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N° 1710

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juin 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à préserver l’autorité parentale partagée
en cas de séparation des parents,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Rémi DELATTE, Jacques Alain BÉNISTI, Jérôme BIGNON, Jean-Marie BINETRUY, Patrice CALMÉJANE, Jean-François CHOSSY, Geneviève COLOT, Georges COLOMBIER, René COUANAU, Jean-Michel COUVE, Olivier DASSAULT, Lucien DEGAUCHY, Bernard DEPIERRE, Jean-Pierre DOOR, Marie-Louise FORT, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Didier GONZALES, Jacques GROSPERRIN, Michel HEINRICH, Francis HILLMEYER, Françoise HOSTALIER, Denis JACQUAT, Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, Thierry LAZARO, Robert LECOU, Guy LEFRAND, Céleste LETT, Michel LEJEUNE, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Franck MARLIN, Jean-Pierre MARCON, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Gérard MILLET, Thierry MARIANI, Jean-Marc NESME, Bérengère POLETTI, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Bernard REYNÈS, Arnaud ROBINET, Francis SAINT-LÉGER, François SCELLIER, Jean-Marie SERMIER, Daniel SPAGNOU, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Patrice VERCHÈRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Michel VOISIN et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Afin de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, le législateur a récemment redéfini les contours de la notion d’autorité parentale. Cependant, cette notion demeure très fréquemment bafouée à l’occasion d’une séparation de couple.

En effet, la pratique des expertises familiales dans le cadre du divorce, révèle la multiplication récente de cas de mères ou de pères ayant perdu tout contact avec leur enfant à la suite d’une séparation de fait, de corps ou d’un divorce.

Alors que les séparations ne cessent d’augmenter, nous rencontrons de plus en plus d’enfants qui rejettent un de leur parent sans raison apparente. Questionnés par des spécialistes, ces enfants ne parviennent pas à expliquer les causes de ce rejet, mais expriment des sentiments de haine à l’égard du parent vu comme « fautif ». Or l’interruption des contacts et relations dans un cadre familial est traumatisant aussi bien pour les enfants concernés que pour les parents.

Les statistiques récentes soulignent que les enfants issus de familles monoparentales sont plus enclins à sombrer dans la délinquance que la moyenne. De plus, il apparaît profondément anormal et injuste qu’un parent qui se sent investi de son devoir et de sa responsabilité éducative soit privé de son enfant.

De telles situations sont fréquentes et dans un nombre non négligeables de cas, un parent utilise son enfant et – par des manipulations psychologiques – l’incite à développer un sentiment de rancune et de malveillance à l’égard de l’autre parent jusqu’à la rupture totale du lien avec ce dernier.

En Amérique du Nord, ce phénomène est connu sous le terme de « syndrome d’aliénation parentale ». Cette utilisation de l’enfant pour détruire les liens familiaux a été analysée et explicitée en 1985 par Richard Gardner, professeur américain de pédopsychiatrie et de psychiatrie.

Le syndrome d’aliénation parentale se caractérise par des actions positives de manipulations qui prennent la forme de la dévalorisation constante du parent qui vit en dehors du foyer et de la rupture du contact.

Ce discours de haine d’un parent vis à vis de l’autre crée un état de fusion sans compromis entre l’enfant et l’un de ses parents : celui qui est identifié comme « le bon et le bien aimé » et avec lequel l’enfant vit.

Simultanément ce mécanisme s’accompagne d’un délaissement hostile et sans compromis à l’égard de l’autre parent avec lequel l’enfant ne vit plus.

Cette aliénation cristallise et accentue la situation de conflit entre les parents qui se polarise autour du droit de visite et du droit d’exercice de l’autorité parentale.

Ainsi, une telle manipulation de l’enfant engendre un clivage entre le « bon » et le « mauvais » parent.

Ce phénomène est particulièrement néfaste pour le développement de l’enfant car ce dernier cesse d’être un simple spectateur du conflit entre ses parents mais devient un acteur à part entière. De ce fait, cette prise de position peut faire naître chez lui – en plus de la haine – un sentiment de culpabilité.

Depuis plus de 10 ans, le système judiciaire américain reconnaît de tels agissements. Les magistrats peuvent aussi intervenir en conséquence dans le but de favoriser le parent le plus conciliant, ce qui est loin d’être le cas en Europe.

En effet, force est de constater que la législation française relative à ce sujet est insuffisante. Certes, l’article 373-2 du code civil dispose que chacun des pères et mères doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent, mais un flou juridique demeure quant à l’engagement de la responsabilité des parents en cas de non respect de la loi.

De plus, si certains points peuvent être traités par le code pénal comme la non représentativité d’enfant, la maltraitance psychologique n’est pour l’instant pas encore évoquée explicitement et réprimée comme elle le devrait.

C’est dans cette optique que la proposition de loi qui est soumise à votre vote permet de combler la carence du droit actuel en matière civile et pénale.

Ainsi, les modifications de l’article L. 373-2 du code civil offrent une place déterminante au juge aux affaires familiales pour reconnaître des cas d’aliénation parentale et prendre des mesures de nature à faire cesser l’entrave à l’autorité parentale.

Enfin, la présente proposition de loi vise également une révision de l’article L. 227-2 du code pénal en vue de créer un délit d’entrave à l’exercice de l’autorité parentale, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 373-2 du code civil est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Tout enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses deux parents. Dès lors que l’autorité parentale est conjointe, le juge aux affaires familiales a pour devoir de maintenir et si besoin est de rétablir ce lien parental. »

« Lorsqu’un parent est exclu par l’autre parent de tout choix, de toute orientation, de toute décision concernant le présent et l’avenir de l’enfant, ou lorsqu’il est victime de toute entrave à l’exercice de son autorité parentale telle que définie à l’article 371-1, il peut saisir le juge aux affaires familiales afin de faire respecter ses droits. »

« Au vu des entraves constatées dans les relations familiales, dans le domaine éducatif, ou dans tous les domaines se rapportant à la santé ou la sécurité de l’enfant, le juge prend toutes les mesures de nature à faire cesser l’entrave à l’autorité parentale. Dans ce cadre, il rappelle les devoirs et les droits mutuels de chaque parent. »

« Le juge peut, si les conditions sont réunies, ordonner la résidence en alternance de l’enfant au domicile de chacun des parents afin de promouvoir et d’encourager une relation équilibrée avec les deux parents. »

Article 2

L’article L. 227-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait, par tout ascendant, d’entraver l’exercice de l’autorité parentale par des agissements répétés ou des manipulations diverses ayant pour objet la dégradation voire la rupture du lien familial, est puni d’un an emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »


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