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le 18 décembre 2008


N° 1302

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

relative aux délais de paiement des fournisseurs
dans le
secteur du livre,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Hervé GAYMARD, Jean DIONIS DU SÉJOUR, Michel FRANÇAIX, Christian KERT, Marcel ROGEMONT, Nicole AMELINE, Martine AURILLAC, Marc BERNIER, Gabriel BIANCHERI, Jean-Marie BINETRUY, Étienne BLANC, Marcel BONNOT, Valérie BOYER, Xavier BRETON, Patrice CALMÉJANE, Jean-Louis CHRIST, Éric CIOTTI, Jean-Yves COUSIN, Henri CUQ, Bernard DEFLESSELLES, Nicolas DHUICQ, Éric DIARD, Jean-Pierre DUPONT, Daniel FASQUELLE, Jean-Michel FERRAND, Nicolas FORISSIER, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Jean-Paul GARRAUD, Jean-Pierre GIRAN, Jean-Pierre GRAND, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Antoine HERTH, Paul JEANNETEAU, Patrick LABAUNE, Jacques LAMBLIN, Jacques LE GUEN, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Muriel MARLAND-MILITELLO, Patrice MARTIN-LALANDE, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Bernard PERRUT, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Jacques REMILLER, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Bruno SANDRAS, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN et Philippe VIGIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le livre porte en lui-même les racines de notre liberté. De la liberté de création, d’opinion, d’expression. Et peut-être surtout de notre liberté intérieure, la « Liberté Grande » de Julien Gracq, indispensable viatique pour résister à l’intolérance, à la dictature, à la domination de la société du spectacle.

Depuis l’invention de l’imprimerie, le livre s’est épanoui. Mais il a été aussi mis à l’index, interdit, brûlé dans des autodafés, qui pour toujours nous ont donné le goût de nous battre. Et l’heureuse évolution des temps n’autorise pourtant aucun relâchement. Il est en effet aujourd’hui des interdits plus pernicieux que l’obscurantisme : la dérision et la rentabilité.

Chaque livre est unique. Et pour que ce prototype, qui relève chaque fois du miracle, puisse un jour trouver son lecteur, il faut des écrivains, des éditeurs, des imprimeurs, des diffuseurs, des bibliothécaires et des libraires.

La liberté de la création prend tout son sens si l’œuvre, toujours unique, peut être publiée et diffusée, sans cette censure économique, qui est la moins visible de toutes, et donc la plus redoutable. Cela suppose un adossement à un secteur économique viable dans une économie de marché. Pour paraphraser Malraux évoquant le cinéma, « par ailleurs, le livre est une industrie ».

La conciliation, certes toujours imparfaite, entre la création et l’économie a été assurée de longue date par un système original, celui du prix conseillé jusqu’en 1978, et depuis le 1er janvier 1982, par la loi sur le prix unique, votée à l’unanimité du Parlement. Cette loi avait été rendue indispensable, car la conjonction de l’application des arrêtés Monory de 1978 libérant les prix, et de la montée en puissance de la grande distribution culturelle et généraliste, mettait en grand péril le secteur du livre, ce qu’avaient pointé très tôt Jérôme Lindon et Marie-Madeleine Tschann.

Dans ce système original, et qui en Europe a fait beaucoup d’émules, la concurrence ne se focalise pas sur le prix, mais sur la qualité. La Commission chargée de procéder à l’évaluation de la loi, ainsi que sa pertinence dans le contexte du développement de l’économie numérique, que j’ai l’honneur de présider, remettra ses conclusions en mars 2009 à Madame la ministre de la culture.

Mais sans attendre cette échéance, il convient de traiter en urgence un sujet en particulier : la question des délais de paiement.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

L’article 21 de la loi n° 2008-576 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, plafonne à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai maximal de paiement entre les entreprises. Ce plafonnement, qui doit prendre effet à compter du 1er janvier 2009, est particulièrement inadapté pour le commerce et la diffusion du livre.

Si dans le secteur de la distribution alimentaire, les petites et moyennes entreprises, dont la loi vise à favoriser le développement, sont essentiellement du côté des fournisseurs, il en est en effet tout autrement dans le secteur du livre où les PME sont principalement du côté des détaillants.

Le premier circuit de diffusion du livre, à savoir la librairie, est ainsi essentiellement composé de PME, alors que leurs principaux fournisseurs, les groupes d’édition ou leurs filiales, sont pour la majorité d’entre eux de taille nettement plus importante.

Les librairies sont des entreprises de petite taille (le chiffre d’affaires de la majorité d’entre elles est inférieur à 1 million d’euros) qui se fournissent à 80 % auprès d’une demi-douzaine d’acteurs dont les capacités financières sont sans commune mesure avec les leurs. Les fournisseurs des librairies, qui n’ont d’ailleurs eux-mêmes jamais réclamé d’aménagement des délais de paiement, ne peuvent être mis en concurrence par les libraires puisque c’est à titre exclusif que chacun d’eux distribue les catalogues de dizaines d’éditeurs. Par ailleurs, 30 à 40 % de l’approvisionnement des librairies est constitué par des envois « d’office » de nouveautés sur lesquels il serait paradoxal de raccourcir les délais de paiement des librairies.

Le commerce de la librairie se caractérise donc aujourd’hui par des délais de paiement d’une centaine de jours en moyenne, ce qui permet aux libraires de présenter au public l’ensemble de la production éditoriale sur le temps long qui est celui du livre (les livres parus depuis plus d’un an représentent 83 % des titres vendus en libraire et plus de la moitié de leur chiffre d’affaires).

Cette organisation, acceptée par l’ensemble de l’interprofession, est conforme aux objectifs de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, à savoir le maintien d’un réseau de détaillants dense et diversifié pour préserver la création éditoriale. A cet égard, l’application de l’article 21 de la loi du 4 août 2008, qui modifie l’article L. 441-6 du code du commerce, aurait des conséquences très dommageables (disparition de nombreuses librairies, réduction de l’offre éditoriale présentée et best-sellerisation de la production, remise en cause des fondements de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et des mesures prises par l’État et les collectivités territoriales en faveur de la librairie).

Une possibilité d’application progressive jusqu’au 1er janvier 2012 du plafonnement des délais de paiement est prévue par la loi et conditionnée à la signature d’un accord sectoriel. Il s’agit toutefois d’un pis-aller et une mesure législative d’exemption complète en faveur de l’industrie du livre serait donc préférable. Cette demande est parfaitement justifiée, et sa satisfaction ne pourrait fonder son extension automatique à d’autres secteurs de l’économie, dans la mesure où seul le livre est régi par un système de prix unique. Tel est l’objet de l’article premier de la proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le dixième alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Nonobstant les dispositions précédentes, pour les opérations d’achat, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon de livres, le délai est défini conventionnellement entre les parties. »


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