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PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention relative à la construction et à l’exploitation

d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X

NOR : MAEJ1027447L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de la convention

La convention relative à la construction et à l’exploitation d’un laser européen à électrons libres dans le domaine des rayons X a été signée à Hambourg le 30 novembre 2009. Elle a pour objet de fixer les conditions de construction et d’exploitation en commun par plusieurs Etats européens (actuellement douze) d’une grande installation de recherche scientifique, le laser européen XFEL. Cette infrastructure mettra à disposition de la recherche européenne un instrument d’analyse de la matière inerte ou vivante offrant des possibilités et des performances inégalées à ce jour.

Les installations, d’une longueur de 3,4 km, s’étendront du campus de DESY, le centre de rayonnement synchrotron allemand à Hambourg, jusqu’au Land voisin du Schleswig-Holstein, où seront construites les salles d’expériences.

Elles seront gérées par une société à responsabilité limitée à but non lucratif de droit allemand avec des associés internationaux et dont les statuts constituent l’annexe de la Convention. Les associés français de cette société, qui agiront pour le compte de l’Etat, seront deux grands organismes publics de recherche, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de la convention

Conséquences scientifiques

XFEL (en anglais X-Ray Free Electron Laser,  Laser à Electrons Libres dans le domaine des rayons X) est une source laser, qui émet de la lumière cohérente (les photons sont émis et se propagent de façon ordonnée les uns par rapport aux autres) et monochromatique (une seule « couleur» ou longueur d’onde).

Dans les lasers conventionnels,  les électrons appartenant à un atome émettent de la lumière à l’occasion d’une transition énergétique entre deux états liés de cet atome. Dans XFEL, les électrons sont libres, donc non liés à un atome, regroupés en paquets et accélérés dans un accélérateur linéaire (LINAC) jusqu’à une vitesse proche de celle de la lumière. L’émission de lumière (photons) se produit lors du passage des électrons dans des structures magnétiques périodiques que l’on appelle « onduleurs ». Les onduleurs obligent les électrons à avoir des trajectoires « ondulées » (zigzags autour de l’axe de propagation), pendant lesquelles ils émettent des « paquets » de lumière. Finalement, l’interaction ultérieure entre les électrons et ces « paquets » de lumière conduit à l’amplification de ces derniers, augmente donc leur puissance et leur cohérence, jusqu’à l’obtention de l’effet laser.

Les atouts caractéristiques de XFEL comme de tout laser à électrons libres, par rapport à d’autres sources laser, sont l’intensité, et surtout la capacité à pouvoir facilement varier la longueur d’onde (la « couleur ») sur un très large intervalle spectral. Cela permet notamment d’explorer très finement, avec le même outil, les caractéristiques de la matière inerte ou vivante dans ses différentes phases (diluée ou solide), en surface ou à l’intérieur du volume, en deux ou trois dimensions (imagerie…), dans des conditions de laboratoire, proches de celles que l’on retrouve en nature, y compris sous conditions extrêmes (biologie in vivo, matériaux sous très forte pression et/ou température, ...). La très grande fréquence de répétition des « flashes » de lumière dont XFEL disposera (jusqu’à 27.000 par seconde) permettra, par exemple, de suivre des réactions chimiques à l’échelle de l’atome dans toutes leurs étapes.

L’accès à XFEL se fera selon les modalités en vigueur pour les très grandes infrastructures de recherche, à partir d’une évaluation de la qualité scientifique de chaque projet d’expérience. Un projet d’expérience utilisant XFEL sera porté par des équipes de recherche regroupant, le plus souvent, des personnes de plusieurs nationalités, rassemblées autour d’un réseau thématique, ou de collaborations multilatérales entre organismes de recherche de différents pays. Les membres français de ces équipes seront des enseignants-chercheurs, chercheurs, ingénieurs et agents techniques provenant très majoritairement de laboratoires du CNRS, du CEA et des Universités dont l’activité est liée à la thématique de l’interaction Rayonnement-Matière.

Éléments de contexte international

Deux autres Lasers à Electrons Libres dans le domaine des rayons X durs, construits sur un principe semblable à celui de XFEL, existent ou sont en phase de construction hors d’Europe.

Aux Etats-Unis, le LINAC de SLAC (laboratoire national des accélérateurs de Stanford en Californie), anciennement dédié à la physique des particules, a été réadapté pour alimenter le LCLS (en anglais : Linac Coherent Light Source, source de lumière cohérente par accélérateur linéaire), qui est opérationnel dans la gamme des rayons X durs depuis la mi-2009 et accueille déjà des équipes d’utilisateurs.

Au Japon, la source XFEL-SCSS (SPring-8 Compact SASE Source) est en phase finale de construction et les premiers photons y sont attendus au courant de l’année 2010. La période d’exploitation devrait pouvoir commencer aussitôt après.

Dans ce contexte, l’Europe va également disposer avec XFEL d’un outil de ce type, mais avec des performances supérieures et donc des potentialités accrues. En effet, dès la phase de construction, il intégrera les avancées technologiques acquises de l’expérience des autres machines. Au contraire de celles-ci, il a par ailleurs été prévu dès l’origine que l’accélérateur de XFEL utilisera les technologies, plus performantes, de la supraconductivité. Parmi les atouts de XFEL par rapport à ses « concurrents » extra européens, l’on peut citer, entre autres, une plus grande souplesse d’utilisation quant à la structure temporelle des impulsions de lumière (taux de répétition notablement plus élevé1 ou différemment modulé), qui autorisera l’accès à la connaissance fine de divers processus dynamiques (atomiques, moléculaires, transitions de phase) de la matière.

Conséquences économiques

Aux termes de l’article 3 de ses statuts, la société XFEL poursuivra exclusivement des buts non lucratifs. Mais, au-delà de l’accroissement des connaissances scientifiques qui est sa mission première, et qui trouveront rapidement de nombreuses applications, la création de l’installation XFEL aura des conséquences économiques pouvant profiter à notre pays. Comme pour la plupart des très grandes infrastructures de recherche, ces conséquences se manifesteront lors des deux stades de la vie de l’infrastructure.

* Dans la phase de construction de XFEL, tout d’abord, la participation française prendra la forme d’une contribution en nature comprenant l’étude, la réalisation et les tests des cavités accélératrices et des coupleurs radio fréquence. Ce sont des opérations avec une forte valeur innovante, qui comportent un effort de R&D à la limite des possibilités des technologies industrielles actuelles, et pour lesquelles des entreprises françaises disposent d’un avantage compétitif certain, grâce notamment aux recherches du CNRS et du CEA. Les connaissances acquises lors de cette phase ne pourront que conforter et renforcer la position de haute compétitivité de ces entreprises, et leur permettre d’encore mieux répondre à des projets similaires dans le futur.

* Dans la phase d’exploitation, les chercheurs français et européens bénéficieront d’un outil unique de recherche. Leurs études ouvriront la voie à des applications économiques, comme par exemple la mise au point de nouveaux médicaments, de nouveaux matériaux ou de nouvelles techniques de stockage magnétique de l’information.

Conséquences financières

Lors des négociations qui ont précédé la signature de la convention, les plus grandes précautions ont été prises afin que le coût de la participation française représente une charge à la fois limitée et maîtrisée pour les finances publiques.

La contribution française aux coûts de construction y compris la mise en service de la machine, a été fixée à 36 000 000 € (valeur 2005). Elle sera apportée à parts égales par le CEA et le CNRS, sous la forme exclusive de contributions en nature. Cette somme n’a pas été fixée en pourcentage des coûts de construction, et ne sera donc pas directement révisable dans l’hypothèse où un dépassement du budget global de 1 082 000 000 € serait constaté.

Les coûts d’exploitation annuels sont estimés en valeur 2005 à 64 000 000 € lors du démarrage de l’installation, pour atteindre 83 600 000 € en plein régime. Ils seront répartis entre les Associés selon un schéma qui doit être approuvé à l’unanimité par le Conseil de la Société XFEL au plus tard trois ans après le début de la phase de construction, soit au plus tard en 2012. D’ores et déjà, le gouvernement français a fait savoir par une déclaration jointe à l’Acte final que sa participation aux coûts annuels d’exploitation n’excédera pas 2 % de leur montant global. Il sera bien entendu disposé à rediscuter ce pourcentage conformément aux dispositions de l’article 6 (3) de la convention, si l’utilisation de l’installation XFEL par la communauté scientifique française apparaissait à l’expérience durablement et notablement supérieure à ces 2 %.

Conséquences sociales

La convention en elle-même n’a pas de conséquences sociales directes en France. Parmi les décisions prises ou à prendre par la société XFEL, les seules susceptibles d’avoir des conséquences de ce type pour des ressortissants français concernent le statut, et notamment la rémunération, des employés français de cette société.

Les règles relatives au statut des personnels ont été discutées en profondeur lors des négociations préparatoires, quoique ne figurant pas formellement dans la convention ou son annexe. Le schéma adopté est classique dans les très grandes infrastructures de recherche fonctionnant sous droit local : les personnels de XFEL seront régis par le droit allemand, notamment les conventions collectives applicables aux personnels de la recherche publique. Leur rémunération, contrairement à celle des fonctionnaires internationaux, ne sera pas exonérée d’impôt. Les personnels non allemands (dont les français) recevront en outre une indemnité internationale, liée à leur expatriation. L’ensemble de ce dispositif leur assurera une rémunération attractive pour un coût budgétaire raisonnable.

Conséquences environnementales

D’importantes précautions ont été prises pour que la construction et l’exploitation de l’installation XFEL ne génèrent pas de dommages environnementaux, malgré sa localisation dans une zone densément peuplée à Hambourg. L’installation sera souterraine et la profondeur des tunnels sera suffisante pour que le niveau des radiations ionisantes qui atteindront le sol soit négligeable. A proximité immédiate des tunnels, la radioactivité supplémentaire résultant de vingt années d’exploitation sera inférieure à la radioactivité naturelle du sol. Les salles d’expériences seront bien entendu protégées des effets des rayons X par des dispositifs de blindage.

Par ailleurs, après enquête publique, des mesures ont été décidées en compensation des atteintes portées aux milieux naturels par les travaux de génie civil, sous la forme notamment de plantations.

L’exploitant étant la société XFEL, la responsabilité de la France ne saurait être engagée.

Conséquences juridiques

L’approbation de la convention et de son annexe n’impliquera pas de modification du droit français. Il n’y aura pas davantage de mesures d’application d’ordre législatif ou réglementaire.

L’entrée en vigueur de la convention aura lieu le premier jour du deuxième mois suivant l’accomplissement des procédures internes d’approbation dans la totalité des Etats signataires, conformément à son article 13. Une résolution de l’ensemble de ces Etats jointe à l’Acte final autorise d’ici là, comme il est d’usage pour les conventions de l’espèce, son application provisoire. Par une déclaration jointe au même Acte final, le Gouvernement français a indiqué qu’il ne pourrait procéder pour sa part à l’application provisoire de la convention qu’après que celle-ci aura été ratifiée suivant la procédure résultant de l’article 53 de la Constitution.

La convention est conforme au droit de l’Union européenne. Son article 1er précise que la société sera soumise au droit allemand, sauf dispositions contraires de la convention. Or le droit allemand, droit d’un Etat membre de l’Union européenne, intègre l’ensemble du droit de l’Union, traités et droit dérivé, et le texte de la convention ne déroge pas à celui-ci. En ce qui concerne plus particulièrement le régime de TVA, qui fait l’objet de l’article 8 de la convention, la prise en charge de l’éventuelle T.V.A. qui viendrait grever les contributions, en nature ou en numéraire, feront l’objet d’une compensation budgétaire de la part de l’Etat partie qui percevrait une telle taxe. Il ne s’agit pas d’introduire un mécanisme d’exonération ou d’exemption de la T.V.A. qui serait dérogatoire aux dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. Telle est également l’interprétation donnée à ces dispositions par notre partenaire allemand, pays du siège de la Société créée par la convention et pays dépositaire. En effet, une note verbale du gouvernement de la République fédérale d’Allemagne en date du 1er juillet 2011 précise que les divers alinéas de cet article seront « interprétés conformément à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ». En tout état de cause, ce mécanisme ne devrait pas avoir d’incidence dans les faits pour la partie française.

Conséquences administratives

Des délibérations des organes compétents du CEA et du CNRS devront être prises afin de permettre à ces organismes de devenir les associés français de la société XFEL. Le suivi de la vie de la société et la participation à ses différents organes statutaires sera assuré par les structures compétentes de ces organismes, l’Institut national de physique des particules (IN2P3) pour le CNRS et la Direction des Sciences de la matière (DSM) pour le CEA, qui assurent déjà le suivi d’installations similaires. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui a été responsable des négociations préparatoires, n’interviendra plus désormais que pour assurer la coordination de la représentation française et la cohérence des positions qu’elle sera amenée à défendre avec l’acquis de ces négociations. L’ensemble de ces dispositions ne devrait pas entraîner de charge de travail nouvelle notable.

III. - Historique des négociations

Après une phase interne d’études, qui s’est déroulée en 2002-2003, le ministère fédéral de l’Education et de la Recherche de la République fédérale d’Allemagne a proposé d’être l’Etat hôte d’un laser européen.

Des négociations se sont engagées à partir de la fin de l’année 2004 avec les partenaires potentiels de ce projet, dont les représentants du ministère français en charge de la recherche. Huit Etats y ont participé à l’origine, ce nombre passant à treize en 2005 et quatorze en 2007.

Le caractère prioritaire pour la recherche européenne de la construction de l’installation XFEL a été reconnu dès 2006 par son inscription sur la première « feuille de route » de l’ESFRI (European strategic forum on research infrastructures, Forum stratégique européen pour les infrastructures de recherche).

Les négociations se sont poursuivies jusqu’au printemps 2009. Elles ont porté sur les aspects juridiques et financiers du dossier et ont permis en outre d’en valider les éléments scientifiques et techniques, tels qu’ils avaient été étudiés par des chercheurs et ingénieurs venus des laboratoires compétents des différents Etats intéressés.

Les textes légaux (convention intergouvernementale, comportant en annexe les statuts de la société XFEL) ne présentent pas de particularité notable, à l’exception de la reconnaissance d’une minorité de blocage à la Fédération de Russie pour les décisions à prendre à la majorité qualifiée, qui s’explique par le montant élevé de sa contribution à la construction de XFEL (250 000 000 €, à comparer aux 580 000 000 € apportés par la République fédérale d’Allemagne et aux 36 000 000 € français, la France étant le troisième contributeur financier au projet). Ces textes, dans leurs différentes versions linguistiques qui font toutes également foi, ont été approuvés lors d’une conférence des traducteurs qui s’est tenue à Berlin du 21 au 23 septembre 2009.

IV. - Etat des signatures et ratifications

La convention a été signée à Hambourg le 30 novembre 2009 par les représentants de dix gouvernements : ceux de la République fédérale d’Allemagne, du Royaume du Danemark, de la République hellénique, de la République de Hongrie, de la République italienne, de la République de Pologne, de la Fédération de Russie, de la République slovaque, du Royaume de Suède et de la Confédération suisse.

La signature de la République française, qui avait été retardée pour de simples raisons techniques, est intervenue le 4 février 2010. Le Royaume-Uni, qui a participé aux négociations et paraphé les textes à l’issue de la Conférence des traducteurs, n’a pas signé la Convention et a formellement décidé le 16 décembre 2009 de se retirer du projet, compte tenu d’une nouvelle définition de ses priorités scientifiques à la suite de difficultés budgétaires.

Les Etats ayant ratifié la convention à ce jour sont : le Danemark, la Fédération de Russie, la Suède, la Pologne, la Suisse, l'Hongrie et l'Allemagne. Les Etats qui ont signé mais pas encore achevé leur processus interne de ratification sont, outre la France, la Grèce, l'Italie et la Slovaquie. L'Espagne a manifesté son intention d’adhérer à la convention.

A terme, une éventuelle participation de la Chine, sous des modalités à déterminer, est envisageable. La Chine a participé aux négociations mais pas à la Conférence des traducteurs et ne figure pas parmi les signataires de la convention.

V. - Déclarations ou réserves

La France n’envisage pas de faire de déclaration ou de réserve, à l’exception de la déclaration annexée à l’Acte final dont la conférence des Paries a pris note.


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