Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2855

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2010.

PROJET DE LOI

relatif à la garde à vue,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par Mme Michèle ALLIOT-MARIE,

ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Gouvernement a mené, à la demande du Président de la République, une réflexion devant déboucher sur une réforme de l’ensemble de notre procédure pénale, dans le cadre de laquelle les modifications apportées au régime de la garde à vue doivent répondre à deux objectifs :

– maîtriser le nombre des gardes à vue, en constante augmentation depuis plusieurs années ;

– accroître de façon significative les droits des personnes gardées à vue, notamment le droit à l’assistance d’un avocat.

Ces modifications sont appelées à figurer dans le nouveau code de procédure pénale, dont une première version, rendue publique en mars 2010, a fait l’objet d’une très large concertation.

Toutefois, dans sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, le Conseil constitutionnel, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité en application du nouvel article 61-1 de la Constitution, a estimé que les dispositions actuelles concernant les gardes à vue de droit commun n’assuraient pas une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d’infractions ou la prévention des atteintes à l’ordre public et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties.

Il a jugé ces dispositions contraires à la Constitution en ce qu’elles n’encadrent pas suffisamment les conditions du placement en garde vue et de la prolongation de celle-ci, et en ce qu’elles ne prévoient pas de garanties suffisantes pour l’exercice des droits de la défense et notamment du droit à l’assistance effective d’un avocat.

Le Conseil constitutionnel a toutefois décidé de reporter l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles au 1er juillet 2011 afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité.

La réforme de l’ensemble de la procédure pénale ne pouvant, en raison de son ampleur sans précédent, être achevée à cette date, les modifications initialement envisagées par le Gouvernement dans le cadre de cette réforme, adaptées pour tenir compte à la fois du résultat de la concertation menée depuis mars 2010 et de la décision du Conseil constitutionnel, ont été intégrées dans le présent projet de loi afin de procéder sans attendre à l’évolution des règles de la garde à vue.

Présentation générale des nouvelles dispositions :

Le projet de loi traite du principe de l’audition libre du suspect, de la définition, des conditions et des modalités générales de la garde à vue.

Est en premier lieu expressément posé le principe, absent du code de procédure pénale actuel, de l’audition libre d’une personne suspectée, et du caractère subsidiaire du placement en garde à vue (article 62-2 du code de procédure pénale).

Il est dès lors logiquement précisé que hors les cas où la personne mentionnée à l’article 62-3 fait l’objet d’un mandat de recherche ou a été conduite par la force publique dans les locaux des services de police judiciaire, la nécessité de l’entendre sur les faits dont elle est soupçonnée n’impose pas son placement en garde à vue dès lors que la personne consent à être entendue librement (article 62-4). Ce consentement exprès doit alors être recueilli par un officier ou un agent de police judiciaire. Il doit être renouvelé à chaque nouvelle audition.

La garde à vue fait par ailleurs l’objet d’une définition précise, également absente du code actuel (article 62-3). En matière délictuelle, cette définition limite désormais la garde à vue aux cas dans lesquels une peine d’emprisonnement est encourue, ce qui n’était aujourd’hui pas prévu lors de l’enquête préliminaire ou de l’instruction. Par ailleurs, les raisons permettant de recourir à cette mesure sont désormais énumérées par la loi (article 62-6) de façon limitative et restrictive, ce qui constitue une innovation majeure.

Les conditions légales de la garde à vue sont ainsi précisément définies.

Les nouvelles dispositions de l’article 62-6 du code de procédure pénale prévoient qu’il ne pourra être procédé au placement en garde à vue d’une personne que lorsque cette mesure est l’unique moyen de :

– permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

– garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République aux fins de mettre ce magistrat en mesure d’apprécier la suite à donner à l’enquête ;

– empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

– empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

– empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

– garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser l’infraction. 

Les motifs de la garde à vue doivent par ailleurs être communiqués par les enquêteurs au procureur de la République lorsque ceux-ci l’avisent de la mesure. Ces motifs doivent également être mentionnés dans le procès-verbal récapitulatif de la garde à vue (articles 63 et 64).

Conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel, la notification du droit au silence de la personne gardée à vue est rétablie, la personne devant être informée qu’elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire (II de l’article 63-1).

Le principe, fondamental, du respect de la dignité de la personne gardée à vue, est expressément énoncé (article 63-5).

Le principe, également essentiel, et qui découle des exigences constitutionnelles, du contrôle du procureur de la République sur la garde à vue est affirmé de façon explicite (article 62-5). Il est notamment précisé que ce magistrat apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnés à la gravité des faits. Il est également indiqué que ce magistrat assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue et qu’il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

S’agissant du placement en garde à vue et de la durée de la mesure, il est rappelé que seul un officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer en garde à vue une personne lorsque les conditions prévues par la loi sont réunies, et qu’il doit alors en informer le procureur de la République dès le début de la mesure (I de l’article 63).

Si la durée de la garde à vue demeure comme aujourd’hui de vingt-quatre heures, la possibilité de prolongation pour une même durée par le procureur de la République est désormais limitée aux crimes ou aux délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an (II de l’article 63).

Cette prolongation ne peut être accordée qu’après présentation préalable de la personne à ce magistrat, cette présentation pouvant intervenir par un moyen de communication audiovisuelle. Elle peut cependant, à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.

La loi précise clairement les règles concernant la fin de la garde à vue, le procureur compétent pour contrôler la mesure, et la prise en compte des délais de garde à vue lorsque la mesure fait suite à une interpellation, à une audition libre (articles 62-5 et 63).

Les droits de la personne gardée à vue font l’objet de dispositions spécifiques.

La notification des droits, y compris par des formulaires et par un interprète, ainsi que l’information relative à la durée de la mesure, sont prévus par l’article 63-1.

Le droit de faire prévenir un proche ainsi que son employeur – alors qu’aujourd’hui il s’agit d’une alternative - est prévu par l’article 63-2.

Le droit de demander à être examiné par un médecin est prévu par l’article 63-3.

Les dispositions concernant le droit à l’assistance d’un avocat sont profondément remaniées afin d’accroître les droits de la défense.

Le droit à s’entretenir avec un avocat pendant trente minutes au début de la garde à vue puis au début d’une éventuelle prolongation de la mesure, est prévu par l’article 63-4.

À la différence du droit actuel, il est désormais prévu (article 63-4-1) qu’à sa demande, l’avocat pourra consulter :

– le procès-verbal de notification de placement de la personne en garde à vue et de notification de ses droits ;

– les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue qui ont déjà été réalisés.

Est par ailleurs institué, ce qui constitue une innovation majeure, le droit pour la personne gardée à vue à être assistée par son avocat lors de ses auditions, et ce dès le début de la mesure (article 63-4-2).

Il est cependant prévu que l’officier de police judiciaire peut demander au procureur de la République l’autorisation de ne pas faire droit, pendant une durée ne pouvant excéder douze heures, aux demandes de consultation des procès verbaux et d’assistance aux auditions par un avocat. Les motifs d’une telle autorisation, qui ne peut être qu’exceptionnelle, sont directement tirés de la rédaction du considérant 28 de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010. L’autorisation ne peut ainsi être donnée que lorsqu’elle apparaît indispensable, en considération des circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes.

Il est enfin prévu qu’à l’issue du ou des entretiens avec le gardé à vue, ou à l’issue de la ou des auditions au cours desquelles il a été présent, l’avocat peut présenter des observations écrites qui seront alors jointes à la procédure (article 63-4-3).

La question des investigations corporelles fait l’objet de dispositions spécifiques destinées à garantir le respect de la dignité de la personne (articles 63-6 et 63-7).

Ainsi, s’agissant des mesures rendues indispensables par les nécessités de l’enquête, l’article 63-7, tout en exigeant comme actuellement l’intervention d’un médecin requis pour procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, prévoit que les fouilles à corps intégrales devront être décidées par un officier de police judiciaire et réalisées par une personne du même sexe.

S’agissant des mesures de sécurité destinées à vérifier que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui, l’article 63-6 prévoit qu’elles devront être limitativement énumérées par arrêté du ministre de l’intérieur.

Surtout, est désormais totalement prohibé le recours à des fouilles à corps intégrales pour des raisons de sécurité, qui sont en effet particulièrement humiliantes. Ces fouilles ne seront désormais possibles que pour les nécessités de l’enquête, comme indiqué précédemment.

Dispositions diverses et de coordination :

Le projet de loi comporte également des dispositions diverses concernant la garde à vue.

Il s’agit notamment des dispositions sur le procès-verbal de garde à vue et le registre de garde à vue (article 64).

Il s’agit également de la réécriture des dispositions de l’article 62 concernant notamment la rétention des témoins, pour limiter la durée de celle-ci à quatre heures et prévoir le cas où cette rétention se transforme en garde à vue, afin de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel.

Le projet de loi étend par ailleurs les nouvelles dispositions sur la garde à vue à l’enquête préliminaire et à l’instruction.

Par cohérence avec la possibilité pour l’avocat d’avoir accès à certains procès-verbaux au cours de la garde à vue, l’article 803-3 permettant la rétention d’une personne déférée pendant vingt heures dans un « petit dépôt » avant sa présentation devant un magistrat est complété afin de préciser que, dans cette hypothèse, l’avocat pourra demander à consulter l’intégralité du dossier de la procédure.

Il est enfin prévu l’application de la réforme sur l’ensemble du territoire de la République, et ses modalités d’entrée en vigueur sont précisées.

***

Les dispositions du présent projet constituent une avancée particulièrement significative pour les libertés individuelles et les droits de la défense.

Tout en maintenant l’efficacité des investigations, elles permettent à la procédure pénale de respecter pleinement les exigences d’un État de droit en matière de garde à vue.

Elles constituent la première phase de la refonte globale de notre procédure, qui permettra, de manière générale et à toutes les phases du processus pénal, depuis la mise en état de l’affaire, en passant par le jugement des personnes poursuivies et jusqu’à l’exécution des peines, d’aboutir à une justice pénale pleinement cohérente, plus efficace, plus équitable et plus impartiale.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à la garde à vue, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’encadrement de la garde à vue

Article 1er

Après l’article 62-1 du code de procédure pénale, sont insérés les articles 62-2 à 62-6 ainsi rédigés :

« Art. 62-2. – La personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, présumée innocente, demeure libre lors de son audition par les enquêteurs. Elle ne peut être placée en garde à vue que dans les cas et conditions prévus par les articles 62-3, 62-6 et 63.

« Art. 62-3. – La garde à vue est une mesure de contrainte prise au cours de l’enquête par laquelle une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs pour l’un des motifs prévus par l’article 62-6.

« Art. 62-4. – I. – Hors les cas où la personne mentionnée à l’article 62-3 fait l’objet d’un mandat de recherche ou a été conduite par la force publique dans les locaux des services de police judiciaire, la seule nécessité de l’entendre sur les faits dont elle est soupçonnée n’impose pas son placement en garde à vue dès lors qu’elle consent à son audition.

« Le consentement de la personne à son audition est recueilli après qu’elle a été informée par l’officier ou l’agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction dont elle est soupçonnée ainsi que des dispositions du II. Cette information et le consentement de la personne sont mentionnés dans le procès-verbal d’audition.

« II. – À tout moment, la personne entendue dans les conditions prévues au I peut mettre un terme à son audition. À chaque reprise de l’audition, son consentement est à nouveau recueilli et mentionné au procès verbal.

« III. – Pour l’application des dispositions du I, la personne est considérée comme s’étant rendue librement dans les locaux du service ou de l’unité de police judiciaire lorsqu’elle s’y est présentée spontanément ou à la suite d’une convocation des enquêteurs ou lorsque, ayant été appréhendée, elle a accepté expressément de suivre l’officier ou l’agent de police judiciaire.

« IV. – Lorsqu’il est nécessaire de procéder à son audition, la personne placée en chambre de sûreté en application de l’article L. 3341-1 du code de la santé publique en raison de son état d’ivresse peut être entendue, à l’issue de ce placement, dans les conditions prévues par le I du présent article.

« Art. 62-5. – La garde à vue s’exécute sous le contrôle du procureur de la République.

« Ce magistrat apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnés à la gravité des faits dont la personne est soupçonnée.

« Il assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue.

« Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté.

« Les pouvoirs conférés au procureur de la République par le présent article sont exercés par le procureur de la République du lieu d’exécution de la garde à vue ou par le procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. »

« Art. 62-6. – Une personne ne peut être placée en garde à vue que si la mesure garantissant le maintien de la personne à la disposition des enquêteurs est l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants :

« 1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

« 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République aux fins de mettre ce magistrat en mesure d’apprécier la suite à donner à l’enquête ;

« 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

« 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

« 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

« 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser l’infraction. »

Article 2

Les articles 63 et 63-1 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 63. – I. – Seul un officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue.

« L’officier de police judiciaire en informe par tout moyen le procureur de la République dès le début de la mesure.

« Il lui donne connaissance des raisons qui justifient le placement en garde à vue et l’avise de la qualification des faits qu’il a notifiée à la personne en garde à vue en application du 2° de l’article 63-1. Cette qualification peut être modifiée par le procureur de la République. En ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne selon les modalités prévues par l’article 63-1.

« II. – La durée de la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures.

« Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l’infraction dont la personne est soupçonnée est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs énumérés à l’article 62-6.

« L’autorisation ne peut être accordée qu’après présentation de la personne au procureur de la République. Cette présentation peut être réalisée par l’utilisation d’un moyen de communication audiovisuelle. Elle peut cependant, à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.

« III. – Pour la computation de la durée de la garde à vue, l’heure du début de la mesure est fixée, le cas échéant soit à l’heure à laquelle la personne a été appréhendée avant son placement en garde à vue, soit à l’heure à laquelle a débuté la période d’audition libre de la personne lorsque le placement en garde à vue a été décidé au cours ou à l’issue de cette audition.

« Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s’impute sur la durée de la mesure.

« Art. 63-1. – I. – La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits :

« 1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;

« 2° De la nature et de la date présumée de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ;

« 3° De ce qu’elle bénéficie des droits suivants :

« – droit de faire prévenir un proche et son employeur conformément aux dispositions de l’article 63-2 ;

« – droit d’être examinée par un médecin conformément aux dispositions de l’article 63-3 ;

« – droit de bénéficier de l’assistance d’un avocat conformément aux dispositions des articles 63-3-1 à 63-4-2.

« Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

« Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

« II. – La personne placée en garde à vue est informée au début de son audition qu’elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. »

Article 3

L’article 63-2 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou son employeur » sont supprimés. Le même alinéa est complété par la phrase : « Elle peut en outre faire prévenir son employeur. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences prévues au premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. »

Article 4

L’article 63-3 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences prévues au présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. » ;

2° Au quatrième alinéa, les mots : « par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue » sont supprimés.

Article 5

Après l’article 63-3 du même code, il est inséré un article 63-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 63-3-1. – Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.

« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

« L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête. »

Article 6

Les six premiers alinéas de l’article 63-4 du même code sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien.

« La durée de l’entretien ne peut excéder trente minutes.

« Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, la personne peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation dans les conditions et pour la durée prévues aux alinéas précédents. »

Article 7

Après l’article 63-4 du même code, sont insérés les articles 63-4-1 à 63-4-4 ainsi rédigés :

« Art. 63-4-1. – À sa demande l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste.

« Toutefois, la consultation de ces pièces peut être limitée dans les cas et conditions prévues par l’article 63-4-2.

« Art. 63-4-2. – L’avocat peut assister aux auditions de la personne gardée à vue.

« Toutefois, à la demande de l’officier de police judiciaire, le procureur de la République peut autoriser celui-ci à différer la présence de l’avocat lors des auditions pendant une durée ne pouvant excéder douze heures lorsque cette mesure apparaît indispensable, en considération des circonstances particulières de l’enquête, soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. L’autorisation du procureur de la République est écrite et motivée.

« Dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, le procureur de la République peut décider, à la demande de l’officier de police judiciaire, que, pendant la durée fixée par l’autorisation, l’avocat ne pourra consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue.

« Art. 63-4-3. – À l’issue de chacun des entretiens prévus à l’article 63-4 et de chacune des auditions auxquelles il a assisté en application du 63-4-2, l’avocat peut présenter des observations écrites. Celles-ci sont alors jointes à la procédure.

« Art. 63-4-4. – Sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni de son entretien avec la personne qu’il assiste ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions. »

Article 8

L’article 63-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 63-5. – La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne.

« Seules peuvent être imposées à la personne gardée à vue les mesures de sécurité strictement nécessaires. »

Article 9

Après l’article 63-5 du même code, sont insérés les articles 63-6 à 63-8 ainsi rédigés :

« Art. 63-6. – Les mesures de sécurité ayant pour objet de s’assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui sont limitativement énumérées par arrêté de l’autorité ministérielle compétente. Elles ne peuvent consister en une fouille à corps intégrale.

« Art. 63-7. – Lorsqu’il est indispensable, pour les nécessités de l’enquête, de procéder à une fouille à corps intégrale d’une personne gardée à vue, celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et réalisée par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille.

« Lorsqu’il est indispensable, pour les nécessités de l’enquête, de procéder à des investigations corporelles internes sur une personne gardée à vue, celles-ci ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

« Art. 63-8. – À l’issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat.

« Si la personne est remise en liberté à l’issue de la garde à vue sans qu’aucune décision n’ait été prise par le procureur de la République sur l’action publique, les dispositions de l’article 77-2 sont portées à sa connaissance. »

Article 10

L’article 64 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 64. – I. – L’officier de police judiciaire établit un procès-verbal mentionnant :

« 1° Les motifs du placement en garde à vue par référence aux dispositions de l’article 62-6 ;

« 2° La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions, les heures auxquelles elle a pu s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue, ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit amenée devant le magistrat compétent ;

« 3° Le cas échéant, les auditions de la personne gardée à vue effectuées dans une autre procédure pendant le temps de la garde à vue ;

« 4° Les informations données et les demandes faites en application des articles 63-2, 63-3 et 63-3-1 et la suite qui leur a été donnée ;

« 5° S’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

« Ces mentions doivent être spécialement émargées par la personne gardée à vue. En cas de refus, il en est fait mention.

« II. – Les mentions et émargements prévus aux 2° et 5° du I concernant les dates et heures du début et de fin de garde à vue et la durée des auditions et des repos séparant ces auditions ainsi que le recours à des fouilles intégrales ou des investigations corporelles internes figurent également sur un registre spécial, tenu à cet effet dans tout local de police ou de gendarmerie susceptible de recevoir une personne gardée à vue. Ce registre peut être tenu sous forme dématérialisée.

« Dans les corps ou services où les officiers de police judiciaire sont astreints à tenir un carnet de déclarations, les mentions et émargements prévus à l’alinéa précédent sont également portés sur ledit carnet. Seules les mentions sont reproduites au procès-verbal qui est transmis à l’autorité judiciaire. »

Chapitre II

Dispositions diverses

Article 11

I. – Les quatre premiers alinéas de l’article 62 du même code sont placés à la suite du premier alinéa de l’article 61.

II. – Au troisième alinéa de l’article 61 résultant du I du présent article, les mots : « à l’article 61 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

III. – Le cinquième alinéa de l’article 62 du même code, devenu le premier alinéa, est complété par les mots : « , sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. »

IV. – Après le cinquième alinéa de l’article 62 du même code, devenu le premier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« S’il apparaît, au cours de l’audition de la personne, qu’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues par l’article 63. »

Article 12

L’article 706-88 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 63-4-1 et 63-4-2 ne sont pas applicables aux personnes gardées à vue pour l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73. »

Article 13

Le deuxième alinéa de l’article 803-3 du même code est ainsi modifié :

1° La référence à l’article 63-4 est remplacée par la référence à l’article 63-3-1 ;

2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « L’avocat peut demander à consulter le dossier de la procédure. »

Article 14

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 65 est abrogé ;

2° L’article 77 est ainsi rédigé :

« Art. 77. – Les dispositions des articles 62-2 à 64-1 relatives à la garde à vue sont applicables lors de l’enquête préliminaire.» ;

3° Les articles 141-4 et 712-16-3 sont ainsi modifiés :

– au troisième alinéa, les mots : « par les troisième et quatrième alinéas de l’article 63-1, par les articles 63-2 et 63-3 et par les quatre premiers alinéas de l’article 63-4 » sont remplacés par les mots : « par les articles 63-2 à 63-4. » ;

– au cinquième alinéa, les mots : « Les articles 64 et 65 sont applicables » sont remplacés par les mots : « L’article 64 est applicable » ;

4° L’article 154 est ainsi rédigé :

« Art. 154. – Les dispositions des articles 62-2 à 64-1 relatives à la garde à vue sont applicables lors de l’exécution des commissions rogatoires.

« Les attributions conférées au procureur de la République par ces articles sont alors exercées par le juge d’instruction. Lors de la délivrance de l’information prévue au I de l’article 63-1, il est précisé que la garde à vue intervient dans le cadre d’une commission rogatoire. » ;

5° Au premier alinéa des articles 627-5, 695-27 et 696-10, la référence à l’article 63-5 est remplacée par la référence à l’article 63-7 ;

6° Au quatrième alinéa de l’article 716-5, les mots : « (premier et deuxième alinéas) » sont supprimés ;

7° Au premier alinéa de l’article 812, les mots : « Pour l’application des articles 63, 77 et 154 » sont remplacés par les mots : « Pour l’application des dispositions sur la garde à vue » ;

8° Au premier alinéa des articles 814 et 880, les mots : « l’entretien prévu au premier alinéa de l’article 63-4 peut avoir lieu avec », sont remplacés par les mots : «les attributions dévolues à l’avocat par les articles 63-4 à 63-4-3 peuvent être exercées par » et les mots : « des deuxième et quatrième alinéas de l’article 63-4 », sont remplacés par les mots : « de l’article 63-4-4. »

Article 15

L’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « pour les nécessités de l’enquête », sont remplacés par les mots : « pour l’un des motifs prévus par l’article 62-6 du code de procédure pénale » ;

2° Au III, les mots : « le quatrième alinéa de l’article 63-3 » sont remplacés par les mots : « l’article 63-3 » ;

3° La première phrase du IV est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « Dès le début de la garde à vue, le mineur peut demander à être assisté par un avocat, conformément aux dispositions des articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale. »

Article 16

Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les mots : « dans les conditions prévues à l’article 63-4 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « au cours de la garde à vue dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ».

Article 17

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

Article 18

La présente loi entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel et au plus tard le 1er juillet 2011.

Fait à Paris, le 13 octobre 2010.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
La ministre d’État, garde des sceaux,

ministre de la justice et des libertés

Signé :
Michèle ALLIOT-MARIE


© Assemblée nationale