pour travail dissimulé est dans la plupart des situations, commise en concomitance avec celle d'emploi d'étrangers sans titre de séjour. En effet, lorsque l'employeur embauche en connaissance de cause un étranger sans titre de séjour, souvent, il ne le déclare pas afin, d'une part, de ne pas attirer l'attention des administrations et d'autre part, de s'exonérer de toutes les taxes et cotisations liées à cette embauche. Il commet ainsi deux infractions simultanées : l'emploi d'étrangers sans titre et le travail dissimulé par dissimulation de salariés.

Le travail dissimulé est défini aux articles L. 8221-1 et L. 8221-3 du code du travail. Outre le délit de dissimulation totale ou partielle de son activité, l'employeur dissimule totalement ou partiellement un emploi salarié (cf. article L.8221 - 5 du code du travail) lorsqu'il n'effectue pas la déclaration préalable à l'embauche et par la suite, lorsqu'il ne remet pas de bulletin de paie ou remet un bulletin de paie contenant un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Enfin, l'employeur peut dissimuler un travailleur employé en l'utilisant sous un faux statut. Le salarié concerné est présenté comme étant bénévole, stagiaire, travailleur indépendant, ou gérant mandataire, alors que dans les faits il exerce son activité dans des conditions de subordination juridique à l'égard de l'employeur qui organise, dirige et contrôle l'exécution de son travail de la même manière que pour un salarié reconnu comme tel.

S'agissant du régime des sanctions du travail illégal, il est triple : pénal, civil par l'annulation du bénéfice des réductions et des exonérations de cotisations de sécurité sociale et administratif par le refus de distribuer des aides à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'industrie cinématographique, audiovisuelle et vidéographique.

Enfin, concernant les statistiques, parmi toutes les infractions constituant le travail illégal, celles relatives au travail dissimulé est majoritairement l’infraction la plus verbalisée en 2008 avec 12 241 infractions contre 11 453 en 2007 (+6,88 %). A la même période, les infractions au titre d'emploi d'étrangers sans titres étaient au nombre de 3 117 en 2007 contre 3 778 en 2008. De même, au cours des années 2008 et 2009, les infractions commises au titre du travail dissimulé restent plus nombreuses par rapport à l'emploi d'étrangers sans titre. 12 241 infractions ont été relevées en 2008 contre 11 136 en 2009 (- 9,02 %).

Résultats des faits constatés par index en 2007, 2008 et 2009

Faits constatés

2007

2008

Evolution 2007/2008

2009

Evolution 2008/2009

Travail dissimulé (93)

11 453

12 241

6,88 %

11 136

-9,02 %

Emploi d’étrangers sans titre (94)

3 117

3 778

21,21 %

3 558

-5,8 %

Source MIOMCT – DCPJ

1.1.2.3. Les droits des étrangers sans titre

Afin de protéger le ressortissant étranger démuni de titre, la loi n°81-941 du 17 octobre 1981 relative à l'emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière pose le principe que le salarié étranger en situation irrégulière bénéficie des mêmes droits en matière de réglementation du travail qu'un travailleur français ou un travailleur étranger titulaire d'une autorisation administrative.

En effet, aux termes des articles L. 8252-1 et L. 8252-2 du code du travail, "le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du 1er alinéa de l'article L8251-1" est, d'une part, assimilé, à compter de la date de son embauche, à un travailleur régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur, ainsi qu'à la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise. D'autre part, il a droit, au titre de la période d'emploi illicite au paiement des salaires et des accessoires de celui-ci. En cas de rupture de la relation de travail, il a droit à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire à moins que l'application des règles figurant aux articles L.1243-8, L.1234-5 et L.1234-9 ou des stipulations contractuelles correspondantes, ne conduisent à une solution plus favorable. S'il s'avère que l'employeur a aussi commis le délit de dissimulation par dissimulation de salarié, ce dernier peut obtenir l'indemnité forfaitaire de six mois. Afin que ses droits soient appliqués, et /ou s'il est en mesure d'établir l'existence d'un préjudice non réparé au titre desdites dispositions, l'intéressé peut saisir le Conseil de prud'hommes ou se faire représenter en justice par un syndicat (cf. article L. 8255-1 du code du travail).

L'ampleur et la complexité de ce délit témoignent de la nécessité de disposer d’un dispositif juridique adapté de lutte contre le travail illégal en France.

1.1.3. Bilan en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière

1.1.3.1. Données relatives à l’activité administrative en matière d’éloignement

La politique de maîtrise des flux migratoires repose sur trois axes principaux :

- la détermination des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire national, par une déclinaison précise des cas d’ouverture des droits au séjour et par la politique des visas,

- la lutte contre l’entrée et le séjour irréguliers proprement dite, indissociable de la lutte contre les filières facilitant et exploitant l’entrée et le séjour irréguliers, la sanction des facilitateurs et des trafiquants, la mise en œuvre des décisions d’éloignement dans des conditions propres à assurer un retour digne et durable,

- l’aide au retour, par la mise en œuvre de dispositifs de soutien et d’accompagnement au retour dans leur pays d’origine des personnes en situation irrégulière.

Ces différentes politiques sont régulièrement adaptées pour dégager des résultats.

Nombre de refoulements à la frontière :

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Refus d’admission

20 278

20 893

23 542

21 235

16 374

17 628

15 819

Réadmissions simplifiées (sens France vers étranger)

11 945

12 339

12 379

12 892

10 219

11 844

11 178

Sources : MIIINDS

Nombre d’interpellation d’étrangers en situation irrégulière et infractions à la police des étrangers :

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Interpellations

45 500

44 545

63 681

67 130

69 879

82 557

77 413

Sources : MIIINDS-DCPAF

Nombre d’interdictions judiciaires du territoire prononcées

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

ITF

nd

nd

nd

4 697

3 580

2 611

2009

Sources : MIIINDS

Nombre d’obligations de quitter le territoire français et d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière prononcés :

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

OQTF

-

-

-

-

46 263

42 130

40 191

APRF

49 017

64 221

61 595

64 609

50 771

43 739

40 116

Sources : MIIINDS

Nombre de retours aidés réalisés :

 

2007

2008

2009

Aide au retour volontaire

2 040

2 227

2 913

Aide au retour humanitaire

2 898

10 191

12 323

Sources : OFII

1.1.3.2. Des chiffres qui masquent une réalité plus complexe

Ces résultats révèlent l’intensité de l’activité administrative, mais doivent être placés en regard d’autres chiffres :

- L’exécution des OQTF et des APRF

   

2006

2007

2008

2009

OQTF

Prononcées

 

46 263

42 130

40 191

Exécutées

1 816

3 050

4 914

% d’exécution

3,93 %

7,23 %

12,23 %

APRF

Prononcés

64 609

50 771

43 739

40 116

Exécutés

16 616

11 891

9 844

11 422

% d’exécution

25,71 %

23,42 %

22,51 %

28,47 %

TOTAL

Prononcés

64 609

97 034

85 869

80 307

Exécutés

16 616

13 707

12 894

16 336

% d’exécution

25,71 %

14,13 %

15,02 %

20,34 %

Sources : MIIINDS (et DCPAF pour les mesures exécutées)

- Le poids de la question contentieuse

Le contentieux lié aux décisions de refus de séjour et d’éloignement des étrangers se distingue par deux caractéristiques principales :

- il s’agit d’un contentieux de masse,

- il s’agit d’un contentieux dénoncé comme étant largement « virtuel », en ce sens qu’une forte proportion des décisions soumises au juge et validées par lui n’est pas suivie d’une exécution effective.

Le contentieux des étrangers a connu plusieurs années de croissance remarquable, avec un doublement du nombre d’affaires entre 2002 et 2007. Le seul contentieux de l’arrêté de reconduite avait quadruplé entre 1995 et 2006, passant de 4 200 en 1995 à 16 000 en 2006

Un effet de stabilisation global du contentieux des étrangers semble néanmoins constaté par le Conseil d’Etat dans son dernier rapport public, avec une baisse, toutes mesures confondues, de 3,5 %. Mais si le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière a diminué en réponse à la réforme de 2006 (-30 % en 2007 ; -12 % en 2008), ce qui correspond à la baisse pour la même période du nombre d’arrêtés de reconduite à la frontière prononcés (-22 % en 2007 ; -14 % en 2008), le contentieux est en progression exponentielle sur l’OQTF.

Désormais, plus de 50 % du contentieux des étrangers devant les juridictions administratives a trait aux refus de titres de séjour assortis d’une OQTF5.

Sur les 46 000 décisions de refus de séjour assorties d’une OQTF prises en 2007, 19 000 ont été contestées (soit 42 %). En 2008, ce sont 23 000 des 42 000 décisions prises qui ont été contestées (soit 54 %)6.

Nombre d’OQTF et d’APRF prononcés et contestés devant les tribunaux administratifs en 2007 et 2008 :

 

2007

2008

 

Mesures prononcées

Recours formés

Mesures prononcées

Recours formés

OQTF

46 263

19 371 (41,87 %)

42 130

22 798 (54,11 %)

APRF

50 771

14 433 (28,43 %)

43 739

12 217 (27,93 %)

Total

97 034

33 804 (34,84 %)

85 869

35 015 (40,78 %)

Source : Conseil d’Etat.

Au total, le contentieux des étrangers représente 48,9 % des affaires enregistrées devant les cours administratives d’appel, ce taux atteignant même 62,5 % à Paris et 67 % à Versailles7. La situation, bien que géographiquement très contrastée, est également préoccupante devant les tribunaux administratifs.

Sur les 44 000 nouveaux recours enregistrés devant les tribunaux administratifs en 2007, le contentieux se répartissait comme suit :

- plus de 19 000 recours dirigés contre des refus de séjour assortis d’une OQTF,

- plus de 14 000 recours dirigés contre des APRF,

- plus de 10 000 recours dirigés contre des refus de séjour et des retraits de titre de séjour.

L’ampleur de la charge contentieuse doit être rapprochée du taux d’exécution des mesures d’éloignement. Le vice-président du Conseil d’Etat a relevé le caractère « virtuel » du contentieux en faisant valoir que 95 % des décisions juridictionnelles relatives aux refus de séjour n’étaient pas suivies d’exécution effective8.

Répartition du contentieux devant les tribunaux administratifs

Tribunaux administratifs

2004

2005

2006

2007

2008

Evolution

2004/08

Affaires enregistrées

Total

Total

évol.

total

évol.

Total

évol.

total

évol.

%

Etrangers

38 602

40 012

+3,65%

43 732

+9,30%

46 400

+6,10%

44 778

-3,50%

+16%

Contentieux fiscal

21 096

22 674

+7,48%

20 157

-11,10%

20 348

+0,96%

19 829

-2,55%

-6%

Fonctionnaires et agents publics

20 078

18 032

-10,19%

16 696

-7,41 %

16 260

-2,61%

17 432

+7,21%

-13%

Urbanisme

10 695

11 444

+7,00%

12 798

+11,83%

13 086

+2,25%

13 353

+2,04%

+25%

Marchés et contrats

4 429

4 952

+4,72%

4 996

+0,89%

5 133

+2,74%

5 518

+7,50%

+17%

Santé publique

3 216

3 468

+7,84%

3 574

+3,06

3 513

-1,71%

3 377

-3,87%

+5%

Police

9 694

14 176

+46,23%

19 967

+40,85%

22 954

+14,96%

22 383

-2,49%

+131%

Autres

40 483

41 455

+2,40%

44 824

+8,13%

42 005

-6,29%

49 671

+18,25%

+23%

TOTAL

148 593

156 213

+5,13%

166 744

+6,74%

169 699

+1,77%

176 341

+3,91%

+19%

Source : Conseil d’État

- Le poids des charges administratives

Ce contentieux pèse par ailleurs très lourdement sur les préfectures tant sur un plan budgétaire qu’organisationnel. Depuis 2000, les procédures d’urgence et l’oralité ont bouleversé l’activité contentieuse des préfectures et, dans une moindre mesure, de l’administration centrale, ce qui les oblige à s’adapter régulièrement aux difficultés de gestion qui en découlent. La charge contentieuse par les tâches et les déplacements qu’elle implique est déstabilisatrice sur l’activité des préfectures.

Cette charge pèse également sur les services de police et de gendarmerie, comme le démontre la progression des interpellations de personnes en situation irrégulière de 70,14 % entre 2003 et 2009 (45 500 en 2003 et 77 413 en 2009, voir tableau 1.1.3.1).

L’ensemble de ces éléments révèle donc le décalage existant entre l’intensité de l’activité administrative et ses résultats.

Le constat n’est pas nouveau. Le droit est régulièrement modifié parce qu’il ne donne pas les effets escomptés. Mais l’évolution des règles ne découle pas seulement de la seule volonté d’adaptation de la politique migratoire nationale. L’ajustement des textes doit également se soumettre aux principes constitutionnels et conventionnels qui eux-mêmes évoluent au rythme d’une interprétation dynamique.

Surtout, la maîtrise des flux migratoires ne repose plus exclusivement sur l’application et l’adaptation d’une législation nationale. Elle s’inscrit dans le cadre de l’approche intégrée que l’Union européenne entend développer pour mettre en œuvre une véritable gestion harmonisée des flux migratoires.

Le cadre juridique français est encore appelé à évoluer pour se mettre en conformité avec les normes communes adoptées par le Parlement européen. La réforme du droit de l’éloignement ici présentée résulte notamment de l’obligation de transposition de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, dite « directive retour ».

1.2. Analyse du cadre juridique actuel

1.2.1. L’état du droit français sur les dispositifs d’emploi légal des étrangers

1.2.1.1. Les instruments juridiques d'admission au séjour pour

motifs professionnels

En réorganisant l’immigration professionnelle, la France cherche à répondre aux besoins de recrutement de certains secteurs économiques par des facilités d’accès pour des ressortissants étrangers à des métiers déterminés. Elle veille à préserver les intérêts des pays d’origine et à contribuer à leur développement tout en favorisant son rayonnement économique et culturel.

La loi du 24 juillet 2006 sur l’immigration et l’intégration a complété le cadre juridique nécessaire à cette relance de l’immigration de travail. La nouvelle approche de la migration professionnelle, qui se veut attractive et adaptée aux besoins des entreprises, se décline ainsi par catégories. Sa mise en œuvre s’est traduite par une augmentation du nombre de cartes de séjour pour motif professionnel. Les titres de séjour permettant l’exercice d’une activité professionnelle sont les suivants :

- la carte de séjour "compétences et talents" (article L. 315-1 du CESEDA) ; 

- les cartes de séjour temporaire (CST) "salarié" et "travailleur temporaire" (article L. 313-10 1°), "salarié en mission" (article L. 313-10 5°), "travailleur saisonnier" (article L. 313-10 4°), "scientifique" (article L. 313-8), "commerçant", "artisan" ou "industriel" (article L. 313-10 2°) "profession artistique et culturelle" (article L. 313-9 du CESEDA), ou encore "étudiant" (art. L313-7 I).

1.2.1.2. Les conditions d'admission au séjour et au travail des

étrangers hautement qualifiés

En l'état actuel du dispositif français d'immigration professionnelle, les travailleurs hautement qualifiés sont susceptibles, en fonction de leur situation au regard du séjour et du travail, de bénéficier d'une CST portant, selon le cas, la mention "salarié", "travailleur temporaire", "salarié en mission" ou "scientifique".

Les CST "salarié" et "travailleur temporaire" (article L. 313-10 1° du CESEDA) permettent au ressortissant d’un État tiers ou d’un État membre de l’UE auquel s’appliquent des mesures transitoires d’accéder, sans que la situation de l’emploi ne lui soit opposable, à des métiers pour lesquels les employeurs rencontrent des difficultés de recrutement. Ces métiers figurent sur une liste fixée par arrêtés. La carte "salarié" est délivrée lorsque le contrat de travail proposé est d’une durée au moins égale à un an et la carte "travailleur temporaire" pour tout contrat de travail de moins d’un an.

La CST "salarié en mission" (article L. 313-10 5° du CESEDA) peut bénéficier au salarié soit qui justifie d’au moins trois mois d’ancienneté au sein d’une entreprise établie à l’étranger et qui est détaché en France dans un autre établissement d’une entreprise ou dans une autre entreprise appartenant au même groupe, soit qui est embauché pour au moins trois mois par une entreprise du même groupe établie en France. Ce salarié doit faire la preuve d’une qualification et d’une technicité particulières et justifier d’une rémunération brute équivalente à au moins 1,5 fois le SMIC. Cette carte, qui couvre une situation par nature temporaire, a une durée de validité de trois ans renouvelable.

Selon leur situation, les étrangers cadres dirigeants ou de haut niveau peuvent prétendre à l'une des trois CST énumérées ci-dessus. On entend par "cadres dirigeants" les salariés qui exercent des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps et qui sont amenés à prendre des décisions de façon largement autonome ; ils perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise (article L. 3111-2 du Code du travail). Les "cadres de haut niveau" doivent percevoir une rémunération mensuelle brute supérieure ou égale à 5 000 €.

Lorsque les cadres dirigeants ou de haut niveau sont déjà employés depuis plus de six mois par une société appartenant au même groupe international, ils reçoivent une CST "salarié en mission.

Dans le cas contraire, ils bénéficient d'une CST portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

Une procédure simplifiée d'introduction visant à faciliter pour les cadres dirigeants et de haut niveau des sociétés françaises appartenant à des groupes internationaux et les membres de leur famille, la délivrance des autorisations de travail et des titres de séjour a été mise en place par la circulaire interministérielle n° DPM/DMI2/2006/132 du 15 mars 2006. Cette procédure se caractérise par la désignation de l'OFII comme interlocuteur unique jouant le rôle d'interface entre les différentes administrations. Les délais d'instruction s'en trouvent raccourcis : on compte moins d'un mois entre la demande d'autorisation de travail et le début d'exécution du contrat de travail.

Les étrangers cadres dirigeants ou de haut niveau peuvent être accompagnés par leur conjoint et leurs enfants mineurs dès leur arrivée en France ou peuvent demander à l'être pendant les dix mois qui suivent. Les conjoints voient leur accès au travail en France facilité, la situation de l'emploi ne leur étant pas opposée si un employeur leur propose un contrat de travail assorti d'une rémunération mensuelle brute d'au moins 2 000 €.

Enfin, la CST "scientifique" (article L. 313-8 du CESEDA) est destinée au ressortissant d’un pays tiers à l’UE diplômé de l’enseignement supérieur à un niveau au moins équivalent à celui de master et qui se livre à des activités de recherche ou d’enseignement. Il doit produire une convention d‘accueil signée avec un établissement de recherche ou d’enseignement et qui précise la durée de réalisation des travaux, susceptible de s’étendre sur plusieurs années.

1.2.1.3. La mise en perspective de la "carte bleue européenne"

avec les titres nationaux9

La directive 2009/50/CE crée une procédure commune accélérée et souple pour la délivrance d’une "carte bleue européenne", permis de séjour et de travail destiné aux ressortissants de pays tiers considérés comme "hautement qualifiés". Elle détermine les critères que les Etats membres de l’UE doivent imposer aux demandeurs, sans préjudice des régimes d’entrée et de séjour nationaux préexistants et des conditions plus favorables laissées au libre choix des Etats membres.

La "carte bleue européenne" est donc destinée à être délivrée à des travailleurs hautement qualifiés qui considèrent qu’en raison de la spécificité de leurs compétences, ils sont en mesure d’offrir leurs services à des entreprises installées dans différents Etats de l’UE. En raison de la facilité qu'elle introduit en matière de mobilité intra-communautaire, elle justifie le choix de créer une nouvelle mention dans la typologie des CST autorisant l'exercice d'une activité professionnelle et non pas de créer un nouveau titre sui generis.

La "carte bleue", étant étroitement liée aux conditions de rémunération prévues par le contrat de travail, se distingue ainsi profondément des conditions qui régissent la carte "compétences et talents" qui repose d’abord sur un projet d’activité contribuant « de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont [son titulaire] a la nationalité » (article L. 315-1 du CESEDA).

Parmi les titres de séjour prévus actuellement dans le CESEDA, aucun ne correspond exactement à la "carte bleue européenne", le plus proche étant la CST portant la mention "salarié" dont la délivrance est facilitée pour les cadres de haut niveau.

La "carte bleue européenne" sera donc matérialisée par la CST portant la mention "carte bleue européenne".

1.2.2. L’état du droit français sur les dispositifs de lutte contre le travail

illégal des étrangers

1.2.2.1. Les principaux textes de lutte contre le travail illégal

La lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre a donné lieu en 2006 et 2007 à l’initiative du Gouvernement et du Parlement à plusieurs réformes législatives et réglementaires inspirées notamment par le comité interministériel de contrôle de l’immigration. Ces réformes ont renforcé le dispositif de prévention et de répression et ont instauré de nouvelles règles avec pour objectif de permettre une meilleure régulation des flux de main-d’œuvre étrangère sur le marché du travail. Elles visent également à intensifier la lutte contre l’immigration irrégulière.

L’introduction dans le nouveau code du travail, entré en vigueur le 1er mai 2008, d’un chapitre spécifiquement consacré au travail illégal, marque la volonté forte du législateur de prendre en compte un phénomène de fraudes majeures à l'exercice d'une activité professionnelle et à l'emploi de salariés.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a introduit quatre principales modifications au code du travail :

- obligation pour l’employeur de vérifier avant toute embauche l’existence du titre autorisant l’étranger à exercer une activité salariée en France (article L. 5221-8 ex L. 341-6);

- contribution spéciale due par l’employeur d’un étranger sans titre de travail fixée à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 5 000 fois ce même taux par l’article 155 de la loi n°2008-1425 du 27 décembre 2008 portant loi de finances pour 2009 (article L. 8253-1 ex L. 341-7) ;

- autorisation pour les agents qui ne relèvent pas de la police nationale ou de la gendarmerie nationale d’avoir recours à un interprète assermenté (article L. 8271-3 ex L. 325-2-1) ;

- autorisation donnée aux agents chargés de la délivrance des titres de séjour d’accéder aux traitements automatisés des autorisations de travail, et réciproquement, aux inspecteurs du travail et agents assimilés d’accéder aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers (article L. 8271-19 ex L. 325-7).

Les articles L.8254-1, L.8254-2 et L.8254-3 permettent de responsabiliser le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre dès lors que ceux-ci font appel à un cocontractant pour la réalisation d'un travail ou d'une prestation ou d'une partie de celle-ci. Ainsi, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre ont une obligation de vigilance vis-à-vis de leur cocontractant, quant au respect par ce dernier, de la réglementation du code du travail, notamment les obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L.8251-1.

A ce titre, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre vérifient à la conclusion du contrat, puis tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution de celui-ci que les salariés étrangers de leur cocontractant sont en règle vis-à vis des législations du séjour et du travail.

Par ailleurs, l'article L.8254-3 du même code inclut dans cette obligation les particuliers qui concluent, pour leur usage personnel, un contrat d'un montant de 3 000 euros au moins.

Enfin, l'article L.8254-2 applique la solidarité financière à la contribution forfaitaire pour frais de réacheminement prévue à l'article L.626-1 du CESEDA et à la contribution spéciale prévue à l'article L.8253-1 du code du travail.

Ainsi, au regard de ces dispositions, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre, même s'ils n'ont pas directement commis l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre, sont responsables, au même titre que l'employeur frauduleux, et sont redevables des sanctions administratives.

Par ailleurs, la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 modifie la nature de la contribution spéciale due à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM devenue OFII) lorsqu’une infraction à l’emploi d’un étranger est relevée à l’encontre d’un employeur, d’une part, en lui conférant le caractère d’une créance privilégiée et, d’autre part, en instaurant une procédure de consignation d’une partie du montant de la contribution spéciale, sur décision de son directeur général.

Deux décrets sont venus compléter ces dispositions législatives :

- le décret n° 2006-660 du 6 juin 2006 relatif à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine précise les modalités d’application de cette sanction administrative due par un employeur verbalisé pour emploi irrégulier d’un étranger démuni d’un titre de séjour, complété par les arrêtés du 5 décembre 2006 relatifs au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine à partir de la métropole et à partir de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion.

- le décret n° 2007-801 du 11 mai 2007 relatif aux autorisations de travail délivrées à des étrangers et à la contribution spéciale due en cas d’emploi d’un étranger dépourvu d’autorisation de travail fixe les procédures de délivrance des divers titres de travail et les modalités, pour un employeur, de la vérification de l’existence du titre autorisant un étranger à occuper un emploi salarié. Il précise les dispositions concernant la responsabilité solidaire des donneurs d’ordre, ainsi que les modalités de la consignation et du privilège de la contribution spéciale due à l’ANAEM.

En outre, plusieurs circulaires destinées à mobiliser les services de l’Etat dans leurs actions de contrôle ont été diffusées à l’initiative des administrations concernées.

- Les sanctions financières

Le code du travail prévoit des sanctions financières administratives et pénales (à titre principal ou à titre complémentaire) à l'encontre des employeurs indélicats. Par ailleurs, d'autres mesures administratives viennent compléter l'arsenal des sanctions. Les deux sanctions administratives financières sont les contributions spéciale et forfaitaire.

La contribution spéciale due à l'OFII

Instaurée par la loi n° 76-621 du 10 juillet 1976, la contribution spéciale due à l'OFII, visée à l'article L.8253-1 du code du travail, est une amende administrative à la charge de l'employeur10 qui emploie un étranger dépourvu d'autorisation de travail. La contribution est due pour chaque salarié étranger en situation irrégulière et l'engagement de la procédure administrative est totalement indépendant de la procédure judiciaire. Le montant de base est équivalent à 1 000 fois le taux du minimum garanti11, soit 3 310 euros au 1er juillet 2009.

Le tableau ci-dessous montre que le nombre de dossiers transmis à l'OFII n'a cessé de croître depuis 2005 (779 dossiers en 2005 contre 1 433 en 2009) soit une progression de 83,95 %. En revanche, le nombre d'infractions constatées s'est stabilisé avec une légère augmentation de 0,94 % au cours de la même période.

Evolution du nombre de dossiers transmis à l’OFII.

 

2005

2006

2007

2008

2009

Nombre de dossiers parvenus à l’OFII

779

1 010

1 164

1 341

1 433

Nombre d’infractions constatées

2 027

2 515

2 584

2 814

2 046

Nombre moyen d’infractions par dossier

2,60

2,5

2,2

2,09

1,43

Source’OFII.

La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine

En sus de la contribution spéciale, l'employeur, depuis juillet 2007, doit s'acquitter d'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine s'il est démuni d'un titre de séjour (Cf. article L. 626-1 du CESEDA).

Cette amende administrative a été instaurée par l'article 32 de la loi n°2003-1119 du 26 novembre 2003, lequel a été codifié au CESEDA à l'article L. 626-1.

Le décret d'application n° 2006-660 du 6 juin 2006, complété par deux arrêtés12 du 5 décembre de la même année, fixe le montant de cette contribution pour les éloignements opérés à partir de la métropole et l'outre-mer.

La circulaire NOR /IMI/D/07/00003/C du 14 août 2007 précise par ailleurs que la contribution est "exigible à partir du moment où l'irrégularité du séjour du salarié étranger est constatée, même si aucune mesure d'éloignement n'a été prise à son encontre et à plus forte raison exécutée".

Les données transmises par les préfectures concernant la première application effective de la contribution forfaitaire font apparaître la mise en œuvre de 680 procédures en 2008. Elles ont généré 1 933 875 euros de mise en recouvrement et 324 717 euros de montant recouvré soit près de 17 % des sommes13. Ces procédures ont suscité 67 retraits de titre de séjour à des employeurs étrangers indélicats (article L.314-6 du CESEDA) et 21 contentieux, au titre de l'année 2008.

Concernant l'année 2009, 641 procédures ont été mises en place. Un montant de 1 973 244 euros a été mis en recouvrement et 462 372 euros ont été recouvrés. Ces procédures ont provoqué le retrait de 55 titres et 27 contentieux.

- Les sanctions pénales

Les sanctions pénales prévues par le code du travail résultent de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration. L'article L.8256-2 du code du travail prévoit, à l'égard de l'employeur, personne physique qui a commis un délit au titre de l'article L.8251-1 du code du travail, 5 ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Lorsque cette infraction est commise en bande organisée, l'employeur risque 10 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. Les peines d'amende s'appliquent autant de fois qu'il y a de salarié étranger employé de façon irrégulière.

Par le mécanisme de l'interposition, il est possible de transférer les poursuites vers la personne qui utilise ou fait travailler les ressortissants étrangers comme s'il était leur employeur, notamment dans les situations de prêt illicite de main d'œuvre avec transfert éventuel du lien de subordination14.

Le code pénal15 prévoit les modalités de sanctions lorsque l'infraction est commise dans des circonstances aggravantes telles que la récidive, la traite des êtres humains, les conditions de travail particulièrement abusives et lorsque la victime est une personne particulièrement vulnérable ou un mineur.

A titre d'exemple, la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice (DACG) a enregistré en 2008, 7 478 condamnations définitives au titre des infractions constitutives du travail illégal, contre 7 038 en 2007 et 6 275 en 2006, soit une progression de plus de 19% en trois ans.

S'agissant plus particulièrement de l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre de travail, en 2006, les tribunaux correctionnels et les cours d'appel ont prononcé 392 décisions (soit 94 de plus qu'en 2005). En 2005, 110 peines d'emprisonnement ferme ou avec sursis, 160 amendes et 17 dispenses de peine avaient été prononcées.16 En 2007, 428 condamnations ont été prononcées à l'encontre de personnes physiques dont 170 peines d'emprisonnement, 154 amendes, 12 peines de substitution17. Ces données montrent une progression des condamnations, relative à l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre, de plus de 9 % entre 2006 et 2007.

Au titre de 2008, 1 900 condamnations définitives ont été prononcées à l'encontre d'employeurs indélicats, soit une progression de 22% par rapport à 200718.

- Les peines complémentaires

Les articles L. 8256-3, L. 8256-4 et L. 8256-7 du code du travail prévoient des peines complémentaires pour les personnes physiques comme pour les personnes morales. Il s'agit notamment, de l'exclusion des marchés publics pendant 5 ans au plus, de la fermeture de l'établissement, de l'affichage et la diffusion de la décision prononcée, de la confiscation des objets ayant servi à commettre l'infraction ou qui en sont le produit. L’article L. 8272-1 instaure une sanction administrative qui se traduit par le refus par l’administration, pendant une durée de 5 ans, des aides financières de l'Etat ou des subventions ou des aides à caractère public attribuées par des organismes de service public, comme le Pôle emploi et de l'impossibilité d'obtenir des autorisations de travail auprès du préfet.

Les sanctions propres à la personne physique sont l’interdiction d’exercer une activité pendant 5 ans au plus, s’il est lui-même étranger, il est interdit de séjour pendant 5 ans au plus. En outre, il ne peut plus exercer ses droits civils, civiques et de la famille.

Quant à la personne morale, le code du travail prévoit le placement sous surveillance judiciaire et la confiscation de tout ou partie de ses biens, quelle qu'en soit la nature.

En 2007, au titre des peines complémentaires, le ministère de la justice a recensé 141 amendes, 17 condamnations d’affichage et de décisions de justice, 1 retrait des droits civiques et politiques et 5 condamnations d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle et de fermeture d’établissement.

1.2.2.2. Les structures institutionnelles existantes (niveau national

et départemental)

Les pouvoirs publics ont constamment maintenu une volonté de lutter contre toutes formes de fraudes et de pratiques abusives portant atteintes aux finances publiques. Le travail illégal dont l'emploi d'étrangers sans titre est inclus dans ce dispositif de lutte qui s'est concrétisé par le lancement de trois plans nationaux d'actions en 2004-2005, puis 2006-2007 et 2008-2009. Le dernier s'est déroulé dans un cadre rénové.

- Avant la réforme du 18 avril 2008

La coordination en matière de lutte contre le travail illégal était assurée par un dispositif institutionnel mis en place par décret du 11 mars 199719. Ce dispositif, dont il ne subsiste que les COLTI et la CNLTI, était organisé suivant deux niveaux : national et départemental.

Au plan national

Au plan national, le Comité interministériel pour la lutte contre le travail illégal (CILTI), présidé par le Premier ministre, animait et évaluait la politique du gouvernement en matière de lutte contre le travail illégal.

La Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI), maintenue dans le nouveau dispositif, est chargée de la coordination interministérielle entre tous les acteurs institutionnels et les partenaires sociaux.

La Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI) 20 avait pour mission notamment, l'animation du dispositif interministériel national et départemental ainsi que la coordination de l'action des administrations et des organismes compétents en matière de lutte contre le travail illégal.

Au plan local

Au plan local, la Commission départementale de lutte contre le travail illégal (CDLTI) placée sous l'autorité du préfet et la vice-présidence du procureur de la République du tribunal de grande instance du chef-lieu du département était chargée d'élaborer des programmes de prévention et de lutte qui répondaient aux orientations nationales et aux particularités du contexte local.

Le Comité opérationnel de lutte contre le travail illégal (COLTI), seule structure locale qui reste de l'ancien dispositif, présidé par le procureur de la République, définit et met en œuvre les actions de contrôle. Il convient cependant de préciser que le décret du 18 avril 2008 organisait une expérimentation dans certains départements et régions, impliquant une évolution des COLTI. Début 2010, un projet de décret envisage la suppression des COLTI au profit d’une structure aux compétences élargies à l’ensemble des fraudes, dont le travail illégal.

- Après la réforme du 18 avril 2008

En fin d'année 2007, le Président de la République a souhaité intensifier la lutte contre la fraude. Ainsi, une nouvelle organisation développant le dispositif de coordination de lutte contre la fraude a été mise en place. Par décret n°2008-371 du 18 avril 2008 a été créée la délégation nationale à la lutte contre les fraudes, dont le travail illégal, (DNLF) chargée de mettre en place l'expérimentation d'une nouvelle organisation départementale et régionale. Un nouveau dispositif de coordination locale renforcée dans la lutte contre les fraudes aux finances publiques et sociales en métropole et dans les DOM a été testé sur une durée de 18 mois. Ainsi, la DILTI au plan national, et les CDLTI au plan local sont dissoutes.

Au plan national

Au plan national, le Comité national de lutte contre la fraude, présidé par le Premier ministre et réunissant tous les ministres concernés et les organismes sociaux, est chargé d'orienter la politique du gouvernement en matière de lutte contre les fraudes portant atteintes aux finances publiques. Lorsqu'il se réunit pour examiner les questions relatives à la lutte contre le travail illégal, le Comité national est dénommé "Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI)21.

La DNLF22, rattachée au ministère chargé du budget, veille à l’efficacité et à la coordination des actions menées en matière de lutte contre la fraude, en concertation avec l'office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) et l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST), structures de police judiciaire.

L’implication du ministère chargé du travail dans le dispositif de lutte contre le travail illégal est consacrée par le nouveau texte, le ministre du travail présidant la CNLTI en cas d’indisponibilité du Premier Ministre et la direction générale du travail apportant son concours à la DLNF.

Au plan local

Au plan local, est créé, à titre expérimental, pendant 18 mois, dans les départements ou les régions, un comité local de lutte contre la fraude (C.L.L.F), ou un comité local unique de lutte contre la fraude (C.L.U.L.F) présidé par le préfet et composé de représentants d’organismes locaux de protection sociale et de représentants de services de l’Etat.

Ainsi, dans les régions ou départements expérimentateurs du C.L.L.F, le comité local définit les procédures et actions prioritaires à mettre en place pour améliorer la coordination de la lutte contre les fraudes autres que le travail illégal. Dans ces régions ou départements, le COLTI conserve toutes ses attributions concernant les actions à mettre en œuvre contre le travail illégal.

Quant aux départements expérimentateurs du C.L.U.L.F, le COLTI cesse ses fonctions. Le comité local unique se réunit en formation restreinte sous la présidence du procureur de la République près le tribunal de grande instance du chef-lieu du département, chaque fois qu’une action de contrôle ou une opération concertée entre plusieurs organismes ou services est nécessaire.

Au terme de cette expérimentation qui a pris fin le 18 octobre 2009, la DNLF a établi un bilan des actions menées dans les régions et départements. Un décret pris en Conseil d'Etat devrait prochainement fixer la nouvelle organisation de la lutte contre les fraudes.

1.2.2.3. Les actions concrètes menées sur le terrain notamment les opérations conjointes

- Les agents habilités

En vertu de l’article L.8271-1, les infractions constitutives du travail illégal sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-7 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal : les inspecteurs et contrôleurs du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents de la direction générale des finances publiques, les agents de la direction générale des douanes et droits indirects, et les agents de l'URSSAF et des caisses de mutualité sociale agricole

S'agissant de la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre, les personnels habilités sont les officiers et les agents de police judiciaire, les inspecteurs, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires assimilés et les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (article L. 8271-17 du code du travail).

Les agents de contrôle engagés dans la lutte contre le travail illégal disposent de pouvoirs propres liés à leurs fonctions mais aussi de pouvoirs particuliers qui leur ont été accordés par le code du travail. Ces pouvoirs ont été renforcés par plusieurs lois, notamment la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et, s'agissant de la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre, la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

Ainsi, en matière de lutte contre les trafics de main d'œuvre étrangère, les agents habilités à rechercher et à constater ces infractions disposent de pouvoirs leur permettant l’accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers (cf. Article L. 8271-19 du code du travail) et ils peuvent solliciter des interprètes (cf. articles 157 du code de procédure pénale et L. 8271-3 du code du travail).

En termes de statistiques, le nombre des faits constatés concernant l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre n'a cessé d'augmenter depuis plusieurs années. A titre d'exemple, en 2008, 3 275 infractions ont été constatées contre 2 772 en 2007, soit une progression de plus de 18 %23. Ces chiffres confirment une forte implication et mobilisation des services à la lutte contre le travail illégal. Ainsi, comme le montre le diagramme ci-dessous, en 2008, la gendarmerie, premier corps verbalisateur, dresse 36 % des procès-verbaux, la police 22 % et l'inspection du travail du régime général 20%.24.

S'agissant des personnes mises en cause pour emploi d'étrangers sans titre, leur progression est spectaculaire au cours des quatre dernières années. En 2008, 2 675 employeurs étaient verbalisés, contre 1 564 en 2007, 1 077 en 2006 et 887 en 2005 soit une progression de plus de 200 %. En 2009, cette tendance, moins marquée, s'est néanmoins maintenue avec 2 843 employeurs mis en cause.

Toujours dans l'optique d'améliorer l'efficacité des contrôles auprès des employeurs, le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) a décidé en 2005 de mettre en place des opérations conjointes. Celles-ci sont depuis régulièrement organisées dans le cadre des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (COLTI) ou des CLULF (cf. 1.2.2.2.).

- Les opérations conjointes

Les opérations conjointes consistent à exercer en commun les prérogatives et les compétences des différents services habilités, dans une opération de contrôle préparée et organisée par le COLTI (ou CLULF) par entente entre les services, sous l’autorité du procureur de la République et du préfet.

Le secrétaire permanent est chargé, notamment, de mobiliser les services et de constituer les équipes intervenantes en prévoyant les moyens matériels nécessaires. Il est chargé de collecter les renseignements sur l'environnement fiscal et/ou social des personnes physiques ou morales ciblées, de préparer des outils méthodologiques de travail indispensables aux agents enquêteurs. A la fin des opérations, il veille à la bonne circulation des informations notamment auprès des organismes de protection sociale, de l'administration fiscale, des organismes gestionnaires d'aides financières. Enfin, il dresse le bilan et les résultats des opérations menées. Ainsi, la participation conjointe de plusieurs services possédant leurs propres compétences permet d'effectuer un contrôle large sur l'ensemble des infractions relatives au travail illégal.

S'agissant des modalités de mise en œuvre, la circulaire interministérielle du 18 décembre 2006 organisait la fréquence de ces opérations. Au regard des résultats enregistrés en 2007 et 2008 et pour maintenir la synergie mise en place, ce dispositif a été reconduit en 2009, selon les modalités définies par la circulaire interministérielle du 24 décembre 2008. Les chiffres obtenus au cours du 1er semestre 2009 sont particulièrement favorables puisque 553 opérations conjointes de lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre de travail ont été réalisées.

Ainsi, la forte implication des services, en 2009, a permis de procéder au contrôle de 29 505 personnes contre 28 752 en 2008, d’interpeller 649 employeurs d’étrangers sans titre parmi lesquels figurent principalement des Français, des Chinois et des Turcs, d'interpeller 1 116 étrangers en situation irrégulière et d'en reconduire 159.

Bilan des opérations conjointes de lutte contre le travail illégal intéressant les ressortissants étrangers

 

Année 2006

Année 2007

Année 2008

Année 2009

Nombre d'opérations

306

831

1 220

1 367

Nombre de personnes contrôlées

12 551

25 539

28 752

29 505

Nombre d'employeurs d'EST

236

483

694

649

Nombre de procédures

234

522

597

593

Nombre d'étrangers en situation irrégulière

425

992

987

1 116

Nombre d'étrangers en situation irrégulière reconduits

162

295

381

159

Source MIOMCT – DCPAF (OCRIEST)

Les services de contrôle habilités à dresser des procès verbaux d'infraction au titre du travail illégal, ont, au titre de l'année 2009, participé à 925 opérations (URSSAF) 619 (DCPAF), 625 (Inspection du travail), 406, (Gendarmerie) et 287 (Sécurité publique). La plus forte progression de participation entre 2008 et 2009 est enregistrée par les renseignements généraux (71,67 %), suivie par l'inspection du travail (37,97 %), la gendarmerie nationale (19,06 %) et la police judiciaire (14,29%).

Evolution de l’implication des services dans les opérations conjointes

Services concernés

2007

2008

2009

PAF

567

673

619

SP

172

289

287

PJ

10

7

8

Gendarmerie

267

341

406

GIR

28

41

26

Inspection du travail

344

453

625

URSSAF

508

826

925

MSA

78

75

61

DCRI*

15

120

206

Services vétérinaires

53

92

72

DDCCRF

59

86

98

Impôts

141

186

178

Autres services

206

405

209

Source MIOMCT – DCPAF (OCRIEST)

La France concentre avec l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Grande Bretagne 80% des flux migratoires au sein de l'Union européenne.

Son dispositif de lutte contre le travail illégal, notamment l'emploi d'étrangers sans titre, est bien développé. Il comprend un arsenal législatif organisant les mesures tant préventives que répressives à l'encontre des auteurs des infractions. En outre, la lutte contre le travail illégal est encadrée par un dispositif institutionnel tant au plan national que local. Enfin, des contrôles sont organisés notamment par le biais d'opérations conjointes réunissant des agents habilités provenant tant d'organismes que de l'administration afin d'élargir le champ de contrôle et d'en améliorer l'efficacité.

Néanmoins, la politique française menée dans le domaine de la lutte contre le travail illégal ne pourra porter pleinement ses fruits que si les Etats membres de l'Union européenne appliquent une politique similaire à celle de la France.

1.2.3. L’état du droit français sur l’éloignement des étrangers en situation irrégulière

1.2.3.1. Descriptif synthétique du cadre juridique français en matière d’éloignement des étrangers en situation irrégulière

Les règles relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière sont essentiellement régies par les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers (CESEDA) et, s’agissant particulièrement de l’éloignement, par son livre V.

Ce droit résulte des nombreuses réformes législatives, parmi lesquelles la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 pour la réforme du droit de l’expulsion, dite réforme de la « double peine », et la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 pour la réforme de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière avec la création de l’OQTF, à laquelle la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 a, notamment, apporté quelques aménagements.

Les principales caractéristiques du droit actuellement applicable aux étrangers en situation irrégulière sur le territoire français sont les suivantes.

Sous réserve des conventions internationales, le droit au séjour sur le territoire français résulte d’une autorisation administrative prévue à l’article L. 311-1 du CESEDA. La soustraction à cette autorisation est un délit prévu et réprimé par l’article L. 621-1 du même code. Le juge pénal peut prononcer une interdiction du territoire à titre de peine complémentaire. Le défaut de cette autorisation de séjour peut, sans préjudice de l’application de la loi pénale, donner lieu à l’application d’une mesure administrative d’éloignement. Des décisions administratives, dont les effets diffèrent selon leurs motifs, peuvent ainsi être prises. Des distinctions doivent être opérées selon que la décision s’attache à mettre fin au seul séjour irrégulier ou à un trouble à l’ordre public, sans lien direct avec l’infraction de séjour irrégulier.

Lorsque la décision administrative sanctionne le séjour irrégulier, elle épuise ses effets avec son exécution effective, soit la sortie du territoire français. Le CESEDA distingue :

- L’obligation de quitter le territoire français (OQTF) : prévue au I de l’article L. 511-1, elle ouvre à la personne qui en fait l’objet, et dans tous les cas, un délai de départ volontaire d’un mois à l’expiration duquel l’exécution d’office est possible. L’OQTF assortit la décision de refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour ou de retrait de celui-ci en dehors des cas où cette décision est prise pour des motifs d’ordre public. A l’expiration du délai de départ d’un mois, l’OQTF épuise ses effets avec son exécution effective.

Cette mesure, créée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, est applicable aux étrangers qui ayant respecté la procédure d’admission au séjour, sont en situation régulière à la date à laquelle la décision défavorable relative au séjour leur est opposée. Elle s’est ainsi substituée aux anciens cas d’arrêtés de reconduite à la frontière pris sur un refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait du titre de séjour assortis d’une invitation à quitter le territoire français dans le délai d’un mois. Le principe de la réforme de 2006 consistait à unir sur un support unique la décision relative au séjour et l’OQTF, exécutoire d’office dans le cas où l’intéressé ne défère pas volontairement à l’obligation qui lui est faite. La loi pose comme principe le retour volontaire dans un délai de départ d’un mois lorsque la procédure d’admission au séjour a été respectée.

- L’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF), prévu au II de l’article L. 511-1 (1° à 7°), sanctionne les situations reposant sur une violation de la loi : entrée irrégulière, maintien sans titre de séjour au-delà de la date à laquelle la possession de ce document est requise, ainsi que les cas de refus ou de retrait du titre de séjour en lien avec l’ordre public ou l’existence d’une condamnation définitive pour certains motifs. Il épuise également ses effets avec son exécution.

Un arrêté de reconduite à la frontière particulier, sans lien direct avec le séjour irrégulier, est actuellement prévu au 8° du même II de l’article L. 511-1. Introduit par l’article 75 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, il donne à l’autorité administrative les moyens juridiques de lutter contre le développement, souvent dans le cadre de réseaux internationaux organisés, de certaines formes de délinquance, notamment de proxénétisme et d’exploitation de la mendicité. La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 a étendu ce dispositif pour appréhender le comportement d’étrangers qui, sous couvert d’un séjour touristique, enfreignent la législation du travail.

La menace simple à l’ordre public ou l’infraction à la législation du travail commis dans la période de séjour régulier des trois premiers mois suivant l’entrée justifie la prise de cet APRF sur le fondement du 8° du II de l’article L. 511-1. L’entrée sur le territoire français peut-être refusée aux étrangers ayant fait l’objet de cette mesure moins d’un an auparavant en application de l’article L. 213-1, dans sa rédaction issue de l’article 49 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006.

- La décision d’expulsion pour menace grave à l’ordre public, prononcée par le ministre de l’intérieur ou le préfet territorialement compétent sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3, interdit l’entrée et le séjour jusqu’à son éventuelle abrogation ou annulation.

- Lorsque la loi le prévoit, les délits et les crimes peuvent faire l’objet de la peine complémentaire d’interdiction du territoire, à temps ou définitive, prononcée par le juge judiciaire, indépendamment du prononcé d’une mesure administrative d’éloignement.

- L’étranger entré ou séjournant irrégulièrement sur le territoire peut, sur le fondement des articles L. 531-1 et L. 531-2, être remis aux autorités de l’Etat membre dont il provient ou qui l’a admis à entrer ou séjourner sur son territoire. Il en est de même de l’étranger dont l’examen de la demande d’asile relève d’un autre Etat membre.

- La procédure de reconduite d’office à la frontière est applicable, en application de l’article L. 531-3, à l’étranger faisant l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une mesure d’éloignement exécutoire prise par l’un des autres Etats membres.

Décision

Recours

Possibilité de former un référé

Délai de recours

Remarques

- Refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour (sans OQTF)

- Retrait d’un titre de séjour (sans OQTF)

Recours pour excès de pouvoir (REP)

Oui (référé-suspension)

2 mois

 

- Refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour (avec OQTF)

- Retrait d’un titre de séjour (avec OQTF)

(art. L 511-1 I CESEDA)

Recours spécifique avec effet suspensif pour l’OQTF (article L. 512-1 du CESEDA)

Non

1 mois

- Le TA doit statuer sous 3 mois

- Si l’étranger est placé en rétention avant jugement du TA (dans les 3 mois), la légalité de l’OQTF est jugée en 72 heures

OQTF devenue définitive

 

Oui (référé liberté)

   

APRF

(art. L 511-1 II)

Recours spécifique avec effet suspensif (article L. 512-2)

Non

48 heures

Le TA statue dans les 72 heures

Décision fixant le pays de renvoi

1°) REP si la décision est contestée seule

_____________________

2°) Recours spécifique si la décision est contestée

a) avec OQTF

b) avec APRF

Oui

_____________

Non

2 mois

___________

 

Décision de placement initial en rétention

1°) REP si constatation seule

_____________________

2°) Recours spécifique en urgence

a) avec OQTF

b) avec APRF

Oui

_______________

Non

 

1°) aucun effet suspensif du recours

______________________

2°) le référé suspension débouche souvent sur un non-lieu à statuer

Décision de remises (art. L. 531-1, L. 531-2) et reconduites (L. 531-3)

Recours pour excès de pouvoir

Oui (référé-suspension)

   

Refus d’entrée sur le territoire (art. L. 213-1)

Recours pour excès de pouvoir

Oui (référé-suspension)

   

Refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile

Recours spécifique en urgence

(article L. 213-9)

Non

48 heures

Le TA (de Paris) statue dans les 72 heures

Dans tous les cas, l’exécution forcée de la mesure d’éloignement est largement conditionnée par la rétention administrative prévue par l’article L. 551-1 du CESEDA. Cette privation temporaire de liberté requiert, conformément à l’article 66 de la Constitution, l’intervention du juge judiciaire. Le juge des libertés et de la détention doit être saisi par l’autorité préfectorale d’une demande de prolongation de la rétention au terme des 48 premières heures du placement prononcé par l’autorité préfectorale. Une décision de rejet de la demande de prolongation de la rétention prononcée par le juge des libertés et de la détention affecte très sensiblement la possibilité d’exécution effective de l’éloignement. Il en est de même lorsque le juge des libertés et de la détention met fin au maintien de la rétention, cette décision pouvant intervenir à tout moment à compter de la prolongation de la mesure.

Le droit de l’éloignement est donc un droit complexe qui se caractérise par la multiplicité des situations juridiques, ainsi que par des combinaisons de compétence entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire.

1.2.3.2. Les facteurs de complexité du régime de l’éloignement des étrangers en situation irrégulière

- Le poids du contentieux administratif est un effet de cette complexité du droit

Le contentieux, possède des causes multiples qui ne sont pas toutes imputables à la complexité de la loi. Son poids peut aussi être le reflet – positif – d’un meilleur accès au juge. Mais il est devenu notoire que le droit des étrangers, qui multiplie et combine les situations juridiques, est une source importante de contentieux.

La création de l’OQTF par la loi du 24 juillet 2006 s’est révélée impuissante à alléger la charge contentieuse et a même provoqué un rebond du contentieux sur les refus de séjour.

La réforme de l’OQTF n’a donc pas atteint son principal objectif et s’est même révélée à l’encontre d’une simplification du droit, puisqu’elle a laissé subsister l’APRF avec une ligne de partage entre ces décisions, qui a alimenté un contentieux abondant, justifié une série de saisines pour avis du Conseil d’Etat25 et conduit à une élévation sensible sur l’année 2007 des annulations des décisions par le juge administratif. Les statistiques révèlent cependant dès l’année suivante un net fléchissement de ces annulations qui reviennent à un taux inférieur à celui de 2006. Le rebond du contentieux, lié à la réforme de 2006 et si fortement dénoncé, n’aurait donc eu qu’un impact ponctuel, rapidement réparé sur le taux d’annulation des mesures d’éloignement. Mais il n’en demeure pas moins une progression globale du contentieux, liée à la contestation quasi systématique du refus de séjour.

Décisions de tribunaux administratifs annulant une mesure administrative d’éloignement ou une décision fixant le pays de renvoi (% par rapport aux causes d’échecs d’éloignement)

2006

2007

2008

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

1966

8,33

2956

11,03

1986

7,92

Source : MIIINDS / SDEC

Un autre effet du droit en vigueur réside dans une évaluation des résultats encore très centrée sur l’exécution forcée, avec pour conséquence une mobilisation importante des moyens pour la rétention administrative.

En effet, en dépit d’une augmentation des retours volontaires en lien avec la réactivation des dispositifs d’aide au retour depuis 2005, le système français demeure centré sur l’exécution d’office, qui mobilise des moyens très importants pour la rétention administrative et dont le déroulement et l’issue déterminent l’effectivité des mesures d’éloignement.

Or, l’éloignement forcé représente une charge importante pour le budget de l’Etat, il impacte l’organisation du travail administratif dans les préfectures et alimente un contentieux administratif et judiciaire massif.

- Le coût budgétaire des actions d’éloignement et de rétention

Comme le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire l’a lui-même souligné, notamment à l’occasion de son intervention devant la commission des finances du Sénat le 1er juillet 2009, il existe une réelle difficulté à établir de manière exacte le coût d’une reconduite à la frontière. Cette difficulté est liée à la diversité des sources budgétaires et à la quasi impossibilité d’identifier précisément dans chacune de ces sources, la part affectée à la reconduite (par exemple, l’interpellation d’un étranger en situation irrégulière qui permet d’engager la procédure de reconduite relève aussi, selon les cas, des missions générales de police administrative ou judiciaire exercées par les services interpellateurs).

Un rapport, commandé en juillet 2009 à l’inspection générale de l’administration (IGA) sur les coûts de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, relève que le coût global de la politique d’éloignement pourrait être estimé à 232 millions d’euros, sans compter les coûts afférents aux contentieux devant les juridictions administratives et judiciaires. Un montant moyen de l’ordre de 12 000 euros par reconduite a pu être mis en évidence.

- La saisine du juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention détermine largement la poursuite effective de la procédure d’éloignement

La rétention constitue une étape délicate du point de vue de l’autorité administrative. Cette procédure, conformément à l’article 66 de la Constitution, fait intervenir l’autorité judiciaire.

Le préfet décide le placement initial pour une durée de 48 heures avant l’expiration desquelles il peut, sur le fondement des articles L. 552-1 et R. 552-3 du CESEDA, saisir le juge des libertés et de la détention d’une demande de prolongation de 15 jours. Si l’éloignement n’a pu être mis en œuvre, le juge des libertés et de la détention peut être à nouveau saisi pour une seconde prolongation d’une durée maximale de quinze jours en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement. Il peut également être saisi de cette seconde demande, mais pour une durée maximale de cinq jours, dans le cas où malgré les diligences de l’administration, l’exécution de la mesure d’éloignement n’a pu intervenir, à défaut d’obtention des documents de voyage ou de moyens de transport.

Les décisions de rejet des demandes de prolongation de la rétention avec remise en liberté, par les juges des libertés et de la détention, sont à l’origine de 26,39 % des échecs des éloignements en 2008, auxquels il convient d’ajouter les cas de non représentation de l’étranger assigné à résidence par le juge des libertés et de la détention, soit 6,12 % des échecs des éloignement26.

Le pouvoir d’appréciation du juge des libertés et de la détention sur les moyens dont il est saisi par le ressortissant étranger concerné, qu’il s’agisse des exceptions de nullité de la procédure ou des garanties de représentation dont il entend justifier, détermine largement l’issue de la procédure d’éloignement elle-même, quand bien même le juge judiciaire n’a pas à en connaître.

S’agissant des exceptions de nullité

Le contrôle du juge des libertés et de la détention s’exerce dans les limites fixées par le caractère civil de la procédure et par le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives. Les étrangers peuvent fonder leur défense contre la requête en prolongation du préfet sur quelques rares moyens de fond : ils peuvent ainsi faire valoir qu’ils ne sont pas étrangers ou qu’ils sont mineurs ou qu’ils sont manifestement en situation régulière. Mais ces moyens de fond sont limités par le principe de séparation des pouvoirs qui interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de la décision administrative. La défense est dès lors essentiellement fondée sur des moyens procéduraux relatifs à la procédure civile de saisine du juge des libertés et de la détention par le préfet, plus souvent aux procédures pénales antérieures à la saisine du juge dans la ligne de la jurisprudence Bechta (Cass., 28 juin 1995, n° 94-50002) ou aux procédures propres à la rétention administrative. Ces moyens très techniques sont généralement présentés par les étrangers assistés d’un conseil et donc les mieux argumentés27.

Le rapport sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d’immigration présidée par M. Pierre Mazeaud a constaté en juillet 2008 qu’« en dehors des conditions de l’interpellation ou de la garde à vue, la plupart des décisions de libération accordées par les juges des libertés et de la détention se fondent sur le non respect des formalités prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

L’enquête sur le contentieux judiciaire des étrangers28, élaborée par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice en janvier 2008, apporte des précisions.

Moyens soulevés dans les décisions de rejet et d’acceptation des demandes de prolongation selon la nature de la procédure

Nature de la procédure

Rejet de la prolongation

Acceptation de la prolongation

Régularité de la procédure pénale

48,4 %

53,6 %

Régularité de la procédure

administrative de la rétention

22,7 %

25,5 %

Délais inter-procéduraux

10,6 %

11, 8 %

Régularité de la procédure civile

14,4 %

8,5 %

Défense au fond

4 %

0,7 %

TOTAL

100 %

100 %

Source : enquête DACS, janvier 2008.

Les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure administrative de rétention sont soulevés dans 22,7 % des cas de refus de prolongation. La méconnaissance de la procédure administrative vient donc après les irrégularités affectant la procédure pénale (48,4 %).

L’addition des moyens tirés de la régularité de la procédure civile (il s’agit des irrégularités affectant la saisine du juge des libertés et de la détention par le préfet), du fond et des délais inter-procéduraux (c’est-à-dire les délais jugés excessifs entre l’interpellation et la garde à vue, la garde à vue et l’arrivée au lieu de rétention, etc.), excède la part des moyens tirés de la seule irrégularité de la procédure de rétention.

En tout état de cause, qu’il s’agisse de moyens de nullité tirés de la méconnaissance d’une formalité prévue par le CESEDA ou d’une irrégularité de la procédure pénale, il existe une utilisation quasi systématique par les avocats, des nullités de procédure. Ces moyens quels qu’ils soient, peuvent avoir un effet de « chaîne » à l’impact lourd sur l’action administrative.

Aperçu des résultats des demandes de prolongation de la rétention :

Résultats de la 1ère demande de prolongation

 

Total acceptation

80 %

Total rejets dont :

20 %

- Rejet de la demande de prolongation

12,8 %

- Assignation à résidence

7,2 %

Résultats de la 2nde demande de prolongation

 

Total acceptation

94,7 %

- Acceptation de la demande de 15jours

79,3 %

- Acceptation de la demande de 5 jours

15,4 %

Total rejet de la 2nde demande

5,3 %

- Rejet de la demande de 15 jours

4,7 %

- Rejet de la demande de 5 jours

0,2 %

- Rejet de la demande de prolongation de l’assignation à résidence

0,2 %

- Assignation à résidence

0,2 %

Source : enquête DACS, janvier 2008, décisions statuant sur la demande de prolongation de la rétention (hors décisions d’irrecevabilité, dessaisissement et désistement)

S’agissant des garanties de représentation

Sur le fondement de l’article L. 552-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut ordonner, à titre exceptionnel, l’assignation à résidence comme alternative à la prolongation de la rétention lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation effectives. L’article 72 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a renforcé les conditions d’exécution d’une mesure d’assignation à résidence par une modification de l’article L. 552-5 du CESEDA, en prévoyant que l’étranger justifie, à la demande du juge, que le lieu proposé pour l’assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives.

- L'assignation à résidence est subordonnée :

- à la remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité (dans 78 % des cas, le non-respect de cette condition constitue le fondement des décisions de rejet29) ;

- à la justification par l’étranger, à la demande du juge, que le lieu proposé pour l'assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives ;

- à l’obligation pour l’étranger de se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie en vue de l’exécution de la mesure d’éloignement.

Enfin, l'assignation à résidence concernant un étranger qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d'une interdiction du territoire dont il n'a pas été relevé, ou d'une mesure d'expulsion en vigueur doit faire l'objet d'une motivation spéciale.

La Cour de cassation se montre particulièrement exigeante sur les garanties de représentation effectives qui doivent être appréciées selon plusieurs critères30 cumulatifs au vu des justificatifs présentés31 :

- En première instance, les juges des libertés et de la détention adoptent une conception restrictive de la notion de garantie de représentation et écartent assez largement l'assignation à résidence32. Dans le cadre de la première demande de prolongation de la rétention formée par les préfets, l’assignation à résidence n’est ordonnée qu’à concurrence de 7 % des décisions rendues. Pour la seconde demande de prolongation, le taux d'assignation à résidence tombe à 0,2 %. S’agissant des demandes formées par les étrangers aux fins d’obtenir une assignation à résidence, 85 % des demandes sont rejetées.

- En cause d'appel, les cours confirment cette jurisprudence restrictive des juges des libertés et de la détention dans 95 % des cas. Ainsi, dans l'hypothèse d'un recours (15 % des décisions font l’objet d’un recours), seulement 4 % des ordonnances de prolongation de la rétention sont infirmées par le premier président, au profit d’une assignation à résidence. A l’inverse, lorsque que la demande est formée par le préfet, l’ordonnance d’assignation à résidence est infirmée dans 29 % des cas.

- Le poids de ce contentieux de la rétention

Selon le rapport rendu en janvier 2008 par la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice, le nombre d’ordonnances rendues par les juges des libertés et de la détention statuant dans le cadre de la rétention administrative est estimé à 40 000 en 2007. Comme pour la juridiction administrative, la charge est très inégalement répartie sur les tribunaux de grande instance.

Ce contentieux pèse aussi sur le budget des préfectures, qui supporte le poids du traitement des dossiers d’étrangers avec sinon des effets d’éviction sur les autres missions de l’Etat dans le département, du moins une exigence constante d’adaptation. Il supporte aussi la charge des frais irrépétibles et, le cas échéant, des astreintes assortissant les injonctions de réexamen de la situation de l’intéressé.

Ce contentieux pèse également sur le budget de l’Etat. En plus des coûts liés à la mise en œuvre des procédures juridictionnelles, l’Etat supporte le coût croissant de l’aide juridictionnelle accordée aux étrangers.

- L’affirmation de principe du retour volontaire n’est pas assortie d’un cadre juridique suffisant

Le droit au retour volontaire ne date pas de la réforme de l’OQTF ; la loi du 24 juillet 2006 a essentiellement réformé les procédures. Toutefois, elle a mis en lumière le délai de départ volontaire et a consacré les dispositifs d’aide au retour.

Financés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), les dispositifs d’aide au retour ont été réactivés à titre expérimental en 2005. Ils ont rapidement donné des résultats qui ont conduit le législateur à en poser les bases. La loi du 24 juillet 2006 a consacré le dispositif qui avait été réintroduit en 2005 à titre expérimental, à la demande du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, par voie exclusive de circulaires sous le timbre de la direction de la population et des migrations. Le dernier alinéa du I de l’article L. 511-1 du CESEDA confère une base législative au dispositif d’aide au retour financé par l’OFII et ferme la possibilité de le solliciter aux personnes placées en rétention sur le fondement d’une obligation de quitter le territoire français, confirmant ainsi le caractère volontaire du retour aidé.

La circulaire DPM/ACI3 n° 2006-522 du 7 décembre 2006 relative au dispositif d’aide au retour pour les étrangers en situation irrégulière ou en situation de dénuement se substitue aux circulaires précédentes. Elle définit le contenu des diverses aides financées par l’OFII ainsi que les champs d’éligibilité et les modalités de versement.

Deux questions demeuraient non réglées :

- celle d’un mécanisme efficace de détection des abus du dispositif,

- celle du contrôle de l’effectivité des retours.

Sur le premier aspect, le dernier alinéa de l’article L. 611-3 du CESEDA, créé par l’article 62 de la loi du 20 novembre 2007, constitue la base légale pour le relevé, la mémorisation et le traitement automatisé des empreintes digitales des bénéficiaires de l’aide au retour financée par l’OFII. La mise en œuvre de ces dispositions a impliqué un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, conformément à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004. Le décret n° 2009-1310 du 26 octobre 2009 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatives aux étrangers bénéficiaires du dispositif d’aide au retour géré par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, dénommé OSCAR (outil de statistique et de contrôle de l’aide au retour), a été publié le 28 octobre 2009. Il facilitera la gestion budgétaire et comptable de l’aide au retour et limitera efficacement les risques d’abus du dispositif.

Sur le second aspect, l’effectivité des retours volontaires est appréciée sur la seule base des éléments produits par l’OFII complétée par le signalement effectué par les services de la police aux frontières auxquelles les étrangers remettent parfois copie de leurs OQTF à l’occasion de leurs départs. La non-comptabilisation du retour volontaire relativise le déficit d’exécution des OQTF.

Ces retours volontaires ne sont pas tous précédés d’une mesure d’éloignement : les départs réalisés sous la seule égide de l’OFII dans le cadre de l’aide au retour humanitaire représentent une part non négligeable des retours effectifs : en 2009, 28,22 % des retours ont été réalisés avec une aide au retour humanitaire sans mesure d’éloignement préalable33.

Le constat est donc celui d’un droit de l’éloignement complexe dont l’évolution se caractérise par une démultiplication toujours plus poussée des situations juridiques favorisant les contestations contentieuses. Il est également celui d’une évaluation de l’effectivité des retours centrée sur la comptabilisation de l’exécution forcée des décisions d’éloignement. Deux facteurs expliquent largement ces tendances :

- les APRF et les OQTF épuisent leurs effets dès leur exécution dans tous les cas,

- le retour volontaire n’était pas suffisamment affirmé comme une priorité.

Il en résulte un investissement normatif, statistique et opérationnel sur le retour forcé, avec des impacts multiples et lourds en termes budgétaire, contentieux et humain.

En outre, comme l’illustre le tableau des motifs d’échec à l’éloignement élaboré à partir de l’interrogation de l’ensemble des préfectures de métropole, l’échec de la procédure intervient régulièrement alors que des frais ont été engagés au titre de la rétention. L’imprévisibilité de la réponse et la variabilité des délais pour la délivrance des laissez-passer consulaires expliquent au premier chef le non aboutissement des procédures engagées.

Causes d'échec à l'éloignement

2006

2007

2008

 

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Annulation par le juge administratif de la décision d'éloignement ou fixant le pays de renvoi

1966

8,33 %

2956

11,03 %

1986

7,92 %

Remise en liberté par l’administration (faute de places en centre de rétention administrative)

7131

30,21 %

5541

20,67 %

4740

18,89 %

Remise en liberté par l’administration (régularisation, assignation à résidence, octroi de l’asile)

386

1,64 %

679

2,53 %

839

3,34 %

Evasion ou hospitalisation de l'étranger retenu

339

1,44 %

411

1,53 %

446

1,78 %

Défaut d'escorte, absence de moyen de transport

439

1,86 %

428

1,60 %

347

1,38 %

Remise en liberté par le JLD (refus de prolongation de la rétention administrative)

4640

19,66 %

6259

23,34 %

6621

26,39 %

Non-réponse aux convocations de l'étranger assigné à résidence par le JLD

1756

7,44 %

1750

6,53 %

1536

6,12 %

Absence de laissez-passer consulaire dans les temps de la rétention administrative

6258

26,51 %

8078

30,13 %

7783

31,02 %

Etrangers placés en rétention administrative et ayant refusé d'embarquer

692

2,93 %

709

2,64 %

793

3,16 %

TOTAL

23607

100 %

26811

100 %

25090

100 %

Source : MIIINDS

En 2008, l’échec a été lié pour 26 % des cas à une décision du juge des libertés et de la détention et pour plus de 30 % au défaut de laissez-passer consulaire. Il est également lié dans une proportion non-négligeable au caractère contraint du retour. L’addition des cas d’évasion du lieu de rétention ou du tribunal, de fuite durant un transfert, de refus d’embarquement, de manifestations diverses entraînant un refus du commandant de bord, d’hospitalisation au cours de la rétention représentent près de 5 % des échecs. Il faut ajouter les circonstances directement liées à la procédure de retour forcé : absence d’escorte, saturation des centres de rétention administrative, non concordance entre la fin de la rétention et la disponibilité d’un moyen de transport (20 %).

1.2.4. Les avancées du droit communautaire en ce qui concerne la directive « carte bleue »

1.2.4.1. L’état du droit européen

Les directives antérieures à la directive "carte bleue".

Dès l'adoption du Traité d'Amsterdam, le Conseil européen a souhaité l'élaboration d'une politique commune européenne en matière de migration. Des orientations ont ainsi été définies par le Conseil européen de Tampere, puis précisées par des communications de la Commission européenne adoptées au cours des présidences successives de l'UE.

L'élaboration de cette politique européenne d'immigration s'est traduite, à partir de l'année 2003, par l'adoption des directives sur le regroupement familial, le statut de résident de longue durée, les étudiants et les chercheurs.

La directive 2004/114/CE du Conseil du 13 décembre 2004 détermine les conditions d'admission sur le territoire des Etats membres des ressortissants de pays tiers qui souhaitent y séjourner pour une durée supérieure à trois mois aux fins d'étude, d'échange d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat. A l'instar de la directive "carte bleue", elle entend ainsi reconnaître un certain nombre de droits aux bénéficiaires admis au séjour en favorisant la mobilité vers un second Etat membre et en ouvrant l'accès à l'exercice d'une activité, de manière à harmoniser les réglementations communes et promouvoir le rayonnement de l'UE. Possibilité est laissée aux Etats membres de définir les modalités de l'autorisation donnée aux étudiants ressortissants de pays tiers d'exercer une activité salariée en tenant compte notamment de la situation du marché du travail et en limitant l'accès à cette activité économique pendant la première année d'études.

Peut également être évoquée la directive 2005/71/CE du Conseil du 12 octobre 2005 qui institue, quant à elle, une procédure spécifique d'admission au séjour dans les Etats membres de l'UE des ressortissants de pays tiers qui viennent mener un projet de recherche scientifique pendant une période supérieure à trois mois. Cette procédure repose sur des modalités d'agrément des organismes de recherche qui souhaitent accueillir un chercheur étranger dans le cadre d'une convention d'accueil signée entre les deux parties. Contrairement à la procédure française qui considère comme chercheur un étranger titulaire du doctorat ou d'un diplôme équivalent qui vient en qualité de chercheur ou d'enseignant chercheur, la directive élargit le champ des bénéficiaires aux personnes possédant un diplôme de l'enseignement supérieur donnant accès au programme de doctorat. Le niveau de diplôme ainsi exigé est donc plus élevé que celui considéré dans la directive "carte bleue". En outre, la directive 2005/71/CE facilite la mobilité des chercheurs — objectif commun à celui de la directive "carte bleue" — en n'exigeant pas de nouvelle convention s'il s'agit d'un séjour de moins de trois mois en France pour compléter des recherches effectuées dans un autre Etat membre sous réserve que la convention dans cet Etat soit toujours en vigueur et pour autant qu'il dispose de ressources suffisantes.

Par ailleurs, la directive "carte bleue" fait expressément référence à deux directives :

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, qui établit les conditions d'octroi du statut de résidents de longue durée aux ressortissants de pays tiers séjournant légalement dans un Etat membre ainsi que les conditions dans lesquelles le résident longue durée peut se rendre dans un autre Etat membre ;

- la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003, qui fixe les conditions dans lesquelles le droit au regroupement familial peut être exercé.

Elle prévoit, en effet, des dispositions sur l'acquisition du statut communautaire de résident de longue durée qui ne pénaliseraient pas les titulaires d'une "carte bleue européenne" autorisés à se rendre dans d'autres Etats membres pour y occuper un emploi hautement qualifié. Objectivement, elle propose également des conditions plus favorables pour le regroupement familial mais laissant, par ailleurs, la possibilité aux Etats membres de les assouplir, c'est l'option retenue par la France.

- Les négociations en cours

La Commission a présenté une proposition de directive établissant d'une part une procédure unique pour la délivrance d'un titre unique permettant le séjour et le travail, d'autre part l’égalité de traitement pour les travailleurs étrangers avec les ressortissants de l’État membre de résidence régulière, concernant un certain nombre de droits.

Il s’agit de fusionner en un seul document le titre de séjour et l’autorisation de travail pour les ressortissants de pays tiers souhaitant être admis sur le territoire d’un État membre afin d’y travailler. La demande d’obtention du permis unique se fait dans le cadre d’une seule et même procédure, introduite par le ressortissant de pays tiers ou l’employeur, au choix des États membres. Cette procédure "unique" ne remet pas en cause la procédure de délivrance d’un visa qui peut rester obligatoire pour les primo-entrants.

Par ailleurs, la proposition prévoit d’accorder aux ressortissants de pays tiers travaillant régulièrement dans un État membre des droits expressément définis — notamment ceux liés à l’emploi — pour lesquels l’égalité de traitement avec les nationaux serait garantie. Domaines concernés : conditions de travail, de rémunération, de liberté d’engagement dans une organisation professionnelle, d’éducation, de formation professionnelle, de reconnaissance des diplômes, de sécurité sociale, de paiement des droits acquis en matière de pension en cas de déménagement dans un État tiers, d’avantages fiscaux, d’accès aux biens et services (tel que l’accès au logement). La France applique déjà dans ses grandes lignes le principe de l’égalité de traitement tel qu’envisagé dans la proposition de directive.

Est également en cours de préparation une proposition de directive sur les salariés transférés à l'intérieur d'un même groupe. Elle concerne les salariés détachés uniquement, justifiant d'un an d'ancienneté et appartenant aux catégories relevant du droit de l'OMC (cadres dirigeants, spécialistes et stagiaires) ; aucune condition de salaire n'est exigée. Le nouveau titre de séjour européen concerné est délivré sans opposition de la situation de l'emploi pour une durée maximum de trois ans (un an pour les stagiaires et cinq ans pour des cas exceptionnels), avec une obligation de retour dans l'entreprise d'origine. Le regroupement familial est immédiat et la mobilité intra-européenne se voit favorisée.

Cette proposition de directive est rédigée de manière à être compatible et cohérente avec la directive "carte bleue".

- L'adoption de la directive 2009/50/CE dite "directive carte bleue"

L'instrument choisi - une directive - laisse aux États membres une grande souplesse dans sa mise en application. Ceux-ci restent libres de maintenir ou d'introduire des mesures autres que celles définies dans la directive. Si elle fixe des objectifs à atteindre, elle permet aux Etats membres de déterminer les moyens pour y parvenir et leur laisse donc une marge d'appréciation sur les mesures appropriées.

A l’exception des travailleurs saisonniers et des travailleurs temporaires ainsi que des personnes bénéficiant de la protection internationale et de celles dont le statut et le droit à la mobilité sont couverts par d’autres directives (chercheurs, conjoints de ressortissants communautaires, etc.), est éligible à la délivrance d'une "carte bleue européenne" tout étranger, entré régulièrement, qui dispose d’un contrat ou d’une promesse d’embauche ferme pour un emploi hautement qualifié d’une durée d’au moins un an. Un niveau de diplôme est requis — trois années minimum après le baccalauréat — ou, le cas échéant, si les dispositions nationales le prévoient, la justification de cinq années d’expérience sur un poste hautement qualifié dans le même secteur professionnel. Le salaire annuel doit être au moins égal à 1,5 fois le salaire brut moyen annuel de l’Etat membre auprès duquel est déposée la demande.

Le titulaire de la "carte bleue européenne" accède plus aisément au marché du travail de l’Etat membre d’accueil dans le secteur concerné et profite de conditions facilitées pour le regroupement familial. Il bénéficie également de l’égalité de traitement avec les nationaux notamment pour ce qui concerne les conditions de travail, la liberté d’association, la formation, certaines dispositions des législations nationales en matière de sécurité sociale et de retraite, l’accès aux biens et aux services (obtention d’un logement, services d’information et de conseil, ...), le libre accès à l’ensemble du territoire de l’Etat membre concerné dans les limites prévues par la législation nationale.

La "carte bleue" favorise également la mobilité de l’intéressé et de sa famille à l’intérieur de l’UE : après dix-huit mois de séjour à ce titre dans le premier Etat membre, ils peuvent se rendre dans un autre Etat membre aux fins d’un nouvel emploi hautement qualifié. Par ailleurs, elle permet à son titulaire, sans que soient perdus les avantages qu'elle dispense, de revenir dans son pays d’origine pendant douze mois consécutifs, sans dépasser dix-huit mois au total sur cinq années.

La période de validité de la "carte bleue" peut être pluriannuelle — durée à fixer par chaque Etat membre, dans la limite de quatre ans — et elle peut être renouvelée. Ce titre européen peut également être délivré ou renouvelé pour des périodes plus courtes afin de couvrir le contrat de travail à durée déterminée plus trois mois.

- Les objectifs globaux définis dans l’étude d’impact de la Commission européenne sont les suivants :

Améliorer la capacité des Etats membres de l'UE à attirer et à conserver la main d'œuvre hautement qualifiée provenant de pays tiers

Les migrants très qualifiés originaires des pays en développement sont les premiers concernés par la "carte bleue européenne". Actuellement, 55 % des immigrés titulaires d'un diplôme universitaire qui quittent leur pays souhaitent aujourd'hui se rendre aux Etats-Unis et seulement 5 % en Europe.

Celle-ci accueille en revanche 85 % des migrants qui n'ont pas fait d'études supérieures. Cet état de fait résulte de la coexistence des systèmes d'admission propres à chacun des 27 Etats membres, parfois complexes, qui ne permet pas une mobilité entre les territoires européens et limite les possibilités de regroupement familial.

La question se pose de savoir si la "carte bleue européenne" sera réellement plus attractive que la "green card" américaine car dans les faits, on se dirige vers la mise en place de 27 "cartes bleues", chaque Etat membre étant libre de la délivrer ou non. Les principaux éléments de comparaisons entre ces deux cartes apparaissent dans le tableau ci-dessous :

"Carte bleue européenne"

 

"Green card" américaine

Disposer d'un contrat de travail pour un emploi hautement qualifié d'une durée d'au moins 1 an et assorti d'une rémunération au moins égale à 1,5 fois le salaire annuel brut moyen

+

Justifier d'un diplôme sanctionnant au moins 3 années d'études ou d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans d'un niveau comparable

Conditions

Se faire parrainer par une entreprise ou un parent américain ou remporter l'un des quelque 50 000 tickets gagnants de la loterie organisée chaque année par les autorités américaines

+

Se faire embaucher par un employeur qui a obtenu un certificat de l'administration démontrant qu'il n'a pas trouvé de ressortissant américain disponible ou que l'emploi du candidat représente un intérêt national pour les Etats-Unis

+

Conditions propres à chaque catégorie

90 jours maximum

Délai d'obtention

1 à 2 ans

En France : 3 ans renouvelables

Durée de validité

Droit de résidence de 10 ans, sans restriction

Dans un seul Etat membre pendant les 18 premiers mois suivant l'attribution

Mobilité

Dans les 50 Etats américains, immédiatement

Possibilité de devenir résident de longue durée au bout de 5 ans

Changement

de statut

Possibilité de demander la citoyenneté américaine au bout de 5 ans

Il convient d'ajouter que la "green card" n'est pas uniquement destinée aux travailleurs hautement qualifiés. Deux catégories sont comparables : "membre d'une profession requérant des diplômes de niveau supérieur/personne aux qualifications exceptionnelles" (catégorie 1) et "travailleur qualifié" (catégorie 2).

Dans la première catégorie, l'employé doit apporter un bénéfice substantiel à l'économie, l'éducation ou la culture des Etats-Unis et doit remplir au moins trois des conditions suivantes : un diplôme attestant de compétences exceptionnelles, dix ans d'expérience, une licence pour pratiquer sa profession, un salaire élevé pour son secteur d'activité, être membre d'une association professionnelle, des réalisations reconnues par les condisciples. Pour la catégorie 2, l'emploi offert doit requérir une expérience minimale de deux ans ou une formation équivalente à quatre années universitaires.

Par rapport à la directive "carte bleue", les conditions pour obtenir la "green card" dans la première catégorie apparaissent plus subjectives et laissent une large marge de manœuvre aux autorités chargées du traitement de la demande ; la deuxième catégorie fait l'objet de conditions plus souples.

Par ailleurs, si le titulaire de la "carte bleue" peut être rejoint par sa famille dans des conditions assouplies par rapport au droit commun, celui de la "green card" ne peut bénéficier du regroupement familial que sous certaines conditions et les places accordées sont soumises à un quota rapidement atteint.

En définitive, le système européen semble plus simple, plus objectif, plus avantageux en matière de regroupement familial et plus rapide que le système américain plus complexe. A ceci près que ce dernier offre un statut permanent avec davantage de droits que n'en procure la "carte bleue européenne".

Répondre efficacement et rapidement à la demande actuelle et future de main d'œuvre hautement qualifiée

Certains Etats membres de l'UE souffrent de pénurie de main d'œuvre et de compétences dans certains secteurs de l'économie, pénuries que le marché national du travail ne peut pallier. En outre, selon différentes projections, un tiers des Européens aura plus de 65 ans en 2050. La création de la "carte bleue européenne" apparaît comme une solution de compensation du besoin de main d'œuvre hautement qualifiée pour maintenir le niveau économique de l'UE.

Même lorsqu'il existe des régimes spécifiques pour l'admission des travailleurs hautement qualifiés, ils restent exclusivement nationaux et ne permettent pas aux travailleurs hautement qualifiés qui le souhaitent de se rendre dans un autre Etat membre pour y exercer leur activité professionnelle, d'où un cloisonnement du marché du travail de l'UE qui empêche répartition et redéploiement de la main d'œuvre.

Dans le contexte actuel de récession économique, un accès facilité au marché du travail représente le meilleur moyen de répondre aux besoins. Au contraire, les restrictions contrecarrent la régulation spontanée du marché du travail.

Force est donc de constater que l’évolution démographique et les perspectives de croissance économique à moyen terme dans l’ensemble des Etats membres de l’UE rendent nécessaire une politique d’attractivité favorisant l’immigration de travailleurs hautement qualifiés. La directive "carte bleue" a pour but de renforcer les capacités de l'UE à attirer ce type de ressortissants de pays tiers.

- Les objectifs spécifiques

La directive "carte bleue" constitue un outil de renforcement de la compétitivité économique de l'UE en contribuant à :

- l'élaboration d'une politique commune en matière d'immigration de main d'œuvre hautement qualifiée provenant de pays tiers ;

- l'accroissement du nombre de travailleurs hautement qualifiés ;

- la simplification et l'harmonisation des procédures d'admission applicables aux travailleurs hautement qualifiés des pays tiers ;

- la promotion de leur intégration socio-économique lorsqu'ils ont vocation à s'établir durablement ;

- l'encouragement de la mobilité au sein de l'UE.

Il s'agit toutefois de remplir ces objectifs d'une manière qui ne compromette pas la capacité des pays en développement à répondre à leurs besoins fondamentaux et à progresser dans la réalisation de leurs projets de développement.

1.2.5. Les avancées du droit de l’Union en ce qui concerne la directive « sanctions aux employeurs »

1.2.5.1. La lutte contre le travail illégal en Europe

Le nombre d'immigrants illégaux dans l'Union européenne est estimé entre 4,5 et 8 millions, chiffre en forte augmentation en raison de la facilité d'accès au travail illégal. Ainsi, compte tenu de l'augmentation annuelle du nombre de migrants qui varie entre 350 000 et 500 000, les Etats membres ont pris conscience de la nécessité de mettre en œuvre une politique globale d'immigration et particulièrement de lutte contre l'immigration irrégulière intéressant les ressortissants étrangers.

A l'issue de diverses réunions du Conseil européen, une politique commune de l'immigration à l'échelon communautaire a été décidée.

Ainsi, lors du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008, à l'initiative de la présidence française, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile a été adopté. Il invite les Etats membres à "lutter avec fermeté, y compris dans l'intérêt des migrants, au moyen de sanctions dissuasives et proportionnées, contre les personnes qui exploitent les étrangers en situation irrégulière (employeurs,…)".

Ce consensus européen se heurte néanmoins à une diversité des législations nationales et des niveaux variés de mesures répressives existantes en matière de lutte contre l'emploi d'étrangers en situation irrégulière.

- Des situations très différentes au regard des mesures dissuasives et répressives des Etats membres34

Même si 26 des 27 Etats membres de l'Union européenne disposent déjà de sanctions à l'encontre des employeurs et de mesures préventives, des différences marquées existent d'un pays à l'autre, non seulement au niveau du contenu des mesures mais aussi au niveau de leur mise en œuvre.

Dans un certain nombre d’Etats membres, ce sont les services des ministères de finances du travail et/ou des affaires sociales qui sont chargés de lutter contre le travail illégal des ressortissants de pays tiers. En revanche, dans une dizaine d'Etats membres les services concernés par cette activité sont ceux en charge de l'immigration.

L'action des services compétents est essentiellement de nature répressive. Seulement quelques Etats prévoient des actions préventives telles que des campagnes d'information à l'égard des employeurs, la mise en place d'une procédure de déclaration préalable à l'embauche, notamment aux Pays-Bas, en Lettonie et en Belgique, permettant la vérification de l'existence d'une autorisation de séjour.

S'agissant des sanctions infligées aux employeurs indélicats, si l'amende administrative est pratiquée dans la plupart des Etats, son montant varie d'un Etat à un autre, pouvant aller de 58 euros à 500 000 euros, à laquelle s'ajoute parfois le retrait du titre de séjour lorsque l'employeur est lui-même un ressortissant de pays tiers.

Quant aux sanctions pénales, certains pays comme la Bulgarie, l'Estonie, le Portugal et la Slovénie ne les prévoient pas dans leur législation. Seulement 19 pays sur 27 disposent de sanctions pénales telles que les peines d'emprisonnement ou les fermetures d'établissement.

Enfin, une mise en œuvre effective des mesures prévues n'est pas garantie par tous les Etats.

Certains sont pénalisés par le manque de coordination et de coopération entre les acteurs responsables de la lutte contre le travail illégal, l'absence de cadres régissant cette coordination et cette coopération, l'insuffisance des moyens alloués aux services répressifs, les obstacles aux opérations sur le terrain, le manque d'informations permettant d'effectuer des contrôles efficaces, le manque de données permettant d'apprécier les résultats des inspections. Par ailleurs, l'évaluation des résultats des politiques mises en œuvre est disparate, parfois incohérente et les modalités de calcul ne sont pas toujours fiables. Les données statistiques existantes demeurent partielles et hétérogènes. Elles sont difficilement comparables et les grandes tendances observées depuis 2006 sont ainsi difficiles à dégager.

Enfin, la coopération internationale reste insuffisante. Par conséquent, en l'absence d'analyse statistique élaborée, il est difficile de procéder à une évaluation fiable des politiques mises en place au sein de l'Union européenne.

- Un contexte géopolitique générant ou ayant généré des flux migratoires différents selon les Etats membres

La majorité des Etats membres a connu au cours du XXème siècle des mouvements migratoires très différents. A titre d'exemple, les changements politiques intervenus en Europe centrale et orientale à la fin des années 80 ont eu des effets bien plus importants pour des raisons géopolitiques et historiques sur les flux d'immigration au cours des années 1990, notamment en Allemagne et en Autriche.

Le démantèlement de l'ex-Yougoslavie et la guerre civile dans cette région ont entraîné des flux importants de réfugiés bosniaques, puis kosovars et plus récemment albanais, essentiellement vers l'Allemagne, la Suède, l'Autriche, l'Italie et la Grèce.

Ainsi, les flux migratoires enregistrés, le recours à la main d'œuvre étrangère plus ou moins importante selon les pays, l'accueil de demandeurs d'asile ou de réfugiés au cours de ces années ont marqué l'histoire de chacun des Etats membres pour aboutir à des différences marquées d'un pays à l'autre en matière de lutte contre l'immigration clandestine. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé d'harmoniser les législations nationales.

Au-delà de ces différences, l'Union européenne se donne les moyens de mettre en œuvre une politique européenne de l'immigration. Le traité d'Amsterdam et le Conseil européen de Tampere en 1999 ont prévu une" politique commune" de l'immigration, mise en œuvre selon la méthode communautaire. Depuis le 1er janvier 2005, les mesures relatives au contrôle des frontières et à la lutte contre l'immigration illégale ne sont plus prises à l'unanimité mais à la majorité qualifiée au Conseil, et sont soumises à la procédure de codécision du Parlement européen.

De même, l'article 7935, alinéa 1° et 2° c) et d) (ex article 63, points 3 et 4, TCE)°du traité de Lisbonne prévoit une politique commune de l'immigration, visant notamment la prévention et la lutte contre l'immigration illégale et la traite des êtres humains.

1.2.5.2. Définition des objectifs de la directive :

- Poser le principe de l’interdiction de l’emploi de ressortissants étrangers en situation irrégulière sur le sol européen;

- Harmoniser le dispositif de lute contre le travail illégal entre les Etats membres afin de rendre la lutte contre l’immigration illégale plus efficace.

- L'objectif global

L'objectif global de la directive est de lutter contre l'immigration irrégulière sous l’angle du facteur travail.

En effet, l'une des causes de l'immigration irrégulière réside dans la possibilité, pour le ressortissant d'un pays tiers, de trouver du travail dans un pays développé. Souvent, la décision de migrer repose, d'une part, sur les difficultés économiques et sociales du pays d'origine et d'autre part, sur des facteurs d'attraction d'ordre économique (possibilité d'exercer un emploi, recherche d'une vie meilleure). Par ailleurs, dans le pays d'accueil, les employeurs sont disposés à utiliser cette main d'œuvre et à en tirer profit pour occuper des emplois généralement peu qualifiés et mal rémunérés.

- Les objectifs spécifiques

La directive a quatre objectifs spécifiques :

- Harmoniser les législations nationales des Etats membres de l'Union européenne

Le projet de loi vise à harmoniser les législations nationales en matière de lutte contre l'emploi de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière afin d’assurer une concurrence loyale entre les Etats membres. Il s'agit d'éviter que les divergences de législation ne s'accentuent et ne créent des distorsions sociales et économiques provoquant des mouvements secondaires de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier vers des Etats membres où les sanctions sont moins sévères et le degré d'exécution moindre.

Ainsi, la directive prévoit des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier que les Etats membres doivent transposer dans leur droit national, avant le 20 juillet 2011. Mais ces derniers demeurent libres d'adopter ou de maintenir des sanctions et des mesures plus sévères, et d'imposer des obligations plus strictes aux employeurs.

- Dissuader les employeurs d'embaucher des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière

En premier lieu, la directive prévoit un volet préventif sous forme d'obligation pour l'employeur de vérifier avant de recruter un ressortissant de pays tiers qu'il dispose d'un titre de séjour ou d'une autorisation équivalente valable pour la période d'emploi concernée. En contrepartie, l'employeur qui est capable de prouver qu'il a effectué les vérifications requises ne sera passible d'aucune sanction. Dans ce but, il doit garder à la disposition des autorités compétentes une copie du titre et notifier aux autorités compétentes la période de début d'emploi du ressortissant étranger.

La directive prévoit également la possibilité d'une procédure simplifiée d'information lorsque l'employeur est une personne physique et qu'il s'agit d'un emploi à ses fins privées.

En second lieu, la directive prévoit un volet répressif qui ne vise que les employeurs qui n'auraient pas observé leurs obligations de vérification préalable à l'embauche. Il s'agit de fixer des sanctions minimales à tous les Etats membres.

Ces sanctions sont, d'une part, d'ordre administratif et financier. Elles s'appliquent autant de fois qu'il y a de ressortissants de pays tiers employés illégalement. La directive prévoit le paiement des frais de retour du ressortissant, le paiement des salaires, des impôts et des cotisations sociales impayées dans le cadre de travail dissimulé totalement ou partiellement. Elle prévoit également des sanctions complémentaires telles que l'exclusion au bénéfice de subventions dont les fonds de l'Union européenne, pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, le recouvrement par les administrations concernées des aides et subventions perçues dans les 12 derniers mois, l'exclusion temporaire à la participation des procédures de passation de marchés publics, pouvant aller jusqu'à 5 ans. Le cas échéant, elle prévoit la fermeture de l'entreprise concernée. Enfin, compte tenu de la présence de sous-traitance dans les secteurs les plus affectés, notamment le bâtiment, la directive pose par ailleurs le principe de la responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et tous les sous-traitants intervenant pour l'exécution du contrat commercial, pour ce qui concerne les sanctions financières administratives, les arriérés de salaire, l’indemnité forfaitaire de rupture de la relation de travail et leur frais d’envoi vers le pays où le ressortissant a été reconduit.

D'autre part, des sanctions pénales sont prévues pour les cas les plus graves définis de la façon suivante. Une infraction à l'emploi illégal d'un ressortissant d'un pays tiers devient pénale dès lors qu'elle est continue ou répétée, qu'un certain nombre de ressortissants illégaux de pays tiers sont employés, que l'infraction s'accompagne de conditions de travail particulièrement abusives, et des conditions de vie s'apparentant à la traite des êtres humains.

- Mettre en œuvre un dispositif de contrôle des entreprises

Afin de contrôler l'application de la directive et d'en accroître son efficacité, celle-ci prévoit l'obligation pour les Etats membres de réaliser des inspections efficaces et appropriées sur leur territoire. Ces inspections doivent être fondées sur une analyse des risques afin de cibler les secteurs d'activité les plus concernés par l'embauche de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.

- Renforcer les droits et la protection des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière

Le deuxième volet de la directive est dédié aux droits et à la protection des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Elle vise d'une part, à garantir que les ressortissants étrangers retournent dans leur pays d'origine avec l'ensemble de leurs arriérés de salaires, des accessoires et des indemnités, le cas échéant, avec ou sans recours devant une juridiction.

Elle prévoit également que les ressortissants de pays tiers employés illégalement soient systématiquement informés de leurs droits avant l'exécution de toute décision de retour volontaire ou forcée.

Par ailleurs, la directive élargit la responsabilité financière des employeurs dans le cadre de la sous-traitance. En effet, elle prévoit tant dans le cadre d'une relation commerciale directe qu’indirecte, la solidarité financière des sanctions entre le donneur d'ordre, les sous-traitants et l’employeur de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. En l'espèce, le donneur d'ordre ainsi que tous les sous-traitants intermédiaires endossent la responsabilité financière, solidairement ou en lieu et place du sous-traitant employeur, s'ils avaient connaissance que celui-ci utilisait de la main d'œuvre étrangère en situation irrégulière. Ainsi, cette solidarité » financière permet d’étendre l’obligation de paiement des sommes dues au ressortissant étranger à l’ensemble des cocontractants concernés par la situation d’infraction au code du travail.

D'autre part, la directive renforce la protection du ressortissant étranger en prévoyant des mécanismes efficaces à travers lesquels il pourra porter plainte à l'encontre de son employeur. Il pourra agir soit directement ou par l'intermédiaire de tiers désignés par les Etats membres tels que des syndicats, des associations ou une autorité compétente.

Ainsi, le ressortissant de pays tiers, victime de conditions de travail abusives ou de la traite des êtres humains, ou s'il est mineur, pourra porter plainte à l'encontre de son employeur. Est également prévue la possibilité pour les Etats membres de pouvoir délivrer un permis de séjour temporaire aux victimes de conditions de travail particulièrement abusives lorsqu'elles collaborent aux poursuites pénales engagées contre leur employeur, pour la durée de la procédure.

1.2.6. Les avancées du droit de l’Union en matière d’éloignement des

étrangers en situation irrégulière

1.2.6.1. Présentation de la directive « retour »

Lorsque la Commission a présenté la proposition de directive36, elle a rappelé que la politique de l’Union européenne en matière de retour fait partie intégrante de la lutte contre l’immigration clandestine qui constitue l’une des composantes de l’approche intégrée que l’UE entend développer pour réaliser une véritable gestion des flux migratoires.

La proposition de directive s’inscrit dans la ligne d’une série d’instruments normatifs adoptés par l’UE dans le cadre de l’agenda de Tampere puis du programme de La Haye. Présentée à l’automne 2005, elle a pour objectif de compléter l’acquis communautaire en la matière par la définition de normes et de procédures communes applicables en matière de rétention et d’éloignement des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.

La directive est fondée sur l’article 63, 1er alinéa, 3, b), du TCE (aujourd’hui article 79 du TFUE) qui prévoit des mesures communes dans le domaine de l’immigration clandestine et le séjour irrégulier y compris le rapatriement des personnes en séjour irrégulier. Elle constitue aussi un développement de l’acquis Schengen sur l’abolition des frontières intérieures assortie de mesures compensatoires en ce sens que les Etats membres sont invités à utiliser le système d’information Schengen pour mettre en œuvre la directive. Elle a été adoptée par les députés européens le 18 juin 2008 selon les règles de la codécision et sa publication au JOUE est intervenue le 24 décembre 2008.

1.2.6.2. Le contenu de la directive

La directive impacte le droit de l’éloignement. Elle n’entre pas en contradiction avec les principes fondamentaux internes. Elle s’applique aux étrangers en situation de séjour irrégulier.

Ses principes essentiels consistent à ouvrir une priorité au retour volontaire et à prévoir une interdiction de retour incitative au respect du délai de départ volontaire et constitutive d’une mesure de prévention du risque de fuite, de la fraude et du risque lié à un comportement menaçant pour l’ordre public.

Le retour volontaire est un principe autour duquel s’ordonne toute la logique de la directive. Il a pour conséquence d’affecter l’organisation de la décision par laquelle l’Etat fait cesser le séjour irrégulier.

La décision sanctionnant le séjour irrégulier comporte une composante relative au séjour et une obligation de quitter le territoire français. Elle ouvre par principe un délai de départ volontaire de 30 jours à l’issue duquel l’exécution d’office est possible et de principe si l’étranger en situation irrégulière s’est maintenu sur le territoire. La loi doit prévoir la possibilité de l’octroi d’un délai supérieur à trente jours. Le délai de départ volontaire peut être refusé si se révèlent une menace pour l’ordre public , si le motif refus de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour réside dans le caractère frauduleux ou manifestement mal fondé de la demande de titre de séjour ou s’il existe un risque que l’intéressé se soustraie à l’obligation qui lui est faite (en anglais risk of absconding, « risque de fuite » dans la traduction française). Ce risque peut être présumé au regard de la réalisation de critères objectifs qu’il appartient aux lois nationales de définir.

L’interdiction de retour vise à conférer une effectivité à l’obligation de quitter le territoire. Cette mesure doit être prise par principe dans deux hypothèses :

- lorsque le délai de départ volontaire n’est pas accordé,

- lorsque l’obligation de retour n’est pas respectée, soit en d’autres termes, lorsque l’étranger ne quitte pas le territoire français dans le délai qui lui a été imparti.

Cette mesure peut être prise dans tous les autres cas, soit même dans l’hypothèse où le délai de départ volontaire est accordé.

L’interdiction de retour comporte « une dimension européenne », c'est-à-dire qu’elle interdit l’entrée et le séjour dans tous les Etats membres. Le mécanisme mis en œuvre est celui de la reconnaissance mutuelle des mesures d’éloignement exécutoires entre les Etats membres. L’interdiction de retour et l’OQTF qu’elle assortit peuvent aussi être notifiées sur un même support.

La rétention n’est possible que sur le fondement d’une décision exécutoire, afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement. Elle est justifiée dans deux hypothèses :

- la menace à l’ordre public,

- le risque de soustraction à la procédure d’éloignement, dit « risque de fuite ».

La directive n’impose pas une durée minimale de la rétention et pose le principe d’une durée maximale de 6 mois.

L’autorité publique doit prendre acte, en le confirmant par écrit, du report de l’éloignement lorsque celui-ci s’avère impossible dans le délai de la rétention. Il en est ainsi obligatoirement lorsque l’introduction d’un recours en suspend l’exécution et lorsque s’applique le principe de non-refoulement. L’éloignement peut être reporté dans d’autres situations telles que, par exemple, le cas de maladie. Le report peut être encadré de mesures de surveillance telles qu’une assignation à résidence.

La date limite de transposition est fixée au 24 décembre 2010.

1.2.6.3. Quelques éléments de droit comparé (droit en vigueur)

- Allemagne

La législation en vigueur résulte de la loi du 30 juillet 2004 relative au séjour, à l’activité professionnelle et à l’intégration des étrangers sur le territoire fédéral modifiée par une loi du 19 août 2007 sur l’immigration.

La décision d’éloignement d’un étranger en situation irrégulière

L’autorité administrative prend à une décision similaire à celle de notre OQTF comportant un volet relatif au séjour et une obligation de quitter le territoire fédéral.

Selon les cas, l’obligation de quitter le territoire fédéral fixe un délai de départ volontaire d’un à six mois ou indique qu’elle sera mise à exécution d’office sans délai. L’exécution d’office est décidée lorsqu’il existe des indices de risque de soustraction à la mesure et en cas de menace à l’ordre public. L’obligation de quitter le territoire emporte automatiquement une interdiction illimitée du territoire allemand. C’est le juge administratif qui, sur demande de l’étranger, peut limiter cette interdiction du territoire décidée par l’autorité administrative.

La rétention administrative

La rétention a lieu dans des centres réservés aux étrangers en situation irrégulière ou dans des établissements pénitentiaires. Elle est limitée à six mois avec une possibilité de prolongation de douze mois lorsque l’étranger « fait obstacle » à son éloignement. En pratique, elle dure de trois à quatre semaines ;

Sur demande de l’autorité administrative, la décision de placement relève de la compétence du juge judiciaire. Cette décision est subordonnée par la loi allemande à la nécessité de préparer l’éloignement dans un délai de 3 mois. La décision du juge est susceptible de recours de l’étranger et de l’autorité administrative.

Le contentieux des mesures d’éloignement

Les décisions d’éloignement relèvent de la juridiction administrative de droit commun. Il existe un système de recours administratif préalable sur le refus de séjour mais celui-ci donne lieu à de plus en plus de critiques (il a aggravé la durée de traitement des procédures). Il existe pour l’étranger une possibilité de saisine en urgence pour obtenir le sursis à exécution de la décision.

- Espagne

La règlementation de l’entrée et du séjour des étrangers résulte de la loi organique du 11 janvier 2000, modifiée par la loi organique du 11 décembre 2009.

L’étranger qui séjourne irrégulièrement en Espagne peut faire l’objet d’une sanction administrative d’amende (de 301 et 6 000 euros) ou d’une mesure d’éloignement accompagnée d’une reconduite à la frontière.

La décision d’éloignement d’un étranger en situation irrégulière :

Les services de police établissent un projet, une « proposition », motivée d’éloignement. Ce projet est notifié à l’étranger qui a 48 heures pour faire ses observations. Passé ce délai, soit la proposition est modifiée au regard des observations produites, soit elle est transmise en l’état à l’administration compétente.

La décision doit être prise dans un délai de 6 mois à partir du moment où la procédure a été engagée. Pendant cette période, l’intéressé peut faire l’objet de mesures de contrôle.

Une fois notifiée, la décision portant obligation de quitter le territoire doit être exécutée dans le délai prévu ou au maximum dans les 15 jours suivants sauf exception. A défaut, elle emporte interdiction de séjour pour une durée comprise entre 3 et 10 ans.

La rétention

Pour l’exécution de la mesure d’éloignement, l’administration peut placer l’étranger sous un régime de « rétention de précaution » pour une durée de 72 heures. Passé ce délai, la prolongation de la rétention, dans un centre spécialisé à caractère non pénitentiaire, ne peut être ordonnée que par le juge d’instruction compétent. L’étranger peut contester son placement en rétention devant une instance judiciaire. Ce recours n’est pas suspensif.

Le contentieux des décisions d’éloignement

Les décisions d’éloignement relèvent de la juridiction administrative de droit commun.

L’étranger peut solliciter la suspension de la mesure d’éloignement.

- Belgique

La règlementation de l’entrée et du séjour des étrangers résulte d’une loi du 15 décembre 1980, modifiée en dernier lieu par la loi du 15 septembre 2006.

La décision d’éloignement d’un étranger en situation irrégulière

L’autorité administrative prend une décision de refus de séjour assortie d’un ordre de quitter le territoire ou directement un ordre de quitter le territoire (s’il n’y a pas eu de demande d’admission au séjour).

Ces décisions fixent un délai de départ volontaire au-delà duquel le défaut d’obtempérer l’expose à une mesure d’exécution d’office et pour les nécessités de la préparation de celle-ci, à un placement en rétention.

L’ordre de quitter le territoire emporte automatiquement une interdiction de retour pour une durée de principe de 10 ans.

La rétention

La rétention administrative a lieu dans des centres fermés et spécialisés. Elle est limitée à deux mois mais elle peut être prolongée et atteindre au total cinq mois et même huit mois « lorsque la sauvegarde de l’ordre public ou la sécurité nationale l’exige ».

La décision administrative de placement en rétention peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire. En outre, la loi belge prévoit sur demande de l’étranger, un réexamen des décisions de placement par le juge judiciaire chaque mois.

Le contentieux des décisions d’éloignement

La mesure d’éloignement peut être contestée devant le Conseil du Contentieux des Etrangers, juridiction administrative spécialisée, composée de magistrats professionnels et créée par la loi du 15 septembre 2006. Le recours en annulation n’est pas suspensif, mais le requérant peut demander la suspension de l’exécution de la décision grâce à un recours en référé similaire à celui du droit français.

2. LES PRINCIPALES OPTIONS

2.1. Sur l’emploi des étrangers en situation régulière en France :

la carte bleue européenne

2.1.1. Les options en matière de modalités d’admission à la carte bleue européenne

2.1.1.1. Le seuil minimum de revenu (article 5 §5 de la directive)

Parmi les critères d’admission fixés par la directive est exigé que le demandeur justifie d’une rémunération annuelle brute au moins égale à 1,5 fois le salaire annuel brut moyen national (article 5 §3), ce qui correspond en France à 47 898 € soit 3 991 € par mois en 2008.

Toutefois, la directive laisse aux Etats membres la possibilité de déroger à cette condition et d’abaisser ce seuil salarial à 1,2 fois le salaire annuel brut moyen pour ce qui concerne d’une part les directeurs, cadres de direction et gérants, d’autre part les professions intellectuelles et scientifiques (groupes 1 et 2 de la CITP 37).

Si la plupart des catégories d’emploi concernées correspondent à l’esprit de la directive (groupe 1), la vigilance doit être appelée sur certaines autres appartenant au groupe 2 de la CITP et sur "l’appel d’air" que pourrait entraîner, pour ces catégories, la mise en œuvre de la dérogation dont il s’agit. Citons par exemple : cadres infirmiers et sages-femmes (sous-groupe 222), spécialistes des médecines traditionnelles et des médecines complémentaires (sous-groupe 223), ministres des cultes (groupe de base 2636), compositeurs, musiciens et chanteurs (groupe de base 2652), danseurs et chorégraphes (groupe de base 2653).

Il convient d’ailleurs de noter que certaines des catégories du groupe 2 peuvent prétendre à une carte de séjour "compétences et talents".

Les emplois de direction classés dans le groupe 1 répondent en tout état de cause aux critères d’admission minimum fixés pour l’ensemble des Etats membres par la directive : la présentation d'un diplôme de l’enseignement supérieur sanctionnant trois années d’études au moins ou la justification de cinq ans d’expérience professionnelle ainsi que la possession d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche assortis d’un salaire minimal d’1,5 fois le salaire annuel brut moyen national.

Dans ces conditions, la France a exclu formellement de souscrire à la dérogation concernant ce seuil salarial et maintient celui de 1,5 fois le salaire annuel brut moyen. Cette dérogation répond en réalité à la demande de certains nouveaux Etats membres qui font face à des problèmes de recrutement de main d’œuvre spécifique, notamment d'infirmiers.

2.1.1.2. L'accès au marché national du travail (articles 8 §2, 12 §1 première phrase)

Concernant les demandes de primo-délivrance ou de renouvellement d’une "carte bleue", les Etats membres doivent déterminer s’ils accorderont aux intéressés un accès immédiat au marché du travail national ou si, au contraire, pendant les deux premières années d’exercice des titulaires de la "carte bleue", ils donneront la priorité aux nationaux, aux communautaires, aux ressortissants de pays tiers déjà admis et aux titulaires d’une carte "RLD-CE" d’un autre Etat membre souhaitant travailler en France (article 8 § 2).

Cette option est à examiner corrélativement avec la disposition de la directive selon laquelle le titulaire de la "carte bleue" peut, pendant deux ans, exercer seulement les activités professionnelles pour lesquelles il a été admis à ce titre (article 12 § 1). À l’issue de cette période, les Etats membres ont alors la possibilité de permettre à l’intéressé d’accéder à l’ensemble des emplois hautement qualifiés — et de lui conférer en la matière l’égalité de traitement avec les nationaux — ou bien de continuer à le cantonner sur le même type d'activité indéfiniment. L’article 4 §2 b) les autorise même à aller plus loin par l’adoption de dispositions plus favorables qui donneraient l’accès, au bout des deux ans précités, à d'autres emplois hautement qualifiés, voire à l’ensemble du marché du travail.

Rappelons qu’en droit français des étrangers, la situation du marché du travail peut être opposée à tout ressortissant de pays tiers qui souhaite exercer un emploi salarié ne figurant pas sur la liste, établie au plan national mais déclinée au plan régional, des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement, ou ne figurant pas sur la liste annexée à l'accord de gestion concertée que le pays, dont l’étranger est ressortissant, a éventuellement conclu avec la France.

En tout état de cause, l'étranger qui souhaite exercer une profession réglementée doit répondre aux conditions d'exercice définies par la législation nationale.

Il convient de préciser que la situation de l'emploi est également opposable lors de la première demande de renouvellement, lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différente de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale.

Dans tous les cas, à partir du deuxième renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", l'étranger n'est plus soumis à des restrictions géographiques ou professionnelles. La situation de l'emploi ne peut dès lors plus lui être opposée.

Par ailleurs, les instructions adressées aux préfets (service des étrangers et directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) par circulaire du 22 août 2007 relative aux autorisations de travail rappellent que le critère de la situation de l'emploi est examiné avec bienveillance notamment pour les cadres dirigeants ou de haut niveau percevant des rémunérations élevées soit 5000 € bruts mensuels.

Dans ces conditions, l'alternative suivante se présentait :

- soit prendre en considération la situation de l'emploi à l'occasion du visa du premier contrat de travail par la DDTEFP38. Pendant deux ans, le titulaire d'une "carte bleue" est autorisé à occuper un emploi hautement qualifié auprès de l'employeur qui a permis son admission en France, sauf autorisation préalable de changement d'employeur accordée par la DDTEFP. Après deux ans d'exercice d'un emploi hautement qualifié, il pourra changer librement d'employeur ou d'activité professionnelle dès lors qu'il continue à occuper un emploi hautement qualifié ;

- soit prendre une disposition plus favorable pour les travailleurs hautement qualifiés en n'opposant pas la situation de l'emploi lors de la demande de première délivrance d'une "carte bleue" quelle que soit la durée de la carte délivrée. Cette mesure correspond à l’esprit de la directive et à la volonté française d’attirer les "hauts potentiels".

Cette seconde option est donc retenue.

2.1.1.3. L'égalité de traitement avec les nationaux

- L'accès aux emplois hautement qualifiés (articles 12 §1 seconde phrase, 12 § 3 et 12 § 4)

Au bout de deux ans, les Etats membres peuvent permettre à l’intéressé d’accéder à l’ensemble des emplois hautement qualifiés — et de lui conférer en la matière l’égalité de traitement avec les nationaux — ou bien de continuer à le cantonner sur le même type d'activité indéfiniment. L’article 4 §2 b) les autorise même à aller plus loin par l’adoption de dispositions plus favorables qui donneraient l’accès, au bout des deux ans précités, à d'autres emplois hautement qualifiés, voire à l’ensemble du marché du travail.

Il a été décidé de permettre au titulaire de la "carte bleue européenne" d'accéder à tout emploi hautement qualifié à l'issue d'une période de deux ans après son admission en qualité de travailleur hautement qualifié.

Par ailleurs, les Etats membres ont la possibilité, si la législation nationale ou communautaire existante le prévoit, de ne pas autoriser l’accès des titulaires d’une "carte bleue" aux emplois impliquant une participation occasionnelle à l’exercice de l’autorité publique et la responsabilité de la sauvegarde de l’intérêt général de l’Etat et de le réserver aux seuls nationaux (article 12 §3). Cette restriction est également prévue dans le droit communautaire pour les citoyens de l'UE et les ressortissants de l'EEE.

En effet, ces derniers ont accès aux emplois de la fonction publique à l'exclusion des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques.

De même, de manière plus générale, les Etats membres peuvent choisir d’appliquer aux titulaires d’une "carte bleue" toute législation nationale ou communautaire existante qui réserverait certains emplois aux nationaux ainsi qu’aux citoyens de l’UE, de l’EEE (article 12 §4).

Tel est le choix du Gouvernement français.

- Les autres domaines (article 14)

Le droit français accorde d'ores et déjà aux étrangers autorisés à travailler, dès la délivrance du titre de séjour, l'égalité de traitement en matière :

- de conditions de travail et de rémunération,

- de liberté d'association,

- d'éducation et de formation professionnelle,

- de reconnaissance des diplômes et qualifications,

- de sécurité sociale,

- de pension de retraite,

- d'accès aux biens et services offerts au public,

- de libre accès à l'ensemble du territoire national.

De manière générale, il convient de préciser que les étrangers séjournant régulièrement en France bénéficient de l'égalité de traitement avec les nationaux pour l'octroi de tous les droits économiques et sociaux.

2.1.1.4. La durée de la carte (article 7 § 2)

Il appartient à chaque Etat membre de déterminer la durée de validité de la "carte bleue", durée qui doit être au moins égale à un an et de quatre ans au maximum.

- La durée standard

Le choix a été fait de retenir une durée de trois ans. Cette durée est, certes, supérieure à la durée de référence sur laquelle se fondent plusieurs autres dispositions de la directive (cf point B/ ci-dessus). Mais, dans la mesure où il a été décidé :

- de ne pas opposer la situation de l'emploi lors de l'examen de la première demande d'autorisation de travail,

- de ne pas soumettre à autorisation le changement d'employeur (cf. infra),

- de ne pas autoriser, en revanche, pendant cette période de deux ans l'accès à d'autres emplois hautement qualifiés que celui ayant permis la délivrance du titre,

cette durée de validité de trois ans de la "carte bleue" présente l’avantage d'être cohérente avec la durée des titres "salarié en mission" et "compétences et talents" et d'établir un équilibre entre nécessaire attractivité (puisque la France sera placée en situation de concurrence avec les autres Etats membres) et contrôle du non accès à d'autres emplois qualifiés en portant sur ce titre de séjour une restriction professionnelle pendant deux ans à compter de la délivrance du titre.

- En cas de contrat d'une durée inférieure à la durée standard

La directive précise qu’en cas de contrat de travail dont la période couverte serait inférieure à la durée de validité de la "carte bleue européenne" et supérieure à un an (article 5 §1 a), la "carte bleue" devra être délivrée pour la durée dudit contrat plus trois mois.

L'introduction de ce délai de trois mois répond à la demande de certains Etats membres qui ne souhaitaient pas que ces salariés puissent se maintenir et percevoir, le cas échéant, sur une plus longue durée une indemnisation au titre du chômage (cf. point 3. A/ ci-dessous).

Disposition non retenue.

2.1.1.5. L'intégration

Aucune condition d'intégration n'est prévue par la directive pour la délivrance d'une "carte bleue européenne". Cette condition peut être exigée par un Etat membre pour les membres de famille une fois que les personnes concernées ont bénéficié du regroupement familial (article 15).

En conséquence, le travailleur hautement qualifié ne peut être soumis à l'obligation de conclure un contrat d'accueil et d'intégration à son arrivée. En revanche, l'effectivité de son intégration sera examinée au moment de son passage au statut de "résident de longue durée" si une telle demande est présentée. En effet, au moment de son admission au séjour en qualité de travailleur hautement qualifié, l'intention de l'intéressé de s'établir durablement en France ne sera pas connue.

Cette option vaut également pour le conjoint et les enfants puisqu'il a été décidé de ne pas les soumettre à la procédure de regroupement familial (cf. infra).

2.1.2. Les options en matière d'avantages liés à l’octroi de la "carte bleue" : la mobilité professionnelle et familiale

2.1.2.1. Les membres de famille (article 15 de la directive) 

- Le regroupement familial

Le titulaire de la "carte bleue" européenne peut se faire rejoindre par les membres de sa famille en utilisant une procédure allégée de regroupement familial : contrairement aux autres ressortissants de pays tiers, aucune condition de durée minimale de séjour régulier n’est opposable (dix-huit mois dans le droit commun), et les membres de familles obtiennent dès leur arrivée un titre de séjour de même durée que celle du travailleur hautement qualifié dont ils dépendent. En outre, ces membres de famille ne sont pas soumis à un délai avant de pouvoir accéder au marché du travail.

Cependant, par souci d'attractivité, le choix a été fait de dispenser les membres de famille du titulaire de la "carte bleue européenne" de la procédure de regroupement familial, en optant pour la procédure plus favorable — et donc sans caractère dissuasif — dite de "famille accompagnante", d'ores et déjà appliquée aux cadres dirigeants et de haut niveau. Aucune durée minimale de séjour pour le titulaire de la "carte bleue européenne" n'est exigée, les ressources et les conditions de logement ne sont pas contrôlées. L'obligation de signer un contrat d'accueil et d'intégration dans la société française n'est pas non plus exigée.

- L'acquisition d'un droit de séjour autonome

L'article 15 §7 de la directive donne aux Etat membres la possibilité d’accorder aux membres de famille un titre de séjour autonome plus rapidement que ne le prévoit la directive 2003/86/CE relative au regroupement familial qui prévoit une période minimale de cinq ans par la prise en compte du séjour effectué dans d’autres Etats membres de l'UE.

Deux solutions étaient envisageables pour l'acquisition d'un droit de séjour autonome :

- l'application plus favorable du droit commun (article L. 431-2 du CESEDA) qui aurait conduit à accorder aux membres de famille ce droit de séjour autonome après un séjour de trois ans en France, calculé à compter de l'admission sur le territoire français. La rupture de la communauté de vie n'est alors plus opposable à l'issue de cette période ;

- l'application de l'article 15 §7 de la directive qui permet l'acquisition de ce droit par les membres de famille s'ils justifient d'un séjour de cinq ans (directive 2003/86/CE). Dans cette hypothèse, le calcul de cette durée de résidence prend en compte les périodes de séjour dans un ou plusieurs Etats membres dans la limite de trois années.

Dans la mesure où il a été décidé de ne pas soumettre les membres de famille à une procédure même allégée de regroupement familial, la seconde option est la plus appropriée.

- Le séjour dans un deuxième Etat membre des membres de famille rejoignant le travailleur hautement qualifié (article 19 § 4 a et b)

L’article 19 de la directive indique que lorsque le titulaire de la "carte bleue européenne" se rend dans un deuxième Etat membre, les membres de sa famille qui séjournaient avec lui dans le premier Etat membre sont autorisés à l’accompagner ou à le rejoindre. Le §4 de ce même article donne la possibilité au deuxième Etat membre d'exiger des conditions de logement et de ressources.

En tout état de cause, la France a fait le choix de dispenser les membres de famille de la procédure de regroupement familial, et donc d'une telle exigence. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'étranger rejoint par les membres de sa famille répond par définition aux normes élevées de ressources établies par la directive "carte bleue". Et il faut également garder à l’esprit le fait que la nouvelle "carte bleue européenne" va créer une concurrence entre les Etats membres pour attirer et retenir les ressortissants de pays tiers relevant de cette catégorie.

Dès lors, la transposition de l'article 19 §4 sur une nouvelle vérification des conditions de logement et de ressources n'est pas pertinente.

2.1.2.2. Les résidents de longue durée (article 16 §5)

Le travailleur hautement qualifié peut acquérir le statut de résident de longue durée après cinq ans de séjour légal et ininterrompu. La directive prévoit des situations n’interrompant pas cette période de résidence régulière : l’absence du territoire communautaire pendant une durée n’excédant pas douze mois consécutifs et ne dépassant pas un total de dix mois au cours de la période des cinq ans, par dérogation à la directive 2003/109/CE relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.

L’article 16 §5 de la directive donne aux Etats membres la possibilité de limiter ces durées d’absence plus longues à quelques situations précises telles que l’exercice d’une activité économique en tant que travailleur salarié ou indépendant, la prestation d’un service volontaire ou le fait de suivre des études dans son pays d’origine. Cette disposition restreint les motifs d'absence autorisée à des raisons essentiellement liées au déroulement de carrière du travailleur hautement qualifié (détachement, approfondissement d’études).

Cependant, ainsi que la plupart des Etats membres l’avait souligné lors de la négociation, il s’agit d’une option technique complexe à mettre en œuvre administrativement. Les périodes d’absence autorisées étant prévues par la directive, il ne paraît pas utile de déterminer les motifs précis d'absence autorisée pour le calcul de la durée de séjour nécessaire pour l'accès au statut de résident de longue durée.

La restriction prévue par l’article 16 §5 n'est donc pas retenue.

2.1.3. Les options en matière de changement de situation

2.1.3.1. La période de chômage temporaire autorisée

(article 13 de la directive) 

Le titulaire d’une "carte bleue" a pour obligation d’informer l’Etat membre d’accueil dès qu’il se retrouve au chômage. Son titre lui sera retiré si cette période de chômage dure plus de trois mois consécutifs ou survient plus d’une fois au cours de la période de validité de la carte. Toutefois, la directive laisse les Etats membres libres d’adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables en la matière (article 4 §2 b)).

Or, en droit français, aucun cas de retrait pour cause de chômage involontaire n’est prévu.

Le CESEDA interdit à l'autorité administrative de retirer la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", cette carte est renouvelée.

Le code du travail prévoit quant à lui que la validité d'une autorisation de travail constituée par la carte de séjour portant la mention "salarié" est prorogée d'un an si, à la date du premier renouvellement, l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Si la période de chômage se prolonge au-delà de la durée de la prorogation, la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire "salarié" est instruite en se fondant sur les droits ouverts de l’intéressé au régime d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi.

S'agissant de la carte de séjour portant la mention "compétences et talents", aucune disposition spécifique n'est prévue quant aux conséquences d'une situation de chômage. En conséquence, les dispositions du code du travail sont applicables aux titulaires de cette carte ayant un statut de salarié.

Dès lors est retenue l'option prévue par la directive qui consiste à maintenir la "carte bleue" jusqu’à la fin de sa durée de validité puis la prolonger jusqu’à l’expiration des droits de son titulaire en situation de chômage involontaire au regard du régime d’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi.

2.1.3.2. La procédure de changement d’employeur (article 12 §2)

Si le travailleur hautement qualifié souhaite changer d’employeur au cours des deux premières années couvertes par la "carte bleue", il doit obtenir une autorisation préalable écrite des autorités compétentes de l’Etat membre de résidence.

Cette disposition rentre dans le cadre de l’article 4 §2 b) de la directive selon lequel les Etats membres peuvent adopter ou maintenir des mesures plus favorables en la matière. Dans la mesure où il a été choisi de ne pas opposer la situation de l'emploi lors de la demande de première délivrance d'une "carte bleue" (cf. supra), il a donc été décidé de ne pas exiger cette procédure d'autorisation préalable pour le changement d'employeur.

En revanche, il convient de rappeler l'impératif pour le titulaire de la "carte bleue" de n'exercer, pendant les deux premières années, que l'emploi hautement qualifié pour lequel il a été admis à séjourner et travailler sous couvert de ce titre. En cas de changement d'emploi, il doit solliciter une nouvelle autorisation de travail.

2.1.3.3. Le retrait ou le non-renouvellement de la carte

(article 9 §3 b)

- La demande de bénéfice de l'aide sociale

Les Etats membres ont le choix d’opter pour un retrait ou un refus de renouvellement de la "carte bleue" s’il apparaît que son titulaire doit faire appel au système d’aide sociale de l’Etat membre d’accueil pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

La question se pose de savoir à quelle situation pourrait renvoyer cette hypothèse en France, compte tenu du niveau de salaire exigé. En tout état de cause, le bénéficiaire de la carte bleue s'il ne remplit plus les conditions de rémunération verra son titre retiré ou non renouvelé.

L’application de cette disposition n'est pas envisagée.

- Les autres cas de retrait ou de non-renouvellement

La directive prévoit des cas de retrait ou de refus de renouvellement de plein droit (article 9 §1) : la fraude ainsi que le non respect des conditions d’admission liées au séjour et au travail).

S’avère en outre conforme à la législation nationale (article L. 313-3 du CESEDA) la possibilité laissée aux Etats membres de retirer ou de ne pas renouveler une "carte bleue" pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique (article 9 §3 a)).

2.1.3.4. Les frais liés à la réadmission (article 18 §6)

Lorsque le titulaire d'une "carte bleue" européenne dans un premier Etat membre se rend dans un autre Etat membre afin d’y occuper un autre emploi hautement qualifié, il peut alors arriver que le deuxième Etat membre décide — dans des conditions encadrées par la directive — de refuser de délivrer une "carte bleue européenne". Dans ce cas, le premier Etat membre est tenu de réadmettre aussitôt sans formalité le titulaire de la "carte bleue européenne".

L’article 18 §6 de la directive donne aux Etats membres la possibilité de tenir le demandeur et/ou son employeur pour redevable des coûts liés au retour et à la réadmission du titulaire de la "carte bleue" européenne ainsi que de ses membres de famille.

Cette possibilité, ajoutée afin de permettre à un Etat membre d’appliquer une disposition déjà existante dans sa législation nationale, n’a jamais correspondu au droit français applicable aux étrangers : il serait singulier d’introduire dans le CESEDA une mesure de ce type uniquement pour le cas des travailleurs hautement qualifiés, alors qu’il ne s’agit pas de la catégorie d’étrangers la plus à même d’engendrer des coûts liés aux réadmissions. De plus, une éventuelle adoption risquerait de susciter une forte contestation de la part des associations de défense des droits des étrangers mais également de la part des représentants du patronat, dans la mesure où ces derniers pourraient contester leur responsabilité dans ce qui se rapporte au comportement strictement personnel d’un employé, ancien ou actuel.

La possibilité offerte par l’article 18 § 6 étant inappropriée, elle n'est pas retenue.

2.2. Les options sur l’emploi des étrangers en situation irrégulière

2.2.1. Interdire l’emploi de ressortissants de pays tiers en situation

irrégulière afin de lutter contre l’immigration illégale

2.2.1.1. Paiement des sommes dues par les employeurs et informations des étrangers sans titre concernant leurs droits

La directive prévoit que le ressortissant de pays tiers en situation irrégulière retourne dans son pays avec tout ce qui lui est dû, à savoir ses arriérés de salaire, les accessoires, les indemnités de rupture de contrat de travail et les indemnités liées aux dommages et intérêts le cas échéant. Il incombe de plus à l'employeur en infraction de prendre à sa charge les frais d'envoi de ces émoluments vers le pays dans lequel le ressortissant étranger a été reconduit.

- Les arriérés de salaire et les accessoires

L'article L.8252-1 du code du travail prévoit que le salarié étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L.8251-1, est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur.

De même, aux termes de l'article L.8252-2 du même code, le salarié étranger a droit, au titre de la période d'emploi illicite, notamment, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi.

Ainsi, la législation du travail garantit à l'étranger sans titre, lors de la rupture de son contrat de travail, ses arriérés de salaire, les primes et les gratifications s'y référent, au même titre qu'un national ou un étranger en situation régulière.

- Les indemnités liées à la rupture de la relation de travail

S'agissant de la rupture de la relation de travail, l'article L.8252-2 deuxième alinéa du code du travail prévoit que l'étranger sans titre a droit, au titre de la période d'emploi illicite, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L.1234-5, L.1234-9, L.1243-4 et L.1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable. Les deux premiers articles prévoient des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement lorsque le contrat de travail à durée indéterminée a duré au moins un an. Quant aux deux derniers, ils prévoient des indemnités de rupture et de fin de la relation contractuelle d'un contrat à durée déterminée.

Dans l'hypothèse où le salarié étranger n'a pas fait l'objet de déclaration auprès des organismes sociaux, par son employeur, l'article L.8223-1 du code du travail prévoit une indemnité forfaitaire de rupture de la relation de travail équivalent à six mois de salaire.

La directive, dans un souci de protection des droits du salarié étranger sans titre, prévoit à l'article 6 alinéa 3, une présomption de salariat d'au moins trois mois à défaut de preuve relative à la durée de la relation contractuelle, apportée par l'une ou l'autre des parties.

Par ailleurs, elle précise le niveau de rémunération qui doit être aussi élevé que celui du salaire prévu par la législation applicable en matière de salaire minimum, des conventions collectives ou selon une pratique établie dans le secteur professionnel correspondant.

En revanche, elle n'impose aucun niveau d'indemnités de licenciement et laisse ainsi aux Etats membres, la possibilité d'appliquer le taux qui leur convient le mieux.

Deux solutions ont été envisagées.

1 Ne pas modifier les dispositions de l'article L.8252-2, alinéa 2° et maintenir l’indemnité forfaitaire à un mois de salaire tout en ajoutant la présomption de salariat de trois mois conformément à la directive et l'obligation, pour l'employeur, de prendre à sa charge les frais résultant de l'envoi des rémunérations impayées dans le pays où le salarié sans titre a été reconduit.

2 Porter cette indemnité forfaitaire de rupture à trois mois de salaire et ajouter la présomption de salariat de trois mois ainsi que l'obligation, pour l'employeur, de prendre à sa charge les frais résultant de l'envoi des rémunérations impayées dans le pays où le salarié sans titre a été reconduit.

Cette dernière solution a été retenue dans un souci d'égalité de traitement entre un national ou un étranger en situation régulière qui a fait l'objet de dissimulation par son employeur et qui peut prétendre à une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire et un étranger en situation irrégulière également non déclaré, lequel peut également obtenir une indemnité de 6 mois : 3 mois au titre de la présomption de salariat plus 3 mois de salaire au titre de l'indemnité forfaitaire.

Ainsi, le salarié étranger en situation irrégulière pourra se voir verser, à la rupture de son contrat de travail, une indemnité équivalente à six mois de salaire. Il pourra se prévaloir soient des dispositions de l'article L. 8252-2 soit de celles de l'article L. 8223-1 s'il a été victime de dissimulation par son employeur. Afin de préserver cette égalité de traitement, un 4ème alinéa a été ajouté à l'article L. 8252-2 : "Lorsque l'étranger employé sans titre l'a été dans le cadre d'un travail dissimulé, il bénéficie, soit des dispositions de l'article L.8223-1, soit des dispositions du présent chapitre si celles-ci lui sont plus favorables."

Néanmoins, un écart apparaît entre les deux situations du fait des charges salariales qui grèvent les salaires relatifs à la présomption de travail. En effet, si l'option des dispositions de l'article L. 8252-2 est retenue par le salarié étranger, (présomption de 3 mois de salaire + indemnité forfaitaire de 3 mois), il aura à verser des charges salariales sur les trois mois de salaire relatifs à la présomption de travail. Par conséquent, il percevra moins que s'il avait choisi l'application des dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail (indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire).

De même, l'employeur aura des charges patronales à verser sur les trois mois de salaire présumés, ce qui alourdira ces frais.

A titre d'exemple, le tableau ci-dessous montre les différentes situations existantes, en tenant compte, à chaque fois que cela est possible des deux options susceptibles de s'appliquer au salarié étranger et à son employeur.

cas

Situation du travailleur

Options

Dispositif

Somme – somme

due au salarié

Somme - somme due par l'employeur

1

Etranger en séjour régulier, sans titre de travail et non déclaré

Option 1

contribution spéciale OFII (art. L.8253-1)

 

3310,00

     

indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire (art. L.8223-1)

8062,80

8062,80

   

Option 1 Somme

 

8062,80

11372,80

   

Option 2

contribution spéciale OFII (art. L.8253-1)

 

3310,00

     

indemnité forfaitaire de 3 mois de salaire (art. L.8252-2 nouveau)

4031,40

4031,40

     

présomption de travail de 3 mois (art. L.8252-2 nouveau)

3370,25

5164,22

   

Option 2 Somme

 

7401,65

12505,62

2

Etranger en séjour irrégulier avec (faux) titre de travail et déclaré

Cas unique

contribution frais de réacheminement (art. L. 626-1 CESEDA)

 

2400,00

     

contribution spéciale OFII (art. L.8253-1)

 

3310,00

     

frais d'envoi de l'indemnité forfaitaire (art. L.8252-2 nouveau)

 

200,00

     

indemnité forfaitaire de 3 mois de salaire (art. L.8252-2 nouveau)

4031,40

4031,40

   

Cas unique Somme

 

4031,40

9941,40

           

3

Etranger en séjour irrégulier avec (faux) titre de travail et non déclaré

Option 1

contribution frais de réacheminement (art. L. 626-1 CESEDA)

 

2400,00

     

contribution spéciale OFII (art. L.8253-1)

 

3310,00

     

frais d'envoi des indemnités forfaitaire et de présomption de travail (art. L.8252-2 nouveau)

 

200,00

     

indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire (art. L.8223-1)

8062,80

8062,80

   

Option 1 Somme

 

8062,80

13972,80

           
   

Option 2

contribution frais de réacheminement (art. L. 626-1 CESEDA)

 

2400,00

     

contribution spéciale OFII (art. L.8253-1)

 

3310,00

     

frais d'envoi des indemnités forfaitaire et de présomption de travail (art. L.8252-2 nouveau)

 

200,00

     

indemnité forfaitaire de 3 mois de salaire (art. L.8252-2 nouveau)

4031,40

4031,40

     

présomption de travail de 3 mois (art. L.8252-2 nouveau)

3370,25

5184,55

   

Option 2 Somme

 

7401,65

15125,95

           

4

Travailleur français non déclaré ou étranger en séjour régulier avec titre de travail mais non déclaré

Cas unique

indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire (art. L.8223-1)

8062,80

8062,80

   

Cas unique Somme

 

8062,80

8062,80

Source : DGT

Quelle que soit l'option retenue dans les situations 1 et 3 (l'application des dispositions de l'article L.8252-2 ou celles de l'article L.8223-1), les sommes dues à l'étranger sans titre sont quasiment équivalentes.

En revanche, les sommes dues par l'employeur varient en fonction des infractions commises par celui-ci. La fiche, objet de l'annexe 7.5., détaille ces éléments.

- Le recouvrement, la consignation et le versement des sommes dues au ressortissant de pays tiers en situation irrégulière

Aux termes des dispositions de l'article 6 alinéa 2. et 4. de la directive, les Etats membres doivent prévoir l'existence de procédures efficaces de recouvrement des arriérés de salaires et de l'ensemble des indemnités s'y référent, y compris en cas de retour volontaire ou forcé.

La législation nationale ne prévoit actuellement aucune disposition permettant le recouvrement effectif des sommes dues à l'étranger sans titre et leur versement dans le pays dans lequel celui-ci a été reconduit

Ainsi, la responsabilité de recouvrement et du versement des sommes dues au titre des arriérés de salaire, à l'étranger sans titre, peut être réglée de deux façons.

La première consiste à désigner la caisse des dépôts et consignations comme organisme public en charge de consigner les sommes dues à l'étranger sans titre et à les lui verser, qu'il soit sur le territoire national ou reconduit dans son pays. En revanche, il ne serait pas en charge de recouvrer ces sommes auprès de l'employeur récalcitrant à les verser.

La deuxième prévoit que ce soit l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui soit responsable du recouvrement et du versement des sommes dues à l'étranger sans titre, y compris en cas de retour volontaire ou forcé dans son pays d'origine, aux frais de l'employeur indélicat.

La solution choisie, est celle de faire appel aux services de l'OFII pour consigner et reverser les sommes dues à l'étranger sans titre, même dans l'hypothèse où il a été reconduit dans son pays d'origine. Deux principales raisons plaident en faveur de cette option :

- les missions incombant à cet organisme sont axées autour de l'accueil et de l'assistance des étrangers qui arrivent sur le territoire national ou qui repartent dans leur pays d'origine,

- l'OFII possède des bureaux dans certains pays étrangers.

Au titre de ses missions d'accueil et d'assistance des étrangers qui arrivent sur le territoire national, l'OFII gère les procédures de l'immigration professionnelle : accompagnement de l'entreprise dans la procédure d'introduction en France de son futur salarié étranger.

Il gère également les procédures de l'immigration familiale :

- réception et gestion des demandes de regroupement familial;

- contrôle éventuel du logement et des ressources du demandeur;

- aide à la préparation, à l'arrivée et à l'installation de sa famille lorsque la décision est favorable;

- organisation du parcours d'intégration des étrangers en leur proposant éventuellement une formation.

En matière de demande d'asile,

- il coordonne et anime le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés;

- il prend en charge la gestion des entrées dans les centres d'accueils pour demandeurs d'asile (CADA) et les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH).

S'agissant de sa mission relative à l'assistance des étrangers qui repartent dans leur pays d'origine, l'OFII met en place et finance des programmes d'aide au retour volontaire ou humanitaire et d'aide à la réinstallation. Il leur propose un accompagnement matériel, financier et technique.

En conséquence, l'ajout d'une nouvelle prérogative, celle de recouvrer, auprès de l'employeur, les arriérés de salaire de l'étranger sans titre, de les consigner et de les lui reverser ensuite, quel que soit l'endroit où se dernier se trouve, ne déroge pas à la mission générale de l'OFII : l'assistance des ressortissants étrangers en France et à l'étranger.

La question du degré d'implication de l'OFII dans le recouvrement des arriérés de salaire s'est néanmoins posée. L'OFII doit-il avoir un rôle "actif ou passif" ? Par "actif", il faut comprendre l'intervention de l'OFII, dès la notification de la commission de l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre par les agents de contrôle et lorsque l'employeur indélicat s'oppose à verser les sommes dues dans un délai imparti. Dans cette hypothèse, l'OFII serait habilité à exercer à l'encontre de l'employeur concerné, ses voies de recours forcé, au même titre que la contribution spéciale39, conformément aux dispositions régissant les états exécutoires émis pour le recouvrement des créances des établissements publics nationaux. Ces créances salariales seront inscrites en recette dans le budget de l'OFII et prises en charge par le comptable public de cet organisme.

Quant au rôle "passif" envisagé, l'OFII ne serait pas chargé de recouvrer les sommes dues à l'étranger sans titre auprès de l'employeur récalcitrant, cette mission pouvant être confiée aux organisations syndicales ou aux associations habilitées à intervenir dans les centres de rétention administrative. En revanche, l'OFII serait chargé de consigner et de reverser ces sommes à l'étranger sans titre, en France comme à l'étranger. A ce titre, l'OFII possède d'ores et déjà, dans le cadre de ses missions d'aide au retour des étrangers, des antennes à l'étranger et des réseaux tels que les consulats de France ou des organismes conventionnés à cet effet chargés de verser les aides financières aux étrangers concernés.

Dans l'hypothèse où l'employeur accepte de verser les sommes dues à l'étranger sans titre, l'OFII se chargerait uniquement de les consigner puis de les lui verser.

Enfin, le dernier avantage à confier cette nouvelle mission à l'OFII, réside dans le fait

qu'il est prévu de lui transférer également la gestion de la mise en œuvre de la procédure de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger vers son pays. Cette possibilité est étudiée dans la partie 2.2.2.4. du présent document.

- L'information aux ressortissants de pays tiers en situation irrégulière relative à leurs droits

Concernant l'information des droits au ressortissant de pays tiers en situation irrégulière quant au recouvrement de ses arriérés de salaire, trois mesures ont été envisagées :

1 Faire porter cette obligation d'information par les agents de contrôle habilités lors des inspections de sociétés et lorsqu'une infraction au titre d'emploi d'étrangers sans titre est constatée;

2 Faire porter cette obligation aux agents ou officiers de police judiciaire au moment de la garde à vue;

3 Faire porter cette obligation par les personnels des centres de rétention administrative.

Les options retenues sont la première et la troisième.

La première option semble la plus appropriée pour atteindre le plus grand nombre d'étrangers en situation irrégulière parce que la diffusion de l'information relative à leurs droits peut plus facilement être effectuée au moment du contrôle de l'établissement. Quant à la troisième, elle cible les étrangers susceptibles de retourner dans leur pays d'origine et leur rappelle qu'ils peuvent faire valoir leurs droits avant leur retour volontaire ou forcé.

A cet effet, le décret d'application du projet d'article L.8252-4 du code du travail proposera, en outre, l'affichage permanent du document à coté du règlement intérieur dans chaque centre de rétention administrative. (Cf. article R. 553-4 du CESEDA).

La seconde option n'a pas été retenue, parce que la diffusion de l'information se limiterait uniquement aux étrangers gardés à vue.

2.2.1.2. Renforcer la responsabilité des donneurs d'ordre et/ou des maîtres d'ouvrage ainsi que l'ensemble des sous-traitants intervenant dans l'exécution d'un contrat

Aux termes de l'article 8 de la directive, la responsabilité, d'une part, des donneurs d'ordre et/ou des maîtres d'ouvrage, et d'autre part, de l'ensemble des sous-traitants intervenant dans la réalisation de la prestation, peut être engagée. Les dispositions du premier paragraphe prévoient la mise en œuvre de la solidarité financière dans le cadre d'une relation commerciale directe, tandis que les dispositions du second paragraphe font référence à une relation commerciale indirecte.

Dans la première situation, la responsabilité solidaire s'applique entre le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage et leur cocontractant direct, employeur de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.

Dans la seconde situation, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre sont liés, non seulement avec leur cocontractant direct, à savoir l'entrepreneur principal, mais aussi, avec tous les sous-traitants intervenant dans l'exécution de la prestation. Ils endossent tous la responsabilité financière, solidairement ou en lieu et place du sous-traitant employeur délictueux s'ils avaient connaissance que celui-ci utilisait de la main d'œuvre étrangère en situation irrégulière.

En outre, la directive prévoit une immunité à l'application de la solidarité financière lorsque le donneur d'ordre ou le maître de l'ouvrage apportent la preuve qu'ils se sont acquittés de leurs obligations de diligence, telles qu'elles sont prévues par le droit national.

Le droit français actuel ne répond qu'à une partie des dispositions de la directive.

- Extension du périmètre des créances concernées par le mécanisme de la solidarité financière

Aux termes de l'article L.8254-2 du code du travail, la solidarité financière s'applique uniquement au paiement des contributions spéciale et forfaitaire.

La directive permet d'étendre le périmètre des créances au salaire et accessoires de celui-ci, aux indemnités versées au titre de la rupture de la relation de travail et aux frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel l'étranger est parti volontairement ou a été reconduit.

Par conséquent, il est apparu nécessaire de modifier l'article L.8254-2 afin d'ajouter les créances supplémentaires dues à l'étranger sans titre, conformément aux dispositions de la directive.

- Extension et modalités de mise en œuvre de la solidarité financière

Outre l'ajout de nouvelles créances, la directive prévoit l'extension de la solidarité financière à l'ensemble des cocontractants y compris ceux impliqués dans une relation commerciale indirecte vis-à-vis du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre, intervenant dans la chaîne de sous-traitance.

Le droit interne prévoit uniquement la mise en œuvre de la solidarité financière dans le cadre d'une relation commerciale directe entre le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre et son cocontractant..

Ainsi, par la transposition du deuxième alinéa de l'article 8, la responsabilité du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre et de l'entrepreneur principal sera étendue à l'ensemble des sous-traitants intervenant dans l'exécution du contrat s'il est démontré que l'un d'entre eux avait connaissance de l'emploi d'un étranger en situation irrégulière par un sous-traitant.

Les modalités de mise en œuvre de ce principe n'étant pas précisées, la directive laisse toute liberté quant aux modalités d'application. Dans cette perspective, cinq options ont été envisagées :

1 Maintien des dispositions actuelles du code du travail en incluant l'extension de la solidarité financière à tous les sous-traitants.

2 Ajout d'une notion d'obligation d'avertissement incombant au maître d'ouvrage.

3 Ajout de la possibilité, pour le maître de l'ouvrage de résilier le contrat le liant au cocontractant, au frais et risques de ce dernier

4 Renforcement du contrôle et des modalités de dénonciation de l'infraction

5 Pénalisation de la sanction à l'encontre du maître de l'ouvrage ou du donneur d'ordre

L'option choisie a été d'ajouter aux dispositions actuelles du code du travail relatives à la mise en œuvre de la solidarité financière lorsque l'infraction de l'emploi d'un étranger sans titre est constatée, les options 2, 3 et 4 et 5.

L'option relative au principe d'avertissement du cocontractant par le maître de l'ouvrage, afin qu'il fasse cesser la situation irrégulière, existe déjà dans le cadre du travail dissimulé, par dissimulation de salariés, (cf. article L. 8222-5 du code du travail).

Cette notion a été reprise, d'une part, dans un souci de parallélisme avec les dispositions concernant l'infraction liée au travail dissimulé, et d'autre part, pour renforcer l'obligation de vigilance qui incombe au maître d'ouvrage, personne publique et/ou personne privée, qui sous-traite la réalisation totale ou partielle d'un ouvrage auprès d'un entrepreneur principal lequel, à son tour peut faire appel à des sous-traitants.

S'agissant de l'option 3, la possibilité, pour le maître de l'ouvrage de résilier le contrat le liant au cocontractant, aux frais et risques de ce dernier, est également calquée sur des dispositions du travail dissimulé qui s'applique uniquement lorsque le maître de l'ouvrage est une personne publique (cf. article L.8222-6). En l'espèce, cette disposition devra être mise en œuvre quelle que soit la qualité juridique de la personne (personne publique ou personne morale). Elle vient renforcer les sanctions encourues par le cocontractant et les sous-traitants concernés.

Concernant l'option 4 relative à l'information ou à la dénonciation de l'infraction, la directive laisse une marge de manœuvre quant aux modalités. En effet, elle ne précise ni les acteurs ni la manière de mettre en œuvre la dénonciation. Ainsi, les dispositions relatives au travail dissimulé ont également été reprises (cf. article L.8222-5 du code du travail). D'une part, les corps de contrôle habilités à relever l'infraction d'emploi d'étranger sans titre ont été étendus à ceux qui relèvent l'infraction de travail dissimulé40 à savoir les inspecteurs et contrôleurs du travail maritime, les agents des impôts et des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés et assermentés, les officiers et agents assermentés des affaires maritimes, les fonctionnaires des corps techniques de l'aviation civile et les fonctionnaires ou agents de l'Etat chargés du contrôle des transports terrestres. De même, l'option 4 permet d'étendre l'agrément des contrôles à des personnes autres que des agents de contrôle tels que les syndicats de salariés, les syndicats ou les associations professionnels d'employeurs ou une institution représentative du personnel.

Enfin, concernant la dernière option, il a été décidé d'appliquer au maître de l'ouvrage ou au donneur d'ordre, personne publique ou privée la même sanction pénale, à titre principal, que l'auteur lui-même de l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre, à savoir une peine d'emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros. L'article L.8256-2 du code du travail a été modifié en conséquence.

- Exemption de l'application de la solidarité financière pour le cocontractant qui s'est acquitté de ses obligations de diligence prévues par le droit national

La directive prévoit qu'un entrepreneur qui s'est acquitté de ses obligations de diligence n'est pas redevable des créances salariales et des frais d'envoi des sommes dues au salarié étranger.

Les articles L.8254-1, D.8254-1 à D.8254-4 du code du travail, posent le principe de vigilance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage vis-à-vis de leur cocontractant, lors de la conclusion d'un contrat portant sur un montant minimum, et ce périodiquement, jusqu'à la fin de l'exécution de celui-ci.

Par conséquent le principe de l'obligation de diligence imposée par la directive n'a pas lieu d'être transposée.

- La facilitation des plaintes

La directive prévoit la mise en place de mécanismes de facilitation des plaintes notamment en utilisant les services d'un tiers désigné : les syndicats, les associations ou une autorité compétente de l'Etat membre. Face à cette disposition, la question s’est posée de savoir si, d'une part, les associations pouvaient être reconnues comme tiers désignés pour aider le ressortissant étranger en situation irrégulière à recouvrer ses arriérés de salaire, d'autre part, s'il fallait prévoir le consentement de l'intéressé, comme le prévoit la directive.

Deux options ont été examinées :

1 Maintien des dispositions actuelles du code du travail qui prévoit à l'article L.8255-1 la faculté pour les organisations syndicales d'intervenir pour aider les étrangers sans titre à faire valoir leurs droits.

2 Intégration des associations dans le dispositif, comme tiers désignés pour venir en aide aux étrangers sans titre, en modifiant les dispositions des codes suivants : création d'un article 2-22 au code de procédure pénale et/ou modifications des articles L. 8255-1 du code du travail et L.622-4 du CESEDA.

Cette disposition était envisageable sous deux hypothèses : réserver cette possibilité aux associations habilitées à intervenir dans les centres de rétention administrative ou bien l’ouvrir à certaines associations répondant à des critères spécifiques : avoir 5 ans d'existence, statuts portant sur la défense des droits des étrangers, obtention de l'agrément par l'autorité administrative...

Il a été décidé de laisser cette prérogative d'aide aux ressortissants de pays tiers aux seules organisations syndicales, conformément aux dispositions actuelles de l'article L.8255-1 du code du travail et de ne pas y ajouter "le consentement" de l'étranger sans titre. Ainsi les syndicats pourront ester en justice "sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, à condition que celui-ci n'ait pas déclaré s'y opposer".

Quant à l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier prévu par l'article L. 622-1 du CESEDA, il n'est pas apparu nécessaire d'étendre l'immunité à ces organisations syndicales dans les dispositions de l'article L.622-4 du CESEDA ni dans celle du code du travail. En effet, l’action des organisations syndicales ne peut pas être considérée comme favorisant l'entrée, la circulation ou le séjour d'un étranger, leur rôle consistant à donner des conseils juridiques ou à intenter une action en justice conformément aux dispositions de la directive européenne 2002/90 CE du Conseil du 28 novembre 2002.

- Renforcement des pouvoirs des agents de contrôle habilités à constater l’infraction d’emploi d’étranger sans titre

Les articles L.8271-6-1 et L.8271-6-2 entendent renforcer les pouvoirs des agents des corps de contrôle compétents pour constater l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre (inspection du travail, police, gendarmerie et douanes), au même titre que les agents intervenant pour relever les infractions liées au travail dissimulé (cf. L.8271-11 du code du travail).

Ainsi, ils pourront auditionner tout employeur et toute personne travaillant ou ayant travaillé pour celui-ci afin de connaître la nature des activités de l'employeur, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant. De même, ils pourront entendre toute personne susceptible de fournir des informations complémentaires à leur mission de lutte contre le travail illégal.

S'agissant de l'article L.8271-6-2, les agents compétents en matière d'interdiction d'emploi d'étrangers sans titre pourront, d'une part, se faire communiquer le document que le donneur d'ordre doit se faire remettre par son cocontractant si celui-ci occupe des travailleurs étrangers assujettis à la possession d'un titre de travail. En l'occurrence, ce document mentionné aux articles D. 8254-2 et D.8254-3, consiste en une liste des salariés étrangers employés pour réaliser les travaux ou fournir les services commandés par le donneur d'ordre. Cette mesure est le pendant du droit de communication des agents de contrôle pour les documents exigibles en matière de travail dissimulé, visé à l'article L.8271-9 du code du travail.

Par ailleurs, ces mêmes agents pourront se faire présenter le registre unique du personnel et à en obtenir une copie immédiate. Si les agents de l'inspection du travail ainsi que les officiers et agents de la police judiciaire disposent déjà de ce droit de communication, il en est autrement pour les agents des douanes. En effet, l'article L.1221-15 du code du travail prévoit actuellement que ce registre doit être tenu à la disposition des agents de l'inspection du travail et des agents de recouvrement des cotisations sociales (URSAFF, MSA et CGSS).

Or, l'article 4 de la directive impose aux employeurs de tenir pendant la durée d'emploi une copie ou un relevé du titre de séjour à la disposition des autorités compétentes des Etats membres en vue d'une éventuelle inspection. S'agissant des travailleurs étrangers, l'employeur est tenu d'annexer dans ce registre, la copie des titres autorisant l'exercice d'une activité salariée pour ces travailleurs. Cela justifie donc que les agents des douanes puissent obtenir la communication de ce registre et contrôler le titre de séjour ou de travail des travailleurs étrangers.

2.2.2. Harmoniser les dispositifs de lutte contre le travail illégal entre les

Etats membres

2.2.2.1. Périmètre des subventions et aides publiques accordées aux entreprises

La directive prévoit, d'une part, l'exclusion du bénéfice de "certaines ou de toutes les prestations, aides ou subventions publiques y compris les fonds de l'Union européenne", pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans, pour l'employeur fautif et d'autre part, le remboursement de ces subventions pendant une période maximale de douze mois précédant la constatation d'infraction d'emploi d'étranger en situation irrégulière.

Ainsi, la directive laisse la possibilité d'introduire de nouvelles catégories de subventions autres que celles liées à l'emploi et à la formation professionnelle et introduit la notion de remboursement de celles-ci.

Les dispositions actuelles du code du travail, notamment l'article L.8272-1, prévoit, pour l'ensemble des infractions relatives au travail illégal, le refus d'accorder, et sous certaines conditions, pendant une durée maximale de 5 ans, les aides publiques notamment à l'emploi et à la formation professionnelle, à la personne ayant fait l'objet d'une verbalisation. Cette article appelle deux remarques : la première concerne la période de l'exclusion du bénéfice des subventions qui porte uniquement sur l'avenir et sur une liste limitative d'aides détaillée à l'article D.8272-1, actualisée par la Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle le 22 janvier 2010, décret numéro 2010-94. La seconde porte sur le remboursement des aides perçues prévu par la directive. Il n'existe actuellement aucune sanction pénale ou administrative prévoyant le reversement, par l'employeur, des subventions publiques, en cas de constatation d'infraction à la législation du travail. Néanmoins, l'article L.8222-2 (deuxième alinéa) prévoit une solidarité financière, envers le cocontractant, sur les sommes à rembourser par l'employeur délictueux. Cette disposition n'est pas opérante donc pas appliquée.

La question s'est posée de savoir s'il était opportun d'élargir le champ des refus d'aides et subventions publiques autres que celles relatives à l'emploi et à la formation professionnelle. Compte tenu de la multitude des régimes d'aides nationales et européennes, un périmètre trop large ne permettrait pas une application efficiente de cette disposition de la directive. C'est pourquoi il a été décidé de ne faire référence qu'à certaines des aides publiques en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture et d'insérer uniquement les dispositions relatives au remboursement de celles-ci ,de sorte que le refus d'accorder le bénéfice des aides et leur remboursement s'appliquent sur les mêmes catégories de subventions publiques.

2.2.2.2. Fermeture temporaire ou définitive d'établissements

La directive prévoit dans son article 7 "Autres mesures" la fermeture temporaire ou définitive de l'entreprise qui a servi à commettre l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre, ou le retrait temporaire ou définitif de la licence permettant de mener l'activité en question.

Elle laisse une marge de manœuvre concernant la nature et les modalités d'application de la fermeture et la durée de cette sanction.

Les articles L.8256-3 et L.8256-7 correspondant à des dispositions pénales du code du travail, prévoient, à titre complémentaire, la fermeture des locaux ou établissements tenus ou exploités par une personne physique et ayant servi à commettre les faits incriminés, et l'interdiction pour une durée de cinq ans au plus, pour les personnes physiques d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Les personnes morales sont passibles d'une interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.

Les dispositions de la directive ne précisant ni la nature ni les modalités de cette sanction, deux propositions ont été étudiées :

1 Le statu quo, qui consiste à garder les dispositions du code du travail telles quelles puisqu'elles répondent à celles de la directive, la fermeture temporaire ou définitive ou le retrait de licence empêchant ainsi le contrevenant d'exercer sa profession.

2 La fermeture temporaire de l'établissement concerné, ordonnée par une autorité administrative. Les avantages de cette solution sont d'une part, la rapidité de l'application de la sanction par rapport à la procédure judiciaire et d'autre part, en fonction de la gravité et de l'étendue des infractions commises, la suspension de l'activité de l'établissement concerné jusqu'à la notification de la décision du procureur de la République ou du juge judiciaire.

Les deux options ont été retenues. Il est introduit aux dispositions pénales existantes, un nouvel article prévoyant une sanction administrative consistant en la fermeture d'un établissement dans lequel l'infraction d'emploi d'étrangers sans titre a été constatée, à titre provisoire, et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Le matériel professionnel ayant servi à commettre les infractions pourra être saisi à titre conservatoire.

Cette mesure est élargie à trois autres infractions du travail illégal : le travail dissimulé, le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre. Par ailleurs, il est prévu d'introduire des dispositions permettant de protéger le personnel régulièrement embauché en cas de fermeture ordonnée par l'autorité administrative ou judiciaire.

2.2.2.3. Exclusion de la participation à une procédure de marché

public

La directive prévoit également à l'article 7 b), l'exclusion de la participation à une procédure de passation de marché public pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans.

Cette peine existe d'ores et déjà en droit français, aux articles L.8256- 3 et L. 8256-7 du code du travail et à l'article 131-39 5° du code pénal. Elles s'appliquent tant aux personnes physique que morale ayant fait l'objet d'un procès verbal d'infraction d'emploi d'étranger sans titre.

De même que pour la sanction relative à la fermeture de l'établissement, les dispositions de la directive ne précisent ni la nature ni les modalités d'application de cette sanction. Par conséquent, les mêmes questions se sont posées et des propositions similaires ont été apportées :

1 Le statu quo, en maintenant les dispositions actuelles du code du travail, celles-ci répondant aux exigences de la directive.

2 L'exclusion des marchés publics par un arrêté préfectoral, pour une durée de 6 mois au plus.

Les deux options ont été retenues. Il est ainsi ajouté aux dispositions concernant les sanctions administratives du code du travail un nouvel article créant une sanction concernant l'exclusion des marchés publics.

L'avantage de cette mesure administrative est son caractère quasi immédiat. En effet, les procédures judiciaires sont non seulement plus longues, mais en plus, elles n'ont pas force de chose jugée tant que le dernier recours n'a pas été exercé. Ainsi, au cours de la procédure judiciaire, l'employeur indélicat peut participer à une procédure de passation de marché public tant qu'il n'est pas définitivement jugé. Par conséquent, l'insertion de cette nouvelle sanction administrative permettra de suspendre le droit du contrevenant à soumissionner à un marché public tant qu'il ne sera pas jugé par une autorité judiciaire.

Cette mesure est élargie à trois autres infractions du travail illégal : le travail dissimulé, le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre.

2.2.2.4. Les sanctions financières administratives

La directive prévoit en son article 5 des sanctions financières à l’encontre des employeurs qui ont fait l'objet d'un procès verbal d'infraction d'emploi d'étrangers sans titre. Celles-ci doivent permettre d'une part, le remboursement total ou partiel des frais engendrés par le retour du ressortissant dans son pays d'origine et d'autre part, leur montant doit augmenter en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement.

La législation française prévoit les deux types de sanctions financières : la contribution forfaitaire41 et la contribution spéciale42.

La contribution représentative des frais de réacheminement de l'étranger vers son pays d'origine est due dès lors que l'employeur a fait l'objet d'un constat d'infraction au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à savoir, l'emploi d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier.

La contribution spéciale s'applique lorsqu'une infraction à la législation du travail est constatée, particulièrement lorsque l'employeur a eu recours à un salarié étranger dépourvu de titre de travail. Cette dernière est due à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Ces deux sanctions s'appliquent autant de fois qu'il y a d'étrangers en situation irrégulière.

Ces deux sanctions sont conformes aux dispositions de la directive. Toutefois, leur mise en œuvre et le recouvrement des sommes ne sont pas toujours effectives et par conséquent peu dissuasives.

Afin de pallier cette difficulté, il est envisagé de transférer à l'OFII les prérogatives de l'application de la contribution forfaitaire.

En effet, les faits générateurs des deux sanctions sont quasiment identiques et surtout, le transfert de la contribution forfaitaire à l'OFII, compte tenu de son expérience dans la gestion de la contribution spéciale, de la liquidation et du recouvrement, serait susceptible d'accroître de manière significative son rendement et de contribuer ainsi fortement à la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre. En outre, ce transfert facilitera la mise en œuvre du dispositif existant de plafonnement des sanctions financières.

Aux termes de l'article L.626-1, alinéa 2° du CESEDA, le cumul des deux sanctions administratives (contribution spéciale et contribution forfaitaire) ne peut dépasser le montant des sanctions pénales prévues à l'article L.8256-2 du code du travail, à savoir 15 000 euros par salarié étranger en situation irrégulière. Ce dispositif, dit "bouclier pénal", sera d'autant plus facile à appliquer que l'autorité compétente sera la même personne.

Ainsi, la mise en œuvre des procédures relatives aux contributions spéciale et forfaitaire ainsi que le recouvrement des arriérés de salaire dus à l'étranger sans titre qu'il est prévu de confier à l'OFII, seront gérés par une même entité.

2.3. Les options relatives à l’éloignement des étrangers en

situation irrégulière

L’exercice de transposition impose :

- une architecture de décision similaire à celle de l’obligation de quitter le territoire actuelle,

- un délai de départ volontaire de principe auquel il ne peut être fait exception qu’aux cas de risque de fuite, de fraude ou de menace pour l’ordre public,

- la définition du risque de fuite sur la base de critères objectifs,

- une mesure d’interdiction d’entrée et de séjour assortissant par principe la mesure d’éloignement dans deux hypothèses au moins : lorsque le délai de départ volontaire n’a pas été accordé et lorsque l’obligation de quitter le territoire n’a pas été respectée.

Sur ces bases, les objectifs internes principaux résident dans la recherche d’une simplification du droit, particulièrement en ce qu’elle prévient le contentieux et l’efficacité des mesures.

Les principales options retenues par le projet de loi sont les suivantes :

2.3.1. Simplifier le droit de l’éloignement

2.3.1.1. La suppression du dualisme OQTF/APRF

Le dualisme actuel avec l’OQTF ouvrant un délai de départ volontaire et de l’APRF exécutoire d’office est supprimé.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 a fait naître un dispositif complexe, faisant coexister deux mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière : l’obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire qui assortit par principe la décision de refus de séjour et l’arrêté de reconduite à la frontière qui peut être prononcé lorsque l’autorité administrative constate que l’étranger est en situation irrégulière ou menace l’ordre public. Ce système est d’application délicate dès lors qu’il est possible qu’un étranger peut entrer à la fois dans le champ de l’une et l’autre de ces mesures. En outre, l’octroi d’un délai de départ est conditionné, non par la probabilité de l’exécution volontaire de la mesure de l’étranger, mais uniquement par la circonstance qu’il a ou non sollicité un titre de séjour.

En conformité avec l’article 3 § 4 de la directive, le projet de loi prévoit qu’un acte unique comportant la décision relative au séjour et l’obligation de quitter le territoire sanctionne tous les cas de séjour irrégulier, que le séjour irrégulier résulte d’un refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait du titre, d’une hypothèse de clandestinité ou de fraude.

Cette importante simplification du droit préserve intégralement les possibilités, d’une part de prendre en considération le respect par l’étranger de la procédure d’admission au séjour et d’autre part, les nécessités de l’exécution d’office de la mesure administrative. Le dispositif se décline comme suit :

Par principe, l’OQTF ouvre un délai de départ volontaire de 30 jours qui peut être prolongé. Par dérogation, l’OQTF n’ouvre pas de délai de départ et peut en conséquence être exécutée d’office sous réserve des délais de recours, en cas de menace pour l’ordre public ou de risque de soustraction à la mesure d’éloignement.

2.3.1.2. L’affirmation du principe du délai de départ volontaire

- Le délai de départ accordé peut être supérieur à trente jours mais il ne peut ensuite être ni prolongé ni réduit

En conformité avec l’article 7 § 2 de la directive, le projet de loi ouvre à l’autorité administrative, à la date à laquelle elle décide l’OQTF, la possibilité d’accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ supérieur à 30 jours pour tenir compte de la particularité d’une situation individuelle. Dans un souci de prévention des contentieux, le projet de loi ne subordonne pas cette faculté à la présentation d’une demande par l’étranger et ne prévoit aucun critère limitatif.

Afin de préserver l’effectivité du caractère volontaire du retour, le projet de loi ne retient pas la possibilité ouverte par la directive d’un délai de départ inférieur à 30 jours.

- L’exception au principe du délai de départ volontaire

L’évolution au regard du droit actuellement en vigueur impose l’affirmation de la priorité au retour volontaire.

La directive ne prévoit pas une décision formalisée d’octroi ou de refus du délai de départ et le projet de loi n’ajoute pas une telle décision dans le CESEDA.

Il ne peut être fait exception au principe du délai de départ volontaire que dans les hypothèses énumérées par l’article 7 § 4 de la directive soit :

- s’il existe un risque de fuite,

- si la demande de titre de séjour est entachée de fraude ou non fondée,

- si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public.

Aux termes de l’article 3.7 de la directive, le risque de fuite se définit comme suit : « le fait qu’il existe des raisons dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet des procédures de retour peut prendre la fuite ».

Le projet de loi de transposition ne retient pas le terme de « risque de fuite ». Il prend pleinement en compte le principe posé par la directive de l’exécution volontaire de la mesure d’éloignement visant un étranger en situation irrégulière, sous réserve de l’appréciation au cas par cas d’un comportement révélant une menace pour l’ordre public ou un risque de soustraction à la mesure d’éloignement au regard de critères objectifs définis par la loi. L’exception au principe d’octroi du délai de départ volontaire est appréciée au cas par cas et restreinte aux cas énumérés.

Le risque est regardé comme constitué, sauf circonstances particulières, dans des circonstances objectives énumérées par la loi. Il ne résulte de cette énumération aucun automatisme. Il s’agit seulement, conformément à la directive et pour d’évidentes nécessités pratiques liées à l’urgence dans laquelle agit l’autorité administrative puis son juge, de lister des cas dans lesquels le risque de fuite peut être présumé.

Ainsi, une obligation de quitter sans délai le territoire peut être prononcée lorsqu’il apparaît que la situation de l’étranger relève d’au moins un des critères prévus par la loi.

La liste des circonstances définissant le champ de l’appréciation sur la possibilité de l’exécution forcée ouvre plus de souplesse par rapport au droit en vigueur. Le nouveau dispositif permet à l’autorité administrative, au-delà d’un comportement formellement régulier de l’étranger, d’appréhender une situation de risque de soustraction à la mesure d’éloignement, notamment par référence à une insuffisance des garanties de représentation, le cas de fraude est également pris en considération. La demande de titre de séjour n’implique plus obligatoirement l’octroi du délai de départ volontaire.

Le critère relatif aux garanties de représentation doit être bien compris. L’existence de garanties n’exclut pas le refus de délai de départ volontaire, dès lors que l’étranger se trouve dans l’une des autres situations justifiant ce refus : la réalisation de l’une au moins des circonstances prévues dans la liste peut suffire..

La réalisation de ces circonstances n’impose pas le refus de délai de départ ; elle constitue seulement une condition nécessaire et suffisante de ce refus, sous réserve de l’effectivité de l’examen individuel.

Ainsi, le dispositif maintient les équilibres juridiques actuels tout en les assouplissant et en donnant sa pleine réalité à l’affirmation du principe du retour volontaire.

2.3.1.3. Une transposition simple pour la mesure d’interdiction de retour

En stricte conformité avec les dispositions précises et inconditionnelles de l’article 11 § 1, a), de la directive, l’autorité administrative qui oblige un étranger en situation irrégulière à quitter le territoire français sans délai de départ peut par principe assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français.

Conformément aux dispositions précises et inconditionnelles de l’article 11 § 1, b), de la directive, l’autorité administrative qui engage l’exécution d’office de l’OQTF à laquelle il n’a pas été déféré dans le délai de départ volontaire imparti, peut par principe prononcer une interdiction de retour.

Ces deux hypothèses répondent à une stricte obligation de transposition de normes inconditionnelles.

En outre, conformément aux dispositions claires du dernier alinéa du § 1 de l’article 11 de la directive, l’autorité administrative a la possibilité d’assortir d’une interdiction de retour l’OQTF accordant un délai de départ volontaire.

Dans le cas où l’étranger faisant l’objet d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour dans un délai de départ volontaire ne respecte pas ce délai, l’autorité administrative a la possibilité de prolonger la mesure d’interdiction de retour. Elle dispose également de cette faculté dans le cas où l’étranger ayant déféré à l’obligation de quitter le territoire français y revient sans autorisation alors que l’interdiction de retour poursuit ses effets. Cette possibilité d’aggravation des effets de la mesure répond à l’obligation de transposition qui prévoit la sanction de la récidive (considérant 14).

La directive prévoit la possibilité d’une interdiction de retour de cinq ans ; le projet de loi prévoit le prononcé d’une mesure d’une durée maximale de trois ans lorsque le délai de départ volontaire n’est pas accordé, d’une durée maximale de deux ans lorsque ce délai est accordé et des prolongations de la mesure pour deux années supplémentaires. Il assure selon des critères non limitatifs, une appréciation de la modulation de la durée de la mesure conforme au principe de proportionnalité.

Il est créé un dispositif d’abrogation de l’interdiction de retour.

2.3.1.4. Les mesures permettant la préparation de l’éloignement par l’administration

- La rétention administrative

Le projet de loi apporte plusieurs modifications à la procédure de rétention administrative.

En premier lieu, il allonge la durée du placement en rétention par l’autorité préfectorale qui passe de 48 heures à cinq jours et organise un contrôle de la légalité de la décision de placement en rétention par le juge administratif statuant seul selon une procédure contentieuse accélérée.

En deuxième lieu, il encadre les pouvoirs du juge des libertés et de la détention.

En troisième lieu, il allonge de 15 à 20 jours la durée de la première prolongation par le juge des libertés et de la détention et unifie à 20 jours la durée de la seconde prolongation. La durée maximale de rétention administrative est donc portée de 32 à 45 jours.

Mais ces modifications importantes apportées au régime de la rétention s’inscrivent dans une véritable réorientation du droit de l’éloignement, axée sur la priorité donnée au retour volontaire, dans l’esprit de laquelle la nécessité du placement en rétention est justifiée par une menace pour l’ordre public ou un risque de soustraction à l’exécution de la mesure d’éloignement, apprécié au cas par cas.

Il en résulte une évolution des conditions légales du placement en rétention administrative sur lequel le projet de loi organise un contrôle juridictionnel effectif par le juge administratif à bref délai suivant la notification de la décision administrative, préalablement à sa possible prolongation par le juge judiciaire.

Les pouvoirs de contrôle de l’autorité judiciaire sur la privation de liberté ne sont pas affectés. L’information immédiate du procureur de la République est nécessairement maintenue, le juge des libertés et de la détention saisi aux fins de prolongation s’assure que l’étranger a bénéficié de l’effectivité de ses droits à compter de son arrivée au lieu de rétention et peut interrompre à tout moment la prolongation de la rétention sur la demande du procureur de la République, de l’étranger ou d’initiative.

1)- L’allongement à cinq jours du placement en rétention par l’autorité préfectorale et le contrôle de la légalité du placement par le juge administratif

Toutes les mesures privatives de liberté, quand bien même elles ne sont pas des peines, doivent, conformément à la jurisprudence constitutionnelle et à celle de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), respecter le droit à la sûreté personnelle, soit le droit de toute personne de ne pas être arbitrairement détenue. Ce principe est constitutionnellement garanti :

- par l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme comme un droit « naturel et imprescriptible »,

- par l’article 7 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,

- par l’article 66 de la Constitution : Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en assure le respect dans les conditions prévues par la loi.

Ce principe est protégé par l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le Conseil constitutionnel a admis que le législateur investisse le pouvoir exécutif du pouvoir de retenir un étranger pour l’exécution d’une mesure d’éloignement en se référant simplement à la théorie de l’exécution forcée pour justifier la retenue sous plusieurs conditions :

- le législateur doit définir strictement les cas dans lesquels dans lesquels la mesure peut être imposée,

- le législateur doit prévoir un contrôle juridictionnel de la rétention,

- la procédure doit respecter l’effectivité des droits de la défense.

Certes, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi qui lui était déférée respectait ces principes et satisfaisait donc aux exigences de l’article 66 de la Constitution en soumettant au contrôle du juge judiciaire toute prolongation de la rétention au-delà du délai de 48 heures ordonnée par l’autorité administrative (décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003).

Le projet de loi allonge ce délai, mais en se conformant à l’échelle indiquée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980, jugeant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible », que ce court délai est satisfait par un délai de 48 heures, qu’il ne l’est pas par un délai de 7 jours43.

Cette extension de la durée du placement par l’autorité administrative est seule à autoriser une exacte transposition et par là même assure la parfaite conventionalité de la loi.

L’article 5 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales énumère limitativement les mesures privatives de liberté non punitives, parmi lesquelles, la rétention d’un étranger en attente d’éloignement.

L’article 5 § 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne privée de sa liberté, par arrestation ou détention, a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

Ces principes sont repris à l’article 15 § 2 a) et b) de la directive retour aux termes desquels : Si la rétention a été ordonnée par les autorités administratives, les Etats membres :

« soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention,

« soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question… »

Or, l’effectivité de ce contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention n’est pas pleinement garantie par l’état du droit en vigueur.

Ce contrôle de la légalité de la décision administrative de placement incombe conformément aux principes de la séparation des pouvoirs au juge administratif. Certes, l’étranger faisant l’objet de cette décision administrative dispose actuellement d’une voie de recours devant le juge administratif pour contester la légalité de cette décision.

Mais ces recours en annulation de la décision de placement sont relativement peu nombreux, car ils sont très majoritairement jugés par le juge administratif postérieurement à la saisine du juge des libertés et de la détention. L’étranger conteste la régularité de la rétention devant le juge lors de l’audience en prolongation ou durant la prolongation alors même qu’il entend par là remettre en cause la légalité de la décision de placement. Lorsqu’il est saisi, le juge administratif est fréquemment conduit à conclure au non lieu à statuer, la rétention ayant pris fin.

Mais le juge des libertés et de la détention lui-même, saisi dans les 48 heures par le préfet, va régulièrement prolonger la rétention alors que le juge administratif statuant dans les 72 heures peut annuler, 24 heures après le prononcé de l’ordonnance de prolongation, la décision administrative d’éloignement qui fonde la rétention.

Il est donc manifeste que les délais actuels de procédure ne permettent pas un respect effectif des offices respectifs des juges administratif et judiciaire. Le dispositif en vigueur, qui n’institue pas un contrôle juridictionnel effectif de la légalité de la rétention, ne satisfait donc pas à l’obligation de transposition de l’article 15 de la directive.

Il est en outre dénoncé par les juges judiciaires comme par les juges administratifs et a fait l’objet de propositions d’amendement, notamment dans le rapport, dit « rapport Mazeaud », qui préconise un réaménagement des délais de saisine et de jugement du juge des libertés et de la détention tant dans un souci de bonne administration de la justice que dans l’intérêt des droits des personnes retenues.

Le juge administratif saisi dans les 48 heures statuera dans le délai de 72 heures, soit avant que le juge judiciaire se prononce. Ainsi, le JLD ne prolongera plus les effets d’une décision illégale. Le nouveau dispositif ordonne de manière rationnelle dans l’intérêt d’une bonne justice et le respect des principes constitutionnels l’intervention respective du juge administratif et du juge judiciaire.

2)- L’encadrement des pouvoirs du juge des libertés et de la détention

a) Le délai de jugement

Les délais de jugement du JLD seront désormais précisés. Dans la majorité des cas, les délais fixés par le CESEDA sont respectés par les juridictions malgré les contraintes réelles qu’ils engendrent. Néanmoins, en cas de saisines nombreuses, les juges sont parfois dans l'impossibilité de statuer « sans délai » comme requis par les articles L. 552-1 et L. 222-3 du CESEDA et précisé par la jurisprudence comme « sans délai autre que celui d'un temps de réflexion raisonnable pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance».

L’option, préconisée par le rapport dit « Rapport Mazeaud » de donner un délai de 24 heures au JLD pour statuer à compter de sa saisine est reprise. Cette mesure permettrait de mieux encadrer le dispositif actuel qui demeure dans un certain flou et de rendre effective l’obligation du JLD de statuer à bref délai.

b) L’appel suspensif

Par ailleurs, il est apparu également nécessaire de donner au parquet les moyens d’utiliser plus largement l'appel avec demande d'effet suspensif.

En l’état du droit en vigueur, l’article L. 552-10 du CESEDA prévoit que seul le ministère public a le pouvoir, dans le délai de quatre heures suivant la notification qui lui est faite, de former un appel avec demande d’effet suspensif de l’ordonnance de rejet du JLD de la prolongation de la rétention. Cette demande est soumise à une obligation de motivation laquelle ne peut répondre qu’à deux séries de motifs : la menace grave pour l’ordre public ou l’absence de garanties de représentation.

On rappellera que la loi du 26 novembre 2003 avait réintroduit la procédure instituée par la loi du 24 avril 1997, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 avril 1997. Les dispositions relatives à cette procédure ont été abrogées par la loi du 11 mai 1998.

La période écoulée entre l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 et celle de la loi du 26 novembre 2003 avait mis en lumière l’absence de portée concrète des appels formés par l’administration contre les ordonnances du juge des libertés et de la détention : l’étranger, libéré en première instance, se soustrait dans la plus grande majorité des cas à l’exécution de la mesure d’éloignement dans l’éventualité où l’administration obtient en appel l’infirmation de l’ordonnance rendue en première instance.

La jurisprudence de la Cour de cassation avait accentué cet impact en jugeant que lorsque l’étranger fait appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant la prolongation de la rétention et que le premier président de la cour d’appel ne statuait pas dans le délai de 48 heures, l’expiration de ce délai entraînait la caducité de l’ordonnance de prolongation de la rétention (Cass., 2e Civ., 21 février 2002, M. Ben Ali).

La loi du 26 novembre 2003 a rétabli un dispositif très exactement similaire à celui introduit par la loi du 24 avril 1997 assurant ainsi la conformité constitutionnelle déjà reconnue par la décision n° 97-389 du 22 avril 1997. Ce dispositif s’inspirait lui-même fortement de celui introduit en matière pénale par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 du référé-détention dont la conformité à la Constitution avait été admise par la décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.

Mais comme le souligne le « rapport Mazeaud » (page 88), « la procédure est exigeante, car le délai est très bref » (quatre heures). Lorsqu’elle est utilisée, elle est très efficace puisque le taux d’annulation en appel est des deux tiers. Toutefois, cette procédure est peu utilisée (dans seulement 6 % des refus de prolongation). Cette situation ne permet pas une bonne régulation des décisions des juges des libertés et de la détention, car un appel non suspensif est nécessairement dépourvu d’impact concret.

Les raisons invoquées du très faible recours à cette procédure tiennent au défaut de disponibilité du parquet absorbé par des missions plus essentielles au regard de son office. Un desserrement modéré du délai d’appel permettrait au ministère public d’exercer plus efficacement cette mission particulière.

Certes, le Conseil constitutionnel a posé l’exigence que l’appel accompagné de la demande tendant à faire déclarer cet appel suspensif soit formé dans un très bref délai. Dans le cadre de la procédure civile de la rétention comme en matière pénale pour le référé-détention, le délai de quatre heures à compter de la notification de l’ordonnance contestée du magistrat du siège, a été admis comme répondant à cette exigence.

L’augmentation de ce délai de deux heures en procédure civile, laquelle ne saurait être contrainte de suivre rigoureusement la procédure pénale, respecte cette condition.

c) La portée des nullités

Enfin, comme l’a également constaté le rapport dit « rapport Mazeaud », il convient de mieux encadrer les conditions dans lesquelles les irrégularités pourront emporter la nullité de la procédure et la remise en liberté de l'étranger.

En dehors des conditions de l’interpellation ou de la garde à vue, la plupart des décisions de libération accordées par les JLD se fondent sur le non respect des formalités prévues par le CESEDA44. Or, contrairement au code de procédure pénale et au code de procédure civile, le CESEDA ne contient aucune règle traduisant l’adage « pas de nullité sans grief ».

La difficulté essentielle réside dans le fait que l'intervention du JLD, gardien de la liberté individuelle (article 66 de la Constitution), couvre chronologiquement trois étapes relevant de régimes procéduraux différents :

- celui de la procédure pénale qui précède généralement le placement en rétention,

- celui de la procédure administrative de placement en rétention ou en zone d'attente,

- et enfin celui de la procédure civile de prolongation du maintien en rétention ou en zone d'attente.

Il est ainsi intégré dans le CESEDA, pour une plus grande sécurité jurisprudentielle, un dispositif de purge des nullités en première instance. Ainsi, le JLD saisi d'une deuxième requête aux fins de prolongation ou de mainlevée, ou d'office, ne pourra se prononcer, en matière d'irrégularités de procédure, que sur celles survenues postérieurement à la première audience.

Il s’agit d’inscrire dans la loi un principe jurisprudentiel, La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, dans des arrêts de principe du 12 novembre 1997 n° 96-50101 et n° 96-50103 et du 7 juin 2001 n° 00-50448 publiés au bulletin, a jugé en effet que « les conditions de l’interpellation d’un étranger ne peuvent être discutées qu’à l’occasion de l’instance ouverte sur la demande de prolongation du maintien en rétention de cet étranger prévue à l’article 35 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 et ne peuvent plus l’être devant le juge saisi d’une demande de prorogation de cinq jours de cette rétention ».

Introduire en appel une disposition similaire précisant que seuls les griefs apparus postérieurement à la décision de première instance peuvent être soulevés pour la première fois en cause d'appel pourra donc également sécuriser les procédures.

Par ailleurs, le contrôle effectué par le juge judiciaire en cette matière touchant aux libertés ne saurait être purement formel et s’étend logiquement au contrôle de l’effectivité de l’exercice des droits. Il est donc proposé d’intégrer dans le CESEDA la jurisprudence de la Cour de cassation en précisant qu'une irrégularité n'entraînera la mainlevée de la mesure de rétention ou de maintien en zone d'attente que si elle a pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger45.

Il s’agit donc d’écrire dans la loi que le juge judiciaire doit procéder à un contrôle effectif de l’atteinte portée aux droits de l’étranger dans la ligne de la jurisprudence établie de la Cour de cassation, ainsi qu’il ressort de ces arrêts, (Cassation, civ 2°, 24 février 2000, n° 98-50042 publié au bulletin « porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne », cassation, civ 2°, 7 octobre 2004, n° 02-50049 publié au bulletin « l’absence d’indication du nom de l’interprète n’avait pas eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de Mlle X »).

Par symétrie, les mêmes règles sont énoncées pour ce qui concerne le contrôle opéré par le juge des libertés et de la détention sur le maintien en zone d’attente d’un étranger.

Le projet de loi tend ainsi à assurer un contrôle juridictionnel effectif de la légalité de la décision de placement en rétention et transpose fidèlement l’article 15 de la directive lui-même conforme à l’article 5 § 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

3) - L’allongement à 45 jours de la durée maximale de la rétention

En premier lieu, le projet de loi allonge de 15 à 20 jours la durée de la première période de prolongation de la rétention. Ce délai peut ensuite être prorogé par le JLD pour une durée maximale supplémentaire, mais unifiée, de 20 jours dans des cas définis et limitativement énumérés.

Cette extension de la durée maximale de la rétention tend en premier lieu à assurer une harmonisation, dans l’esprit de la directive retour, des durées de rétention.

La durée actuelle de rétention limitée à 32 jours est la plus courte d’Europe. Les durées maximales de rétention sont de 8 semaines en Irlande, 60 jours en Espagne46, en Italie et au Portugal, de 6 mois en Autriche et en République tchèque, de 8 mois en Belgique, d’un an en Pologne, en Hongrie et en Grèce, de 18 mois en Allemagne et de 20 mois en Lettonie. Il n’y a pas de durée maximale au Royaume-Uni, au Danemark, en Estonie, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède.

Durée maximale de la rétention en Europe :

France

32 jours

     
         

Irlande

8 semaines

 

Estonie

1 an

Espagne

60 jours

 

Lituanie

1 an

Italie

60 jours

 

Grèce

1 an

Portugal

60 jours

 

Allemagne

18 mois

Luxembourg

4 mois

 

Slovaquie

18 mois

Rép. tchèque

6 mois

 

Lettonie

20 mois

Autriche

6 mois

 

Suisse

24 mois

Chypre

6 mois

 

Royaume-Uni

pas de durée maximale

Hongrie

6 mois

 

Danemark

pas de durée maximale

Belgique

8 mois

 

Estonie

pas de durée maximale

Croatie

1 an

 

Finlande

pas de durée maximale

Pologne

1 an

 

Pays-Bas

pas de durée maximale

Slovénie

1 an

 

Suède

pas de durée maximale

Source : MIIINDS

La directive retour vise à favoriser une harmonisation de ces durées dans la limite maximale de rétention de six mois, qui reste très supérieure à celle prévue par le projet de loi.

Le projet de loi étend la durée de rétention dans un respect strict des exigences constitutionnelles. Il prend soin d’énumérer limitativement les cas permettant le placement en rétention. En outre, il distingue deux périodes de prolongation de la rétention avec une première période de 20 jours et une seconde période maximale de 20 jours dans des circonstances objectives et précisément définies par la loi. Ces précisions de la loi sont conformes à l’exigence constitutionnelle selon laquelle la durée du maintien en rétention, donc des prolongations, doit être justifiée au regard des motifs susceptibles de la fonder, rappelés dans les décisions n° 97-389 DC du 22 avril 1997 puis n° 2003-484 DC du 20 novembre 200347.

Une durée de rétention de nature à faciliter l’effectivité des éloignements et l’harmonisation des législations des Etats membres de l’Union.

Cet allongement se justifie notamment par le fait qu’il est difficile d’obtenir dans le délai de 32 jours les laissez-passer consulaires nécessaires à l’éloignement de l’étranger dépourvu de document d’identité. Le taux d’obtention des laissez-passer dans les délais actuels demeure en effet insuffisant en dépit de l’ampleur des efforts de négociation déployés. Pour 2009, il n’est en effet que de 31,29 %48.

Il s’agit d’atténuer la singularité de la France au regard de sa durée actuelle de rétention qui constitue un véritable obstacle dans la négociation des accords de réadmission bilatéraux et de l’Union conclus avec les pays tiers pour la fixation des délais d’instruction. Le délai actuellement prévu par la Commission européenne pour la négociation des accords de réadmission en vue de la délivrance des laissez-passer consulaires est de 45 jours. Pour certains des accords récemment conclus au nom de l’Union européenne, et compte tenu de délais incompatibles en pratique avec nos durées de rétention, la France a dû négocier un protocole d’accord particulier afin de réduire le délai de réponse.

A titre d’exemple, on peut ainsi indiquer :

- pour les accords signés par l’Union européenne avec Macao ou Hong Kong, le délai d’engagement de délivrance d’un laissez-passer consulaire est d’un mois ;

- pour la Russie, l’accord avec l’Union européenne signé le 25 mai 2006 prévoit un délai maximal de 25 jours calendaires, pouvant être porté à 60 jours en cas de difficultés ; dans le protocole bilatéral signé le 1er mars 2010 entre la France et la Russie (non encore publié) en application de l’accord précité, il est prévu un délai de 18 jours, pouvant toutefois être porté à 25 jours en cas de difficulté.

On notera néanmoins que :

- si une durée est prévue, elle est contractuelle et peut ne pas être respectée par le pays qui a pris l’engagement ;

- la durée d’examen est comptée à partir de la présentation devant l’autorité consulaire, qui peut être retardée de plusieurs jours à compter du début de la rétention si l’étranger demande l’asile pendant la rétention (ce qu’il peut faire pendant les 5 premiers jours de la rétention) ; pendant le temps de l’instruction de la demande par l’OFPRA, il n’y a pas de présentation consulaire possible ;

- la durée de l’examen peut être allongée si l’étranger, ne coopérant pas, paraît pouvoir être ressortissant de plusieurs pays et donc devoir être présenté devant plusieurs autorités consulaires successives.

Le relèvement modéré de la durée de rétention en France va améliorer en tout état de cause les conditions d’identification des ressortissants étrangers par les autorités consulaires et permettre le respect de la durée prévue s’agissant d’un certain nombre de réponses, transmises hors délai ou non transmises du fait du dépassement du délai.

Au-delà, le particularisme de la France constitue une difficulté sérieuse à sa participation dans des politiques communautaires tendant à une mutualisation des procédures d’identification des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Cette singularité entre en contradiction manifeste avec la logique de la directive tendant à développer le principe de reconnaissance mutuelle donc de confiance mutuelle entre les Etats membres qui ne peut reposer que sur une harmonisation minimale des législations.

Cette extension de la durée maximale du maintien en rétention respecte pleinement le principe constitutionnel et conventionnel selon lequel l'étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet. L’autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient.

4)- La prolongation de la durée du placement en rétention par l’autorité administrative et l’extension de la durée maximale de rétention sont indissociables d’une réorientation générale du droit de l’éloignement.

a) La nécessité de la rétention

L’allongement de la durée du placement à 5 jours n’est pas dissociable de la réorganisation du contentieux administratif de l’OQTF et de la rétention qui s’inscrit elle-même dans une réforme d’ensemble du droit de l’éloignement marquant la priorité du retour volontaire et lorsqu’il doit y être dérogé, de procédures visant à mettre en cohérence le refus de délai de départ volontaire et l’exécution d’office de la mesure.

Le contrôle de la légalité de la rétention qui incombe au seul juge administratif est aussi un contrôle de la nécessité de la mesure.

Le Conseil d’Etat a rappelé à plusieurs reprises que l’existence d’une mesure d’éloignement ne justifie pas à elle seule la nécessité du placement en rétention administrative (CE, 12 décembre 2001, Mme D., n° 223099).

En premier lieu, il convient pour placer un étranger en rétention qu’il ne puisse quitter immédiatement le territoire français, cette règle étant fixée par l’article L. 551-1 du CESEDA49.

Mais l’existence d’une mesure d’éloignement et l’impossibilité d’un départ immédiat ne suffisent pas à justifier la mise en œuvre de ces dispositions. Si l’étranger dispose de garanties de représentation suffisantes, le placement en rétention n’est pas nécessaire (cf. pour exemple, CAA Marseille, 28 mars 2006, n° 05MA01822 : « Considérant que M. X, qui était doté d'un passeport et d'un domicile, disposait des garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, il est fondé à soutenir que cette décision, qui n'était pas nécessaire, est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées et à en demander l'annulation »).

Au travers des garanties de représentation, le juge administratif apprécie en fait le risque de soustraction à la mesure d’éloignement. Ainsi, lorsque le juge administratif retient la circonstance que l’étranger s’est présenté à toutes les convocations qui lui ont été adressées par l’administration (CE, 29 décembre 2004, n° 260274 ; voir aussi CAA Lyon, 14 février 2008, n° 07LY00711). Il en est de même s’agissant de la détention d’un passeport en cours de validité, de la justification d’un domicile fixe, connu de l’administration, de l’existence d’attaches fortes sur le territoire.

Comme il vient d’être exposé, cette jurisprudence administrative est actuellement peu développée, le juge administratif étant largement dépossédé de son office par l’aménagement des délais de procédure. Le projet de loi tend précisément à y remédier.

b) L’aménagement des conditions d’exercice des droits pendant la rétention

Le projet de loi met les dispositions légales en cohérence avec les normes réglementaires comme avec les faits s’agissant de l’exercice des droits des personnes retenues. L’étranger auquel il est notifié une décision de placement en rétention est informé des droits afférents qu’il peut exercer dès son arrivée au lieu de rétention où une notification de droits lui est faite. Il dispose en effet dans les lieux de rétention, dont les équipements ont été nettement améliorés50 51, des aménagements et de l’assistance, conformes aux dispositions législatives et réglementaires, permettant l’exercice effectif des droits. Il s’agit de tenir compte des considérations matérielles et inégales des transferts au lieu de rétention qui n’autorisent pas les étrangers à exercer convenablement leurs droits. Cela n’exonère pas l’administration de son obligation de procéder avec diligence à l’acheminement de l’étranger placé en rétention vers le lieu de rétention ; cela permet surtout de tenir compte de la réalité de la situation d’un transfèrement, pendant lequel il paraît difficile d’organiser l’ensemble des droits au même niveau que dans un centre ou un local de rétention spécifiquement équipés en vue de la garantie des droits reconnus à la personne placée en rétention.

Le projet de loi prévoit en outre, en cas de circonstances exceptionnelles liées au placement simultané d’un nombre important d’étrangers, un assouplissement des règles relatives au délai de notification et d’accès aux droits, de manière à ce que dans son appréciation du respect des règles, le juge des libertés et de la détention tienne compte des contraintes particulières liées à ce type de situation. Cette proposition est dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation. Par deux arrêts du 14 mars 2002, la deuxième chambre civile a en effet jugé qu'un premier président avait pu, par ses constatations et énonciations tirées des conditions spécifiques à l'affaire, juger que le délai d'une heure 15 ou d'une heure 30 écoulé entre la fin des vérifications des passeports des passagers appartenant au groupe dont faisait partie l'étranger et le moment où celui-ci a reçu notification de ses droits n'encourait pas, en l'espèce, de critique et n'était pas excessif (cf. Cass., civ. 2e, 14 mars 2002, n° 00-50081, publié au bulletin). Si cette jurisprudence a pu subir des variations, particulièrement avec une série de décisions du 31 janvier 2006, n° 04.50129 et suivants, par lesquels la Cour de cassation a rappelé l’exigence que le juge du fond s’assure de manière effective en usant le cas échéant de ses pouvoirs d’instruction, que l’intéressé a été mis en mesure d’exercer ses droits, le principe selon lequel la notion de « meilleurs délais » doit s’apprécier selon les circonstances est un principe établi. Du reste, le Conseil constitutionnel a lui-même précisé la notion de meilleurs délais dans sa décision n° 2003-484, considérants 49 à 53 en considérant que l’information des droits fournie dans les meilleurs délais, est une information « qui ne peut être immédiate pour des raisons objectives ».

Cette règle, par symétrie, est également introduite dans le contentieux du maintien en zone d’attente.

- L’assignation à résidence alternative à la rétention

L’article 15 § 1 de la directive subordonne le placement en rétention à l’insuffisance, appréciée au cas par cas, d’autres mesures moins coercitives.

Le droit en vigueur ouvre au préfet une marge d’appréciation, sans condition, sur la possibilité de ne pas décider le placement en rétention. Toutefois, il ne définit aucune mesure alternative. L’autorité administrative est donc contrainte de fonder l’assignation à résidence sur l’article L. 513-4 du CESEDA.

Or, la rédaction de l’article L. 513-4 est impropre car elle exige que l’étranger devant être reconduit justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu’il ne peut ni regagner son pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays. Le texte exige donc de l’étranger qu’il établisse une impossibilité d’exécution sur une durée indéfinie, excluant donc par là même la perspective de mesures de surveillance sans rétention pour la préparation d’un départ effectif à court terme.

En conformité avec l’obligation de transposition, le projet de loi crée une mesure non privative de liberté, alternative au placement en rétention. Cette mesure d’assignation à résidence est applicable à l’étranger faisant l’objet d’une OQTF.

Cette assignation à résidence constitue une véritable mesure alternative à la rétention : sa durée est également limitée à 45 jours, qui peut être prolongée une seule fois.

La notification de cette décision alternative à la rétention enclenche également l’application d’une procédure contentieuse accélérée.

2.3.2. Renforcer l’efficacité des procédures de retour

Les lois du 26 novembre 2003, du 24 juillet 2006 et du 20 novembre 2007 ont chacune apporté des modifications aux procédures afin de les rendre plus efficaces. Pour mémoire, la loi du 26 novembre a notamment allongé la durée de la rétention et introduit des réformes juridictionnelles (possibilité de l’appel suspensif du ministère public et des audiences déconcentrées du JLD), la loi du 24 juillet 2006 a créé l’OQTF et réformé la procédure contentieuse, la loi du 20 novembre 2007 a apporté divers ajustements à ces réformes.

La réforme résultant de l’obligation de transposition va réorienter le droit de l’éloignement selon deux axes principaux, déjà mentionnés dans le Pacte européen sur l’immigration et l’asile :

- préférence au retour volontaire,

- reconnaissance des décisions exécutoires prises par les autres Etats membres.

- Un droit assoupli et plus pragmatique

Le droit en vigueur comporte deux mesures distinctes avec leurs champs d’application respectifs qui déterminent pour l’OQTF le champ du retour volontaire et pour l’APRF le champ du retour forcé. C’est l’identification de la situation juridique de l’étranger à la date de la décision qui détermine l’ouverture du droit au retour volontaire.

Ce système est pertinent en ce que la situation régulière de l’intéressé à la date à laquelle un refus de séjour lui est opposé révèle un comportement respectueux de la législation sur le droit au séjour, il manque néanmoins de souplesse et la ligne de partage entre l’OQTF et l’APRF s’est révélée d’interprétation complexe.

En créant une mesure unique, l’OQTF, le projet de loi simplifie le droit et au-delà, permet l’adéquation de la mesure à la réalité du comportement de l’étranger.

- Une priorité au retour volontaire concrétisée

Le retour volontaire est accordé si l’examen individuel ne révèle pas une ou plusieurs circonstances objectives suffisant à caractériser un risque de soustraction à la mesure d’éloignement. Mais le système est assoupli, il ne contraint pas l’autorité administrative à accorder un délai de retour volontaire lorsque l’intéressé, en dépit de l’observation régulière de la procédure jusqu’au refus de séjour, ne justifie pas, ou plus, de garanties de représentation suffisantes.

Mais le droit n’est plus binaire : lorsque l’autorité administrative retient des indices d’un risque de soustraction à la mesure d’éloignement, la réponse ne réside plus seulement dans le retour forcé avec placement en rétention pour la préparation du départ. Selon l’importance du risque de soustraction à la mesure d’éloignement, l’autorité administrative a à sa disposition des possibilités échelonnées de nature à permettre l’effectivité du retour.

Une mesure de surveillance dès la notification de l’OQTF accordant le délai de départ volontaire

L’autorité administrative a la possibilité d’astreindre l’étranger à une présentation périodique. Cette mesure souple qui ne limite pas la liberté de circulation, tend seulement à suivre et soutenir les diligences de l’intéressé dans la préparation de son retour volontaire.

Ce dispositif léger tend à ouvrir le plus largement possible le droit au retour volontaire, il n’est pas sanctionné pénalement mais un manquement réitéré et non justifié aux obligations révèle le risque de soustraction à la mesure d’éloignement et justifie le prononcé d’une OQTF sans délai de départ volontaire et, le cas échéant, le placement en rétention.

Une mesure alternative à la rétention dès la notification de l’OQTF refusant le délai de départ volontaire

Cette mesure ouvre à l’autorité administrative la possibilité d’une mesure d’assignation à résidence dans les lieux qu’elle désigne et selon les modalités qu’elle définit. Elle favorise le départ effectif dans des conditions accrues de dignité et de confort des personnes dont le comportement ou la situation personnelle ne justifierait pas une mesure privative de liberté. La durée de cette mesure est limitée à la préparation de l’éloignement que l’intéressé ne subit plus de manière exclusivement passive mais à laquelle il se trouve associé. Les recours éventuels sont jugés selon la procédure accélérée comme dans le cas de la rétention.

Le placement en rétention est ouvert dès lors que l’examen individuel révèle une situation ou un comportement objectif prévu par la loi et de nature à rendre improbable l’effectivité de l’éloignement dans un cadre moins contraignant.

Encore une fois, le projet de loi est très pragmatique, au-delà de la situation juridique strictement entendue de l’intéressé, il permet à l’autorité administrative la prise en considération de l’insuffisance des garanties de représentation dont il peut justifier à la date de la décision de placement.

- Une interdiction de retour comportant une « dimension européenne »

L’efficacité de l’interdiction de retour réside dans sa dimension européenne. C’est cette dimension européenne de la mesure, en tant qu’elle interdit l’entrée et le séjour sur le territoire des Etats membre pour la durée qu’elle prévoit, qui légitime l’intervention du droit de l’Union, conformément au principe de subsidiarité, dans le droit de l’éloignement.

C’est le droit de l’Union qui confère aux décisions nationales des effets sur le territoire des autres Etats membres par le mécanisme de reconnaissance mutuelle dont le principe de coopération et de confiance mutuelle pour l’exécution des mesures d’éloignement découle directement des principes déjà inscrits dans la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Le caractère exécutoire d’une mesure d’éloignement prise par un autre Etat membre doit être reconnu par l’ensemble des Etats membres, il implique l’exécution de cette mesure par l’Etat membre qui procède à l’interpellation de l’étranger qui en fait l’objet sous réserve d’une part, de la consultation de l’Etat auteur de la mesure pour s’assurer de son caractère exécutoire, d’autre part des réserves de souveraineté qui permettant toujours à un Etat membre de ne pas tirer de conséquence d’une mesure d’éloignement prise par un autre Etat membre. L’existence de la mesure d’éloignement est révélée par le signalement aux fins de non-admission.

Le droit en vigueur intègre d’ores et déjà le mécanisme de reconnaissance mutuelle des mesures d’éloignement introduit par la directive 2001/40/CE. La combinaison des articles L. 531-3 et R. 531-5 du CESEDA permet la reconduite d’office de l’étranger présent sur le territoire français et faisant l’objet d’une mesure d’éloignement exécutoire prise par un autre Etat membre pour non-respect de la réglementation nationale relative à l’entrée et au séjour. Il en est de même, réciproquement, et en vertu des législations propres à chaque Etat membre, pour les décisions d’éloignement prises par la France.

En l’état du droit, ce dispositif mis en œuvre par le signalement au système d’information Schengen (SIS) ne couvre que des expulsions et interdictions judiciaires du territoire français puisque, sans considération des règles Schengen, l’obligation de quitter le territoire français et l’arrêté de reconduite à la frontière épuisent leurs effets dès leur exécution par le passage de la frontière.

L’interdiction de retour impliquera l’inscription au SIS. La personne concernée sera dûment informée de ce signalement, de ces droits d’accès et de rectification mais aussi de l’étendue des obligations résultant de la dimension européenne de la mesure concrétisée par le signalement aux fins de non admission.

3. ANALYSE DE L’IMPACT DE LA RÉFORME

3.1. Sur les enjeux socio-économiques de l’immigration

3.1.1. Pour les travailleurs en situation régulière

La directive "carte bleue" s'inscrit dans un contexte d'inflexion prévisible de la demande d'emploi. Sa transposition permettra d'organiser l'entrée des travailleurs hautement qualifiés au mieux des carences des marchés nationaux de l'emploi et de leurs pratiques salariales.

3.1.1.1. L’enjeu démographiques et sa conséquence sur la population active

Les politiques migratoires des Etats membres de l'UE sont appelées à jouer un rôle face à la réduction massive de la population active, attendue dans les toutes prochaines années. Cette prise en compte n'exonère pas d'autres politiques publiques d'améliorer le taux d'activité des femmes, relativement faible dans certains Etats membres, et le taux d'emploi des jeunes et des séniors, notamment en France.

Les premières projections démographiques faisaient état d'une baisse du nombre de travailleurs de l'ordre de 20 millions dans l'UE-25 sur la période 2010-2030 ; les plus récentes indiquent que la population en âge de travailler dans l'UE-27 diminuera de 48 millions de personnes d'ici 2050. La situation en France est moins inquiétante sur la période, compte tenu de l'apport migratoire, l'espérance de vie et le taux de fécondité.

Le graphique, ci-dessous, illustre l'évolution de la population active suivant différents scénarii, jouant sur le solde naturel et le solde migratoire. Le scénario central retient les hypothèses suivantes : un nombre de 1,9 enfant par femme, des entrées nettes52 de 100 000 par an et un allongement de la durée de vie, basé sur un léger ralentissement du rythme de celui des 15 dernières années (en 2050 : + 7 ans pour les hommes, + 5 ans pour les femmes).

Graphique : Population active observée et projetée : scénarios démographiques
Source : Insee, Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050

Sans apport migratoire, la plupart des pays de l'OCDE connaîtraient d'ici 2020 un déclin prononcé de la population en âge de travailler, à l'exception du Mexique, de la Turquie, et de l'Irlande dans une moindre mesure. Les cohortes des 15-19 ans ne représenteraient plus qu'en moyenne 80 % des cohortes des 60-64 ans. Au sein de l'UE-27, la position de la France est au 2e rang (90 %) derrière l'Irlande (115 %). C'est ce qu'illustre le tableau qui suit, produit par l'OCDE :

Pays

Poids relatif de la cohorte "entrante" par rapport à la cohorte "sortante"

2005

2010

2015

2020

Allemagne

94

98

70

57

Autriche

147

112

98

86

Belgique

125

95

83

73

Espagne

111

85

76

73

France

143

89

90

90

Irlande

172

123

115

115

Italie

87

72

71

67

Pays-Bas

119

89

89

83

Royaume-Uni

127

98

97

86

Turquie

357

279

215

165

Moyenne OCDE

145

116

100

90

La comparaison avec les principaux Etats membres de l'UE-27 laisse supposer que les enjeux du maintien de la croissance économique risquent d'exacerber la compétition entre les entreprises européennes pour attirer, sur les emplois difficilement pourvus, la main d'œuvre nécessaire à leur compétitivité. Les termes de la mondialisation couvrent donc tous les aspects de la circulation : celles des biens et services, des capitaux et, désormais, des personnes.

Le déséquilibre des situations et des prévisions démographiques entre les différents Etats membres doit renforcer la vigilance des autorités françaises sur les risques qu'il peut entraîner sur la stabilité en France de la population active. En particulier, les employés qualifiés sont plus généralement susceptibles d'être sollicités en dehors des frontières françaises que les travailleurs de moindre qualification. Leurs emplois sont moins captifs d'un marché national et leurs compétences les rendent plus aptes à la mobilité. Il importe donc que la législation française ne soit pas moins adaptée à l'entrée des bénéficiaires potentiels de la "carte bleue européenne" que celles des principaux partenaires de l'UE-27.

3.1.1.2. L'immigration professionnelle hautement qualifiée

La priorité à l'immigration de personnes hautement qualifiées se fonde sur l'intérêt qu'elles représentent pour la sphère productive en tant que potentiel de gains de compétitivité et de capacité innovante. C'est ce que souhaite favoriser la mise en place de la "carte bleue européenne".

L'installation durable en Europe, et en France en particulier, de ressortissants des pays tiers de ce niveau de qualification favorisera la poursuite du développement économique de l'UE et de chacun des Etats membres. Le maintien de la croissance entraînera une augmentation générale du niveau d'emploi (toute qualification).

La notion de "haute qualification" repose généralement sur trois critères, comme garantie d'un niveau minimal de compétence : diplôme universitaire (le "L" de LMD, par exemple), expérience sur un type d'emploi (emploi parmi une liste d'emplois dits "qualifiés") et/ou niveau de salaire de l'emploi (par exemple, trois fois le salaire minimum).

On peut souligner, à ce stade, que les finances publiques n'ont pas eu à supporter le coût de formations et de soins pour l'entrée de ces personnes. Cela est vrai pour tout immigré, et d'autant plus pour ceux qui ont déjà bénéficié d'une formation initiale universitaire.

- Diplôme et métier :

Selon la Classification internationale type des professions (CITP), l'OCDE a comparé en 2006 les contributions à l'emploi, dans les pays de son champ, des flux migratoires récents (moins de 10 ans de présence) ou non. Le tableau ci-dessous en donne les principaux résultats :

Pays

Personnes employées

Dont Hautement Qualifiée (directeur, cadre supérieur, gérant, prof° intellectuelle et scientifique)

Dont prof° intellectuelle et scientifique

% immigrants

% immigrants récents

% immigrants

% immigrants récents

% immigrants

% immigrants récents

Autriche

15,4

17,1

11,2

12,6

14,7

18,0

Belgique

11,1

12,0

9,8

10,6

9,5

10,4

France

11,2

8,1

9,4

5,9

11,1

7,7

Allemagne

13,3

12,7

9,0

7,6

9,4

9,4

Espagne

14,6

30,2

7,3

9,8

7,7

10,0

Irlande

13,7

26,0

13,7

23,5

14,6

25,6

Italie

8,5

13,2

3,9

3,5

4,2

3,6

Pays-Bas

10,3

8,7

8,2

5,7

8,5

6,8

Royaume Uni

11,0

18,9

11,8

17,0

14,2

22,1

Moyenne OCDE

11,0

14,5

9,1

10,6

10,5

12,7

Ce tableau pointe une part plus importante des migrants dans la population employée depuis la dernière décennie, sauf en France notamment. Il met aussi en lumière le fait que la présence des migrants dans l'ensemble des emplois hautement qualifiés, et dans les professions intellectuelles et scientifiques en particulier, est plus faible que dans l'ensemble de la population active. Les résultats sont inverses au Royaume-Uni et en Irlande53 et, dans une certaine mesure, en Autriche. Les politiques migratoires proactives de l'Irlande et du Royaume-Uni vis-à-vis des migrants hautement qualifiés expliquent en partie cette structure de leur population active54. Mais un autre facteur joue aussi certainement : celui de la maîtrise de la langue du pays d'accueil. C'est une exigence indispensable pour insérer immédiatement les migrants dans l'emploi. Ce facteur se révèle aussi à la lecture des résultats en Espagne, pays qui a reçu un nombre important de ressortissants des pays d'Amérique latine.

La CITP est plus proche de la nomenclature du Pôle emploi, dite "ROME" (répertoire opérationnel des métiers) que de la nomenclature Insee, dite "PCS" (nomenclature des Professions et Catégories Socioprofessionnelles), utilisée dans les grandes enquêtes statistiques (recensement et emploi, par exemple). La CITP s'intéresse plus aux tâches accomplies dans l’exercice d’une profession, ses niveaux de regroupement étant fonction des compétences requises pour le poste de travail (compétence managériale et/ou technique).

Cette relative proximité devrait permettre des comparaisons internationales plus aisées, dès que l'application FRAMIDE produira ses premiers résultats et, surtout, devrait donner une base supplémentaire aux modifications éventuelles de l'arrêté du 18 janvier 2008 (liste des 30 métiers en tension). Les classifications retenues dans la CITP pour détailler les métiers hautement qualifiés sont :

Grands groupes de la CITP

Niveaux scolaires correspondants

1. Directeurs, cadres de direction et gérants

Premier cycle de l'enseignement supérieur (durée brève ou moyenne)

Deuxième cycle de l'enseignement supérieur (conduisant au titre de chercheur)

1.1. Directeurs généraux, cadres supérieurs

1.2. Directeurs de services administratifs et commerciaux

1.3. Directeurs et cadres de direction, production et services spécialisés

1.4. Directeurs et gérants de l'hôtellerie, la restauration, le commerce et autres services

2. Professions intellectuelles et scientifiques

Premier cycle de l'enseignement supérieur (durée moyenne)

Deuxième cycle de l'enseignement supérieur (conduisant au titre de chercheur)

2.1. Spécialistes des sciences et techniques

2.2. Spécialistes de la santé

2.3. Spécialistes de l'enseignement

2.4. Spécialistes en administration d'entreprises

2.5. Spécialistes des technologies de l'information et des communications

2.6. Spécialistes de la justice, des sciences sociales et de la culture

En France, le dispositif AGDREF permet de caractériser les immigrés, entrés pour des motifs professionnels ou autres, selon une autre classification que la CITP. Il s'agit d'un code proche de la PCS qui permet de regrouper les qualifications et/ou emplois suivant des degrés de compétence. La qualité des informations actuellement saisies est loin d'être parfaite, mais elle permet cependant de se faire une idée plus précise de l'évolution des compétences des immigrés récents qu'ils soient venus sur un titre "professionnel" ou non.

Le tableau suivant donne l'évolution sur les cinq dernières années des délivrances de premiers titres de séjour en métropole, tous motifs d'entrée regroupés55, en identifiant la rubrique dans la nomenclature PCS qui se rapproche le plus de la notion de "hautement qualifié" qui vient d'être évoquée dans le tableau de l'OCDE. Deux lignes complètent l'information en reprenant les données sur les récentes cartes triennales se rapprochant le plus des compétences visées.

Motif et compétence

2004

2005

2006

2007

2008

Hautement Qualifié

2 689

2 691

3 010

3 454

4 537

Ensemble des 1ers titres

191 850

187 134

183 261

171 907

183 893

 

"Compétences et talents"

     

5

183

"Salarié en mission"

     

51

1 507

Le tableau montre bien une accélération récente des entrées de personnes qualifiées, en provenance des pays tiers (hors NEM-2004 et 2007) : une augmentation de plus de 65 % sur la période. En 2006, pour reprendre des éléments de comparaison avec le tableau OCDE, les entrées (directes et indirectes) sur le marché du travail de migrants de pays tiers arrivés en France pour s'y installer durablement ont été estimés à 70 150. La part des "hautement qualifiés" s'établissait alors à 4,3 %, proportion à rapprocher de l'estimation OCDE (5,9 %)56. Selon le même calcul qu'en 2006, le même type d'entrées en 2008 peut être estimé à 64 270. La proportion de personnes hautement qualifiées s'élevait à 7,1 %.

Les politiques d'immigration et d'intégration obtiennent déjà, en France, des résultats en matière de niveau de qualification professionnelle des nouveaux flux. Cependant, les statistiques disponibles confirment notre retard au regard de ceux des principaux Etats membres. La politique d'incitation des entrées de travailleurs hautement qualifiés peut s'adapter aussi bien à des procédures basées sur la demande des employeurs que sur l'offre directe des candidats potentiels à l'immigration pour des motifs professionnels ; naturellement, une combinaison des deux types de procédure est possible.

- Métier et salaire

Les niveaux scolaires et les titres universitaires des immigrants potentiels, comme leur expérience professionnelle, ont pu être obtenus dans des pays dont les institutions françaises et les employeurs ont une connaissance limitée. C'est pourquoi, la référence à un niveau de salaire est utile pour apprécier les responsabilités techniques et/ou hiérarchiques antérieures des candidats.

Les références sur les salaires se basent généralement sur le salaire moyen, sur le salaire minimum ou, quand il n'existe pas dans certains pays européens, sur des minimas sociaux. En France, l'enquête Emploi en continu (EEC) permet d'observer la distribution des salaires selon la nationalité et le niveau de diplôme obtenu des personnes interrogées. En outre, il est possible d'observer cette répartition selon la durée d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui peut donner une idée du salaire d'embauche, et donc de se rapprocher des conditions de rémunération offertes à la prise de fonction.

Le tableau ci-dessous donne la répartition des salariés, telle qu'observée à partir des déclarations d'une partie des personnes interrogées dans l'enquête Emploi en continu (la cohorte entrant dans le champ et la cohorte sortant, soit 2 fois 1/6e de l'échantillon). La population enquêtée a été divisée en deux : les personnes ayant déclaré avoir un diplôme au moins égal à la licence, et les autres (diplôme inférieur ou pas de diplôme). La population étrangère a été identifiée et séparée entre les immigrés de l'EEE et de la Suisse et ceux ressortissants des pays tiers à l'UE-27. Les colonnes "total" regroupent toute la population résidente (française et étrangère).

Population salariée en 2007, ayant moins de 2 ans d'expérience dans l'entreprise,

selon le niveau de diplôme et des tranches de salaires mensuels nets déclarés

(échantillon d'un tiers de l'enquête emploi en continu)

ainsi que selon la nationalité des personnes étrangères

Seuils de salaires nets mensuels

Licence et plus

Autre diplôme ou sans

Total

Etrangers

Total

Etrangers

Total

Etrangers

Total

EEE et Suisse

Pays Tiers

EEE et Suisse

Pays Tiers

EEE et Suisse

Pays Tiers

< 2 088 €

73,52

83,32

72,44

90,92

97,29

93,88

87,90

95,46

90,76

< 2 476 €

81,88

85,49

82,64

95,06

99,32

94,29

92,77

97,51

92,60

< 3 141 €

89,75

92,11

91,82

98,69

99,81

98,71

97,13

98,80

97,71

< 8 000 €

99,04

97,64

99,86

100,00

100,00

99,99

99,83

99,69

99,97

> 8 000 €

0,96

2,36

0,14

0,00

0,00

0,01

0,17

0,31

0,03

Total

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

100,00

Certains seuils utilisés dans ce tableau se réfèrent aux salaires nets mensuels déclarés, à partir desquels il a été déterminé 1,5 fois le salaire médian (2 088 €) et 1,5 fois le salaire moyen (2 476 €). Le seuil de 3 141 € correspond à trois fois le SMIC. Le seuil de 8 000 € a été fixé en référence à un salaire net annuel d'environ 100 000 €. On constate que fixer un seuil correspondant à 1,5 fois le salaire moyen revient à ne mettre potentiellement en concurrence que 17,4 % de la population active employée.

3.1.2. Pour les travailleurs en situation irrégulière

La transposition de la directive en droit français va générer divers impacts tant sur l'immigration, que sur la société, sur l'économie et sur l'efficience des politiques publiques en matière d'immigration.

3.1.2.1. Impact sur l'immigration légale

En renforçant, en droit national, les sanctions des employeurs utilisant de la main d'œuvre étrangère provenant des pays tiers en situation irrégulière, la directive peut agir en faveur de l'immigration légale. En effet, les employeurs, au vu des sanctions administratives, financières et pénales qui peuvent leur être infligées, subir ont une pression les incitant à recruter de la main d'œuvre nationale ou étrangère en situation régulière. Enfin, la directive pourrait ainsi contribuer à diminuer l'immigration illégale et entraver l'activité des filières et la traite des êtres humains.

Ainsi, les distorsions créées sur le marché de l'emploi par le recrutement de ressortissants étrangers en situation irrégulière devraient tendre à s'amenuiser. En effet, le recrutement d'une main d'œuvre étrangère en situation irrégulière utilisée à moindre coûts (salaire inférieur au minimum légal, horaires extensibles, travail dissimulé par dissimulation de salariés, règles de sécurité et d'hygiène bafouées…) peut provoquer, dans un contexte économique difficile, de la part des nationaux ou des étrangers en situation régulière sur le territoire français des ressentiments négatifs vis-à-vis des employeurs et des illégaux.

La directive, par sa portée européenne, devrait permettre de véhiculer l'information générale selon laquelle il est de plus en plus risqué de recourir à une main d'œuvre étrangère en situation irrégulière dans les Etats membres de l'Union européenne. Le message s'adresse aussi bien aux employeurs indélicats qu'aux pays tiers d'où proviennent ces ressortissants étrangers.

La directive permet donc d'envoyer un signal fort, porteur de la volonté politique européenne de lutter contre l'immigration irrégulière en s'attaquant au vecteur d'attraction que représente le travail.

Le vote de cette directive par le Conseil et le Parlement européen montre la volonté politique des Etats membres de l'Union européenne, d'une part, de réprimer l'emploi illicite d'étrangers et d'autre part, de mettre en place une politique d'immigration choisie en fonction des besoins de main d'œuvre sur le marché du travail.

Ce texte contribue conjointement avec les directives, "carte bleue" et "retour" à appliquer, à l'échelon de l'Union européenne, une politique d'immigration choisie, qui ont pour objectif d'attirer une main d'œuvre hautement qualifiée et de rendre plus attractif le marché du travail européen et de faciliter les retours volontaires ou forcés vers le pays d'origine, des étrangers qui ont perdu le bénéfice de séjourner sur le territoire d'un Etat membre.

3.1.2.2. Impacts sur la précarité et la vulnérabilité de ces travailleurs

L'application de la directive en droit français devrait avoir un impact social réel puisqu'elle renforcera les droits et la protection des ressortissants étrangers en situation irrégulière, en contribuant à préserver leurs droits fondamentaux et en défendant leur statut salarial.

- La lutte contre les filières d’immigration illégale

Les ressortissants étrangers essaient par tous moyens d'entrer sur le territoire d'un Etat membre et souvent pour y arriver font appel aux services de passeurs.

Les filières interviennent en aidant les ressortissants d'Etats tiers à entrer sur le territoire français, soit irrégulièrement, soit régulièrement avec un visa de courte durée et qui se maintiennent au-delà de sa validité, moyennant une contribution financière largement supérieure aux ressources du migrant. Elles tirent profit de ces personnes à la recherche de meilleures conditions de vie.

De plus en plus structurées, elles emploient des méthodes très élaborées, bien au-delà des faux documents. Certaines organisations offrent en effet un service "clefs en main", depuis le recrutement dans le pays d'origine jusqu'à l'acheminement du pays de destination pour y travailler.

En outre, selon l'OCRIEST, les filières de migration clandestine constituent une des formes importantes de la criminalité organisée et sont souvent associées à d'autres formes de faits délictueux comme la prostitution, la production de faux documents, le blanchiment d'argent voire le terrorisme. Les membres de ces filières vont même jusqu'à créer des écoles de formation pour apprendre aux migrants à avoir les bonnes réactions lorsqu'ils sont face aux agents des services de police.

Même lorsqu'ils sont parvenus à pénétrer sur le territoire national, les conditions de vie des étrangers en situation irrégulière demeurent précaires. Comme le notait la Cour des comptes en 2004 : "Privés de certains droits essentiels et en particulier de celui de travailler régulièrement, les étrangers en situation irrégulière sont exposés, selon les cas, à l'exploitation par des employeurs clandestins dépourvus de scrupules, à l'obligation de s'adonner à des activités lucratives mais illégales (souvent délictuelles et parfois criminelles) ou à la plus désespérante précarité"57.

- La lutte contre les marchands de "sommeil"

Les migrants sont également souvent victimes des conditions d'hébergement indignes. Des "marchands de sommeil" louent, à prix d'or, des logements exigus et dégradés, sans confort, sales, insalubres et sans possibilité d'intimité, à des étrangers en situation irrégulière, en tirant parti de l'incapacité dans laquelle les migrants se trouvent d'accéder au logement social (soumis à une condition de régularité du séjour) et de leur difficulté d'accéder au parc privé, pour des raisons financières.

De fait, les mesures plus strictes prises à l'encontre d'employeurs indélicats devraient limiter l'arrivée de ressortissants de pays tiers et par voie de conséquence de réduire les activités lucratives des marchands de sommeil.

- La lutte contre les conditions de travail abusives

La directive, intervient également en faveur des droits sociaux des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière sur leur lieu de travail en sanctionnant pénalement les employeurs qui les utilisent de manière abusive au détriment de leur dignité humaine.

N'étant pas autorisés à exercer une activité salariée régulière, ils constituent une main d'œuvre privilégiée pour les employeurs indélicats qui les exploitent à des fins économiques. Leur défaut de titre les place dans une situation de totale dépendance. Ils ne peuvent alerter les autorités pour protester contre des conditions souvent indignes puisqu'ils seraient alors menacés d'expulsion.

La possibilité pour le préfet d'ordonner la fermeture provisoire de l'établissement concerné va permettre de mettre un terme aux conditions de travail abusives de l'étranger en situation irrégulière et par voie de conséquence de le protéger contre tout risque d'accident, en mettant un terme à sa relation de travail. De plus, contrairement à la décision judiciaire, l'arrêté préfectoral pourra être prononcé dans des délais très brefs.

3.1.2.3. Les droits attachés au statut salarial

La directive consacre un article concernant les droits salariaux des salariés étrangers en situation irrégulière. Ces derniers ont la garantie de percevoir leurs arriérés de salaires ainsi que les accessoires au même titre qu'un salarié national ou étranger en situation régulière, même lorsqu'ils sont retournés dans leur pays d'origine, les frais d'envoi étant à la charge de l'employeur indélicat.

Outre la garantie de percevoir ses salaires dus et/ou les indemnités de rupture de contrat de travail, la directive entend préserver leurs droits sociaux liés à une activité salariée déclarée auprès des organismes sociaux.

En effet, l'emploi de ressortissants étrangers illégaux est une infraction souvent commise en concomitance avec celle du travail dissimulé par dissimulation de salariés. L'employeur qui utilise ces personnes est tenté de ne pas les déclarer auprès de l'Urssaf. Par conséquent, la protection sociale liée au statut de salarié déclaré ne peut s'appliquer sur ces ressortissants étrangers en situation irrégulière, victimes d'atteinte aux droits essentiels des travailleurs au regard de leurs conditions de travail, de rémunération et de leur protection sociale.

Ainsi, les travailleurs non déclarés sont parfois contraints de travailler dans les pires conditions contre un salaire dérisoire. Par ailleurs, ils perdent le bénéfice des droits sociaux et collectifs accordés par la loi ou les conventions collectives. Les droits individuels conférés par le contrat de travail comme le salaire, les congés, les conditions de travail, la formation professionnelle, ainsi que les droits collectifs notamment les allocations familiales, les indemnités de chômage, de maladie, des accidents de travail et de retraite ne peuvent s'appliquer.

Ainsi, en proposant des sanctions à l'encontre des employeurs indélicats, la directive contribue à préserver les droits sociaux des travailleurs étrangers en situation irrégulière.

3.1.2.4. L'incidence de l'immigration irrégulière sur les conditions de vie des étrangers en situation régulière

La dernière conséquence sociale de la réforme porte cette fois-ci sur les étrangers en situation régulière.

Les mesures prises depuis plusieurs années pour contrer l'immigration irrégulière ont une incidence sur les étrangers régulièrement établis en France notamment, sur leur qualité de vie. Les dispositions de la directive pourraient y contribuer également.

Selon le rapport de la commission d’enquête sur l’immigration clandestine du Sénat du 7 avril 200658, si aucune mesure n'est prise, la distribution de visas peut devenir plus restrictive et limiter le regroupement familial. De même, la lutte contre les ressortissants étrangers en situation irrégulière se traduit par un renforcement des contrôles d'identité et peut ainsi provoquer une gêne pour les étrangers en situation régulière.

Par ailleurs, l'entrée sur le territoire français de ressortissants étrangers en situation irrégulière peut contribuer à encourager les étrangers légaux à commettre l'infraction d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire français. En effet, l'obligation morale de solidarité vis-à-vis des membres de la famille ou de la communauté conduit des étrangers en situation régulière à héberger et à soutenir des immigrés illégaux.

Enfin, l'existence d'un flux d'immigration irrégulière non maîtrisé rend ainsi plus difficile l'acceptation par l'opinion du maintien d'un flux d'immigration régulière, au titre de regroupement familial, ou d'une immigration choisie. La mobilisation de crédits importants au profit des étrangers illégaux n'est pas toujours bien comprise par l'opinion publique et risque d'affaiblir la légitimité des dépenses d'intégration engagées au bénéfice des étrangers en situation régulière.

3.1.2.5. Au plan national : impact sur la concurrence entre les entreprises et sur le marché du travail

Outre les conséquences sociales, la directive devrait avoir des répercussions sur l'économie, tant au niveau de la concurrence entre les entreprises que sur le marché de l'emploi.

L'immigration irrégulière induit de nombreux dysfonctionnements économiques dans la mesure où elle créée une concurrence déloyale entre les entreprises qui respectent la législation et celles qui ne l'appliquent pas.

En effet, elle procure un avantage compétitif significatif aux entreprises dont l'employeur utilise des ressortissants étrangers en situation irrégulière. En ne respectant pas la législation du travail, celui-ci bénéficie d'un avantage économique réel parce qu'il réduit son coût salarial : faible rémunération, souvent inférieure au minimum légal, travail dissimulé lui permettant de ne pas verser les cotisations salariales et patronales. A ce titre, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) évalue à un montant compris entre 30 et 40 milliards d'euros la fraude aux finances publiques (fraude fiscale et fraude aux prélèvements sociaux), soit entre 1,7 % et 2,3% du PIB.

En outre, il bénéficie d'une plus grande flexibilité au niveau du processus de production. Enfin, il réalise des économies au titre des coûts non salariaux, dans la mesure où les prélèvements obligatoires ou la conformité aux règles de sécurité et d'hygiène représentent une part significative du coût du travail.

Les secteurs du bâtiment, de l'agriculture et de l'horticulture, des travaux ménagers et du nettoyage, de l'hôtellerie et de la restauration sont régulièrement cités comme étant les plus exposés au travail non déclaré en général, et au travail des étrangers illégaux en particulier, ce qui reflète en partie la nature du travail effectué dans ces secteurs (emplois saisonniers, travail difficile et horaires souples).

Cette concurrence déloyale affecte les entreprises qui exercent leur activité en toute légalité et menace leur pérennité. Elles perdent des parts de marché parce que leurs concurrents, en ne respectant pas la législation, tirent profit du faible coût salarial que leur procure la main d'œuvre étrangère illégale et/ou non déclarée auprès des organismes sociaux.

Par ailleurs, la directive devrait avoir des répercussions sur le marché de l'emploi. La lutte contre le travail illégal devrait favoriser l'embauche des nationaux et des ressortissants étrangers en situation régulière notamment dans les secteurs d'activités les plus concernés par l'emploi d'étrangers sans titre : le bâtiment et les travaux publics, les hôtels café restaurants, l'agriculture, la confection et le gardiennage. Mais l'inverse pourrait aussi se produire, à savoir la pénurie de main d'œuvre.

En effet, ces secteurs connaissent des difficultés de recrutement que le recours à la main d'œuvre irrégulière peut permettre de pallier. Des secteurs entiers dépendent déjà de ces étrangers illégaux qui acceptent des emplois que des ressortissants nationaux refuseraient d'exercer pour un salaire qui maintiendrait la concurrence internationale dans le secteur en question.

Mais il ne contribue pas à les rendre plus attractifs et entretient ainsi un cercle vicieux. Le fait de recourir au travail illégal dans ces secteurs, a pour conséquence d'accroître un peu plus le problème puisque le marché du travail est désorganisé, les salaires sont tirés vers le bas, la formation, l'organisation de la profession sont compromis ainsi que les perspectives de carrière.

Par ailleurs, les politiques sociales, en augmentant le taux du salaire minimum, accroissent le coût du travail des emplois peu qualifiés et tend ainsi à augmenter le rendement du travail illégal.

La crainte d'un effet de rejet de la part des nationaux et des migrants légaux est renforcée lorsque l'immigration illégale est concomitante à un chômage élevé parce que leur salaire devient plus élevé que celui des étrangers illégaux.

3.1.2.6. Au plan européen : neutraliser l'avantage économique conféré par l'emploi illégal et donc créer des conditions égales pour toutes les entreprises de l'Union européenne

Le souci de préserver une concurrence loyale entre les entreprises de l'Union européenne constitue également l’un des objectifs de la directive, en harmonisant les législations nationales en termes de prévention et de sanctions à l'encontre des employeurs qui recrutent des étrangers sans titre de séjour.

Ainsi, il s'agit d'éviter que des niveaux de sanctions non harmonisées ne faussent la concurrence dans le cadre du marché unique et ne provoquent des mouvements secondaires de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier vers des Etats membres où les sanctions sont moins sévères et les degrés d'exécution moindre. En outre, l'avantage compétitif généré par l'application de politiques nationales hétérogènes en matière de lutte contre le travail illégal, peut entrainer des délocalisations de sociétés vers les Etats qui pratiquent une politique moins sévère.

3.1.2.7. Au plan international : impacts économiques négatifs dans le pays d'origine des étrangers en situation irrégulière

L'immigration illégale confère des avantages économiques et financiers non négligeables dans le pays d'origine du ressortissant étranger.

En effet, il tire un bénéfice significatif des départs de main-d'œuvre, qui font baisser le chômage, stimulent la participation des femmes sur le marché du travail et produisent un afflux de capitaux provenant des transferts de fonds. Pour de nombreux pays tiers, la dépendance vis-à-vis de ces transferts de fonds s'est renforcée au fil des années.

Au niveau mondial, ces flux de capitaux privés représentent le double de l'aide publique des pays riches au tiers monde. Ils sont la deuxième source de financement externe des pays en développement, derrière les investissements directs et sont ainsi devenus un des éléments majeurs de l'économie du développement.

Selon le Centre d'analyse stratégique59, la hausse des transferts observée ces dernières années pourrait se ralentir et nuire à la croissance des pays en développement à cause de la crise financière. Reprenant les données de la banque mondiale, l'analyse souligne "qu'au cours de l'année 2006, 210 millions de travailleurs ont envoyé à leur famille dans les pays en développement environ 300 milliards de dollars. Le montant global n'a cessé d'augmenter fortement ces dernières années (ils ont triplé sur 10 ans). La crise actuelle semble avoir fortement contracté ces flux, notamment vers les pays les plus pauvres". Ainsi, les dernières estimations font état de baisses de 5% à 8% pour l'année 2009.

L'application de la directive devrait donc contribuer à diminuer les effets positifs de l'immigration irrégulière dans le pays d'origine de l'étranger sans titre, puisqu'il participe au transfert de fonds, malgré ses faibles revenus.

3.2. Impact sur l'efficience des politiques publiques en matière d’immigration

3.2.1. Impact sur l’efficacité de l’action de l’administration

3.2.1.1. Pour les travailleurs en situation irrégulière

Outre, le coût financier que représente la prise en charge d'un ressortissant étranger en situation irrégulière, la lutte contre l'emploi de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière monopolise des moyens humains importants.

Dans le rapport de la cour des comptes (2006), son Premier président, a insisté sur l'effet négatif de l'immigration irrégulière sur les immigrants en situation régulière. Il a noté, dans un premier lieu, que "les préfets consacraient jusqu'à présent plus de temps aux sans papiers et aux irréguliers qu'à leur mission en matière d'accueil et d'intégration des primo-immigrants et de leurs familles". Par conséquent, la politique de répression de l'immigration irrégulière accapare une part importante des moyens à la disposition des services de l'Etat.

Même si l'objectif premier de la directive est la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre et qu'il nécessite la mise en œuvre de moyens humains et financiers pour y parvenir, à terme, son objectif général est de réduire l'immigration illégale et de favoriser une immigration choisie. Par conséquent, les agents de l'Etat, monopolisés pour lutter contre les infractions au code du séjour et du travail devraient pouvoir se consacrer plus pleinement à l’accueil et à l'intégration des immigrés légaux.

Par ailleurs, les nouvelles prérogatives des préfets, en matière de lutte contre le travail illégal, vont générer des modifications organisationnelles et financières au sein des préfectures.

Par voie de conséquence, la fermeture administrative des établissements dans lesquels les infractions à la législation du séjour et/ou du travail ont été constatées et l'interdiction pour l'employeur contrevenant de soumissionner à un marché public vont contribuer à améliorer les mesures existantes de la lutte contre le travail illégal en dissuadant les personnes physiques et morales de recourir à de la main d'œuvre étrangère irrégulière.

Impact sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

La directive prévoit que des mécanismes soient mis en place pour assurer le paiement de tous les arriérés de salaires aux ressortissants de pays tiers employés illégalement, y compris en cas de retour volontaire ou forcé. Ainsi, si cette tâche incombe effectivement à l'OFII, celui-ci, de par cette nouvelle prérogative, va devoir mettre en place toute une logistique et des moyens tant humains que matériels, en France, dans les pays étrangers où l'OFII est d'ores et déjà présent et éventuellement dans d'autres pays où l'OFII n'est pas encore implanté. Cette nouvelle prérogative contribuera à renforcer les missions de l'OFII qui visent essentiellement au soutien des étrangers et notamment ceux qui repartent dans leur pays d'origine.

Par ailleurs, au vu des faibles résultats relatifs au recouvrement de la contribution forfaitaire (seulement 17% en 2008) et dans l'optique d'améliorer ce taux, il a été décidé de transférer la gestion de cette amende à l'OFII.

Ce transfert va également contribuer à accroître les prérogatives de l'OFII qui sera chargé de la liquidation et du recouvrement des deux sanctions administratives. Cette mesure permettra d'améliorer, d'une part, le suivi de la procédure de la mise en œuvre de la contribution, d'autre part, d'améliorer le recouvrement des sommes dues. Enfin, les agents chargés de liquider la contribution forfaitaire pourront plus facilement appliquer les dispositions de l'article L.626-1 du CESEDA concernant le "bouclier pénal" des deux sanctions administratives.

Le rendement généré par ce transfert est estimé à quelques millions d'euros supplémentaires de sommes recouvrées et contribuera ainsi fortement à la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre.

3.2.1.2. En matière d’éloignement

Le Président de la République a donné pour 2009 un objectif de 27 000 éloignements, retours volontaires ou reconduites forcées, de migrants en situation irrégulière60. Cet objectif a été dépassé en 2009 avec 29 288 éloignements dont 11 799 retours aidés.61.

Le retour volontaire est privilégié parce qu’il garantit un retour accepté digne et durable dans le pays d’origine. Comme il a été exposé, le projet de loi a pour premier objectif d’affirmer cette priorité et de permettre sa concrétisation.

Le retour volontaire lorsqu’il est accepté et accompagné permet l’économie de la rétention dont la mise en œuvre trop systématique, restreint nécessairement les libertés individuelles, affecte en conséquence l’image de la politique migratoire de la France, mobilise des personnels, suscite du contentieux et pèse sur les charges budgétaires.

Le projet de loi poursuit cet objectif principal en autorisant une appréciation assouplie et pragmatique de la nécessité du recours à l’exécution forcée et en instituant un dispositif de surveillance dès la notification de l’OQTF ouvrant un délai de départ volontaire qui permet une action d’accompagnement de l’étranger dans la préparation de son départ.

Le projet de loi ouvre encore une marge de souplesse en permettant à l’autorité administrative d’accorder, dans des situations exceptionnelles, un délai de départ supérieur à trente jours.

Le projet de loi donne ainsi les moyens à l’autorité administrative d’apprécier largement la possibilité de l’octroi du retour volontaire même dans les cas où elle entend maintenir un certain contrôle .pour garantir l’effectivité du retour.

Ces dispositifs légaux sont mis en œuvre dans un cadre réglementaire nouveau tendant à pérenniser et développer les dispositifs d’aides au retour financés par l’Office de l’immigration (OFII) avec le décret n° 2009-1310 du 26 octobre 2009 portant création d’un traitement automatisé biométrique de données à caractère personnel des étrangers bénéficiaires du dispositif d’aide au retour financé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration et modifiant la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Mais si la réforme affirme la priorité au retour volontaire, elle n’affecte pas les possibilités de l’exécution d’office.

Le périmètre actuel de l’exécution forcée est préservé. Il est même étendu en tant qu’il permet de ne pas accorder de délai de départ volontaire à un étranger qui en dépit de la possession d’un récépissé de demande de titre de séjour révèlerait un risque de soustraction à l’exécution de la mesure d’éloignement

La réforme garantit le retour même lorsque celui-ci est impossible à court terme.

En conformité avec les articles 9 et 14 de la directive, le projet de loi crée une autorisation de maintien sur le territoire lorsqu’il justifie de l’impossibilité d’exécution de la mesure d’éloignement à l’expiration du délai de départ volontaire imparti ou lorsque les mesures prévues au titre V pour la préparation de l’éloignement par l’autorité administrative prennent fin.

Cette mesure est d’application souple. Elle assure à l’intéressé un cadre juridique protecteur de ses droits fondamentaux et de sa dignité en faisant notamment obstacle à des mesures d’interpellation répétées. Par ailleurs, elle facilite le suivi par l’autorité administrative de l’évolution de la situation de l’intéressé au regard de la possibilité d’exécution de la mesure d’éloignement dont il fait l’objet.

Ces nouveaux dispositifs ouvrent sur une politique d’éloignement moins focalisée sur les résultats de l’exécution d’office.

3.2.2. Impact budgétaire

Le projet de loi a été élaboré dans le souci d’une part de ne pas bouleverser l’équilibre des comptes publics et d’autre part de ne pas entraîner soit la création de nouveaux emplois publics soit d’entraîner des transferts d’emplois publics, que ce soit du côté de l’administration, centrale ou déconcentrée, ou du côté des juridictions ou des opérateurs (OFII en particulier).

3.2.2.1. Abaisser le coût des procédures de reconduite à la frontière

Le budget 2010

La totalité de l’effort financier que se propose d’engager l’Etat en 2010 au titre du programme 303 « immigration et asile » est de 498 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 480,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Cette dotation tient notamment compte de la progression du nombre des éloignements observée depuis plusieurs années, il est en progression par rapport à 2009 (434,7 en AE et 437, 5 en CP).

Si le total des crédits alloués à la maîtrise des flux migratoires a augmenté en 2010 par rapport à 2009 (+19,1 millions d’euros en AE et de +9,1 millions d’euros en CP) le montant des crédits prévus en 2010 pour l’éloignement des personnes en situation irrégulière est de 37,5 millions d’euros en AE/CP. Ils sont en baisse par rapport à 2009. Cette évolution à la baisse résulte d’une politique de réduction des coûts et de réorientation de la politique de lutte contre l’immigration illégale.

Cette réorientation s’effectue notamment par l’intensification dans la lutte contre les filières qui favorisent l’entrée et le séjour irrégulier pour exploiter les personnes précarisées par leur situation illégale et le développement d’une politique de retour volontaire.

Le projet de loi de transposition est dans le droit fil de la réorientation et par suite de l’objectif de réduction de la part des charges budgétaires résultant de l’éloignement et de la rétention.

Le développement de la politique de retour volontaire est soutenu par le financement communautaire. Le considérant (10) de la directive prévoit qu’afin d’encourager le retour volontaire, les Etats membres doivent exploiter au mieux les possibilités de financement correspondantes offertes dans le cadre du Fonds européen pour le Retour.

La possibilité de cofinancement par le Fonds Retour

Le Fonds Retour a été institué par une décision du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 pour la période 2007-2013, dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires ». Il cible les candidats ou les personnes qui bénéficient d’une protection internationale, les personnes qui bénéficient d’une protection temporaire et celles qui sont en séjour irrégulier sur le territoire des Etats membres.

Les actions susceptibles d'être financées par le Fonds Retour sont soit de dimension nationale, soit de dimension transnationale ou communautaire. Les actions de dimension nationale sont mises en œuvre par les Etats membres dans le cadre d'une programmation pluriannuelle répondant aux orientations stratégiques communautaires.

Les domaines d'éligibilité des actions nationales au titre du Fonds Retour visent la gestion intégrée des retours (volontaires ou forcés) et la coopération des Etats membres dans le cadre des plans intégrés de retour (vols de retour conjoints), ainsi qu’une meilleure application de la législation communautaire en matière de retour.

Le mécanisme d'action du Fonds Retour consiste à financer des projets initiés par des actions publiques ou privées à but non lucratif. Les actions de dimension nationale sont en principe subventionnées à hauteur de 50 % du montant total financé par les Etats membres. La participation communautaire peut s'élever à 75 % du montant total financé pour les Etats membres relevant du fonds de cohésion ou quand le projet s'inscrit dans les priorités spécifiques énoncées dans le cadre des orientations stratégiques de la Commission européenne.

Le programme pluriannuel pour 2007-2013 définit, en fonction des orientations stratégiques retenues, la stratégie de l'État membre en matière de retour et les objectifs poursuivis. Le programme annuel décline le programme pluriannuel en précisant les actions mises en œuvre et les modalités de leur financement.

Enfin, sur la demande d’un Etat membre, une assistance technique est susceptible d'être financée par le Fonds Retour au titre de chaque programme annuel pour en assurer la préparation, la gestion, le suivi et le contrôle. Elle couvre aussi bien les ressources humaines que techniques et peut représenter jusqu'à 7 % du cofinancement annuel accordé à l'Etat membre pour les trois premières années (2007-2010).

L'enveloppe totale prévue au titre du Fonds Retour par la Commission européenne s'élève, pour l’ensemble des Etats membres, à 676 000 000 d'euros pour la période 2007-2013.

Pour la France, le montant accordé est de 18 599 087 euros. A titre de comparaison, les ressources communautaires affectées à la France sur la période 2007-2010 représentent une moyenne approximative de 10 millions d'euros annuels. Elles devraient ensuite croître régulièrement de 2011 à 2013 pour atteindre un montant supérieur à 27 millions d'euros en 2013.

Le programme pluriannuel fonds Retour de la France, ainsi que les programmes annuels 2007 et 2008, sont en cours de finalisation. Le retard relatif pris par la France, en accord avec la Commission européenne, est notamment lié au gel initial des crédits du fonds Retour pour 2008 décidé par le Parlement européen dans le contexte de la négociation de la directive « retour ». Le Fonds Retour a été débloqué le 6 novembre 2008.

Le montant total octroyé au titre du cofinancement est de 5 323 948,98 euros pour l’exercice 2008 et 7 006 678,26 euros pour l’exercice 2009.

Le fonds européen pour le retour pour la période 2008/2013 dans le cadre du programme général Solidarité et gestion des flux migratoires doit notamment faciliter le financement des actions en faveur du retour volontaire, particulièrement celles encourageant l’octroi d’aides.

Considérant la complémentarité nécessaire du retour volontaire et du retour forcé, le fonds Retour devrait également soutenir les actions menées par les Etats en vue de faciliter les retours forcés.

Ces actions sont susceptibles de couvrir sur le seul plan interne :

- l’amélioration des capacités matérielles d’éloignement, comme l’achat de nouveaux aéronefs,

- l’amélioration des moyens de gestion administrative et opérationnelle des ESI, en se dotant d’un dispositif assurant l’identification des étrangers, utilisant les ressources de la biométrie et éditant les titres de séjour de manière sécurisée (AGDREF2),

- le fonds Retour doit aussi assurer la promotion de stratégies de gestion intégrée des retours, tels que les vols groupés ou la mise en œuvre de dispositifs régionaux de retour intégré.

Un impact le plus limité possible a été recherché, en termes d’assimilation par les préfectures et de contentieux. On conserve ainsi le schéma établi en 2006 avec un délai de départ et un délai de recours qui coïncident sous la réserve de la possibilité ouverte à l’administration de prolonger le délai de départ. Une fois le délai de départ imparti, il ne peut être modifié ni prolongé ni réduit, indissociable de la décision, il ne peut pas donner lieu à un contentieux distinct.

3.2.2.2. Tenter d’améliorer le recouvrement des taxes, impôts et frais

- Evasion de recettes fiscales et sociales

En sanctionnant les employeurs indélicats, la directive devrait en théorie contribuer à infléchir le déficit public grâce, notamment, au recouvrement des cotisations dues aux organismes sociaux. En effet, en 2008, le coût du travail illégal est estimé à 4% du PIB62. En outre, l'ACOSS63, pour la même période, fait état d'un montant de 108 millions d'euros de cotisations recouvrées suite aux infractions à la législation du travail. Au titre de 2007, ce sont 118 millions d'euros de cotisations qui ont été recouvrés.

Toutefois, même si les organismes sociaux parviennent à recouvrer une partie des cotisations, les infractions à la législation du travail, notamment le travail dissimulé, génère d'importantes évasions de recettes sociales et fiscales, augmentant ainsi les déficits publics.

En outre, les sanctions financières infligées aux employeurs contrevenants devraient également contribuer à infléchir le déficit public. Néanmoins, la prise en charge du ressortissant étranger en situation irrégulière lorsqu'il est arrêté, représente un coût significatif qui n'est pas toujours amorti pas les amendes administratives, notamment la contribution spéciale due à l'OFII et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement du ressortissant étranger en situation irrégulière vers son pays d'origine.

- Coût significatif de la prise en charge sociale et médicale du ressortissant étranger en situation irrégulière

La prise en charge sociale et médicale du ressortissant étranger représente également une charge significative pour les finances publiques. La République reconnait aux étrangers en situation irrégulière le bénéfice de certains droits sociaux. L'article L.111-2 du code de l'action sociale et des familles leur ouvre droit aux prestations versées en cas d'admission dans un centre d'hébergement d'urgence et de réinsertion sociale, aux prestations de l'aide sociale à l'enfance, ainsi qu'à l'aide médicale d'Etat (AME). Le nombre de bénéficiaires de l'AME, qui a fortement progressé depuis la loi du 27 juillet 1999, portant création d'une couverture maladie universelle, était proche de 180 000 personnes à la fin de l'année 2005. Depuis, les bénéficiaires de cette aide n'ont cessé d'augmenter : 194 615 en 2007, 202 503 en 2008 et 204 072 au 31 mars 2009.

Pour limiter la dérive constatée des dépenses budgétaires, la loi de finance rectificative pour 2003 a rendu plus restrictives les conditions d'accès à l'AME en imposant des conditions de séjour et de ressources. Néanmoins, les étrangers ne remplissant pas les conditions pour être éligibles à l'AME, mais ayant besoins de soins urgents sont pris en charge par les hôpitaux.

Aussi, selon le député UMP Thierry Mariani, les dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière s'élèvent en moyenne à 2 500 euros, contre 1 500 euros pour un assuré du régime général ou de la CMU. Une proposition de loi avait alors été déposée en décembre 2007 visant à mieux contrôler les dépenses liées à l'AME.

- Les sanctions financières, infligées à l'employeur délictueux, sont insuffisantes pour couvrir l'ensemble des frais occasionnés par la prise en charge du ressortissant étranger jusqu'à son retour volontaire ou forcé vers son pays d'origine

Enfin, les sanctions financières ne permettent pas toujours de couvrir l'ensemble des frais occasionnés par la prise en charge d'un étranger sans titre jusqu'à ce qu'il soit reconduit dans son pays d'origine.

En effet, la contribution spéciale, amende administrative à la charge de l'employeur, est due à l'OFII dès lors qu'une infraction d'emploi d'un travailleur étranger sans titre de travail est constatée par les agents de contrôle (cf. articles R.5221-1 et L.8253-1 du code du travail). Le montant de cette amende est déterminé par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.3231-12 du code du travail et, en cas de réitération, à 5 000 fois ce même taux. Ainsi, l'employeur indélicat pris en flagrant délit d'infraction devra payer une amende de 3 310 € (1000*3,31) ou de 16 550 € s'il a récidivé, par salarié en situation irrégulière par rapport à la législation du travail.

Quant à la contribution forfaitaire, elle est représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Elle est mise à la charge de l'employeur d'un étranger en situation irrégulière vis-à-vis du séjour, (cf. article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et est fixée en fonction du lieu de départ du territoire français (métropole ou outre-mer) et des zones géographiques du pays de destination de l'étranger. Le montant de cette amende varie donc entre 2 124 € et 7 709 € par ressortissant.

Elle est exigible sans préjudice de la contribution spéciale et des poursuites judiciaires qui peuvent être engagées contre l'employeur indélicat. Néanmoins, la législation prévoit un plafond du montant de ces deux sanctions administratives cumulées qui constitue un "bouclier pénal". Il ne peut dépasser 15 000 € par salarié étranger sans titre, lorsque l'employeur est une personne physique et 75 000 € pour une personne morale (cf. article L. 626-1 al 2 du CESEDA et articles L.8256-2 et L.8256-7 à 8 du CT).

Malgré le recouvrement de certaines sommes que peut procurer ces deux amendes administratives, elles ne suffisent pas à combler les frais occasionnés par la prise en charge du ressortissant étranger. En effet, les sommes recouvrées restent encore très faibles. Concernant la contribution spéciale, elles sont de l'ordre de 40 % en 2008. S'agissant de la contribution forfaitaire dont la mise en recouvrement est toute récente, sa mise en application effective reste encore difficile auprès de certaines préfectures, le montant recouvré représente seulement 17% en 2008 (Cf. 1.2.2).

Par conséquent, les sommes recouvrées par l'application de ces deux amendes ne permettent pas de combler l'ensemble des frais engendrés par la prise en charge du ressortissant étranger en situation irrégulière.

3.2.2.3. Coût de production de la brochure d'information destinée à informer les étrangers en situation irrégulière de leurs droits

La directive prévoit une obligation pour les Etats membres d'informer les ressortissants de pays tiers de leurs droits acquis par le travail. Afin de se conformer à cette disposition, une brochure d'information des droits salariaux, indemnitaires et administratifs a été élaborée. Cette brochure d'information sera distribuée aux étrangers en situation irrégulière interpellés par les agents de contrôle sur leur lieu de travail.

A cette fin, il est nécessaire de produire en quantité ces brochures d'information, en plusieurs langues étrangères et de les mettre à disposition auprès de chaque corps de contrôle habilité à interpeller des étrangers en situation irrégulière, sur tout le territoire national.

Cette production va générer des frais supplémentaires pour les finances publiques, qu'il convient de prendre en compte.

A titre d'exemple, pour une dotation initiale et sur la base des éléments suivants :

- coût unitaire 0,25 centimes ;

- traduction du document en 6 langues étrangères ;

- 3 500 agents de contrôle ;

- 10 exemplaires dans les 6 langues officielles par agent de contrôle.

Le coût global initial représentera environ 52 500 euros.

3.3. Impact juridique

3.3.1. Impact sur l’ordonnancement juridique

3.3.1.1. Liste des textes à abroger, modifier et codification

Les tableaux de concordance relatifs à chacune des directives figurent en annexe 7.

- Carte bleue

Les Etats membres doivent intégrer dans leur législation nationale les mesures de mise en œuvre des dispositions de cette nouvelle directive dans un délai de deux ans à compter du 18 juin 2009, date de sa publication au Journal officiel de l’UE. Elle devra donc être transposée au plus tard le 19 juin 2011.

L’introduction de la "carte bleue européenne" en droit français nécessitera des modifications de la partie législative du CESEDA ainsi que l'adoption de dispositions de nature réglementaire, à intégrer dans le CESEDA mais également dans le Code du travail.

- Sanctions employeurs

La transposition de la directive dans tous les Etats membres va permettre d'harmoniser les législations pénales concernant les cas les plus graves relatifs à l'emploi de ressortissants étrangers en situation irrégulière vis-à-vis du séjour.

Ainsi, le principe de légalité et de la proportionnalité des délits et des peines sera respecté à l'échelon européen.

- Retour

Sur l’impact législatif :

Le projet de loi implique d’importantes modifications de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le livre V relatif aux mesures d’éloignement est nécessairement principalement affecté. La transposition impliquant même des modifications d’intitulés de certains titres et chapitres du fait de l’unification des mesures d’éloignement, de la création de l’interdiction de retour ainsi que d’une mesure d’assignation à résidence alternative à la rétention administrative.

L’importance des modifications à apporter à l’article L. 511-1 actuellement relatif à l’OQTF et à l’APRF implique le remplacement de l’ensemble de ses dispositions en vigueur.

Il en est de même pour tout le chapitre II du titre Ier du livre V relatif à la procédure administrative et contentieuse et, au chapitre III du titre Ier du livre V pour l’article L. 513-4 actuellement relatif au seul cas d’assignation à résidence administrative est remplacé par un article L. 513-4 nouveau relatif aux mesures de surveillance susceptibles d’être mises en œuvre dès la notification de l’OQTF avec délai de départ volontaire.

Le titre III du livre V est complété par un chapitre III relatif aux « autres cas de reconduite », ce chapitre comporte un article relatif à la reconduite à la frontière de l’étranger se trouvant dans le champ actuellement défini par le 8° du II de l’article L. 511-1 en vigueur.

Après le titre V du livre V, il est inséré un titre VI relatif aux cas d’assignation à résidence. Il comporte dans un chapitre unique trois articles :

- le premier relatif à l’assignation à résidence en cas d’impossibilité d’exécution (il s’agit de l’hypothèse du report de l’éloignement) ;

- le deuxième, relatif au cas d’assignation à résidence en cas d’impossibilité immédiate d’exécution, soit de l’alternative à la rétention ;

- le troisième prévoit les mesures réglementaires nécessaires.

D’importantes mesures de coordination ou d’actualisation affectent de très nombreux articles de la partie législative du CESEDA, particulièrement au livre V.

Au livre II, l’article L. 213-1 est modifié pour les nécessités de coordination.

Le livre VI comporte des modifications de moindre importance de coordination ou d’actualisation. L’article L. 622-4 est remplacé, il s’agit d’une réforme autonome sans lien avec l’exercice de transposition.

Le livre VII comporte des modifications de coordination.

Les mesures d’application à l’outre-mer impliquent une série de modifications d’actualisation, notamment au regard du changement de statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et de coordination. Ces mesures s’inscrivent au livre I, aux articles L. 111-2 et L. 111-2, au chapitre IV du livre V, au livre VI et au livre VII.

Des modifications de la partie législative du code de justice administrative sont également prévues.

L’intitulé du chapitre VI du titre VII du livre VII du code de justice administrative est modifié en coordination et le chapitre VI est remplacé par des dispositions relatives au contentieux des OQTF modifiant les articles L. 776-1 et L. 776-2. Par ailleurs, le champ d’application de l’article L. 222-2-1 du même code, qui permet au président du tribunal administratif de désigner un magistrat administratif honoraire pour statuer sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière, est étendu aux litiges en lien avec l’obligation de quitter le territoire lorsqu’il est statué selon une procédure contentieuse spécifique.

Le premier alinéa de l’article 729-2 du code de procédure pénale est modifié pour des nécessités de coordination

L’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est modifié pour des nécessités de coordination.

3.3.2. Modalités d’application dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution

3.3.2.1. Directive carte bleue

Le CESEDA régit l’entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, dans les DOM (Guadeloupe, Martinique, Guyane ou Réunion) et à Saint-Pierre et Miquelon (article L. 111-2 du CESEDA). Des dispositions identiques à celles de la métropole y sont applicables, assorties toutefois de deux exceptions.

La première, relative à l'exécution des mesures d'éloignement, est de la seule compétence des représentants de l'État outre-mer et ne nécessite donc pas d'être développée ici.

La seconde exception concerne le champ d'application géographique des autorisations de travail. Selon l'article L. 5523-2 du code du travail, l’autorisation de travail n’est en effet valable que pour le territoire où elle a été délivrée. Ainsi, si le titre de séjour délivré en métropole donne le droit de séjourner dans un DOM, il n'autorise pas à y travailler puisque l’autorisation délivrée en France métropolitaine ne confère de droits qu’en France métropolitaine (article L. 5221-7 2ème alinéa du code du travail, par renvoi de l'article L. 322-1 du CESEDA). Pour ce qui concerne les titres de séjour délivrés dans les DOM, la réciproque s'applique également.

Au contraire des collectivités d'outre-mer (COM) qui ont une organisation particulière et un régime particulier en matière d’entrée et de séjour des étrangers, les DOM font partie du territoire français. Le Traité de Rome, le Traité de Maastricht, ainsi que le droit de l’Union dérivé en matière de libre circulation des personnes y sont donc applicables. Tel sera le cas des dispositions transposant dans le droit interne français la directive relative aux travailleurs hautement qualifiés.

3.3.2.2. Directive sanctions

La loi s'appliquera à la métropole et aux quatre départements ultramarins. Des mesures particulières pourront être intégrées au code du travail applicable à Mayotte, sachant que la départementalisation pourrait éventuellement conduire à terme à l'application du code du travail métropolitain.

Enfin s'agissant des territoires et collectivités d'outre mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie Française, Wallis et Futuna, Saint Pierre et Miquelon, le Parlement devra autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de nature législative permettant de rendre applicable les dispositions de la loi.

3.3.2.3. Directive retour

Les mesures prévues par la directive rendaient impérative l'adaptation de l'article L. 514-1 du CESEDA qui régit les reconduites à la frontière à Saint-Martin et en Guyane. A cette occasion, il est apparu opportun de d'affirmer clairement l'applicabilité du projet à Saint-Barthélemy et Saint-Martin et, plus généralement, celle du CESEDA dans les deux nouvelles collectivités. Le régime de circulation des étrangers dans les collectivités d'outre-mer a par ailleurs été harmonisé et simplifié, notamment en autorisant la dispense de visa sans plus distinguer selon la nature du titre de séjour (carte de séjour temporaire ou carte de résident) considéré.

3.3.3. Impact contentieux

La situation contentieuse étant unanimement dénoncée, l’exercice de transposition de la directive retour a nécessairement été dominé par une préoccupation de limitation de la charge contentieuse. Les impératifs sont croisés, les propositions de réforme de ce contentieux particulier doivent être connectées avec l’exercice obligatoire de transposition et celui-ci doit intégrer les préoccupations d’allègement du contentieux ou, tout au moins, de prévention de charges nouvelles.

La réforme opérée par la loi du 24 juillet 2006 créant l’OQTF a échoué dans l’un de ses objectifs principaux : l’allègement du contentieux. Cet échec motive des critiques de fond allant jusqu’à la proposition de suppression de l’OQTF et de retour à la procédure antérieur.

Pourquoi cet échec ? Les critiques font valoir que le caractère suspensif du recours contre l’OQTF et l’affirmation par ailleurs de la fusion en un acte administratif unique de la décision relative au séjour et de l’obligation de quitter le territoire a constitué une incitation certaine au contentieux contre cette décision désormais contestée dans 95 % des cas.

De fait, la réforme est allée à l’encontre d’une simplification de la procédure administrative, elle fait coexister deux mesures administratives d’éloignement avec une ligne de partage que le Conseil d’Etat s’est efforcé de clarifier au travers d’une série d’avis.

En outre, la réforme contentieuse a été amputée de l’une des ses ambitions, l’élargissement des attributions du juge statuant seul aux décisions de refus de séjour qui a rencontré une forte opposition au sein même de la juridiction administrative.

Les trois objectifs principaux du projet de loi sont de nature à contribuer à une amélioration des équilibres contentieux, pour mémoire, ces objectifs sont les suivants :

- La simplification du droit, avec l’unification de la décision d’éloignement visant un étranger en situation irrégulière, doit limiter les contentieux liés à la contestation du choix de la mesure adaptée à la situation juridique de l’intéressé.

- Le développement du retour volontaire et la rationalisation du droit de la rétention la rétention doivent contribuer d’une part, à une limitation des recours en annulation contre les OQTF, d’autre part, à la réduction du contentieux devant le juge judiciaire.

- L’application de mesures plus dissuasives est enfin de nature à limiter les demandes parfois dilatoires d’admission au séjour, sources de contentieux dont le caractère « virtuel » a été dénoncé.

Si la directive impose l’introduction d’une nouvelle décision administrative avec l’interdiction de retour, le projet de loi de transposition permet une simplification des procédures administratives qui se reflétera dans les procédures contentieuses dans le strict respect des droits de la défense.

Une seule mesure d’éloignement sanctionne le séjour irrégulier, cette mesure comporte dans tous les cas un volet relatif au séjour et une OQTF. L’OQTF mentionne le pays de renvoi en cas d’exécution d’office.

Le retour volontaire est une priorité, le recours à l’exécution forcée une exception. Ce principe imprègne toute la logique des procédures administratives et contentieuses.

Le retour volontaire ouvre sur l’application du droit commun, le retour forcé sur l’application de procédures spécifiques intégrant l’urgence inhérente à la procédure d’exécution d’office.

Il en résulte que ce n’est plus la nature des décisions qui détermine la procédure contentieuse applicable mais l’engagement de la procédure d’exécution forcée par l’autorité administrative.

L’évolution avec le schéma contentieux actuel n’est pas si profonde, mais la procédure est clarifiée.

Cette logique de la directive 2008/115/CE autorise une évolution vers plus de pragmatisme. L’opposition « retour volontaire / retour forcé » renvoie concrètement aux situations de non urgence ou d’urgence. Dès lors que l’autorité administrative refuse le retour volontaire, elle doit se placer dans l’urgence impliquée par l’exécution d’office et doit faire toutes diligences pour que l’éloignement effectif se réalise dans les plus brefs délais. Il y a alors lieu, et seulement dans ces circonstances, à l’application d’une procédure contentieuse accélérée portant sur l’ensemble des décisions administratives mises en œuvre.

Hors urgence, l’application du droit commun se justifie pleinement. Le caractère suspensif du recours n’est attaché qu’à l’OQTF et fait obstacle à son exécution forcée. Le dispositif contentieux actuel est largement maintenu mais les textes sont clarifiés et précisés.

Les options retenues pour la réforme contentieuse sont les suivantes :

C’est la loi n° 90-34 du 10 janvier 1990 qui a introduit le recours suspensif contre la mesure de reconduite à la frontière d’un étranger en situation irrégulière. L’étranger disposait alors de 24 heures pour former son recours et le juge statuait en 48 heures. Les deux délais ont été portés à 48 heures par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 et c’est la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 qui a étendu le délai de jugement à 72 heures.

Cette procédure profondément dérogatoire au droit commun avec recours suspensif dans des délais très réduits devant un juge statuant seul se justifie au regard des effets particuliers d’une exécution d’office de la mesure d’éloignement. Dès lors que la mesure d’éloignement est exécutée, elle cesse ses effets et il ne reste rien à juger en excès de pouvoir, par suite le recours sans effet suspensif ne constituerait pas un recours effectif au sens de l’article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le texte actuellement en vigueur est ambigu en ce qu’il dispose par le premier alinéa de l’article L. 512-1 que l’introduction du recours suspend l’exécution de l’OQTF. La clarification du texte préserve intégralement le caractère effectif du recours.

La procédure contentieuse appliquée à l’obligation de quitter le territoire français s’expose simplement :

Le retour volontaire est de principe. L’obligation de quitter le territoire français n’implique donc pas une exécution d’office, sauf dans les cas où, par dérogation, le retour volontaire est écarté.

La volonté de l’autorité administrative de recourir à l’exécution forcée de l’obligation de quitter le territoire français se concrétise par la décision de placement en rétention ou par la décision alternative d’assignation à résidence.

Si l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français n’est pas placé en rétention ni assigné à résidence à titre de mesure alternative à la rétention, le contentieux ouvert contre l’obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi et, le cas échéant, la décision relative au séjour et l’interdiction de retour relève de la procédure de droit commun (formation collégiale de jugement avec conclusions du rapporteur public), avec une simple adaptation des délais de recours et de jugement.

Ainsi, l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français auquel un délai de départ volontaire est accordé dispose d’un délai de trente jours suivant sa notification pour contester cette décision devant le tribunal administratif en formation collégiale.

L’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français auquel aucun délai de départ volontaire n’est accordé dispose d’un délai de recours quarante huit heures suivant la notification par voie administrative de cette pour contester cette décision.

Le tribunal statue dans les trois mois de sa saisine dans les deux cas.

Si l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français est placé en rétention ou assigné à résidence à titre de mesure alternative à la rétention avant que le tribunal n’ait statué sur l’obligation de quitter le territoire français, le contentieux ouvert contre cette décision relève d’un contentieux spécifique d’urgence. L’étranger peut contester ces décisions dans un délai de 48 heures suivant sa notification et peut, par ce même recours, contester l’obligation de quitter le territoire et les mesures qui l’accompagne, la décision mentionnant le pays de renvoi et, le cas échéant, l’interdiction de retour.

Dans le cas où l’étranger placé en rétention ou assigné à résidence ne conteste pas ces décisions mais seulement celle d’obligation de quitter le territoire français et les mesures qui l’accompagnent, ce recours formé dans un délai de 48 heures s’il n’a pas été déjà déposé, est jugé selon la procédure spécifique contentieuse accélérée par le juge administratif statuant seul dans un délai de 72 heures.

Dans le cas où l’obligation de quitter le territoire français a acquis un caractère définitif, l’étranger conserve la possibilité de contester la décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence alternative selon la procédure susvisée.

Cette réforme contentieuse répond à la préoccupation exprimée par la juridiction administrative d’éradication des contentieux virtuels, la procédure accélérée n’est requise que dans le cas où l’exécution d’office est réellement engagée.

Par ailleurs, elle assure la transposition de la directive, particulièrement de son article 15, en ce quelle prévoit un contentieux accéléré de la légalité de la décision de placement en rétention.

3.3.4. Impact sur les droits des personnes concernées

Le Conseil constitutionnel juge de façon constante que : « Aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national ».

Et la Cour européenne des droits de l’homme affirme dans ses décisions que les Etats peuvent « contrôler, en vertu d’un principe de droit international bien établi, l’entrée le séjour et l’éloignement des étrangers » sous réserve du respect des droits fondamentaux.

La directive « retour » s’inscrit dans l’ordre de ce « principe bien établi ».

La lutte contre l’immigration irrégulière est une contrepartie nécessaire de toute politique de maîtrise des flux migratoires et d’intégration. Elle s’appuie sur l’efficacité des contrôles aux frontières et sur le démantèlement des filières qui facilitent pour l’exploiter, l’entrée, le séjour et le travail irréguliers. Elle se traduit aussi par des éloignements du territoire.

Le droit de l’éloignement des ressortissants étrangers en situation irrégulière constitue un volet très sensible des législations des Etats membres relatives au droit et aux conditions de séjour des ressortissants des pays tiers.

La directive « retour » a suscité dès lors des interrogations et de l’inquiétude.

Elle est cependant l’occasion d’une mutation réelle et profonde des législations dans l’appréhension du rapatriement des personnes qui ne peuvent pas ou plus être admises au séjour et développe un ensemble de règles minimales garantissant aux personnes éloignées le respect de leurs droits fondamentaux et leur dignité.

La transposition a impliqué une réorientation du droit de l’éloignement avec l’affirmation de la priorité au retour volontaire. Elle a autorisé le maintien des normes internes plus favorables aux étrangers en situation irrégulière, s’agissant particulièrement de la durée de la rétention administrative et de l’éloignement des mineurs.

L’affirmation de la priorité du retour volontaire va opérer une rupture avec l’état actuel du droit encore caractérisé par une certaine prépondérance de l’exécution d’office et du recours à la contrainte qui en constitue le corollaire.

Les dispositifs d’aide au retour existant seront développés et soutenus notamment par le biais du Fonds Retour.

Le placement en rétention des étrangers auxquels un délai de départ volontaire n’est pas accordé, sera moins systématique, une mesure alternative non privative de liberté pourra être mise en œuvre pour la préparation de l’éloignement.

Si la directive impose l’introduction de l’interdiction de retour, l’application de la mesure sera précisément définie quant à son champ et limitée dans son champ et dans sa durée avec une possibilité de dérogation générale pour tenir compte des cas humanitaires et d’abrogation à la demande de l’étranger ou à tout moment à l’initiative de l’étranger.

Le régime de protection interne des mineurs demeurera inchangé.

En donnant les moyens effectifs à l’autorité administrative d’affirmer la priorité du retour volontaire notamment par la mise en œuvre d’un dispositif de justificatif, en permettant sa prise en en permettant des mesures alternatives à la rétention, le projet de loi de transposition conduira nécessairement à court et moyen terme à une baisse de la pression actuellement observée tant sur le plan contentieux qu’administratif.

Cet effet d’allègement impliquera par lui-même un dégagement de moyens propres à assurer une amélioration notamment dans le traitement des contentieux, dans les conditions d’accueil des personnes en rétention.

4. MESURES AUTONOMES

Le projet de loi présenté comporte, à côté des mesures de transposition des trois directives « retour », « carte bleue européenne » et « sanctions aux employeurs », diverses dispositions qui répondent à d’autres objectifs :

- mettre à jour ou corriger diverses dispositions du CESEDA,

- introduire une nouvelle voie d’accès à un titre de séjour,

- préciser les conditions de l’immunité pénale au délit d’aide à l’entrée et au séjour des étrangers,

- modifier les conditions de mise en œuvre du CESEDA en cas d’arrivée en nombre d’étrangers à la frontière,

- modifier les conditions de recouvrement de la contribution représentative des frais de réacheminement,

- préciser un cas de déclenchement de la procédure prioritaire pour l’examen des demandes d’asile,

- transcrire dans la loi une partie des conclusions du séminaire gouvernemental sur l’identité nationale s’agissant des règles d’accès à la nationalité française et de l’intégration des étrangers,

- introduire, enfin, une sanction en cas de non-respect des obligations de faire accepter chaque sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage.

4.1. Mesures d’adaptation et de coordination

Diverses mesures du projet de loi tendent soit à corriger des défauts de transposition de textes antérieurs ou des erreurs commises lors de précédentes modifications du CESEDA, soit à adapter la rédaction actuelle du CESEDA à l’entrée en vigueur du code frontières Schengen.

D’effets limités, ces mesures, détaillés ci-après, sont d’application immédiate, n’appellent aucune mesure d’application et sont sans impact particulier, autre que de mise en conformité du droit avec le droit de l’Union européenne ou la mise en cohérence du droit interne.

4.1.1. Modification de la mention apposée sur la carte de séjour des

chercheurs (article L. 313-8 du CESEDA)

La carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique » a été créée par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile. Elle a été modifiée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration afin d’ajouter des dispositions rendues nécessaires pour la transposition de la directive 2005/71/CE du 12 octobre 2005 relative à une procédure d’admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique.

Cette modification a été apportée sans toutefois modifier la mention que revêt la carte délivrée dans ce cadre, alors que la directive précitée prévoit dans son article 2 que : « aux fins de la présente directive, on entend par […] (e) "titre de séjour", toute autorisation portant la mention spécifique "chercheur" délivrée par les autorités d'un État membre permettant à un ressortissant de pays tiers de séjourner légalement sur son territoire, conformément à l'article 1er, paragraphe 2, point a), du règlement (CE) n° 1030/2002 ». La Commission européenne a demandé à la France de faire bien apparaître sur la carte la mention prévue par la directive du 12 octobre 2005 précitée.

Pour achever la transposition de la directive en droit français, il convient de modifier la mention "scientifique" figurant sur la carte de séjour temporaire créée par l'article L.313-8 du CESEDA pour que figure désormais la mention « scientifique-chercheur ». Cette double mention est admise par la législation européenne (règlement (CE) n° 1030/2002 du Conseil du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers, précité).

4.1.2. Clarification de la rédaction de l’article L. 313-14 du CESEDA

relatif à l’admission exceptionnelle au séjour

Issu de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, l’article L. 313-14 prévoit un cadre dans lequel le préfet peut admettre exceptionnellement au séjour un étranger en séjour irrégulier sur le territoire national. Deux motifs étaient initialement invocables : des motifs « humanitaires » ou des motifs « exceptionnels ». Une commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour a été dans le même temps créée afin de donner un avis national sur les critères d'admission au séjour et assister ainsi le préfet dans l’exercice de sa compétence.

Cet article a été modifié par l’article 40 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 qui a complété ce dispositif en prévoyant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" à titre de régularisation, et non plus seulement la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale".

Deux modifications de cet article sont proposées aujourd’hui.

La première vise, dans un souci de clarification du texte, à supprimer les mots : « sur le fondement du troisième alinéa de cet article » au premier alinéa de l'article L. 313-14 du CESEDA, qui prête à confusion. Alors que le renvoi aurait pu viser le second alinéa du 1° de l’article L. 313-10, qui est le troisième alinéa de l’article (relatif à la non-opposition de la situation de l’emploi en cas de demande d’autorisation de travail pour un métier dit en tension), le Conseil d’Etat a jugé, dans sa décision du 23 octobre 2009 GISTI n° 314 397, 314 853 et 314 854 sur la légalité de la circulaire du 7 janvier 2008 relative à l’application de l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 relatif à la délivrance de carte de séjour portant la mention "salarié" au titre de l’admission exceptionnelle au séjour, que les dispositions concernées devaient être comprises comme concernant la délivrance d'une autorisation de travail sans opposition de la situation de l'emploi aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse dans le cadre de la délivrance de la carte de séjour temporaire du 1° de l'article L. 313-10.

On notera du reste que, à l’occasion du contentieux précité, le rapporteur public qui avait conclu dans cette affaire avait notamment pointé le caractère obscur de la référence au troisième alinéa de l’article L. 313-10 dans l’article L. 313-14 précité.

La suppression pure et simple de la mention clarifie la rédaction de l’article : au titre de l’admission exceptionnelle au séjour, l’autorité administrative pourra délivrer soit la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" soit la carte de séjour temporaire "salarié" ou "travailleur temporaire", selon que l’étranger présente sa demande pour une régularisation au titre du travail ou pour un autre motif.

La seconde modification consiste à supprimer les alinéas 2 et 3, relatifs à la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour. Ces dispositions ne relèvent pas de la loi, et il est préférable de renvoyer l’intégralité des dispositions relatives à la composition et au fonctionnement de la commission à la partie réglementaire du CESEDA.

4.1.3. Correction d’une omission pour la délivrance de la carte de résident

(article L. 314-9)

L’article L. 314-9 du CESEDA, en son 3°, prévoit que le préfet peut délivrer une carte de résident au conjoint de Français marié depuis au moins trois ans avec celui-ci, dès sa première entrée en France (sans avoir eu au préalable une ou plusieurs cartes de séjour temporaires successives), si la communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage. En outre, la délivrance du titre est subordonnée à la condition d'intégration républicaine.

Cette rédaction est issue d'une modification législative introduite par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, qui a ajouté un 3° à l’article L.314-9 et a abrogé le 1° de l’article L.314-11. Ce dernier prévoyait, avant abrogation, une délivrance de plein droit de la carte de résident, sous réserve de la régularité du séjour64.

La rédaction actuelle de l’article L.314-9 ne prévoit aucune condition de séjour régulier, ni d’entrée régulière, pour solliciter le bénéfice d'une carte de résident. Pourtant, cet article est codifié dans la partie législative du CESEDA, dans une première sous-section (de la section II relative à la délivrance de la carte de résident) intitulée « délivrance subordonnée à une durée de séjour régulier ». Ce titre a été choisi en référence au seul dénominateur commun aux cartes de résident prévues aux articles L.314-8 et L.314-9, à savoir, l’exigence d’une entrée régulière.

Ainsi, les autres cartes de résident prévues dans le même article sont bien délivrées aux membres de famille entrés par regroupement familial et aux parents d’un enfant français, sous la condition de séjour régulier qui est induite dans le fait que les demandeurs doivent déjà posséder un titre de séjour ou un visa long séjour pour y prétendre.

Il s’agit donc d’une mesure de mise en cohérence avec les conditions de délivrance des autres cartes de résident prévues dans la même sous-section. La modification corrige l’omission en explicitant la condition de régularité du séjour pour la délivrance de la carte de résident.

Cet ajout ne modifie pas les conditions de délivrance de la carte par rapport à la volonté du législateur mais affirme plus nettement la condition de régularité de séjour, conformément à l’intitulé de la sous-section. Il s’agit donc d’une sécurisation juridique.

4.1.4. Actualisation du CESEDA du fait de l’adoption du code frontières

Schengen (CFS)

L’adoption du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 562/2006 du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), applicable depuis le 13 octobre 2006, abroge et remplace les articles 2 à 8 de la Convention d’application de l’accord de Schengen du 19 juin 1990.

L’entrée en vigueur de ce nouveau texte impose de mettre à jour les références, dans le CESEDA, à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. C’est pourquoi plusieurs articles sont modifiés par coordination dans le CESEDA par ce projet de loi, sans aucun impact particulier.

4.2. Droit au séjour des mineurs étrangers isolés à leur majorité

4.2.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

Le 11 mai 2009, le Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a installé un groupe de travail sur la situation des mineurs étrangers isolés. L’objectif recherché par la constitution de ce groupe de travail était d’établir un diagnostic partagé de la situation des mineurs étrangers isolés, d’examiner les possibilités d’amélioration et de proposer une stratégie au mois de septembre 2009.

Ce groupe de travail a retenu la définition suivante du mineur étranger isolé : « le MEI est l’étranger de moins de 18 ans entré en France ou qui cherche à y entrer, alors qu’il ne satisfait pas aux conditions légales d’admission, et qui n’est pas accompagné d’une personne titulaire de l’autorité parentale, même si en pratique, il est accompagné d’un ou plusieurs adultes ».

Cette définition a été retenue, après analyse des définitions du mineur isolé données par d’autres textes :

- l’article 1er de la résolution du Conseil de l’Union Européenne du 26 juin 1997 définit les MEI comme « tous les nationaux de pays tiers âgés de moins de 18 ans qui entrent sur le territoire des états membres sans être accompagnés d’un adulte qui soit responsable d’eux par effet de la loi ou de fait… et les mineurs nationaux de pays tiers qui furent laissés seuls après être entrés sur le territoire de l’état membre » ;

- l’article 20 de la Convention Internationale des droits de l’enfant les définit comme « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial » ;

- l’article L. 221-5 du CESEDA prévoit la désignation d’un administrateur ad hoc « lorsqu’un étranger mineur non accompagné d’un représentant légal n’est pas autorisé à entrer en France ».

Il est difficile de les recenser. Toutefois, une enquête de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2005 indique que 3100 mineurs étrangers isolés auraient été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Une enquête de la direction de la population et des migrations pour l'année 2002, a précisé les tranches d'âge de ces mineurs étrangers isolés: 40% sont âgés de 15 à 16 ans, 34% de 17 à 18 ans.

Les 13-14 ans représentent 16% et les moins de 12 ans, 8%. Trois quarts de mineurs étrangers isolés sont âgés de 15 ans et plus, selon cette enquête.

Leur situation varie en fonction de l’âge auquel ils sont arrivés et ont été confiés à l’ASE. Elle est d’autant plus favorable qu’ils sont arrivés jeunes.

Trois hypothèses peuvent être envisagées au vu du droit actuellement applicable.

Le code civil, dans son article 21-12, prévoit la possibilité de réclamer la nationalité française pour l’enfant « qui, depuis au moins trois années, est confié au service d’aide sociale à l’enfance ». Cette rédaction est issue de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité qui a ajouté la condition d’un délai minimum de 3 ans avant lequel un mineur confié à un service de l’ASE ne peut demander la nationalité française. Antérieurement, aucun délai n’était fixé par la loi

S’agissant des mineurs étrangers qui ont été confiés à l’ASE avant leur 16ème anniversaire, l’article L 313-11 2°bis du CESEDA prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire, mention « vie privée et familiale », « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française ». Cet article 2° bis est issu de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, pour tenir compte de la situation particulière des mineurs entrés isolés sur le territoire qui n’ont pas atteint à leur majorité les trois ans de résidence sous couvert de l’Aide sociale à l’enfance pour souscrire une déclaration de nationalité française dans les conditions prévues à l’article 21-27 du code civil évoqué supra.

La situation la plus délicate est celle des jeunes confiés à l’ASE après l’âge de 16 ans pour lesquels l’attribution d’un titre de séjour n’est pas prévue et qui sont très nombreux, vu l’âge moyen auquel les mineurs étrangers isolés sont confiés aux structures d’accueil. Leur situation est examinée au cas par cas dans le cadre de l’article L 313-11 7° du CESEDA qui prévoit la délivrance d’un titre temporaire lorsque le refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

Les départements assurent souvent la prise en charge des jeunes au-delà de leur majorité dans le cadre de contrats jeunes majeurs afin de prolonger leur parcours d’insertion (cf. à Paris les ex-mineurs étrangers isolés représentent 1/3 de l’ensemble des contrats jeunes majeurs conclus). Mais ils sont confrontés à des difficultés pour obtenir des titres de séjour pour les jeunes devenus majeurs, malgré les parcours d’insertion engagés. Sur ce point

A noter que pour les jeunes devenus majeurs qui ne peuvent – ou ne souhaitent pas- demeurer en France, des mesures peuvent être mises en place, en lien avec l’OFII pour accompagner le retour au pays.

4.2.2. Description de la réforme proposée

Parmi les conclusions du groupe de travail, certaines ont porté sur la situation de ces mineurs entrés isolés en France lors de leur accession à la majorité.

En effet, de nombreux mineurs étrangers isolés deviennent majeurs pendant leur prise en charge dans les différentes structures d’accueil. Se pose alors la question de leur avenir et de la possibilité pour eux de se maintenir sur le territoire français.

Le projet de loi prévoit la délivrance, à titre exceptionnel, de la carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" au jeune majeur étranger, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française.

La voie privilégiée en l’occurrence est celle de l’admission exceptionnelle au séjour, comme l’indique l’insertion du nouvel article dans la sous-section 7 (« L’admission exceptionnelle au séjour ») du chapitre relatif à la carte de séjour temporaire. Les termes de la rédaction sont assez proches de ceux de l’article L. 313-11 2° bis, pour assurer la continuité entre les deux hypothèses de l’arrivée en France avant et après la seizième année.

Cette proposition repose à titre principal sur le constat que les mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance après l'âge de seize ans ne peuvent bénéficier d'une formation professionnelle dès lors que ne pouvant prétendre à leur majorité, à un titre de séjour, aucune autorisation de travail ne leur était délivrée de droit pendant leur minorité pour leur permettre de suivre des formations en apprentissage notamment.

Elle vise ainsi à sécuriser la situation de ces jeunes étrangers en autorisant la délivrance, dans l’année qui suit leur majorité de la carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié », sous certaines conditions relatives notamment à leur intégration, ce qui leur permettra d’achever leur parcours de formation professionnelle en vue de la réalisation d’un projet professionnel en France ou dans leur pays d’origine.

4.2.3. Incidences de la mesure

Il est assez difficile de mesurer le volume des demandes susceptibles d’être présentées sur ce nouveau fondement. A titre d’information, les délivrances de carte de séjour temporaire sur le fondement du 2° bis de l’article L. 313-11 du CESEDA sont les suivantes : 118 premiers titres en 2008 et 215 (chiffres provisoires) premiers titres en 2009.

4.2.4. Mise en œuvre de la réforme

La création de cette nouvelle voie d’accès à la carte de séjour temporaire n’appelle aucune mesure d’application particulière, puisque la carte délivrée, carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », sera instruite selon les règles applicables à ces deux types de mentions.

4.3. Modification des conditions de délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » et de fonctionnement de la commission nationale « compétences et talents »

4.3.1. Contexte de la réforme

Une carte de séjour "compétences et talents", valable trois ans, a été instituée par la loi du 24 juillet 2006.

La mise en œuvre de la carte "compétences et talents" est effective depuis le deuxième trimestre 2008, après parution au Journal officiel en décembre 2007 des critères définis par la Commission nationale des compétences et talents et la diffusion des instructions sur le sujet.

Depuis cette date et jusqu'à la fin de l'année 2009, ce sont au total un peu plus de 1000 titres qui ont été délivrés (1077): 11 en 2007, 463 en 2008 et 593 (chiffres provisoires) en 2009, soit une augmentation de 25 % entre 2008 et 2009.

Durant l'année 2008, 463 cartes portant la mention " compétences et talents " ont été délivrées. L'essentiel de ces titres a concerné la population masculine (341 titres soit 72 % du total). Il s'agit d'un public particulièrement jeune, 82 % de personnes de moins de 40 ans (388) dont 12 % âgées de moins de 26 ans (56). Les ingénieurs, cadres supérieurs et employés constituent la catégorie socioprofessionnelle la plus représentée avec 251 cartes compétences et talents accordées (environ 53 % du total). Les artistes se sont vu délivrer 13 % des titres (61) et les scientifiques, 10 % (49 titres).

Les pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) représentent un tiers de la population concernée (150 cartes soit 32 %).

S'agissant de la ventilation par nationalités, les plus représentées sont les suivantes : japonaise (18,6 %), tunisienne (9 %) et chinoise (7,6 %) avec respectivement 88, 43 et 36 titres délivrés. Elles sont suivies de loin par les nationalités marocaine et russe : 24 et 21 cartes délivrées pour chacune d' entre elles, soit 5 % et 4 % du total des CCT délivrées.

Ces nouveaux titres ont été en majorité délivrés à des personnes déjà installées sur le territoire national à l' occasion du renouvellement de leur titre de séjour (290 CCT soit 61 % du total) et correspondent donc à un changement de statut.

La région Ile de France est en tête du nombre de titres délivrés, avec 47 % du total national (225 titres), dont 32 % du même total pour Paris. Suivent les régions Rhône-Alpes (51 titres dont 27 pour le seul départemental du Rhône), PACA (24 titres dont 9 pour les Alpes-Maritimes) et la Bretagne (29 cartes dont 23 en Ille-et-Vilaine).

L'année 2009 laisse entrevoir une très légère augmentation du nombre de titres délivrés par rapport à l'année précédente, avec 593 titres délivrés (chiffres provisoires).

La population masculine demeure très largement majoritaire avec 356 cartes délivrées à des hommes, soit 67 % du total des CCT, bien qu'en diminution par rapport à l' an passé (72 % fin novembre 2008).

Elles sont, en 2009, délivrées à parts égales par la voie consulaire (264 CCT) et la voie préfectorale (266 CCT) alors qu’en 2008, c'est au titre des changements de statut qu'elles étaient essentiellement accordées (63 % environ avec 254 cartes sur les 11 mois 2008)

Ce sont toujours les mêmes nationalités qui se montrent les plus représentées par ces cartes, en 2009 comme en 2008, bien que les proportions aient parfois quelque peu changées. Le Japon et la Tunisie confortent leur position dominante, suivis par la Chine, le Maroc restant en bonne place.

- Japon : 180 cartes, soit 42 % au total en 2009 (88 cartes, soit 18 % en 2008)

- Tunisie : 83 cartes, soit 19 % en 2009 (43 soit 9 % en 2008)

- Chine : 68 cartes, soit 16 % en 2009 (36 soit 7,8 % en 2008)

Quant aux catégories socioprofessionnelles, la proportion des scientifique/étudiants (demeure globalement inchangée (13% contre 10 % fin novembre2008).

S'agissant de la délivrance du titre par préfecture, Paris reste toujours, et de très loin, le premier département en terme de cartes délivrées.

Les cartes "compétences et talents" ont été délivrées pour moitié aux ressortissants japonais, américains, tunisiens et chinois.

Inversement, la carte "compétences et talents" a été fort peu demandée par les ressortissants des pays de la zone de solidarité prioritaire. Sur l'année 2009, on constate en effet, que 183 cartes ont été délivrées pour la ZSP dont 94 pour le Maroc et la Tunisie et 77 pour l'Afrique subsaharienne sur un total de 593 cartes "compétences et talents".

Le dispositif spécifique prévu pour les ressortissants de la zone de solidarité prioritaire était motivé par le souhait d'encourager le développement solidaire. Toutefois il paraît nécessaire d'abroger ledit article dès lors que, d'une part, la vérification de cette condition ne s'effectue réellement qu'au terme des premiers trois ans, ce qui prive le dispositif d'une partie de son efficacité, et, d'autre part, cette obligation fait peser sur les ressortissants de pays de la zone de solidarité prioritaire une obligation supplémentaire formelle par rapport aux autres bénéficiaires de la carte de séjour portant la mention "compétences et talents".

Dans tous les cas, cette disposition, mal vécue, faisait dans une certaine mesure double emploi avec les autres dispositions visant à prévenir le « pillage des cerveaux », mesures qui, elles, seraient maintenues pour les ressortissants de la zone de solidarité prioritaire :

- contribution de l’étranger à la fois au développement et au rayonnement de la France et de son pays d’origine (article L. 315-1 première phrase)

- renouvellement de la carte limité à une seule fois (article L. 315-1 dernière phrase) ;

- existence d’un accord de partenariat pour le co-développement ou engagement du ressortissant à rentrer dans son pays d’origine au terme de la période de 6 ans (article L. 315-2) ;

Quant à la commission nationale des compétences et talents, mentionnée à l’article L. 315-4, elle fonctionne désormais en régime de croisière.

Or, au terme de deux années de fonctionnement, il apparaît que la révision annuelle des critères prévue à l’article précité introduit une instabilité des conditions de délivrance de la carte "compétences et talents". En outre, le mécanisme de consultation de la commission nationale des compétences et des talents présente une grande lourdeur administrative. Les modalités de fonctionnement de la commission ainsi que son rôle relèvent en réalité de la compétence du pouvoir réglementaire.

4.3.2. Description de la réforme

Deux réformes sont proposées, l’une portant sur les conditions de fond pour la délivrance de la carte, l’autre sur les modalités de fonctionnement de la commission nationale des compétences et talents.

Sur le premier point, il est proposé de supprimer l'article L.315-6 du CESEDA relatif aux obligations prévues pour les titulaires de la carte compétences et talents, ressortissants d'une zone de solidarité prioritaire. Actuellement le CESEDA prévoit que lorsque le titulaire de la carte de séjour "compétences et talents" est ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, il apporte son concours, pendant la durée de validité de cette carte, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.

Sur le second point, il est proposé de « délégaliser » les dispositions pertinentes, la seule disposition législative concernant la commission se trouvant désormais à l’article L. 315-9.

Au demeurant, l'existence de la commission nationale des compétences et des talents, ses modalités de fonctionnement ainsi que son rôle pourrait être élargi à une mission plus générale d'observatoire de l'immigration économique, ce qui sera plus facile à prévoir par la voie réglementaire.

4.3.3. Incidences de la mesure

Les deux modifications du CESEDA présentées assoupliront et simplifieront le dispositif mis en place pour la carte de séjour "compétences et talents", dans le but d’accroître le nombre de titres délivrés, au fur et à mesure de la conclusion des accords de gestion concertée des flux migratoires avec d’autres pays.

4.3.4. Mise en œuvre de la réforme

Si la première modification, relative aux conditions de fond pour la délivrance d’une carte de séjour "compétences et talents" n’appelle aucune mesure d’application particulière, la seconde nécessite l’adoption de mesures réglementaires complémentaires, modifiant le décret n° 2007-372 du 21 mars 2007 dans ses dispositions concernant la fréquence des réunions de la commission (article R. 315-3 du CESEDA)

4.4. Dispositions relatives aux zones d’attente

4.4.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

Délimitation de la zone d’attente

La découverte d’une centaine de migrants kurdes à proximité d’une plage de Corse-du-Sud le 22 janvier 2010 et les difficultés administratives et judiciaires liées au traitement de leur situation ont impliqué une réflexion sur ces situations auxquelles d’autres Etats membres sont régulièrement soumis et qui sont susceptibles de se reproduire en France.

L’autorité administrative avait déjà été confrontée, le 17 février 2001, à l’arrivée sur la côte varoise du cargo East Sea qui transportait un nombre très important de passagers clandestins. La situation de ces personnes ayant été identifiées alors qu’elles se trouvaient encore à bord, l’autorité administrative avait, préalablement à leur débarquement, procédé à la création d’une zone d’attente, les situations individuelles ayant été traitées dans le cadre juridique adapté.

Néanmoins, une fragilité juridique était apparue, dans la mesure où la zone d’attente avait été créée à proximité du lieu de débarquement, ce que ne permettait pas alors l’article 35 quater de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France.

Du reste, le tribunal administratif de Nice a jugé par un jugement du 9 décembre 2005, ANAFE, que l’arrêté préfectoral portant création de la zone d’attente depuis la zone de débarquement jusqu’aux lieux d’hébergement devait être annulé au motif que cette zone d’attente n’était située ni dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international, ni dans un port ou un aéroport.

Le I de l’article 35 quater précité, a été modifié par l’article 50 de la loi n° 2003-1119 en précisant les lieux dans lesquelles une zone d’attente peut être créée, ainsi qu’il ressort ci-après :

Article 35 quater

« I. - L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par arrêté, un port ou à proximité du lieu de débarquement ou un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée (…). »

Mais le dispositif construit lors de ce précédent n’a pu être mis en œuvre lors de la découverte de migrants près de Bonifacio en janvier dernier, dès lors que ces personnes ont été découvertes dans des circonstances révélant manifestement une tentative de franchissement irrégulier de la frontière, sans que les conditions exactes de cette tentative, aient pu être précisément constatées.

Cette récente affaire a mis en lumière une certaine inadaptation de la législation en vigueur et motive des propositions de réforme.

S’agissant d’un « débarquement » de clandestins, la loi en vigueur est peu précise sur la possibilité de placer ces personnes en zone d’attente quand il n’y a aucune certitude sur le moment et le lieu exact de leur arrivée sur le territoire français, en proximité de la frontière. La difficulté est d’ordre chronologique mais aussi de délimitation de la zone d’attente.

Contrôle juridictionnel du maintien en zone d’attente

A l’occasion du contentieux du maintien zone d’attente, il est apparu un développement jurisprudentiel, confirmé par la Cour de cassation (par exemple Cass, civ. 2°, 3 juin 2004 n° 03-50059), selon lequel une personne à laquelle un refus d’entrée a été opposé à la frontière ne devait pas être maintenue en zone d’attente dès lors qu’elle disposait de garanties de représentation.

Reposant sur le principe selon lequel le maintien en zone d’attente en constitue d’une faculté pour l’administration, cette jurisprudence a pour conséquence de priver d’effet la décision de refus d’entrée en permettant l’accès au territoire français d’un ressortissant étranger qui ne remplit aucune des conditions légales pour y accéder (à l’origine du refus d’entrée) dès lors qu’il dispose soit d’une adresse, d’un passeport et d’autres éléments susceptibles de constituer des garanties de représentation. Ce raisonnement semble être transposé de celui applicable en matière de rétention administrative.

Pour redonner toute sa portée à la décision de refus d’entrée, il convient de revenir sur ce développement jurisprudentiel, par l’affirmation du principe selon lequel les règles relatives à l’entrée en France sont distinctes de celles du séjour en France, lesquelles seules font place à la notion de garantie de représentation permettant un maintien sur le territoire français, sur lequel est l’étranger sous le coup d’une mesure d’éloignement.

4.4.2. Description de la réforme proposée

Deux modifications des règles applicables à la zone d’attente sont proposées.

En premier lieu, il est proposé une meilleure prise en compte de cette circonstance particulière que constitue une arrivée massive à une arrivée à la frontière extérieure de l’Union européenne en précisant tout d’abord la délimitation de la zone d’attente qui s’étend actuellement du lieu de débarquement jusqu’au lieu où sont effectués les contrôles.

La notion de « lieu de débarquement » pourrait être actuellement comprise comme ne visant que les lieux prévus à cet effet, comme par exemple les ports, ou les lieux dont il est établi qu’ils constituent le lieu effectif de débarquement des étrangers concernés. Elle est donc complétée par le projet de loi pour permettre que la zone d’attente puisse s’étendre du lieu de découverte de l’étranger à la frontière jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. Le projet de loi explicite ainsi le type de situation rencontré récemment en Corse-du-Sud, dans lequel le lieu de découverte, dont on ne peut que présumer qu’il s’agit du lieu de débarquement, marque le point de départ de la mise en œuvre des procédures légales. Il apporte une plus grande sécurité juridique aux procédures subséquentes.

En second lieu, il est proposé de préciser, dans les règles de niveau législatif du contentieux judiciaire du maintien en zone d’attente, que l’existence de garantie de représentation ne saurait justifier le refus d’un maintien en zone d’attente.

4.4.3. Incidences de la mesure

Cette modification du CESEDA visant à sécuriser les procédures mises en œuvre en cas d’arrivées nombreuses d’étrangers à la frontière et à inscrire dans la loi la nécessité d’une approche pragmatique pour la notification et la prise d’effet des droits devrait permettre de mieux traiter les situations, par nature exceptionnelle, de franchissement irrégulier des frontières extérieurs de l’espace Schengen, en vue de dissuader de telles tentatives.

4.4.4. Mise en œuvre de la réforme

Aucune mesure d’application particulière n’est nécessitée par cette réforme.

4.5. Condition de déclenchement de la procédure prioritaire pour l’examen de la demande d’asile

4.5.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

La procédure prioritaire d’instruction des demandes d’asile sur le territoire, en principe exceptionnelle, est possible dans différentes hypothèses et notamment lorsque l’étranger présente une demande reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures d’asile (article L. 741-4 4° du CESEDA).

Or, il apparaît que des personnes se présentent à l’administration pour demander l’asile sans coopérer, en dissimulant différentes informations les concernant.

Un exemple particulièrement éclairant de cette pratique se trouve dans la pratique de mutilation des empreintes digitales par certains demandeurs d’asile afin d’empêcher que la vérification de leur identité par le système EURODAC soit effectuée. Cette pratique a été censurée par le Conseil d’Etat, qui a considéré qu’il s’agissait d’un cas de fraude à la demande d’asile, justifiant le refus d’admission au séjour et l’examen en procédure prioritaire de la demande d’asile (CE ord. 2 novembre 2009, Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire c/ Mme G., n° 332890).

4.5.2. Description de la réforme proposée

Il est proposé de préciser le 4° de l’article L. 741-4 du CESEDA, en indiquant les comportements susceptibles d’être regardés comme délibérément frauduleux dans la demande d’asile : la dissimulation ou le mensonge sur l’identité et la nationalité, ainsi que sur les modalités d’entrée en France, afin d’induire en erreur les autorités chargées de recevoir la demande d’asile.

Cette proposition est conforme à la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, dite directive "procédure". Celle-ci prévoit en effet en son article 23 la possibilité de soumettre à une procédure prioritaire ou accélérée :

« d) le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité et/ou sa nationalité et/ou l'authenticité de ses documents, en présentant de fausses indications ou de faux documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable, (…)

« f) le demandeur n'a produit aucune information permettant d'établir, avec une certitude suffisante son identité ou sa nationalité, ou s'il est probable que, de mauvaise foi, il a procédé à la destruction ou s'est défait de pièces d'identité ou de titres de voyage qui auraient aidé à établir son identité ou sa nationalité (…) ».

Elle est également conforme à l’esprit du règlement Dublin II, qui régit les règles d’examen de l’asile au sein de l’Union européenne, visant à tenir compte notamment du pays d’entrée dans l’Union du demandeur d’asile pour la détermination de l’Etat responsable de l’instruction de la procédure d’asile.

Cette proposition n'est pas contraire à la convention de Genève sur les réfugiés.

En effet si l'article 31 de la convention prévoit que « Les États contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée (…) entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation (…) », c'est sous la réserve « qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ». Ceci signifie que « l'immunité » dont bénéficient les demandeurs d'asile démunis de documents n'est pas absolue et ne les dispense pas de justifier sans délai des motifs de cette entrée et à fortiori de leur identité.

La formulation retenue est suffisamment générale pour englober à la fois des situations de refus d'informations sur l'identité que des refus de se soumettre de quelque manière que ce soit à des relevés d'empreintes digitales (cette dernière hypothèse étant celle envisagée dans la décision précitée du Conseil d'Etat).

Afin d'encadrer le dispositif, il est prévu un critère intentionnel : le comportement doit être délibéré et avoir pour objet d’induire en erreur les autorités.

4.5.3. Incidence de la mesure

Il ne devrait pas y avoir, compte tenu des termes retenus, d’accroissement du traitement en procédure prioritaire de la demande d’asile.

En tout état de cause, on rappellera que l'application de la procédure prioritaire n'a pas pour objet de rendre la demande d'asile irrecevable, ni de rendre inéligibles les personnes en cause à une protection mais seulement d'adapter les modalités procédurales d'examen des demandes en fonction de leur nature (examen dans des délais courts par l'OFPRA, absence de recours suspensif devant la CNDA…).

4.5.4. Mise en œuvre de la mesure

Aucune mesure particulière d’application n’est nécessaire pour l’application de cette réforme.

4.6. Transfert à l’OFII de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement

4.6.1. Situation actuelle

Comme indiqué supra, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement est due par l'employeur d’un étranger en situation de séjour irrégulier en vertu de l’article L.626-1 du CESEDA.

4.6.2. Description de la réforme proposée :

Il est proposé de modifier les conditions de mise en œuvre de la contribution forfaitaire, ce qui relève de la loi, en transférant la charge de la gestion des procédures et le produit de la contribution à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

L'intérêt de cette mesure est triple.

En effet, elle permet tout d’abord de donner à l'OFII la gestion d'une procédure similaire à celle de la contribution spéciale, dont il est le bénéficiaire, en vertu de l’article L.8253-1 du code du travail (ancien article L. 364-10 du même code), autre amende administrative pour laquelle cet organisme a acquis une expérience affirmée (cf. supra). Il s’agit donc de rationaliser la gestion de ces amendes, dont les faits générateurs sont très proches.

Elle permet de dégager les préfectures de cette charge, qu’elles n’assument qu’avec difficulté.

Enfin, elle réduit le nombre des destinataires des procès-verbaux de travail illégal et à ce titre facilitera également la mise en œuvre des dispositions relatives au « bouclier pénal » prévu au deuxième alinéa de l’article L. 626-1 du CESEDA précité.

4.6.3. Impact de la réforme

Le transfert à l’OFII de la liquidation et du recouvrement de la contribution réacheminement est par conséquent susceptible d’accroître le rendement de la contribution-réacheminement de manière significative et de contribuer ainsi fortement à la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre.

4.6.4. Mise en œuvre de la réforme

Cette nouvelle gestion de la contribution forfaitaire nécessitera de donner à l’OFII l’accès au traitement automatisé des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

4.7. Modification des termes de l’immunité pénale pour l’aide aux étrangers (article L. 622-4 du CESEDA)

4.7.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France actuellement prévu à l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est une incrimination ancienne.

En effet, ce délit a pour origine un décret-loi du 2 mai 1938 relatif à la police des étrangers dont l’article 4 disposait : « Tout individu qui, par aide directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger sera puni d’une amende de 100 à 1000 francs et d’un emprisonnement d’un mois à un an ».

L’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers a repris, sans le modifier, sauf pour le montant de la peine d’amende, le texte de 1938.

Le texte a depuis par la suite été plusieurs fois réformé. Ces réformes ont eu pour objet de durcir les sanctions, et surtout, d’élargir le champ géographique de la perpétration de l’infraction, et de prévoir un champ d’immunité.

La loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 modifiant l’ordonnance du 2 novembre 1945 a complété l’article 21 de l’ordonnance susmentionnée par un alinéa ainsi rédigé : « Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au 1er alinéa du présent paragraphe alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France ».

Au-delà de la zone Schengen, la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration au séjour des étrangers en France et à la nationalité a élargi la commission de l’infraction aux Etats parties au Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre et mer additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

Entre ces deux lois, celle n° 98-349 du 11 mai 1998, dite loi RESEDA, avait prévu d’exempter de sanctions pénales des personnes morales, associations ou fondations dont la liste devait être fixée par un texte réglementaire.

Ces dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-399 DC. Par cette décision, le juge constitutionnel a reconnu qu’il était loisible au législateur de prévoir une immunité pénale au bénéfice de certaines personnes physiques ou morales mais qu’en soumettant à l’appréciation du pouvoir exécutif (en l’espèce le ministre de l’intérieur) la « vocation humanitaire » des associations, notion qui n’est définie par aucune loi, il faisait dépendre l’application de la loi pénale de décisions administratives.

La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 a par ailleurs introduit le principe de l’aggravation de la sanction dans le cas où le délit d’aide à l’entrée et au séjour est commis en bande organisée.

Le texte a également subi des modifications impliquées par la transposition de la directive européenne 2002/90/ CE du Conseil du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier transposée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (loi Perben II)

La directive de 2002 impose (dans son article 1.1) aux Etats membres d’adopter des sanctions à l’encontre de quiconque aide sciemment et, dans un but lucratif, un ressortissant de pays tiers à séjourner illégalement sur le territoire d’un Etat membre.

Elle permet par ailleurs (dans son article 1.2) d’exempter de sanctions pénales soit par la loi soit par la pratique nationale l’aide fournie dans un but humanitaire.

La transposition opérée à l’article 28 de la loi du n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 puis codifiée aux articles L. 622-1 et L. 622-4 du CESEDA a donné lieu à un important débat parlementaire.

En effet, la loi ne reprend pas exactement les termes de la directive relatifs à l’infraction perpétrée dans un but lucratif mais exempte l’aide humanitaire sans contrepartie directe ou indirecte.

Le débat s’est centré sur la nécessité d’une prise en compte plus précise des mobiles humanitaires des personnes morales ou physiques prêtant une aide aux étrangers en séjour irrégulier.

La rédaction retenue par le législateur est celle d’un texte d’équilibre conforme aux principes qui gouvernent le droit pénal en France selon lequel la loi pénale doit être indifférente aux mobiles de l’auteur de l’infraction pour l’établissement de la constitution de cette dernière. Il importe en effet de distinguer l’élément intentionnel de l’infraction qui participe à sa constitution du but ou mobile recherché par la perpétration de celle-ci, qu’il soit lucratif, de recherche d’un profit quelconque, idéologique, voire moral.

C’est au juge de prendre ces mobiles en considération pour l’application de la peine au-delà du constat de l’infraction.

Enfin, les dispositions du CESEDA ont encore été modifiées en 2004 par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui durcit les sanctions contre le délit prévu à l’article L. 622-1 lorsqu’il est commis en bande organisée et prévoit des règles procédurales spéciales.

Ces dispositions ont été déférées au Conseil constitutionnel. La saisine entendait faire valoir l’obscurité de la loi quant à l’infraction de séjour irrégulier commise en « bande organisée ». La décision n° 2004-492 DC du 2 mai 2004 a posé la réserve d’interprétation suivante : « le délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers ». Pour autant, le Conseil constitutionnel s’est borné à rappeler dans la ligne de sa décision de 1998, l’office du juge pénal en la matière auquel le législateur ne saurait se substituer.

La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 (article 41) a apporté des ajustements à l’article L. 622-4.

Pour répondre aux inquiétudes de certaines associations humanitaires sur les conditions d’exercice de leurs missions lorsqu’elles apportent une assistance aux étrangers en situation irrégulière sur notre territoire (distributions de nourriture, soins médicaux, hébergement d’urgence, assistance juridique), le ministre d’Etat, Garde des Sceaux, et le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ont précisé par circulaires au mois de novembre 2010, à l’attention des parquets pour la première et des préfets pour le second, les conditions d’application de l’article L. 622-1 du CESEDA qui permet la répression de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.

4.7.2. Description de la réforme et des objectifs poursuivis

La modification proposée du 3° de l’article L. 622-4 du CESEDA vise à rapprocher la rédaction actuelle de celle de l’article 122-7 du code pénal, lequel dispose : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

Ainsi, au lieu que l’acte humanitaire soit qualifié de « nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger », il doit être nécessaire à la sauvegarde de la personne de l’étranger, ce qui permet de viser au-delà des situations de dangers extrêmes ou les périls quasi-mortels les situations de dénuement auxquels remédient les associations à vocation humanitaire notamment.

4.7.3. Incidences de la mesure

La modification proposée est limitée. Le texte fait en effet toujours fait référence, pour justifier l’intervention humanitaire, à l’exigence d’un danger actuel ou imminent et au caractère proportionné de l’intervention.

Cette modification vise à une mise en cohérence du texte avec la pratique et avec l’article 122-7 du code pénal sur l’état de nécessité qui exclue la responsabilité pénale en cas de « sauvegarde de la personne » (la notion est déjà connue et elle est restrictive).

4.7.4. Mise en œuvre de la réforme

Aucune mesure particulière d’application n’est nécessaire pour cette réforme.

4.8. Dispositions relatives à la nationalité française

A l’issue du séminaire gouvernemental sur l’identité nationale qui s’est tenu le 8 février 2010, diverses propositions tendant à modifier le droit de la nationalité et de l’intégration, notamment en ce qui concerne l’accueil des nouveaux Français, font l’objet d’articles inscrits dans le présent projet de loi.

4.8.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

Les voies d’accès à la nationalité française.

Les voies d’accès à la nationalité sont aujourd’hui les suivantes :

- par la filiation,

- par le mariage,

- par la naissance et la résidence en France,

- par déclaration,

- par décision de l’autorité publique.

Acquisition de plein droit

La nationalité française est acquise de plein droit soit à la naissance, soit à la majorité. Elle l’est à la naissance :

- pour l'enfant né en France ou à l'étranger dont l’un au moins des parents est français (droit du sang),

- pour l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né (double droit du sol),

- pour l'enfant né en France de deux parents apatrides (simple droit du sol).

Elle l’est à la majorité pour l'enfant né en France de deux parents étrangers : l’article 21-7 du code civil soumet l’acquisition de plein droit à sa majorité à la condition d’une résidence continue ou discontinue en France de 5 années dès l'âge de 11 ans. Toutefois, le mineur a la possibilité d'acquérir la nationalité française par anticipation en souscrivant une déclaration dès l’âge de 13 ans (voir ci-dessous).

L’acquisition de plein droit est constatée par la délivrance d’un certificat de nationalité française délivré par le juge d’instance.

Acquisition par déclaration

L’acquisition de la nationalité française, qui n’est pas de plein droit, est principalement le fait des conjoints de ressortissants français.

L'étranger marié à un ressortissant français peut obtenir la nationalité française par déclaration quatre ans après le mariage. Il doit notamment pouvoir justifier d’une communauté de vie affective et matérielle et d’une connaissance suffisante de la langue française.

La déclaration souscrite auprès du juge d'instance ou du consul de France est transmise au ministre chargé des naturalisations qui l'instruit et l'enregistre lorsqu'elle satisfait aux exigences légales. Cet enregistrement est, en principe, de droit lorsque les conditions sont réunies ; mais une opposition à l'acquisition de la nationalité française pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à la communauté française peut intervenir par décret pris après avis du Conseil d'Etat, conformément aux dispositions de l’article 21-4 du code civil.

Outre l’allongement de l’ancienneté du mariage requise et de la durée de communauté de vie exigée, la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 a introduit de nouvelles dispositions.

Au titre des faits constitutifs du défaut d’assimilation, sont désormais particulièrement visées la situation effective de polygamie du conjoint étranger ou sa condamnation au titre de violences ayant entraîné la mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de quinze ans.

Le délai pendant lequel le gouvernement peut s’opposer, par décret en Conseil d’Etat, à l’acquisition de la nationalité française par mariage a été porté de un à deux ans.

Acquisition par décision de l’autorité publique

Toute personne étrangère majeure possédant un titre de séjour peut déposer une demande de naturalisation française par décret auprès des services de la préfecture du lieu de son domicile qui constituent le dossier avant de le transmettre au ministre chargé des naturalisations pour décision.

Certaines conditions doivent être remplies, comme résider en France de manière habituelle et continue avec sa famille (conjoint, enfants mineurs...) depuis 5 ans, être assimilé à la société française (notamment par une connaissance suffisante de la langue française et une connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française), être de « bonnes vie et mœurs », (cette condition donne lieu à une enquête administrative aux fins de déterminer la loyauté du postulant, exempt de manœuvres frauduleuses, vis-à-vis des institutions) et ne pas avoir fait l’objet de certaines condamnations définies à l’article 21-27 du code civil.

L’article 21-18 du code civil énumère les catégories d’étrangers bénéficiant d’une réduction à deux ans de la durée de stage de cinq années prévue à l’article 21-17 et normalement requise pour l’accès à la nationalité française par décision de l’autorité publique (naturalisation par décret)

Dans le souci de s’assurer des conditions d’intégration et d’assimilation à la communauté française des candidats à la naturalisation, la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 a prévu une réduction des cas où les candidats à la naturalisation peuvent être dispensés de la condition de résidence de cinq ans.

Cette dispense est notamment supprimée pour :

- l’enfant mineur resté étranger bien que l’un de ses parents ait acquis la nationalité française : tout enfant dont le nom ne figure pas dans le décret de naturalisation ou dans le décret de rectification d’erreur matérielle est désormais soumis à condition de stage ; l’effet collectif de la naturalisation joue de manière stricte ;

- le conjoint et l’enfant majeur d’une personne qui acquiert ou a acquis la nationalité française ;

- le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et Etats sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle.

Durée du stage

Situation

5 ans

(article 21-17

du code civil)

Droit commun

2 ans

(article 21-18

du code civil)

Deux années d'études supérieures en vue d'acquérir un diplôme délivré par une université ou un établissement d'enseignement supérieur français

Services importants rendus ou pouvant être rendus à la France

Dispense

(articles 21-19

et 21-20

du code civil)

Services militaires dans une unité de l'armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées

Services exceptionnels rendus à la France ou intérêt exceptionnel pour la France

Réfugié reconnu par l'OFPRA

Appartenance à l'entité culturelle et linguistique française

La réintégration dans la nationalité française concerne des personnes qui établissent avoir été françaises et avoir perdu pour divers motifs cette qualité. Elle obéit pour l'essentiel aux mêmes règles que la naturalisation hormis la condition de durée de résidence.

Si une des conditions de recevabilité de la demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française n'est pas satisfaite, le ministre chargé des naturalisations est tenu de refuser la nationalité française.

En outre, lorsque les conditions de recevabilité sont remplies, le ministre dispose en principe d'un pouvoir discrétionnaire pour décider en opportunité d’accorder ou non la nationalité française.

Toute décision défavorable (irrecevabilité, ajournement, rejet) doit être motivée et notifiée au demandeur qui peut exercer les voies de recours ordinaires en matière administrative.

Effets de l'acquisition de la nationalité française

Lorsqu'un parent acquiert la nationalité française, l'enfant mineur non marié du bénéficiaire devient également français de plein droit à la condition qu’il réside avec l'acquérant de façon habituelle (ou de façon alternée en cas de séparation des parents) et que son nom soit mentionné dans le décret ou la déclaration de nationalité. L'enfant mineur bénéficie alors d'un "effet collectif".

Une demande de francisation du nom et/ou du prénom peut être formulée à l'occasion d'une demande d'acquisition de la nationalité française, ou dans l'année qui suit l'acquisition. Cette mesure vise à faire perdre au nom et/ou prénom sa consonance étrangère. La francisation du nom s'étend de plein droit aux enfants mineurs du bénéficiaire.

L’accueil dans la citoyenneté française 

L’acquisition de la nationalité française constitue une étape majeure dans le parcours d’intégration d’un étranger à la communauté nationale. Il est apparu essentiel que cet événement soit souligné par une manifestation solennelle et symbolique d’accueil dans la citoyenneté française.

Aux termes de la loi du 24 juillet 2006, la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française est étendue à l’ensemble des personnes acquérant la nationalité française, quel que soit le mode d’acquisition (décret, déclaration ou de plein droit). Jusque là, seules étaient concernées les personnes devenues françaises par naturalisation.

En outre, la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a introduit dans le code du travail un article L. 3142-116 qui institue le droit pour tout salarié invité à la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française à bénéficier d’un congé (non rémunéré) d’une demi-journée.

Le nombre de personnes qui acquièrent la nationalité française est relativement stable :

Acquisition par décret et par mariage

Années

Décrets (*)

Déclarations (*)

Total

2003

77 102

30 922

108 024

2004

99 368

34 440

133 808

2005

101 785

21 527

123 312

2006

87 878

29 276

117 154

2007

69 831

30 989

100 820

2008

91 918

16 213

108 131

2009

91 948

16 355

108 303

(source : MIIINDS)

(*) ces chiffres comprennent les enfants mineurs bénéficiant de l’accès à la nationalité française par effet collectif de celui d’un de leurs parents

Acquisition par déclaration autre que le mariage

Année 2008

Déclarations d'acquisition anticipée

Article 21-11 al. 1

(16-18 ans)

Article 21-11

al. 2

(13-16 ans)

Fondement non déclaré

Total

Autres acquisitions hors mariage

Pertes et renonciations

Total des déclarations

France

5952

20287

215

26454

1600

39

28093

dont enregistrées

5710

19720

209

25639

1347

33

27019

(source : DACS)

Un bilan des cérémonies établi, il y a deux ans, sur la base d’une enquête auprès des préfectures indique que ces cérémonies sont organisées dans chaque préfectures et, complémentairement, au niveau des sous-préfectures dans 46% des départements. Le rythme d'organisation des cérémonies est majoritairement semestriel (38% des départements) ou trimestriel (34% des cas). Il est dans 20 % des cas mensuel et dans 4 % des cas hebdomadaire. Le public invité aux cérémonies est constitué de la totalité des nouveaux Français ayant acquis la nationalité par voie de naturalisation et, dans les trois quarts des départements, des nouveaux Français ayant acquis la nationalité par voie du mariage (déclaration) et des jeunes majeurs, nés en France de parents étrangers, et devenus Français. Les communes semblent, dans leurs demandes, favoriser les cérémonies pour les nouveaux Français.

En outre, une enquête intitulée « L’acquisition de la nationalité française dans le parcours d’intégration » faite par questionnaire effectuée en 2007 auprès de 500 personnes, suivie de 40 entretiens approfondis, a donné les informations suivantes.

Toutes les personnes interrogées n’ont pas bien appréhendé la nature et la finalité de la convocation à la cérémonie. La découverte de leur méprise s’accompagne souvent du regret de ne pas s’être préparés à l’événement. Malgré cela, plus de 8 naturalisés sur 10 y voient un moment inoubliable. Tous soulignent la convivialité, la chaleur et l’aptitude des organisateurs à « mettre les gens à l’aise ».

Plus concrètement, l’évocation des valeurs de la France constitue de loin, le moment le plus fort de la cérémonie. La qualité des orateurs et des propos tenus a souvent impressionné dans la mesure où ils prenaient le contre-pied des discours généralement stéréotypés associés aux étrangers.

Plus les participants valorisent l’acquisition de la nationalité française, plus ils aspirent à ce que la cérémonie présente un caractère solennel.

En outre, au regard de la même étude, il semble que les motivations soient diverses :

- 73% des individus font un raccourci entre citoyenneté et droit de vote ; la référence au concept de légitimité est omniprésente.

- 61 % disent avoir été « élevés dans la culture française » et 60 % parce qu’ils « aiment la culture française » ;

- 59 % des personnes interrogées rappellent que tout ce qui compte pour eux (travail, famille, amis, logement...) est en France. Ils se sentent « naturellement » «  à leur place » ou « chez eux » dans la commune française où ils résident et ne se voient pas vivre ailleurs qu’en France ».

4.8.2. Description de la réforme proposée

Diagnostic

Plusieurs points font aujourd’hui l’objet de difficultés auxquelles il est souhaité remédier.

Il apparaît tout d’abord que certaines personnes peuvent avoir un parcours ou une situation d’intégration exceptionnels les amenant à l’assimilation visée par le code civil et remplir toutes les conditions de recevabilité pour l’accès à la nationalité française à l’exception de la condition de stage de cinq ans. Pour faciliter leur accès à notre nationalité et ainsi faire bénéficier notre pays de l’apport de personnalités avant qu’elles ne se tournent vers d’autres pays d’accueil, il est souhaité pouvoir réduire le délai de stage, sans pour autant le supprimer. Il paraît en effet nécessaire d’avoir un délai minimum pour apprécier la réalité et de l’intégration d’une personne par une certaine stabilité de sa situation personnelle et matérielle.

La condition de stage vise, outre à donner à l’administration la capacité d’information nécessaire à l’établissement de son appréciation quant à l’opportunité d’accorder la nationalité française, à permettre au postulant d’avoir le temps d’apprendre et de connaitre notre langue et notre pays avant d’en devenir citoyen.

Les dispenses de stage concernent dès lors les personnes qui ont acquis autrement ces connaissances (pays ou scolarité francophones), celles qui ne peuvent repartir dans leur pays d’origine (réfugiés), ou celles qui, même non francophones, se sont signalées par leur engagement envers notre pays par le service dans l’armée française, compte tenu des risques liés à l’engagement physique et aux dangers qu’il implique. Ces dispenses jouent sans préjudice des autres conditions dont l’administration doit contrôler la réalisation..

La réduction de stage, quant à elle, vise des personnes qui ont engagé avec succès leur parcours dans un établissement d’enseignement supérieur ou ont été ou seront utiles à notre pays par leurs qualités spécifiques.

On notera que les différentes modalités de naturalisation à titre exceptionnel (réduction du stage à deux ans pour celui qui a rendu ou peut rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France prévue au 2° de l’article 21-18, dispense de ce stage pour l’étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel prévue au 6° de l’article 21-19, naturalisation pouvant être accordée sur proposition du ministre des affaires étrangères à tout étranger francophone qui contribue par son action émérite au rayonnement de la France et à la prospérité de ses relations économiques internationales prévue à l’article 21-21) ne représentent chacune que quelques unités par an.

Par ailleurs, il est fréquent que les postulants à la nationalité française connaissent suffisamment notre langue et nos institutions. Pour autant, cela ne veut pas dire que, dans certains cas, ils aient réellement ou totalement adhéré aux valeurs et devoirs conférés par la nationalité française. Les constats faits lors des décrets d’opposition ou rapportant la nationalité française montrent que pour certains postulants, la nationalité est autant, voire plus une opportunité personnelle qu’une entrée dans la communauté nationale. Ainsi, si pour trois quarts des individus (étude sur 500 cas en 2007), la toute première motivation à l’acquisition de la nationalité française est le droit de vote (73 %), 13 % des bénéficiaires la considèrent encore comme une formalité simplement de facilitation administrative.

Pour ce qui est des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française auxquelles sont invitées les personnes ayant acquis la nationalité française, la participation à cette cérémonie ne présentant aucun caractère obligatoire, quel que soit le mode d’acquisition de la nationalité, il a été noté en 2007 que les préfectures pouvaient avoir des pratiques divergentes. Si la totalité des personnes naturalisées par décision de l’autorité publique étaient déjà invitées, l’organisation des cérémonies reste relativement hétérogène.

Enfin, sur un plan moins symbolique que pratique, l’article 26-3 du code civil octroie un délai d’un an au ministre chargé des naturalisations, à compter de la date de remise du récépissé de souscription au demandeur, pour refuser d’enregistrer une déclaration d’acquisition de la nationalité française à raison du mariage avec un conjoint français, alors même que le Gouvernement peut, aux termes de l’article 21-4 du code civil, s’opposer, par décret en Conseil d’Etat, pour indignité ou défaut d’assimilation autre que linguistique, à l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage dans un délai de deux ans à compter de la délivrance de ce même récépissé.

Le Conseil d'Etat, dans ses formations consultatives, a plusieurs fois appelé l'attention du Gouvernement sur l'insécurité juridique née de ce que la procédure d’opposition peut se poursuivre dans la limite du délai de deux ans prévu à l'article 21-4 du code civil alors même que le délai d'enregistrement (ou de refus d'enregistrement) de la déclaration, demeuré fixé à un an par l'article 26-3 du code civil, a expiré avant avec toutes les conséquences de droit qui en découlent, le déclarant étant réputé avoir acquis la nationalité française. Pour remédier à cette situation tout en permettant au Gouvernement de disposer du délai supplémentaire d'instruction qu'a souhaité le législateur en introduisant le délai de deux ans par l'article 80 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, une disposition législative doit prévoir les conditions dans lesquelles, en cas de mise en œuvre de la procédure d'opposition, le délai de refus d'enregistrement (et donc d'enregistrement) prévu au dernier alinéa de l'article 26-3 du code civil se trouve prolongé.

Description des objectifs poursuivis

Il est nécessaire de modifier le code civil, dans sa partie législative, pour faire évoluer les règles en matière de nationalité car, s’agissant du droit des personnes, celles-ci doivent être garanties par la loi.

Ainsi, déjà, les dispositions du décret du 30 décembre 1993 ne régissent que les procédures d’acquisition de la nationalité.

Les modifications proposées visent trois objectifs.

- Premier objectif : reconnaître les parcours exceptionnels d’intégration de certaines personnes dans notre société

Il est proposé de modifier l’article 21-18 du code civil pour faciliter l’accès à la nationalité française aux étrangers se signalant par le caractère exceptionnel de leur intégration, en diminuant de cinq à deux ans la durée de résidence en France requise préalablement à la demande de naturalisation.

- Deuxième objectif : mieux formaliser l’adhésion du postulant à la nationalité française aux valeurs de notre pays :

A cette fin, deux modifications sont proposées :

- d’une part, il est souhaité une modification de l’article 21-24 du code civil en vue de faire de l’adhésion aux droits et devoirs du citoyen français, et non plus de leur seule connaissance, un élément d’appréciation de l’assimilation du postulant à l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique, cette adhésion devant être désormais de surcroît formalisée, au cours de l’entretien d’assimilation conduit en préfecture, par la signature de celui ou celle souhaitant obtenir la faveur de rejoindre notre communauté nationale de la nouvelle charte des droits et devoirs du citoyen français proposée dans le projet de loi ;

- d’autre part, l’article 21-28 du même code est modifié en vue de rendre plus solennelle la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française, en prévoyant qu’à l’occasion de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté, les participants puissent se voir remettre la charte des droits et devoirs du citoyen français.

- Troisième objectif : harmoniser les délais concernant la mise en cause ou remise en cause des procédures d’acquisition de la nationalité » par mariage :

L’article 26-3 du code civil est modifié pour porter à deux ans le délai d’enregistrement des déclarations de nationalité souscrites en raison du mariage avec un conjoint français dans le cas où la procédure d’opposition par décret en Conseil d’Etat, prévue à l’article 21-4 du code civil. Il s’agit d’une mesure de nature technique destinée à assurer l’articulation entre le délai d’un an à compter de la délivrance du récépissé de souscription dans lequel le ministre chargé des naturalisations peut refuser l’enregistrement et le délai de deux ans à compter de cette même délivrance dans lequel le Gouvernement peut s’opposer à l’enregistrement par décret en Conseil d’Etat.

4.8.3. Incidences des réformes

Réduction de la durée de stage par modification de l’article 21-18 du code civil :

Par sa nature même, cette nouvelle mesure s’appliquera de manière exceptionnelle.

L'estimation du nombre de personnes qui pourraient relever du nouveau 3° de l'article 21-18 du code civil est difficile puisque nous ne disposons pas d’outils statistiques pour identifier le nombre de personnes ayant relevé des autres dispositions existantes faisant référence à des capacités ou des talents particuliers des demandeurs (2° de l'article 21-18, 6° de l'article 21-19 et article 21-21).

Il est toutefois possible d’estimer que ces dispositions ne concernent que quelques unités par an.

Charte des droits et devoirs (modification de l’article 21-24)

L’adhésion aux droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que l’engagement de signer la charte des droits et devoirs du citoyen français par les personnes sollicitant l’acquisition de cette nationalité par décision de l’autorité publique ne devraient pas avoir d’impact substantiel sur l’activité de l’administration.

Il en va de même en ce qui concerne la nouvelle modalité de déroulement de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté avec la remise de la charte des droits et devoirs du citoyen français. D’ores et déjà, comme mentionné supra, l'article L. 3142-116 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 64 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, autorise le salarié bénéficiaire de la nationalité à s'absenter, pour un congé non rémunéré d'une demi-journée, quand il est convié à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté.

Modification de l’article 26-3 du code civil

La mesure technique de modification de l’article 26-3 du code civil n’a d’autre but quant à elle que l’amélioration de la qualité du droit telle que précédemment décrite.

4.8.4. Mise en œuvre

Les nouvelles dispositions sont suffisamment explicites pour ne pas nécessiter de textes réglementaires d’application. Tel est déjà le cas des dispositions existantes en matière d’acquisition de la nationalité française puisque le décret du 30 décembre 1993 est un texte ne portant que sur les procédures. Le contenu de la nouvelle charte des droits et devoirs sera cependant fixé par décret en Conseil d’Etat.

Mise en œuvre par l’administration

En ce qui concerne les cérémonies d’accueil dans la nationalité française, le bilan de 2007 indiquait que toutes les préfectures les organisaient. Le projet de loi, en ce qu’il invite les nouveaux Français à recevoir la charte des droits et devoirs du citoyen français, ne devrait pas avoir d’impact significatif sur la charge de travail des services préfectoraux qui les organisent.

Mise en œuvre dans le temps

S’agissant de la date d'application des mesures relatives aux naturalisations :

- la possibilité d'appliquer la nouvelle mesure pour réduire à deux ans la durée de stage au bénéfice de "l'étranger qui s'est signalé par le caractère exceptionnel de son intégration" (article 65-1) pourrait être envisagée, s'agissant d'une mesure favorable aux postulants et puisqu'il n'est pas prévu de décret d'application, dès la promulgation de la loi aux demandes de naturalisation n'ayant pas encore donné lieu à une décision, et donc toujours en cours d'instruction ; en tout état de cause, la mise en œuvre de cette nouvelle mesure nécessitera préalablement l’élaboration d’instructions claires à destination des préfectures qui, à partir du 1er juillet 2010, seront en charge de proposer les naturalisations par décision de l’autorité publique, éventuellement en intégrant une réduction de stage ;

- s’agissant de la vérification que le postulant à la naturalisation non seulement connaît les droits et devoirs du citoyen, mais également adhère à ces derniers est subordonné à la rédaction de la charte des droits et devoirs du citoyen français, qui sera approuvée par décret en Conseil d’Etat ; il en va de même pour le remise de la charte lors de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté ;

Pour ce qui est la modification tendant à porter à deux ans le délai d'enregistrement d'une déclaration par mariage dès lors qu'une procédure d'opposition est engagée, il ne sera appliqué, dans le respect du principe de non rétroactivité, qu'aux déclarations par mariage souscrites postérieurement à la publication de la loi, d'où l'effet de décalage dans le temps de l'application effective de cette disposition législative.

Mise en œuvre de la réforme en outre-mer

Ces dispositions s’appliqueront outre-mer.

4.9. Dispositions relatives à l’intégration des étrangers en France

4.9.1. Contexte de la réforme et situation actuelle

Le contrat d’accueil et d’intégration

La loi du 24 juillet 2006 a prévu que l'intégration républicaine d'un étranger dans la société française est appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française.

L'article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit que « l’étranger admis pour la première fois au séjour en France (…) et qui souhaite s’y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française. A cette fin, il conclut avec l’Etat un contrat d’accueil et d’intégration (…) » (art. 5 de la loi du 24 juillet 2006).

L’article L. 311-9 du CESEDA précise ainsi que le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) est présenté à l’étranger « dans une langue qu’il comprend ». Par sa signature, l’étranger « s’oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique ». La connaissance du fonctionnement des institutions et des services publics, des lois, principes et valeurs de la République et une connaissance suffisante du français constituent en effet les bases de tout parcours d’intégration.

A ce titre, l’Etat offre les prestations suivantes :

- une formation civique, avec si nécessaire la participation d’interprètes, d’une journée qui comporte la présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité, l’Etat de droit, les libertés fondamentales, la sûreté des personnes et des biens ;

- une formation linguistique qui a pour objectif l’obtention du diplôme initial de langue française (DILF). Cette formation est d’une durée et d’une intensité variables selon les besoins de l’étranger. Elle peut aller jusqu’à 400 heures, la moyenne actuellement constatée étant de 290 heures ;

- une « session d’information sur la vie en France », dispensée sur une demi- journée et destinée à sensibiliser les nouveaux arrivants, qui l’ignorent, au fonctionnement de la société française et à leur présenter, au cours d’ateliers thématiques, les principaux services publics, notamment la santé et la protection sociale, l’école et les modes de garde des enfants, la formation et l’emploi, le logement. 36% des signataires du CAI  en bénéficient;

- un bilan de compétences professionnelles en vue de permettre aux signataires du contrat d’accueil et d’intégration de valoriser leurs qualifications, expériences et compétences professionnelles dans le cadre d’une recherche d’emploi ;

- un accompagnement social si la situation personnelle ou familiale du signataire le justifie (3,2% des signataires).

Dans cette perspective, la signature du contrat a été rendue obligatoire à compter du 1er janvier 2007.

L’article L. 311-9 du CESEDA prévoit à son troisième alinéa que « Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, l'autorité administrative tient compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration. ».

L’obligation de signer un CAI a été étendue aux étrangers qui « entre[nt] régulièrement en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans » ; dans ce cas, le contrat doit être cosigné par le représentant légal de l’étranger, lui-même régulièrement admis au séjour en France.

Enfin, la loi offre à l’étranger qui n’a pas conclu un CAI lorsqu’il a été admis pour la première fois au séjour en France, la possibilité de signer un tel contrat sans que cela ait une conséquence en cas de non réalisation. Elle prévoit, en revanche, que les étrangers ayant effectué leur scolarité dans un établissement secondaire français à l’étranger pendant au moins trois ans et ayant suivi des études supérieures d’une durée au moins égale à une année, sur présentation de documents attestant de la réalité de ces études, sont dispensés de la signature de ce contrat (art. R. 311-19 du CESEDA).

Les prestations associées au CAI sont, depuis le 1er janvier 2007, mises en place et financées par l'Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), devenue Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en 2009. Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement.

Le CAI est conclu pour une durée de 12 mois. Il peut être prolongé dans la limite d'une année supplémentaire, notamment pour permettre au migrant de terminer son parcours d’apprentissage du français. Des bilans de réalisation sont effectués à 6 mois, 12 mois et éventuellement 18 mois. Si toutes les formations et prestations prévues ont été suivies, le contrat est clôturé positivement. Dans le cas contraire, il fait l’objet d’une proposition de clôture négative adressée au préfet qui apprécie la pertinence du renouvellement du premier titre de séjour.

Opérationnel sur l’ensemble du territoire métropolitain, le CAI a été étendu, dans le courant de l’année 2008, à tous les départements d’outre-mer : Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane, ce qui porte à 100 les départements couverts par le dispositif.

En 2009, 97 736 CAI ont été signés, avec une répartition entre 52 % de femmes et 48 % d’hommes. Les pays du Maghreb représentent 37,2 % des signataires. Viennent ensuite la Turquie (5,6 %) et le Mali (5,2 %). Les membres de familles de Français représentent 48,8 % et les personnes venant au titre du regroupement familial 8,5 %. 22,3 % des signataires se sont vu prescrire une formation linguistique et 15 101 personnes ont réussi le diplôme initial en langue française.

Prise en compte de l’intégration dans la délivrance de la carte de résident

L’article  L. 314-2 du CESEDA prévoit que la carte de résident, valable dix.ans, peut être délivrée, soit de plein droit aux étrangers qui disposent de certains liens familiaux avec un Français ou qui ont été admis au statut de réfugié (article L. 314-11), soit, à la décision des autorités préfectorales, aux étrangers qui justifient d’une résidence non interrompue d’au moins cinq années en France et qui démontrent leur volonté de s’insérer dans notre société (article L. 314-8).

La délivrance d’une carte de résident en application des articles L. 314-8 et L. 314 9 du CESEDA est subordonnée, depuis la loi du 26 novembre 2003, à une condition d’intégration républicaine de l’étranger, appréciée en particulier au regard de sa connaissance de la langue française et des principes qui régissent la République française. Ainsi, lorsque la délivrance d’une première carte de résident est subordonnée à l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, il est tenu compte de la souscription et du respect du contrat d’accueil et d’intégration (article L. 314-2 du CESEDA65).

L’article  L .314-2 du CESEDA prévoit, à son 1er alinéa, que, lorsque des dispositions législatives le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française et que pour l'appréciation de cette condition d'intégration, l'autorité administrative tient compte de la souscription et du respect, par l'étranger, de l'engagement défini à l'article L. 311-9 et saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside.

Au total, il y a eu 19 796 cartes de résident délivrées en 2008, dont 8 888 au titre de personnes entrées au titre de migrations familiales.

4.9.2. Description de la réforme envisagée

Diagnostic

Plusieurs points font l’objet de besoins de clarification.

Concernant le respect du contrat d’accueil et d’intégration, la logique d’intervention qui vise notamment à faire respecter les stipulations du contrat d’accueil et d’intégration par son bénéficiaire concerne tout d’abord la nécessité pour lui d’en tirer les éléments de compréhension de la société française pour qu’il puisse s’y intégrer, s’agissant notamment des migrants familiaux qui n’auront pas de réseau sociaux préétablis pour les guider. Il est également attendu de cette compréhension le respect de nos valeurs fondamentales, à défaut d’adhésion préalable, dans leur vie et celle de leurs enfants. Or, on note encore un certain absentéisme aux formations dispensées gratuitement dans le cadre du CAI. Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que, pour l’étranger, ce contrat n’implique pas seulement une participation académique aux sessions de formation mais aussi un engagement personnel au respect des règles qui régissent notre société.

Il est également nécessaire d’optimiser les crédits publics mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour réaliser cet objectif. En effet, l’OFII dépense une cinquantaine de millions d’euros par an pour mener à bien cette mission, financés, outre une subvention de l’Etat de 15 M € inscrite en loi de finances initiale pour 2010, par des recettes propres perçues lors de l’attribution des titres de séjour ou de l’embauche de travailleurs étrangers par les entreprises.

D’autre part, le 1er alinéa de l’article  L.314-2 du CESEDA comporte de fait tous les éléments d’appréciation nécessaires pour vérifier la bonne intégration du demandeur d’une carte de résident avant de faire éventuellement droit à sa demande, mais la rédaction du second alinéa de cet article semble lier l’appréciation de la condition d‘intégration au seul respect du contrat d’accueil et d’intégration. Or, lorsque l’examen de la délivrance de la carte de résident intervient, ce dernier est déjà ancien puisqu’il intervient dans l’année de l’arrivée du migrant sur notre territoire. Par ailleurs, le contrat d’accueil et d’intégration n’a été généralisé à l’ensemble du territoire métropolitain qu’en 2006. Cette condition ne peut donc actuellement être remplie par la plupart des demandeurs.

Objectifs poursuivis

1) La modification de l'article L.311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) vise à préciser au regard de quels critères le respect des stipulations du contrat d’accueil et d’intégration souscrit par l’étranger doit être évalué pour une meilleure prise en compte de ses objectifs par les migrants primo-arrivants.

En outre, ces précisions sont utiles à l’OFII pour évaluer les difficultés alléguées par les signataires du CAI qui ne satisfont pas aux conditions prescrites par le CAI et aux préfets pour fonder leur éventuelle décision de ne pas renouveler le premier titre de séjour des migrants pour les mêmes raisons.

2) La modification du 1er alinéa de l’article  L.314-2 du CESEDA  est nécessaire pour rectifier par voie législative sa rédaction pour que l’appréciation de la condition d’intégration ne se limite pas au seul respect d’un contrat d’accueil et d’intégration.

Nécessité de légiférer

1) Modification de l'article L.311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) relatif au le contrat d’accueil et d’intégration 

Une autre option serait de ne pas préciser par la loi les critères d’appréciation du respect du CAI ou de les préciser par décret. Il faut cependant noter que, concernant le CAI, les principales dispositions, y compris les formations y figurant, sont fixées au niveau législatif. Par ailleurs, il est nécessaire de donner un poids important à des dispositions qui ont potentiellement un impact sur le droit au séjour des étrangers.

Il n’y a donc pas de difficulté particulière à une telle disposition législative.

2) Modification de l’article  L.314-2 du CESEDA précisant les conditions d’intégration pour obtenir la carte de résident

Faute de procéder à cette rectification, l’ordre juridique actuel encadre la compétence du préfet d’une condition peu pertinente. En effet, d’ores et déjà, les préfets ne peuvent se limiter au seul contrôle du respect du CAI puisque, celui-ci n’ayant été généralisé qu’en 2006, la plupart des demandeurs ne remplissent aujourd’hui pas cette condition.

4.9.3. Impact de la réforme

1) Modification de l'article L.311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA)

Dès lors qu’une meilleure assiduité aura été obtenue pour le suivi des formations, notamment linguistique, il sera possible d’avoir plus souvent au plan local des groupes de formation de taille suffisante et, ainsi, d’obtenir des économies d’échelles permettant des économies financières pour l’OFII.

Par ailleurs, amener toutes les personnes primo-arrivantes aux connaissances de base qui régissent notre société et facilitent leur intégration, notamment en matière de langue française qui est l’apprentissage le plus long (moyenne de 290 heures) et astreignant pour ces personnes et dont elles auraient plus facilement tendance à s’en abstraire sans raison légitime, garantit une meilleure efficience des politiques publiques en matière d’intégration.

2) La modification de l’article  L.314-2 du CESEDA n’aura pas d’impact particulier en terme de charges administratives.

4.9.4. Présentation de la mise en œuvre et du suivi de la réforme

1) Les modifications de l'article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) relatif au contrat d’accueil et d’intégration ne nécessitent pas de texte réglementaire d’application.

Par ailleurs, le suivi de la mise en œuvre et du respect par les bénéficiaires de leurs obligations est effectué informatiquement par l’OFII qui tient, par bilans semestriels, le préfet informé de l’assiduité des signataires de chaque département aux formations.

2) S’agissant d’une rectification de rédaction, la modification de l’article  L. 314-2 du CESEDA ne nécessitera pas de modalités spécifiques de mise en œuvre.

4.10. Pénalisation des infractions liées aux obligations de faire accepter chaque sous-traitant et agréer ses conditions de paiement par le maître d'ouvrage

Dans un souci de rendre l'application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance effective, il a été décidé de créer l'article L.8271-1-1 dans le code du travail permettant de sanctionner pénalement le cocontractant qui n'aurait pas respecté les dispositions de l'article 3 de la loi précitée, à savoir l'obligation pour celui-ci de faire accepter, par le maître de l'ouvrage, chaque sous-traitant et agréer ses conditions de paiement.

La proposition vise à sanctionner par une amende de 7500 euros l'entrepreneur principal qui n'aura pas rempli cette obligation, et ainsi aura fait intervenir un sous-traitant sans que le maître d'ouvrage en ait eu connaissance.

Même si cette mesure ne concerne pas la transposition d'une disposition de la directive, elle trouve toute sa place dans le projet de loi dans la mesure où son objectif est de responsabiliser les donneurs d'ordre et les maîtres d'ouvrages, publics et privés, en matière de sous-traitance, et notamment aux risques du travail illégal dans un secteur particulièrement atteint par cette fraude. Elle vise à une plus grande vigilance de leur part.

5. CONSULTATIONS MENÉES

AVANT LA SAISINE DU CONSEIL D’ÉTAT

5.1. Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a également été consulté, pour avis, sur les travaux de transposition de la directive « sanction », notamment concernant la consignation et le versement des sommes dues à l'étranger sans titre et le transfert de la contribution forfaitaire, sujets qui les concerneront directement.

Il a également été consulté pour avis, s’agissant de la transposition de la directive « carte bleue », sur l’opportunité de maintenir la procédure d'introduction.

5.2. Réunions du comité de contact à Bruxelles

Le comité de contact s’est réuni les 8 mai 2009, 18 septembre 2009, 12 octobre 2009, 20 novembre 2009, 18 décembre 2009 et 11 février 2010.

5.3. Commission nationale de la négociation collective

La commission nationale de la négociation collective a été consultée conformément à l’article L. 2271-1 du code du travail concernant les dispositions 53, 54 et 64 du projet de loi. Elle a rendu un avis défavorable lors de la séance du 4 mars 2010.

5.4 Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Conformément aux dispositions de l’article L. 532-1 du code de justice administrative, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a été saisi du projet de loi sur lequel il a rendu un avis favorable le 16 février 2010.

6. MISE EN ŒUVRE, SUIVI ET ÉVALUATION

6.1. Directive « Carte Bleue »

La mise en œuvre des dispositions législatives adoptées aux fins de transposer la directive "carte bleue" conduira à l'adoption de deux décrets en Conseil d'Etat destinés à modifier d'une part le CESEDA, d'autre part le Code du travail.

6.1.1. Les modifications du CESEDA

Le premier décret introduira des dispositions nouvelles et procèdera à la modification d'articles existants. L'ensemble couvrira aussi bien le cas où le ressortissant étranger présente sa première demande de délivrance de "carte bleue européenne" en France que celui où le titulaire de ce titre se rend en France après avoir séjourné dans un ou plusieurs autres Etats membres de l'UE.

L'article R. 313-19-1 nouveau aura pour objet de préciser :

- les conditions de délivrance de la "carte bleue européenne" et les documents à fournir,

- les garanties procédurales et les délais de procédure encadrant l'instruction de la demande.

Les modifications des articles R. 212-1 et R. 313-20-2 concerneront les documents à présenter :

- par le ressortissant de pays tiers concerné pour une entrée facilitée,

- par son conjoint ou ses enfants pour se voir délivrer, dans un délai dont la durée maximum est déterminée, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale".

Les dispositions concernant la réadmission, prises en application de l'article L. 531-2 modifié, figureront dans un décret en Conseil d'Etat prévu en matière d'éloignement.

6.1.2. Les modifications du Code du travail

Le second décret en Conseil d'Etat portera sur des dispositions de modifications qui permettront:

- de déterminer les catégories de ressortissants de pays tiers éligibles à la délivrance de la "carte bleue européenne" et les conditions à remplir pour l'obtenir,

- de conférer à ce nouveau titre valeur d'autorisation de travail et de prévoir les conditions de son renouvellement en cas de chômage involontaire,

- d'en préciser la validité territoriale et les restrictions professionnelles.

6.2. Directive « Sanctions employeurs »

En vue de l'application de la loi, il apparaît nécessaire de prendre cinq décrets.

Le premier portera sur l'information des travailleurs étrangers sans titre concernant l'exercice de leurs droits (information, droits salariaux, l'exercice des droits, récupération des sommes dues…).

Le second, pris en Conseil d'Etat, définira les modalités de mise en œuvre des nouvelles prérogatives du préfet, à savoir la fermeture administrative de l'établissement, ou d'une partie de celui-ci, dans lequel les infractions à la législation du séjour et/ou du travail ont été constatées et l'interdiction pour l'employeur contrevenant de soumissionner, pour une certaine durée, à un marché public.

Le troisième portera également sur une nouvelle sanction administrative, le refus d'octroyer les aides et subventions publiques et leur remboursement par l'employeur délictueux.

Le quatrième, pris en Conseil d'Etat, définira les modalités de consignation et de versement des sommes dues à l'étranger sans titre, qu'il soit sur le territoire national ou retourné dans son pays. De même, il précisera les modalités de prise en charge, par l'OFII, de la gestion de la contribution forfaitaire.

Enfin, le cinquième décret précisera les modalités de mise en œuvre de la solidarité financière entre le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage et ses cocontractants ainsi que la répartition des sommes dues.

6.3. Directive « retour »

A titre prévisionnel et sans préjudice des modifications de coordination nécessaires, il apparaît nécessaire, en vue de l’application de la loi, de prendre plusieurs décrets.

Le premier, pris en Conseil d’Etat, modifiera la partie réglementaire du CESEDA, particulièrement le livre V, afin notamment de :

- préciser l’autorité compétente pour prendre une obligation de quitter le territoire et une interdiction de retour,

- prévoir des dispositions assurant la coordination avec les nouvelles dispositions du code de justice administrative relatives à la procédure contentieuse,

- modifier l’article R. 513-2 relatif à l’assignation à résidence prise sur le fondement de l’article L. 513-4 et prévoir l’autorité compétente pour la mesure de surveillance prévue par le nouvel article L. 513-4,

- créer un article fixant l’autorité compétente pour prononcer la mesure de reconduite sur le fondement de l’article L. 533-1 nouveau,

- prévoir des dispositions de coordination pour la durée du maintien dans les lieux de rétention,

- prévoir des dispositions d’ajustement des articles R. 552-1 et suivants,

- créer des dispositions relatives aux conditions d’accès des associations humanitaires dans les lieux de rétention pour l’application de l’article L. 553-3,

- créer, conformément à l’article L. 561-3 nouveau, des dispositions pour l’application du chapitre unique du titre VI du livre V relatif à l’assignation à résidence,

- pour l’application de l’article L. 611-2, créer des dispositions précisant l’autorité administrative compétente pour retenir le passeport.

Le deuxième, également pris en Conseil d’Etat, modifiera la partie réglementaire du code de justice administrative, particulièrement le titre VII du livre VII, pour modifier les chapitres V et VI relatifs aux contentieux des décisions relatives au séjour assorties d’une obligation de quitter le territoire français et des arrêtés de reconduite à la frontière.

Enfin, les décrets n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et n° 91-1369 du 30 décembre 1991 fixant les modalités dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique seront modifiés en coordination.

7. LISTE DES ANNEXES

7.1. Tableaux de transposition des directives

7.1.1. directive « retour »

7.1.2. directive « sanction »

7.1.3. directive « carte bleue »

7.2. Tableaux des textes comparés

7.3. Extraits du rapport au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire » (2008) de la commission présidée par Pierre Mazeaud

7.4. Tableau : droits pécuniaires des salariés étrangers

7.5. Tableau comparatif : CST "carte bleue européenne" / CST "salarié" / CST "salarié en mission" / CS "compétences et talents"

7.6. Tableau : présentation des dispositifs d'immigration au bénéfice des travailleurs hautement qualifiés (THQ) au Royaume-Uni et en Irlande

1 La Suisse a conclu le 21 juin 1999 avec la Communauté européenne un accord sur la libre circulation des personnes. Les ressortissants suisses ne sont donc plus soumis à l'obligation de détention d'un titre de séjour pour demeurer en France et y résider, ainsi que la détention d'une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle sur le territoire français.

2 En vertu d'accords signés avec la France, les ressortissants de la Principauté de Monaco, la principauté d'Andorre et de la République de Saint-Marin sont dispensés d'une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle sur le territoire Français.

3 L'Association européenne de libre échange est constituée de l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein.

4 L'état 4001 est le nom donné à l'outil d'enregistrement des crimes et délits commun à la police et à la gendarmerie nationales. Il repose sur une nomenclature d'une centaine d'index correspondant à des natures d'infractions. Trois index touchent aux infractions de travail illégal. Les index 93, 94 et 95 font respectivement référence au "travail dissimulé", "emploi d'étrangers sans titre de travail" et "marchandage- prêt de main d'œuvre". La direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) assure la collecte, la classification, l'analyse et la diffusion des résultats statistiques.

5 Source Rapport public Conseil d’Etat 2008 p 249 et suivantes.

6 Source Conseil d’Etat.

7 Sources Etudes du Conseil d’Etat les recours administratifs préalables p144

8 Colloque « les enjeux et les défis de la juridiction administrative » exposé de M. J.-M. Sauvé, VPCE.

9 Cf. ANNEXE 7.6: Tableau comparatif CST "carte bleue européenne" / CST "salarié" / CST "salarié en mission" / CS "compétences et talents"

10 Aux termes de l'article L.8251-1 du code du travail, la personne mise en cause peut être soit l'employeur direct, soit l'employeur par interposition.

11 Le décret n° 2009-800 du 24 juin 2009 portant relèvement du salaire minimum de croissance, en son article 2 dispose que le montant du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail est fixé à 3,31 euros en métropole, dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, à compter du 1er juillet 2009.

12 Deux arrêtés du 5 décembre 2006 relatifs au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d’origine à partir de la métropole et à partir de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion.

13 Ce montant mérite d'être nuancé, les préfectures ne disposant pas toujours de l'information nécessaire de la part du Trésor Public.

14 Cf. Cass. crim. 6 mai 1997, LEGARDA – CAA Lyon, 6 mai 1997, SARL RPM/DELAGE – Cass. crim. 25 février 1997, CHAVRIER- 20 MAI 2008, X)

15 Cf. articles 132-9; 132-10; 225-4-2; 225-4-1; 225-14; 225-15 du code pénal

16 Source : Casier judiciaire national, Ministère de la justice, Travaux statistiques, Ed. 2007.

17 Source : Ministère de la justice-SDSE-Exploitation statistique du Casier judiciaire.

18 Source : CNLTI du 26 novembre 2009

19 Décret n°97-213 du 11 mars 1997 codifié aux anciens articles D.8273-1 à D.8273-25 du code du travail

20 Depuis la parution du décret n°2008-371 du 18 avril 2008 relatif à la coordination de la lutte contre les fraudes, la DILTI a été dissoute. Concomitamment a été créée la Délégation nationale de lutte contre la fraude (DNLF).

21 Cf. article 7 du décret n° 2008-371 du 18 avril 2008.

22 L'article 3 du décret n° 2008-371 du 18 avril 2008 prévoit que le directeur général du travail (DGT) apporte son concours au délégué national pour toutes les questions relatives au travail illégal. En conséquence, les missions auparavant confiées à la DILTI ont été transférées à la DGT, dont les attributions ont été modifiées par l'arrêté du 15 juillet 2008.

23 Source : MIOMCT-DCPJ

24 Source : DGT

25 Avis du Conseil d’Etat : CE, 19 octobre 2007, n° 306821 ; CE, 28 novembre 2007, n° 307999 et n° 306901 ; CE, 28 mars 2008, n° 310252 et n° 311893 ; CE, 24 juillet 2009, n° 327282.

26 Source : MIIINDS. Cf. tableau des causes des échecs des éloignements infra.

27 Serge Trassoudaine, L’intervention judiciaire dans le maintien des étrangers en rétention administrative et en zone d’attente, Bulletin d’information de la Cour de cassation, 1er juin 2001.

28 « Le contentieux judiciaire des étrangers. Enquête statistique sur les décisions prononcées du 1er au 31 mai 2007 par les juges des libertés et de la détention et les cours d’appel statuant sur des demandes de prolongation du maintien en rétention ou en zone d’attente », ministère de la justice, direction des affaires civiles et du sceau, cellule Etudes et de recherches, janvier 2008.

29  Etude des cent dernières décisions des cours d'appel mise en ligne sur la base JURICA (Source : DACS).

30  Ch. Civ 1, 14 mars 2006, n° 04-50.159 : satisfait à l’obligation de présenter des garanties de représentation effectives, l’étranger qui peut se prévaloir 

- d’une présence sur le territoire et d’une activité professionnelle depuis plusieurs années,

- d’un logement depuis plusieurs mois ;

- du contrôle de son domicile par les services de la gendarmerie de l’air.

31  Ch. Civ 1, 4 juillet 2006, 04-50.165 et Ch. Civ 1, 17 janvier 2006, n° 04-50.170 : contrat de location, quittance de loyer, attestation de l'employeur, documents médicaux établissant l'hospitalisation de l'intéressé, ...).

32  Etude statistique menée par la DACS.

33 Source : DCPAF.

34 Sources :

- Rapport n° 687de l'Assemblée nationale sur la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil prévoyant des sanctions à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

- Questionnaire du Conseil de l'union européenne n° 16680/08 (CIREFI 24 – COMIX 881) du 05/12/08 ;

- Document de travail n°52007SCO604 des services de la Commission accompagnant la proposition de directive "sanctions".

35 Cf. Article 79 (ex-article 63, points 3 et 4, TCE) : "1. L'Union développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci."

36 Proposition COM (2005) 391 final.

37 CITP : classification internationale type des professions. Classification économique et sociale dont est responsable le Bureau international du Travail (BIT).

38 Qui devient une unité territoriale de la DIRECCTE (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi)

39 Cf. Article R.8253-7 du code du travail :

"La contribution spéciale est à la charge exclusive de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. Son recouvrement est réalisé conformément aux dispositions régissant les états exécutoires émis pour le recouvrement des créances des établissements publics nationaux."

40 Cf. article L.8271-7

41 Article L.626-1 du CESEDA

42 Article L.8253-1 du code du travail

43 « 4. Considérant, toutefois, que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ; que, s'il en est ainsi dans le cas prévu à l'article 3 de la loi qui subordonne à la décision du juge le maintien, au-delà de quarante-huit heures, de l'intéressé dans les locaux où il est retenu, il n'en va pas de même dans le cas prévu à l'article 6 de la loi dès lors que, dans cette dernière éventualité, l'intervention du juge n'est déclarée nécessaire que pour prolonger, au-delà de sept jours, le régime de détention auquel l'étranger est soumis ; qu'ainsi, du fait qu'il prévoit que la personne expulsée, en application des dispositions du 1 au 4 dudit article 23, peut être maintenue en détention pendant sept jours sans qu'un juge ait à intervenir, de plein droit ou à la demande de l'intéressé, le sixième alinéa de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel qu'il résulte de l'article 6 de la loi soumise au Conseil constitutionnel, n'est pas conforme à la Constitution.

« 5. Considérant enfin que, sauf le cas indiqué ci-dessus, les mesures d'exécution forcée prévues par la loi, qui ne peuvent être mises en œuvre qu'en cas de nécessité, ne sont pas contraires à la Constitution ; »

44 L'étude élaborée par le ministère de la justice (DACS) en janvier 2008 sur le contentieux judiciaire de la rétention administrative conforte cette analyse.

45  Ainsi, parmi de multiples illustrations, un premier président de cour d’appel a-t-il pu rejeter l’exception de nullité de la procédure tirée du défaut de mention du nom de l’interprète sur le document notifiant à l’étranger ses droits en zone d’attente, en retenant que ce défaut de mention ne faisait pas grief dès lors que l’intéressé avait effectivement bénéficié de l’assistance d’un interprète (Cass., 2e civ., 7 octobre 2004, Bull Civ II n° 442, p 375 ; 2e civ. 24 févr. 2000, n° de pourvoi 98-50042).

46 La durée maximale de la rétention en Espagne a été portée de 40 à 60 jours par la loi organique du 11 décembre 2009.

47 Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003:

« - Quant aux motifs pouvant justifier une prolongation de la rétention :

« 68. Considérant que, selon les requérants, les dispositions du III de l'article 35 bis prévoyant la possibilité d'une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de cinq jours portent atteinte à la liberté individuelle et au principe de proportionnalité des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, selon eux, les circonstances pouvant fonder cette prolongation sont « totalement extérieures » à l'intéressé et donc de nature à « conduire à la privation de liberté d'une personne pour des faits auxquels elle est étrangère ;

« 69. Considérant, en premier lieu, que le maintien d'un étranger en rétention au titre de cette disposition n'est possible que si la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pu être exécutée, « malgré les diligences de l'administration », en raison du défaut de délivrance ou d'une délivrance trop tardive des documents de voyage par le consulat dont il relève ou de l'absence de moyens de transport ; que la durée de la prolongation en cause est justifiée par les motifs susceptibles de la fonder, qui ne sont imputables ni à la volonté, ni à un manque de diligence de l'administration ; »

48 En 2009, 12 219 laissez-passer consulaires ont été demandés : 404 ont été délivrés hors délais et 3 870 ont été refusés, tandis que 3 861 demandes sont restées sans réponse.

49 Deux cas particuliers, prévus par le 5° de l’article L. 551-1, dérogent toutefois à cette condition : l’étranger qui n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent placement d’une part, l’étranger ayant déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet et revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire d’autre part.

50 Rapport d’information n° 516 (2008-2009) de M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la Commission des finances du Sénat, déposé le 3 juillet 2009.

51 Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente et présenté par M. Thierry Mariani, député, en conclusion des travaux d’une mission d’information (enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2009).

52 Les entrées nettes de 100 000 résultent, dans cet exemple, d’un solde de nationaux de - 50 000 et d’un solde des étrangers de + 150 000.

53 Le Royaume-Uni et l'Irlande, conformément au Protocole sur la position de ces deux pays annexé au Traité sur l'UE et au Traité instituant la Communauté européenne n’ont pas participé à l’adoption de la directive "carte bleue" et ne sont donc ni liés par celle-ci, ni soumis à son application.

54 Cf. ANNEXE 7.7 : Présentation des dispositifs d'immigration au bénéfice des THQ au Royaume-Uni et en Irlande

55 Ce regroupement tente de mesurer approximativement les entrées directes sur le marché du travail (immigration aux motifs professionnels) et les entrées indirectes (étrangers admis au séjour pour un autre motif que la migration économique qui entrent sur le marché du travail l’année même de leur admission au séjour).

56 La comparaison n'est pas parfaite, à plus d'un titre. En particulier, les flux migratoires suivis par l'OCDE n'excluent pas les flux des communautaires au sein de l'Union, alors que les ressortissants de l'UE-15 n'étaient plus soumis à titre de séjour en 2006. Toutefois, en valeur relative, les résultats entre les deux approches sont cohérents.

57 Propos repris dans Les rapports du Sénat, Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, Tome 1, Rapport, Commission d'enquête sur l'immigration clandestine n°300 2005-2006; 2), p55.

58 Les rapports du Sénat, Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, Tome 1, Rapport, Commission d'enquête sur l'immigration clandestine n°300 2005-2006;

59 Organisme rattaché au Premier ministre français

60 Lettre de mission du Président de la République au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, en date du 31 mars 2009.

61 En 2008, l’objectif de 26 000 éloignements avait été dépassé dont 10 072 départs aidés, soit un total de 29 796 éloignements sources DCPAF.

62 CNLTI le 26 novembre 2009

63 Source : ACOSS/DIRRES Bilan 2008, Lutte contre le travail illégal.

64 Article L. 314-11 du CESEDA dans sa version antérieure à la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 : « Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour :

1° A l'étranger marié depuis au moins deux ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (…) »

65 La loi du 24 juillet 2006 dispense les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans de la condition relative à la connaissance de la langue française.


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