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mis en distribution le 26 novembre 2008


N° 1254

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 novembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Richard MALLIÉ, Manuel AESCHLIMANN, Yves ALBARELLO, Alfred ALMONT, Nicole AMELINE, Benoist APPARU, Martine AURILLAC, Patrick BALKANY, Jean BARDET, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Gabriel BIANCHERI, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Claude BODIN, Valérie BOYER, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Patrice CALMÉJANE, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Philippe COCHET, René COUANAU, Gilles D’ETTORE, Olivier DASSAULT, Camille de ROCCA-SERRA, Patrice DEBRAY, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Richard DELL’AGNOLA, Sophie DELONG, Bernard DEPIERRE, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Éric DIARD, Jacques DOMERGUE, Marie-Louise FORT, Jean-Michel FOURGOUS, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Gérard GAUDRON, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Jean-Pierre GORGES, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Sébastien HUYGHE, Maryse JOISSAINS-MASINI, Christian KERT, Thierry LAZARO, Frédéric LEFEBVRE, Gabrielle LOUIS-CARABIN, Thierry MARIANI, Christine MARIN, Henriette MARTINEZ, Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Claude MATHIS, Gérard MILLET, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Renaud MUSELIER, Jean-Pierre NICOLAS, Yanick PATERNOTTE, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Daniel POULOU, Éric RAOULT, Franck RIESTER, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Bruno SANDRAS, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Dominique TIAN, Georges TRON, Yves VANDEWALLE, Catherine VAUTRIN, Philippe VITEL et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Issu de la tradition chrétienne, le repos hebdomadaire dominical s’est imposé avec le vote de la loi du 13 juillet 1906, établissant ce repos en faveur des employés et des ouvriers. Le code du travail dispose qu’il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié, que ce repos doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives et doit être donné le dimanche.

Au niveau européen, la Cour de Justice des Communautés européennes, tout en reconnaissant l’obligation d’une journée de repos, est revenue en 1996 sur la spécificité du dimanche. Les États se sont organisés depuis selon des modalités qui permettent d’établir une distinction. Il existe d’une part, les États libéraux en la matière (Royaume-Uni, Suède, Luxembourg) et, d’autre part, les États qui ont développé des régimes de dérogations et exceptions qui leur permettent d’assouplir le principe, conservé, de la fermeture dominicale (Pays-Bas, Espagne, Finlande, Allemagne). La France s’inscrit donc, au niveau européen, sur une ligne très conservatrice.

Force est de constater qu’aujourd’hui la vie quotidienne dans certaines grandes agglomérations est particulière, et la demande des consommateurs différente du reste du pays. Selon un sondage publié le 12 octobre par le Parisien, 52 % des français sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche mais ce chiffre grimpe à 72 % pour les moins de 30 ans, 73 % pour les franciliens et 68 % pour les habitants de la région Méditerranée. Ces chiffres sont compréhensibles puisque la vie dans les grandes agglomérations n’est pas la même que celle des départements ruraux. En effet, 61 % des franciliens se disent très occupés la semaine, et cela se comprend, lorsqu’en semaine les embouteillages autour des grandes agglomérations annihilent toute volonté de réaliser ses courses et achats.

Le dimanche permet d’effectuer des achats en famille, pour la décoration d’intérieur, le bricolage ou l’électroménager. Ces achats exceptionnels, et de réflexion, sont spécifiques au dimanche. En effet, les commerces, qui ouvrent actuellement le dimanche, réalisent souvent plus du tiers de leur chiffre d’affaires sur cette journée. Sachant que la majorité des achats du dimanche sont exclusifs à cette journée, c’est un levier important pour notre économie.

Aujourd’hui, la situation est simple : dans plusieurs départements, des magasins sont attaqués pour avoir employé des salariés le dimanche dans le Val d’Oise, dans les Yvelines, dans les Bouches-du-Rhône, dans la Seine-et-Marne... Pourtant, bon nombre d’étudiants trouvent dans le travail dominical, le meilleur compromis pour à la fois étudier et travailler pour financer leurs études, des mères de famille ont pu également y trouver un avantage certain pour concilier famille, travail et majoration salariale.

À cela s’ajoute le fait que l’exception prime sur la règle puisque plus de 180 dérogations de plein droit existent. La législation en vigueur date d’un autre siècle, de 1906 pour être précis, et ses décrets d’application de 1919, à une époque où la France était encore rurale, majoritairement uniconfessionnelle et où la télévision n’existait pas encore.

À l’heure d’Internet, et sachant qu’un français sur trois achète désormais sur « la toile », il nous faut dépoussiérer la législation en vigueur ; mais aussi instaurer un cadre protecteur pour les salariés qui travaillent ce jour bien précis.

C’est pourquoi, il nous faut proposer une réforme équilibrée, qui soit à la fois adaptée aux différents territoires de notre pays et aux attentes de tous les Français. Il convient aussi de souligner avec force que l’objet de la présente proposition de loi n’est pas de généraliser le travail dominical car le dimanche ne doit pas être un jour comme les autres.

Cette proposition de loi s’articule autour de trois idées fortes :

Il est tout d’abord important de préciser la notion de communes et zones touristiques car nous sommes aujourd’hui en face de situations ubuesques : un magasin qui vend des lunettes de soleil peut ouvrir le dimanche car son activité est considérée comme « de loisir » et si ce magasin vend des lunettes de vue, il ne peut pas ouvrir le dimanche; les magasins de mode ne sont pas assimilés à « des activités culturelles » sauf s’ils proposent des créations. Aussi, il va falloir apprécier, boutique par boutique, s’il y a, ou non, création...

Il nous faut remplacer les notions floues « d’activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel » par une notion plus légitime « d’établissement de vente au détail ». Il faut rappeler que ces communes ou zones sont classées sur proposition des conseils municipaux.

Ensuite, et pour suivre les recommandations du Conseil économique et social, ce texte préconise d’étendre jusqu’à 13 h l’ouverture des commerces de détail alimentaires le dimanche au lieu de 12 h aujourd’hui, ceci correspond à une réalité.

Enfin, il est proposé de mettre en place uniquement pour les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, tel que définies par l’INSEE, la notion de zone d’attractivité commerciale exceptionnelle. Une telle zone sera établie par le Préfet sur la seule proposition des conseils municipaux. Le président de l’Établissement public de coopération intercommunale concerné aura d’ailleurs une compétence dans la définition de cette zone. Les entreprises pourront ensuite demander une dérogation au Préfet dans ces zones si, et seulement si, il y a un accord entre les partenaires sociaux. Dans les entreprises où il n’y pas de délégué syndical, les salariés de ces entreprises ne seront pas abandonnés mais un référendum sera organisé, et les contreparties seront nécessairement un doublement de salaire et un repos compensateur.

Il nous faut assurer une sécurité juridique aux employés qui ne souhaitent pas travailler le dimanche. C’est pourquoi, le texte propose également l’inscription du droit de refus. Cela permettra au salarié qui ne souhaite pas travailler le dimanche d’exercer son droit de refus, aucune sanction ne pouvant lui être imposée. Ce sera ainsi à la représentation syndicale de veiller au volontariat du salarié, c’est à dire de le défendre.

La France n’est pas uniforme sur cette question, qui est avant tout une question de liberté. Sur ces zones de plus d’un million d’habitants, s’il y a des salariés qui sont volontaires pour travailler le dimanche, s’il y a des employeurs qui souhaitent ouvrir leur magasin le dimanche, et si les consommateurs sont au rendez-vous, laissons les faire.

Cette proposition de loi permettra de définir un cadre juridique national mais la décision d’application se fera au niveau local, car nul ne connaît mieux les particularismes de son territoire que celui qui y vit.

Agissons afin de prendre en compte les changements intervenus dans les modes de vie d’une partie des Français. Agissons également pour respecter la différence de chacun et la liberté de tous.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 3132-25 du code du travail est remplacé par quatre articles L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-2 et L. 3132-25-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 3132-25 – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné, par roulement, pour tout ou partie du personnel, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services après autorisation administrative.

« La liste des communes touristiques ou thermales intéressées et le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente sont établis par le préfet sur demande des conseils municipaux.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

« Art. L. 3132-25-1. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les unités urbaines de plus de 1 000 000 d’habitants, le repos hebdomadaire peut être donné, par roulement, pour tout ou partie du personnel, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services situés dans les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle, après autorisation administrative.

« La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées au premier alinéa sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population.

« La liste et le périmètre des zones d’attractivité commerciale exceptionnelle au sein des unités urbaines sont établis par le préfet sur proposition des conseils municipaux et après consultation des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent, dans le périmètre desquelles est située la zone d’attractivité commerciale exceptionnelle.

« Le préfet statue après avis des présidents de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine concernée, donné dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Un décret en Conseil d’État précise les critères d’attractivité commerciale exceptionnelle au regard de l’importance de la clientèle concernée et de l’éloignement de celle-ci des zones commerciales en cause.

« Art. L. 3132-25-2. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d’industrie et des syndicats d’employeurs et de travailleurs intéressés de la commune. L’autorisation est réputée accordée à expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande. Elle fait l’objet d’une publication.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Les autorisations prévues aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour cinq ans. Elles sont accordées soit à titre individuel, soit à titre collectif, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour des commerces ou services exerçant la même activité. »

« Art. L. 3132-25-3. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées au vu d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum.

« L’accord décrit les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.

« Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical non assujettis à l’obligation annuelle de négocier prévue à l’article L. 2242-1 et en l’absence d’accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d’une décision unilatérale de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l’employeur approuvée par référendum décrit les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Toutefois, un accord collectif régulièrement négocié s’applique dès sa signature en lieu et place des contreparties prévues à l’alinéa précédent. »

Article 2

L’article L. 3132-29 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet peut exclure de l’obligation de fermeture tout ou partie des communes ou des zones définies aux articles L. 3132-25 ou L. 3132-25-1. »

Article 3

Les articles L. 3132-21 et L. 3132-24 du code du travail sont abrogés.

Article 4

Dans le premier alinéa de l’article L. 3132-13 du code du travail, le mot : « midi » est remplacé par les mots : « treize heures ».

Article 5

Les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 3132-20 du code du travail avant la promulgation de la présente loi demeurent en vigueur pour la durée pour laquelle elles ont été délivrées.


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