Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Document

mis en distribution

le 3 décembre 2007


N° 399

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2007.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d’enquête sur les fraudes
aux prestations et aux prélèvements sociaux,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Éric CIOTTI, Yves ALBARELLO, Jean AUCLAIR, Pierre-Christophe BAGUET, Jean BARDET, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Claude BODIN, Philippe BOËNNEC, Jean-Yves BONY, Jean-Claude BOUCHET, Étienne BLANC, Roland BLUM, Mme Françoise BRANGET, MM. Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Mme Chantal BRUNEL, MM. Bernard CARAYON, Olivier CARRÉ, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Marc-Philippe DAUBRESSE, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Bernard DEPIERRE, Nicolas DHUICQ, Dominique DORD, Renaud DUTREIL, Gilles D’ETTORE, Georges FENECH, Daniel FIDELIN, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, M. Yves FROMION, Mme Cécile GALLEZ, MM. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Paul GARRAUD, Gérard GAUDRON, Jean-Jacques GAULTIER, Alain GEST, Georges GINESTA, Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, François-Michel GONNOT, Michel GRALL, François GROSDIDIER, Jean-Claude GUIBAL, Louis GUÉDON, Christophe GUILLOTEAU, Gérard HAMEL, Mme Françoise HOSTALIER, MM. Guénhaël HUET, Yves JEGO, Marc JOULAUD, Alain JOYANDET, Didier JULIA, Jacques KOSSOWSKI, Jacques LAMBLIN, Mme Laure de La RAUDIÈRE, MM. Frédéric LEFEBVRE, Marc LE FUR, Jacques LE NAY, Céleste LETT, Mme Geneviève LEVY, MM. Michel LEZEAU, François LOOS, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Mmes Christine MARIN, Muriel MARLAND-MILITELLO, M. Philippe Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Jean-Claude MATHIS, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Mme Nadine MORANO, MM. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Georges MOTHRON, Alain MOYNE-BRESSAND, Yanick PATERNOTTE, Jean-Frédéric POISSON, Didier QUENTIN, Éric RAOULT, Jacques REMILLER, Jean-Luc REITZER, Frédéric REISS, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Jean-Marie SERMIER, Jean-Pierre SOISSON, Éric STRAUMANN, Lionel TARDY, Michel TERROT, Guy TEISSIER, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Jean TIBERI, Yves VANDEWALLE, Charles de La VERPILLIÈRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Michel VOISIN, André WOJCIECHOWSKI et Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, nous assistons dans notre pays à la multiplication des fraudes aux prestations et aux prélèvements sociaux qui atteignent des proportions intolérables.

Selon les estimations fournies par l’Institut national de la statistique et des études économiques, le Conseil des prélèvements obligatoires, la Cour des comptes ainsi que les divers rapports parlementaires le montant de ces fraudes se situerait entre 20 et 40 milliards d’euros.

En matière de prestations sociales, les activités frauduleuses ne sont plus seulement passagères, ponctuelles. Aux simples irrégularités, auxquelles quelques particuliers s’adonnaient, se sont substituées des escroqueries commises par de véritables professionnels attirés par la faiblesse des risques courus par rapport à l’importance des enjeux financiers.

Le cas de cet individu condamné en 2006 après avoir vendu pour la somme de 4 500 euros des « Kits ASSEDIC » comprenant de faux contrats à durée déterminée, de faux bulletins de salaire et de fausses attestations ASSEDIC qui permettaient aux acheteurs de bénéficier indûment des prestations maladies ou chômages est éloquent. Grâce à ce procédé, ce sont plus de 1 800 000 euros qui ont été détournés au détriment des différentes caisses primaires d’assurance maladie et des ASSEDIC. Loin d’être un cas isolé, ce type de fraudes semble se multiplier. Dans un communiqué du 17 octobre 2007, l’UNEDIC a d’ailleurs reconnu qu’elles concerneraient plus de 7 000 personnes pour un montant estimé à 80 millions d’euros.

Tout aussi instructif est l’exemple de cette fausse mère de quintuplés, enregistrée dans 17 caisses d’allocations familiales différentes, qui a réussi, en percevant pendant un an plus de 20 000 euros de prestations sociales par mois, à détourner plus de 110 000 euros.

Les cas de fraudes à la couverture maladie universelle (CMU) ne manquent pas non plus. Dans le cadre de ce régime, les utilisations frauduleuses des cartes vitales se sont multipliées. Les échanges de cartes vitales ont même fait l’objet d’un trafic organisé dans certains départements où des bénéficiaires les louaient pour 300 euros par semaine. De même, la CMU a permis à certains individus de se lancer dans le trafic de médicaments. Le trafic du « Subutex », substitut à l’héroïne, en est l’exemple le plus flagrant. À Toulouse, un bénéficiaire de la CMU avait réussi à se faire délivrer pour 30 000 euros de ce type de médicament, ce qui lui avait permis de gagner plus de 350 euros par jour.

Quant au RMI, il apparaît que c’est l’une des prestations qui concentre une grande partie des fraudes au point que de nombreux présidents de conseils généraux ont dû réagir pour faire face à cette situation. Ce fut le cas de celui de Dordogne qui a dû supprimer cette prestation à 80 ressortissants européens plutôt aisés (majoritairement des Britanniques) qui ont réussi à détourner plus de 660 000 euros. À Paris, le maire a lui aussi saisi la justice de nombreuses fois. Dans l’une de ses plaintes, il cite le cas de ce ressortissant étranger qui a reçu plus de 8 000 euros au titre du RMI alors qu’il ne résidait pas sur le territoire national, ce qui est un empêchement dirimant.

Concernant la fraude aux prélèvements sociaux, les études précitées ont souligné son accroissement et son amplification. Son montant oscillerait, aujourd’hui, entre 8 et 15 milliards d’euros.

Cela résulterait surtout du développement du travail dissimulé au-delà des branches dans lesquelles il était une pratique courante (BTP, spectacle, hôtel-café-restaurant, téléphonie, textile), grâce notamment à l’utilisation accrue de la fausse sous-traitance et de la sous déclaration d’activité dans le petit commerce, le déménagement, le transport routier et les services. À elle seule, cette fraude pèserait plus de 9 milliards d’euros.

Les différents rapports ont aussi mis en avant l’impact de la fraude aux prestations de services transnationales qui passe par le recours accru à des travailleurs détachés. Selon la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI) ce type de détachement concernerait, en 2004, entre 126 000 et 160 000 salariés, soit une augmentation de 33 % par rapport à l’année précédente.

Cette situation n’est pas seulement rendue possible par le manque de moyens de contrôle et le manque de volonté politique qui a prédominé depuis une vingtaine d’années. Elle est aussi le résultat du cloisonnement et de l’éclatement des différents services ainsi que de leur manque de coordination. Mais surtout, elle découle d’un manque total d’échange d’informations entre les différents organismes sociaux.

Au vu de cette liste d’exemples qui est loin d’être exhaustive, il apparaît que les évaluations du montant total des fraudes aux prestations et prélèvements sociaux ne sont pas exagérées.

Il est évident que ces montants colossaux ne peuvent que peser de façon néfaste sur le respect des objectifs primordiaux que sont la maîtrise des dépenses publiques et la lutte contre les déficits et la dette de l’État. Leur ampleur ne peut que limiter l’efficacité de la modernisation de la gestion publique et des réformes engagées par le gouvernement afin d’assainir nos finances publiques.

Mais au-delà des questions financières, la lutte contre ces fraudes, qui sapent les fondements de notre cohésion nationale, est aussi un devoir moral. Comment demander à nos concitoyens de faire plus d’efforts alors que certains abusent de la générosité de notre pays ? Comment leur demander de financer les comportements indignes de quelques-uns ?

Dès lors, il n’est pas étonnant que ces agissements génèrent chez ces derniers, à juste titre d’ailleurs, un sentiment de mécontentement, de frustration et même de colère qui pourrait s’amplifier au point de mettre en danger la pérennité de notre pacte social fondé sur le principe de solidarité.

C’est pourquoi le président de la République a fait de la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance une priorité. Bien qu’il ait chargé le ministre du budget de rassembler des éléments d’information et d’analyse afin d’instaurer des mesures et des dispositifs de lutte plus efficaces, il apparaît indispensable que la représentation nationale participe à cette démarche et donc qu’elle s’empare activement de cette question.

Pour ces raisons, il est proposé de créer une commission d’enquête qui serait chargée d’identifier les ressorts et la nature de la fraude ainsi que les mécanismes qui y concourent. Elle aurait en outre pour vocation l’analyse des dysfonctionnements et des défaillances des services de gestion et de contrôle qui permettent l’existence et l’augmentation de ces pratiques inacceptables.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application de l’article 140 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres visant à analyser la situation des fraudes aux prestations et aux prélèvements sociaux. Cette commission devra identifier la nature de la fraude ainsi que les mécanismes qui y concourent. Elle devra en outre enquêter sur les incohérences, les dysfonctionnements et les défaillances des différents services et organismes administratifs chargés de la prévention et de lutte contre ces pratiques frauduleuses.


© Assemblée nationale