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le 18 mars 2009


N° 1482

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 février 2009.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’étudier les conséquences de la tempête du 24 janvier 2009 dans le grand Sud-ouest, d’évaluer les moyens d’action à la disposition des pouvoirs publics et d’établir des propositions d’évolution des dispositifs de gestion de crise en cas d’aléa climatique,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

André CHASSAIGNE, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le grand Sud-Ouest, du Golfe de Gascogne ou Golfe du Lion, a essuyé le 24 janvier 2009 une tempête d’une violence extrême avec des vents soufflant à plus de 150 km/h. Certains départements comme les Landes, les Pyrénées-Atlantiques et la Gironde ont été particulièrement affectés.

Les conséquences de ce phénomène météorologique violent sont d’une extrême gravité, tant pour la vie quotidienne des habitants que pour l’ensemble des activités économiques. La liste des dégâts provoqués par cette catastrophe de grande ampleur ne cesse de s’allonger : réseaux électriques, de télécommunications et d’eau dévastés, habitations endommagées, centaines de milliers d’hectares de forêt à terre, exploitations agricoles et ostréicoles ruinées…

Des secteurs dévastés

Après le passage de la tempête baptisée Klaus, 1,7 million de foyers ont été affectés par les coupures d’électricité dans tout le Sud-Ouest, dont plus de 200.000 dans les Landes, département le plus touché. On estime que 400 000 dossiers de demandes d’indemnisation pour les sinistrés devraient parvenir auprès des sociétés d’assurance avant la fin du mois de février.

La forêt couvre 3 millions d’hectares dans le Sud-Ouest dont 1,7 million d’hectares en Aquitaine avec une forte activité sylvicole autour de l’exploitation d’essences comme le pin maritime. Les coopératives forestières annoncent un premier chiffre de 300 000 hectares détruits, soit l’équivalent de 50 millions de mètres cubes de bois, correspondant à six années de récolte. C’est toute la filière bois locale, avec ses 40 000 sylviculteurs, 34 000 emplois directs induits et 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, qui est touchée.

Sur le plan de l’activité agricole, tous les producteurs sont concernés : arboriculteurs, serristes, viticulteurs, éleveurs, ostréiculteurs. La chambre d’agriculture des Landes estime pour son seul département les pertes à 56 millions d’euros, dont 30 pour la seule filière avicole. Plus de 2 000 éleveurs sont frappés, et 20 % des outils de production détruits. Cumulée aux baisses de revenus de plus de 17 % en 2008, cette calamité climatique vient compromettre la survie même de très nombreuses exploitations.

Des mesures insuffisantes de l’État

Cinq jours après le passage de la tempête, l’état de catastrophe naturelle a été reconnu pour 9 départements (Aude, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Gironde, Gers, Haute-Garonne), permettant aux sinistrés de bénéficier après déclaration et estimation par les experts, d’une indemnisation des préjudices. Mais l’expérience de 1999 a montré que les délais d’indemnisation étaient longs et que certains risques restent non couverts par les contrats d’assurance.

Outre cette décision, 5 millions d’euros ont été annoncés pour venir rapidement en aide au secteur forestier par le ministre de l’agriculture et de la pêche. Au regard des premières estimations, cette enveloppe semble très en deçà des besoins immédiats des associations et entreprises de travaux forestiers. Pour le secteur agricole, le gouvernement entend mobiliser le fonds national de calamités agricoles pour les pertes non assurables, et proposer différentes mesures d’allègements de charges en fonction de l’estimation des dégâts à venir.

D’autre part, le Premier ministre a proposé le 5 février une série de mesures d’allègements fiscaux, notamment pour les sylviculteurs, avec une déduction « des charges dues à la tempête » de leurs revenus pour 2009, et pour les salariés, avec la prise en charge à 100 % par l’État de l’allocation complémentaire de chômage partiel liée à la tempête. Concernant l’aide financière de l’État aux collectivités territoriales, la communication du Premier ministre est demeurée imprécise, rappelant la mobilisation du fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales ou la mise en place d’un « autre dispositif alternatif si le montant maximum de ce fonds est dépassé ». Selon le chef du gouvernement, l’ensemble de ces dispositifs d’aides porterait sur un volume total de « plusieurs centaines de millions d’euros » pour les prochaines années. Enfin, il a également annoncé l’envoi dans les prochains jours d’une mission d’expertise chargée d’une évaluation complète des dégâts de la tempête dans les départements sinistrés. Cette expertise aurait pour objectif l’envoi d’un dossier à la Commission européenne pour activer le fonds de solidarité de l’Union européenne dont la France et l’Espagne ont demandé le concours.

Ces premières annonces très insuffisantes laissent planer les plus grandes incertitudes sur le devenir de secteurs économiques entiers.

Pour les sylviculteurs par exemple, dont 10 % seulement de la forêt est assuré, seules des garanties rapides en terme d’exploitation, de stockage, de valorisation du bois à terre, et de compensations financières à la hauteur peuvent permettre de valoriser avant le printemps une partie des volumes à terre et une poursuite de leur activité à moyen terme. La relance de la filière bois française dans une perspective de développement durable est à ce prix. Sans cet engagement de rupture avec les logiques de marché et le laisser-faire, c’est l’abandon de l’activité forestière du grand Sud-Ouest qui est aujourd’hui amorcé.

Dans le domaine agricole, l’État doit assurer une réelle prise en charge des dégâts et pertes subis, et tenir compte des réalités locales en sursoyant aux taux de spécialisation pour ouvrir droit aux indemnisations par le fonds de garantie des calamités pour tous les exploitants.

Au-delà, la répétition de ces aléas climatiques appelle l’État et l’Union Européenne à une réponse durable sur la création d’un régime d’assurance calamités pour les trois secteurs de l’agriculture, de la forêt et de la mer.

L’affaiblissement des moyens disponibles et des capacités d’action des services publics depuis 1999

Au côté des élus locaux, les personnels des services publics, des entreprises publiques, de la sécurité civile, des SDIS et des collectivités territoriales ont fait preuve d’un dévouement extrême pour rétablir dans les plus brefs délais des conditions de vie normales pour leurs concitoyens. Cette mobilisation de tous, cette réactivité du terrain avec de nombreux bénévoles, est à relier directement à l’existence de collectivités locales et d’élus de proximité.

Malgré cela, les voix sont de plus en plus nombreuses pour dénoncer le recul des capacités d’action des services publics après plusieurs années de coupes sombres dans les effectifs et de privatisation. Dans le département des Landes, les élus et la population ont pu noter l’étendue des difficultés des acteurs publics à répondre aux besoins des populations dans un contexte de désengagement de l’État.

Près de dix ans après les tempêtes de 1999, les privatisations, restructurations, et réorganisations territoriales des services publics, des entreprises publiques et des organismes parapublics ont profondément amoindri les capacités opérationnelles et l’efficacité de l’action publique en cas de crise.

L’exemple de la suppression des nombreux sites de proximité d’Électricité de France (EDF) et de sa filiale Électricité Réseau de Distribution Électricité (ERDF), illustre cette politique particulièrement pénalisante dans ces circonstances. L’éloignement des structures de pilotage, l’absence d’encadrement de proximité et d’agents connaissant le terrain se sont traduits par une perte d’efficacité notable et dommageable.

Pour le secteur du transport ferroviaire, la fermeture progressive des gares fret doit être revue à la lumière des besoins urgents de stockage de bois à proximité de sites de chargement.

De même, pour le secteur de la défense, la réorientation des forces vers des objectifs de projection sur les terrains étrangers, couplée aux réductions d’effectifs, ont considérablement affaibli les capacités d’action. Il en est ainsi des régiments du génie, largement démantelés, alors qu’ils assuraient une réaction rapide pour dégager les itinéraires routiers. Lors de cette tempête dans le Sud-Ouest, il aura fallu plusieurs jours avant que des militaires puissent intervenir.

Une commission d’enquête parlementaire avec trois objectifs

Pour les populations qui ont été touchées et tous ceux qui font preuve de la plus grande détermination pour faire face, le temps du bilan doit permettre de tirer les enseignements de la gestion de cet aléa climatique, et d’être force de propositions pour ne pas revivre les mêmes difficultés dans quelques jours, quelques mois ou quelques années.

Un véritable travail de fond s’impose pour analyser toutes les conséquences de la tempête et des difficultés des pouvoirs publics à répondre aux besoins en situation d’urgence. C’est l’objet de cette proposition de résolution.

Cette commission d’enquête parlementaire aurait pour triple objectif de dresser le bilan socioéconomique et humain de la tempête, d’interroger sur les capacités de mobilisation du service public, de gestion, et de réaction des pouvoirs publics, et de proposer des mesures d’accompagnement et d’adaptation cohérentes au regard du diagnostic établi.

Dans un contexte où le changement climatique appelle à des efforts majeurs d’adaptation de la société, la représentation nationale doit impulser cet engagement résolu de l’État à mener une politique de prévention des risques à la hauteur des défis climatiques et environnementaux du XXIe siècle.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’examiner les conséquences de la tempête Klaus du 24 janvier 2009.

1° Elle s’attachera d’abord à dresser un état des lieux complet et objectif des conséquences humaines, socioéconomiques et environnementales de la tempête Klaus sur l’ensemble de la zone géographique touchée, en collaboration avec l’ensemble des acteurs et citoyens concernés et en tenant compte des répercussions à court, moyen et long terme pour les activités impactées.

2° Elle aura pour second objectif d’évaluer les capacités de réaction des acteurs publics : en s’interrogeant sur les moyens mis à la disposition des pouvoirs publics en cas d’aléa climatique, et sur leur évolution au cours des dernières années ; en dressant un véritable état des lieux des conséquences des privatisations, des restructurations, et des réorganisations territoriales des services publics, des entreprises publiques, et des organismes parapublics notamment dans le secteur de l’énergie, des télécommunications et des réseaux de communication, sur la gestion des crises ; en faisant un bilan critique de la sécurisation de l’ensemble des réseaux depuis 1999.

3° Elle fournira enfin, sur la base du diagnostic établi, des propositions d’accompagnement, et d’évolution législative des dispositifs de prévention et de gestion des aléas climatiques, en faisant notamment ressortir les besoins de renforcement des capacités d’action et de réaction des services publics sur tous les territoires.


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