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mis en distribution

le 29 avril 2008


N° 798

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant au classement du marais poitevin
comme
parc naturel régional,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mmes Delphine BATHO, Geneviève GAILLARD, M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Catherine COUTELLE, Catherine QUÉRÉ, MM. Maxime BONO, Jean GRELLIER, Bernard LESTERLIN, Jérôme LAMBERT, Dominique RAIMBOURG, Michel MÉNARD, Mme Patricia ADAM, MM. Jean-Paul BACQUET, Gérard BAPT, Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIEMOURET, MM. Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Guy CHAMBEFORT, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, M. Pierre COHEN, Mme Pascale CROZON, M. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Michel DELEBARRE,
Julien DRAY,
Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Paul DUPRÉ, Mme Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Albert FACON, Mmes Martine FAURE, Aurélie FILIPPETTI, MM. Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Guillaume GAROT, Mme Catherine GÉNISSON, M. Marc GOUA, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, M. Jean LAUNAY, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Patrick LEBRETON, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Albert LIKUVALU, Louis-Joseph MANSCOUR, Mmes Marie-Lou MARCEL, Martine MARTINEL, MM. Gilbert MATHON, Philippe NAUCHE, Mme Marie-Renée OGET, MM. Jean-Luc PÉRAT, Philippe PLISSON, Jean-Jack QUEYRANNE, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. René ROUQUET, Patrick ROY, Alain ROUSSET, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Philippe TOURTELIER, Mme Françoise VALLET, MM. Michel VERGNIER et Jean-Claude VIOLLET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De Niort à la baie de l’Aiguillon, le marais poitevin est la première zone humide de l’Ouest, la deuxième zone humide de France, et la cinquième d’Europe par sa superficie. Il couvre 97 000 hectares et correspond à l’ancien golfe des Pictons, peu à peu colmaté par des alluvions. Il se caractérise par une très grande richesse écologique, tant en raison de la diversité des milieux qui le composent que des spécificités qui tiennent à son caractère particulier de « zone humide ». Les paysages et les écosystèmes qui le constituent sont le résultat d’un travail millénaire de l’homme sur l’environnement, de la recherche d’un équilibre judicieux entre la nature et lui. L’effort d’aménagement poursuivi par des générations de maraîchins a débouché sur la constitution d’une véritable mosaïque de paysages : vasières, cordons littoraux, et, bien sûr, les marais, desséchés ou mouillés, ouverts ou bocagers. Tous ces milieux ont permis le développement d’une faune d’une très grande richesse. Ils abritent aujourd’hui quelque 250 espèces d’oiseaux (hérons cendrés ou pourprés, milans noirs, faucons crécerelles, martins-pêcheurs d’Europe…), 23 espèces d’amphibiens et de reptiles, 32 espèces de poissons, ainsi que différentes races d’élevage, comme la vache maraîchine ou le baudet du Poitou. Cet ensemble représente un patrimoine écologique, mais aussi paysager, culturel et économique singulier.

C’est à ce titre, que depuis 1979 et pendant près de vingt ans, ce territoire a bénéficié du label de parc naturel régional (PNR). Malheureusement, le PNR n’est pas parvenu à défendre les objectifs inscrits dans sa charte. L’impératif de protection de la zone humide était pourtant un enjeu essentiel car si cet espace est un milieu remarquablement riche, c’est aussi un milieu particulièrement fragile, pour lequel la diminution des zones enherbées constitue la première menace. Ainsi, jusqu’en 1973, sur 97 000 hectares, 55 000 étaient recouverts de prairies naturelles humides. Aujourd’hui, ces prairies ont cédé place à des grandes cultures et ne représentent plus que 25 000 hectares, ce qui menace notamment la ressource en eau. Dans le contexte du débat sur le tracé de l’A83, l’importance des atteintes portées à l’environnement dans le périmètre du parc conduisit Brice Lalonde à suspendre le label en août 1991. Une révision de la charte débuta l’année suivante, qui s’acheva par un avis défavorable du Conseil national de protection de la nature en mars 1996. Décision fut donc prise de ne pas renouveler le classement du territoire en PNR. Une structure de gestion, le Syndicat mixte du parc interrégional du marais poitevin, fut néanmoins maintenue, ainsi qu’une part des financements associés. Pour autant, la perte de ce label constitua la conséquence logique du manque d’implication des pouvoirs publics.

De plus, la dégradation de la zone humide a fait l’objet de sanctions européennes. En 1999, la Cour de justice de Luxembourg, saisie par la Commission européenne, condamnait la France pour manquement au respect de la directive n° 79/409/CEE, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, (dite directive « Oiseaux ») puisque les prairies humides constituent un habitat d’intérêt communautaire pour les oiseaux sauvages, qu’il appartient aux États de préserver. La Cour de justice considéra notamment que le territoire classé en « zone de protection spéciale » n’était pas suffisant et que les secteurs classés ne bénéficiaient pas de mesures de protection satisfaisantes. Par ailleurs, certains secteurs, alors même qu’ils étaient classés en zone de protection spéciale, se trouvaient en voie d’assèchement.

En réponse à cette condamnation, l’État missionna Pierre Roussel, ingénieur général du GREF, qui présenta un plan de sauvegarde du marais en décembre 2001. À la suite de ce rapport, en mars 2002, l’État présenta un « Plan d’action pour le marais poitevin », qui pose un certain nombre d’objectifs pour le territoire, parmi lesquels figure la reconquête du label parc naturel régional. En octobre 2002, les conseils régionaux des Pays-de-la-Loire et de Poitou-Charentes engageaient les travaux d’élaboration d’une nouvelle charte, en les confiant au Syndicat mixte du parc interrégional du marais poitevin.

Parallèlement, les deux conseils régionaux, les trois conseils généraux et l’État signèrent en juin 2003 le « protocole d’accord pour le plan d’action dans le marais poitevin ». Surtout, sous la pression de la commission européenne, la négociation du plan de gestion des 68 000 hectares concernés par les directives européennes « oiseaux » et « habitats », aboutit à la validation du document d’objectifs (DOCOB) Natura 2000 en mars 2003. En 2005, sur la base de ces avancées, la Cour de justice européenne leva la sanction qui pesait sur l’État français.

En juillet 2005, après une très large concertation, un avant-projet de charte est publié, à destination de tous les acteurs du territoire. Articulé autour des enjeux de conservation de la zone humide, de développement d’activités socioéconomiques durables et d’un aménagement du territoire respectueux des équilibres écologiques, il reprend tous les objectifs du plan d’action pour le marais poitevin et s’inscrit dans une ambition conforme aux attentes de la Fédération des parcs naturels régionaux de France et du Conseil national de protection de la nature. Il est amendé au regard de contributions locales avant d’être soumis pour avis au représentant de l’État en novembre 2005. Après consultation du Conseil national de protection de la nature et de la Fédération des parcs naturels régionaux, un certain nombre de recommandations techniques sont formulées par le ministère de l’écologie et du développement durable, mais aucune objection juridique n’est soulevée. Le document fut ajusté en conséquence et le projet de Charte fut arrêté, sur la base duquel une enquête publique se déroula du 5 avril au 11 mai 2006, qui déboucha sur un avis favorable sans réserve. Les collectivités territoriales concernées furent saisies, et se prononcèrent dans leur majorité en faveur de l’adhésion au parc naturel régional : 53 communes sur 95 représentant 80 % de la population ont approuvé la Charte.

Le projet de Charte se trouve donc dans sa dernière phase d’instruction ministérielle avant l’attribution du label. Cependant, sans recueillir les avis préalables du Conseil national de protection de la nature et de la Fédération des parcs naturels régionaux de France prévus à l'article R. 333-9 du code de l'environnement, le 19 février 2008 le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables affirmait qu’il ne lui apparaissait « pas opportun de poursuivre le projet » et demandait par courrier au Préfet de région coordinateur d'engager une nouvelle concertation. Ce courrier fait état d'une « fragilité juridique » et de la nécessité de prévenir des difficultés « que nous avons connues ces dernières années sur un autre territoire de PNR, lui aussi très emblématique (Camargue) ».

S’agissant de la Camargue, jusqu'alors dans une situation juridique complexe, la loi n° 2007-1773 du 17 décembre 2007 a permis de sauver le parc naturel régional en conciliant le droit commun et le souci de ne pas remettre en cause le syndicat de gestion constitué par les collectivités territoriales.

C’est pourquoi, bien que l’État puisse dès à présent adopter par décret la Charte et prononcer le classement en PNR du marais poitevin, il est également possible de se prémunir de tout contentieux juridique éventuel par une disposition législative conciliant le droit commun avec les particularités du marais poitevin.

Alors que le troisième alinéa de l’article L. 333-1 du code de l’environnement prévoit que « Le projet de charte constitutive est élaboré par la région avec l'ensemble des collectivités territoriales concernées, en concertation avec les partenaires intéressés. Il est soumis à enquête publique, puis approuvé par les collectivités territoriales concernées et adopté par décret portant classement du territoire en parc naturel régional pour une durée de douze ans au plus. », ses dispositions pourraient être interprétées comme la nécessité de recueillir l’unanimité des collectivités territoriales concernées en ce qui concerne l’approbation de la Charte. Cette interprétation éventuelle ne fait pas difficulté lorsque le périmètre du territoire faisant l’objet d’un classement en parc naturel régional concerne un nombre de collectivités territoriales limité. Tel n’est pas le cas du marais poitevin qui s’étend sur deux régions, trois départements et 95 communes. En ce qui le concerne, requérir l’unanimité des collectivités locales concernées par le périmètre défini dans le projet de charte reviendrait à empêcher ad vitam aeternam la reconquête du label parc naturel régional pour ce territoire.

Or, la mise en place d’un parc naturel régional est une nécessité vitale et urgente pour le marais poitevin. Vitale, car il s’agit de la seule façon de mettre en œuvre un véritable projet concerté de développement durable, fondé sur la protection et la valorisation du patrimoine écologique, paysager et culturel du territoire. Le parc naturel régional est l’unique organisme capable d’apporter à cet espace et à ses habitants les compensations nécessaires à sa préservation, notamment en termes financiers et d’expertise technique. Urgente, car les menaces auxquelles doit faire face le marais poitevin ont des conséquences difficilement réversibles. Le syndicat mixte du parc interrégional ne possède ni les moyens, ni le crédit suffisants pour s’opposer aux intérêts économiques qui induisent l’assèchement de la zone humide. Seul un classement rapide permettrait de préserver les prairies encore subsistantes.

Enfin, il convient d’éviter un nouveau contentieux européen. En effet, la France a pris des engagements à l’égard de l’Union européenne qui doivent être tenus. Au-delà des lourdes sanctions financières en jeu, il s’agit de la détermination et de la capacité de notre pays à préserver un patrimoine naturel et culturel d’envergure communautaire.

Dans ces conditions, le recours à la loi peut offrir une solution rapide et satisfaisante pour se prémunir de tout contentieux et assurer la sécurité juridique du parc naturel régional du marais poitevin, comme cela a déjà été fait pour le parc naturel régional de Camargue.

L'article unique de la présente proposition de loi vise donc à valider le projet de charte approuvé par la majorité des collectivités territoriales et à classer comme parc naturel régional le territoire défini par ladite charte.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Par dérogation à l’article L. 333-1 du code de l'environnement, le projet de charte du parc naturel régional du marais poitevin, approuvé par délibération du conseil régional des Pays-de-la-Loire du 26 mars 2007 et du conseil régional Poitou-Charentes du 2 avril 2007, est adopté.

Le territoire dont le périmètre est défini par la charte est classé parc naturel régional du marais poitevin pour une durée de douze ans à compter de la date de publication de la présente loi.


© Assemblée nationale