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mis en distribution

le 3 décembre 2007


N° 350

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2007.

PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE

visant à un meilleur contrôle par le Parlement des questions de défense et de sécurité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Guy TEISSIER, Patrick BALKANY, Patrick BEAUDOUIN, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Jean-Marie BINETRUY, Étienne BLANC, Roland BLUM, Claude BODIN, Loïc BOUVARD, Mmes Valérie BOYER, Françoise BRANGET, M. Dominique CAILLAUD, Mme Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, MM. Jean-Louis CHRIST, Georges COLOMBIER, René COUANAU, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Éric DIARD, Nicolas DHUICQ, Gilles D’ETTORE, Jean-Michel FERRAND, Jean-Claude FLORY, Marc FRANCINA, Pierre FROGIER, Guy GEOFFROY, Michel GRALL, Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, M. Michel HEINRICH, Mme Françoise HOSTALIER, M. Marc JOULAUD, Mme Marguerite LAMOUR, MM. Pierre LASBORDES, Frédéric LEFEBVRE, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Philippe Armand MARTIN, Christian MÉNARD, Georges MOTHRON, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Axel PONIATOWSKI, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Joël SARLOT, André SCHNEIDER, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Yves VANDEWALLE, Christian VANNESTE, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL et Michel VOISIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À la fin de la première Guerre mondiale, et tirant les leçons de cette « drôle de guerre », un jeune conférencier du nom de Charles de Gaulle expliquait que « l’ont ne peut admettre que sans contrôle et sans autorisation, un Gouvernement, n’importe lequel, engage tout l’avenir de la France, face à des charges écrasantes, contracte des alliances, prenne des engagements extérieurs absolument nouveaux, bouleverse la vie économique du pays pendant des années et des années ».

Or, en août 1914, c’est par la lecture d’un message du Président de la République Raymond POINCARÉ , sans débat ni vote du Parlement, que notre pays était entré dans la Grande guerre, et par la suite, le Parlement n’avait pas vraiment été associé à la gestion du conflit par l’exécutif.

En effet, du fait de la traditionnelle et multiséculaire primauté de l’exécutif dans la conduite des relations internationales, la marginalisation du Parlement dans le domaine de la défense nationale n’est pas un phénomène nouveau en droit constitutionnel français, puisque contrairement aux idées reçues ce phénomène se retrouvait sous les IIIe et IVe Républiques.

Pourtant, et comme l’affirmait le même général de Gaulle, nous ne devons pas avoir peur d’adapter notre Constitution aux mutations géopolitiques induites par le XXIe siècle, car une constitution doit pouvoir suivre la modernisation de la société à laquelle elle s’applique.

Ainsi, dans le cadre de l’actuelle réforme de nos institutions souhaitée par le Président de la République, il s’agira là d’un point central touchant à l’équilibre général des pouvoirs, puisque cette réforme doit être l’occasion de remédier à la marginalisation du Parlement dans le domaine de la défense nationale, et donc de permettre au Parlement de recouvrer ses prérogatives originelles d’information, d’autorisation, de vote et de contrôle de l’action de l’exécutif y compris dans les domaines de la défense et de la sécurité nationales.

Aux côtés d’un Président de la République d’autant plus puissant que les prérogatives qu’il a coutumièrement acquises depuis 1962 seront constitutionnellement consacrées, il faut donc un Parlement fort et qui, sans décider à la place de l’exécutif, soit associé à l’action présidentielle, et ce dans leur champ d’action respectif.

Face à ce constat, nous pouvons dégager quatre priorités afin de permettre un meilleur contrôle par le Parlement des questions de défense :

– En premier lieu, il convient de renforcer les pouvoirs du Parlement en matière d’information, qui est incontestablement lacunaire puisque, sur le fondement de l’article 53 de la Constitution, le Parlement n’est pas amené à se positionner automatiquement sur la ratification ou l’approbation des traités d’alliance, accords de défense, traités de non-agression et autres traités d’assistance mutuelle.

En effet, ce sont le Président de la République et/ou le Gouvernement qui choisissent discrétionnairement si ces traités sont soumis ou non à une autorisation parlementaire, alors que ces traités sont politiquement importants, et peuvent sur le plan juridique servir de base à des interventions extérieures de l’armée française.

Dès lors une option pourrait consister en l’élargissement du champ de l’article 53 mais le risque serait que certaines informations sensibles soient éventées.

C’est pourquoi je propose que l’on puisse fournir cette information sur l’existence et le contenu des traités aux seuls membres des bureaux des commissions de défense et que, dans la même optique, les présidents des commissions de défense de l’Assemblée nationale et du Sénat deviennent membres du Conseil de sécurité nationale, rassemblés sous la Présidence du chef de l’État.

– Dans un deuxième temps, il nous paraît essentiel que le Parlement puisse être mieux informé au sujet de la signature des grands contrats d’armement : en effet la France est le 3e pays exportateur d’armements dans le monde, et l’autorisation d’exporter des armes relève de l’Exécutif et plus particulièrement du ministère de la défense mais aussi du ministère des affaires étrangères et de celui de l’économie et des finances.

Or aujourd’hui, les informations reçues par les parlementaires sont parcellaires et largement incomplètes, puisque c’est le Gouvernement qui décide ce qu’il transmet ou non au Parlement.

Ainsi il semble logique que, le Parlement devant contrôler l’action du Gouvernement, il contrôle également les contrats d’armements et notamment ceux dépassant une certaine somme, comme cela est déjà actuellement le cas en Allemagne.

C’est pourquoi je propose qu’au-delà d’un certain seuil d’acquisition, de 25 millions d’euros par exemple, l’information des présidents de commission des finances et de défense, voire des bureaux de ces deux commissions des deux assemblées soit déclenchée automatiquement.

– La troisième priorité réside selon moi dans le fait d’associer le Parlement à la décision en cas d’emploi de la force armée.

En effet, la pratique de la Ve République montre que l’engagement des forces militaires à l’extérieur du territoire relève de facto du Président de la République, ce qui constitue une prérogative présidentielle essentielle que nous n’entendons pas remettre en cause, mais il semble également essentiel de rétablir le rôle du Parlement en la matière.

Ainsi, l’article 35 de la Constitution qui prévoit l’autorisation du Parlement en cas de déclaration de guerre n’a jamais été utilisé sous la Ve République, et apparaît aujourd’hui largement obsolète.

C’est pourquoi je propose que le substantif de « guerre » soit remplacé dans la nouvelle rédaction de l’article 35 par le terme de « conflit armé international », car ce concept est plus englobant et permet ainsi de mieux appréhender la complexité des conflits modernes.

De plus, et sur ce même point, il paraît important que l’article 35 puisse prendre en compte la nouvelle réalité que constituent les opérations extérieures (OPEX), et que le Parlement puisse jouer un rôle sans toutefois là aussi remettre en cause les prérogatives du Président de la République contenues dans l’article 16 de la Constitution.

C’est pourquoi je suggère l’adjonction à l’article 35 d’un second alinéa qui prévoit que le Parlement soit informé de toute intervention des forces armées de la France à l’extérieur du territoire de la République au plus tard huit jours après leur déclenchement, et que cette déclaration soit suivie d’un débat sans vote.

Les OPEX dans lesquelles notre pays s’engage s’inscrivant généralement dans le temps, je propose que tous les trois mois le Gouvernement informe le Parlement de la situation de nos troupes à l’étranger.

– Enfin, la dernière priorité est celle du renforcement par le Parlement du contrôle de l’action de l’exécutif, notamment en matière de nominations de certains hauts responsables militaires et civils de la défense nationale.

Je suis en effet convaincu qu’un rôle déterminant pourrait être joué en la matière par les parlementaires qui sont aujourd’hui exclus de la procédure de désignation des hauts responsables de la défense.

C’est pourquoi je propose que le Parlement soit associé au Président de la République pour participer à ces choix, et à ce titre, je défends plus particulièrement l’idée que les commissions de défense de l’Assemblée nationale et du Sénat puissent émettre un avis rendu public avant la nomination du chef d’État-major des armées, du directeur des affaires stratégiques, du délégué général pour l’armement ainsi que du secrétaire général de la défense nationale.

Voici l’ensemble des raisons pour lesquelles je vous demande, Mesdames, Messieurs, d’adopter la proposition de loi constitutionnelle suivante :

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Il est inséré dans l’article 15 de la Constitution un second alinéa ainsi rédigé :

« Il est institué un Conseil de sécurité nationale composé, sous la présidence du Président de la République, du Premier ministre, du ministre des affaires étrangères, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense, du ministre de l’économie et des finances, et des présidents des commissions de la défense de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le président du comité peut, en outre, convoquer pour être entendue par le comité toute personnalité en raison de sa compétence.

Une loi organique précise les compétences et les modalités de fonctionnement de ce Conseil de sécurité nationale ».

Article 2

Il est inséré dans l’article 53 de la Constitution un quatrième alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement est informé des traités de paix, traités d’alliance, de non-agression, d’assistance mutuelle et des accords de défense. En ce domaine, les prérogatives du Parlement sont exercées par une structure restreinte composée des seuls membres de bureaux des commissions de défense de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Article 3

Il est inséré dans la Constitution un article 24-1 ainsi rédigé :

« Art. 24-1. – Le Parlement vote le budget de la défense et les lois de programmation militaires. Il est tenu informé des contrats d’armement contractés par la France quand ces derniers dépassent les vingt-cinq millions d’euros.

« Par l’intermédiaire des commissions de défense et de la sécurité nationales de l’Assemblée Nationale et du Sénat, il en surveille l’exécution et la bonne gestion par le Gouvernement dans les conditions fixées par une loi organique.

« Pour les affaires touchant à la sécurité de l’État, les prérogatives du Parlement peuvent être exercées par une structure restreinte. »

Article 4

Dans l’article 35 de la Constitution, le mot : « guerre » est remplacé par l’expression : « conflit armé international ».

Article 5

À l’article 35 de la Constitution est ajouté un second alinéa ainsi rédigé :

« Toute intervention des forces armées de la France à l’extérieur du territoire de la République fait l’objet d’une déclaration devant le Parlement au plus tard huit jours après son déclenchement. Cette déclaration est suivie d’un débat sans vote. Tous les trois mois, le Gouvernement informe le Parlement de la situation de ses forces armées à l’extérieur du territoire. »

Article 6

Au 3e alinéa de l’article 13 de la Constitution, les mots : « Les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en conseil des Ministres » sont remplacés par :

« Les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers-maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le chef d’État-major des armées, le secrétaire général de la défense nationale, le directeur des affaires stratégiques, le délégué général pour l’armement, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des ministres, après avis conforme adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés par une commission mixte réunissant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ».


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