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mis en distribution

le 3 mars 2008


N° 389

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer le dispositif de lutte contre
les
navires pollueurs en mer Méditerranée,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Jean-Claude GUIBAL, Benoist APPARU, Patrick BALKANY, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, Claude BODIN, Mmes Valérie BOYER, Françoise BRANGET, M. Patrice CALMEJANE, Mme Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, M. Éric CIOTTI, Mme Geneviève COLOT, MM. Jacques COUSIN, Jean-Pierre DECOOL, Mme Sophie DELONG, MM. Lucien DEGAUCHY, Éric DIARD, Jean-Pierre DOOR, Renaud DUTREIL, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, Jean-Paul GARRAUD, Charles-Ange GINESY, Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, M. Christophe GUILLOTEAU, Mme Françoise HOSTALIER, MM. Pierre LASBORDES, Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, François LOOS, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Christian MÉNARD, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Bertrand PANCHER, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Michel RAISON, Jean-Marc ROUBAUD, Bruno SANDRAS, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Guy TEISSIER et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis une dizaine d’années, de nombreux textes à vocation répressive ou dissuasive contre les navires pollueurs sont entrés en application. Ils se sont succédés à un rythme soutenu, directement lié à celui des trop nombreuses marées noires et pollutions qui se sont produites. Les naufrages de l’Érika en 1999 et du Prestige en 2002 ont conduit, en particulier, à l’adoption de mesures renforçant davantage la sécurité maritime et la lutte contre les pollutions marines. Elles ont permis également de faire évoluer des textes préexistants qui, pour certains, n’étaient pas encore mis en œuvre, notamment au niveau international.

En dépit de ces textes, les dégazages ou déballastages sauvages restent malheureusement d’actualité et les « navires voyous », difficilement repérables, demeurent par conséquent souvent impunis alors même que les pollutions accidentelles par hydrocarbures ne représentent qu’une faible part de la pollution totale.

En effet, l’essentiel de la pollution provient des déballastages sauvages. Ils auraient pour l’environnement des conséquences huit à dix fois supérieures à celles causées par accident. Selon certaines estimations, ces pollutions dites opérationnelles pourraient représenter chaque année une pollution équivalente à dix fois celle due à l’Érika. Entre 500 et 1 000 observations de pollutions par dégazages sont faites en moyenne par an dans la Manche, en mer du Nord et en mer Baltique, et entre 1 000 et 1 500 en Méditerranée. Ce sont ainsi quelque 100 à 150 000 tonnes d’hydrocarbures qui sont déversées chaque année en Méditerranée, soit douze fois l’équivalent de la cargaison du Prestige. En outre, le volume des résidus (fioul, eaux de déballastage des « chimiquiers », eaux et huiles de vidange) est de plus en plus important et le rapport, paru en 2005 et intitulé « les perspectives du Plan bleu sur l’environnement et le développement », prévoit, à l’horizon 2025, une augmentation globale de ces rejets de 5 % par an en raison de ces pratiques et de la très forte augmentation attendue du trafic maritime.

Ces différentes pollutions accentuent bien évidemment la fragilité de la mer Méditerranée qui concentre 30 % du trafic maritime international et 20 % à 25 % du trafic des hydrocarbures sur seulement 0,7 % des surfaces immergées. Afin d’assurer une meilleure protection de la façade méditerranéenne, la loi n° 2003–346 du 15 avril 2003 a créé la notion de zone de protection écologique afin de permettre, en l’absence de zone économique exclusive, des poursuites pénales à l’encontre d’auteurs de pollutions par rejets dans cette zone. En application de cette loi, le décret n° 2004-33 du 8 janvier 2004 a créé une zone de protection écologique en Méditerranée.

Malgré les nombreuses mesures prises afin de renforcer notre arsenal répressif (augmentation des sanctions pénales par la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants et la loi Perben II n° 2004-204 du 9 mars 2004, création des tribunaux de grande instance du littoral maritime spécialisés, répression des rejets illicites), on constate qu’un très faible taux des cas de déballastages sauvages est finalement sanctionné par nos tribunaux. Les opérations « coup-de-poing » menées au lendemain du naufrage de l’Érika par les services de douanes et de la marine nationale en sont l’illustration. Ces opérations avaient eu lieu entre les 18 et 23 février 2000 et les 13 et 14 mars suivants. Pour la première période, sur les trente-neuf actes de pollution constatés, seuls trois ont été sanctionnés. Pour la seconde période, un seul sur les neuf dégazages observés a pu être réprimé. Au total, depuis le vote de la loi du 3 mai 2001 précitée et jusqu’au 31 décembre 2006, 78 jugements ont été prononcés en première instance par les juridictions françaises à l’encontre de capitaines de navires pris en flagrant délit de rejet illicite, donnant lieu à 11 776 millions d’euros de cautionnements et à 12 769 millions d’euros d’amendes. Les peines prononcées vont de 40 000 € à 800 000 €.

En réalité, nombre de faits commis restent impunis, notamment parce qu’il est particulièrement difficile de réunir des éléments probants devant les tribunaux.

Il est donc essentiel de mettre en place rapidement la surveillance satellitaire de la pollution maritime. À cet égard, des progrès ont récemment été constatés, à la suite notamment du projet RAMSES, réalisé dans le cadre du cinquième programme-cadre communautaire de recherche et de développement (PCRD) couvrant la période 1998-2002. Ce projet avait montré la possibilité de détecter, sous certaines conditions et dans une certaine limite, des nappes ou des films d’hydrocarbures par l’imagerie satellite radar (SAR). D’autres réponses ont ensuite été envisagées, notamment avec le projet franco-italien ORFEO (Optical and Radar Federated Earth Observation) et l’initiative européenne GMES (Global Monitoring of Environment and Security), qui avait également pour objectif de mettre en œuvre, d’ici à la fin de la décennie, des services environnementaux principalement fondés sur des observations spatiales, et en priorité la détection des nappes de pétrole.

L’instauration d’un système de détection des pollutions maritimes par satellite constitue désormais une perspective d’avenir prometteuse, qui doit être encouragée tant en Méditerranée qu’au niveau international. De fait, l’expérience conduite par le conseil général des Alpes-Maritimes, au cours de la saison touristique 2006, a montré l’efficacité du recours aux images radar. En effet, pendant deux mois et demi, des images recueillies par deux satellites, l’un canadien Radarsat et l’autre européen, Envisat (Agence spatiale européenne – ESA) ont permis de surveiller les nappes de pétrole au large de la Côte d’Azur, de détecter des pollutions et le risque qu’elles atteignent le rivage. Il s’agissait d’une première en France alors que ce système de surveillance est utilisé depuis une dizaine d’années en Norvège. Il conviendrait bien évidemment de le développer.

Tel est l’objectif de l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), récemment installée à Lisbonne, qui après avoir passé des appels d’offres pour l’Europe du Nord et l’Europe du Sud pour des systèmes de surveillance similaires, a signé, le 2 mars 2007, un accord de coopération avec l’agence européenne spatiale (ESA) dans le domaine de la surveillance maritime. Cette signature intervient au cours de la dernière phase préparatoire de mise en place du nouveau service centralisé de l’EMSA d’imagerie satellite pour la surveillance et la détection précoce des pollutions par hydrocarbures et l’identification des navires responsables des rejets d’hydrocarbures en mer. Les images obtenues permettent d’appuyer la surveillance aérienne et maritime des États membres côtiers. Ce service permet d’alerter les États côtiers de l’Union européenne et l’EMSA en trente minutes.

Ce dispositif de détection des pollutions par satellites nécessite cependant des moyens humains supplémentaires pour déclencher les phases d’alerte et coordonner, en liaison avec les autorités portuaires et les collectivités locales, les interventions en mer. Tel est le premier axe de la présente proposition de loi qui consiste à créer un corps de gardes-côtes qui, placé sous l’autorité du Premier ministre, disposera de moyens et de pouvoirs adaptés à la surveillance du trafic maritime et à la lutte contre les déballastages sauvages. La pollution ne s’arrêtant ni aux frontières ni aux limites territoriales des mers, il est bien évident qu’un tel dispositif ne doit pas rester isolé. La France doit prendre les initiatives nécessaires au sein de l’Union européenne et des pays du pourtour méditerranéen pour que de nouvelles règles de sécurité soient définies. La création dans notre pays d’un corps de gardes-côtes doit s’entendre comme le prélude à la création d’un corps spécialisé à l’échelon Euro-méditerranéen ou à celui de l’Union Méditerranéenne, qui pourra ainsi effectuer sa mission sur l’ensemble des mers des pays côtiers.

La deuxième proposition consiste à subordonner l’entrée de tout navire dans les eaux territoriales ainsi que dans les ports français à la présentation d’un certificat de dégazage délivré par un organisme agréé par la France. Il faut rappeler qu’en application de l’ordonnance n° 2005-898 du 2 août 2005, les articles L. 343-1 à L. 343-3 du code des ports maritimes font obligation aux capitaines des navires faisant escale dans un port maritime de déposer les déchets d’exploitation et les résidus de cargaison avant de quitter le port. Mais il convient désormais d’aller plus loin.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est créé un corps de garde-côtes placé sous l’autorité du Premier ministre. Chargés de la surveillance en mer, les membres de ce corps sont habilités à exercer et faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition définies par les conventions internationales, la législation et la réglementation françaises. Par tous les moyens techniques adaptés, ils contrôlent les navires entrant dans la zone économique exclusive et dans la zone de protection écologique définie dans la loi no 2003-346 du 15 avril 2003 relative à la création d’une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République. Ils procèdent à l’examen en mer de tout navire suspect, décident du déroutement du navire vers un port français ou une zone d’attente ou de mouillage et, le cas échéant, procèdent à l’immobilisation du navire.

Article 2

Aucun navire ne peut pénétrer dans la zone de protection écologique définie dans la loi no 2003-346 du 15 avril 2003 précitée, non plus que dans les ports de cette zone, s’il ne détient un certificat de dégazage délivré par un organisme agréé par l’État français.

La liste des organismes habilités à délivrer le certificat de dégazage est fixée par un décret en Conseil d’État.

Article 3

Est puni d’une amende de 100 000 € le fait pour tout capitaine ou responsable à bord de ne pas présenter de certificat de dégazage.

Article 4

Tout navire qui n’est pas en mesure de se conformer aux dispositions prévues par l’article 2 peut être arraisonné et conduit dans un port disposant d’installations adéquates pour y déposer ses déchets d’exploitation et ses résidus de cargaison.

Article 5

Les charges résultant pour l’État des dispositions de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 265, 265 A et 265 B du code des douanes.


© Assemblée nationale