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le 19 février 2009


N° 1344

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 décembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à autoriser le fait de mourir dans la dignité,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

André WOJCIECHOWSKI, Olivier DASSAULT, Patrice DEBRAY, Alain FERRY, Philippe Armand MARTIN, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Francis SAINT-LÉGER et Bruno SANDRAS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les affaires Vincent Humbert, puis Chantal Sebire nous poussent inéluctablement à devoir nous pencher sur la question de l’euthanasie.

En fait, la prise en charge d’un patient, en phase terminale présentant une pathologie sévère, incurable, marquée par des douleurs permanentes et insupportables, amène le médecin à opter dans le cas d’un patient conscient et lucide, et cette distinction est primordiale, entre deux possibilités :

– les soins palliatifs ;

– l’euthanasie.

Quel que soit le choix du patient, il s’agit de bien lui faire comprendre ainsi qu’à son proche entourage, les différentes démarches thérapeutiques proposées.

Il va donc s’agir d’assurer le départ du malade dans la dignité selon ses vœux.

Outre le docteur Emmanuel Brost, médecin généraliste à Plombières-lès-Dijon et médecin traitant de Chantal Sebire, qui faisait savoir que pour le cas de cette dernière, l’euthanasie devait être considérée comme un acte d’amour envers ses proches qui souffrent de la voir souffrir, nombre de voix se sont élevées dans ce sens, y compris celle du Président de la République qui, au travers d’un discours à la mutualité le 11 février 2007, a déclaré, je cite : « Les principes, je les respecte, les convictions, je les respecte. Mais je me dis quand même au fond de moi, il y a des limites à la souffrance qu’on impose à un être humain. »

À l’heure actuelle, toute personne en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable a accès à des soins palliatifs.

Ces derniers sont assurés à l’hôpital, dans un établissement conventionné, ou à domicile, mais ces soins palliatifs ont une limite et présentent un phénomène d’échappement thérapeutique.

En fait, est appliquée partiellement la loi Leonetti permettant d’administrer au malade une escalade de traitements anti-douleur pour soulager la souffrance, même si cela abrège la vie du malade.

En cette hypothèse donc, ne peut être pénalement ou civilement retenue, aucune charge à l’encontre du médecin qui refuse ou s’abstient, en phase terminale, de mettre en œuvre des traitements appropriés tendant à soulager la souffrance.

Juridiquement, aujourd’hui, l’euthanasie active reste assimilée à un homicide volontaire.

La réalité du terrain témoigne que l’euthanasie active, bien qu’interdite en France, se réalise dans l’ombre.

D’autres pays, proches de nous ont ouvert la voie.

On relève ainsi le cas des Pays-Bas, de la Belgique, de la Suisse, du Danemark, de la Grande Bretagne, de la Catalogne pour l’Espagne et du Québec et de l’Ontario pour le Canada.

En Belgique, comme au Pays-Bas et tout récemment au Luxembourg, l’euthanasie est autorisée, sous conditions de souffrance psychique et physique constante et insupportable.

Il est à noter que la Commission fédérale belge d’euthanasie compte environ 500 cas d’euthanasie par an dont 80 % sont des cas cancéreux.

Lorsque l’on ne contrôle plus la souffrance physique et morale d’un malade incurable, on augmente la sédation ce qui implique que le malade mourra endormi.

On ne peut pas indéfiniment fermer les yeux face à une tendance qui se propage si rapidement.

L’assistance au suicide et l’euthanasie sont d’ores et déjà pratiquées si le patient bénéficie de la compassion de ses proches et de l’équipe médicale.

Toutefois, ce sentiment d’humanité ne prévaut pas toujours sur la crainte du risque pénal.

Certes, comme le souligne le Professeur Grinfeld, président du Comité consultatif d’éthique et opposé à la révision de la loi Leonetti : « Le médecin n’a pas le droit de provoquer volontairement la mort, mais le juge peut, a posteriori, arguer d’une excuse absolutoire quand la fin de vie n’est plus supportable… L’éthique doit s’installer dans le siècle afin d’avoir une évolution adaptée à celle de la société, c’est un point fondamental. »

En France les voix commencent à s’élever notamment celle du professeur Jean Claude Ameisen, membre du Comité national d’éthique et même l’Ordre des médecins réfléchit à l’assistance médicale à la mort délibérée.

Il convient de faire une réévaluation et une adaptation de la loi.

Une réforme tendant à reconnaître et à organiser l’euthanasie active se situerait dans le prolongement des législations destinées à préserver la dignité de la personne en fin de vie, en particulier le droit d’accès aux soins palliatifs et reconnaître le droit de refus thérapeutique, sous-entendant un exitus rapide.

Les mœurs évoluent et aujourd’hui, l’euthanasie, ou droit de mourir dans la dignité, représente la seule issue possible des malades incurables qui souhaitent cette solution.

Bien entendu, pareille mesure si elle est votée, ne se ferait que sous conditions drastiques et pourquoi pas sous le regard attentif et le contrôle d’une commission qui examinerait le bien-fondé des requêtes.

Pour autant, pour éviter une trop longue attente, sachant que chaque minute est une minute de souffrance, une pareille commission a tout intérêt à être régionale et peut être que, mieux qu’une commission, une RCP : réunion de concertation pluridisciplinaire.

Nous, députés, sommes le réceptacle et le reflet de la demande de la population de nos circonscriptions.

On tient compte des votes de chaque concitoyen pour nous élire or il paraît légitime de s’en référer à eux afin de savoir comment résoudre ce problème, ô combien douloureux.

Il est presque certain que beaucoup se positionnent pour l’établissement de l’euthanasie.

Un récent sondage d’ailleurs situe « les favorables » dans une fourchette de 70 à 75 %.

Je finirai en suggérant la modification de l’article L. 110-5 du code de la santé publique.

Dans le cas d’un patient conscient et lucide, sujet à des douleurs insupportables et permanentes et dont la pathologie est irréversible, on peut envisager l’attitude suivante : dans le cas de demandes réitérées d’euthanasie de la part du patient, réunir une réunion de concertation pluridisciplinaire, qui déciderait après vidéo conférence par exemple, de donner un avis positif ou non à la demande de l’intéressé.

Je vous demande donc, de bien vouloir cosigner la présente proposition de loi visant à mettre un terme à l’hypocrisie qui existe en France et permettre à ce qui a lieu dans l’ombre d’être réglementé et contrôlé.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article L. 1110-5 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas d’un patient conscient et lucide qui présente des douleurs insupportables, permanentes et dont la pathologie est incurable, ce dernier, dès lors que ses demandes éclairées de mourir dans la dignité sont réitérées, voit sa requête acceptée.

« Cette acceptation est toutefois subordonnée à un avis positif émis objectivement par un ensemble de médecins spécialistes et de professionnels de santé réunis pour l’occasion au travers d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.

« Cette réunion de concertation pluridisciplinaire doit se réunir rapidement. Elle se réunit dans un délai inférieur à un mois.

« Elle est composée de praticiens concernés (oncologues, spécialistes systémiques, psychiatres, médecin traitant), de très proches éventuellement (une à deux personnes dans le premier cercle familial) et du patient.

« Cette réunion de concertation pluridisciplinaire peut se faire par vidéoconférence.

« Après cette réunion de concertation pluridisciplinaire, la décision est rendue dans un délai maximal d’une semaine.

« Si l’avis quant à la demande d’euthanasie est négatif, le patient est orienté vers des soins palliatifs.

« Si l’avis quant à la demande d’euthanasie est positif, la demande du patient est acceptée sans poursuites pour les personnes concernées par l’exécution de la décision. »


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