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mis en distribution

le 8 avril 2008


N° 781

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à combattre l'incitation à l'anorexie,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mme Valérie BOYER,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’anorexie mentale est un réel problème de santé publique. En France, cette maladie grave et invalidante touche entre 30 000 et 40 000 personnes, essentiellement des jeunes femmes (9 fois sur 10 la personne concernée est une fille). Elle apparaît majoritairement au cours de l’adolescence, mais ne fait pas systématiquement l’objet d’un diagnostic précoce.

Comme l’a montré un certain nombre de drames récents, les conséquences de ce trouble alimentaire peuvent être fatales. En effet, le taux de mortalité est évalué à 5,6 % à dix ans et dépasserait 20 % dans les études effectuées sur des périodes plus longues. Certaines études ont également démontré un lien fort entre anorexie et suicide – le risque de décéder par suicide est multiplié par 22 en cas d’anorexie mentale. Le suicide représente près de la moitié des causes de décès dans certaines études.

On sait que l’image du corps, telle que véhiculée par certains médias, peut jouer un rôle très néfaste, de même que la valorisation à outrance d’une image filiforme de la femme. À cet égard, on ne peut que s’alarmer de la maigreur excessive de certains mannequins notamment défilant sur les podiums.

Soucieux de combattre ce fléau, les pouvoirs publics ont engagé dès 2007 un dialogue avec l’ensemble des professionnels sur ce sujet. 

Un groupe de travail pluri-professionnel (médecins, agences de mannequins, représentants de la mode, annonceurs, médias, associations des agences conseil en communication, etc.) a été constitué sous la présidence des Professeurs Marcel Rufo et Jean-Pierre Poulain. Les travaux ont débouché sur la rédaction d’une Charte d’engagement volontaire sur l’image du corps.

Cette initiative constitue une première étape vers une prise de conscience de ce problème majeur et ouvre la voie à une modification des comportements.

Toutefois, en tant que législateur, il nous faut agir et aller plus loin.

De fait, certaines personnes incitent directement ou par le biais de différents moyens de communication – tels que les magazines, les sites Internet et les blogs, etc. – les personnes à se priver de nourriture pour se faire maigrir de manière excessive, voire font ouvertement l’apologie de l’anorexie, tels le « mouvement pro-ana » par exemple ou d’autres dérives. Or, ces attitudes ou ces contenus médiatiques, véritable provocation à la maigreur excessive, mettent en danger la santé des personnes fragiles.

Aussi, paraît-il aujourd’hui indispensable de sanctionner l’incitation à la maigreur excessive.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui vise à combattre ces dérives avec des sanctions judiciaires et pénales, à l’instar de certains pays européens comme l’Espagne.

Pour ce faire, il est proposé d’insérer un article 223-14-1 dans le Code pénal et d’ajouter le renvoi de ce nouvel article à l’article 223-15 du code pénal afin de viser les hypothèses d’incitation provenant d’un moyen de communication.

Par analogie avec les infractions de mise en danger d’autrui et provocation au suicide, le texte prévoit de punir de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de provoquer une personne à se priver d’aliments de façon persistante pour maigrir de façon excessive pour agir sur son apparence physique qui pourrait l’exposer à un danger de mort ou compromettre sa santé.

Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque cette recherche de maigreur excessive a provoqué la mort de la personne.

Tels sont les termes de la proposition de loi qu’il vous est demandé de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – L’intitulé de la section 6 du chapitre III du titre II du livre II du code pénal est ainsi rédigé : « De la provocation au suicide et à la maigreur excessive ».

II. – L’article 223-14-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 223-14-1. – Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque cette recherche de maigreur excessive a provoqué la mort de la personne. »

III. – Dans l’article 223-15 du même code, le mot et la référence : « et 223-14 » sont remplacés par les références : « , 223-14 et 223-14-1 ».


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