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N° 1531

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à privilégier la résidence alternée pour l’enfant
dont les parents sont séparés
,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Richard MALLIÉ, Jean-Pierre DECOOL, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Abdoulatifou ALY, Jean AUCLAIR, Patrick BALKANY, Jacques Alain BÉNISTI, Gabriel BIANCHERI, Roland BLUM, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Georges COLOMBIER, Geneviève COLOT, Louis COSYNS, Gilles D’ETTORE, Olivier DASSAULT, Hervé de CHARETTE, Bernard DEFLESSELLES, Bernard DEPIERRE, Éric DIARD, Dominique DORD, Raymond DURAND, Alain FERRY, Jean-Claude FLORY, Philippe FOLLIOT, Marc FRANCINA, Arlette FRANCO, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Gérard GAUDRON, Alain GEST, Franck GILARD, Didier GONZALES, Maxime GREMETZ, Anne GROMMERCH, François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Gérard HAMEL, Francis HILLMEYER, Sébastien HUYGHE, Jacqueline IRLES, Denis JACQUAT, Marguerite LAMOUR, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Jean-Paul LECOQ, Jean-Marc LEFRANC, Dominique LE MÈNER, Michel LEZEAU, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Alain MARC, Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Muriel MARLAND-MILITELLO, Franck MARLIN, Gérard MILLET, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Béatrice PAVY, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Michel RAISON, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Bernard REYNÈS, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Francis VERCAMER, Jean-Sébastien VIALATTE, Michel VOISIN et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 4 mars 2002 a ouvert la voie de la résidence en alternance pour les enfants de parents divorcés ou séparés. Le législateur, ainsi que la grande majorité des pédopsychiatres et des spécialistes, ont souligné la présence nécessaire des parents au quotidien, afin de préserver l’équilibre de l’enfant. En effet, Gérard Poussin, professeur émérite de psychologie, affirmait en 2006 devant la Mission d’information sur la famille et les droits des enfants, que les neuf dixièmes des études parues sur la résidence alternée montrent qu’elle a des effets positifs pour le développement de l’enfant et pour ses relations avec ses parents. Aujourd’hui, la résidence alternée est décidée par défaut en Italie, en Belgique, aux États-Unis ou encore dans les pays nordiques.

La résidence alternée résulte d’un long cheminement du droit, des mentalités et de notre société. Le législateur a progressivement établi l’autorité parentale conjointe en 1987, puis en 1993, faisant une place concrète à l’idée de partage de l’autorité parentale au bénéfice des deux parents. À partir de là, est apparu le principe de marquer l’égalité des deux parents, mariés ou non, en couple ou séparés. Les aspirations à l’égalité véhiculées par le féminisme et les mouvements des pères ont fait prendre conscience de la nécessité pour l’enfant de bénéficier de la présence de ses deux parents. Aujourd’hui, 80 % des pères assistent à l’accouchement, 70 % prennent leur congé de paternité. Les pères assument 40 % des taches éducatives et soins aux enfants alors que les hommes travaillent à plein temps dans 95 % des cas. Les cadres français, traditionnellement inféodés aux contraintes professionnelles, réclament du temps pour se consacrer à leur famille.

Légitimement, nous sommes donc allés vers davantage de souplesse dans le domaine des relations familiales et de la séparation des fonctions parentales. Certes, cette reconnaissance de la résidence alternée est affirmée mais elle n’est pas encore de droit : elle demeure soumise à la décision du juge. Elle fait encore débat et rencontre de nombreux points de blocage.

On constate après plusieurs années d’application de la loi, une dérive préjudiciable aux droits de l’enfant. En effet, une véritable prime est trop souvent donnée au parent le plus agressif car le parent qui s’oppose à cette solution paritaire obtient souvent gain de cause. Une étude de février 2004 (Études et statistiques justice, 23) montre qu’en cas de désaccord le juge rejette la modalité de l’alternance paritaire dans 75 % des décisions définitives et deux fois sur trois pour les décisions provisoires. La posture de conflit est non-conforme à l’intérêt de l’enfant et à l’apaisement des conflits entre les parents.

Selon les données du ministère de la justice, au cours de l’année 2007, seuls 21,5 % des divorces par consentement mutuel, et moins de 15 % de l’ensemble des divorces prononcés sur le territoire français, ont donné lieu à la résidence alternée pour l’enfant.

C’est pourquoi, il semble tout d’abord important de promouvoir la médiation familiale qui demeure aujourd’hui peu utilisée. En effet, même si le champ de la médiation a été considérablement étendu par la loi du 26 mai 2004, les résultats restent timides. Ainsi, en 2006, 4 263 mesures judiciaires ont été confiées à des associations et 3 300 furent des demandes directes de particuliers, soit à peine plus de 5 % des conflits.

Par ailleurs, comme l’indiquait Jean Le Camus, professeur de psychologie : « Il faut aussi, c’est essentiel, que chaque parent reconnaisse à l’autre le droit et le devoir de s’occuper à égalité de l’enfant. Or, l’adhésion des deux parents à cette nécessité ne se rencontre pas toujours. Aussi le magistrat doit-il se montrer très attentif aux raisons qui font qu’un parent réclame la résidence unilatérale ; ce peut être une manière d’empêcher les contacts futurs de l’enfant avec l’autre parent. » En effet, le problème aujourd’hui est que quel que soit l’intérêt de l’enfant, un conflit entre les parents empêche systématiquement la résidence alternée.

Par conséquent, il nous faut affirmer avec force que la résidence en alternance égalitaire est préférable dès lors que l’un au moins des deux parents la demande sur la base de critères matériel, géographique et moral.

Il nous faut également être dissuasif à l’égard du parent qui prend le risque de rendre son enfant otage d’un conflit dont il est innocent car la prolongation des conflits familiaux a, sur le comportement de l’enfant, des conséquences importantes en termes de santé publique ou de défaillances scolaires. L’intérêt des enfants priment sur les désaccords ou la mésentente entre les parents.

En outre, ce texte tend à inverser la charge de la preuve. Il appartiendra dorénavant à celui qui souhaite s’opposer à cette résidence paritaire de l’exprimer et de justifier sa position.

Enfin, il est souhaité que dans toute procédure le concernant, le mineur âgé de plus de sept ans soit entendu par le juge. De plus, lorsqu’il en fera la demande, son audition ne pourra être écartée, sauf décision spécialement motivée, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. En effet, le fait d’entendre l’enfant éclaire le juge sur ce qu’il doit décider en son âme et conscience dans l’intérêt et le respect de l’enfant. Il faut que la parole de l’enfant soit prise en compte.

Notre proposition de loi vise donc à rendre plus effective la résidence alternée dans l’esprit de la loi du 4 mars 2002 car, comme le dit Jean Le Camus : « La résidence alternée apparaît la plus égalitaire entre homme-femme, père-mère, et assure une égalité de responsabilités entre les parents. »

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 373-2-10 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 373-2-10. – En cas de désaccord, le juge s’efforce de concilier les parties.

« À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge tente de concilier les parties. Il leur propose une mesure de médiation et peut, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.

« Il leur donne toutes informations utiles sur la procédure et en particulier sur l’intérêt de recourir à la médiation. S’il constate qu’un rapprochement est possible, il peut ordonner la surséance de la procédure afin de permettre aux parties de recueillir toutes informations utiles à cet égard et d’entamer le processus de médiation. La durée de la surséance ne peut être supérieure à un mois. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article 373-2-9 du code civil, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« À défaut d’accord, en cas d’autorité parentale conjointe, le juge examine prioritairement, à la demande d’un des parents au moins, la possibilité de fixer l’hébergement de l’enfant de manière égalitaire entre ses parents.

« En cas de désaccord entre les parents, le juge entend le parent qui n’est pas favorable au mode de résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun de ses parents, exposant les motifs de son désaccord au regard de l’intérêt de l’enfant. La préférence est donnée à la résidence en alternance paritaire. La décision de rejet de ce mode de résidence doit être dûment exposée et motivée.

« Le non-respect par le conjoint de son obligation parentale d’entretien (article 371-2 du code civil), d’obligation alimentaire (articles 205 à 211 du code civil) et de la pension alimentaire remet en cause la décision de résidence en alternance.

« Le tribunal statue en tout état de cause par un jugement spécialement motivé, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause et de l’intérêt des enfants et des parents. »

Article 3

L’article 388-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 388-1. – Dans toute procédure le concernant, le mineur âgé de plus de sept ans et capable de discernement est, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet.

« Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

« Il est entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. »

Article 4

L’article 373-2 du code civil est ainsi modifié :

1° À la dernière phrase du dernier alinéa, après le mot : « déplacement », sont insérés les mots : « en fonction des motifs qui ont provoqué le changement de résidence de l’un des parents et de ressources de chacun des parents » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de déplacement durable de l’un des parents, la préférence est donnée par le juge aux intérêts et maintien des repères de l’enfant, sauf circonstances exceptionnelles. »


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