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mis en distribution

le 20 mai 2008


N° 864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire toute forme de paris à cote fixe
sur les
événements sportifs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les jeux de hasard et d’argent constituent une activité très particulière, dont la dangerosité est connue depuis des siècles. C’est la raison pour laquelle la plupart des États disposent d’une législation restrictive, voire prohibitive, encadrant strictement toutes les formes de jeux d’argent afin de prévenir les dérives criminelles et les risques sanitaires ou sociaux pour ce qui concerne l’addiction au jeu.

En France, l’article 1er de la loi du 21 mai 1836 interdit explicitement les loteries de toutes sortes, définies dans l’article 2 comme « toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait acquis par la voie du sort ». Toutefois la loi prévoit une dérogation pour les loteries organisées dans le cadre d’un œuvre de bienfaisance. En outre des lois spécifiques prévoient des dérogations à la loi du 21 mai 1836 pour certains types de jeux, notamment la loi du 2 juin 1891 qui confie aux sociétés de courses l’organisation d’un pari mutuel hippique, et l’article 42 de la loi du 29 décembre 1984 autorisant les paris sur les événements sportifs. Dans tous les cas il s’agit de pari mutuel.

Les paris à cote fixe présentent les risques de fraude les plus élevés. En effet, ce type de pari oppose par définition le prestataire à ses clients, leurs intérêts étant contradictoires puisqu’ils parient l’un contre l’autre. L’entreprise ne gagne de l’argent que lorsque le client en perd. Ainsi, lorsque ces paris concernent des événements sportifs ou des courses de chevaux, le risque de fraude ou de corruption est très élevé. À l’inverse, le système du pari mutuel fait parier les joueurs les uns contre les autres, l’opérateur se contentant d’un prélèvement fixe sur la totalité des enjeux, la cote fluctuant jusqu’à la clôture de l’enregistrement des paris. Dans le système du pari mutuel, le seul intérêt financier de l’opérateur est lié aux montants totaux des enjeux, quelle qu’en soit la répartition, d’où une parfaite neutralité quant au résultat.

Le système du pari mutuel a ainsi fait ses preuves en France, avec un succès qui n’a cessé de croître depuis 1891, et reçoit toute la confiance des parieurs ; il est le meilleur système de paris pour éviter les escroqueries en tout genre. C'est pourquoi aussi près de 130 pays dans le monde ont adopté le modèle du pari mutuel pour organiser la prise des paris hippiques.

À l’inverse, au Royaume-Uni par exemple, où le système du bookmaking est prédominant, de nombreux cas de fraude et de corruption entachent régulièrement le spectacle des courses hippiques. Tous les événements sportifs sont ainsi susceptibles de perdre leur crédibilité dans un système dominé par les paris à cote fixe, comme l’ont révélé de récentes affaires de corruption dans le milieu du tennis professionnel. Ces fraudes et autres truquages en tout genre sur les paris à la cote ont pris une ampleur sans précédent grâce aux jeux sur Internet.

Or dans la législation en vigueur jusqu’à présent, l’interdiction explicite des paris à cote fixe n’a pas été énoncée puisque la dérogation accordée aux sociétés de courses exclusivement pour une forme de pari mutuel, et l’interdiction totale de tous les autres jeux suffisaient à l’empêcher. Toutefois, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence vers laquelle s’oriente le secteur des jeux, il convient d’inscrire explicitement l’interdiction des paris à la cote dans la loi, afin de prévenir toute dérive en la matière.

Compte tenu des risques liés aux paris à la cote, et de l’importance des sommes en jeu, il convient de les réprimer avec une peine suffisamment dissuasive. C’est pourquoi une peine supérieure à celle prévue dans la loi du 21 mai 1836 pour les contrevenants à l’interdiction d’organiser des loteries s’impose. Aussi, la peine proposée serait identique à celle prévue par les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code pénal pour le délit d’escroquerie.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’organisation et la prise de paris à cote fixe sur les événements sportifs sont prohibées.

Article 2

La violation de l’interdiction prévue par l’article 1er est punie de cinq ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.

Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.

Article 3

Les personnes physiques coupables des infractions prévues par la présente loi encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille dans les conditions prévues à l’article 131-26 du code pénal ;

2° L’interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de toute activité liée à l’organisation de jeux de quelque nature qu’elle soit ;

3° La confiscation des biens mobiliers ayant servi directement ou indirectement à commettre l’infraction ou qui en sont le produit ;

4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal

5° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés.

Article 4

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions décrites par la présente loi. Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

2° Les peines mentionnées aux 4°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal.


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