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le 2008


N° 639

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 janvier 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à inciter les employeurs à recourir au télétravail
pour promouvoir l’embauche des
personnes handicapées,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 avait pour ambition de favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Elle a ainsi introduit dans le code du travail l’obligation pour tout employeur occupant au moins vingt salariés d’employer, à temps plein ou à temps partiel, des personnes handicapées dans la proportion de 6 % de l’effectif total de ses salariés.

Pour s’acquitter de leur obligation, les employeurs ont le choix entre les modalités suivantes :

– employer des salariés handicapés ;

– sous-traiter certains travaux au secteur protégé ;

– appliquer un accord de branche ou conclure avec les syndicats représentatifs dans l’entreprise un accord d’entreprise prévoyant la mise en œuvre d’un programme d’action en faveur des handicapés ;

– accueillir des stagiaires handicapés ;

– verser une contribution annuelle à un fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, géré par l’Agefiph.

Cependant, force est de constater que près de vingt ans après la mise en place de cette obligation légale, le bilan reste mitigé.

Si plus de la moitié des établissements assujettis remplissent leur obligation en employant des personnes handicapées, seuls 30 % recourent à l’emploi direct, et 36 % n’emploient directement aucune personne handicapée. Quelque 29 % remplissent même leur obligation uniquement par le biais d’une contribution à l’Agefiph.

Pendant ce temps, le chômage des personnes handicapées continue de progresser. Depuis 2000, le nombre de demandeurs d’emploi handicapés a en effet augmenté de 5,9 % par an.

Ainsi, quelque 260 000 demandeurs d’emploi handicapés étaient inscrits à l’ANPE fin décembre 2004, soit un taux de chômage de près de 30 % (toutes catégories confondues) pour une population totale de 900 000 handicapés actifs.

Si on utilise la même manière de compter pour les handicapés que pour les valides, on arrive à 20 % de chômage, contre 9,9 % pour la population générale.

De plus, l’ancienneté moyenne de l’inscription au chômage est beaucoup plus importante pour les personnes handicapées : 17,6 mois pour 12,3 mois tous publics. Ainsi le chômage de longue durée concernait fin 2004, 44,2 % des demandeurs d’emploi handicapés (31,9 % tous publics).

Le législateur a souhaité s’emparer de cette problématique, en inscrivant comme prioritaire la question de l’emploi des personnes handicapées dans la loi du 11 février 2005. Il s’est attaché à améliorer le mécanisme de l’obligation d’emploi, à travers trois mesures principales :

– la contribution due par les entreprises qui ne respectent pas le taux d’emploi de 6 % est alourdie : la cotisation maximale à l’Agefiph est portée de 500 à 600 fois le Smic horaire par bénéficiaire manquant et par an, et même à 1 500 Smic horaire pour les entreprises qui méconnaissent l’esprit de l’obligation en ne s’acquittant de cette obligation qu’à travers une contribution à l’Agefiph, et ce pendant trois années de suite ;

– le système des unités bénéficiaires est supprimé : désormais, le calcul du taux d’emploi s’effectuera sur la base du nombre de personnes handicapées réellement présentes dans l’entreprise ;

– la contribution à l’Agefiph pourra désormais être modulée en fonction des efforts réels réalisés par l’entreprise en faveur de l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Mais le législateur peut aller encore plus loin, en incitant les entreprises à embaucher des personnes handicapées.

Le télétravail peut apporter une solution adaptée (article 1er). Cette nouvelle organisation du travail, qui s’effectue, dans le cadre d’un contrat de travail, au domicile ou à distance de l’environnement hiérarchique et de l’équipe du travailleur à l’aide des technologies de l’information et de la communication, reste encore méconnue en France (7 % dans la population active salariée), alors qu’aujourd’hui, 95 % des entreprises sont connectées.

Les nouvelles technologies de l’information et de communication peuvent ainsi offrir aux personnes handicapées une forme « d’insertion ou de réinsertion à distance ». Cette formule, déjà utilisée par certains employeurs, a prouvé son efficacité. Il s’agirait de la développer, car bon nombre de postes ne justifient pas la présence du travailleur « dans » l’entreprise quotidiennement.

Ce mode de travail s’avère d’autant plus adapté pour les demandeurs d’emploi qui souffrent d’un handicap lourd et éprouvent de grandes difficultés à se déplacer.

Cependant, télétravail ne signifie pas assignation à résidence. Le travail à domicile présente de nombreux avantages comme celui d’adapter son emploi du temps à sa convenance, selon la capacité à produire du télétravailleur. De plus, une personne handicapée préférera rester à son domicile tout en se sentant utile plutôt que d’y rester inactive. Enfin, certains télétravailleurs handicapés alternent passages dans l’entreprise et travail à domicile.

Seul un équipement informatique est nécessaire, qui peut être adapté au handicap.

Le coût de l’aménagement du poste ou des postes, si la personne alterne travail dans l’entreprise et travail à domicile, peut être supporté par l’Agefiph dans le cadre de ses missions d’insertion professionnelle des personnes handicapées, ou entrer dans le cadre des déductions de la contribution versée par l’entreprise dans le cas où elle ne respecterait pas dans sa globalité l’obligation légale d’embaucher 6 % de travailleurs handicapés (article 2).

Les salariés handicapés pourraient bénéficier des règles pour les télétravailleurs définies dans l’accord-cadre signé le 19 juillet dernier par les partenaires sociaux sur le télétravail.

Le télétravail pourrait ainsi être spécifié dans le cadre de la loi du 10 juillet 1987.

Cette mesure vise ainsi à inciter les employeurs à recourir au travail à distance pour embaucher des personnes handicapées. L’emploi des personnes handicapées doit en effet rester une grande cause à défendre. Pour ces personnes, le fait de rejoindre une communauté de travail dépasse largement la notion d’avoir un travail ou de gagner un salaire. Il s’agit en effet d’une manière de dominer le handicap, de le surpasser.

En apportant ses compétences à l’entreprise, la personne handicapée ne se considère plus comme un corps emprisonné par ses propres chaînes, mais comme une personne active, qui fait corps avec la société. C’est donc de reconnaissance qu’il s’agit.

Je vous demande, en conséquence, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans le premier alinéa de l’article L. 323-1 du code du travail, après les mots : « temps partiel, », sont insérés les mots : « au sein de l’entreprise ou à distance par le recours au télétravail, ».

Article 2

Dans la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 323-8-2 du code du travail, après les mots : « dans l’emploi des travailleurs handicapés au sein de l’entreprise », sont insérés les mots : « où à distance par le recours au télétravail ».


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